Virgile
Didon et Énée
Énéide, IV, 259-278
Traduction du passage (J. Poucet A.-M. Boxus)
Profitant des sentiments de Didon pour Énée, Junon imagine un stratagème pour fixer Énée à Carthage et l’empêcher de poursuivre son voyage vers l’Italie. Elle propose à Vénus d'unir Didon et Énée, faisant valoir que cette union serait profitable aux deux peuples et, en particulier, aux Troyens. Sans être dupe de la ruse de Junon, mais confiante dans les promesses de Jupiter, Vénus feint de se rallier à ce plan. Au cours d’une chasse grandiose, perturbée par un violent orage, Didon et Énée se réfugient dans une grotte où se déroule, notamment en présence de Junon, un simulacre de mariage, auquel Didon adhère sans aucune réserve, inconsciente du malheur qui l'attend. Informé de cette liaison par la Renommée, Iarbas, le prétendant éconduit de Didon, crie sa colère et reproche à Jupiter cette injuste trahison. Jupiter est sensible à la prière de Iarbas et il envoie Mercure à Carthage pour rappeler à Énée que son destin n’est pas en terre africaine, mais qu’il doit prolonger sa race et fonder un empire en Italie. Aussitôt Mercure s'équipe et s'envole vers la Libye. Découvrant Énée occupé à l'embellissement de Carthage, le messager des dieux lui transmet, sans ménager ses reproches, le message de Jupiter, puis disparaît dans les airs.
Jusqu'à présent, Énée n'est pas encore apparu dans ce livre IV, si ce n’est de manière indirecte lorsque Virgile évoque sa beauté et sa hardiesse lors de la partie de chasse, ou encore à travers les propos de la Renommée. Virgile évite de rien nous dire des vrais sentiments de son héros à l’égard de Didon : amitié et reconnaissance, sans aucun doute, amour, peut-être, mais certainement pas la passion absolue et destructrice qui s’est emparée Didon. Même lorsqu'Énée et Didon s’unissent dans la grotte et vivent ensemble pendant tout un hiver, Virgile ne fait jamais parler son héros. Et cela jusqu'au moment où, sous l'injonction de Mercure, Énée décidera brusquement de quitter Carthage. Virgile glisse sur la faiblesse de son héros ; il fait en sorte qu'Énée apparaisse comme l'instrument inconscient et muet d'une volonté supérieure.
259 Vt primum alatis tetigit magalia plantis,
260 Aenean fundantem arces ac tecta nouantem
261 conspicit. Atque illi stellatus iaspide fulua
ensis erat Tyrioque ardebat murice laena
demissa ex umeris, diues quae munera Dido
fecerat, et tenui telas discreuerat auro.
265 Continuo inuadit : « Tu nunc Karthaginis altae
fundamenta locas pulchramque uxorius urbem
exstruis ? heu, regni rerumque oblite tuarum !
Ipse deum tibi me claro demittit Olympo
regnator, caelum et terras qui numine torquet,
270 ipse haec ferre iubet celeris mandata per auras :
quid struis ? aut qua spe Libycis teris otia terris ?
272 Si te nulla mouet tantarum gloria rerum
273 [nec super ipse tua moliris laude laborem]
274 Ascanium surgentem et spes heredis Iuli
275 respice, cui regnum Italiae Romanaque tellus
debentur. » Tali Cyllenius ore locutus
mortalis uisus medio sermone reliquit
278 et procul in tenuem ex oculis euanuit auram.
Responsable académique : Paul-Augustin Deproost Analyse : Jean Schumacher Design & réalisation inf. : Boris MaroutaeffDernière mise à jour : 3 décembre 2015