OVIDE

 

Métamorphoses

 


INTRODUCTION GÉNÉRALE


 

Diaporama

(2 Mo)


 
Plan de l'introduction générale

 

 

A. Ovide et son œuvre

B. Les Métamorphoses

1. Sources
2. Composition: l'éclatement et le ton alexandrins
3. Esthétique et philosophie: le dévoiement des valeurs augustéennes
4. Histoire du texte

 

PRINCIPES DE NAVIGATION

 

 




 

Les extraits des Métamorphoses d'Ovide consacrés aux légendes de Pyrame et Thisbé, d'Arachné et Minerve, de Dédale et Icare sont hébergés sur le site des cours de Langue et textes latins (FLTR 1780 Poésie) destinés aux étudiants inscrits en première année des bacheliers en philosophie, arts et lettres (premier quadrimestre polyvalent). Ce cours n'est accessible qu'aux étudiants qui ont reçu une formation de latin 4h./semaine pendant les quatre dernières années de l'enseignement secondaire ou qui ont réussi un test d'orientation en début d'année. Un plan de cours détaillé fournit tous les renseignements pratiques concernant les ouvrages de référence, les objectifs, l'organisation et l'évaluation du cours ; il expose la méthode d'enseignement et propose quelques conseils d'études. Une information documentaire sélective est disponible sous la rubrique autonome : ressources documentaires. Le texte latin des épisodes de Pyrame et Thisbé, d'Arachné et Minerve, de Dédale et Icare est accessible en version hypertexte et en version sans liens. La traduction oriente vers une traduction française qui peut servir d'appoint au travail personnel de l'étudiant. Les principes de navigation dans le site sont décrits à la fin de l'introduction.

 

A. Ovide et son œuvre

 

43 ACN — 17/18 PCN. Publius Ovidius Naso est né dans une famille équestre de Sulmo (act. Sulmona) dans le Samnium (région située à l'est de Rome, dans les Abruzzes), au pays des Péligniens. C'est le plus jeune des grands poètes augustéens : au moment de la bataille d'Actium en 31 ACN, qui consacre la puissance exclusive d'Octave, futur Auguste, sur Rome et son empire, Ovide n'a que 12 ans. Les troubles et les misères de la guerre civile ne sont guère pour lui que des souvenirs d'enfance ; il a grandi dans le calme de la paix. Ce qui pour Virgile ou Horace était le début d'une nouvelle espérance, n'est pour le jeune Ovide que la vie quotidienne.

Destiné par son père au barreau et à la politique, Ovide exerça certaines charges subalternes (decemuir, centumuir ou membre d'un tribunal chargé d'examiner des causes privées, surtout des problèmes d'héritage). Mais un attrait irrésistible pour la littérature et une extraordinaire facilité à versifier le poussaient plutôt vers la poésie. Du reste, nous n'avons conservé, pas même dans le souvenir, aucune œuvre en prose d'Ovide — et sans doute n'a-t-il rien écrit sous cette forme — ; même la correspondance fictive des Héroïdes est écrite en distiques élégiaques. Ovide ne peut parler qu'en vers : il dit lui-même que tout ce qu'il essayait d'écrire prenait la forme de vers : Et quod temptabam scribere uersus erat (Tristes, IV, 10, 26). À propos de tout et de rien, il est capable d'écrire un grand nombre de vers, sans heurt, jusque dans les passes d'armes du Contre Ibis, où la polémique la plus virulente s'accommode de la poésie pour détruire un ennemi personnel.

Ovide est le premier des écrivains romains qui soit élevé dans les écoles de déclamation. Il a pour maîtres deux rhéteurs célèbres : Arellius Fuscus et Porcius Latro, dont il imitera sinon reproduira quelques unes des sententiae les plus applaudies, notamment à propos de l'amour dans les poèmes érotiques. En contr., II, 2, 10, Sénèque le Père parle du talent d'Ovide en ces termes : comptum et decens et amabile ingenium. Le lieu commun, la pointe, l'imitation, la dispute ou la controverse sont autant de procédés qu'Ovide doit à sa formation rhétorique ; l'art et l'abondance des discours qui jalonnent son œuvre en sont le témoignage le plus évident, comme l'a notamment montré Simone Viarre dans son chapitre Travestis et modelés de la rhétorique (p. 55-69).

Après un long voyage en Grèce, Ovide entre, pour complaire à son père, dans la carrière judiciaire. Mais bientôt il fréquente les lettrés de son temps, et, très répandu dans le monde, il se voue à la poésie. Ses premières publications lui ouvrent le palais d'Auguste et le cercle littéraire connu sous le nom de « cercle de Messala », dont le poète élégiaque Tibulle était le principal représentant. Ovide se mêle au beau monde de Rome ; et dès lors, il ne vit, il ne sent, il n'écrit plus que pour lui. Le temps n'est plus aux querelles politiques fratricides ; l'âge de la littérature de combat est passé ; l'époque augustéenne est une période calme ; jamais la vie mondaine n'a été aussi brillante ; c'est comme une accalmie entre les troubles des guerres civiles et les prochaines fureurs de Tibère ; les mœurs sont plus douces, les manières plus polies qu'au temps de Catulle ; tout ce monde riche et noble ne doit redouter ni les guerres étrangères, ni les agitations populaires, ni les caprices des tyrans ; il n'a pas à s'occuper des affaires publiques ; il n'a qu'à s'amuser. À l'exception des poèmes de l'exil, l'œuvre d'Ovide s'inscrit pour une bonne part dans ce climat d'oisiveté, de sécurité, de richesse ; elle participe pleinement à l'esprit mondain de l'époque à laquelle elle appartient.

Après avoir mené longtemps une vie d'homme cultivé, d'écrivain adulé, de courtisan fidèle, Ovide est soudain frappé de disgrâce (8/9 PCN), sous prétexte d'écrits licencieux. En réalité, l'exacte raison de cette disgrâce reste une énigme, car le poème qui mérite le plus cette critique, L'art d'aimer, est écrit depuis 10 ans déjà. Plusieurs autres explications ont été proposées, sans qu'aucune ne puisse l'emporter définitivement : l'amour du poète pour Julie, la fille d'Auguste ; ses attentions pour Livie, l'épouse de l'empereur, qu'il connaissait en tout cas fort bien par l'intermédiaire de sa troisième femme, Fabia ; le fait qu'il aurait surpris quelque secret de palais, — notamment concernant les intrigues qui visaient à donner pour successeur à Auguste son beau-fils Tibère de préférence à son petit-fils Agrippa Postumus. Il semble bien en tout cas que la faute fut involontaire, car l'homme était sans ruse. Pour l'état le plus complet et le plus récent sur cette question tant de fois discutée, on consultera d'abord le livre de Raoul Verdière, au titre suggestif : Le secret du voltigeur d'amour ou le mystère de la relégation d'Ovide. Toujours est-il que cette disgrâce interrompt brutalement la carrière romaine d'Ovide, sans qu'il ait pu mettre la dernière main aux Métamorphoses et alors qu'il est occupé à écrire les Fastes. Le poète est frappé d'un bannissement perpétuel, exilé à Tomes, près du Danube dans le Pont-Euxin, aux frontières de l'empire (act. Constanza, en Roumanie sur les bords de la Mer Noire) ; comme il s'en plaint amèrement dans les recueils poétiques de son exil, il a dû vivre là-bas parmi les barbares, Gètes et Sarmates — dans la langue desquels il aurait écrit quelques oeuvres —, perdu aux confins du monde connu et affronté aux rigueurs d'un climat continental. Malgré ces poèmes, qui sont autant de plaintes adressées à ses amis, à sa femme ou à l'empereur pour obtenir son pardon et son retour au pays, Ovide meurt en terre étrangère après un cruel exil d'une dizaine d'années : Auguste et son successeur Tibère, à partir de 14 PCN, resteront sourds aux suppliques sinon aux flatteries du vieux poète. Il avait écrit à sa femme: « Fais que mes os soient rapportés dans une petite urne! Ainsi lorsque je serais mort je ne serais plus exilé. » Ce souhait ultime ne sera pas exaucé et Ovide repose toujours quelque part près de Tomes. Même si elle reste un mystère, la « faute » d'Ovide dut être particulièrement grave aux yeux du nouveau pouvoir impérial pour mériter un tel châtiment au poète le plus brillant et le plus délicat qu'ait jamais connu Rome.

On peut répartir l'œuvre d'Ovide en trois grands groupes : des œuvres de jeunesse consacrées au chant léger de l'amour et de ses pratiques (Les Amours, Les Héroïdes, Produits de beauté pour le visage des femmes, L'art d'aimer, Les remèdes à l'amour) ; deux grandes fresques poétiques en plusieurs livres : un poème mythologique en quinze livres, composé en hexamètres dactyliques à partir de l'an 1 ACN, les Métamorphoses, et un « calendrier » poétique des grandes fêtes romaines, composé en distiques élégiaques à partir de 3 PCN, dont Ovide n'a pu écrire que les six premiers livres, jusqu'au mois de juin, les Fastes ; des élégies d'exil, enfin, dans lesquelles le poète chante sa souffrance du bannissement (les Tristes en cinq livres et les Pontiques en quatre livres). Dans le Contre Ibis, Ovide déverse sa haine sur un ancien ami qui avait essayé de s'emparer de sa fortune et de son épouse pendant son exil. Parmi les œuvres secondaires, perdues ou lacunaires d'Ovide, on citera un essai de Gigantomachie, sur un thème hellénistique traditionnel, qui a pu servir de brouillon à certains épisodes des Métamorphoses, les Halieutiques, qui sont un traité inachevé consacré à l'art de la pêche, sans doute la dernière œuvre du poète écrite pendant son exil, une Consolation à Livie Augusta sur la mort de Drusus Néron son fils, une élégie allégorique De nuce, où un noyer, planté sur la voie publique, se plaint d'être la cible des jets de pierre des voyageurs et des passants, et surtout une tragédie Médée (12 ACN), dont il ne nous reste malheureusement que deux vers, mais dont on sait qu'elle a connu un succès considérable en récitation publique et qu'elle a probablement inspiré la Medea de Sénèque.

 

B. Les Métamorphoses

 

1. Sources

Le thème de la métamorphose est bien connu dès les légendiers grecs. Ces recueils présentaient une foule de transformations de dieux ou d'hommes en animaux, en plantes, en astres, et leurs récits relevaient de traditions régionales grecques ou périphériques, en ce compris des folklores lointains comme ceux d'Égypte ou même de Babylone… L'époque hellénistique et alexandrine a aussi cultivé ce thème, baroque par excellence, en groupant en recueils les épisodes similaires, comme par exemple les recueils d'Ornithogonia, consacrés aux métamorphoses aviaires. Ovide a certainement puisé une part importante de ses sources chez des auteurs hellénistiques du IIIe ou IIe siècle, tels que Nicandros de Colophon ou Antigonos de Carystos, qui avaient rassemblé de nombreux récits de métamorphoses, notamment à valeur étiologique, ou encore Boios, auteur d'une Ornithogonie. Il faut cependant souligner que si ces auteurs ont pu être des sources d'Ovide, ils n'ont certainement pas été ses modèles ; ils n'ont fourni à Ovide que la matière brute de son poème et non sa structure, son esthétique, son idéologie. Par ailleurs, avant Ovide, la poésie latine était déjà aussi attirée vers ce pittoresque mythologique : ainsi par exemple, le carmen 66 de Catulle raconte le catastérisme de la chevelure de Bérénice ; un ami d'Ovide, Aemilius Macer, avait écrit une Ornithogonie ; dans le livre IV de ses Géorgiques, Virgile admet que des abeilles puissent naître du cadavre d'un taureau en décomposition. Ovide a probablement imité tous ces auteurs, mais il a aussi beaucoup emprunté, dans le détail, aux poètes épiques, depuis Homère et les grandes épopées grecques, aux tragiques grecs et surtout à Euripide, le plus rhéteur et le plus philosophe, aux tragédies latines d'Ennius et Accius, à Catulle, et, bien sûr, à Virgile, notamment pour les derniers livres des Métamorphoses, où Ovide récrit une Énéide, sans pour autant avoir l'ambition de lutter avec son illustre modèle. Parmi les sources du poème d'Ovide, il faut aussi tenir compte d'une source philosophique : le renouveau de ferveur pour le pythagorisme donnait, en effet, actualité à la doctrine du transformisme qui traverse tout le poème d'Ovide : conformément à cette doctrine, les légendes des Métamorphoses établissent une échelle ininterrompue des êtres depuis la plante jusqu'au dieu, et Pythagore intervient lui-même dans le dernier chant du poème comme une clé de lecture pour l'ensemble de l'œuvre.

 

2. Composition : l'éclatement et le ton alexandrins

Les Métamorphoses sont l'un des plus longs poèmes que nous ait laissé l'antiquité : quinze livres, plus de douze mille vers totalisant plus de 250 légendes, commencés en l'an 1 avant notre ère et « achevés » en 8, à la veille de l'exil du poète qui regrette de ne pas avoir pu y apporter les dernières corrections (Trist. I, 7, 333-sq). Dans les XV livres des Métamorphoses, Ovide prétend couvrir l'ensemble de l'histoire, « depuis les origines du monde jusqu'à mon temps » (met. I, 4), soit depuis le chaos primitif jusqu'à la mort, l'apothéose et le catastérisme de Jules César, qui précédait d'un an la naissance du poète. Au début du livre I, étonnamment proche du récit biblique de la Genèse, un dieu tire le monde du chaos, donne à la terre et au ciel leur forme actuelle et crée les êtres vivants, dont l'homme, avant que le monde ne se constitue en quatre âges, dont le dernier, celui du fer, a plongé l'humanité dans un temps de transgressions et de violences. Rapidement, les crimes se propagent partout, ce qui oblige Jupiter à régénérer l'humanité. Le déluge recouvre la terre et détruit tout ; un seul couple humain survit, Deucalion et Pyrrha, d'où surgit, miraculeusement, une humanité nouvelle. Puis s'enchaînent les légendes, les plus connues comme les plus rares dans le répertoire des mythologies anciennes, toutes celles qui racontaient une métamorphose, la transformation d'un être vivant en autre chose que lui-même. Les Métamorphoses ont donc pour ambition de raconter l'histoire du monde, non pas en retraçant la naissance et l'histoire glorieuses des cités, des familles, des dynasties selon une trajectoire linéaire, mais bien en juxtaposant, dans l'insouciance chronologique et en un apparent désordre littéraire, d'innombrables récits mythologiques aux attaches peu définies, comme le sont les êtres qui en sont les héros : « Mon cœur me porte à dire les formes changées en corps nouveaux », annonce Ovide dès le premier vers de son poème : In noua fert animus mutatas dicere formas/ corpora.

Les Métamorphoses poussent jusqu'à sa subversion le modèle de l'épopée alexandrine, formée de « tableaux » et d'épisodes juxtaposés, que les modernes appellent des epyllia et les anciens épos tutthón ou « petite épopée ». Ce modèle rompt avec le genre traditionnel de la « grande épopée » homérique ou virgilienne, même si, à bien des égards, l'Énéide sait aussi recourir aux procédés alexandrins de composition. Contrairement à l'Iliade, l'Odyssée ou l'Énéide, les Métamorphoses, bien qu'écrites en hexamètres dactyliques ou metrum heroicum, ne sont pas un poème continu, mais plutôt une réunion de poèmes juxtaposés. Pour autant, cet éclatement du grand poème n'exclut pas la cohérence narrative. Après les récits d'origine, les métamorphoses se suivent en respectant dans leurs grandes lignes les générations divines successives ; car les dieux du paganisme, s'ils sont immortels, n'existent pas de toute éternité : ils sont nés de parents divins, ils ont une histoire, ils ont connu l'amour, la joie et la colère, la souffrance parfois. Leurs aventures, bientôt, viennent interférer avec l'histoire des hommes : dès la fin du livre III et pendant plusieurs livres, les Métamorphoses offrent une suite de tableaux extraits de l'histoire la plus ancienne de Thèbes, d'Athènes, ou autres villes ou régions de Grèce ; cela étant, dans cette partie du poème, toute tentative de groupement logique des légendes serait assez vaine : au milieu de cycles plus ou moins cohérents, le poète se plaît à jeter une poussière de fables, d'importance et de longueur diverses, au gré de son inépuisable fantaisie de conteur. Les livres XI à XIII se situent en marge de la guerre de Troie, où le poète écrit une nouvelle Iliade ; son regard vient alors se fixer sur Énée, et, jusqu'à la fin du livre XIV, Ovide récrit l'Énéide à sa manière, plus attentif à la dimension individuelle des destins mis en présence qu'à leur enjeu collectif et national. La fin du livre XIV nous amène aux premiers temps de Rome, à la trahison de Tarpéia (qui est une retractatio de Properce, 4, 4) et à l'apothéose de Romulus. Le livre XV, enfin, s'attarde sur quelques images fortes de l'histoire romaine : le roi Numa et l'enseignement de Pythagore, la peste à Rome et l'arrivée d'Esculape, le meurtre et le catastérisme de Jules César.

D'autres cohérences se dégagent également de cette collection légendaire :

— tantôt les épisodes sont rattachés les uns aux autres en vertu d'une certaine analogie dans les sujets : par exemple l'impiété punie qui réunit les histoires d'Arachné, de Niobé, des Lyciens, de Marsyas au livre VI;

— Ovide essaie aussi de regrouper diverses légendes : par cycle, comme le cycle de Bacchus au chant IV ; ou bien il suit un ordre généalogique ; ou bien encore un ordre géographique. Car les légendes ont un enracinement régional (Arcadie, Laconie, Béotie, îles ; périphérie de l'hellénisme ; légendes thessaliennes, phrygiennes, syriennes, babyloniennes, comme la légende de Pyrame et Thisbé, etc.)

— Ovide entrelace encore les récits « en gigogne » les uns dans les autres, à la façon des apologues qui s'enchevêtrent dans les longs poèmes de l'Inde, à la façon aussi des récits que font les personnages de l'épopée au moment où ils racontent leurs aventures passées. Tous les conteurs ont utilisé ce procédé traditionnel depuis l'Odyssée jusqu'aux Mille et une Nuits, en passant par le récit d'Énée aux chants II et III de l'Énéide et le roman latin des Métamorphoses ou l'Âne d'or d'Apulée. Ainsi, au livre IV du poème d'Ovide, les filles de Minyas content tour à tour à leurs compagnes l'aventure de Pyrame et Thisbé, les amours de Mars et de Vénus, celles de Salmacis et d'Hermaphrodite ; au Ve livre, les Muses racontent à Minerve l'histoire de leur lutte avec les Piérides, histoire dans laquelle se trouvent insérés plusieurs récits de métamorphoses. Au début du livre VI, à l'occasion de la description des tapisseries d'Arachné et de Pallas, Ovide aligne de nombreux souvenirs légendaires. Au livre X, Orphée, pourtant accablé de douleur au souvenir d'Eurydice, trouve la force de raconter des légendes durant 700 vers. Avant Ovide, Catulle avait aussi pratiqué ce procédé de la « mise en abyme » dans un épithalame célèbre : à l'occasion du poème nuptial qu'il avait chanté en l'honneur des noces de Thétis et Pélée (carm. 64), il avait longuement rapporté les plaintes d'Ariane abandonnée à Naxos par Thésée, qui étaient illustrées sur le voile de la couche des nouveaux époux.

Les Métamorphoses sont aussi une œuvre alexandrine par le ton dont elle traite l'univers mythologique : l'érudition, notamment géographique, généalogique ou toponymique, jalonne tout le poème, mais aussi le goût pour l'anecdote, le paradoxe, le pittoresque. Cet aspect des choses se retrouve dans le traitement lui-même des fresques mythologiques. Alors que la grande majorité des sujets sont grecs, Ovide les romanise et en adoucit considérablement la violence : les mythes fondateurs perdent leur force primitive, telle qu'elle apparaissait encore dans la première tragédie grecque ou dans les premières cosmogonies, au profit d'un univers légendaire plus policé et mondain. Tous les personnages sont habillés à la romaine. La hiérarchie de l'Olympe est celle du monde politique romain : au sommet, Jupiter et Junon, dont la demeure s'appelle le « Palatin du grand ciel » (met. I, 176 : magni Palatia caeli), l'aristocratie est constituée des grandes divinités (l'ordre sénatorial), la plèbe céleste est composée des demi-dieux ou héros sans importance (met. I, 173 : plebs habitat diuersa locis). Les manières sont très polies. La Muse a peur de fatiguer Pallas par un trop long récit, et celle-ci, qui sait vivre, la prie gracieusement de continuer. Apollon a pitié des enfants de Niobé : il les tue, parce que la légende le veut, mais il ne peut s'empêcher de les plaindre. Les scènes de pur carnage et de supplices violents sont éliminées : la mort de Penthée et celle des fils de Médée sont racontées très sommairement. L'Olympe d'Ovide est un Olympe galant, très courtois, avide de scandales, très proche du monde madrigalesque ou du marivaudage : préciosité des femmes dans l'habillement, leur fausse ingénuité, leur molle résistance, leur timidité, présence de l'amour au milieu des scènes les plus tragiques. Il est aussi un univers de rare élégance où, par exemple, le soleil dépose la couronne de ses rayons pour embrasser son fils Phaéton (met. I, 41-42).

Cette préciosité s'accompagne d'un intérêt prononcé pour le jeu d'esprit et la virtuosité verbale, non sans induire un risque du mauvais goût : ainsi, par exemple, dans la légende de Philomèle et Procné, au livre VI, lorsqu'il mange à son insu les membres de son fils Itys, Térée « engloutit ses entrailles dans son ventre », où le poète joue sur la métonymie des uiscera : inque suam sua uiscera congerit aluum (met. VI, 651). Loin de rendre plausibles les prodiges des métamorphoses, Ovide se plaît à en faire ressortir l'étrangeté. Plus la situation est curieuse, plus il insiste sur les détails extraordinaires. Le moment où l'être est métamorphosé, où il n'est ni homme ni animal mais les deux à la fois, est naturellement celui qui attire la préférence du poète ; il étale au grand jour la transformation, et en accuse la colossale invraisemblance. Ailleurs, dans la peinture du déluge au livre I, il est surtout frappé par le renversement des lois de la nature : rien n'est plus à sa place ; les tigres et les lions nagent sur la mer ; les phoques s'étalent sur les rochers où broutaient les chèvres ; les poissons s'ébattent dans les branches des arbres ; et, en l'occurrence, plutôt que les conséquences tragiques de l'événement, Ovide en imagine les aspects cocasses et extravagants.

 

3. Esthétique et philosophie : le dévoiement des valeurs augustéennes

Pour autant, l'alexandrinisme des Métamorphoses n'est pas un simple ornement littéraire, un plaisir d'esthète. Ovide, certes, s'amuse tout au long de son poème, mais le plaisir qu'il prend à raconter ces légendes n'exclut pas qu'il puisse croire personnellement en la valeur spirituelle et philosophique de la notion de métamorphose comme principe du devenir universel. L'alexandrinisme du poème participe, en réalité, d'une intuition philosophique et d'une esthétique qui sont intimement liées et qui sont au cœur même du message poétique tout entier ouvert sur la transgression et l'éclatement de l'ordre classique. À le considérer tel qu'il est, le monde apparaît pour Ovide instable, irrégulier, « englouti par le temps qui ronge l'univers », où « tout change, rien ne périt, et sans aucun répit tous les corps se transforment. » La nature sans cesse innove et renouvelle : rerum nouatrix natura, toutes citations extraites du discours de Pythagore au livre XV, qui est comme le programme philosophique du poème et qui théorise la vision baroque d'un univers en métamorphose incessante, indéfinie : voir XV, 178-185 (le fleuve du temps), 165, 233, 241, 252 sq, 419 sq (vision de l'universel changement). À travers Pythagore, Ovide voit et décrit l'univers comme un « kaléidoscope » d'apparences, dont les frontières entre les êtres sont en perpétuelle mutation et où les lois de la vie sont la porosité, l'évolution et le métissage plutôt que la pureté, le fixisme et la frontière. Loin d'être une digression du poème, le discours de Pythagore au livre XV, au-delà de ses apparences goguenardes, en est la véritable clé. Du reste, fidèle à lui-même, Ovide place ainsi à la fin de son œuvre le texte qui permet d'en élucider tout le sens et qui oblige à en recommencer la lecture avec un nouveau regard.

Dès le premier vers, l'esthétique des Métamorphoses prend le contre-pied d'un art poétique classique, tel que l'avait défini Horace au début de sa Lettre aux Pisons : cfr. met. I, 1: In noua fert animus mutatas dicere formas/corpora… (« Le coeur me dit de chanter le changement des formes en des corps nouveaux »), et HOR., ars I, 1-13. « Formes nouvelles » et « changements » sont les maîtres mots de cette poésie qui s'oppose aux formes traditionnelles de la grande poésie épique tournée vers la célébration du passé et de l'ordre, tout en la parodiant par l'utilisation du mètre épique, l'hexamètre dactylique. Ovide prend résolument le parti de refuser toute stabilité rationnelle au profit d'une recherche du « fondu enchaîné » des héros et des dieux, des mortels et des animaux. Au delà de ses apparences anecdotiques, le monde des Métamorphoses est un monde de transgressions perpétuelles des règles, de l'ordre, qui dissout la vérité du réel et de ses lois en un devenir instable des êtres et des choses.

Par delà le mot d'ordre d'Horace, Ovide s'attaque, en réalité, à une convenance littéraire qui est aussi celle du nouvel ordre idéologique mis en place par Auguste. Car l'enjeu de cette esthétique n'est pas seulement de proposer une nouvelle manière d'écrire ; il est aussi, et sans doute d'abord, le refus d'un système culturel fondé sur une vision classique et réglée de l'histoire du monde et des rapports entre les hommes et les dieux. L'anticlassicisme d'Ovide est une manière de révolte contre le programme augustéen de « réarmement moral et religieux », et il est d'autant plus redoutable que l'extraordinaire talent d'Ovide n'offre aucune prise à la critique de son goût littéraire, aussi bien que de la perfection formelle de sa langue et de sa métrique. De ce point de vue, le dossier controversé de l'exil d'Ovide, précisément ordonné par Auguste, reçoit un éclairage nouveau. Même autorisée par les traditions mythiques, cette canonisation de l'imaginaire et de son irrationalité n'a pas dû être l'une des raisons les moins profondes de la disgrâce du poète auprès d'un pouvoir épris d'ordre apollinien, de stabilité, et d'un retour austère sinon ascétique à la Rome d'antan. Tout en respectant la perfection formelle du classicisme, Ovide lui lance le défi d'une poésie merveilleusement irrationnelle, instable, sinueuse, indéfinie ; perdue dans les courbes de ses propres méandres, elle rythme toutes les ambiguïtés du monde, à l'image du fleuve devenu un nom commun : « Ainsi se joue en ses ondes limpides le Méandre phrygien, et son cours ambigu tantôt reflue ou coule ; au devant de lui-même il voit venir ses ondes, et tantôt vers ses sources ou vers la mer ouverte, il oriente ses eaux incertaines… » (met. VIII, 162 sq).

Parallèlement, la philosophie de la métamorphose n'est peut-être pas non plus étrangère au mystérieux exil d'Ovide, ainsi que l'a montré Jérôme Carcopino. En effet, les indices ne manquent pas que le poète était d'obédience néo-pythagoricienne, un système de croyance et de pensée qui connaissait une certaine vogue à Rome à l'époque d'Ovide. Proclamant la primauté de l'instable, de l'hybridité et de la métamorphose universelle sur les valeurs d'ordre, de cloisonnement et de gloire durable, cette croyance constituait une menace pour l'idéologie prônée par le nouveau pouvoir impérial, tout entière basée sur la certitude de la grandeur de Rome, de la puissance de ses dieux et de la mythification de ses chefs. La croyance en la métempsycose, qui postule une parenté universelle entre tous les êtres vivants, n'était pas non plus sans danger pour la société romaine fortement hiérarchisée. La divination était également pratiquée par les adeptes de ce système et il n'est pas impossible que, pour connaître l'avenir du prince, Ovide se soit lui-même livré à ces pratiques, légalement réservées aux prêtres de la religion officielle.

Au total, les Métamorphoses apparaissent comme un poème qui cadre mal avec la pensée dominante de son temps. On a pu parler à leur sujet de « subversions épiques » (Jouteur, p. 209 sq), tant dans la forme que dans le traitement des mythes qu'elles exploitent ; ainsi, par exemple, les dieux du Panthéon sont-ils souvent pris en flagrant délit de perversité quand ils s'immiscent dans le monde des mortels, et plus particulièrement des mortelles, alors qu'Auguste avait placé au cœur de sa politique de réformes la réhabilitation des anciens cultes. Au livre XIV, l'Énéide des Métamorphoses participe elle-même de cette contestation des valeurs épiques : Ovide récrit les aventures d'Énée selon une nouvelle structure, qui fait éclater la dimension collective de la quête héroïque au profit des drames individuels qu'elle a induits, au terme desquels le jeu parodique finit par jeter le soupçon sur la piété traditionnelle du héros virgilien. Le grand genre officiel de l'épopée se voit ainsi malmené en une fragmentation légendaire qui déstructure les grands récits mythiques, notamment récupérés par le régime augustéen pour imposer son idéologie. Ovide relit les mythes en une lecture radicalement différente de la lecture traditionnelle, éloignée de la vulgate reconnue, laissant la place à des variantes secondaires ou même à l'ironie et au dénigrement qui redéfinissent la nature des relations entre l'homme et le divin. Convaincu que ces relations relèvent moins d'une foi organisée que d'une sensibilité religieuse diversifiée, le poète fait éclater les grands cycles mythiques en un désordre qui ne prend son sens que dans l'image subversive de l'entropie universelle affirmée dès le premier vers et nouée dans le discours de Pythagore sur l'instabilité des choses et le changement perpétuel au dernier livre du recueil ; complètement désarticulé, l'univers mythique des Métamorphoses sert, en définitive, un programme esthétique et spirituel fondamentalement rebelle à la restauration augustéenne des valeurs d'ordre. Comme l’a bien montré Jacqueline Fabre-Serris, Ovide dénonce l’ampleur de la mainmise augustéenne sur la mythologie, et, en ce sens, les Métamorphoses sont souvent écrites en opposition à l’Énéide, dont elles refusent l’embrigadement idéologique au service du Principat. Le poème d’Ovide n’ordonne plus l’univers mythologique à la gloire de Rome et du prince ; au contraire, cet univers apparaît souvent hostile aux hommes, méchant, cruel et pervers, conduit par la seule exigence de l’assouvissement de ses passions amoureuses ; ses interventions dans le monde des humains ne sont plus réglées par le destin, mais par le hasard, et, loin d’apporter le bonheur, elles engendrent l’injustice et la souffrance.

Sans compter que le poète qui se présentait lui-même comme le magister amoris ne pouvait pas non plus ne pas réserver une place privilégiée à l'amour, cette valeur si étrangère au monde épique et omniprésente dans l'univers des Métamorphoses. B. Otis a pu définir le poème d'Ovide comme une « épopée de l'amour », en une formule paradoxale qui concilie le caractère fondamentalement narratif de l'œuvre avec les préoccupations favorites du poète. Chez Ovide, le mètre héroïque devient le réceptacle d'un érotisme récurrent qui relit de nombreux mythes à la lumière des thèmes de l'élégie, comme la puella inaccessible, l'exclusus amator, la porte qui sépare les amants, la brûlure d'amour, les techniques de la séduction, les manifestations du désir amoureux, la lettre d'amour, etc. Or, le motif officiel de la sentence d'exil prononcée contre Ovide était la publication d'écrits licencieux. Nonobstant les réserves qu'il faut apporter à cette explication, il est vrai qu'Ovide défend une conception de l'amour qui risquait, elle aussi, de heurter les ambitions morales du nouveau pouvoir, soucieux de restaurer les anciennes vertus romaines de fidélité et de pudeur. Au cœur d'un projet épique qui théoriquement est censé y renoncer, l'exaltation du sentiment amoureux, y compris dans ses manifestations les plus troubles, n'était décidément pas à l'ordre du jour du programme idéologique du nouveau régime. Tout ceci mis ensemble laisse supposer qu'au delà de leur apparente légèreté, les Métamorphoses constituaient en définitive un véritable brûlot culturel qui menaçait de saper les fondements mêmes de la restauration augustéenne et qui méritait dès lors d'être éteint avec la plus grande sévérité.

 

4. Histoire du texte

D'après le témoignage de Tristes, I, 7 — le livre I des Tristes a été achevé au printemps de l'an 9 —, lorsqu'il apprit la sentence d'exil qui le frappait, Ovide brûla son manuscrit des Métamorphoses de sa propre main, soit, dit-il, par dépit contre les Muses, causes de sa disgrâce, soit parce que l'œuvre était encore imparfaite, à l'état d'ébauche. Mais du même témoignage il résulte que d'autres exemplaires étaient déjà répandus dans Rome à ce moment, sur lesquels Ovide n'avait pas pu mettre la dernière main et à propos desquels il s'est inquiété plusieurs fois dans son exil. Sans doute a-t-il occupé dès lors une partie de ses années d'exil à revoir, à corriger le poème, et des copies plus satisfaisantes sont alors rentrées à Rome par ses soins, mais toujours selon des modes irréguliers et non garantis : tous les écrits qui portaient le nom d'Ovide étaient systématiquement tenus à l'écart des bibliothèques publiques et les libraires hésitaient à les diffuser. Sénèque le Père est un des premiers à citer ce poème, mais le texte en est déjà incertain en bien des endroits : lorsqu'ils citent les Métamorphoses, les deux Sénèques donnent des variantes qu'on ne retrouve dans aucun de nos manuscrits. Publication tumultueuse donc dont la critique savante doit toujours se souvenir : il est toujours possible que les corrections d'Ovide, communiquées à Rome, ont été, sans l'intervention d'aucun libraire, reportées en marge des exemplaires qui circulaient et que ces corrections, comme il arrive souvent, ont très vite passé sans discernement des marges dans certains textes pour n'en plus sortir.

Le poème d'Ovide était bien connu des contemporains du poète et apprécié en sens divers. Sénèque fait allusion aux Métamorphoses dans son Apocoloquintose (9, 5), et critique la description ovidienne du déluge dans les Questions naturelles (3,27,13-15). Parmi les chrétiens, saint Jérôme fait allusion aux Métamorphoses et, en particulier, aux transformations de Daphné et des Héliades, ainsi qu'aux déguisements de Jupiter (In Ionam, 2, 2). Au IVe siècle, Lactance, le précepteur de l'empereur Constantin, invoque le témoignage d'Ovide sur le Dieu créateur du monde (diu. inst., I, 5, 13 ; cfr. met. I, 57 : fabricator mundi, et I, 79 : opifex rerum).

Outre ces jugements et ces citations directes, il faut aussi considérer la façon dont Ovide a été imité jusqu'à la fin de l'antiquité : par les poètes païens (Sénèque le Tragique, Valerius Flaccus, Stace, Silius Italicus, Juvénal, Martial, Claudien, dont on peut comparer l'épopée De raptu Proserpinae avec le récit du même épisode dans le livre V des Métamorphoses) ; mais aussi par les poètes chrétiens. Ainsi, Prudence fait figure d'Ovide chrétien, comme le montre l'enquête de S.M. LIGUORI-EWALD, Ovid in the Contra orationem Symmachi of Prudentius, diss. Washington, 1942 qui étudie les loci similes du Contre Symmaque de Prudence ; à l'extrême fin du Ve siècle, le poète africain Dracontius raconte la naissance d'Ève en des termes qui doivent plus à la sensualité ovidienne qu'à l'austérité biblique (voir P.-A. DEPROOST, « Telle une nymphe de l'abîme... » La création d'Ève dans l'Hexameron poétique de Dracontius (laud. Dei I, 371-401), dans P.-A. DEPROOST — A. MEURANT, Images d'origines. Origines d'une image. Hommages à Jacques Poucet, Louvain-la-Neuve — Bruxelles, Academia-Bruylant — Presses universitaires de Louvain — Facultés universitaires Saint-Louis, 2004, p. 393-402 [Coll. Université catholique de Louvain. Bibliothèque de la Faculté de philosophie et lettres. Transversalités, t. 4]). Au VIe siècle, le poète Arator décrit la mort de Judas en reprenant à Ovide plusieurs images de l'épisode de Dédale et Icare : parmi les parallèles textuels de cette reprise pour le moins inattendue, on citera : la situation des deux personnages « entre ciel et terre », le caractère « inédit » des deux événements, la brise vagabonde, le baiser de la reconnaissance oscula figens, l'adjectif perosus, l'absence commune de sépulture, les thèmes communs du défi à la divinité et d'une mort entre ciel et terre, qui s'achève en une chute (voir P.-A. DEPROOST, La mort de Judas dans l'Historia apostolica d'Arator (I, 83-102), dans REAug, t. 35 [1989], p. 135-150). Au Ve ou au VIe siècle sont aussi rédigés des sommaires du poème qui accompagnent le texte dans nos meilleurs manuscrits et que l'on attribue souvent au grammairien Lactantius Placidus (IVe s.), auteur d'un commentaire sur la Thébaïde et l'Achilléide de Stace.

Bien qu'il soit souvent cité dans le haut moyen âge, le plus ancien fragment de manuscrit du poème ne remonte qu'à la seconde moitié du IXe siècle : il s'agit d'un fragment de deux feuillets, compris dans le manuscrit de Berne, 363, écrit avec assez de négligence en écriture insulaire, qui ne mérite pas, malgré son ancienneté, une confiance inconsidérée. Dès lors, les copies vont se multiplier — nous possédons aujourd'hui plus de cent cinquante manuscrits des Métamorphoses —, et la fortune d'Ovide atteint rapidement son apogée au moyen âge dans tous les domaines. Dès le début de la période, Boèce parsème sa Consolation de Philosophie, et particulièrement ses parties en vers, de réminiscences variées souvent extraites des Métamorphoses. Par la suite, Ovide est expliqué dans les écoles et les universités médiévales ; on rédige des introductions ou accessus, qui font une part importante à la biographie, souvent fantaisiste, du poète ; aux XIIIe et XIVe siècles, ces préambules précèdent souvent le commentaire proprement dit de l'œuvre et sont liés, par leur contenu, à la nature de cette œuvre. À la fin du moyen âge, le chant ovidien de l'amour impressionne des auteurs comme Christine de Pisan, Pétrarque, Boccace.

Au moyen âge, les Métamorphoses d'Ovide ont aussi été traduites et imitées dans les langues vulgaires, qui les ont ainsi rendues accessibles à un public plus large. En 1210, le poème est traduit en allemand. Dans les dernières années du XIIIe siècle, le moine byzantin Planude en donne une traduction grecque. Mais l'entreprise la plus étonnante par son ampleur et son orientation est la grande compilation de l'Ovide moralisé publiée en français dans les premières années du XIVe siècle, et suivie plus tard par son homologue latin, l'Ovidius moralizatus de Pierre Bersuire, moine bénédictin ami de Pétrarque. Ce gigantesque poème de plus de septante mille vers propose une christianisation des Métamorphoses, constituant ainsi le point d'aboutissement d'une démarche allégorisante déjà commencée par les interprétations antiques de la fable qui lisaient l'œuvre à la lumière d'explications évhéméristes, physiques, scientifiques ou moralisantes. La traduction française du texte est continuellement interrompue par l'amplification et la transposition chrétiennes des integumenta mythiques, où les héros ovidiens et leurs gestes sont les figures de réalités mystiques.

 

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Responsable académique : Paul-Augustin Deproost
Analyse : Jean Schumacher
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Dernière mise à jour : 28 septembre 2017