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Biographie
(Crédit: Aline
Diederich)
Cicéron (Marcus Tullius Cicero), homme politique, orateur et écrivain latin, né à Arpinum en 106 avant Jésus Christ, mort à Formies en 43. Il naquit dans une famille d'ordre équestre et il fit de brillantes études. Défavorisé cependant par son origine provinciale, il va forger sa carrière " à la force du poignet " : c'est un " homo nouus ".Vers l'âge de 20 ans, il écrit son premier livre et à 25 ans prononce son premier discours en tant qu'avocat. En 80, il gagne un procès contre un favori de Sylla et cela fait sa renommée et le début de sa gloire. Edile en 72, Cicéron se rendit populaire, il contribua à l'obtention de la conduite de la guerre contre Mithridate au chef du parti sénatorial .
D'abord lié avec Catilina,
il brigua contre lui le consulat. En 63, il déjoue la
conjuration de Catilina et fait exécuter les conjurés.
La crainte du conspirateur et l'appui de Pompée lui firent
accorder le consulat par acclamation.Cicéron est alors
âgé de 45 ans. Ciceron met à mort les complices
de Catilina sans en référer au peuple. On le proclame
père de la patrie.
Le parti populaire cherche une revanche contre lui et en 58 ruine son
crédit. En effet Clodius est tribun (orateur) de la
plèbe (peuple) et réussit à faire voter une loi
" contre quiconque aurait fait mettre à mort des citoyens
romains sans jugement. "
Devançant la condamnation, Cicéron s'exile pendant 18
mois en Thessalie. Mais grâce à l'action du tribun
Milon, il est de retour en 57. Cicéron consacre alors ses
loisirs à des uvres de théorie et de philosophie
politique.
En 51, il se voit attribuer la tâche de proconsul en Cilicie. A son retour, il retrouve Rome en proie à la guerre civile entre César et Pompée. Cicéron traverse une période de doute mais finalement se rallie à Pompée qui va être battu par César lors de la bataille de Pharsale.Grâcié par ce dernier, Cicéron se consacre à la rédaction d'ouvrages de philosophie qui vulgarisent la pensée grecque.
A l'assassinat de César en 44, Antoine va conclure avec Octave le 2ème triumvirat, et une des conditions de cet accord est l'élimination de Cicéron. Le 7 décembre 43, il fut assassiné par les soldats des Triumvirs.
Parmi ses uvres, on cite principalement les Verrines, les
Catilinaires, le Pro Murena, le Pro Milone, et surtout les
Philippiques.
Il composa également des ouvrages de théorie politique
(sur la République, sur les lois).
En particulier sur les devoirs (De officiis), et des
traités sur l'amitié (De amicitia), la
vieillesse (De senectute), l'histoire de l'éloquence
(Brutus) , etc.
Par l'étendue, la variété et
l'originalité de son uvre, comme par les qualités
de son style, Ciceron est considéré comme le plus grand
des prosateurs romains.
Caractéristiques de Cicéron en tant qu'homme et auteur.
1) Très critiqué, surtout à
cause des confidences intimes livrées par sa
correspondance privée. Celle-ci montre que
Cicéron, comme homme, semblerait avoir
été assez lamentable et vaniteux 2) Il se révèle à nous comme
: - Un homme intelligent, lucide, à la culture
hellénistique (grecque) poussée. - Un homme honnête, à une époque
où presque tous étaient corrompus. - Un homme sensible. - Un ambitieux qui travaille à la fois pour sa
gloire personnelle et pour celle de l'état.
Pourquoi les Optimates se sont-ils rapprochés de l'homo nouus Cicéron ?
(crédit: Julien Demarche)
A l'époque de l'affaire Catilina, deux classes principales
sont présentes : les " Meilleurs ", Optimates, riches,
et les populares, le peuple, plus pauvre. Entre les deux, on
trouve deux catégories : les bourgeois et les " hommes
nouveaux ", homines novi.
Les Optimates forment une oligarchie : ils sont nobles, et
détiennent le pouvoir à Rome. Ils forment donc une
aristocratie, et recherchent l'appui des gens honnêtes. Les
Optimates le sont de génération en
génération : on est " Optimates " de père en
fils !Cicéron nous décrit cette classe comme suit :
"Cum autem certi propter diuitias aut genus aut aliquas opes
rempublicam tenent, est factio, sed uocantur illi optimates."
"Lorsque certains hommes, élevés par leurs
richesses, leur naissance ou leur crédit, sont les
maîtres de l'Etat, c'est une faction; mais on lui donne le beau
nom d'aristocratie."1
Il dit aussi, dans un autre discours :
"Omnes optimates sunt qui neque nocentes sunt nec natura improbi nec
furiosi nec malis domesticis impediti."
"J'appelle ainsi tous ceux qui ne sont ni malfaiteurs, ni
corrompus, ni forcenés, ni dérangés dans leur
fortune".2
A l'opposé, il y a les hommes " nouveaux ", avec comme exemple Cicéron. Ce dernier a, à cette époque, un grand pouvoir politique (puisqu'il est consul). C'est d'ailleurs ce qui gêne les " Meilleurs ". Car le père de Cicéron, par exemple, n'était pas noble. En fait, Cicéron est, à l'origine, bourgeois (sa famille appartenait à l'ordre équestre). Mais, de là, il s'est hissé seul jusqu'à la place qu'il occupe. C'est ce genre de personnes qu'on appelle hommes " nouveaux ". Des hommes qui commencent leur noblesse, en quelque sorte. Et donc, les Optimates ne supportent pas qu'un tel homme arrive au pouvoir : il ne le mérite pas par le sang.
Donc, les relations sont d'abord tendues entre
Cicéron et les Optimates : les Optimates ne supportent pas
Cicéron, ils le méprisent, et ce dernier jalouse les "
Meilleurs ". Comme cela a toujours été le cas, les deux
classes n'ont rien en commun
Dès lors, pourquoi se sont-ils rapprochés, pourquoi se
sont-ils associés même ?
En réalité, les Optimates n'aiment pas qu'on vienne
perturber leur quiétude (ce qui est à l'origine de leur
haine envers les hommes " nouveaux "). Ils veulent un état
calme, sans problèmes. Cicéron également : il a
l'anarchie en horreur.
Or, à cette époque, le calme ne règne
évidemment3 pas à Rome. Les Optimates ne
voient pas du bon il les actions de Catilina : il faut faire
quelque chose pour l'arrêter ! Et, comme cité dans le
livre de Steven Saylor, les Optimates sont " ce petit cercle de
familles incestueuses qui garde les rênes du pouvoir si
jalousement et ne reculera devant rien pour briser toute
opposition. " 4
Ils ne reculent devant rien en effet : ils vont s'allier avec
un de leurs " ennemis " : Cicéron. Pourquoi ?
Cicéron déteste aussi le climat instable semé
par Catilina, et il aimerait contrer ses plans. Les " Meilleurs "
l'ont vu ; de plus, Cicéron est dynamique, c'est un orateur
hors pair ! Il pourrait défendre à merveille le calme
menacé.
Deux partis totalement opposés peuvent s'unir dans un but
commun, s'unir pour combattre le même mal. C'est ce qu'ils ont
fait.
L'union fait en effet la force : les deux classes unies dans un
même but ont alors pu lutter efficacement contre l'ennemi.
Finalement, cette union a profité à tout le monde,
puisqu'elle a abouti à l'élimination de Catilina, et
même peut-être à une plus grande estime entre les
deux partis en présence.
1) Cicéron, De la république, III, ch. XIV. Traduction française tirée de la Collection des Auteurs latins sous la direction de M. Nisard. Oeuvres de Cicéron, t. IV, Paris, Dubochet, 1841.
2) Cicéron, Pour Sestius, ch. XLV. Traduction française tirée de la Collection des auteurs latins sous M. Nisard. Oeuvres de Cicéron, t. III, Paris, Dubochet, 1840.
3) Rome sort d'une guerre civile. La dictature de Sylla se termine, et avec elle les proscriptions (les chefs, prenant le pouvoir, punissaient les partisans des opposants). Le climat est donc encore instable, et les rumeurs d'une prise d'état par Catilina s'inscrivent dans la lignée de cette instabilité.
4) Steven Saylor, L'énigme de Catilina, p. 133:
Cicéron et les Optimates (Conversation entre Catilina et Gordien dans 'L'énigme de Catilina' de S. Saylor, p. 105) :
"G - Je crois savoir que tu es en froid avec Cicéron.
C - J'ai toujours gardé mes distances avec lui. Aujourd'hui, je n'ai plus envie de retravailler avec lui.
G - Tu n'es pas le seul que notre consul a déçu.
Pendant des années, Cicéron s'est
présenté comme l'indomptable champion des
réformes, le nouveau venu d'Arpinum. Mais quand son tour est
arrivé d'être aux affaires, il est passé sans
hésitation dans le camp opposé et il s'est fait le
fantoche des éléments les plus conservateurs de Rome.
Un homme prêt à tout pour se faire élire est un
homme sans principes et Cicéron est le pire de tous. Tous ses
anciens partisans doués de quelque intégrité -
comme le jeune Marcus Caelius - l'ont quitté, tout comme il
les a abandonnés pour s'installer au sein de l'oligarchie ;
ceux qui sont restés avec lui n'ont pas plus de principes que
lui. L'année qui s'achève, à Rome, a
été une farce
(
) C'est devenu une ville sans espoir ; l'oligarchie a
gagné, on peut le voir sur le visage des gens. Un petit groupe
de familles possède et contrôle tout, et elles feront
tout pour éviter de partager leurs richesses. Il y a eu
quelque chance de réforme avec la loi Rullienne (1), mais
Cicéron s'y est naturellement opposé
"
(1) Il s'agit d'une loi de réforme agraire proposée par Rufus