Horace, Ode I, 9
Au fil du texte
Vides ut alta stet niue candidum
Soracte, nec iam sustineant onus
siluae laborantes, geluque
flumina constiterint acuto.5 Dissolue frigus ligna super foco
large reponens atque benignius
deprome quadrimum Sabina,
o Thaliarche, merum diota.
Permitte diuis cetera, qui simul
10 strauere uentos aequore feruido
deproeliantis, nec cupressi
nec ueteres agitantur orni.
Quid sit futurum cras fuge quaerere et
quem fors dierum cumque dabit lucro
15 adpone, nec dulcis amores
sperne puer neque tu choreas,
donec uirenti canities abest
morosa. Nunc et Campus et areae
lenesque sub noctem susurri
20 composita repetantur hora,
nunc et latentis proditor intumo
gratus puellae risus ab angulo
pignusque dereptum lacertis
aut digito male pertinaci.
stet : verbe imagé: la montagne "se dresse", c'est-à-dire, en l'occurrence, "est figée" dans sa blancheur neigeuse. La première strophe souligne en ses verbes l'aspect immobile et souffrant du paysage hivernal: stet, constiterint, sustineant, laborantes.
Soracte, is : montagne des Falisques en Étrurie méridionale (800 m.), consacrée à Apollon et qui se trouve à une trentaine de km. au nord de Rome sur la rive droite du Tibre (act. Monte San Oreste, ou San Silvestro, du nom d'un monastère bâti sur le versant occidental par le frère de Pépin le Bref, Carloman, qui s'y retira); sa cime est souvent couverte de neige. Neutre. Voir VERG., Aen. II, 785; VII, 696; XI, 785.
dissolue : contraste avec l'image de la rigidité qui vient d'être évoquée dans la première strophe.
quadrimum merum : Horace évoque ici un vin ordinaire. Certes, il s'agit sans doute d'un vin sabin, qui compte parmi les plus connus d'Italie: il est conservé dans une amphore de cette région; d'autre part, le Soracte se trouve en bordure de la Sabine. Mais un vin de Sabine âgé de quatre ans n'avait rien d'exceptionnel: il s'agissait d'un vin robuste qui permettait de se réchauffer contre le froid, et non d'un vin raffiné que l'on déguste à petites gorgées; l'emploi de merum confirme cette impression, alors que le vin servi au repas était normalement mélangé. Dans l'ode I, 20, Horace oppose, du reste, son vin local, le vin de Sabine, "de peu de prix et enfermé en de modestes canthares", et les vins que boit Mécène, les vins hautement supérieurs du Cécube et du sud de Rome.
Thaliarche : Thaliarchus ou Thaliarque est un nom imaginaire: il désigne le "maître du festin" (thalía: banquet; archós: guide, chef). L'observation strictement ponctuelle et concrète d'un paysage d'hiver bien localisé évolue vers des propos d'ordre plus général, avant qu'Horace ne revienne, à la fin du poème, à un détail anecdotique.
cetera : désigne tout ce qui n'est pas ce dont on vient de parler, c'est-à-dire un bon feu et un vin qui réchauffe, soit les ingrédients du bonheur ordinaire et du confort du temps présent qui dépendent de l'homme. Cfr. Archiloque, frg. 56.
deproeliantis : vocabulaire guerrier pour décrire le triomphe des dieux sur les intempéries, symboles des changements et des vicissitudes de l'existence sur lesquels l'homme n'a aucune maîtrise, y compris l'ultime échéance de la mort qu'évoque l'immobilité des arbres funéraires. Cette allusion à la tempête ne doit pas se comprendre par rapport au temps concret de l'hiver dont il est question dans la première strophe. Plusieurs critiques ont reproché à Horace cette incohérence entre un paysage d'hiver immobile (strophe 1) et un paysage de tempête perturbé (strophe 3). En réalité, quand il parle de la tempête, le poète n'observe plus un paysage particulier, mais il est passé dans un registre symbolique où les intempéries sont l'image de l'existence humaine. La cohérence du poème n'est pas d'ordre chronologique ni météorologique; elle est d'ordre psychologique et symbolique.
canities : fait écho à la blancheur du Soracte enneigé dans la première strophe.
nunc : en anaphore aux v. 18 et 20, ce mot ne veut évidemment pas dire: "maintenant, au moment où nous parlons, en hiver". En fait, le rôle de l'adverbe est de prolonger l'idée qui le précède immédiatement: donec uirenti…morosa, et il ne signifie donc rien d'autre que: "maintenant, au temps de ta jeunesse". Il ne s'agit pas d'un poème sur un jour d'hiver, comme plusieurs commentateurs l'ont compris. L'anaphore répond à celle de nec…neque de la strophe précédente: "ce qui ne doit pas être rejeté (nec sperne) "/ "ce qui doit être recherché (repetantur)."
Responsable académique : Paul-Augustin Deproost
Analyse : Jean Schumacher (†)
Design & réalisation inf. : Boris MaroutaeffDernière mise à jour : 5 novembre 2020