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ULTRATEXT: Du texte au parcours didactique

Dédale et Icare


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Du texte au parcours didactique

TRADUCTION(S) MODERNE(S):

1. Joseph CHAMONARD, OVIDE, Les Métamorphoses, t. II, Classiques Garnier, Garnier, Paris

183 Dédale cependant, à qui pesaient la Crète et un long exil, repris par l'amour du pays natal, était retenu prisonnier par la mer. « Minos peut bien, se dit-il, me fermer les chemins de la terre et des ondes, mais, du moins, le ciel me reste ouvert. C'est la route que je prendrai. Fût-il maître de tout, Minos n'est pas maître de l'air. » Il dit, et il tourne son esprit vers l'étude d'un art inconnu, ouvrant de nouvelles voles à la nature. Il dispose, en effet, en ordre régulier, des plumes, en commençant par les plus petites, une plus courte se trouvant à la suite d'une longue,

190 si bien qu'on les eût dites poussées par ordre décroissant de taille : ainsi, jadis les pipeaux rustiques naquirent d'un assemblage de tuyaux insensiblement inégaux. Alors il attache celles du milieu avec du lin, celles des extrémités avec de la cire, et, une fois disposées ainsi, les incurve légèrement, pour imiter les ailes d'oiseaux véritables. Le jeune Icare se tenait à ses côtés et, sans se douter qu'il maniait ce qui devait le mettre en mortel péril, le sourire aux lèvres, tantôt il saisissait au vol les plumes soulevées par un souffle d'air, tantôt, du pouce, il amollissait la cire blonde,

200 et gênait, par ses jeux, le merveilleux travail de son père. Quand il eut mis la dernière main à son ceuvre, l'artisan, à l'aide d'une paire d'ailes, équilibra lui-même son corps dans l'air où il resta suspendu en les agitant. Il en munit alors, son fils aussi, et : « Je te conseille, dit-il, Icare, de te tenir à mi-distance des ondes, de crainte que, si tu vas trop bas, elles n'alourdissent tes ailes, et du soleil, pour n'être pas, si tu vas trop haut, brûlé par ses feux : vole entre les deux. Et je te recommande de ne pas regarder le Bouvier, ni l'Hélice, ni l'épée nue d'Orion Il. Prends-moi pour guide de la route à suivre. » Et, tout en lui enseignant à voler, il ajuste à ses épaules ces ailes que l'homme ignorait.

210 Pendant qu'il travaillait, tout en prodiguant ses conseils, les joues du vieillard se mouillèrent et ses mains paternelles tremblèrent. Il donna à son fils des baisers qu'il ne devait pas renouveler, puis, se soulevant au moyen de ses ailes, il s'envole le premier, anxieux pour son compagnon, comme l'oiseau qui du haut de son nid vient de faire prendre à sa tendre couvée son vol à travers les airs. Il l'encourage à le suivre et l'initie à son art dangereux; il meut lui-même ses propres ailes, 1'œil fixé, derrière lui, sur celles de son fils. Quelque pêcheur, occupé à surprendre les poissons au moyen de son roseau qui tremble, un pasteur appuyé sur son bâton ou un laboureur au manche de sa charrue, qui les vit, resta frappé de stupeur

220 et pensa que ces êtres qui pouvaient voyager dans les airs étaient des dieux. Et déjà, sur leur gauche, avaient été laissées Samos, l'île de Junon, Délos et Paros; à leur droite était Lébinthos et Calymné au miel abondant, lorsque l'enfant se prit à goûter la joie de ce vol audacieux, abandonna son guide et, cédant au désir d'approcher du ciel, monta plus haut. Le voisinage du soleil dévorant amollit la cire odorante qui retenait les plumes. La cire ayant fondu, l'enfant n'agite plus que ses bras nus, et, manquant désormais de tout moyen de fendre l'espace, il n'a plus d'appui sur l'air; et sa bouche criait encore le nom de son père,

230 quand l'engloutit l'eau céruléenne; c'est de lui qu'elle a tiré son nom. Quant au père infortuné, qui n'était plus père : « Icare, dit-il, où es-tu? En quel endroit me faut-il te chercher? » « Icare », répétait-il, quand il aperçut des plumes sur l'eau. Il maudit alors son invention, et enferma le corps dans un sépulcre, et cette terre a pris le nom de celui qui y fut enseveli.


2. Nicolas MEUNIER,

étudiant en 3ième LATIN-GREC au Collège Notre-Dame de TOURNAI, année 2001-2002 :

Une décision, une solution (vers 183-189)

Cependant Dédale, qui déteste la Crête et ce long exil, touché par l’amour de sa terre natale, se trouvait enfermé par la mer. «Bien que Minos fasse surveiller les voies terrestres et maritimes, dit-il, du moins le ciel reste libre. Nous irons par-là. Minos peut tout posséder, il ne contrôle pas les airs.» Il dit et s’applique à des arts inconnus et change les lois de la nature.

Une invention (vers 189-195)

En effet, il place des plumes de façon régulière en commençant par la plus petite, en faisant suivre une longue par une courte, afin que l’on pense qu’elles sont disposées en ordre décroissant : ainsi traditionnellement se présente la flûte champêtre aux tubes inégaux. Alors il attache les plumes du milieu au moyen de lin et les plumes les plus courtes au moyen de cire et il fléchit même les plumes ainsi rassemblées en une légère courbure de telle manière que l’aile imite celle d’un véritable oiseau.

Icare (vers 195 - 200)

L’enfant Icare était debout avec lui et ignorant qu’il manipulait ce qui va le mettre en danger, le visage resplendissant, tantôt il cherchait à saisir les plumes qu’un souffle d’air vagabond avait soulevées, tantôt il amollissait la cire jaune avec son pouce et il gênait le travail merveilleux de son père par son jeu.

Préparatifs (vers 201- 209)

Après que la dernière main eut été mise au projet, l’artisan tint lui-même son corps en équilibre sur les deux ailes et se balança dans l’air mouvant. Il équipa et instruisit son fils : « Je t’avertis, Icare, dit-il, de te déplacer au milieu des limites de peur que, si tu voles trop bas, les flots n’alourdissent tes plumes, et que, si tu voles trop haut, le feu du soleil ne les brûle. Vole entre les deux. Et je t’ordonne de ne pas regarder le Bouvier, ni la Grande Ourse, ni l’épée dégainée d’Orion : Mets-toi en route et suis- moi.» Pendant qu’il transmet les consignes de vol, il adapte les ailes encore inconnues à ses épaules.

Père et fils (vers 210 - 216)

Entre le travail et les avertissements, des larmes coulèrent sur les joues du vieillard et ses mains se mirent à trembler. Il embrassa son fils pour la dernière fois et soulevé par les plumes, il vole devant lui et craint pour son compagnon comme l’oiseau qui fait sortir sa tendre progéniture dans les airs du haut du nid ; il l’encourage à le suivre, lui enseigne la technique funeste, bouge lui-même ses ailes et se retourne pour regarder celles de son fils.

Le triomphe (vers 217- 224)

Un pêcheur - tandis qu’il cherche à saisir des poissons au moyen d’un roseau tremblant -, un berger appuyé sur un bâton, un laboureur appuyé sur le manche de sa charrue les virent et furent frappés de stupeur ; ils crurent que ceux qui peuvent voler et se déplacer dans les airs étaient des dieux. Et déjà l’île de Samos, consacrée à Junon, de Délos et de Paros avaient été laissées sur la partie Gauche, l’île de Lebinthe était à droite ainsi que l’île de Calymmé riche en miel.

La catastrophe (vers 225 - 230)

La proximité du soleil violent amollit la cire parfumée, lien des plumes. Ces morceaux de cire s’étaient liquéfiés. Celui-là secoue ses bras nus, privés de la paire d’ailes mais il ne perçoit plus aucun souffle d’air ; et la bouche criant le nom du père, a été engloutie par l’eau bleu sombre de al mer qui a tiré son nom de celui-là.

Désespoir d’un père (vers 231 - 235)

Quant au malheureux père, n’étant déjà plus père, il dit : «Icare, Icare, où es-tu? Dans quelle région dois-je te rechercher?» «Icare» disait-il . Il vit les plumes dans les flots, maudit son invention et enfouit le corps dans une sépulture et la terre reçut le nom de celui qui y a été enseveli.



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Dernière mise à jour : 25/09/2002