Caes., BG, V, 6

Dumonirix tente d'agir en sous-main

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[1] Erat una cum ceteris Dumnorix Haeduus, de quo ante ab nobis dictum est. Hunc secum habere in primis constituerat, quod eum cupidum rerum nouarum, cupidum imperii, magni animi, magnae inter Gallos auctoritatis cognouerat.

cum ceteris : il s'agit de tous les autres grandes figures gauloises que César avait décidé d'emmener avec lui en Grande-Bretagne.

ante : ici adverbe signifiant « auparavant », c'est-à-dire à Caes., BG, I, 3, 5 et  I, 18-20.

cupidus, a, um : la répétition de l'adjectif qualificatif rend plus vive la peinture du caractère de Dumnorix. Ce goût pour le changement avait déjà été noté en :

« Ipsum esse Dumnorigem, summa audacia, magna apud plebem propter liberalitatem gratia, cupidum nouarum rerum » (Caes., BG, I, 18, 3).

res nouae : à ici le sens « un changement dans l'état des choses, une révolution ».

magni animi, magnae ... auctoritatis : génitifs de qualité ou descriptifs.


[2]  Accedebat huc, quod in concilio Haeduorum Dumnorix dixerat sibi a Caesare regnum ciuitatis deferri ; quod dictum Haedui grauiter ferebant, neque recusandi aut deprecandi causa legatos ad Caesarem mittere audebant. Id factum ex suis hospitibus Caesar cognouerat. 

accedebat quod : chez César, accederet quod est une construction qui se rencontre encore en 

« Accessit etiam quod illa pars equitatus Vsipetum et Tenctherorum, quam supra commemoraui praedandi frumentandique causa Mosam transisse neque proelio interfuisse, post fugam suorum se trans Rhenum in fines Sugambrorum receperat seque cum iis coniunxerat » (Caes., BG, IV, 16, 2).

doit être distinguée de l'expression accedere ut utilisée par exemple en 

« Accedebat ut, cum saeuire uentus coepisset et se uento dedissent, tempestatem ferrent facilius » (Caes., BG, III, 13, 9).

« Accedebat huc ut numquam conferti, sed rari magnisque interuallis proeliarentur » (Caes., BG, V, 16, 4).

La première (accedere quod) rappelle un fait considéré comment ayant réellement eu lieu, la seconde (accedere ut) s'appliquant à un événement qui reste de l'ordre de l'éventualité ou de la possibilité.

concilium, ii : « l'assemblée, la réunion ». Leurs formes et contenus ont été précisés plus haut.

regnum, i : « la royauté, le royaume, le pouvoir absolu ». 

À l'entrée de César en Gaule celtique, la monarchie avait presque complètement disparu. Dans les Commentaires, seuls deux personnages - Teutomatus chez les Nitiobriges (Caes., BG, VII, 31, 5 et 46, 5) et Moritasgus chez les Sénons (Caes., BG, V, 54, 2) - sont encore désignés comme étant des rois. En 52 avant J.-C. toutefois, les Arvernes prennent pour roi le célèbre Vercingétorix (Caes., BG, VII, 4, 4). César, pour sa part, tentera de rétablir la fonction pour lutter contre l'influence du clergé et de la nobleese. Ainsi le voit-on offrir le titre royal au Carnute Tasgetius (Caes., BG, V, 25, 2) ou au Sénon Cavarinus (Caes., BG, V, 54, 2). Et il semble que Dumnorix entretenait l'espoir de recevoir pareille fonction du conquérant romain (Caes., BG, V, 6, 2). Même si le titre est encore connu en Gaule Belgique (Galba y est roi des Suessions [Caes., BG, II, 4, 7] ; Ambiorix et Catuvolcos règnent sur les Éburons [Caes., BG, VI, 3, 5] et César nomme roi l'Atrébate Commios [Caes., BG, IV, 2, 7]), le régime monarchique demeure une exception face à la multiplicité des « républiques » dirigées par des magistrats et un sénat. 

L'essence du pouvoir royal l'oppose au principat (Caes., BG, VII, 4, 1). Si celui-ci n'est pas nécessairement sélectif, il ne s'obtient néanmoins qu'avec l'assentiment du plus grand nombre (Caes., BG, I, 1, 4) et n'a rien d'absolu (Caes., BG, V, 27, 3). Il semble d'ailleurs que le même mot ait recouvert des régimes assez différents et qu'en contexte gaulois le terme rex désignait prioritairement celui qui parvenait à conserver un pouvoir illimité dans le temps. 

On observera encore qu'en Grande-Bretagne, où César se rendra bientôt, la monarchie ait été au contraire la seule forme de gouvernement pratiquée : ainsi l'imperator croisera-t-il la route des rois Cingetorix, Carvilius, Taximagulus, Segovax (Caes., BG, V, 22, 1), et, probablement, Cassivelaunos (Caes., BG, V, 20, 1) et Mandubracius (Caes., BG, V, 20, 3-4 et 22, 5).

   deferri : infinitif présent P., le présent donnant la chose pour certaine ou ayant même connu un début de réalisation.

neque : équivaut ici à nec tamen (on attendrait en effet une particule adversative) comme en

« Velle se de iis rebus quae inter eos agi coeptae neque perfectae essent agere cum eo » (Caes., BG, I, 47, 1).

« neque longius prosequi potuerunt, quod equites cursum tenere atque insulam capere non potuerant» (Caes., BG, IV, 26, 5).

« Haec procul ex oppido uidebantur, ut  erat a Gergouia despectus in castra, neque tanto spatio certi qui esset explorari poterat » (Caes., BG, VII, 45, 4).

« neque nostrorum militum uictorum impetum sustinere potuerunt » (Caes., BG, VII, 62, 8).

recusare, o, recusaui, recusatum : normalement « repousser, refuser, protester », mais ici doit être pris au sens absolu qui le rapproche de resistere. Pour confirmation, voir

« Germanos neque priores populo Romano bellum inferre, neque tamen recusare, si lacessantur, quin armis contendant, quod Germanorum consuetudo haec sit a maioribus tradita, quicumque bellum inferant, resistere neque deprecari » (Caes., BG, IV, 7, 3).

hospes, hospitis : « l'hôte ». Dans l'antiquité, les liens d'hospitalité entre particuliers étaient très étroits et il était sacrilège de les briser.


[3]  Ille omnibus primo precibus petere contendit ut in Gallia relinqueretur, partim quod insuetus nauigandi mare timeret, partim quod religionibus inpediri sese diceret.

omnibus : omnes signifie ici « toute espèce de, toute sorte de ». Cet emploi est courant chez César comme l'attestent

« propterea quod reliquis tamen fugae facultas daretur, Sequanis uero, qui intra fines suos Ariouistum recepissent, quorum oppida omnia in potestate eius essent, omnes cruciatus essent perferendi » (Caes., BG, I, 32, 5).

« qui ex iis nouissimus conuenit, in  conspectu multitudinis omnibus cruciatibus adefectus necatur » (Caes., BG, V, 56, 2).

« omnibus pollicitationibus ac praemiis deposcunt qui belli initium faciant » (Caes., BG, VII, 1, 5).

« Nam maiore commisso delicto igni atque omnibus tormentis necat » (Caes., BG, VII, 4, 10).

« Iamque haec facere noctu apparabant, cum matres familiae repente ad pedes suorum omnibus precibus petierunt ne se et communes liberos hostibus ad supplicium dederent » (Caes., BG, VII, 26, 3).

religio, ionis : ici « le scrupule religieux », le terme recouvre autant des sorts, des présages que des.prétextes religieux, voire des voeux ou des sacrifices. 

diceret : supprimer diceret dans cette proposition entraînerait le verbe de la proposition infinitive à se mettre au subjonctif employé pour rapporter les idées ou les paroles d'autrui. Par une sorte d'attraction ou de confusion, ce subjonctif s'est appliqué à dicere. C'est encore le cas en

« Dum ea conquiruntur et conferuntur nocte intermissa, circiter hominum milia VI eius pagi qui Verbigenus appellatur, siue timore perterriti, ne armis traditis supplicio adficerentur, siue spe salutis inducti, quod in tanta multitudine dediticiorum suam fugam aut occultari aut omnino ignorari posse existimarent, prima nocte e castris Heluetiorum egressi ad Rhenum finesque Germanorum contenderunt » (Caes., BG, I, 27, 4).

« quorum alius alia causa inlata, quam sibi ad proficiscendum necessariam esse diceret, petebat ut eius uoluntate discedere liceret ; » (Caes., BG, I, 39, 3).


[4]  Postea quam id obstinate sibi negari uidit, omni spe inpetrandi adempta principes Galliae sollicitare, metu territare, seuocare singulos hortarique coepit uti in continenti remanerent :

coepit : chez César, l'infinitif qui suit les formes de coepi est tantôt un actif, tantôt un déponent. 

territare, o territaui : « effrayer, épouvanter ». L'infinitif historique souligne ici l'ardeur mise par Dumnorix dans les tentatives d'influence auxquelles il s'emploie ; le fréquentatif indique la multiplicité de ces manoeuvres.

continenti : cf. supra.


[5] non sine causa fieri ut Gallia omni nobilitate spoliaretur ; id esse consilium Caesaris, ut quos in conspectu Galliae interficere uereretur, hos omnes in Britanniam traductos necaret ;

uereretur : utilisé avec l'infinitif, uereri signifie « ne pas oser ».

« Longius prosequi ueritus, [...] omnibus suis incolumibus copiis eodem die ad Ciceronem peruenit » (Caes., BG, V, 52, 1).


[6]   fidem reliquis interponere, ius iurandum poscere ut, quod esse ex usu Galliae intellexissent, communi consilio administrarent. Haec a conpluribus ad Caesarem deferebantur.

fidem reliquis interponere : fidem ... interponere signifie « donner sa parole à tous ». Reliqui, orum (« tous les autres ») regroupe soit les notables que ne comprenaient pas les principes du § 4 ou tous les chefs gaulois qui s'opposaient à Dumnorix.

ex usu : locution assez rare et que l'on peut rapprocher de e re alicuius. Vsus ayant, dans cette configuration, un sens d'utilité, l'ensemble se traduira par « dans l'intérêt de » et pourrait être empreint de l'idée de nécessité. Utilisée seule, l'expression ex usu signifie « d'une manière avantageuse, utile » Voir ainsi

« Intellegere sese, tametsi pro ueteribus Heluetiorum iniuriis populi Romani ab his poenas bello repetisset, tamen eam rem non minus ex usu terrae Galliae quam populi Romani accidisset » (Caes., BG, I, 30, 2).

« Cum ex captiuis quaereret Caesar quam ob rem Ariouistus proelio non decertaret, haec reperiebat causam, quod apud Germanos ea consuetudo esset ut matres familiae eorum sortibus et uaticinationinbus declararent utrum poelium committi ex usu esset necne ; » (Caes., BG, I, 50, 4).

« Magistratus quae uisa sunt occultant quaeque esse ex usu iudicauerunt multitudini produnt » (Caes., BG, VI, 20, 33).

ut ... administrarent : dépend de poscere et non de ius urandum, sans quoi l'usage de l'infinitif aurait été requis. Communi consilio administrare signifie « réaliser de concert ».

a conpluribus : il s'agit de ceux (chefs ou espions) auxquels Dumnorix que Dumnorix avait eu l'imprudence de se confier.