Numéro d'ordre: 8
AUTEUR: Steven SAYLOR
Références: Ed. 10/18, Coll. "Grands détectives", n. 3064, 1999, 366 pp. Présentation - Auteur: cf. infra
Présentation - Roman: Extrait(s):
La condition d'esclave (pp. 236-237): - Tout ce qu'a dit Fabius est l'exacte vérité, intervint Crassus quant à Dionysius, il a tort: évoquer une sorte de vague continuité entre les révoltes d'esclaves est absurde. Les esclaves n'ont aucun lien avec le passé. Comment pourrait-il en être autrement, ils ignorent même le nom de leurs ancêtres? Ils sont comme les champignons qui surgissent de la terre en grand nombre selon le plaisir des dieux. À quoi servent-ils ? Les esclaves sont les instruments humains mis à notre disposition par la volonté divine; cette volonté qui inspire les grands hommes et enrichit une grande République comme la nôtre. Ils n'ont pas de passé, et le passé ne les intéresse en rien. Ils n'ont pas davantage de sens de l'avenir. - Bravo! Bravo! s'exclama Mummius légèrement ivre. Metrobius lui décocha un regard méprisant et voulut dire quelque chose, mais il se ravisa. - L'esclave ordinaire qui travaille dans les champs vit au jour le jour, poursuivit Crassus. Au-delà de ses besoins immédiats et de la nécessité de satisfaire son maître, il est conscient de très peu de choses. Voilà la condition naturelle de l'esclave: être satisfait de son sort ou, à défaut s'y résigner. Pour de tels hommes, se révolter et tuer leurs supérieurs est contre nature. La révolte de Spartacus - comme celle du sorcier Eunus et d'une poignée d'autres - est une aberration, une perversion, un accroc dans la grande toile cosmos tissée par les Parques. Dionysius penché en avant, buvait les paroles de Crassus. - Tu es vraiment l'homme du moment, Marcus Crassus. Non seulement un homme d'Etat et un général, mais également un philosophe. La loi et l'ordre seront restaurés et Spartacus sera oublié. Un cortège funèbre (pp. 235-237): Derrière la musique suivaient les pleureuses, un choeur de femmes - elles aussi recrutées pour l'occasion - qui marchaient en traînant les pieds, les cheveux défaits. Elles chantaient une mélopée qui paraphrasait la célèbre épitaphe du dramaturge Naevius: «Si la mort d'un mortel attriste le coeur des immortels, alors les dieux là-haut doivent pleurer cet homme ... » Regardant droit devant elles, sans prêter attention à la foule, elles tremblaient et versaient des torrents de larmes. Un espace séparait ces femmes du groupe suivant. Il fallait que la mélopée des pleureuses s'éteigne avant qu'arrivent les pitres et les mimes. Les yeux d'Eco s'illuminèrent en les voyant approcher. Mais moi, intérieurement, je m'inquiétai. Il n'y a rien de plus agaçant qu'un cortège funèbre gâché par des comédiens incompétents. Heureusement, ceux-là étaient finalement assez bons. La plupart se livraient à des farces grossières qui arrachaient des rires polis aux spectateurs. Mais il y en avait un qui, d'une voix bouleversante, récitait des poèmes tragiques. Les vers qu'il déclamait étaient nouveaux pour moi. Ils étaient d'inspiration épicurienne:
Pourquoi craindre la mort,
quandoquidem natura animi mortalis habetur. Et uelut anteacto nil tempore sensimus aegri, ad confligendum uenientibus undique Poenis, omnia cum belli trepido concussa tumultu horrida contremuere sub altis aetheris oris, 835 in dubioque fuere utrorum ad regna cadendum omnibus humanis esset terraque marique, sic, ubi non erimus, cum corporis atque animal discidium fuerit quibus e sumus uniter apti, scilicet haut nobis quicquam, qui non erimus tum, 840 accidere omnino poterit sensumque mouere, non si terra mari miscebitur et mare caelo. Et si iam nostro sentit de corpore postquam distractast animi natura animaeque potestas, nil tamen est ad nos qui comptu coniugioque, 845 corporis atque animae consistimus uniter apti. Traduction:
835 la guerre, frissonna d'épouvante sous la haute voûte du ciel, et que tous les humains se demandèrent anxieux auquel des deux peuples devait échoir l'empire et sur terre et sur mer: de même, quand nous cesserons d'être, après le divorce du corps et de l'âme dont l'union compose notre individu, nous pouvons être sûrs qu'à ce 840 moment où nous ne serons plus, rien absolument ne pourra nous atteindre ni émouvoir nos sens, même si la terre vient à se confondre avez la mer, et la mer avec le ciel. A supposer même que, après leur départ du corps, l'esprit et l'âme conservent le sentiment, il n'y a pourtant là 845 rien qui nous touche, nous qui n'existons que par l'union de l'âme et du corps dont l'assemblage constitue notre individu. [A. ERNOUT, Lucrèce. De la Nature, t. I, Paris, "Les Belles Lettres, 1941] Appien d'Alexandrie, Histoire romaine; Plutarque, Vie de Crassus; Pline l'Ancien, Histoire naturelle; Virgile, L'Enéide; Cicéron, De la divination; Apicius, De re coquinaria; Lucrèce; Références sur la Toile:
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Responsable académique : Alain Meurant Analyse : Jean Schumacher Design & réalisation inf. : Boris Maroutaeff Dernière mise à jour : 11 janvier 2001 |