Extrait Grec |
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Traduction française |
Bien plus, en remontant dans les siècles passés, je pense que le genre de vie et de
nourriture dont, en santé, on use de nos jours, n'aurait pas été découvert, si l'homme,
pour son boire et son manger, avait pu se contenter de ce qui suffit au buf, au
cheval, et à tous les êtres en dehors de l'humanité, à savoir des simples productions
de la terre, des fruits, des herbes et du foin. Les animaux s'en nourrissent, s'en
accroissent, et vivent sans être incommodés et sans avoir besoin d'aucune autre
alimentation. Sans doute, dans les premiers temps l'homme n'eut pas d'autre
nourriture; et celle dont on se sert de nos jours me semble une invention qui s'est
élaborée dans le long cours des ans. Mais d'une alimentation forte et agreste
naissaient une foule de souffrances violentes, telles qu'on les éprouverait encore
aujourd'hui par la même cause ; chez ceux qui se sustentaient avec ces matières
crues, indigestes et pleines d'activité, survenaient des douleurs intenses, les maladies
et une prompte mort. Les hommes d'alors en souffraient moins sans doute, à cause
de l'habitude ; cependant le mal était grand même pour eux; et la plupart, surtout
ceux qui étaient d'une constitution plus faible, périssaient ; les natures les plus
vigoureuses résistaient davantage. C'est ainsi que, de nos jours, les uns digèrent, avec
facilité, des aliments d'une grande force, et les autres n'en triomphent qu'avec
beaucoup de peine et de douleur. Telle fut, ce me semble, la cause qui engagea les
hommes à chercher une nourriture en harmonie avec notre nature, et ils trouvèrent
celle qui est en usage maintenant. En effet, apprenant à macérer, à monder, à cribler,
à moudre, à pétrir les grains, ils ont fabriqué, avec le blé, du pain, avec l'orge, de la
pâte qu'ils ont travaillée de mille manières. Ils ont fait bouillir, fait rôtir, composé des
mélanges, et tempéré, par des substances plus faibles, ce qui était fort et intempérie,
se réglant en toute chose sur la nature et les forces de l'homme; car ils pensèrent que
les substances qui seraient trop fortes pour pouvoir être surmontées par la nature,
produiraient, si elles étaient ingérées, des souffrances, la maladie et la mort; qu'au
contraire, tout ce qui serait digestible contribuerait à la nutrition, à l'accroissement et
à la santé. A de telles recherches, à de telles inventions, quel nom donner plus juste et
plus convenable que celui de médecine : médecine trouvée pour la santé, pour la
nourriture, pour le salut de l'homme, changement de ce régime qui ne lui avait causé
que souffrance, maladie et mort?
Trad. : E. LITTRÉ, Oeuvres complètes d'Hippocrate, tome II; Paris, Baillière, 1840
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