Langue |
Latin |
Auteur |
Macrobe |
Références |
Commentaire du songe de Scipion, I, 10 |
Sujet |
Une interprétation des Enfers |
Descripteurs |
Enfers; prison; âme; Hadès; Pluton; Tartare; Léthé; Phlégéton; Achéron; Styx; Cocyte; Prométhée; vautour; roue; Ixion. Sisyphe; Lapithe;tyran; Denys de Sicile; |
Hypertexte |
http://agoraclass.fltr.ucl.ac.be/concordances/macrobe_comment_01/lecture/3.htm |
Extrait Latin |
Antequam studium philosophiae circa naturae inquisitionem ad tantum uigoris adolesceret, qui per
diuersas gentes auctores constituendis sacris caerimoniarum fuerunt, aliud esse inferos negauerunt,
quam ipsa corpora, quibus inclusae animae carcerem foedum tenebris, horridum sordibus et cruore,
patiuntur. Hoc animae sepulcrum, hoc Ditis concaua, hoc inferos uocauerunt : et omnia, quae illic esse
credidit fabulosa persuasio, in nobismetipsis, et in ipsis humanis corporibus assignare conati sunt :
obliuionis fluuium aliud non esse asserentes, quam errorem animae obliuiscentis maiestatem uitae
prioris, qua, antequam in corpus truderetur, potita est, solamque esse in corpore uitam putantis. Pari
interpretatione Phlegetontem, ardores irarum et cupiditatum putarunt; Acherontem, quidquid fecisse
dixisseue usque ad tristitiam humanae uarietatis more nos paenitet; Cocytum, quidquid homines in
luctum lacrimasque compellit; Stygem, quidquid inter se humanos animos in gurgitem mergit
odiorum. Ipsam quoque poenarum descriptionem de ipso usu conuersationis humanae sumtam
crediderunt : uulturem, iecur immortale tundentem, nihil aliud intelligi uolentes, quam tormenta
malae conscientiae, obnoxia flagitio uiscera interiora rimantis, et ipsa uitalia indefessa admissi sceleris
admonitione laniantis, semperque curas, si requiescere forte tentauerint, excitantis, tanquam fibris
renascentibus inhaerendo, nec ulla sibi miseratione parcentis, lege hac, qua, "se iudice, nemo nocens
absoluitur", nec de se suam potest uitare sententiam. Illos aiunt, epulis ante ora positis, excruciari
fame, et inedia tabescere, quos magis magisque acquirendi desiderium cogit praesentem copiam non
uidere; qui in affluentia inopes, egestatis mala in ubertate patiuntur, nescientes parta respicere, dum
egent habendis; illos radiis rotarum pendere districtos, qui nihil consilio praeuidentes, nihil ratione
moderantes, nihil uirtutibus explicantes, seque et actus omnes suos fortunae permittentes, casibus et
fortuitis semper rotantur : saxum ingens uoluere, inefficacibus laboriosisque conatibus uitam terentes :
atram silicem, lapsuram semper, et cadenti similem, illorum capitibus imminere, qui arduas potestates
et infaustam ambiunt tyrannidem, numquam sine timore uicturi; et cogentes subiectum uulgus odisse,
dum metuat, semper sibi uidentur exitium, quod merentur, excipere. Nec frustra hoc theologi
suspicati sunt. Nam et Dionysius, aulae Siculae inclementissimus incubator, familiari quondam suo,
solam beatam existimanti uitam tyranni, uolens, quam perpetuo metu misera, quamque
impendentium semper periculorum plena esset, ostendere gladium uagina raptum, et a capulo de filo
tenui pendentem, mucrone demisso, iussit familiaris illius capiti inter epulas imminere : cumque ille
inter et Siculas et tyrannicas copias praesentis mortis periculo grauaretur, Talis est, inquit Dionysius,
uita, quam beatam putabas : sic nobis semper mortem imminentem uidemus ; aestima, quando esse
felix poterit, qui timere non desinit. Secundum haec igitur, quae a theologis asseruntur, si uere
"quisque suos patimur manes", et inferos in his corporibus esse credimus; quid aliud intelligendum
est, quam mori animam, cum ad corporis inferna demergitur; uiuere autem, cum ad supera post
corpus euadit?
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Traduction française |
La philosophie n'avait pas fait encore, dans l'étude de la nature, les pas immenses qu'elle a faits
depuis, lorsque ceux de ses sectateurs qui s'étaient chargés de répandre, parmi les diverses nations, le
culte et les rites religieux, assuraient qu'il n'existait d'autres enfers que le corps humain, prison
ténébreuse, fétide et sanguinolente, dans laquelle l'âme est retenue captive. Ils donnaient à ce corps les
noms de tombeau de l'âme, de manoir de Pluton, de Tartare, et rapportaient à notre enveloppe tout ce
que la fiction, prise par le vulgaire pour la vérité, avait dit des enfers. Le fleuve d'oubli était, selon eux,
l'égarement de l'âme, qui a perdu de vue la dignité de l'existence dont elle jouissait avant sa captivité,
et qui n'imagine pas qu'elle puisse vivre ailleurs que dans un corps. Par le Phlégéton, ils entendaient la
violence des passions, les transports de la colère; par l'Achéron, les regrets amers que nous causent,
dans certains cas, nos actions, par suite de l'inconstance de notre nature; par le Cocyte, tous les
événements qui sont pour l'homme un sujet de larmes et de gémissements; par le Styx enfin, ils
entendaient tout ce qui occasionne parmi nous ces haines profondes qui font le tourment de nos âmes.
Ces mêmes sages, étaient persuadés que la description des châtiments, dans les enfers, était
empruntée des maux attachés aux passions humaines. Le vautour qui dévore éternellement le foie
toujours renaissant de Prométhée, est, disaient-ils, l'image des remords d'une conscience agitée, qui
pénètrent dans les replis les plus profônds de l'âme du méchant, et la déchirent, en lui rappelant sans
cesse le souvenir de ses crimes : en vain voudrait-il reposer; attachés à leur proie qui renaît sans cesse,
ils ne lui font point de grâce, d'après cette loi, que le coupable est inséparable de son juge, et qu'il ne
peut se soustraire à sa sentence. Le malheureux tourmenté par la faim, et mourant d'inanition au
milieu des mets dont il est environné, est le type de ceux que la soif toujours croissante d'acquérir rend
insensibles aux biens qu'ils possèdent : pauvres dans l'abondance, ils éprouvent, au milieu du
superflu, tous les malheurs de l'indigence, et croient ne rien avoir, parce qu'ils n'ont pas tout ce qu'ils
voudraient avoir. Ceux-là sont attachés à la roue d'Ixion, qui, ne montrant ni jugement, ni esprit de
conduite, ni vertus, dans aucune de leurs actions, abandonnent au hasard le soin de leurs affaires, et
sont les jouets des événements et de l'aveugle destin. Ceux-là roulent sans fin leur rocher, qui
consument leur vie dans des recherches fatigantes et infructueuses. Le Lapithe, qui craint à chaque
instant la chute de la roche noire suspendue sur sa tète, représente le tyran parvenu, pour son
malheur, au sommet d'une puissance illégale: continuellement agité de terreurs, détesté de ceux dont
il veut être craint, il a toujours sous les yeux la fin tragique qu'il mérite. Ces conjectures des plus
anciens théologiens sont fondées; car Denys, le plus cruel des usurpateurs de la Sicile, voulant
détromper un de ses courtisans, qui le croyait le plus heureux des hommes, et lui donner une idée
juste de l'existence d'un tyran que la crainte agite à chaque instant et que les dangers environnent de
toutes parts, l'invita à un repas splendide, et fit placer au-dessus de sa tête une épée suspendue à un
léger fil. La situation pénible de l'homme de cour l'empêchant de prendre part à la joie du banquet :
Telle est, lui dit Denys, cette vie qui vous paraissait si heureuse; jugez du bonheur de celui qui,
toujours menacé de la perdre, ne peut jamais cesser de craindre! Selon ces assertions, s'il est vrai que
chacun de nous sera traité selon ses oeuvres, et qu'il n'y ait d'autres enfers que nos corps, que faut-il
entendre par la mort de l'âme, si ce n'est son immersion dans l'antre ténébreux du corps, et, par sa vie,
son retour au sein des astres, après qu'elle a brisé ses liens?
Trad. : Macrobe, Varron, Pomponius Méla, oeuvres complètes. Collection des Auteurs latins publiés sous la direction de M. NISARD, Paris, Didot, 1854
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Date : |
10-10-2008 |
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