Parcours :  4

Scénario

1. Le cours commence par un remue-méninges en deux parties : il s'agit de mettre en parallèle les attitudes et comportements religieux d'une part et superstitieux d'autre part.
Certains gestes ou comportements ne manqueront pas de se trouver à la limite entre superstition et religion. Il serait peut-être nécessaire, à ce stade-ci, de se référer à un dictionnaire pour tenter de fixer la frontière, parfois floue, entre ces deux concepts.

C'est sur ce flou que nous allons nous interroger dans ce parcours : Les Anciens connaissaient-ils la même confusion?

2. Cette réflexion permettra également d'envisager la foi chrétienne sous un jour nouveau.
Cependant, pour bien montrer aux élèves le danger de faux amis ou de mots transparents en particulier religio/religion, il serait intéressant de partir des articles religio, religiosus plus éventuellement pietas/pius, sacer/sacrum, superstitio/superstitiosus) du Gaffiot. On pourrait en analyser le contenu avec les élèves afin de mesurer la complexité de la notion ainsi que la difficulté de se la représenter en faisant abstraction de notre propre idéologie.

3. Pour affiner cette démarche, il serait aussi bien indiqué de s'inspirer de quelques ouvrages traitant de ce sujet, dont voici quelques extraits intéressants pour entamer la réflexion:

Pour les Anciens, il (le mot de religio) signifiait l'ensemble des liens reconnus qui rattachaient l'activité humaine aux dieux. La notion d'obligations juridiques réciproques (fides) en dérivait : l'exactitude du rite entraîne l'acquiescement du dieu.
Jean Bayet, Histoire politique et psychologique de la religion romaine, Payot, Paris, 1969, p 59.

"Religio ne signifiait pas "la religion". En français, le terme désigne l'ensemble des croyances et du culte, c'est encore sacra qui correspondrait tant bien que mal à ce sens, mais en mettant l'accent sur le culte et sans envisager ni dogme ni doctrine. Religio désignait simplement l'attitude qui devait être celle de l'homme en face du monde du sacré, faite de respect et d'empressement à déférer aux exigences des dieux."
Joël Le Gall, La religion romaine, De l'époque de Caton l'Ancien au règne de l'empereur Commode, S.E.D.E.S., Paris, 1975, p. 40.

"La religion pour un Romain est cet ensemble de rites confiés aux magistrats ou aux prêtres, sous l'autorité du sénat, et qui se célèbrent en commun. Ce qui est en cause, chaque fois qu'il est question de superstition, ce ne sont pas des hérésies concernant la religio, ce ne sont pas des religions fausses, mais des comportements qui sont extérieurs à l'espace de la religion et relèvent de la sphère privée, de l'individuel. L'opposition entre religion et superstition n'est pas conçue comme celle de la vérité ou de l'erreur ou celle du faux dieu ou du dieu vrai ; le clivage qui passe entre religion et superstition est d'abord celui qui sépare le public du privé, l'être communautaire des citoyens romains de leur vie privée. La superstition concerne le citoyen en tant qu'individu ou regarde ceux qui ne peuvent se réaliser que dans la dimension non publique : les femmes, les esclaves, les étrangers. La situation est tout à fait analogue pour l'exercice de la magie ou de l'astrologie : indifférente si elle se confine dans la sphère du privé, cette "superstition" peut avoir des effets publics si elle sort du cadre de la vie privée. Tant qu'un Romain ne se convertit pas à un monothéisme rigoureux, il n'existera pour lui aucune incompatibilité entre la pratique du culte public et ses comportements "religieux privés".
John Scheid, Religion et piété à Rome, Éditions La découverte, Paris, 1985.

"Les Romains eux-mêmes n'étaient pas d'accord entre eux sur le sens étymologique de ce terme... Quoi qu'il en soit du sens premier de ce mot, la religio traduit le sentiment de se trouver devant un ordre surnaturel, d'où découle l'exercice scrupuleux d'observances cultuelles. Les sens particuliers que l'on rencontre dans les textes ("scrupule", "respect", "croyance religieuse", "culte", etc.) dérivent de cette attitude fondamentale. Le contraire de la religio, c'est la neglegentia, c'est-à-dire le fait de négliger les dieux, de se dispenser d'accomplir les actes cultuels, conduite qui suppose soit le mépris, soit la légèreté et l'indifférence. Quant au mot "superstitio" ("superstition"), dont aucune étymologie ne paraît pleinement satisfaisante, il désigne tout ce qui n'est pas la religio, c'est-à-dire les observances et les craintes inutiles ou bien l'adhésion à des innovations étrangères."
J.-Cl. Fredouille, Dictionnaire de la civilisation romaine, Larousse, Paris, 1992).

4. Mise en oeuvre:
Pour cette première phase du travail, la classe est partagée en deux groupes :
- le premier groupe traduit la prière de Cloanthe, dans le Chant V de l'Énéide : on y voit un des concurrents à la course navale invoquer les dieux en promettant un sacrifice en cas de victoire… et c'est lui qui l'emporte!
- l'autre groupe traduit un passage de Sénèque où le philosophe explique sa sérénité devant la volonté divine.
Chaque groupe, après correction, remet une copie de sa traduction à l'autre groupe.

Dans un deuxième temps, toute la classe (avec le professeur) traduit le texte de Cicéron, De Div., II, 148.

Après la lecture (en traduction) d'un extrait de Lucrèce, De Rerum Natura, I, 82-101, où le poète dénonce la religion à travers le sacrifice d'Iphigénie, les élèves auront à réaliser un devoir où ils imaginent un dialogue entre Cicéron et Lucrèce sur le thème "religion ou superstition?", Pour ce faire, ils s'inspireront des passages traduits ou lus.

Il sera demandé à chaque élève d'apporter un texte ou un objet qui, pour lui, est significatif sur le plan religieux. Il le présente à la classe en expliquant brièvement le pourquoi de son choix.

Cet exercice nous ramène à la question initiale: la religion dépasse-t-elle la volonté de connaître ou améliorer son futur?

Cette réflexion peut s'alimenter d'autres textes (Ion d'Euripide ou la notion de "mana" dans l'œuvre de Lévi-Strauss, ...) et éventuellement déboucher sur un débat : quelle est la place de la superstition dans le christianisme, dans l'Islam?

Responsable académique : Alain Meurant     Analyse : Jean Schumacher     Design & réalisation inf. : Boris Maroutaeff
Dernière mise à jour : 21/09/1999