Notice : 1. LECTURE : Érasme : Le prince doit être entouré d'amis sages et fidèles :
Érasme, Correspondance, Lettre 272 à Henry VIII, roi d'Angleterre :
[272,0] INVICTISSIMO ANGLORVM RECI HENRICO OCTAVO ERASMVS ROTERODAMMVS S. D.
Sicuti non alia res uel ad uite consuetudinem iucundior uel ad
obeunda negocia magis necessaria quam syncerus ac uere liber
amicus, ita nihil omnium solet homini rarius contingere ;
quemadmodum et alias praestantissimarum rerum summa raritas esse
consueuit. Verum ut scite disserit Hieron ille Xenophonticus,
hanc tantam foelicitatis partem nulli magis desyderant quam principes alioquin felicissimi, quum nulli magis habeant opus amicis
uel pluribus uel syncerioribus. Etenim plurimum perspiciat oportet
is qui unus tot hominum milibus prospicit. Proinde multis oculis,
hoc est multis prudentibus ac fidis amicis, praeditum esse principem to
decet. Quod quidem prudenter intelligens Darius, Persarum rex,
oblato malo punico quopiam insigni magnitudine, tantum optauit
Zopyrorum quantum inesset in eo granorum. Erat is Zopyrus
uir egregie probus regique amicus, unde ilium rex non iniuria tanti
fecit ut diceret se malle Zopyrum unum integrum quam centum
capere Babylonas, palam testificans nullum esse thesaurum quo
non sit amicus preciosior. At huius filius Xerses, Graeciam inuasurus,
in tot hominum milibus quot nullus adhuc hominum ausus
est credere, unum repperit Demaratum a quo libere et amice moneretur ;
sed cuius fidem non prius intellexerit quam euentu compertam.
Quod ipsum usu uenit et Croeso Lydorum regi in Solone. Alexander
item Magnus in tam numerosa conuictorum turba unum habuisse
Calisthenem legitur, Aristotelis discipulum, et hunc tamen liberum
magis quam amicum. Dionysio Syracusano solus aderat Dion et
Plato, Neroni Seneca ; cuius consiliis si paruisset, et imperium
habuisset diuturnius et inter bonos principes numerari potuisset.
[272,0] À L'INVINCIBLE ROI D'ANGLETERRE HENRY VIII,
ÉRASME DE ROTTERDAM, SALUT.
Si rien n'est plus agréable dans la vie quotidienne, ni plus nécessaire pour le règlement des affaires qu'un ami sincère et franc de langage, il n'est rien non plus qu'un homme ait plus rarement chance de rencontrer ; aussi bien les choses excellentes sont généralement de toute rareté. Comme l'a si bien exposé le Hiéron de Xénophon, les princes sont de tous les hommes ceux qui manquent le plus de cet élément de bonheur, eux qui possèdent tous les autres, nul plus qu'eux n'ayant besoin d'amis nombreux et loyaux. Car il
doit voir toutes choses clairement, celui dont la tâche est de prévoir seul pour tant de milliers d'hommes. C'est pourquoi le prince fait bien d'être pourvu de beaucoup d'yeux, c'est-à-dire d'amis sages et fidèles. C'est ce que comprit fort bien Darius roi des Perses qui, comme on lui offrait une grenade d'une grosseur exceptionnelle, souhaita avoir autant de Zopyres qu'elle contenait de grains. Ce Zopyre était un homme d'une grande probité et ami du roi, dont celui-ci, avec raison, faisait tant de cas qu'il aimait mieux, disait-il,
avoir un Zopyre sain et sauf que de prendre cent Babylones, prouvant par là que nul trésor n'est plus précieux qu'un ami. Son fils Xercès, au moment d'envahir la Grèce, ayant à sa disposition un nombre incroyable pour nous de milliers d'hommes, ne trouva que le seul Démarate pour l'avertir loyalement et franchement ; mais il n'apprécia son bon conseil qu'après l'avoir vu vérifié
par l'événement. C'est ce qui se passa également entre Crésus roi de Lydie et Solon. Alexandre le Grand, dans la foule si nombreuse de ses compagnons, ne trouva, dit-on, que Callisthène, un disciple d'Aristote, qui toutefois avait envers lui plus de franchise que d'amitié. Dion et Platon furent seuls auprès de Denys de Syracuse et Sénèque auprès de Néron ; si celui-ci avait suivi ses conseils, il aurait pu être rangé parmi les bons princes. ...
Traductioln française : Marie Delcourt, Jenny Delhez, Marcelle Derwa, Maurice Hélin, Jean Hoyoux : Correspondance d'Érasme, tomi I (1484-1514), Gallimard, 1967.
2. LECTURE : Érasme (1469-1536) critique les triomphes des Romains :
Érasme, Correspondance, Lettre 2090 à Ferdinand, roi de Hongrie et de Bohème - extrait :
... Non enim mihi ualde placent Romanorum triumphi, qui uidebantur
hoc esse splendidiores, quo plura hostium milia trucidata,
plures exustae ciuitates ac uici, plures orbi, orphani uiduaeque
factae nunciabantur ; denique quo maior captiuorum ac sauciorum
turba ad inuidiosum spectaculum producebatur, quasi parum esset
esse prostratos, nisi accederet calamitatis exprobratio. Nulla
potest esse uictoria speciosior quam quae, quantum licet, cum
paucissimorum exitio coniuncta est, quaeque longissime abest ab
ea quam Graeci Cadmaeam appellant ; tum ex qua uictor maiorem
prudentiae moderationisque laudem refert quam fortitudinis aut
etiam felicitatis. Non admodum plausibilis felicitas est quae
plurimorum emitur infelicitate. Quot cladibus interdum emitur
unius oppiduli aut arcis expugnatio, ut non minus fleat uictor
quam uictus ! Quot mortibus constitit Graecis Troia capta, in
cuius obsidione plures propemodum absumpsit pestilentia quam
gladius ! ...
... Car je {Érasme} n'aime guère les triomphes des Romains qui croyaient
mériter d'autant plus de gloire que la renommée leur attribuait plus de milliers d'ennemis égorgés, plus de villes et de villages brûlés,
plus de sans-famille, de veuves et d'orphelins, et qu'ils exhibaient
dans un spectacle haïssable une plus grande foule de prisonniers
et de blessés, comme s'il ne suffisait pas de les avoir
écrasés mais qu'il fallût ajouter l'outrage au malheur. Nulle
victoire ne peut être aussi éclatante que celle qui est obtenue avec
le moins de morts possible, qui est la plus éloignée de ce que les
Grecs appelaient une victoire à la Cadmus, et après laquelle on
loue le vainqueur de sa sagesse et de sa modération plus que de
sa bravoure ou même de son étoile. On ne peut applaudir tout à
fait un bonheur payé par le malheur de tant d'hommes. De quelles
pertes parfois se paye la prise d'une seule redoute ou d'une citadelle,
qui fait pleurer le vainqueur non moins que le vaincu !
Que de morts coûta aux Grecs la prise de Troie dont le siège vit
périr presque plus d'hommes par la peste que par l'épée ! ...
Traduction française : Jacques Chomarat, joseph Helle gouarc'h, Pierre Langlois, Guy Serbat, Jean-Claude Margolin, La correspondance d'Érasme, vol. VIII (1529 - 1530), University Press, Bruxelles, 1979
3. ITINERA ELECTRONICA
: Environnements hypertextes & Textes préparés :
A) Environnements hypertextes :
B) Textes préparés :
- Pétrarque (1304-1374), Entretiens familiers de Pétrarque Sur la bonne et mauvaise fortune ou L'Art de vivre heureux, ch.103: Des défauts de la langue
Traduction française numérisée par nos soins en adaptant l’orthographie.
Traduction française : Entretiens familiers de Pétrarque sur la bonne ou mauvaise fortune ou l’art de vivre heureux. Tomme second. Paris, Trabouillet , 1673
..
latin :
http://pot-pourri.fltr.ucl.ac.be/files/AClassFTP/Textes/Petrarque/de_remediis_fortunae_ch103.txt
français :
http://pot-pourri.fltr.ucl.ac.be/files/AClassFTP/Textes/Petrarque/de_remediis_fortunae_103_fr.txt
- Martin Luther (1483-1546), De la liberté chrétienne, paragraphes 61 à 70
Texte latin et traduction française numérisés par nos soins.
Texte latin : H. SCHMIDT, D. Martini Lutheri opera latina. Vol. IV, Frankfurt, 1867
Traduction française : Félix KUHN, Le livre de la Liberté chrétienne du docteur Martin Luther. Paris, Sandoz & Fischbacher , 1879
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latin :
http://pot-pourri.fltr.ucl.ac.be/files/AClassFTP/Textes/Luther/de_libertate_christiana_par61a70.txt
français :
http://pot-pourri.fltr.ucl.ac.be/files/AClassFTP/Textes/Luther/de_libertate_christiana_par61a70_fr.txt
Jean Schumacher
11 août 2017
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