Notice : 1. LECTURE : Juste Lipse (1547 - 1606) : A quoi sert-il de quitter sa patrie pour fuir les troubles qui s'y manifestent ? :
Juste Lipse, De la constance, I, 2 :
... Patriam ecce desertum is : sed dic serio,
illam cum fugies, te quoque effugies ? Vide ne contra
sit, et tecum atque in pectore isto circumferas fontem
fomitemque tui mali. Ut ii qui febriunt, iactant se inquiete
et uersant, et lectum subinde mutant uana spe
leuamenti : in eadem caussa nos, qui terram terra
frustra mutamus, aegri scilicet mentis. Aperire enim hoc
est morbum, non tollere : fateri internum hunc calorem,
et non mederi. Eleganter Romanus sapiens :
"Proprium est aegri nihil diu pati, et mutationibus ut
remediis uti. Inde peregrinationes suscipiuntur uagae,
et littora pererrantur; et modo mari se modo terra
experitur praesentibus semper infesta leuitas".
Itaque fugitis magis turbas quam uitatis. Ut cerua illa
apud Virgilium, "Quam procul incautam nemora inter
Cressia fixit Pastor agens telis :
... illa fuga siluas saltusque peragrat Dictaeos ..."
frustra : quia, ut idem poeta addit, "haeret lateri tetalis
arundo" :
ita uos, qui telo hoc adfectuum penitus percussi, non
id excutitis, sed migratione transfertis. Qui crus sibi
aut brachium fregit, non currum poscit, ut opinor, sed
chirurgum : tua quae uanitas, qui internam hanc plagam
motu sanare te postulas et discursu ? Animus enim certe
est, qui aegrotat : et omnis haec exterior imbecillitas,
desperatio, languor, orta ab uno fonte, quod iacet ille et
languet. Sceptrum abiecit princeps diuinaque pars : et
eo uilitatis lapsa est, ut sponte seruiat suis seruis. Dic,
locus hic quid faciet aut motus? Nisi forte regio aliqua
est, quae metus temperet, quae spes refraenet, quae malam
hanc saniem educat, quam alte imbibimus, uitiorum.
Atqui nulla est, nec in insulis ipsis beatorum;
aut si est, ostende, et omnes illuc agmine facto imus. ...
... Voilà que tu vas déserter ta patrie ; mais, dis-le moi sérieusement, en la fuyant, te fuiras tu toi-même ? Prends garde que le contraire ne t'arrive et que tu n'emportes avec toi, et dans ton propre cœur, la source et le foyer de ton mal. Comme ceux que la fièvre tourmente s'agitent sans cesse, ne pouvant supporter le repos, se retournent et changent de lit dans le vain espoir d'un soulagement, de même nous, quand nous sommes malades d'esprit, nous avons beau changer de lieu : c'est découvrir notre mal, non l'enlever ; c'est confesser, non éteindre cette inflammation intérieure. Un sage Romain a dit avec élégance : "C'est le propre d'un malade de ne rien supporter longtemps et de chercher le changement comme un remède. Alors on entreprend des pérégrinations sans but, on erre au hasard le long des rivages ; et tantôt sur mer, tantôt sur terre, se manifeste clairement aux yeux de tous ceux qui nous voient la légèreté qui toujours nous tourmente".
{Séneque, De la tranquillité de l'âme, II, 12}
Vous fuyez les troubles, vous ne les évitez pas. Comme la biche, dont parle Virgile, "que le pasteur a frappée de loin avec son javelot pendant qu'elle errait sans défiance dans les forêts de la Crète, s'élance et fuit à travers les bois et les bocages de Dicté",
{Virgile, L'Énéide, IV, 72}
mais en vain, car, ajoute le poète, "elle emporte le roseau mortel attaché à son flanc" :
{Virgile, L'Énéide, IV, 73}
ainsi vous que le trait des affections a profondément blessé, vous ne le faites pas tomber en émigrant, vous l'emportez avec vous. Qui s'est cassé un bras ou une jambe, ne demande pas, il me semble, qu'on lui amène un char ou un cheval, mais un chirurgien : quelle est donc ta vanité à toi de prétendre guérir ta plaie intérieure par le mouvement, et en courant çà et là ? Car certainement c'est ton âme qui est malade. Cette faiblesse extérieure, cette langueur, ce désespoir, tout cela naît d'une même cause, la prostration et l'énervement de l'esprit. La partie dirigeante et divine a rejeté le sceptre ; elle est tombée à ce degré d'avilissement qu'elle se rend esclave volontaire de ses propres esclaves. Dis, que peut faire à cela ou le lieu ou le mouvement ? à moins qu'il n'y ait quelque région inconnue qui tempère les craintes, qui refrène les folles espérances, qui extirpe ce mauvais virus des vices dont nous sommes profondément imbus. Or une telle région n'existe pas, même dans les îles fortunées : s'il en est une, montre-la moi ; l'instant nous partons tous avec toi pour y aller. ...
2. LECTURE : Francis Bacon (1561 - 1626) : Que faut-il faire lorsqu'on est tombé en disgrâce (auprès d'un supérieur) ? :
Francis Bacon, De la dignité et de l'accroissement des sciences, VIII, 2c :
... PABABOLA.
16. Si spiritus potestatem habentis ascenderit super te, locum tuum
ne dimiseris; quia curatio faciet cessare magna peccata.
EXPLICATIO.
Praecipit Parabola quomodo se quis gerere debeat, cum iram
atque indignationem principis incurrerit. Praeceptum duplex :
primo, ut non dimittat locum suum ; secundo, ut curationi,
tanquam in morbo aliquo graui, diligenter et caute attendat.
Consueuerunt enim homines, postquam commotos contra se principes
suos senserint, partim ex dedecoris impatientia, partim ne uulnus
obseruando refricent, partim ut tristitiam et humilitatem eorum
principes sui perspiciant, se a muneribus et functionibus suis
subducere ; quinetiam interdum ipsos magistratus et dignitates
quas gerunt in principum manus restituere. At Salomon hanc
medendi uiam, ueluti noxiam, improbat ; idque summa profecto
ratione. Primo enim, dedecus ipsum nimis illa publicat ;
unde tum inimici atque inuidi audaciores fiunt ad laedendum,
tum amici timidiores ad subueniendum. Secundo, hoc pacto
fit ut principis ira, quae fortasse si non euulgaretur sponte
concideret, magis figatur, et ueluti principio iam facto hominis
deturbandi in praecipitium illius feratur. Postremo, secessus
iste aliquid sapit ex maleuolo, et temporibus infenso ; id quod
malum indignationis malo suspicionis cumulat. Ad curationem
autem pertinent ista : primo, caueat ante omnia ne stupiditate
quadam, aut etiam animi elatione, indignationem principis
minime sentire aut inde prout debeat affici uideatur : hoc est,
ut et uultum, non ad tristitiam contumacem, sed ad moestitiam
grauem atque modestam componat; et in rebus quibuscunque
agendis se minus solito hilarem et laetum ostendat ; quin et in
rem suam erit, amici alicuius opera et sermone apud principem
uti, qui quanto doloris sensu in intimis excrucietur tempestiue
insinuet. Secundo, occasiones omnes uel minimas sedulo euitet,
per quas aut res ipsa quae indignationi causam praebuit
refricetur, aut princeps denuo excandescendi et ipsum quacunque
de causa coram aliis obiurgandi ansam arripiat. Tertio,
perquirat etiam diligenter occasiones omnes, in quibus opera
eius principi grata esse possit; ut et uoluntatem promptam
redimendi culpam praeteritam ostendat, et princeps suus sentiat
quali tandem seruo, si eum dimittat, priuari se contigerit.
Quarto, culpam ipsam aut sagaciter in alios transferat, aut
animo illam non malo commissam esse insinuet, aut etiam
malitiam illorum, qui ipsum regi detulerunt uel rem supra
modum aggrauarunt, indicet. Denique in omnibus euigilet, et
curationi sit intentus. ...
... PARABOLE.
16. Si l'esprit de celui qui a la puissance s'élève contre toi, n'abandonne
pas ton poste; car le traitement remédiera aux grandes erreurs de régime.
[Ecclésiaste, X, 4}
EXPLICATION.
La parabole enseigne comment on doit se conduire lorsqu'on a encouru
l'indignation et la colère du prince : précepte qui renferme deux parties.
1°. Il recommande de ne pas abandonner son poste; 2°. de penser à la cure,
comme dans une maladie grave, et de n'épargner pour cela ni soin ni
précautions. Car la plupart des hommes, lorsqu'ils voient leur prince
irrité contre eux, disparaissent; et, soit par l'impuissance de supporter la perte
de leur considération, soit pour ne pas frotter la plaie en se montrant, soit
enfin pour rendre le prince témoin de leur affliction et de leur humiliation,
ils se dérobent à leurs emplois et à leurs fonctions; ils vont quelquefois
jusqu'à abdiquer leurs magistratures et leurs dignités, et â les remettre
entre les mains du prince. Mais Salomon improuve ce genre de traitement,
le regardant comme préjudiciable; et cela par les raisons les plus fortes.
1°. Cela même rend votre déshonneur trop public, vos ennemis et vos
envieux en deviennent plus hardis pour vous attaquer ; et vos amis, plus
timides pour vous servir. Il en résulte aussi que la colère du prince, qui,
si elle n'était pas rendue publique, tomberait d'elle-même, se fixe davantage,
et qu'ayant déja ébranlé son homme, elle le pousse dans le précipice.
De plus cette retraite donne un certain air de malveillance et de
mécontentement du présent; ce qui ajoute, au mal de l'indignation, le mal
du soupçon. Or, voici en quoi consiste le traitement. 1°. Il ne faut pas se
donner l'air d'être insensible à l'indignation du prince, soit par une sorte de
stupidité, soit par une hauteur excessive; mais il faut en paraître affecté
comme on doit l'être; c'est-à-dire qu'il faut composer son visage, non en
y faisant paraître un air de mauvaise humeur et de rébellion, mais une
tristesse grave et modeste. Il faut, dans tout ce que l'on fait, montrer moins
de gaieté et d'enjouement qu'à l'ordinaire. De plus, pour rétablir un peu vos
affaires, usez de l'entremise d'un ami, et engagez-le à faire entendre au prince,
par un discours insinuant, de quelle douleur vous êtes intérieurement pénétré.
En second lieu, évitez avec soin toutes les occasions, même les plus légères,
de rappeler au prince la chose qui a excité sa colère, et de toucher ainsi
à la plaie; et beaucoup plus encore de l'irriter de nouveau, et de lui donner lieu
de vous faire une seconde réprimande devant les autres : saisissez avec soin
toutes les occasions où votre service peut être agréable au prince, afin de lui
témoigner le plus vif désir de réparer la faute commise, et de lui faire sentir
de quel serviteur il se priverait, s'il venait à vous congédier : rejetez adroitement
la faute sur les autres, ou insinuez que, si vous l'avez commise, ce n'est point par
mauvaise intention ; ou encore faites remarquer la malignité de ceux qui vous
ont dénoncé au roi, et faites voir qu'ils ont excessivement aggravé la chose:
enfin tenez-vous continuellement éveillé, et occupez-vous sérieusement du
traitement. ...
3. ITINERA ELECTRONICA : Environnements hypertextes & Textes préparés :
A) Environnements hypertextes :
B) Textes préparés :
- Juste Lipse (Joost Lips ; 1547 - 1606), De la constance, Livre I, ch. 1 à 5; [Texte latin numérisé par nos soins.
Traduction française préparée par François-Dominique FOURNIER.
Traduction française: Lucien du Bois, Juste Lipse, Traité de la constance. Bruxelles & Leipzig, Merzbach, 1873]
latin :
http://pot-pourri.fltr.ucl.ac.be/files/aclassftp/Textes/Juste_Lipse/de_constantia_01_01a05.txt français :
http://pot-pourri.fltr.ucl.ac.be/files/aclassftp/Textes/Juste_Lipse/de_constantia_01_01a05_fr.txt
- Francis BACON (1561 - 1626), De la dignité et de l'accroissement des sciences, livre VIII, chapitre 2b [Texte latin et traduction française numérisés par nos soins.
Traduction française : A. LASALLE, Oeuvres de François Bacon. Dijon, L.-N. Frantin. XV volumes (1799-1802). Vol. II.]
latin :
http://pot-pourri.fltr.ucl.ac.be/files/AClassFTP/Textes/Bacon/de_dign_augm_sc_lv08_ch02b.txt
français :
http://pot-pourri.fltr.ucl.ac.be/files/AClassFTP/Textes/Bacon/de_dign_augm_sc_lv08_ch02b_fr.txt
- Helmold von Bosau (vers 1120 - après 1177), Chronica Slavorum, Livre I, ch. 41 à 60 [Traduction libre établie par Marc Szwajcer.
Traduction : J.-Fr MICHAUD, Bibliothèque des Croisades, 3e partie. Paris, Ponthieu, 1829] latin :
http://pot-pourri.fltr.ucl.ac.be/files/aclassftp/Textes/HELMOLD_BOSAU/chronica_slavorum_01_41a60.txt
français :
http://pot-pourri.fltr.ucl.ac.be/files/aclassftp/Textes/HELMOLD_BOSAU/chronica_slavorum_01_41a60_fr.txt
Jean SCHUMACHER
20 juin 2014
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