Notice : 1. Lecture : Augustin, Plotin et Platonopolis (L. JERPHAGNON)
Livre : Lucien JERPHAGNON, Connais-toi toi-même ... et fais ce que tu aimes.
Paris, Albin Michel, 2012, 377 pp.
Extrait : pp. 178-179 :
"... Dans les oeuvres d'Augustin, c'est d'une façon
concrète que se fait cette prise de conscience [de la pensée antique].
Dans les Confessions, autobiographie en forme de lettre ouverte à
Dieu, qu'a-t-on sous les yeux, sinon le périple intellectuel
et moral d'un gamin, chrétien comme on l'est à son
âge, soudain converti à la sagesse par un Cicéron qui
avait tâté de toutes, puis celui d'un jeune homme
accroché neuf années durant à une secte, le manichéisme ?
On voit alors un homme se construire à la
fortune du pot : tantôt éclairé, tantôt déconcerté par
Aristote, par les sceptiques de la Nouvelle Académie,
littéralement retourné en 386 par des livres qu'on lui
avait prêtés, ceux de Plotin et de Porphyre.
Qu'avait-il donc trouvé qui ait à ce point bouleversé
les idées qu'il se faisait jusque-là du monde, du mal, de
l'âme, de Dieu ? Une expérience analogue à la sienne,
encore qu'en milieu païen, vécue par Plotin quelque
cent cinquante ans plus tôt. L'étudiant alexandrin avait,
comme lui, fait en pure perte le tour de toutes les
sagesses, jusqu'au jour où il tomba sur cet Ammonios
Saccas (fin du IIe – début du IIIe siècle) dont on ne sait
rien, et devint ainsi le disciple de Platon. Du vrai, de
celui dont une lignée de fidèles avait sauvegardé l'enseignement
authentique, en marge des théories plus ou
moins déviantes.
Plotin aussi avait couru des hasards. Il
s'était finalement établi à Rome, où son enseignement
avait grand prestige : parmi ses auditeurs, on remarquait
Gallien et Salonine, le couple impérial. Rêva-t-il, comme
le prétend Porphyre, de fonder en Campanie une cité
des philosophes, Platonopolis, gouvernée selon les principes
définis par Platon dans la République ou les Lois ?
Ce projet farfelu tourna court. Plotin, en dépit de ses
entrées au palais, menait la vie d'un véritable ascète.
Restent de lui 54 traités, que Porphyre rangea à son idée
en six groupes de neuf, les Ennéades. ..."
Témoignage :
Porphyre, Vie de Plotin, XII :
XII.
Ἐτίμησαν δὲ τὸν Πλωτῖνον μάλιστα καὶ ἐσέφθησαν
Γαλιῆνός τε ὁ αὐτοκράτωρ καὶ ἡ τούτου γυνὴ Σαλωνίνα.
Ὁ δὲ τῇ φιλίᾳ τῇ τούτων καταχρώμενος φιλοσόφων τινὰ
πόλιν κατὰ τὴν Καμπανίαν γεγενῆσθαι λεγομένην, ἄλλως
δὲ κατηριπωμένην, ἠξίου ἀνεγείρειν καὶ τὴν πέριξ χώραν
χαρίσασθαι οἰκισθείσῃ τῇ πόλει, νόμοις δὲ χρῆσθαι τοὺς
κατοικεῖν μέλλοντας τοῖς Πλάτωνος καὶ τὴν προσηγορίαν
αὐτῇ Πλατωνόπολιν θέσθαι, ἐκεῖ τε αὐτὸς μετὰ τῶν
ἑταίρων ἀναχωρήσειν ὑπισχνεῖτο. Καὶ ἐγένετ´ ἂν τὸ βούλημα
ἐκ τοῦ ῥᾴστου τῷ φιλοσόφῳ, εἰ μή τινες τῶν συνόντων
τῷ βασιλεῖ φθονοῦντες ἢ νεμεσῶντες ἢ δι´ ἄλλην
μοχθηρὰν αἰτίαν ἐνεπόδισαν.
XII. L'empereur Gallien et l'impératrice Salonine sa femme avaient une
considération particuliére pour Plotin. Comptant donc sur leur bonne
volonté, il les pria de faire rebâtir une ville de Campanie qui était
ruinée, de la lui donner avec tout son territoire, afin qu'il la fit
habiter par des philosophes, et qu'il y établit les lois de Platon. Son
intention était de lui donner le nom de Platonople et d'y aller demeurer
avec ses disciples. Il eut facilement obtenu ce qu'il demandait, si
quelques-uns des courtisans de l'empereur ne s'y fussent opposés, ou par
jalousie, ou par quelque autre mauvaise raison.
2. Lecture : AUGUSTIN à propos de [la naissance de] la géométrie et l'astronomie :
Augustin (saint), De l'ordre, II, 15 :
Hinc est profecta in oculorum opes et terram coelumque collustrans, sensit nihil aliud quam pulchritudinem sibi placere, et in pulchritudine figuras, in figuris dimensiones, in dimensionibus numeros; quaesiuitque ipsa secum utrum ibi talis linea talisque rotunditas uel quaelibet alia forma et figura esset, qualem intellegentia contineret. Longe deteriorem inuenit et nulla ex parte quod uiderent oculi cum eo quod mens cerneret comparandum. Haec quoque distincta et disposita in disciplinam redegit appellauitque geometriam. Motus eam caeli multum mouebat et ad se diligenter considerandum inuitabat. Etiam ibi per constantissimas temporum uices, per astrorum ratos difinitosque cursus, per interuallorum spatia moderata, intellexit nihil aliud quam illam dimensionem numerosque dominari. Quae similiter definiendo ac secernendo in ordinem nectens, astrologiam genuit, magnum religiosis argumentum tormentumque curiosis.
La raison travailla ensuite pour les yeux. Parcourant donc la terre et le ciel, elle sentit que rien ne lui état agréable que la beauté, et que ce qui lui plaisait dans la beauté c'étaient les formes ; dans les formes, les proportions, et dans les proportions, les nombres. Elle examina alors si la ligne, si la circonférence, si toute autre forme et toute autre figure étaient en réalité ce qu'elles étaient dans l'intelligence. Mais elle découvrit qu'elles étaient bien inférieures et qu'il n'y avait aucune comparaison à établir entre ce qui tombe sous les sens et ce qui est du domaine de la pensée. Elle approfondit ces observations, les mit en ordre et en fit une science qu'elle nomma géométrie. Le mouvement du ciel la frappait, elle se sentait portée à le considérer avec attention. Là aussi, dans les régulières vicissitudes des temps, dans le cours invariable et limité des astres, dans les intervalles réglés qui les séparent, elle s'aperçut que les mesures et les nombres dominaient encore. Résumant tout dans des définitions et des divisions, elle produisit l'astronomie [l'astrologie ?], cette grande preuve de la religion, ce tourment perpétuel de sa curiosité.
3. Lecture : Augustin, Varron et la science du gouvernement :
Augustin (saint), De l'ordre, II, 20 :
Res enim multum necessaria mihi prorsus exciderat, quam in illo uiro (si quid litteris memoriae mandatis credendum est; quamuis Varroni quis non credat?) mirari et pene quotidianis, ut scis, efferre laudibus soleo, quod regendae reipublicae disciplinam suis auditoribus ultimam tradebat iam doctis, iam perfectis, iam sapientibus, iam beatis. Tantos ibi enim fluctus uidebat, ut eis nollet committere nisi uirum qui et in regendo pene diuine scopulos euitaret et, si omnia defecissent ipse illis fluctibus quasi scopulus fieret. De solo enim sapiente uerissime dici potest, "Ille uelut pelagi rupes immota, resistit" et coetera quae luculentis in hanc sententiam uersibus dicta sunt.
J' [Augustin] avais effectivement oublié une chose fort importante et que je loue presque chaque jour, tu le sais: c'est que, s'il faut ajouter foi à l'histoire, et comment n'en pas croire Varron ? ce grand homme n'enseignait qu'en dernier lieu la science du gouvernement; il voulait auparavant que ses disciples fussent déjà instruits, déjà parfaits, déjà sages, déjà heureux. Il voyait dans le gouvernement de tels orages, qu'il ne voulait y exposer qu'un homme capable d'éviter les écueils par une sagesse presque divine et, au besoin, d'arrêter lui-même les flots. Du sage seulement on peut dire en toute vérité "Comme un roc immobile, il résiste aux tempêtes" (Virgile, L'Enéide, VIII, v. 585-589) et tout ce qu'expriment en ce sens les beaux vers qui suivent.
4. ITINERA ELECTRONICA & environnements hypertextes :
Christian RUELL, artisan infatigable, a pu établir, cette semaine-ci, 7 nouveaux environnements hypertextes :
- Albert d'Aix, Chronicon Hierosolymitanum, livre III [Traduction française reprise au site de Philippe Remacle]
- Augustin (saint), De l'Ordre, livre II [Traduction française reprise au site de l'Abbaye Saint Benoît de Port-Valais]
- Bernard de Clairvaux (saint), Lettres, Lettre LXXXVII : Au chanoine régulier Oger [Traduction française reprise au site de l'Abbaye Saint Benoît de Port-Valais]
- Bernard de Clairvaux (saint), Sermons sur le Cantique des Cantiques, Sermon XV [Traduction française reprise au site de l'Abbaye Saint Benoît de Port-Valais]
- Grégoire le Grand (Grégoire Ier, pape en 590)), Les Morales sur Job, Préface [Traduction française reprise au site des vrais chrétiens orthodoxes francophones]
- Grégoire de Tours, Histoire des Francs, livre VI [Traduction française reprise au site de Philippe Remacle]
- Jérôme (saint), Lettres, Lettre LXXII : A Vital, prêtre [Traduction française reprise au site de l'Abbaye Saint Benoît de Port-Valais]
Les textes bruts de ces oeuvres sont disponibles dans le Dépôt ITINERA ELECTRONICA.
Jean Schumacher
20 avril 2012
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