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Date :     23-09-2011

Sujets :
Lecture : Aristote, précepteur et Arrhidée, frère aîné d'Alexandre le Grand (A. LYON) ; Lecture : AMBROISE de Milan : Comment enseigner sans exercice ou progresser sans pratique ; Lecture : AMBROISE de Milan à propos (de l'utilité) du commerce des vieilles gens ; ITINERA ELECTRONICA : 7 nouveaux environnements hypertextes : Ambroise de Milan (saint), Arnobe l'Ancien, Augustin (saint), Bernard de Clairvaux (saint), Jérôme (saint ; x 2), Thomas d'Aquin ;

Notice :

1. Lecture : Aristote, précepteur et Arrhidée, frère aîné d'Alexandre le Grand (A. LYON) :

Livre : Annabel LYON, Le juste milieu
Titre original : The Golden Mean (2009)
Traduction française par David FAUQUEMBERG
Paris, Quai Voltaire, 2011, 324 pp.

Lecture : Aristote, précepteur et Arrhidée, frère aîné d'Alexandre le Grand (A. LYON) :

" ...Un garde-malade me [Aristote] laisse entrer dans la chambre du fils aîné. Ce dernier est grand, mais le mal dont il souffre rend son âge difficile à deviner. Il a la démarche bancale, aussi raide que celle d'un vieillard, et son regard oscille vaguement d'un objet à l'autre. Tandis que nous discutons, le garde-malade et moi, les doigts du fils dérivent vers sa bouche et tirent de manière répétée sur sa lèvre inférieure. Assis ou debout, se tournant maladroitement d'un côté ou de l'autre comme on le lui demande, il apparaît plutôt affable, mais c'est clairement un idiot. Sa chambre est décorée comme celle d'un enfant en bas âge, avec des billes, des jouets et des animaux sculptés éparpillés sur le sol. Il y règne une odeur lourde, un musc animal.
« Arrhidée », bredouille-t-il fièrement quand je lui demande son nom. J'ai été obligé de répéter deux fois, reposant la question après que le garde-malade m'a expliqué que le garçon est dur d'oreille.
Malgré son masque d'idiotie, je distingue en lui le roi son père, dans la largeur de ses épaules, dans ce rire franc qui le remplit d'aise quand je respire profondément ou que j'ouvre bien grand la bouche pour montrer au garçon ce que j'attends de lui. Le garde-malade dit qu'il a seize ans et que jusqu'à l'âge de cinq ans, c'était un enfant débordant de vigueur, beau et adoré. Alors, poursuit il, il est tombé malade et toute la maisonnée l'a pleuré, persuadée qu'il ne survivrait pas à une telle fièvre, à de tels maux de tête, à l'étrange raideur de sa nuque, aux vomissements et, enfin, aux attaques suivies d'une inquiétante léthargie. Mais ce qui s'était finalement produit était peut-être pire encore.
«Pire, non. » J'étudie le nez et les oreilles du garçon, l'allonge de ses membres, et compare ses muscles mous aux miens. « Pire, non. »
Pourtant, en mon for intérieur, je suis fasciné par les nombreuses beautés et l'ordre du monde, et ce garçon me remplit d'horreur.
«Prends ça. » Je tends à Arrhidée une tablette de cire.
« Peux-tu me dessiner un triangle ? »
Mais il ne sait pas tenir le stylet. Quand je lui montre, il gronde de joie et entreprend de tracer des lignes incertaines. Alors je lui dessine un triangle, et il éclate de rire. Je ne peux m'empêcher de repenser à mes propres maîtres, et à leurs théories en vogue sur le fonctionnement de l'esprit. Il y a depuis toujours des pensées vraies en lui... qu'il convient simplement de réveiller pour en faire un savoir, en lui soumettant des questions...
«Il manque d'entraînement, dis-je. Le corps, l'esprit. Je vais te donner une série d'exercices. Tu es son compagnon ? »
Le garde-malade fait oui de la tête.
«Emmène-le avec toi au gymnase. Apprends-lui à courir et à attraper une balle. Dis au masseur de travailler sur ses muscles, surtout ceux des jambes. Tu sais lire ? » Le garde-malade acquiesce encore.
« Apprends-lui les lettres. A voix haute, d'abord, et ensuite fais-les lui dessiner avec son doigt, dans le sable. Ce sera plus facile pour lui que le stylet, au moins pour commencer. Mais surtout, ne le brusque pas...
— Alpha, bêta, gamma, récite le garçon, rayonnant.
— Bien ! »
Je lui ébouriffe les cheveux.
«C'est très bien, Arrhidée !
— Pendant quelque temps, intervient le garde-malade, mon père a enseigné aux deux enfants. J'étais leur camarade. Le fils cadet est très intelligent. Arrhidée l'imite comme un perroquet. Ça ne veut rien dire.
— Delta, dis je, sans prêter attention à lui.
— Delta, répète Arrhidée.
— Je veux le voir tous les matins jusqu'à mon départ. Je te donnerai mes instructions au fur et à mesure. »
Le garde-malade tend sa main à Arrhidée, qui la prend. Ils se lèvent pour partir. Soudain, le visage d'Arrhidée s'illumine, et il se met à frapper dans ses mains, tandis que le garde-malade s'incline. Je me retourne. Sur le seuil de la porte se dresse une femme de mon âge, dans une robe grise d'une grande simplicité. Ses cheveux roux sont coiffés avec sophistication, en longues boucles et accroche-coeurs, tenus par des bijoux d'ambre et de pierres précieuses. Des heures de travail. Elle a la peau sèche et constellée de taches de son. Ses yeux sont brun clair.
«Il vous l'a dit ? me demande-t-elle. Mon époux vous a dit que j'avais empoisonné ce pauvre enfant ? »
Le garde-malade s'est figé. La femme et Arrhidée ont leurs mains posées sur les hanches l'un de l'autre, et elle embrasse tendrement le sommet de son crâne.
«Olympias a empoisonné Arrhidée, fredonne-t-elle. C'est ce qu'ils disent tous. Jalouse du fils aîné de son époux. Prête à tout pour assurer l'accès au trône à son propre enfant. N'est-ce pas cela qu'ils disent ? »
Arrhidée éclate de rire, sans rien comprendre, à l'évidence.
«N'est-ce pas ? » demande-t-elle au garde-malade. La bouche du jeune homme s'ouvre puis se referme, comme celle d'un poisson. « Vous pouvez nous laisser », reprend la femme. Puis elle ajoute : « Oui, mon bouchon », quand Arrhidée insiste pour la serrer dans ses bras. Aussitôt, il court rejoindre son garde-malade.
«Pardonnez-moi, dis-je une fois qu'ils sont sortis. Je ne vous avais pas reconnue.
— Moi, je vous connais. Philippe m'a tout dit de vous. Pouvez-vous aider cet enfant ? »
Je lui répète ce que j'ai expliqué au garde-malade, à savoir qu'il vaut mieux développer les facultés existantes du garçon plutôt que de chercher un remède.
« Votre père était médecin, non ? Mais vous, je crois, ne l'êtes pas.
— J'ai de nombreux centres d'intérêt, dis-je. Trop nombreux, me reproche-t-on souvent. Mon savoir n'est pas aussi vaste que celui de mon père, mais j'ai un don pour voir les choses dans leur ensemble. Cet enfant pourrait être plus que ce qu'il est.
— Cet enfant appartient à Dionysos, réplique-t-elle en posant la main sur son coeur. Il y a en lui quelque chose qui dépasse la simple raison. J'éprouve une affection farouche pour lui, contrairement à ce qu'on vous dira. Je prendrai tout ce que vous ferez pour lui comme une faveur personnelle. »
Sa voix sonne faux – cette vibration étouffée, l'affectation de ses tournures, une maîtrise parfaite de son attrait sexuel. Quelque chose qui dépasse la simple raison ? Elle déclenche en moi un bouillonnement d'irritation, chaud et sombre, pas totalement désagréable. Je m'entends lui répondre : « Tout ce que je pourrai faire pour vous, je le ferai. » ..."

Témoignage :

Plutarque, Vie d'Alexandre, LXXVII :

... ἦν γὰρ ἐκεῖνος εὐθὺς ἐν δυνάμει μεγίστῃ, τὸν Ἀρριδαῖον ὥσπερ δορυφόρημα τῆς βασιλείας ἐφελκόμενος, γεγονότα μὲν ἐκ γυναικὸς ἀδόξου καὶ κοινῆς Φιλίννης, ἀτελῆ δὲ τὸ φρονεῖν ὄντα διὰ σώματος νόσον, οὐ μὴν φύσει προσπεσοῦσαν οὐδ´ αὐτομάτως, ἀλλὰ καὶ πάνυ φασὶ παιδὸς ὄντος αὐτοῦ διαφαίνεσθαι χάριεν ἦθος καὶ οὐκ ἀγεννές, εἶτα μέντοι φαρμάκοις ὑπ´ Ὀλυμπιάδος κακωθέντα διαφθαρῆναι τὴν διάνοιαν.

Ce fut de tous les capitaines d'Alexandre celui qui, aussitôt après sa mort, eut la plus grande autorité, parce qu'il traînait avec lui le jeune Aridée, comme la sauvegarde de la puissance royale qu'il exerçait sous le nom de ce prince. Aridée était fils de Philippe et d'une courtisane de basse extraction, qui se nommait Philina. Mais il avait eu l'esprit affaibli par une grande maladie, qui n'était l'effet ni du hasard, ni d'un vice de constitution : comme dans son enfance il annonçait un caractère aimable et un esprit élevé, Olympias lui donna des breuvages qui altérèrent son tempérament et troublèrent sa raison.

Présentation : Philippe III de Macédoine (WIKIPEDIA)

Critique littéraire (Dominique BLONDEAU) : Deux hommes, deux immortels


2. Lecture : AMBROISE de Milan (vers 340 - 397) : Comment enseigner sans exercice ou progresser sans pratique :

Ambroise de Milan, Traité des devoirs, I, 10 :

… Quomodo enim sine exercitio doctrina, aut sine usu profectus? 32 Qui disciplinam bellicam uult assequi, quotidie exercetur armis, et tamquam in procinctu positus praeludit praelium, et uelut coram posito praetendit hoste: atque ad peritiam uiresque iaculandi, uel suos explorat lacertos, uel aduersariorum declinat ictus, et uigilanti exit obtutu. Qui nauim in mari regere gubernaculis studet, uel remis ducere, prius in fluuio praeludit. Qui canendi suauitatem et uocis affectant praestantiam, prius sensim canendo uocem excitant. Et qui uiribus corporis, legitimoque luctandi certamine coronam petunt, quotidiano usu palaestrae durantes membra, nutrientes patientiam, laborem assuescunt. 33 Haec ipsa natura nos in paruulis docet, quod prius sonos meditantur loquendi, ut loqui discant. Itaque sonus exercitatio quaedam et palaestra uocis est. Ita ergo et qui uolunt discere cautionem loquendi, quod naturae est, non negent: quod custodiae est, exerceant; ut qui in specula sunt, speculando intendant, non dormiendo. Omnis enim res propriis ac domesticis exercitiis augetur.

... Comment en effet enseigner sans exercice ou progresser sans pratique ? Celui qui veut acquérir la science de la guerre, s'exerce aux armes chaque jour et comme s'il se trouvait au combat, il s'entraîne à la lutte et il campe comme face à la position de l'ennemi ; et en ce qui concerne l'habileté et la force du lancer, ou bien il éprouve ses propres bras, ou bien il détourne les traits des adversaires et les esquive grâce à la vigilance de son regard. Celui qui aspire à diriger un navire sur mer avec le gouvernail ou à le conduire avec les rames, s'entraîne d'abord sur un fleuve. Ceux qui recherchent la douceur du chant et l'éclat de la voix, d'abord par un chant progressif éveillent leur voix. Et ceux qui grâce à leurs forces physiques et par un affrontement selon les règles, à la lutte, ambitionnent la couronne, affermissant leurs membres, formant leur endurance, par l'usage quotidien de la palestre, s'habituent à la fatigue. De fait la nature elle-même nous enseigne chez les petits enfants qu'ils étudient d'abord les sons du langage afin d'apprendre à parler. Et ainsi le son est une sorte d'éveil et de palestre de la voix. Ainsi donc, que ceux aussi qui veulent apprendre la prudence du langage, ne refusent pas ce qui relève de la nature ; qu'ils pratiquent ce qui relève de la surveillance : comme ceux qui sont sur un observatoire, qu'ils soient attentifs en observant, non pas en dormant. Toute chose en effet s'accroît par les exercices qui lui sont propres et qui appartiennent à son domaine.


3. Lecture : AMBROISE de Milan à propos (de l'utilité) du commerce des vieilles gens :

Ambroise de Milan, Traité des devoirs, I, 43 :

... Sequatur conuersationis electio, ut adiungamur probatissimis quibusque senioribus. Namque ut aequalium usus dulcior, ita senum tutior est, qui magisterio quodam et ductu uitae colorat mores adolescentium, et uelut murice probitatis inficit. Namque si hi qui sunt ignari locorum, cum solertibus uiarum iter adoriri gestiunt; quanto magis adolescentes cum senibus debent nouum sibi iter uitae aggredi, quo minus errare possint, et a uero tramite uirtutis deflectere! Nihil enim pulchrius quam eosdem et magistros uitae et testes habere. ...

... Qu'il s'ensuive un choix des relations pour nous attacher aux vieillards les plus estimés. Et en effet, de même que le commerce des contemporains est plus agréable, ainsi celui des vieilles gens est plus sûr : par une sorte d'enseignement et de direction concernant la vie, ce commerce déteint sur la conduite des jeunes gens, et l'imprègne pour ainsi dire de la pourpre de l'honnêteté. Et en effet, s'il est vrai que ceux qui sont dans l'ignorance des lieux, désirent vivement entreprendre le voyage avec des gens tout à fait instruits des chemins, combien plus les jeunes gens doivent-ils aborder, avec de vieilles gens, le voyage, nouveau pour eux, de la vie, afin d'éviter qu'ils ne puissent s'égarer et s'écarter du vrai sentier de la vertu ? En effet, rien n'est plus beau que d'avoir les mêmes hommes, et pour maîtres et pour témoins de sa vie. ...


4. ITINERA ELECTRONICA & environnements hypertextes :

Cette semaine-ci, Christian RUELL a trouvé, difficilement, le temps de constituer 7 nouveaux environnements hypertextes :

  • Ambroise de Milan (saint), Traité des devoirs, livre I [Traduction française reprise au site LIVRES-MYSTIQUES.COM]
  • Arnobe l'Ancien, Contre les paîens, livre VI (avec traduction anglaise) [Traduction reprise au site SYNTAXIS.ORG]
  • Augustin (saint), Les Confessions, livre II [Traduction française reprise au site de l'Abbaye Saint Benoît de Port-Valais]
  • Bernard de Clairvaux (saint), Sermons sur le Cantique des Cantiques, Sermon III [Traduction française reprise au site de l'Abbaye Saint Benoît de Port-Valais]
  • Jérôme (saint), Sur une femme accusée d'adultère (Lettre I) [Traduction française reprise au site de l'Abbaye Saint Benoît de Port-Valais]
  • Jérôme (saint), Sur les écrivains grecs et latins (Lettre LXX) [Traduction française reprise au site de l'Abbaye Saint Benoît de Port-Valais]
  • Thomas d'Aquin (saint), Somme contre les gentils Livre I, ch. 37 à 43 [Traduction française reprise au site de l'Abbaye Saint Benoît de Port-Valais]

Les textes bruts de ces oeuvres sont disponibles dans le Dépôt ITINERA ELECTRONICA.


Jean Schumacher
23 septembre 2011


 
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Dernière mise à jour : 17/02/2002