Ode, I, 4

 

 < À Sestius >

 


 

Souvent appelé abusivement "Ode au printemps", ce poème célèbre est écrit pour un ancien compagnon d'armes d'Horace : Sestius (v. 14) vient d'achever son mandat de consul suffectus à la fin de l'hiver 23 ACN, et le poète lui adresse quelques conseils d'ami où il profite du retour du printemps et de son calendrier mythologique pour l'inviter à se soucier du temps qui passe. Il ne s'agit plus de Mécène (I, 1), d'Auguste (I, 2) ou de Virgile (I, 3), mais bien d'un vieux camarade qui a connu, comme le poète, les erreurs de jeunesse et la drôle de guerre de 42 où ils s'étaient engagés tous les deux dans le camp des assassins de César, avant d'être finalement réhabilités par Auguste.

L'hiver est fini, la vie revient sur les mers et dans les campagnes ; c'est la saison de la joie, des chœurs, des danses et de l'amour, mais, paradoxalement, c'est l'occasion pour Horace de penser aussi à la mort et d'y attirer l'attention de son ami. Cette ode est une des plus caractéristiques de la manière d'Horace : derrière une apparence goguenarde et désinvolte qui prend prétexte de l'expérience concrète du printemps retrouvé, dans une langue admirable et une métrique sans faille, le poète livre une véritable sagesse qui est une méditation inquiète sur la fuite du temps et la proximité de la mort.

On trouvera une imitation française de cette ode dans le sonnet À Sextius (sic) de José-Maria de Hérédia (in Les Trophées) :

Le ciel est clair. La barque a glissé sur les sables.
Les vergers sont fleuris et le givre argentin
N'irise plus les prés au soleil du matin.
Les bœufs et le bouvier désertent les étables.

Tout renaît. Mais la Mort et ses funèbres fables
Nous pressent ; et, pour toi, seul le jour est certain
Où les dés renversés en un libre festin
Ne t'assigneront plus la royauté des tables.

La vie, ô Sextius, est brève. Hâtons-nous
De vivre. Déjà l'âge a rompu nos genoux.
Il n'est pas de printemps au froid pays des Ombres.

Viens donc. Les bois sont verts, et voici la saison
D'immoler à Faunus, en ses retraites sombres,
Un bouc noir ou l'agnelle à la blanche toison.

(Voir aussi la première strophe d'un Poème antique de Leconte de Lisle, in Poèmes Antiques. Études latines, XI; l'allusion au "fier patricien", à la fin du poème laisse penser que le poète français avait en tête la partie printanière de l'ode d'Horace).

Contrairement à la présentation typographique que l'on trouve dans plusieurs éditions (dont la CUF), il faut découper cette ode en cinq strophes de quatre vers, dont chacune est constituée de deux distiques. Le mètre du poème est le quatrième mètre archiloquien, dont c'est le seul exemple chez Horace : il s'agit d'un distique formé d'un vers archiloquien et d'un sénaire iambique catalectique, dont voici le schéma :

• v. 1 : vers archiloquien : tétrapodie dactylique (4 dactyles) + tripodie trochaïque (3 trochées) ; les dactyles peuvent être remplacés par des spondées sauf le quatrième ; une première césure tombe après la longue du troisième dactyle, une autre après le quatrième dactyle :

— UU — UU — // UU — UU // — U — U — ~

• v. 2 : sénaire iambique catalectique (6 iambes dont le dernier est incomplet) ; le troisième pied est souvent — toujours, dans notre poème — un spondée au lieu d'être un iambe ; le premier pied peut être remplacé par un spondée ; la césure est penthémimère :

U — U — — // — U — U — ~

Il n'y a pas d'élisions dans notre ode.

(Voir aussi NOUGARET, p.113, § 317)

 

Responsable académique : Paul-Augustin Deproost
Analyse : Jean Schumacher (†)
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Dernière mise à jour : 3 novembre 2020