Caes., BG, V, 1
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[1] L. Domitio Ap. Claudio consulibus, discedens ab hibernis Caesar in Italiam, ut quotannis facere consuerat, legatis imperat quos legionibus praefecerat uti quam plurimas possent hieme naues aedificandas ueteresque reficiendas curarent.
hiberna,
hibernorum : « les quartiers d'hiver ». Il s'agit des camps où
séjournent les soldats durant la période hivernale. Comme ils y restaient de
longues périodes quand le temps se faisait plus rude, les défenses étaient
renforcées et les installations plus confortables. Des baraquements couverts de
chaume s'y substituaient aux tentes habituelles. En règle générale, ce type
d'installation était établi en dehors des cités.
Italia, ae :
« l'Italie ».
Même si ce mot désigne généralement l'Italie actuelle, César s'en sert
ici pour désigner en réalité la Gaule cisalpine (Gallia Cisalpina) ou
citérieure (Gallia citerior), soit la portion de territoire comprise
entre les Alpes et le Rubicon, réduite à l'état de territoire romain en 191
avant J.-C. Ajoutée à la Prouincia et à l'Illyrie, elle constituait le
commandement confié à César après son consulat.
quotannis :
« tous les ans ». Il y allait pour tenir ses assises, mais aussi - et peut-être surtout -
pour se tenir informé de l'évolution de la situation politique à Rome.
legatus, i
:
« le
légat, l'ambassadeur, le délégué ». Quoique dépourvus de magistrature et de
grade, les légats ou lieutenants sont les principaux auxiliaires de l'imperator.
Dans l'armée de César, l'un d'eux, le fameux Labiénus, a néanmoins rang de
préteur (legatus pro praetore : Caes., BG, I, 21, 2). Il s'agit
de son meilleur lieutenant qui ralliera pourtant le camp des républicains
lorsque César marchera sur Rome. Ces «bras droits» étaient nommés par le
Sénat qui en fixait le nombre à partir des souhaits du général en chef. En
vertu de l'incapacité des tribuns militaires, ces légats jouent un rôle
important dans l'armée de César : ils agissent sur ses ordres et sont
responsables devant lui. S'ils commandent généralement des troupes, on les
voit aussi remplir d'autres missions, construire et réparer les
flottes, prendre part aux conseils de guerre, remplir des fonctions
administratives, veiller à l'approvisionnement, recruter des troupes et
recevoir la soumission des villes.
curare (o, aui, atum)
rem + Adj. verbal : « faire faire quelque chose, veiller à l'exécution
de quelque chose ». Quand la proposition subordonnée suit le présent
historique, elle peut comme ici, être au subjonctif imparfait ou au subjonctif
présent proprement dit
« ...castella communit quo facilius, si se inuito transire conarentur, prohibere possit » (Caes., BG, I, 8, 2).
Si la proposition subordonnée précède le présent historique, elle est au subjonctif imparfait
« ...reliquas copias Heluetiorum ut consequi posset, pontem in Arare faciendum curat » (Caes., BG, I, 13, 1).
Il n'y a d'exception à ce dernier cas que si la proposition qui précède le présent historique est une interrogation indirecte
« ...quid sui consilii sit, ostendit » (Caes., BG, I, 21, 2).
ou si elle est déjà précédée elle-même d'un autre présent historique
« a Sequanis impetrat ut per fines suos Heluetios ire patiantur, obsidesque uti inter sese dent perficit » (Caes., BG, I, 9, 4).
hiems, hiemis :
« l'hiver ».
Ablatif de temps (191).
uetus, eris :
« vieux, ancien ». Cet adjectif qualificatif concerne les navires utilisés lors de la
première expédition en Bretagne (Caes., BG, IV, 20-36).
[2] Earum modum formamque demonstrat. Ad celeritatem onerandi subductionesque paulo facit humiliores quam quibus in nostro mari uti consueuimus, atque id eo magis, quod propter crebras commutationes aestuum minus magnos ibi fluctus fieri cognouerat ; ad onera, ad multitudinem iumentorum transportandam paulo latiores quam quibus in reliquis utimur maribus.
modus, i : « la
dimension ».
ad + accusatif :
« en
vue de, pour aider à ».
onerare, o, aui, atum
: « charger ». Le gérondif (ici au génitif singulier) correspond en ce cas et
comme souvent à un substantif français : « le chargement ».
subductio, onis :
« l'action
de tirer les navires sur le rivage, la mise à sec ». Cette opération
consistait à sortir les bateaux de l'eau et à les écarter au moyen de
rouleaux. Ainsi, ils pouvaient être réparés à l'abri des caprices de la mer.
Le pluriel ici utilise (subductiones) montre que la manoeuvre a dû se
répéter autant de fois que nécessaire.
quam quibus : = quam
sunt eae quibus.
mare nostrum
: «
la Méditerranée ». L'adjectif mediterraneus ne s'applique, à l'époque
classique, qu'à des référents situés au milieu des terres,
loin de de la mer.
id
: emploi courant du pronom is, ea,
id pour rappeler un verbe ou un substantif, dans le cas présent il s'agit
de facit.
transportandam
: accusatif féminin de l'adjectif verbal dans une formule de but introduite par
ad. Cet adjectif verbal porte aussi bien sur onera que sur multitudinem,
l'accord s'opérant, par voisinage (139), avec l'élément le plus proche.
[3] Has omnes actuarias imperat fieri, quam ad rem multum humilitas adiuuat.
actuariae
naues : navires au gabarit situé entre ceux des naues
onerariae (bateaux de transport) et des naues longae (vaisseaux de
guerre) : munis de voiles et pourvus d'un seul rang de rameurs, ils servaient
principalement au transport des troupes.
imperat
fieri : comme souvent à l'époque classique, César construit le
verbe imperare avec le subjonctif que celui-ci soit ou non introduit par ut
:
« Caesar... legatis imperat quos legionibus praefecerat uti quam plurimas possent hieme naues aedificandas ueteresque reficiendas curarent » (Caes., BG, V, 1, 1).
« Huic imperat quas possit adeat ciuitates horteturque ut populi Romani fidem sequantur, seque celeriter eo uenturum nuntiet » (Caes., BG, IV, 21, 8).
ou avec un infinitif au passif ou déponent :
« ...magnam partem equitatus ad eum insequendum mittit retrahique imperat » (Caes., BG, V, 7, 6).
« ...quinque eiusdem legionis reliquas de media nocte cum omnibus impedimentis aduerso flumine magno tumultu proficisci imperat » (Caes., BG, VII, 60, 3).
quam
ad rem : porte l'idée de « pour aller à la rame » que
sous-entend l'expression actuariae
naues.
[4] Ea quae sunt usui ad armandas naues ex Hispania apportari iubet.
usui
esse ad rem : « être avantageux en vue de quelque chose ».
[5] Ipse conuentibus Galliae citerioris peractis in Illyricum proficiscitur, quod a Pirustis finitimam partem prouinciae incursionibus uastari audiebat.
Illyricum,
i : région située que la côte orientale de la mer Adriatique et
formée d'une partie du Frioul, de l'Istrie et de la Dalmatie. Constituée
en province romaine vers 167 avant J.-C., elle faisait partie (au même titre
que les Gaules Cisalpine et Transalpine) des contrées soumises au gouvernement
de César.
prouinciae
: désigne ici l'Illyrie.
[6] Eo cum uenisset, ciuitatibus milites imperat certumque in locum conuenire iubet.
milites
: il s'agit en l'occurrence de troupes auxiliaires ; leurs
levées épargnaient aux légions de César tout déplacement
inopportun.
[7] Qua re nuntiata Pirustae legatos ad eum mittunt qui doceant nihil earum rerum publico factum consilio, seseque paratos esse demonstrant omnibus rationibus de iniuriis satisfacere.
earum
rerum : renvoie à incursionibus.
mittunt
...demonstrant
:
ces deux verbes ont Pirustae
pour sujet.
paratos
: l'expression paratus esse (« être prêt à ») se construit tantôt avec
l'infinitif (comme ici) :
« qui dicerent : `se... paratosque esse et obsides dare et imperata facere et oppidis recipere et frumento ceterisque rebus iuuare´ » (Caes., BG, II, 3, 3).
tantôt avec ad + accusatif (« prêt à » sous-entend alors «équipé pour») :
« Vbi iam se ad eam rem paratos esse arbitrati sunt,... » (Caes., BG, I, 5, 2).
Un gérondif ou un adjectif verbal complète souvent cette structure (en l'occurrence, paratus ad + accusatif se rend plutôt par « être disposé à » :
« Temporis tanta fuit exiguitas hostiumque tam paratus ad dimicandum animus, ut... » (Caes., BG, II, 21, 5).
« ...ut, qui propinquitatem loci uideret, paratos prope aequo Marte ad dimicandum existimaret » (Caes., BG, VII, 19, 3).
« ...seque esse ad bellum gerendum paratissimam confirmauit » (Caes., BG, I, 41, 2).
La règle veut que les adjectifs ne se construisent pas avec l'infinitif mais avec le gérondif : paratus est en vérité un participe parfait passif et ne constitue donc pas une exception en soi. L'expression paratus ad pugnandum est d'ailleurs plus courante que paratus pugnare.
[8] Percepta oratione eorum Caesar obsides imperat eosque ad certam diem adduci iubet ; nisi ita fecerint, sese bello ciuitatem persecuturum demonstrat.
percipere,
percipio, percepi, perceptum : « écouter avec attention ».
ad
certam diem : au singulier, le mot dies, diei est tantôt
masculin, tantôt féminin. Au masculin, il signifie simplement « le jour »,
alors qu'au féminin il a plutôt tendance à marquer une époque ou une date
déterminée. Mais cette règle n'a rien d'absolu car on trouve le féminin liée à
l'idée de «jour» dans
« ..., quod propinqua die aequinoctii infirmis nauibus hiemi nauigationem subiciendam non existimabat » (Caes., BG, IV, 36, 2).
et le masculin connotant la notion de « date » à
« ...omnibus hibernis Caesaris oppugnandis hunc esse dictum diem » (Caes., BG, V, 27, 5).
Au pluriel, dies est toujours masculin.
ciuitas,
ciuitatis : désigne la nation des Pirustes.
[9] Eis ad diem adductis, ut imperauerat, arbitros inter ciuitates dat qui litem aestiment poenamque constituant.
ad
diem : équivaut à ad certam diem par
ellipse de l'adjectif comme dans ad numerum (« jusqu'au nombre fixé
») :
« ...obsides ad numerum frumentumque miserunt » (Caes., BG, V, 20, 4).
litem
aestimare : « apprécier les réclamations, les dommages subis
».