[1,0] HISTOIRE de L'ÉGLISE - LIVRE PREMIER. [1,1] CHAPITRE PREMIER. Dessein de cet Ouvrage. QUAND les peintres représentent d'anciennes Histoires dans leurs tableaux, ils forment un des plus agréables spectacles, qui puisse être exposé aux yeux des hommes, et conservent la mémoire des choses passées. Mais les Historiens la rendent beaucoup plus stable et plus durable dans leurs ouvrages, où au lieu de table d'attente, ils n'ont que du papier, et au lieu de couleurs, ils n'emploient que les ornements de leur éloquence. Le temps détruit ce que la peinture peut faire de plus merveilleux, et c'est pour cela que j'ai entrepris d'écrire ce qui a été omis par ceux qui ont travaillé avant moi à l'Histoire de l'Eglise, de peur que tant d'actions si éclatantes, et si dignes d'être sues ne demeuraient ensevelies dans l'oubli. Quelques-uns de mes amis m'ont souvent exhorté à faire cette entreprise. Mais quand j'en considérais le poids, et que je le comparais avec le peu que j'ai de forces, j'appréhendais de m'en charger. Je m'en suis chargé pourtant par la constance que j'ai en la bonté de l'Auteur de tous les biens. Eusèbe, Evêque de Césarée en Palestine, a écrit ce qui est arrivé de plus considérable dans l'Eglise, depuis le temps des Apôtres jusques au règne de Constantin, ce Prince si chéri de Dieu. La fin de son ouvrage sera le commencement du mien. [1,2] CHAPITRE II. Origine de l'erreur des Ariens. LORSQUE Maxence, Maximin, et Licinius, ces tyrans impies, eurent été enlevés du monde, on vit cesser les troubles qui avaient été excités dans l'Eglise par leur fureur, comme par un vent impétueux, et elle commença à jouir d'une paix solide, et durable, qui lui fut procurée par Constantin, ce prince qu'on ne saurait assez louer, et qui avait été établi pour cet effet sur le trône, non par la volonté des hommes, ni par le moyen d'un homme, mais par l'ordre de Dieu, comme le divin Apôtre. Il fit des lois pour défendre de sacrifier aux idoles, et pour permettre de bâtir des Eglises. Il donna les gouvernements à des chrétiens, commanda d'honorer les prêtres, et ordonna que ceux qui entreprendraient de les outrager seraient punis du dernier supplice. On commença à l'heure même à relever d'un côté les églises qui avaient été abattues, et à en bâtir d'un autre de plus grandes et de plus magnifiques, que les anciennes. Ainsi l'état de la religion chrétienne était plein de prospérité et de joie, au lieu que le paganisme était dans la tristesse et dans la consternation. Les temples des idoles étaient fermés, et les églises étaient ouvertes. Les chrétiens s'y assemblaient fort souvent pour y célébrer les fêtes. Mais la jalousie du démon ne pouvant souffrir le bonheur de l'église, il entreprit de faire périr ce vaisseau qui est gouverné par le créateur du monde. Quand il vit que les artifices étaient découverts, que l'erreur de l'Idolâtrie était reconnue, et que la plupart des hommes rendaient leurs hommages au créateur, au lieu de les rendre comme auparavant à des créatures, il n'osa entreprendre une guerre ouverte contre notre Dieu et notre Sauveur ; mais ayant trouvé des personnes, qui bien qu'ils eussent l'honneur de porter le nom de chrétiens ne laissaient pas d'être esclaves de l'ambition et de la vaine gloire, il crut qu'ils étaient fort propres à l'exécution de ses desseins, et se servir d'eux pour engager les autres de nouveau dans l'erreur, non en leur proposant comme autrefois des créatures, qui fussent l'objet de leur culte, mais en tâchant de réduire le créateur au rang de ces créatures. Je dirai en quel endroit, et de quelle sorte il commença à jeter les semences de la fausse doctrine et de la discorde. LA Ville d'Alexandrie était fort grande, et fort peuplée, elle est aussi la métropole non seulement de l'Egypte, mais encore de la Thébaïde et de la Libye voisine de l'Egypte. Achillas en gouverna l'église durant quelque temps, après que Pierre cet illustre défenseur de nôtre religion, eût surmonté par sa foi la cruauté des tyrans, et eût été honoré de la couronne du martyre, il eut pour successeur Alexandre, qui soutint si constamment la vérité de la doctrine de l'Eglise. Arius qui était en ce temps là prêtre de la même Eglise, et qui expliquait l'Ecriture sainte, ne pouvant voir sans jalousie Alexandre sur le trône, chercha contre lui des sujets de contestations et de disputes. Il reconnaissait que la vertu de cet évêque était au dessus de la médisance, et ne pouvait pourtant demeurer en repos. L'ennemi de la vérité se servit de lui pour troubler la paix des fidèles, et lui persuada de combattre la doctrine apostolique d'Alexandre, qui suivant le témoignage des auteurs sacrés, disait qu'on doit rendre au Fils de Dieu un honneur égal à celui qu'on rend à son Père, et qu'ils ont tous deux la même substance. Arius ayant entrepris de combattre la vérité, il soutint au contraire, qu'il n'était qu'une créature, qu'il y avait eu un temps auquel il n'était point, et avança d'autres propositions, qu'on peut voir dans ses ouvrages. Il ne se contenta pas de les publier dans l'église, il les répéta dans des assemblées particulières, et courut de maison en maison pour attirer quelqu'un à son sentiment. Alexandre qui était très attaché à la doctrine des apôtres, fit ce qu'il pût par la force de ses raisons, et par la sagesse de ses conseils pour le retirer de l'erreur. Mais quand il eut reconnu qu'il était monté à cet excès de folie que de publier son impiété, il le retrancha du nombre des prêtres, suivant ce précepte de la Loi de Dieu : Si votre œil droit vous est un sujet de scandale et de chute, arrachez-le, et jetez-le loin de vous. [1,3] CHAPITRE III. Evêques des principales Églises. L'EGLISE de Rome était alors gouvernée par Silvestre, qui avait succédé à Miltiade, et Miltiade avait succédé lui-même à Marcellin, qui s'était rendu si célèbre durant la persécution. Vital ayant pris la conduite de celle d'Antioche, aussitôt que la paix lui eut été rendue, après la mort du tyran, et avait commencé à réparer les ruines que la persécution avait causées. Philogone qui lui succéda, mit la dernière main à cet ouvrage, et signala sous le règne de Licinius, son zèle pour la vérité de notre religion. Macaire homme digne de son nom, et orné de toutes sortes de vertus, s'acquittait dans Jérusalem avec un soin exemplaire de la charge pastorale, qui lui avait été confiée après la mort d'Hermonas. Alexandre, prélat animé du même esprit, qui avait autrefois rendu les Apôtres de dignes prédicateurs de l'Evangile avait été élevé au même ministère dans l'église de Constantinople. Alexandre évêque d'Alexandrie ayant donc alors reconnu qu'Arius était possédé par un désir excessif de commander, faisait des assemblées particulières, où il débitait sa mauvaise doctrine à ceux qu'il avait séduits, en donna avis aux autres évêques. J'insérerai ici la lettre qu'il écrivit à Alexandre évêque de Constantinople, et où il lui fit un récit de toute l'affaire, de peur qu'on ne m'accuse d'inventer ce que j'en rapporte. J'insérerai ensuite une lettre d'Arius, et quelques autres qui peuvent servir de preuve à cette Histoire. Voici la première. [1,4] CHAPITRE IV. Lettre d'Alexandre Evêque d'Alexandrie, à Alexandre Evêque de Constantinople. Alexandre à Alexandre son frère, avec qui il est lié par le nœud de la charité, et sur l'uniformité de la doctrine : Salut en Notre-Seigneur. « LA passion que les méchants ont de devenir riches, et de commander, les porte à rechercher le gouvernement des grandes églises, et d'attaquer la religion sous divers prétextes. Etant agités par le démon qui les possède, ils renoncent à la piété, et mettent sous les pieds la crainte des jugements de Dieu. Le mal qu'ils me font, m'oblige à vous en donner avis, afin que vous les évitiez, et que vous ne permettiez pas que ni eux, ni ceux de leur secte s'approchent de vos diocèses. Ce sont des imposteurs qui usent d'adresse pour tromper, et qui composent des lettres artificieuses, et remplies de mensonges, par lequel les simples peuvent être aisément surpris. Arius et Achillas ont depuis peu conjuré ensemble, et ayant imité l'ambition de Collutus, ils sont devenus plus méchants que lui. Ce Collutus les condamne, et pour lui il avait quelque prétexte, dont il couvrait l'impiété de son entreprise. Quand ils ont vu le gain qu'il avait fait à vendre des ordinations, ils n'ont pu demeurer soumis à l'Eglise, mais ont bâti des cavernes de voleurs, où ils se retirent, et où ils inventent jour et nuit des calomnies contre le Sauveur et contre nous. Ils condamnent toute la doctrine des Apôtres, et ayant conspiré à la façon des Juifs contre le Sauveur, ils nient sa Divinité, et publient qu'il n'a rien au dessus du reste des hommes. Ils amassent avec soin tous les passages, où il est parlé du mystère de son incarnation, et de la bonté qu'il a eue de s'abaisser pour notre salut, et s'en servent pour appuyer leur impiété, et éludent tous ceux où il est parlé de sa Divinité et de la gloire qu'il possède dans le sein de son père. Ils confirment les opinions désavantageuses que les Grecs et les Juifs ont conçues de Jésus-Christ, en supposant comme vrai dans notre religion tout ce qui est le sujet le plus ordinaire de la raillerie de ces peuples. Ils excitent chaque jour des séditions et des persécutions contre nous, et nous traduisent devant les tribunaux par le moyen de certaines femmes déréglées qu'ils ont séduites. Ils déshonorent la religion chrétienne par la liberté qu'ils donnent à de jeunes femmes de courir par les rues. Ils ont la hardiesse de déchirer la robe du Sauveur, que ses bourreaux n'avaient pas voulu partager entre eux. Dès que nous avons connu le dérèglement de leur vie, et l'impiété de leur doctrine, bien que nous ne les ayons connus que trop tard, à cause du soin qu'ils ont pris de les cacher, nous les avons chassés tout d'une voix de l'église, qui adore la divinité du Fils de Dieu. Ils ont couru de côté et d'autre, pour faire des cabales contre nous, et ils se sont retirés vers nos collègues qui sont dans le même sentiment que nous, sous prétexte de leur demander leur communion et la paix, mais à dessein en effet de les attirer par de belles paroles à l'erreur. Ils leur demandent aussi de longues lettres pour les lire à ceux qu'ils ont trompés, et pour empêcher qu'ils ne se détrompent, en leur faisant accroire qu'il y a des évêques dans leur sentiment. Ils se gardent bien de reconnaître devant eux qu'ils ont enseigné parmi nous une mauvaise doctrine, et fait de mauvaises actions, pour lesquelles ils ont été retranchés de notre communion. Mais ou ils les passent absolument sous silence, ou ils les déguisent par des discours artificieux, et par des attestations supposées. Ils cachent le poison de leur doctrine corrompue sous une fausse douceur qu'ils font paraître dans la conversation, surprennent par ce moyen ceux qui ne se défient point de leur fourberie, et n'omettent aucune occasion de parler à notre désavantage. De là vient que plusieurs se sont laissé tromper, signent leurs lettres, et les admettent à leur communion. Ceux de nos collègues qui se sont portés à une action si téméraire ont donné lieu, à mon sens, à une accusation très importante qu'on peut intenter contre eux, parce qu'ils ont en effet violé le Canon des Apôtres et favorisé les actions que le démon fait en eux contre Jésus Christ. Voila pourquoi, mes chers frères, au lieu d'user d'aucune remise, je me suis hâté de vous déclarer l'infidélité de ces personnes qui disent qu'il y a eu un temps auquel le Fils de Dieu n'était point, et que n'ayant point été auparavant, il a commencé, et que quand il a été fait, il a été fait de la même sorte que chaque homme naît. Dieu, disent-ils, a fait toutes choses de rien, et comprennent le Fils de Dieu, dans le nombre tant des créatures qui ont de la raison, que de celles qui n'en ont point. Pour parler conséquemment, ils disent qu'il est sujet au changement, et capable du bien et du mal. En supposant ainsi que Jésus Christ a été tiré du néant, ils ruinent les témoignages que l'Ecriture sainte rend de l'Eternité, de l'Immutabilité et de la Divinité du Verbe, qui est Jésus Christ même. Nous pouvons, disent ces insolents, être Fils de Dieu aussi bien que lui. Car il est écrit, j'ai engendré des enfants, et je les ai élevés. Quand on leur oppose les paroles qui suivent ; mais ils m'ont méprisé, ce qui ne peut convenir au Sauveur, puisque de sa nature il est immuable, ils renoncent à toute sorte de respect, et répondent impudemment, que Dieu ayant prévu que son fils ne le mépriserait point, l'a choisi entre tous les autres, qu'il ne l'a point choisi pour aucune excellence qu'il eût naturellement au dessus des autres fils de Dieu, car Dieu, ajoutent-ils, n'a naturellement aucun fils, ni pour aucune autre raison particulière qu'il eût avec lui, mais parce que bien qu'il fût sujet au changement, il ne s'était point porté au mal. Que si Pierre et Paul avaient pris le même soin, et avaient fait le même effort, leur filiation n'aurait rien au dessus de la sienne. Ils abusent des paroles de l'Ecriture sainte, pour confirmer l'extravagance de cette doctrine, et citent ce verset d'un Psaume, Vous aimerez la justice et haïrez l'iniquité, c'est pourquoi le Seigneur votre Dieu vous sacrera d'une huile de joie, en une manière plus excellente que tous ceux qui participeront à votre gloire. Saint Jean l'Evangéliste enseigne clairement que le Fils de Dieu n'a point été tire du néant, et qu'il n'y a jamais eu de temps, auquel il n'ait point été, quand il dit : le Fils unique de Dieu qui est dans le sein de son Père. Car ce divin Docteur ayant dessein de faire voir que le Père et le Fils sont inséparables, a dit que le Fils est dans le sein du Père. Il déclare ailleurs très ouvertement que le Verbe n'est point renfermé dans le nombre des créatures, quand il assure que toutes choses ont été faites par lui, et il exprime précisément sa subsistance particulière par ces paroles. Au commencement était le Verbe et le Verbe était avec Dieu, et le Verbe était Dieu. Toutes choses ont été faites par lui, et rien de ce qui a été fait, n'a été fait sans lui. Car si toutes choses ont été faites par lui, comment celui qui a donné l'être aux choses, ne l'a-t-il pas eu lui-même en un certain temps ? Car il est clair que le Verbe qui fait les choses, n'est pas de même nature que les choses qu'il fait. Il faut nécessairement que cela soit, puisqu'il était au commencement, que toutes choses ont été faites par lui, et qu'il les a faites de rien. Car ce qui est avant toutes choses, paraît fort différent et fort éloigné de ce qui est fait de rien. Cela fait voir encore qu'il n'y a point de distance entre le Père et le Fils, et que l'esprit ne saurait seulement concevoir qu'il y en ait. Or ce que le monde à été fait de rien, découvre que son origine n'est pas fort ancienne, et que tout ce qu'il renferme, a reçu son être du Père par le Fils. Saint Jean considérant la grandeur de la Nature du Verbe, et de combien elle est élevée au dessus de toutes les créatures, n'a osé se servir du terme, ni de génération pour l'exprimer, ni donner le même nom à l'Auteur et à l'Ouvrage. Ce n''est pas que le Verbe n'ait point été engendré. Car il n'y a que le Père qui ne l'ait point été. Mais c'est que la manière, dont il est produit, ne peut être exprimée par aucun langage, ni comprise par les évangélistes, ni peut-être même par les anges. C'est pourquoi je ne crois pas qu'on doive mettre au nombre des personnes de piété, ceux qui, au lieu de suivre cet avis : Ne cherchez point ce qui est trop difficile pour vous, et n'examinez point ce qui est au dessus de vous, sont si téméraires que d'entreprendre de pénétrer un sujet si caché. Car si plusieurs autres connaissances moins sublimes que celles-là sont au dessus de l'esprit de l'homme, comme ce que saint Paul dit : que l'œil n'a point vu, ni l'oreille entendu, ni le cœur conçu ce que Dieu a préparé à ceux qui l'aiment, ou comme ce que Dieu dit à Abraham : qu'on ne saurait compter le nombre des étoiles, et comme ce qui est dit ailleurs : qu'on ne saurait compter les grains de sable du rivage, ni les gouttes d'eau de la mer. Comment quelqu'un, à moins que d'avoir perdu le sens, aura-t-il la présomption de vouloir comprendre la nature du Verbe de Dieu ? L'Esprit saint dit de lui, par la bouche d'un Prophète, Qui racontera sa naissance ? Le Sauveur voulant favoriser ses Disciples, qui sont comme les colonnes, qui soutiennent le monde spirituel de l'Eglise, les a délivrés du soin de rechercher cette connaissance, quand il leur a dit que c'était un mystère impénétrable à leur esprit, et réservé au Père seul. Il n'y a que le Père leur a-t-il dit, qui connaisse le Fils, et que le Fils qui connaisse le Père. C'est peut-être sur le même sujet que le Père a dit: Mon secret est pour moi et pour les miens. II est clair que c'est une extravagance de s'imaginer que le Fils de Dieu ait été tiré du néant, et ait eu une existence temporelle, bien que ceux qui se l'imaginent, ne soient pas capables de reconnaître cette extravagance. Car ces paroles, qu'ils disent : il n'était point, se doivent entendre ou d'un temps déterminé, ou d'un espace compris dans l'étendue des siècles. Or s'il est vrai que toutes choses aient été faites par lui, il est clair que tous les siècles, tous les temps, et tous les espaces dans lesquels ce qu'on entend par ces termes, il n'était point, doit être compris, ont été faits par lui. N'est-il pas ridicule de dire, que celui qui a fait le temps et les siècles, dans lesquels l'espace où l'on prétend qu'il n'était point, est nécessairement compris, n'a pas toujours été ? Car on ne saurait dire sans une ignorance qu'on aurait peine à comprendre, que l'auteur de quelque chose que ce soit, ne soit pas avant la production de cette chose. L'espace de temps, auquel ils disent que le Fils n'avait point été produit par le Père, est plus ancien que la Sagesse de Dieu, qui a crée toutes choses. Ainsi ils démentent l'Ecriture sainte qui déclare, qu'il est le premier-né de toutes les créatures, et ce que saint Paul crie conformément au langage de cette Ecriture : Dieu l'a établi héritier de toutes choses, et a fait le monde par lui. Tout a été créé par lui dans le ciel et dans la terre. Les choses visibles et les invisibles, soit les trônes, soit les dominations, soit les principautés. Tout a été créé par lui et pour lui., et il est avant toutes choses. Puisque c'est une impiété manifeste de dire que le Fils de Dieu a été fait de ce qui n'était point auparavant ; il faut nécessairement avouer que le Père est toujours Père. Le Père est Père, parce qu'il a un Fils sans lequel il ne serait point Père, Mais ayant toujours un Fils, il est un Père parfait, sans qu'il lui manque rien. Il n'a point engendré son Fils unique dans le temps ni avec quelque distance, ni de ce qui n'était point auparavant. Comment ne serait-ce pas une impiété de dire que la Sagesse de Dieu n'a pas toujours été puisqu'elle parle d'elle-même en ces termes : J'étais avec lui, et je réglais toutes choses. J'étais chaque jour dans les délices, me jouant sans cesse devant lui ; Comment ne serait-ce pas une impiété de dire que la puissance de Dieu, n'a pas toujours été, que le Verbe a été séparé de lui, ou d'avancer quelque chose qui ruine les notions, qui servent à découvrir le Fils, et à désigner le Père ? En ôtant la splendeur de la gloire on ôte la source de la lumière, d'où procède la splendeur : En disant que l'image de Dieu n'a pas toujours été, on dit de Dieu la même chose que de son image ; Et enfin en effaçant la figure de la substance de Dieu, on efface en quelque sorte la substance même qui est si fidèlement exprimée dans sa figure. Ce que je viens de dire fait voir très-clairement que la filiation de notre Sauveur n'a rien de commun avec la filiation du reste des hommes. Car comme sa substance, que nul langage ne peut exprimer, surpasse incomparablement l'excellence de toutes les choses, auxquelles elle a donné l'être, ainsi que nous venons de le voir, sa filiation qui est une filiation divine, surpasse aussi incomparablement la filiation de tous les enfants qu'il a bien voulu adopter. Il est d'une nature immuable, très parfaite, et qui n'a besoin de rien, au lieu que ses enfants adoptifs sont sujets au changement, et ont besoin de son secours. Quel progrès pourvoit faire la Sagesse de Dieu ? Que pourrait apprendre la vérité ? Quel surcroît de vigueur ou de clarté pourrait recevoir la vie et la lumière éternelle ? Mais n'est-il pas encore plus impossible et plus contraire à la nature, que la sagesse, soit susceptible de folie, que la puissance de Dieu soit sujette à la faiblesse, que la raison soit obscurcie par de faux raisonnements, et que les ténèbres se mêlent avec la lumière, puisque l'Apôtre dit qu'il n'y a rien de commun entre la lumière et les ténèbres, ni aucun rapport entre Jésus Christ et Belial ; et que Salomon témoigne qu'il est impossible de reconnaître sur la pierre la trace du serpent qui est Jésus Christ selon saint Paul ? Les Hommes et les Anges qui ne sont que ses ouvrages, ont reçu la bénédiction pour croître en vertu, en s'exerçant à la pratique des commandements, et pour éviter le péché; et c'est pour cela que notre Maître étant Fils naturel de Dieu, est adoré par tous les autres, qui ayant été délivrés de l'esprit de la servitude, reçoivent l'esprit de l'adoption, comme une récompense du progrès qu'ils ont fait en la vertu, et deviennent enfants de Dieu. Saint Paul déclare sa filiation véritable, propre et naturelle, quand il dit : Il n'a pas épargné son propre Fils, mais il l'a livré à la mort pour nous, qui n'étions pas ses fils naturels. Car il l'a appelé propre fils pour le distinguer de ceux qui ne le sont pas. Nous lisons encore dans l'Evangile : Voila, mon fils bien-aimé, dans lequel j'ai mis toute mon affection ; Et dans les Psaumes : Le Sauveur dit, le Seigneur m'a dit, vous êtes mon Fils. En disant qu'il est le Fils légitime et naturel, il déclare qu'il n'y en a point d'autres que lui qui le soient. Mais que signifient ces paroles, je vous ai engendré dans mon sein avant le jour, ne signifient-t-elles pas qu'il a été engendré naturellement par le Père, et qu'il est Fils, non par la pureté de ses mœurs ni par le progrès qu'il a fait dans la vertu, mais par l'avantage de sa nature ? De là vient que le Fils unique du Père ne peut perdre sa qualité de Fils, au lieu que les adoptifs qui ne la tiennent, que de la sainteté de leur vie, et de la grâce de Dieu, la peuvent perdre. L'Ecriture sainte le témoigne quand elle dit : Les enfants de Dieu ayant vu les filles des hommes, les prirent pour femmes. Dieu a dit dans un autre endroit par la bouche du Prophète Isaïe : J'ai engendré des enfants et les ai élevés, et ils m'ont méprisé. Je pourrais, mes très chers frères, dire beaucoup d'autres chose, que je passe sous silence, de peur de me rendre importun en entreprenant d'enseigner des hommes aussi savants que vous, et qui sont dans mon sentiment. Vous avez puisé la science dans Dieu, qui en est la source, et vous n'ignorez pas que cette doctrine qui s'est élevée depuis peu de temps dans l'Eglise contre la piété, est la doctrine d'Ebion et d'Artemas, et une imitation de celle de Paul de Samosate évêque d'Antioche, qui a été retranché de l'Eglise par le jugement de tous les évêques. Lucien lui ayant succédé, demeura durant plusieurs années séparé de la communion de trois évêques. Ceux qui disent que le Fils de Dieu a été fait du néant, ont bu la lie de leur impiété; ce sont Arius et Achillas, leurs rejetons, qui le sont élevés parmi nous. Trois évêques qui ont été ordonnés en Syrie, par je ne sais quel moyen, les autorisent dans le mal qu'ils font, par l'approbation qu'ils leur donnent. La cause de ces évêques vous est référée. Ils apprennent les passages de l'Ecriture, où il est parlé de la passion du Sauveur, de son humilité, de sa bassesse et des misères, dont il s'est chargé pour notre salut, et s'en servent pour prouver qu'il n'est point d'une nature divine et éternelle. Mais ils ne retiennent point du tout, ceux où il est parlé de sa gloire, et de sa demeure dans le sein du Père, comme celui-ci : Mon Père et moi sommes une même chose. Ce n'est pas que le Sauveur veuille dire qu'il soit le Père, ni faire croire que les deux personnes ne soient qu'une. Mais c'est qu'il a dessein de donner à connaître que le Fils est une image fidèle du Père, et qui le représente très parfaitement. Et c'est ce qu'il dit à Philippe: Car ce disciple lui ayant demandé à voir son Père, il lui répondit : Celui qui me voit, voit mon Père, c'est-à-dite qu'il le voit dans le Fils, comme dans un miroir pur et vivant de la nature Divine. Les Saints disent quelque chose de semblable dans les Psaumes, quand ils disent : Nous verrons la lumière dans la lumière. C'est pourquoi quiconque honore le Fils, honore le Père, et quiconque honore le Père, honore le Fils. Toute parole impie qu'on avance contre le Fils, retombe sur le Père. Après cela personne ne s'étonnera des calomnies qu'ils ont inventées contre moi, et contre le peuple. Ils nous attaquent par des injures, après avoir attaqué la Divinité du Fils de Dieu par leur impiété. Ils tiennent à injure qu'on les compare aux anciens, ou qu'on les égale à ceux qui ont été nos maîtres dans notre jeunesse. Ils ne croient pas qu'il y ait aucun de nos collègues, qui ait acquis seulement une capacité médiocre. Ils se vantent d'être seuls sages, seuls dégagés de la possession, et de l'affection des biens du monde, seuls inventeurs de la véritable doctrine, dont les autres, qui sont sur la terre, n'ont jamais eu la moindre connaissance. Renversement étrange d'esprit, folie excessive, vanité sacrilège, orgueil diabolique ! Ils n'ont point de honte de s'opposer à la clarté des anciens livres, et au consentement général avec lequel tous nos collègues s'empressent de témoigner leur piété envers le Sauveur. Les démons mêmes détestent leur impiété. Aussi s'abstiennent-ils d'avancer aucun blasphème contre l'honneur du Fils de Dieu. Voila ce que j'avais à dire, selon le peu que j'ai de capacité, contre ceux qui s'étant engagés trop avant dans une matière qu'ils ne sauraient pénétrer, tâchent de décréditer la piété que nous avons envers le Sauveur. Ces imposteurs ridicules disent que nous autres, qui condamnons l'impiété et le blasphème contraire à l'Ecriture sainte, par lequel ils soutenaient que le Fils de Dieu a été fait de ce qui n'était point auparavant, reconnaissons deux êtres qui ne sont point engendrés. Car ces ignorants prétendent qu'il faut nécessairement avancer l'une de ces deux choses, ou que le Fils de Dieu a été fait de ce qui n'était point auparavant, ou qu'il y a deux êtres qui n'ont point été faits, ils ne sauraient comprendre qu'il y a une vaste distance entre le Père, qui n'a point été engendré, et les créatures qu'il a produites de rien, tant celles qui ont de la raison, que celles qui n'en ont point, et que le Verbe est comme dans le milieu, parce que le Père l'ayant engendré, a tiré par lui les créatures du néant. C'est ce que le Fils-même témoigne par ces paroles : Quiconque aime le Père, aime aussi le Fils qui est sorti de lui. Nous croyons, comme croit l'Eglise Apostolique, un seul Père qui n'a point été engendré, qui n'a aucun auteur de son être, qui est immuable, et qui demeure toujours dans le même état, sans faire de progrès, ni souffrir de diminution, qui a donné la Loi, les prophètes, et l'Evangile, qui est le maître des Patriarches, des apôtres, et de tous les saints. Et un Seigneur Jésus Christ Fils unique de Dieu, qui n'a point été fait de rien, mais qui a été engendré de son Père, non à la façon des corps par incision, par division, par écoulement comme il a semblé à Sabellius et à Valentin, mais d'une manière inexplicable, selon ces paroles du Prophète, que nous avons déjà rapportées. Qui racontera sa génération? Il n'y a point d'esprit créé qui le puisse comprendre, non plus qu'il n'y en a point qui puisse comprendre le Père. Mais les personnes qui sont conduites par l'Esprit de la vérité, n'ont pas besoin d'apprendre de moi des choses, puisque les paroles que le Sauveur a prononcées, il y a longtemps, frappent encore aujourd'hui à nos oreilles, personne ne connaît le Père que le Fils, et personne ne connaît le Fils que le Père. Nous avons appris que le Fils n'est sujet à aucun changement non plus que le Père, qu'il n'a besoin de rien non plus que lui, qu'il est parfait comme son Père, et qu'il n'est diffèrent de lui qu'en ce qu'il a été engendré, au lieu que le Père ne l'a point été. C'est une image très fidèle du Père, et qui ne lui est en rien dissemblable. Il est clair que cette image contient tout ce qu'elle représente, comme le Seigneur l'a déclaré, quand il a dit : Mon Père est plus grand que moi. Nous croyons suivant cela que le Fils procède toujours du Père, parce qu'il est la splendeur de sa gloire, et la figure de sa substance. Que personne ne s'imagine pouvoir conclure de ce que nous disons que le Fils procède toujours du Père, qu'il n'a point été engendré, comme croient ceux qui ont l'esprit aveuglé. Car dire que le Verbe était, dire qu'il a toujours été, dire qu'il a été avant tous les siècles, ce n'est point dire qu'il n'a point été engendré. L'esprit de l'homme ne saurait inventer aucun Nom, qui signifie ce que c'est que de n'avoir point été engendré, comme l'opinion que j'ai de la pureté de votre foi, me persuade que vous tenez tous. En effet tous ces autres Noms semblent ne signifier rien autre chose que la production du temps. Mais ils ne peuvent exprimer dignement la Divinité du Fils de Dieu, ni son Antiquité, s'il est permis de parler ainsi. Il est vrai que les Saints Pères s'en sont servis, quand ils ont taché d'expliquer ce mystère le moins imparfaitement qu'il leur était possible; et ils s'en sont excusés en même temps, en reconnaissant franchement qu'ils ne pouvaient aller plus avant. Que si quelqu'un, sous prétexte que les connaissances imparfaites sont abolies, et prétend qu'une bouche mortelle peut prononcer des paroles, qui soient au dessus de la portée de l'esprit humain, il est clair que celles-ci, il était ou toujours, ou avant les siècles, ne sont pas de cette nature ; et qu'elles ne signifient pas la même chose que non engendré. Il faut donc conserver au Père qui n'a point été engendré, sa dignité, en avouant qu'il n'a aucun principe de son être, et rendre au Fils l'honneur qui lui est dû, en confessant qu'il est engendré par son Père de toute éternité, et en lui déférant le culte qui lui appartient ; servons-nous de ces termes, en parlant de lui, il était, toujours, et avant les siècles. Ne nions point sa Divinité. Attribuons-lui une ressemblance parfaite avec son Père, comme à une image très-fidèle. Publions qu'il n'y a que le Père, qui n'ait point été produit, puisque le Sauveur a dit : Mon Père est pus grand que moi. Outre cette doctrine pieuse touchant le Père et le Fils, nous confessons un seul Saint Esprit, comme l'Ecriture sainte l'enseigne, lequel a renouvelé les Saints de l'Ancien Testament, et les Docteurs du Nouveau : Nous confessons une seule Eglise Catholique et Apostolique, qui ne peut être abattue, quoi qu'elle soit attaquée par tout le monde, et qui dissipe toutes les entreprises impies des hérétiques, suivant cette promesse si magnifique de son Epoux, aie confiance, j'ai vaincu le monde. Outre cela nous savons la résurrection des morts, dont Jésus Christ nôtre maître a été les prémices. Il a eu un corps véritable, et non un corps fantastique. Il l'a tiré de Marie Mère de Dieu, et il s'est incarné sur la fin des siècles, pour la destruction du péché. Il a été crucifié, et est mort, sans que sa Divinité ait rien souffert. Il est ressuscité et monté au ciel, et est assis à la droite de la Majesté du Père. Je n'ai touché que légèrement toutes ces choses si importantes, et n'ai pas voulu les traiter plus amplement, parce que sachant que vous en êtes très bien instruits, j'avais peur de vous ennuyer. Voila la doctrine que nous enseignons, et que nous prêchons. La dogme de l'Eglise apostolique, pour laquelle nous sommes prêts de mourir, sans appréhender la violence de ceux, qui nous y veulent faire renoncer. Nous mettons notre confiance dans cette doctrine, de quelques tourments, dont on use pour ébranler notre fermeté. Arius, Achillas, et les autres ennemis de la vérité, qui rejettent cette foi, ont été chassés de l'Eglise, selon ce que dit Saint Paul : Si quelqu'un vous annonce un Evangile différent de celui que vous avez reçu, qu'il soit anathème, quand il ferait semblant d'être un Ange du Ciel. Que si quelqu'un vous enseigne autre chose, et qu'il n'écoute pas la parole de Jésus Christ notre Sauveur, et qu'il ne tienne pas la doctrine qui est conforme à la piété, il est enflé d'orgueil, et ne fait rien. Que personne d'entre vous ne les reçoive, puisqu'ils ont été condamnés par tous nos frères, et que personne n'écoute ce qu'ils disent, ni ne lise ce qu'ils écrivent. Ce sont des imposteurs qui mentent toujours, et qui ne diront jamais la vérité. Ils courent de Ville en Ville, à dessein seulement de donner des Lettres, sous prétexte d'amitié et de paix, et d'en recevoir, afin de les montrer à des femmes, qu'ils ont trompées, et qui sont chargées de péchés, et telles que l'apôtre les a décrites. Evitez donc, mes très chers frères, ces personnes qui ont commis un si horrible attentat contre le Sauveur, qui se sont moqués publiquement de la religion, qui ont trainé les fidèles devant les tribunaux des juges, qui ont tâché de nous susciter une persécution au milieu de la plus profonde paix, qui ont affaibli le mystère ineffable de la génération du Sauveur. Joignez-vous à nous pour réprimer leur insolence, aussi bien que d'autres de nos collègues s'y sont joints, qui étant remplis d'une juste indignation contre eux, nous ont écrit, et ont signé notre profession de foi. Je vous ai envoyé ces lettres, et ces signatures par Apion diacre, mon Fils. II y en a d'Egypte, de la Thébaïde, de la Libye, de Pentapole, de la Syrie, de la Lycie, de la Pamphylie, de l'Asie, de la Cappadoce, et des autres Provinces voisines, dont je crois que vous suivrez l'exemple, pour m'envoyer aussi les vôtres. Ayant recherché toute sorte de remèdes pour guérir ceux qui sont blessés dans leur foi, je n'en ai point trouvé de plus efficace, pour attirer à la pénitence le peuple que les imposteurs ont séduit, que de lui faire voir le consentement unanime des Evêques qui condamnent l'erreur. Saluez-vous les uns les autres. Je souhaite, mes très chers frères, que vous vous portiez bien dans le Seigneur, et que je puisse recevoir le fruit de vos prières. » Voici les noms des hérétiques, qui ont été condamnés. Entre les prêtres ; Arius. Entre les diacres ; Achillas, Euzoïus, Acïtale, Lucius, Sarmate, Jules, Menas, un autre Arius, et Hellade. Il écrivit la même chose à Philogone évêque d'Antioche, et à Eustate qui gouvernait alors l'église de Bérée, et à tous les autres qui avaient entrepris la défense de la doctrine des Apôtres. Arius bien loin de demeurer de son côté en repos, écrivit à ceux qu'il crut être dans ses sentiments. II déclare lui-même dans sa Lettre à Eusèbe évêque de Nicomédie, qu'Alexandre évêque d'Alexandrie n'avait rien écrit de lui, qui ne fût conforme à la vérité. J'insérerai ici sa Lettre pour apprendre les noms des complices de son impiété à ceux qui ne les connaissent point. [1,5] CHAPITRE V. Lettre d'Arius à Eusèbe évêque de Nicomédie. Arius injustement persécuté par le pape Alexandre, à cause de la vérité, qui surmonte toutes choses, et pour la défense de laquelle vous combattez, à Eusèbe, seigneur très-désirable, homme de Dieu, fidèle, et orthodoxe : Salut en notre Seigneur. « AMMONIUS mon père étant prêt de partir, pour aller à Nicomédie, j'ai cru devoir me donner l'honneur de vous écrire pour vous saluer, et pour avertir la charité que vous avez envers vos frères, en considération de Dieu, et de Jésus Christ, de la persécution que l'évêque nous livre, des machines qu'il remue contre nous, et de la violence avec laquelle il nous a chassé de l'église, comme des athées, en haine de ce que nous ne demeurons pas d'accord, de ce qu'il prêche publiquement, le Père est toujours, le Fils est toujours, le Père et le Fils sont de toute éternité, le Fils est de toute éternité avec le Père, sans être engendré, il est toujours engendré, sans être engendré. Le Père ne précède le Fils ni par l'ordre du temps, ni par l'ordre de la pensée, Dieu est toujours, le Fils est toujours, et le Fils procède de Dieu. Eusèbe, votre frère évêque de Césarée, Théodote, Paulin, Athanase, Grégoire, Aëce, et les autres évêques d'Orient, ont été condamnés, parce qu'ils assurent que Dieu n'a point de principe, et qu'il est avant son Fils, à la réserve de Philigone, d'Hellanique, et de Macaire hérétiques et ignorants dans la foi, dont l'un dit que le Fils est une effusion, l'autre que c'est une projection, et l'autre qu'il est non engendré comme le Père. Ce sont des impiétés que nous ne saurions entendre, quand les Hérétiques nous menaceraient de mille morts. Nous avons déjà déclaré et déclarons encore ce que nous tenons, et ce que nous disons, que le fils n'est point non engendré, ni en aucune sorte partie du non engendré, qu'il n'a subsisté d'aucune matière, mais par la volonté devant tous les temps, et devant tous les siècles, comme un Dieu parfait, Fils unique et immuable, et qu'il n'était point, avant que d'avoir été engendré, ou créé, ou terminé, ou fondé. Car il n'était pas non engendré. Nous sommes persécutés parce que nous avons dit qu'il a été fait de ce qui n'était point auparavant, ce que nous avons dit, parce qu'il n'est ni partie de Dieu, ni d'aucune autre matière. Voila le sujet pour lequel nous sommes tourmentés. Vous savez le reste. Je souhaite que vous vous portiez toujours bien en notre Seigneur, comme un véritable disciple de Lucien, et comme un homme qui avez autant de piété que votre nom en signifie. » Il y avait des prélats élevés à des sièges considérables parmi ceux, dont Arius parle dans cette lettre, savoir Eusèbe évêque de Césarée, Théodote évêque de Laodicée, Paulin évêque de Tyr, Athanase évêque d'Anazarbe, Grégoire évêque de Bérite, Aëce évêque de Lydda qu'on appele maintenant Diospole. Il se vantait d'avoir tous ces évêques-là de son côté. Il met au nombre de ses adversaires Philogone évêque d'Antioche, Hellanique évêque de Tripoli, et Macaire évêque de Jérusalem, et les attaque par des calomnies, parce qu'ils avaient dit que le Fils de Dieu est éternel avant tous les siècles, égal à son Père, et de même substance que lui. Eusèbe évêque de Nicomédie ayant reçu cette lettre découvrit ses erreurs, et écrivit en ces termes à Paulin évêque de Tyr. [1,6] CHAPITRE VI. Lettre d'Eusèbe évêque de Nicomédie à Paulin évêque de Tyr. Eusèbe à Paulin son seigneur : Salut en notre Seigneur. « NOUS n'avons pas ignoré combien le seigneur Eusèbe a témoigné de zèle pour la défense de la vérité, ni de quelle manière vous êtes demeuré dans le silence. Si son zèle nous a donné de la joie, votre silence nous a causé de la tristesse, parce que nous n'avons pu regarder le silence d'un aussi grand homme que vous, que comme la perte de notre cause. C'est pourquoi comme vous savez que c'est une chose indigne d'un homme sage d'être dans un autre sentiment que les autres, et de taire la vérité, je vous exhorte autant que je puis, à exciter en vous-même l'esprit d'intelligence, et à écrire des choses qui seront utiles, et à vous, et à vos lecteurs, principalement, si vous suivez le sens et l'intention de l'Ecriture sainte. Nous n'avons jamais ouï parler de deux êtres non engendrés, ni d'un divisé en deux, et nous n'avons jamais ni appris, ni cru qu'il eût souffert quelque chose de corporel, mais qu'il y a un non engendré, et un autre qui procède véritablement de lui, qui n'est point fait de sa substance, et ne participe en aucune sorte à sa nature, mais est tout-à-fait différent en nature, et en puissance, et est fait néanmoins à la ressemblance de la nature, et de la puissance de son Auteur. Nous croyons non seulement qu'il ne peut être exprimé par aucun langage, mais encore qu'il ne peut être compris, ni par l'esprit de l'homme, ni par aucun autre esprit d'un ordre plus élevé. Nous disons ceci, non après l'avoir inventé de nous-mêmes, mais après l'avoir appris de la sainte Ecriture. Nous avons appris de la bouche du Seigneur qu'il est créé, fondé et engendré dans la souffrance et dans l'immuable et ineffable nature, et ressemblance, qu'il a avec son Auteur, lorsqu'il dit: Dieu m'a créé dans le commencement de ses voies, il m'a fondé avant les siècles, et m'a engendré avant les collines. Que s'il était de lui, et sorti de lui comme une de ses parties, comme par un écoulement de subsistance, on ne dirait plus qu'il serait créé ni fondé. Certainement vous n'ignorez pas ce que je dis. Car ce qui procède de ce qui n'est point engendré ne peut être créé ni fondé, ni par celui-là, ni par un autre ; puisqu'il n'a été engendré que d'une génération éternelle. Mais si l'on veut croire qu'il est né de la substance du Père, parce qu'il est dit qu'il a été engendré, nous savons que ce n'est pas de lui seul que l'Ecriture dit qu'il a été engendré, mais qu'elle le dit aussi des autres qui sont d'une nature toute différente de la sienne. Car elle dit en parlant des hommes, J'ai engendré des enfants, et je les ai élevés, et ils m'ont méprisé : Et dans un autre endroit : Vous avez abandonné Dieu qui vous a engendré. En parlant des autres créatures, elle dit aussi : Qui est-ce qui a engendré les gouttes de la rosée ? Ce n'est pas à dire que la nature de la rosée soit une partie de la nature Divine. C'est- à-dire seulement que rien n'a été produit que par sa volonté. Il n'y a aucune créature qui soit de sa substance, bien qu'il n'y en ait aucune qui n'ait été faite par sa volonté, et qui n'existe de la manière qu'elle a été faite. Mais pour les créatures, elles ont été faites à sa ressemblance, et selon sa volonté par le Verbe. Toutes choses ont été faites par le Verbe, mais c'est Dieu qui les a faites. Quand vous aurez lu ma lettre, et que vous l'aurez polie selon la lumière et la grâce que vous avez reçue de Dieu, je vous supplie d'écrire le plus promptement qu'il vous sera possible, à Alexandre mon seigneur. Si vous prenez cette peine, je ne doute point que vous ne lui persuadiez ce qu'il vous plaira. Saluez tous nos frères en notre Seigneur. Que la grâce de Dieu vous conserve en santé, et qu'elle vous fasse prier pour nous. » Voila comment ils s'écrivaient pour s'instruire mutuellement des moyens d'attaquer la vérité. Lorsque la semence de ces blasphèmes eût été répandue dans les églises d'Orient, il s'émut dans chaque ville et dans chaque bourg des contestations et des disputes touchant la nature de Dieu. Le peuple fut spectateur de ce qui fut fait, et juge de ce qui fut avancé de part et d'autre. Les uns louaient un parti, et les autres l'autre. C'était un spectacle tout-à-fait tragique, et digne de larmes. Car l'Eglise n'était pas attaquée comme autrefois par des étrangers. Elle l'était par ses enfants, qui étaient assis à la même table, qui ne composaient qu'un corps, et qui s'armaient cependant les uns contre les autres, et se battaient avec leurs langues, comme avec des traits. [1,7] CHAPITRE VII. Concile de Nicée. L'EMPEREUR, qui était un prince rempli de sagesse, n'eut pas sitôt appris ces désordres qu'il tâcha de les arrêter dans leur naissance. II envoya pour cet effet à Alexandrie un homme d'une rare prudence avec des lettres, afin qu'il apaisât les disputes, et qu'il réunît les esprits. Mais ce voyage n'ayant point réussi, comme, il espérait, il convoqua ce Concile si célèbre de Nicée, et permit aux évêques de s'y rendre avec leur suite sur des chevaux et des mulets du public. Lorsque tous ceux qui purent supporter la fatigue du voyage, s'y furent rendus, l'Empereur s'y rendit lui-même, tant pour voir une nombreuse assemblée de prélats, que pour rétablir parmi eux une parfaite intelligence. Il commanda qu'on leur fournît tout ce qui leur serait nécessaire. Ils se trouvèrent au nombre de trois cens dix-huit évêques. Celui de Rome ne s'y trouva point à cause de son grand âge, mais il envoya deux prêtres pour prendre connaissance de ce qui y serait traité, et pour donner leur consentement aux réformes qui y seraient prises. Il y en avait plusieurs qui avaient reçu de Dieu les mêmes dons que les apôtres, et plusieurs, qui comme le divin Paul, portaient imprimées sur leur corps les marques du Seigneur. Jaques évêque d'Antioche, ville de Migdonie, et que les Syriens, et les Assyriens appellent Nisibe, a ressuscité des morts, et fait quantité d'autres miracles, que je crois qu'il est inutile de rapporter dans cette Histoire, puisque je les ai déjà racontés dans une autre, qui a pour titre Philothée. Paul évêque de Néocésarée, fort assis sur le bord de l'Euphrate, avait senti les effets de la fureur de Licinius. Il avait perdu l'usage des mains, parce qu'on avait brûlé avec un fer chaud, les nerfs qui leur donnent le mouvement. Il y en avait d'autres, auxquels on avait arraché l'œil droit, et d'autres auxquels on avait coupé le jarret. Paphnuce d'Egypte était du nombre de ces derniers. Enfin c'était une assemblée de Martyrs. Mais cette assemblée si célèbre ne laissait pas d'être remplie de plusieurs personnes divisées entre elles par des sentiments différents. Il y en avait quelques-uns en fort petit nombre, qui n'étaient pas moins dangereux que des écueils cachés sous la mer, et qui favorisaient secrètement les erreurs d'Arius. L'Empereur leur fit préparer dans le Palais un grand appartement, où il y avait autant de sièges qu'il en fallait, et leur donna ordre d'y aller, et d'y délibérer touchant les matières dont il était question. Il entra incontinent après, suivi de quelques-uns des siens avec une contenance, et une bonne mine, qui était relevée par sa modestie. Il s'assit sur un petit siège qui avait été placé au milieu, après en avoir demandé permission aux évêques, et ils s'assirent tous avec lui. Le grand Eustate que les évêques, les ecclésiastiques, et les autres fidèles d'Antioche avaient contraint de se charger de la conduite de cette église, après la mort de Philogone, dont nous avons ci-devant parlé, prononça un Panégyrique en l'honneur de l'Empereur, et releva par des louanges fort avantageuses le soin qu'il prenait des affaires de l'Eglise. Lorsqu'il eut achevé son discours, l'Empereur en commença un autre, par lequel il exhorta les prélats à la paix, leur rappela dans la mémoire la cruauté des tyrans qui avaient été exterminés, et la paix que Dieu leur avait rendue par son moyen. Il leur remontra que c'était une chose très fâcheuse, que depuis que la puissance des ennemis était abattue, et qu'il n'y avait plus personne, qui osât faire la moindre résistance, ils s'attaquassent les uns les autres, et donnassent sujet à ceux qui ne les aimaient pas, de rire et de se moquer de leurs différends ou il s'agissait de questions de théologie, dont la décision dépendait des instructions que l'Esprit saint leur avait laissées. « L'Evangile, leur dit-il, les lettres des Apôtres, et les ouvrages des anciens prophètes nous enseignent aussi clairement ce que nous sommes obligés de croire touchant la nature divine. Renonçons donc à toute sorte de contestations, et cherchons dans les livres que le saint Esprit a dictés, la résolution de nos doutes. » L'Empereur ayant parlé de la sorte aux évêques, comme un fils à ses pères, pour les porter à la paix, la plupart déférèrent à ses raisons, renoncèrent aux disputes, et embrassèrent la saine doctrine. Ménophante évêque d'Ephèse, Patrophile évêque de Scythopole, Théognis évêque de Nicée, Narcisse évêque de Néromade, qui est une ville de la seconde Cilicie, et que l'on appelle maintenant Irénopole, Théonas évêque de Marmarique, et Second évêque de Ptolémaïde en Egypte combattaient la doctrine des Apôtres, et appuyaient celle d'Arius, aussi bien qu'un petit nombre d'autres, donc nous avons parlé auparavant. Ils composèrent un formulaire de foi, mais il fut déchiré et déclaré qu'il contenait une fausse doctrine. Les évêques ayant fait un grand bruit contre eux, et ayant élevé leur voix, pour les condamner comme des hommes qui trahissaient la piété, ils se levèrent tous saisis de crainte à la réserve de Second et de Thomas, et excommunièrent Arius. Cet impie ayant été de la sorte chassé de l'Eglise, le formulaire de foi qui est encore reçu aujourd'hui, fut dressé d'un commun consentement, et dès qu'il eût été signé, le Concile se sépara. Mais les évêques que je viens de nommer, ne le signèrent pas de bonne foi; comme il paraît tant par ce qu'ils brassèrent depuis contre les défenseurs de la piété, que par ce que ceux-ci écrivirent contre eux. Eustate évêque d'Antioche dont j'ai déjà parlé, expliquant ce prodige des Proverbes de Salomon. Le Seigneur m'a possédée au commencement de ses voies, avant qu'il créât aucune chose, rapporte ce qui fut résolu contre eux dans le Concile, et réfute leur impiété. [1,8] CHAPITRE VIII. Réfutation des Ariens tirée des ouvrages d'Eustate et d'Athanase. « JE parlerai maintenant de la manière dont les choses se passèrent. Un Concile fort nombreux, ayant été assemblé pour ce sujet dans la ville de Nicée, où deux cent soixante-dix évêques ou environ assistèrent. Car ils étaient en si grand nombre que je ne le saurais marquer précisément, et d'ailleurs je n'ai pas pris grand soin de m'en informer. Lorsque l'on eut commencé à examiner la foi, on produisit le libelle d'Eusèbe, qui contenait une preuve convaincante de ses blasphèmes. La lecture qui en fut faite, causa une douleur sensible à ceux qui l'entendirent, et une confusion extrême à son auteur. La malignité des partisans d'Eusèbe ayant été découverte, et l'écrit impie ayant été publiquement déchiré, quelques-uns, sous prétexte de la paix qu'ils proposaient, imposèrent silence à ceux qui avaient accoutumé de mieux parler que les autres. Les Ariens appréhendant d'être chassés de l'église par le jugement d'une si grande assemblée, condamnèrent la mauvaise doctrine, et signèrent le formulaire de foi. Mais ayant observé par leurs cabales les principales dignités, au lieu d'avoir subi, comme ils devaient, les lois de la pénitence, ils défendent tantôt ouvertement la doctrine condamnée par divers arguments qu'ils ont inventés à dessein. Le désir qu'ils ont de répandre la semence de la division, leur fait éviter la rencontre des savants, et attaquer les défenseurs de la pitié. Mais nous ne croyons pas que ces athées puissent vaincre Dieu. Quelques efforts qu'ils fassent, ils seront vaincus selon le témoignage si authentique du prophète Isaïe. » Voila ce qu'Eustate en a écrit. Athanase qui a défendu la même cause avec une vigueur égale, et qui a succédé à Alexandre dans le gouvernement de l'église d'Alexandrie, ajoute ce qui suit dans une lettre aux habitants d'Afrique. « Les évêques qui s'étaient assemblés ayant eu dessein d'abolir entièrement ces façons de parler impies que les Ariens avaient inventées, que le Fils de Dieu a été fait de ce qui n'était point auparavant, qu'il est une créature et un ouvrage, qu'il y a eu un temps auquel il n'était point, et qu'enfin il est d'une nature sujette au changement, et d'en établir d'autres qui sont consacrées par l'autorité de l'Ecriture sainte, que le Sauveur est de sa nature Fils unique de Dieu, le Verbe, la Puissance, et la Sagesse du Père, qu'il est Dieu véritable, comme a dit saint Jean, la splendeur de la gloire et la figure de la substance du Père, comme a dit saint Paul : les partisans d'Eusèbe possédés par l'esprit de leur erreur, délibérèrent ensemble et résolurent de cette sorte, demeurons en d'accord. Car nous venons aussi de Dieu. Il n'y a qu'un Dieu, d'où toutes choses procèdent ; et ailleurs les choses anciennes sont passées, et il n'y a rien qui n'ait été renouvelé; mais tout vient de Dieu. Ils firent aussi une réflexion particulière sur ces paroles qui se trouvent écrites dans le livre du pasteur, croyez avant toutes choses qu'il n'y a qu'un Dieu qui a créé toutes choses, et qui les a tirées du néant. Mais les évêques ayant découvert l'artifice de leur impiété, expliquèrent plus clairement ces paroles de Dieu, en disant précisément que le Fils de Dieu est de la substance de son Père : de sorte qu'on dit que les créatures procèdent de Dieu parce qu'elles ne tiennent pas leur être d'elles-mêmes; mais qu'elles le tirent de Dieu, comme de leur Auteur, et qu'on dit en un autre sens, que le Fils procède du Père, parce qu'il est seul produit de sa substance. Car c'est une propriété particulière au Fils unique de Dieu, et à son Verbe véritable. Voila la raison que les évêques eurent de déclarer que le Fils procède de la substance de Dieu. Ces mêmes évêques ayant encore demandé aux Ariens, qui semblaient n'être qu'en petit nombre, s'ils disaient que le Fils n'est point une créature, mais la puissance et la sagesse unique du Père, son image, qu'il est éternel ; qu'il n'est en rien différent du Père ; et qu'il est Dieu véritable, on remarqua qu'Eusèbe et ses partisans se firent signe, pour se dire les uns aux autres, que toutes ces choses peuvent convenir aux hommes. Car il est dit de nous, que nous sommes l'image et la gloire de Dieu, il est dit de nous, car nous sommes toujours vivants. Il y a plusieurs puissances, puisqu'il est écrit : Toutes les Puissances de Dieu sont sorties d'Egypte. Les chenilles, et les sauterelles sont appelées la grande puissance : Et en un autre endroit : Le Dieu des puissances est avec nous, le Dieu de Jacob notre protecteur. Il ne nous appartient pas simplement d'être enfants de Dieu, mais en tant seulement que le Fils de Dieu nous appelle ses frères. Quant à ce qu'ils disent, que le Fils de Dieu est véritable, cela ne nous incommode point ; car il est véritable, puisqu'il a été fait véritable. Voila le mauvais sens des Ariens. Mais les évêques ayant découvert encore ici leur tromperie, firent un recueil de plusieurs passages de l'Ecriture sainte, où le Fils est appelé Splendeur, Fontaine, Fleuve, Figure de la substance de celui-ci, nous verrons la lumière dans vôtre lumière ; et de cet autre, mon Père et moi nous ne sommes qu'un. Enfin ils décidèrent clairement, et en peu de paroles, que le Fils est consubstantiel à son Père. Car c'est ce que signifient les termes, et les passages que je viens de rapporter. La plainte qu'ils font que ces paroles ne se retrouvent point dans l'Ecriture sainte, est une plainte fort inutile, et à laquelle il est aisé de répondre par eux-mêmes, puisque les paroles, dont ils se servent, pour établir leur impiété, ne se trouvent point dans l'Ecriture sainte, et qu'on n'y lit point, il est ce qui n'était point auparavant, ni, il y a eu un temps auquel il n'était point. Il se plaignent d'avoir été condamnés pour s'être servis de quelques expressions qui, bien qu'elles n'eussent pas été tirées de l'Ecriture sainte, ne laissaient pas d'avoir un sens fort conforme à la piété. Ils ont employé des termes qu'ils avaient trouvés dans le fumier, et ont parlé le langage de la terre. Mais les évêques n'ont point inventé d'eux-mêmes, des expressions, et n'ont rien improuvé qui ne fût appuyé sur l'autorité des Saints Pères. Il y a plus de cent trente ans que des évêques de Rome et d'Alexandrie ont improuvé le sentiment de ceux qui disaient que le Fils de Dieu a été fait comme un ouvrage, et qu'il n'est pas de même substance que son Père. Eusèbe évêque de Césarée a été très bien informé de la vérité du fait que j'avance. Il avait d'abord favorisé l'erreur d'Arius. Mais il signa depuis le formulaire du Concile de Nicée, et écrivit en ces termes aux habitants de sa ville épiscopale. Nous trouvons d'illustres évêques, et de savants écrivains qui se sont servis du terme de consubstantiel, pour expliquer la Divinité du Père et du Fils. » Voila ce que dit Athanase. Ces évêques ayant donc caché leur sentiment, comme une maladie, à cause de la présence des autres évêques dont ils redoutaient le grand nombre, consentirent à l'explication du Concile, et attirèrent sur eux cette condamnation que Dieu prononce si hautement par la bouche du Prophète Isaïe : Ce peuple m'honore des lèvres, mais son cœur est loin de moi. Théonas et Second n'ayant pas voulu suivre leur exemple, furent excommuniés tout d'une voix, comme des personnes qui préféraient l'impiété d'Arius à la doctrine de l'Evangile. Les évêques s'étant ensuite assemblés, firent vingt canons touchant la discipline de l'Eglise. [1,9] CHAPITRE IX. Lettre contre Mêléce. LE concile écrivit aussi à l'Eglise d'Alexandrie touchant ce qu'il avait ordonné contre Méléce, qui ayant été ordonné évêque un peu avant qu'Arius commençât à publier ses erreurs, et qui ayant depuis été convaincu de quelques crimes, avait été déposé par Pierre, très saint évêque d'Alexandrie, et très illustre martyr de Jésus Christ. Mais bien loin de déférer à la sentence de sa déposition, il avait excité des troubles dans la Thébaïde, et dans l'Egypte, et entrepris d'usurper les droits de l'évêque d'Alexandrie. Voici sa Lettre. Lettre Synodique. « Les évêques assemblés dans le grand et saint concile de Nicée, à l'Eglise d'Alexandrie, qui est grande et sainte par la grâce de Dieu, et aux frères qui sont en Egypte, en Libye, et a Pentapoli, salut en notre Seigneur. Le grand saint concile ayant été assemblé dans la ville de Nicée par la grâce de Dieu, et par les soins du très religieux empereur Constantin qui nous a convoqués de diverses villes, et de diverses provinces, nous avons cru qu'il était nécessaire de vous informer par notre lettre de ce qui y a été agité et examiné, et de ce qui y a été résolu et décidé. On a d'abord examiné en présence de Constantin Prince très chéri de Dieu, l'impiété et la perversité de la doctrine d'Arius, et on à condamné d'un commun consentement ses pensées et ses expressions remplies de blasphèmes contre le Fils de Dieu quand il dit qu'il a été fait de ce qui n'était point auparavant, qu'il n'était point avant que d'avoir été fait, qu'il y a eu un temps auquel il n'était point, et qu'il pouvait se porter au vice ou à la vertu par la liberté de sa volonté. Le saint concile a condamné ces sentiments et ces termes remplis d'impiété et de blasphèmes. Vous avez déjà appris, ou vous apprendrez bientôt ce qui lui est arrivé. Nous ne l'expliquerons point ici, de peur qu'il ne semble que nous ayons dessein d'insulter au malheur d'un homme, qui a été puni comme il méritait. Au reste son impiété a eu assez de force pour corrompre Théonas évêque de Marmarique, et Second évêque de Ptolémaïde. On a prononcé contre eux la même sentence que contre lui. Mais puisque par la grâce de Dieu vous êtes délivrés de l'impiété de cette doctrine, et de la malice de ces personnes, qui ont été si hardies que de troubler la paix, dont le peuple jouissait, et que la désobéissance de Mêléce et de ceux de son parti, n'était pas encore réprimée, nous sommes obligés de vous dire ce que le concile a jugé à propos d'ordonner à cet égard. Il a bien voulu traiter Méléce, avec douceur. Car à la rigueur, il ne méritait aucun pardon. Il lui a donc permis de demeurer dans sa ville, sans y exercer aucun pouvoir ni d'élire, ni d'ordonner, et sans aller dans aucune ville, ou dans aucun bourg pour cet effet, mais de retenir seulement le nom et la dignité d'évêque, sans aucune fonction. Pour ce qui est de ceux qu'il a établis, le concile a ordonné qu'ils y recevraient une plus sainte imposition de mains, qu'ils seraient admis à la communion, qu'ils conserveraient l'honneur de leur ministère, mais qu'ils ne seraient jamais qu'après ceux qui ont été ordonnés avant eux dans chaque paroisse et dans chaque église par Alexandre notre très cher collègue. Cette sainte assemblée a aussi jugé qu'ils ne devaient avoir aucun droit d'élire, ni de proposer qui que ce soit, ni enfin de faire aucune chose, sans le consentement de l'évêque de l'église catholique, qui est dans la subordination d'Alexandre. Quant à ceux qui par la grâce de Dieu, et par un effet de vos prières, n'ont jamais eu de part à aucun schisme, mais qui sont demeurés d'une manière irrépréhensible dans la communion de l'église catholique et apostolique, ils jouiront du pouvoir d'élire, et de proposer les noms qui mériteront d'être reçus dans le clergé, et de faire toutes les fonctions selon les lois et les ordonnances de l'Eglise. Que s'il arrive que quelqu'un de ceux qui sont dans les ordres, meure, un de ceux qui viennent d'être admis, pourra être choisi pour remplir sa place, pourvu qu'il en soit jugé digne, et que le choix du peuple soit confirmé par le suffrage de l'évêque d'Alexandrie. C'est une grâce, qui est accordée à tous les autres. Mais elle a été refusée à Méléce, de peur qu'un homme aussi fâcheux, et aussi emporté que lui, n'abusât de son autorité, pour exciter de nouveaux troubles. Voila ce qui regarde l'Egypte, en particulier, et la sainte église d'Alexandrie, Que s'il y a eu outre cela quelque chose de décidé, en présence d'Alexandre notre très- cher frère et collègue, il vous en informera plus particulièrement, puisqu'il y a eu la principale part. Nous vous avertirons encore que par un effet de vos prières nous sommes demeurés d'accord touchant la célébration de la Fête de Pâques, et que tous nos frères qui sont en Orient, et qui ne célébraient point cette fête-là, comme les Romains la célèbrent, et comme vous la célébrez de tout temps, la célébreront à l'avenir avec vous. Réjouissez-vous donc de l'heureux succès de nos entreprises, du rétablissement de la paix entre les fidèles, de l'extirpation des erreurs, et recevez avec un profond respect et une profonde charité, Alexandre votre évêque et notre collègue, qui dans un âge fort avancé a supporté de grandes fatigues pour rétablir parmi vous une parfaite intelligence, et qui nous a donné une très grande joie par sa présence. Priez pour nous tous, afin que ce que nous croyons avoir décidé très équitablement, demeure stable et inviolable, par la puissance de Jésus Christ notre Seigneur, selon la volonté du Père, dans l'esprit, auquel gloire soit rendue durant tous les siècles. Ainsi soit-il. » La trinité est consubstantielle et éternelle. Quelque soin que cette sainte assemblée eût pris d'apporter des remèdes convenables aux maladies spirituelles de Méléce, il y a encore aujourd'hui des restes de son extravagance; et il se trouve des congrégations de moines, qui ne tiennent point une sainte doctrine, et qui observent une discipline, qui a grand rapport avec les folles coutumes des Samaritains et des Juifs. L'Empereur écrivit aussi aux évêques, qui n'avaient pu assister au Concile, pour les informer de ce qui s'y était passé. Je crois devoir insérer sa lettre dans mon ouvrage, comme une preuve manifeste de sa piété. [1,10] CHAPITRE X. Lettre de l'Empereur Constantin: Aux évêques qui n'avaient point assisté au Concile de Nicée, touchant ce qui a été ordonné dans ce Concile. Constantin Auguste : Aux Eglises. « LA prospérité dont nous jouissons, m'ayant fait reconnaître très clairement la grandeur de la bonté de Dieu envers nous, j'ai cru que le principal soin que je devais prendre, était de faire en sorte que les enfants bienheureux de l'église catholique fussent unis par le lien d'une même foi, d'une charité sincère, et d'une piété uniforme envers Dieu. Mais parce qu'il n'y avait point de moyen plus convenable de s'assurer de la possession d'un si grand bien, que de faire examiner les matières de la religion par tous les évêques, ou au moins par le plus grand nombre, j'en ai assemblé le plus grand, qu'il m'a été possible, et j'ai assisté à leur assemblée comme un d'entre vous. Car je n'ai garde de dissimuler le sujet de ma joie, qui est que je suis comme vous, et avec vous, serviteur de Jésus Christ. Tous les points concertés, ont été examinés très exactement jusques à ce que la doctrine, qui plaît à Dieu, qui tend à la réunion des esprits, et qui ne laisse pas le moindre sujet de division, ait été très clairement reconnue. La question touchant la célébration de la fête de Pâques ayant été ensuite agitée, on a jugé tout d'une voix, qu'il était fort à propos qu'elle fût célébrée au même jour dans toute l'étendue de l'église. Que pouvons-nous faire de plus conforme à la bienséance, et à l'honnêteté, que d'observer tous de la même sorte, cette fête, où nous avons tous reçu l'espérance de l'immortalité ? On a jugé que c'aurait été une pratique indigne de la sainteté de l'Eglise, de la solenniser selon la coutume des Juifs, qui ont les mains souillées, et l'esprit aveuglé par leurs crimes. Nous pouvons rejeter leur usage, et en faire passer aux siècles à venir, un qui est plus raisonnable, et qui a été suivi depuis le jour de la passion du Sauveur jusques ici. N'ayons donc rien de commun avec la nation des juifs, qui est une nation ennemie. Nous avons appris de nôtre maître une autre voie, et l'on tient une autre route dans notre sainte religion. Demeurons-y tous, mes très chers frères, et nous éloignons d'une société aussi infâme qu'est celle de ce peuple. Il n'y a rien si ridicule que la vanité, avec laquelle ils se vantent que nous ne saurions célébrer cette fête comme il faut, si nous n'en apprenons la méthode dans leur école. Que peuvent savoir des hommes qui, depuis qu'ils se sont rendus coupables de la mort du Seigneur, ne se conduisent plus par la lumière de la raison, mais sont emportés par la fureur de leurs passions. Ils sont si éloignés en ce point-là même de la vérité, qu'il arrive souvent, qu'ils célèbrent deux fois la fête de Pâques dans la même année. Quel sujet aurions-nous de suivre leur égarement ? Car jamais nous ne consentirons à célébrer deux fois dans la même année la fête de Pâques. Mais quand nous n'aurions pas toutes les raisons que je viens de dire, la prudence ne laisserait pas de vous obliger à souhaiter que la pureté de votre conscience ne fût salie par l'observation d'aucune coutume qui ait rapport à celles d'une aussi méchante nation que la Judaïque. Il faut de plus considérer, qu'il n'est nullement permis qu'il y ait des usages, et des pratiques différentes dans un point de discipline aussi important qu'est celui-là. Le Sauveur ne nous a laissé qu'un jour de notre délivrance qui est le jour de sa passion. Il a voulu qu'il n'y eût qu'une église catholique, dont les membres, bien que répandus en divers lieux, ne laissent pas d'être mus par le même esprit, et conduits par la même volonté de Dieu. Que votre sainteté considère avec sa sagesse ordinaire, combien ce serait une chose fâcheuse et contraire à la bienséance qu'aux mêmes jours les uns gardassent le jeûne, et les autres fissent des festins. Le dessein de la divine providence est que cette diversité de discipline soit abolie, et que l'uniformité soit introduite, comme je me persuade que vous le reconnaissez de vous-mêmes. Ainsi cet abus devant être corrigé, afin que nous n'eussions plus rien de commun avec les parricides qui ont fait mourir nôtre maître, et la coutume observée par toutes les églises de Midi, de Septentrion et d'Occident, et par quelques-unes mêmes d'Orient, étant très raisonnable, tous ont jugé qu'elle devait être généralement reçue et j'ai promis que vous vous y conformeriez. Embrassez donc volontairement l'usage, qui est établi à Rome, en Italie, en Afrique, en Egypte, en Espagne, en Gaule, en Angleterre, en Achaïe, dans le Diocèse d'Asie, et de Pont, et en Cilicie. Considérez non seulement que le nombre de ces églises-là est plus grand que celui des autres, mais encore que leur usage est appuyé sur de solides raisons; et que nous ne devons rien avoir de commun avec le parjure des Juifs. Pour employer moins de paroles, je vous dirai que tous les évêques ont été d'avis de célébrer la fête de Pâques au même jour. Il ne doit point y avoir de différentes pratiques dans une si grande solennité, et le plus sûr est de suivre l'usage, qui éloigne de la société de l'erreur, et du crime. Ce qui étant ainsi, obéissez avec joie à cet ordre, car ce qui est ordonné par les évêques dans les conciles, n'est ordonné que par la volonté de Dieu. Lorsque vous aurez fait savoir à vos très chers frères ce que je vous écris, vous résoudrez ensemble d'observer au même jour la très sainte fête de Pâques ; afin que quand je vous irai trouver, comme je le souhaite avec passion depuis longtemps, je puisse la célébrer avec vous, et me réjouit de ce que la cruauté du diable a été surmontée par la puissance de Dieu, et de ce que la paix et la vérité de notre religion règnent par toute la terre. Je prie Dieu, mes très chers frères qu'il vous conserve. » [1,11] CHAPITRE XI. Libéralité de Constantin envers l'Eglise. Voila ce que l'empereur Constantin écrivit aux évêques qui étaient absents. Pour les autres qui étaient à Nicée, et qui étaient au nombre de trois cens dix-huit, il les traita très civilement, leur dit des paroles très obligeantes, et leur fit des présents. Il commanda de dresser quantité de sièges couverts de tapis, fit à tous les prélats de cette Assemblée un grand festin, mit les principaux à sa table. Ayant remarqué que quelques-uns avaient l'œil droit crevé, et ayant appris qu'ils l'avaient perdu pour l'intérêt de la foi, il baisa la plaie qui leur en restait, et crut qu'elle serait pour lui une source de bénédiction, et de grâce. Il leur fit encore d'autres présents après le repas. Il donna ordre aux gouverneurs des provinces de distribuer dans chaque ville des pensions aux filles, aux veuves, et aux ecclésiastiques, et en régla la somme non seulement selon les besoin, mais selon sa magnificence. On en paye encore le tiers en ce temps-ci. Julien les avait retranchées absolument. Mais son successeur n'en a rétabli que le tiers, à cause de la disette qui était en ce temps-là. Que si la pension était trois fois plus forte au temps de Constantin qu'elle n'est aujourd'hui, on peut reconnaître par là la grandeur de la libéralité de ce Prince. Je n'ai garde d'oublier de dire, que quelques personnes qui aimaient les querelles et les différends, ayant présenté à l'empereur des requêtes contre des évêques, il en fit un paquet où il commanda de mettre son cachet. Lorsqu'il eût rétabli la bonne intelligence parmi eux, il brûla toutes les requêtes en leur présence, et les assura avec serment qu'il ne les avait point lues. Il disait qu'il ne fallait pas publier les crimes des évêques, de peur qu'ils ne fussent au peuple un sujet de scandale, et de chute. Il ajoutait que s'il avait surpris un évêque dans un adultère, il aurait mis sa robe impériale au devant, de peur que l'exemple de ce crime ne fût préjudiciable à ceux qui le verraient. Après avoir rendu ces honneurs aux prélats, et leur avoir donné ces sages avis, il les exhorta à retourner à leurs églises. J'insérerai ici une lettre d'Eusèbe évêque de Césarée, pour faire voir l'extravagance, et la malice des Ariens, qui non contents de mépriser nos pères, renoncent aux leurs. Car bien qu'ils respectent Eusèbe comme un célèbre écrivain, qui est dans leurs sentiments, ils ne laissent pas de trouver à redire à ses ouvrages. Il a écrit la lettre dont je parle à quelques Ariens, qui l'accusaient d'avoir trahi leur parti. Ses paroles expliqueront mieux sa pensée, que les miennes ne le pourraient faire. [1,12] CHAPITRE XII. Lettre d'Eusèbe, évêque de Césarée. « IL y a apparence, mes très chers frères, que vous avez appris par une autre voie ce qui a été agité touchant la foi dans le grand concile de Nicée. Car la renommée a accoutumé de prévenir les relations les plus particulières et les plus exactes. Or de peur que cette renommée ne vous rapporte les choses d'une autre manière quelles ne se sont passées, j'ai cru vous devoir envoyer la formule de foi telle que je l'ai proposée, et ensuite les additions avec lesquelles les évêques ont jugé à propos de la publier. Voici la nôtre, telle qu'elle a été lue en présence de l'empereur, et approuvée généralement par tout le monde ; telle que nous l'avons reçue des évêques nos prédécesseurs; telle que nous l'avons apprise dans notre jeunesse, lorsque nous avons reçu le baptême ; telle qu'elle est contenue dans l'Ecriture sainte ; telle enfin que nous l'avons enseignée tant dans l'ordre de prêtrise, que dans la dignité épiscopale, et que nous tenons encore aujourd'hui. Nous croyons en un Dieu, Père tout puissant, qui a créé toutes les choses visibles et invisibles, et en un seul Seigneur Jésus Christ, Verbe de Dieu, Dieu de Dieu, Lumière de Lumière, Vie de Vie ; Fils unique, premier né de toutes les créatures, engendré de Dieu le Père avant tous les siècles, par qui toutes choses, ont été faites, qui a pris chair pour notre salut et a conversé parmi les hommes, qui a souffert, et est ressuscité le troisième jour ; qui est monté à son Père, et qui viendra de nouveau, plein de gloire pour juger les vivants, et les morts. Nous croyons aussi en un saint Esprit. Nous croyons l'existence, et la subsistance de chacun d'eux, que le Père est vraiment Père, que le Fils est vraiment Fils, et que le saint Esprit est vraiment saint Esprit : comme notre Seigneur le déclara, lorsqu'il envoya ses Apôtres prêcher l'Evangile, en leur disant : Allez et instruisez tous les peuples, les baptisant au nom du Père, et du Fils, et du saint Esprit. Nous protestons que nous tenons cette foi, que nous l'avons, toujours tenue, et que nous la tiendrons constamment jusques à la mort, en condamnant l'impiété de toutes les hérésies. Nous attestons en présence de Dieu tout puissant, et de notre Seigneur Jésus Christ, que nous avons tenu sincèrement et de cœur toutes ces choses depuis que nous avons été capables de nous connaître, et de faire quelque réflexion sur nous-mêmes. Et nous sommes prêts de faire voir par des preuves très certaines, et capables de vous convaincre, que nous avons toujours été dans cette créance, et que nous l'avons toujours prêchée. Lorsque nous proposâmes cette formule de notre foi, on n'y trouva rien à redire. Notre empereur très chéri de Dieu témoigna le premier qu'elle était fort bien conçue, et qu'il l'approuvait, et exhorta tous les autres à la signer, en y ajoutant seulement le terme de consubstantiel. Il expliqua ce terme en disant qu'il ne l'entendait point selon les propriétés du corps, et, qu'il ne croyait point que le Fils subsistât du Père par division, ni par section, parce qu'une nature incorporelle et intellectuelle ne peut avoir de propriété corporelle, et que cela se doit entendre d'une manière spirituelle et divine. Voila comment ce très sage et très religieux Prince s'expliqua. Les évêques prirent occasion de ce terme de consubstantiel, de dresser la formule qui suit. Symbole. NOUS croyons en un Dieu, père tout puissant qui a créé toutes les choses visibles et invisibles ; et en un seul Seigneur Jésus Christ, Fils unique de Dieu, engendré par le Père, c'est-à-dire de la substance du Père, Dieu de Dieu, Lumière de Lumière, vrai Dieu, qui n'a pas été fait, mais engendré, qui n'a que la même substance que le Père, qui est consubstantiel au Père, et par qui toutes les choses qui sont dans le ciel et sur la terre ont été faites ; qui est descendu des cieux pour nous hommes misérables, et pour notre salut ; qui s'est incarné et s'est fait homme, et a souffert, qui est ressuscité le troisième jour, qui est monté au ciel, d'où il viendra pour juger les vivants et les morts. Nous croyons au saint Esprit. Quant à ceux qui disent, il ya eu un temps auquel il n'était pas, et il n'était pas avant qu'il eût été engendré, il a été fait de ce qui n'était point auparavant, il est d'une autre nature, et d'une autre substance que le Père, il est créé, et sujet au changement : la sainte église catholique et apostolique prononce contre eux anathème. Quand ils eurent dicté cette formule de foi, nous ne laissâmes pas passer sans examen ce qu'ils avaient dit que le Fils est de la substance du Père, et consubstantiel au Père. On fit plusieurs questions et plusieurs réponses pour rechercher le sens de ces termes. Ils avouèrent que le sens est que le Fils est du Père, mais non comme une de ses parties. Nous crûmes qu'il était juste de recevoir ce sens, parce que c'est une saine doctrine de dire que le Fils est du Père, non toutefois comme une partie de sa substance. Nous recevons cette idée, et ne rejetons pas même le terme de consubstantiel pour le bien de la paix, et de peur de nous éloigner de la vérité. Nous avons approuvé par la même raison ces autres termes, engendré, et non pas fait. Car ils disaient que le terme de fait, est un terme commun à toutes les créatures qui ont été faites par le Fils, et auxquelles il n'est point semblable, étant d'une nature plus relevée ; qu'il tire sa substance du Père, selon que l'Ecriture l'enseigne, par une génération secrète qu'aucun esprit créé ne saurait comprendre, ni aucun discours exprimer. Cette manière dont le Fils est consubstantiel au Père ayant été examinée, on demeura d'accord qu'elle est différente de celle des corps, parce que ce n'est point par division de substance, ni par retranchement, ni par changement de la nature et de la vertu du Père. Que quand on dit que le Fils est consubstantiel au Père on n'entend rien autre chose, sinon que le Fils de Dieu n'a aucune ressemblance avec les créatures qui ont été faites par lui, mais qu'il aune parfaite ressemblance avec son Père par qui il a été engendré, qu'il est du Père, et non d'une autre hypostase, ni d'une autre substance. Cette doctrine ayant été expliquée de la sorte, nous avons cru la devoir approuver par ce que nous avons trouvé que d'anciens évêques, et de savants écrivains se sont servis du terme de consubstantiel, pour expliquer la Divinité du Père et du Fils. Voila ce que j'avais à vous dire touchant la Foi qui a été proposé dans le concile de Nicée, et à laquelle nous avons crus, conscients, non inconsidérément et non sans avoir mûrement délibéré, mais après avoir examiné en présence du très religieux empereur les sens que je viens de rapporter, et les avoir approuvés pour les raisons que j'ai dites. Nous avons aussi consenti sans peine à l'anathème, qu'ils ont prononcé après la Formule de foi, parce qu'il défend de le servir de termes étrangers et éloignés de ceux dont l'Ecriture sainte se sert ; étant certain que c'est de ces termes-là que sont venus tous les différends et les troubles de l'Eglise. L'Ecriture inspirée par le saint Esprit ne s'étant donc jamais servie de ces termes, de ce qui n'est point, et il y a eu autrefois un temps où il n'était point, ni d'autres semblables qui sont rapportés dans le même endroit, nous n'avons pas cru qu'il fût raisonnable de les employer, ni de les enseigner. Nous nous sommes encore soumis d'autant plus volontiers en ce point au décret du Concile, que nous n'avions point accoutumé de nous servir de ces termes. Nous avons cru, mes très chers frères, vous devoir représenter exactement toutes ces choses pour vous faire voir avec combien de prudence et de maturité nous avons ou suspendu ou donné notre consentement, et pour vous faire connaître combien nous avons eu de raisons de résister presque jusques à la fin, pendant que nous étions choqués de certains termes, qui avaient été rédigés par écrit. Mais enfin nous avons reçu sans contestation ce qui ne nous choquait plus, depuis que par l'examen du sens, nous avons trouvé qu'il était conforme à la foi, dont nous avons toujours fait profession. » [1,13] CHAPITRE XIII. Réfutation des Ariens de ce temps, par les livres d'Eusèbe évêque de Césarée. EUSÈBE déclare ouvertement que le terme de consubstanciel n'était pas un terme nouveau, qui eût été inventé par les évêques du concile de Nicée, mais que c'était un terme ancien, et que les pères avaient fait passer depuis longtemps à leurs enfants. Il assure tant dans le même ouvrage, que dans un autre, où il donne des louanges extraordinaires à Constantin, que les évêques de ce Concile approuvèrent d'un commun consentement la doctrine de la foi, qui y avait été expliquée. Voici ses paroles. « Constantin ayant fait ce discours en latin, qui fut expliqué en grec par un interprète, il permit aux principaux du concile, de dire ce qu'il leur plairait. Alors les uns commencèrent à se plaindre de ceux qui étaient proche d'eux, et ceux-ci à se défendre, et à se plaindre à leur tour. L'Empereur écouta patiemment tout ce qu'ils voulurent proposer de part et d'autre, repéra leurs raisons, leur donna un nouveau jour, et apaisa leurs différends. Il leur parlait à tous avec une grande douceur, et leur parlait en grec, car il n'ignorait pas cette langue. Il se rendit agréable et charmant dans cette assemblée, en persuadant les uns, en fléchissant les autres, en louant ceux qui avaient parlé à propos, et les réunit de telle sorte, qu'ils firent tous profession de la même foi, et convinrent de célébrer au même jour la fête de Pâques. Ce qui acait été ordonné, fut rédigé par écrit, et signé par tous les Evêques. » Eusèbe ajoute un peu après.peu après. « L'empereur leur donna congé et la permission de retourner en leur pays. Depuis qu'ils y furent retournés avec une extrême joie, ils y demeurèrent unis dans le même sentiment, et comme joints tous ensemble pour ne plus faire qu'un corps. Constantin fort content de l'heureux succès de cette grande .entreprise, en fit sentir le fruit par ses lettres à ceux qui en étaient le plus éloignés. Il fît de grandes largesses tant aux habitants des villes qu'aux peuples de la campagne, afin qu'ils fissent des réjouissances publiques pour la vingtième année de son régne. » Bien que les Ariens aient accoutumé de combattre l'autorité des pères, ils devaient déférer au témoignage de celui-ci qu'ils admirent parmi tous les autres, et croire que la profession de foi fut signée dans le concile d'un commun consentement. Mais s'ils méprisent si fort leurs propres auteurs, ils devaient au moins s'éloigner avec horreur de l'impiété d'Arius, lorsqu'ils apprirent l'étrange genre de sa mort. Comme il est probable qu'il n'est pas connu de tout le monde, j'en ferai ici un récit très fidèle. [1,14] CHAPITRE XIV. Mort d'Arius. APRES qu'il eut demeuré fort longtemps dans Alexandrie, il excita de nouveaux troubles dans les assemblées des fidèles, tantôt renonçant à son impiété, et tantôt promettant de recevoir la profession de foi qui avait été composée par les évêques du Concile. Mais n'ayant pu faire croire ni à Alexandre, ni à Athanase son successeur, et l'imitateur de sa vertu, qu'il agissait de bonne foi, il retourna à Constantinople par le moyen d'Eusèbe évêque de Nicomédie. Les intrigues qu'il y trama, et la manière dont la justice divine le punit, sont mieux représentées par Athanase dans une de ses lettres à Appion, qu'ils n'auraient pu l'être par aucun autre. J'en insérerai ici une partie. « Je n'étais pas, dit-il, à Constantinople, lorsqu'il mourut. Mais Macaire prêtre y était, de qui j'ai appris le genre et les circonstances de sa mort. Les Ariens avaient fait en sorte que l'empereur Constantin envoyât quérir Arius. Lorsqu'il fut entré, l'empereur lui demanda s'il tenait la foi de l'église catholique. Il répondit avec serment que sa foi était orthodoxe, et en présenta sa profession, où il cachait artificieusement les erreurs, pour lesquelles il avait été chassé de l 'église par Alexandre, et les couvrait sous quelques paroles de l'Ecriture. Lors donc qu'il eut juré qu'il ne tenait point les sentiments, pour lesquels il avait 'été chassé de l'église par Alexandre, l'empereur le renvoya, en lui disant : si votre créance est orthodoxe, votre serment est véritable, que si elle ne l'est pas, et que vous ayez fait un faux serment, Dieu vous jugera. Lorsqu'il fut sorti du palais de l'empereur, les partisans d'Eusèbe usant de leur violence ordinaire, entreprirent de le rétablir dans la communion des fidèles. Alexandre évêque de Constantinople, d'heureuse mémoire, s'y opposa, en s'écriant que l'auteur d'une hérésie ne devait point être admis à la communion. Alors les partisans d'Eusèbe lui firent cette menace : Comme nous avons fait en sorte, malgré vous, que l'empereur a envoyé quérir Arius, nous ferons en sorte, malgré vous qu'il s'assemblera demain avec nous dans cette église. Ce fut un samedi qu'ils le menacèrent de cette manière. Alexandre fort affligé de ce discours, entra dans l'église, leva les mains au ciel, gémit devant Dieu, prosterné contre terre dans l'enceinte de l'autel. Macaire était avec lui, il priait avec lui, et entendait les termes, auxquels la prière était conçue. Il demandait de deux choses l'une. Si Arius, disait-il, doit être admis demain à la communion, appelez-moi à vous Seigneur, et ne perdez pas le pieux avec l'impie. Si vous pardonnez à votre église, et je sais que vous lui pardonnez, ayez égard aux paroles des partisans d'Eusèbe, et ne permettez pas que votre héritage soit ruiné et déshonoré. Otez Arius du monde, de peur que, s'il entrait dans l'église, l'hérésie n'y entrât aussi avec lui, et que la piété ne se trouvât dans un même lieu avec l'impiété. Après avoir fait cette prière, il sortit de l'église tout rempli de crainte et d'inquiétude, et à l'heure-même il arriva un miracle tout-à-fait étrange et étonnant. Les partisans d'Eusèbe avaient fait des menaces, l'évêque avait fait des prières, Arius avait confiance en la protection que les partisans d'Eusèbe lui donnaient, et après avoir dit beaucoup de choses avec autant d'extravagance que de vanité, il se sentit pressé d'un mal de ventre, et entra dans un lieu secret, et il creva aussitôt par le milieu, comme il est écrit, tomba à terre, et fut privé de la vie aussi bien que de la communion. Les partisans d'Eusèbe chargés de honte, lui donnèrent la sépulture, comme à un homme de leur créance. Le bienheureux Alexandre assembla les fidèles remplis de joie, de ce qu'ils ne voyaient plus rien dans leur assemblée de contraire à la piété et à la foi. Il fit ses prières avec tous les frères, et rendit gloire à Dieu. Ce n'est pas qu'il se réjouit de la mort d'Arius, il en était fort éloigné ; car il n'y a point d'homme, qui ne doive mourir un jour. Mais c'est qu'elle était arrivée d'une manière qui surpassait l'esprit et les jugements des hommes. Car Dieu prononçant sur les menaces des partisans d'Eusèbe, et sur la prière d'Alexandre, condamna l'hérésie d'Arius, la déclarant indigne de la communion de l'Eglise, et faisant voir que quand elle aurait été soutenue par la puissance de l'Empereur, et par le suffrage de tous les peuples, elle était rejetée par la vérité. » Voila les premières gerbes qu'Arius recueillit de la pernicieuse semence qu'il avait jetée dans le champ de l'église, et les prémices des châtiments, qui lui étaient réservés dans le siècle à venir. Son supplice à été comme un aveu de son impiété. Je parlerai maintenant de la piété de l'Empereur, et de la lettre par laquelle il exhorta ses sujets à renoncer à la superstition païenne, et à embrasser la doctrine du Sauveur, il excitait les évêques à bâtir des églises, et leur donnait l'argent nécessaire pour payer les ouvriers. Mais ses paroles expliqueront ceci mieux que les miennes. [1,15] CHAPITRE XV. Lettre de Constantin pour le rétablissement des églises. Constantin vainqueur, très grand, Auguste : à Eusèbe. « Je me persuade, mon très cher frère, que les serviteurs du Sauveur, ayant été jusques à ce jour exposés à l'injustice, et à la violence de la persécution, les églises sont tombées en ruine pour avoir été négligées, ou au moins qu'elles n'ont point été entretenues avec le soin qui était nécessaire. Mais maintenant que la liberté est rendue à l'église, et que le dragon a été privé de sa puissance souveraine par l'ordre de la providence, et par la force de mes armes, je crois que la grandeur de Dieu est connue de tout le monde, et que ceux qui ont manqué autrefois ou par passion, ou par infidélité, embrasseront volontairement son culte. Travaillez donc avec toute application dont vous êtes capable, au rétablissement des églises soumises à votre conduite, et avertissez les évêques, les prêtres et les diacres des autres lieux, de travailler avec la même application, pour réparer les édifices, qui subsistent encore, pour les accroître, ou pour en faire de nouveaux. Demandez, vous, et les autres évêques aux gouverneurs de provinces, et au préfet du prétoire, tout ce qui sera nécessaire pour cet effet. Car ils ont reçu par écrit d'obéir à tout ce que votre Sainteté leur commandera. Je prie Dieu, mon très cher frère, qu'il vous conserve. » Voila ce que cet empereur écrivit aux évêques de toutes les provinces pour le rétablissement des églises. Nous allons voir par ce qu'il manda à Eusèbe évêque de Césarée, combien il prit de soin de faire écrire quantité d'exemplaires des livres de la sainte Ecriture. [1,16] CHAPITRE XVI. Lettre de Constantin pour faire écrire les livres de l'Ecriture sainte. Constantin vainqueur, très grand, Auguste : à Eusèbe Evêque de Césarée. « UNE très grande multitude de personnes ont, par la miséricorde du Sauveur, fait profession de la religion chrétienne dans la ville laquelle nous avons donné notre nom. Il est juste que les églises y soient accrues, à proportion du reste de toutes les autres choses qui y reçoivent de jour en jour un nouvel accroissement, permettez donc que je vous déclare le dessein que j'ai conçu. Je suis d'avis que vous fassiez écrire en beau parchemin, cinquante exemplaires de la sainte Écriture, dont vous savez que l'usage est très nécessaire dans l'église, et que vous choisissiez des personnes capables ; de sorte que ces exemplaires-là soient aisés à lire, et qu'ils puissent être transportés commodément. J'ai mandé au Logothète du diocèse, qu'il ait soin de fournir ce qui sera nécessaire pour cette dépense. Il sera de votre diligence de pourvoir à ce que ces copies soient achevées en peu de temps. Lorsqu'elles le seront, prenez, en vertu de cette lettre, deux voitures publiques, pour me les envoyer, et choisissez pour cet effet un de vos diacres, que je recevrai favorablement, Que Dieu vous conserve, mon très-cher frère.» [1,17] CHAPITRE XVII. Lettre de Constantin : à Macaire évêque de Jérusalem, pour la construction d'une église. Constantin vainqueur, très grand, à Macaire évêque de Jérusalem. « LA grâce que le Sauveur nous fait, est si extraordinaire et si admirable, qu'il n'y a point de paroles qui la puissent dignement exprimer. En effet qu'y a-t-il de si admirable que l'ordre de la providence, par lequel il a caché sous terre durant un si long espace de temps le monument de sa passion , jusques à ce que l'ennemi de la piété eût été vaincu, et que ses serviteurs eussent été mis en liberté ? Il me semble que quand on assemblerait tout ce qu'il y a de savants et d'orateurs dans le monde, ils ne pourraient jamais rien dire qui approchât de la grandeur de ce miracle, parce qu'il est autant au dessus de toute créance, que la sagesse éternelle est au dessus de la raison. C'est pourquoi je me propose d'exciter tous les peuples à embrasser la véritable religion avec une ardeur égale a l'éclat des événements merveilleux par lesquels la vérité de la foi est confirmée de jour en jour. Je ne doute point que comme ce dessein là que j'ai, est connu de tout le monde, vous ne soyez très persuadé que je n'ai point de plus forte passion, que d'embellir par de magnifiques bâtiments, ce lieu qui étant déjà saint a été encore sanctifié par les marques de la passion du Sauveur, et qui a été déchargé par la volonté de Dieu et par mes soins, du poids d'une idole dont il avait été chargé. Je mets à votre prudence, de prendre les soins nécessaires, pour faire en sorte que les édifices surpassent en grandeur et en beauté tout ce qu'il y a de beau et de grand au reste du monde. J'ai donné charge à notre très cher Dracilien, vicaire des préfets du prétoire, et gouverneur de la province, d'employer suivant vos ordres les plus excellents ouvriers à élever les murailles. Mandez-moi quels marbres, et quelles colonnes vous désirez, afin que je les fasse conduire. Je serai bien aise de savoir, si vous jugez que l'église doive être lambrissée ou non. Car si elle doit être lambrissée, on y pourra mettre de l'or. Faites savoir au plus tôt aux officiers que je vous ai nommés, le nombre des ouvriers, et les sommes d'argent qui seront nécessaires, et les marbres, les colonnes et les orientements qui seront les plus beaux et les plus riches, afin que j'en sois promptement informé. Je prie Dieu , mon très cher frère, qu'il vous conserve.» [1,18] CHAPITRE XVIII. Piété d'Hélène. Invention de la vraie Croix. Eglises bâties à Jérusalem. CES lettres furent portées par la mère de l'empereur, par cette princesse si heureuse en enfants, qui avait produit cette grande lumière, et qui l'entretenait par l'infusion continuelle de l'esprit et des sentiments de la véritable religion, et dont la vertu recevait des éloges de la bouche de toutes les personnes de piété. Son extrême vieillesse ne lui fit point appréhender l'incommodité du voyage, et elle l'entreprit un peu avant sa mort, qui arriva en la quatre-vingtième année de son âge. Lorsqu'elle fut au lieu, où le Sauveur souffrit autrefois la mort, qui a été une source de vie pour le monde, elle commanda qu'on démolît le temple exécrable qu'on y avait bâti, et qu'on en portât les démolitions autre part. Le tombeau qui était demeuré si longtemps caché ayant été découvert, on aperçut proche, trois croix. On ne doutait point qu'une des trois ne fût celle du Sauveur, et que les deux autres ne fussent celles des larrons qui avaient été crucifiés avec lui. Mais la difficulté était de les discerner, et de reconnaître celle où le corps du Seigneur avait été attaché, et qui avait été teinte de son sang. Mais Macaire, cet évêque rempli de sagesse, trouva le moyen de lever cette difficulté. Car après s'être mis en prière, il fit toucher les trois Croix à une dame de qualité qui était malade depuis longtemps, et reconnut la puissance de celle du Sauveur. En effet cette croix ne l'eut pas sitôt touchée qu'elle chassa la maladie, et lui rendit la santé. La mère de l'empereur ayant appris de la sorte ce qu'elle avait souhaité avec tant de passion de savoir, elle fit mettre une partie des clous au casque de constantin pour le garantir des traits de ses ennemis ; et une autre partie au mors de son cheval tant pour le conduire, et pour le défendre, que pour accomplir cette prophétie, qui avait été faite longtemps auparavant par Zacharie : Ce qui est dans le mors du cheval sera saint au Seigneur tout puissant. Elle fit porter une partie de la vraie croix au palais, et laissa l'autre dans une chasse d'argent entre les mains de l'évêque, qu'elle pria de la garder avec soin. Ayant ensuite fait chercher un grand nombre d'ouvriers, et amasser quantité de matériaux, elle éleva deux églises, dont il est d'autant plus inutile de décrire ici la grandeur, et la beauté, que toutes les personnes de piété qui s'y rendent en foule, ne sauraient les voir sans les admirer. Je rapporterai, encore une autre action fort louable de cette incomparable princesse. Elle assembla une troupe de filles qui avaient consacré à Dieu leur virginité, et les ayant fait asseoir, elle leur donna à laver, leur versa à boire; et les servit à table, elle retourna ensuite vers l'empereur son fils, et mourut bientôt après d'une mort douce et tranquille. Elle lui donna, avant que de mourir, de sages conseils, et lui souhaita toutes sortes de grâces. Elle reçut après sa mort les honneurs qui étaient dus à sa piété. [1,19] CHAPITRE XIX. Translation illégitime d'Eusèbe Evêque de Nicomédie. LES Ariens poursuivaient cependant leurs détestables desseins. Ils n'avaient signé la profession de foi du concile de Nicée que pour pouvoir agir en loups, sous des peaux de brebis. Alexandre évêque de Byzance ou de Constantinople, qui avait fait mourir Arius par la force de sa prière, étant passé à une meilleure vie, Eusèbe le protecteur de l'impiété, sans respecter les règles qu'il avait faites un peu auparavant avec les autres prélats, et les canons qui défendent aux évêques, et aux prêtres de passer d'une ville à l'autre, quitta l'église de Nicomédie, pour s'emparer de celle de Constantinople. Mais il ne faut pas s'étonner que la discipline ecclésiastique ait été violée par des personnes qui avaient été si extravagantes que de conspirer contre la divinité du Fils de Dieu. Ce n'était pas aussi la première fois qu'il avait contrevenu à ce canon. Car il avait déjà abandonné l'église de Béryte pour passer à celle de Nicomédie, d'où il fut chassé incontinent après la célébration du concile de Nicée, de même que Théognis de celle de Nicée, lorsqu'ils eurent fait profession ouvertement de l'impiété ; la vérité de ce fait est justifiée par une lettre de l'empereur Constantin aux habitants de Nicomédie, de laquelle j'insérerai ici une partie. [1,20] CHAPITRE XX. Lettre de l'Empereur Constantin, aux habitant de Nicomédie. « QUI est-ce qui a enseigné cela au simple peuple? c'a été Eusèbe le partisan de la cruauté des tyrans. Car il n'est que trop aisé de faire voir qu'il a perpétuellement favorisé leurs intérêts. Le massacre des évêques, mais des véritables évêques en fait foi. La persécution faite aux fidèles le crie hautement. Je ne parlerai point de mes injures particulières, des cabales faites pour émouvoir le peuple, des espions envoyés, et peu s'en faut que je ne dise, des troupes levées, parce que peu s'en est fallu en effet qu'il n'en ait levé contre moi Que personne ne s'imagine que je n'ai point de preuve de ce que j'avance. J'en ai de très certaines, puisque je me suis saisi des prêtres et des diacres de sa suite. Mais je passe sur toutes ces choses, que je n'ai touchées que pour donner de la confusion à ces personnes, plutôt que pour témoigner mon ressentiment. Il n'y a qu'une chose qui me touche qui est qu'Eusèbe vous rend ses complices, et que par sa mauvaise doctrine il vous éloigne de la vérité. Mais il sera aisé de guérir vos consciences, si après avoir reçu un autre évêque qui soit d'une doctrine orthodoxe, vous levez les yeux vers Dieu. Cela ne dépend que de vous et je ne doute point que cela n'eût déjà été exécuté, si Eusèbe ne fût venu ici à la faveur de ses partisans, qui avaient alors un très grand pouvoir, et qu'il n'eut troublé tout l'ordre de la discipline. Puisque je suis obligé de vous parler de lui, vous vous souvenez que j'assistai au concile qui fut tenu dans la ville de Nicée, comme mon devoir m'y obligeait, et que je n'y assistai par aucun autre motif, que par celui de rétablir la paix, et la bonne intelligence parmi les fidèles, et d'exterminer l'erreur à laquelle l'extravagance d'Arius avait donné la naissance, et les brigues d'Eusèbe un notable accroissement. Vous ne sauriez croire, mes très chers frères, avec qu'elle ardeur, et avec quelle impudence ce dernier étant convaincu par le témoignage de sa conscience, agit pour soutenir le mensonge, soit en interposant diverses personnes pour me parler en sa faveur, ou en implorant ma protection afin que j'empêchasse qu'il ne fût privé de sa dignité, bien que son crime fût manifeste. Dieu, que je prie de m'être propice, et à vous aussi, m'est témoin de ce que je dis. Cet Eusèbe m'imposa alors, et me trompa honteusement, comme vous savez vous-mêmes. Il ne se fit rien que selon que le désirait cet homme, qui ne désirait rien de bien. Mais pour passer les autres crimes sous silence je vous prie que je vous raconte celui qu'il commit ces jours passés avec Théognis le compagnon de sa folie. J'avais commandé que l'on amenât ici quelques habitants d'Alexandrie qui cabalaient contre mon service, et qui excitaient les autres à la révolte. Mais ces excellents évêques auxquels le concile avait fait la grâce de les admettre à la pénitence, se rendirent non seulement leurs protecteurs, mais encore leurs complices en les retirant chez eux. Ce qui m'a fait résoudre à reléguer ces ingrats dans quelque pays fort éloigné. Il ne vous reste plus que de regarder Dieu avec les yeux de la foi que vous avez toujours eue, et que vous devez avoir. Réjouissons-nous d'avoir trouvé des évêques saints et orthodoxes. Que si quelqu'un parle avantageusement de ces pertes, ou entreprend de faire leur éloge, qu'il sache que sa hardiesse sera réprimée par l'autorité que Dieu m'a donnée comme à son serviteur. Je le prie qu'il vous conserve, mes très chers frères. Eusèbe et Théognis ayant été déposés de leurs sièges et chassés de leur ville, Amphion fut chargé du gouvernement de l'église de Nicomédie, et Chreste de celle de Nicée. Mais ces deux évêques déposés abusèrent par leurs artifices ordinaires de la bonté de l'empereur renouvelèrent les mêmes contestations, et acquirent le même crédit qu'ils avaient eu auparavant. » [1,21] CHAPITRE XXI. Intrigues artificieuses d'Eusèbe, et de ses partisans, contre Eustate évêque à Antioche. EUSEBE s'empara, comme je l'ai dit, du siège de l'église de Constantinople par une violence tyrannique. Ayant acquis dans cette place une grande autorité, et trouvé la commodité de visiter souvent l'empereur, et de l'entretenir familièrement, il chercha l'occasion de dresser des pièges aux défenseurs de la vérité. Il fit accroire à Constantin qu'il souhaitait de faire un voyage à Jérusalem, et d'en voir l'église, dont la structure est si superbe. Il partit avec un train leste, sur les voitures publiques que l'empereur lui avait généreusement accordées. Théognis, le compagnon de ses pernicieux desseins, le fut aussi de ce voyage. Quand ils furent arrivés à Antioche ils y entrèrent avec un visage d'amis, et y furent reçus avec toute sorte d'honneurs; le grand Eustate, ce généreux défenseur de la vérité leur ayant rendu tous les devoirs de la charité fraternelle. Lorsqu'ils furent arrivés aux saints lieux, et qu'ils eurent conféré avec Eusèbe évêque de Césarée, avec Patrophile évêque de Scythopole, avec Aëce évêque de Lydda, avec Théodote évêque de Laodicée, et avec quelques autres infectés de l'erreur d'Arius, ils leur découvrirent leurs desseins. Après cela ils allèrent tous ensemble à Antioche, en apparence pour rendre honneur à Eusèbe et à Théognis, mais en effet pour faire la guerre à sa vérité. Ils gagnèrent par argent une femme, qui faisait profession de prostitution publique, et lui persuadèrent de déclarer ce qu'ils lui diraient. S'étant ensuite assemblés ils firent entrer cette femme, qui tenant un enfant entre ses bras eut l'impudence de dire à haute voix qu'elle l'avait eu d'Eustate. Ce saint évêque qui était très assuré de son innocence lui demanda, si elle avait quelque témoin de ce qu'elle avançait si hardiment. Quand elle eut répondu qu'elle n'en avait point, ces juges équitables s'en rapportèrent à son serment, bien que la loi demande au moins deux témoins, et que l'Apôtre défende de recevoir une accusation contre un prêtre, s'il n'y a deux, ou trois témoins. Ils méprisèrent ainsi les lois de l'église, et bien qu'ils n'eussent aucun témoin ils reçurent une accusation si atroce contre un si grand homme. La femme ayant répété avec serment qu'Eustate était père de l'enfant qu'elle tenait entre les bras, ils le condamnèrent comme un adultère. Les autres évêques qui tenaient la doctrine des Apôtres, et qui ne savaient rien du secret de l'intrigue, désapprouvèrent la sentence, et conseillèrent à Eustate de n'y point acquiescer. Les auteurs de l'accusation calomnieuse prévinrent promptement l'esprit de l'empereur, et lui ayant fait accroire que le crime était véritable, et la condamnation canonique, ils obtinrent de lui, qu'un Evêque d'une piété singulière et d'une continence exemplaire, fut exilé comme un adultère et un tyran, et conduit à travers la Thrace à une Ville d'Illyrie. [1,22] CHAPITRE XXII. Évêques hérétiques ordonnés à Antioche. ILS ordonnèrent d'abord Eulale en la place d'Eustate. Mais cet Eulale n'ayant survécu que fort peu de temps , ils tâchèrent de faire transférer Eusèbe de Césarée. Eusèbe ayant refusé d'être transféré, l'empereur même ayant défendu qu'il le fût, ils élurent Euphrone, qui n'ayant survécu qu'un an et quelques mois, eut Flaccille pour successeur. Tous ces évêques-là cachaient dans le fond de leur cœur, le poison de l'erreur d'Arius, ce qui fut cause que plusieurs tant du clergé, que du peuple qui avaient un zèle plus sincère et plus ardent que les autres, pour l'honneur de la religion, et pour la pureté de la foi, s'assemblèrent à part, et furent surnommés Eustatiens. Cette misérable femme qui avait prêté sa langue à la calomnie, étant tombée bientôt après dans une longue et dangereuse maladie, elle découvrit à plusieurs prêtres l'imposture, avoua qu'elle avait faussement accusé Eustate, et que néanmoins son serment n'était pas tout-à-fait faux, parce qu'en effet l'enfant était fils d'Eustate, serrurier. [1,23] CHAPITRE XXIII. Conversion des Indiens à la foi. LA lumière de la foi parut alors pour là première fois dans les Indes. Car comme la réputation de la piété, et du courage de l'empereur s'était répandue par toute la terre, et que tous les étrangers avaient reconnu par expérience, qu'il leur était plus avantageux d'entretenir avec lui la paix, que de lui faire la guerre, ils entreprenaient de grands voyages, soit par pure curiosité, ou par le désir de trafiquer, et de s'enrichir. Un philosophe natif de Tyr, fit le voyage des Indes avec deux de ses neveux, et après avoir contenté sa curiosité, il remonta sur mer, pour retourner en son pays. Le vaisseau sur lequel il était, ayant été obligé de prendre terre, pour faire eau, les habitants fondirent dessus, noyèrent quelques-uns des voyageurs, et prirent les autres prisonniers. Le philosophe fut tué ; ses deux neveux, dont l'un se nommait Edése, et l'autre Frumentius, furent menés au roi, qui ayant reconnu leur esprit, et leur suffisance, leur donna l'intendance de sa maison. Que si quelqu'un fait difficulté d'ajouter foi à ce que j'écris, je le prie de rappeler l'Histoire de Joseph, dans sa mémoire, et de considérer la grandeur du pouvoir, qu'il exerça en Egypte, et de se souvenir pareillement de Daniel, et des trois jeunes hommes de Babylone, qui devinrent ministres d'Etat, après avoir été esclaves. Le roi étant mort, ils possédèrent un pouvoir plus absolu sous le règne de son fils, qu'ils n'avaient fait sous le sien. Comme ils avaient été élevés dans la religion chrétienne, des marchands chrétiens qui trafiquaient dans le pays leur proposèrent de s'assembler, et de célébrer ensemble les saints mystères. Longtemps après, ils demandèrent au roi pour récompense de leurs services, la permission de retourner en leurs pays. Quand ils l'eurent obtenue, Edése retourna à Tyr, mais Frumentius préférant la piété à la tendresse naturelle qu'il avait pour ses parents, alla à Alexandrie, et informa Athanase évêque de cette Ville, de l'ardeur avec laquelle les Indiens souhaitaient d'être éclairés de la lumière de la foi. Qui pourrait mieux que vous, lui dit ce saint évêque, porter cette lumière à ces peuples, et dissiper les ténèbres de leur ignorance ? Lui ayant conféré la grâce du sacerdoce, il l'envoya pour leur prêcher l'Evangile. Il partit de son pays, et passa sans crainte, cette vaste étendue de mer qui sépare de cette nation, qui était encore sauvage, et il la cultiva avec tant de soin, qu'il la rendit capable de porter des fruits d'une véritable piété. Il confirma sa doctrine par des signes extraordinaires, et convainquit les esprits les plus rebelles par des miracles semblables à ceux des Apôtres. [1,24] CHAPITRE XXIV. Conversion des Ibères. UNE femme qui avait été prise prisonnière par les Ibères, leur découvrit au même temps le chemin de la vérité. Elle s'adonnait uniquement aux exercices de la piété, n'avait point d'autre lit qu'un sac étendu sur la terre, et faisait ses délices du jeûne. L'austérité de sa vertu fut récompensée de la grâce de faire des miracles aussi surprenants que ceux qui accompagnèrent autrefois la prédication des Apôtres. Ces Barbares ne sachant point la médecine, avaient accoutumé de se visiter réciproquement, lorsqu'ils sentaient quelque indisposition, et de demander à ceux qui en avaient souffert de semblable, comment ils s'étaient guéris. Une femme du pays, étant allé trouver celle-ci avec un enfant malade qu'elle avait, lui demanda si elle ne savait point quelque moyen de le guérir. La femme chrétienne le mit sur le sac, qui lui servait de lit, et pria Dieu qu'il lui rendît la santé. La santé ayant été rendue à l'enfant par le mérite de sa prière, la nouvelle de cette guérison se répandit partout, et parvint jusques aux oreilles de la reine, qui étant alors tourmentée d'une fâcheuse maladie, envoya quérir la femme chrétienne dont je parle. Celle-ci n'ayant que de bas sentiments de foi même, s'excusa d'aller trouver la reine. Mais cette princesse se sentant fort pressée par la violence de son mal, oublia la bienséance convenable à sa dignité, et l'alla trouver elle-même. Cette femme fit reposer la reine sur son lit, et lui appliqua le remède salutaire de la prière. Quand elle fut guérie, elle lui offrit de l'or, de l'argent, des étoffes, des habits et de semblables récompenses que les grands peuvent donner. Cette sainte femme lui répondit qu'elle n'avait pas besoin de ces richesses, et que toute la récompense qu'elle souhaitait, était d'être assez heureuse, pour lui faire connaître la vérité. Elle lui proposa ensuite le mieux qu'il lui fut possible, les maximes de notre religion, et l'exhorta à faire bâtir une église en l'honneur du Sauveur, qui lui avait rendu la santé. La reine étant retournée à son palais, et ayant raconté au roi, la manière miraculeuse, dont elle avait été délivrée de son mal, lui donna de l'étonnement, et lui fit admirer la puissance du Dieu que cette femme adorait. Elle lui proposa même de le reconnaître, et de le faire reconnaître par ses sujets en élevant une église en son honneur. Le roi fut bien aise du miracle, qui avait été fait en la personne de la reine, mais il ne voulut point bâtir d'église. Il alla quelque temps après à la chasse, où le Seigneur le convertit par un effet de si grande miséricorde, de la même sorte qu'il avait autrefois converti Paul. Car un orage s'étant élevé tout d'un coup, il fut environné de ténèbres, au lieu que ceux de sa suite jouissaient de la vue de la lumière. Il trouva pourtant le moyen de les dissiper. Car ayant condamné sa propre incrédulité, et ayant imploré le secours du Dieu de la femme chrétienne, il vit le jour comme auparavant. Il alla incontinent trouver cette femme, et lui demanda de quelle manière il fallait bâtir une église. Celui qui avait autrefois enseigné l'architecture à Beseleel, rendit cette femme capable de tracer le plan d'un temple. Quand elle en eut donné le dessein, les ouvriers l'exécutèrent. Elle conseilla ensuite au roi d'envoyer demander des prêtres à l'empereur, qui ayant reçu l'ambassade avec joie, envoya en Ibérie un évêque d'une vertu exemplaire. Il ne se contenta pas de pourvoir de la sorte à l'instruction, et à la conversion des Ibères, il se porta de lui-même, à soulager les Chrétiens qui étaient en Perse, et parce qu'il avait appris que le roi les traitait avec une extrême rigueur, il lui écrivit pour le supplier de les respecter, et d'embrasser lui-même leur religion. Sa lettre exprimera mieux les intentions, que mes paroles. [1,25] CHAPITRE XXV. Lettre de Constantin à Sapor. « EN gardant la foi, je fuis éclairé de la lumière de la vérité, et en suivant cette lumière, je pénètre de plus en plus la sainte obscurité de la foi. Je fais profession de la religion qui m'enseigne à adorer un seul Dieu, à la faveur duquel je suis parti des hors de l'Océan, et j'ai donné espérance à l'empire, de se voir bientôt délivré de ses disgrâces. Les provinces qui gémissaient sous la domination des tyrans ont trouvé un libérateur. Je publie la grandeur de ce Dieu qui les a secourues. Je fais porter son étendard par mes soldats qui l'adorent, et qui par son moyen remportent des victoires très signalées. J'avoue que j'ai toujours sa grandeur présente à l'esprit, que je le regarde dans l'élévation de sa gloire avec les yeux de l'âme, que je l'invoque à genoux. Je déteste l'effusion du sang, la mauvaise odeur qui sort des entrailles des victimes, la lumière qui est entretenue par des matières tirées de la terre, et toutes les choses dont l'erreur, et la superstition se servent pour perdre les païens. Dieu ne saurait souffrir que les hommes abusent des biens, qu'il leur a accordés pour leur usage. Il ne demande qu'une âme pure, et une conscience irrépréhensible, dont il pèse les actions. Il se plaît à la modestie, et à la douceur. Il aime les personnes paisibles, au lieu qu'il déteste ceux qui excitent des troubles. II chérit la foi, et punit l'infidélité. Il réprime l'orgueil, abaisse ceux qui s'élèvent, et élève ceux qui s'abaissent. Il protège les princes qui gouvernent avec justice, affermit leur puissance, et leur donne la paix. Je ne me trompe point, mon frère, quand je reconnais que ce Dieu est le Seigneur, et le Père de tous les hommes. Plusieurs de ceux qui m'ont précédé, ont été si aveugles que de le nier. Mais leur fin a été si malheureuse, qu'elle a été proposée depuis comme un exemple funeste, qui devait détourner les autres de l'impiété. Celui que la justice divine a poursuivi d'ici, comme un foudre jusques dans votre pays, et qui a érigé le trophée de son infamie, a été l'un d'eux. Le châtiment public, que les autres ont souffert, fait une partie de la gloire de notre siècle. j'ai été témoin de la mort déplorable de ceux qui avaient publié des lois injustes contre les peuples qui font profession du culte de Dieu. C'est pourquoi je le remercie d'avoir par un ordre particulier de sa providence, rendu la paix à ceux qui observent sa loi. La bonté qu'il a de réunir tous les peuples dans l'exercice de la même religion me fait espérer que notre siècle sera comblé de prospérité, et de bonheur. Quelle joie croyez-vous que je sente, quand j'apprends que les plus belles provinces de la Perse sont remplies de chrétiens ? Je souhaite que leurs affaires, et les vôtres soient dans un état florissant, et que le Seigneur souverain de l'Univers vous soit favorable. Je mets les chrétiens sous la protection de votre clémence, je vous les laisse entre les mains, et vous supplie de leur faire sentir les effets de votre douceur, et de votre bonté; qui ne vous seront pas moins glorieux qu'ils nous seront utiles. » L'Empereur estimait si fort toutes les personnes qui faisaient profession de piété, qu'il étendait ses soins jusques aux pays étrangers, où il les allait chercher pour les délivrer de l'oppression. Sa piété fut récompensée par la protection dont Dieu le favorisa en rendant ses sujets fournis à son obéissance, et affectionnés à son service, bien qu'il en eût par toute l'Europe, et dans une grande partie de l'Afrique, et de l'Asie. Les Etrangers mêmes reconnaissaient sa puissance : les uns par un pur effet de leur liberté, et les autres après avoir été réduits par la force de ses armes. On le proclamait en tous lieux, vainqueur, et on lui érigeait partout des trophées. Ses louanges ont été publiées plus au long par d'autres écrivains. Pour nous continuons notre sujet. Ce prince qu'on ne saurait jamais assez louer, prenait des soins dignes du zèle d'un Apôtre, pendant que ceux qui avaient l'honneur d'être élevés à la dignité du sacerdoce, bien loin de travailler à l'édification de l'église, s'efforçaient d'en ébranler la fermeté. Ils déposèrent sur des accusations calomnieuses, ceux qui soutenaient avec plus de vigueur que les autres, la vérité de la doctrine que les disciples du Sauveur nous ont laissée. Leur jalousie ne fut pas satisfaite de la fable monstrueuse qu'ils avaient inventée contre Eustate, ils remuèrent toute sorte de machines pour attaquer Athanase, cet autre rempart de la piété. Je décrirai cette attaque en aussi peu de paroles que je pourrai. [1,26] CHAPITRE XXVI. Piège dressé à Athanase. ALEXANDRE cet excellent évêque qui avait condamné les blasphèmes d'Arius, étant mort cinq mois après la célébration du concile de Nicée, Athanase fut chargé de la conduite de l'église d'Alexandrie. Il avait été élevé dès la jeunesse dans l'étude de l'Ecriture Sainte, et s'était acquitté avec une approbation générale des fonctions de tous les ordres de l'Eglise. Il avait soutenu la doctrine des Apôtres dans le concile de Nicée avec un courage, et une suffisance qui avaient mérité les éloges des défenseurs de la vérité, et qui avaient attiré sur lui la haine des ennemis de cette même vérité. Il avait assisté à ce concile, à la suite d'Alexandre, étant encore alors fort jeune, et néanmoins le premier des diacres. Dès que ceux qui avaient déclaré la guerre au Fils de Dieu, le virent élevé sur le siège de cette église, ils regardèrent sa promotion comme la ruine de leur puissance, et inventèrent cette fausse accusation contre lui. Ils gagnèrent quelques-uns de la faction de Méléce, qui après avoir été déposé par le concile de Nicée, ne cessait d'exciter des troubles dans la Thébaïde, et dans l'Egypte, et leur persuadèrent d'aller dire à l'empereur qu'Athanase avait levé une imposition sur les habitants d'Egypte ; et qu'il avait donné l'argent qui en était provenu, à un homme qui méditait d'usurper l'autorité souveraine. La religion de l'empereur ayant été surprise par cette calomnie, Athanase fut mandé à Constantinople où il se justifia, et obtint permission de retourner à son diocèse, comme il paraît par la lettre que l'empereur écrivit sur ce sujet à l'église d'Alexandrie, et dont je ne rapporterai ici que la fin. [1,27] CHAPITRE XXVII. Lettre de l'empereur Constantin, aux habitants d'Alexandrie. « CROYEZ-moi, mes frères, les méchants n'ont pu rien faire contre votre évêque. Ils n'avaient point d'autre dessein que de nous faire perdre le temps, et de ne se réserver aucun lieu de faire pénitence. Subvenez-vous à vous-mêmes, chérissez ceux qui vous chérissent, poursuivez de toute votre force ceux qui tâchent de mettre la division parmi vous. Levez vers Dieu les yeux de votre esprit, et vous aimez vous-mêmes. J'ai reçu avec joie votre évêque, et lui ai parlé comme à un homme que j'étais persuadé être homme de Dieu. » [1,28] CHAPITRE XXVIII. Autre piège dressé à Saint Athanase. LES ennemis d'Athanase bien loin d'avoir honte de leur calomnie, inventèrent contre lui une autre fable dont les poètes, ni comiques, ni tragiques n'avaient point laissé d'exemple. Ils présentèrent à l'empereur d'autres accusateurs tirés de la même faction, et dont les principaux étaient Eusèbe, Théognis, et Théodore évêque de Périnte, qu'on appelle maintenant Héraclée. Ces accusateurs s'étant dressés contre Athanase, et ayant supposé qu'il avait commis plusieurs crimes si horribles, et qu'ils n'osaient rapporter, ils persuadèrent à l'empereur de convoquer un concile à Césarée ville de Palestine, où ils savaient qu'Athanase avait beaucoup d'ennemis, et d'ordonner que sa cause y fût jugée. Ce prince qui ne savait rien de leurs détestables desseins, et qui n'avait garde de se défier que des évêques fussent des calomniateurs, leur accorda ce qu'ils demandaient. Athanase connaissait trop bien les mauvaises intentions de ses ennemis pour se soumettre à leur jugement. Quand il eut refusé de paraître devant le concile, ceux qui avaient déclaré la guerre à la vérité, en tirèrent occasion de l'accuser de désobéissance et d'orgueil. L'Empereur avec toute sa clémence fut si fort aigri par leurs clameurs, qu'il écrivit à Athanase une lettre toute remplie des marques de la colère, et par laquelle il lui ordonnait de se rendre à Tyr, où le concile se devait tenir, parce que la ville de Césarée était suspecte à l'accusé. Il écrivit aussi aux évêques une lettre digne de sa piété. En voici les termes. [1,29] CHAPITRE XXIX. Lettre de l'empereur Constantin, au concile de Tyr. Constantin Auguste : au saint concile assemblé dans la ville de Tyr. « LA prospérité dont nôtre siècle jouit, semblait désirer que l'église catholique fut exempte de troubles, et que les serviteurs de Dieu fussent au dessus des affronts et des insultes. Mais puisque quelques-uns étant agités par un désir violent de contester, et menant une vie, s'il est permis de le dire, indigne de la sainteté de leur profession, s'efforcent de nous remplir de confusion, et de désordre, ce que je regarde comme le plus funeste malheur qui pût jamais arriver, je vous exhorte à vous assembler promptement comme je sais que vous le désirez, à soutenir ceux qui ont besoin de votre appui, à guérir par des remèdes convenables les maladies spirituelles de vos frères, à réunir les membres divisés du corps de l'église, à corriger les désordres pendant que le temps vous le permet, et à rendre à tant de provinces la paix que l'orgueil, et l'insolence d'un petit nombre de personnes leur ont ôtée. Tout le monde demeurera aisément d'accord que vous ne sauriez jamais rien faire qui soit si agréable à Dieu, si conforme à mes souhaits, et si glorieux pour vous-mêmes. Ne différez point. Redoublez, s'il est possible, votre ardeur, et terminez vos différends avec la sincérité, et la bonne foi que le Sauveur nous recommande si fort de garder dans toutes nos actions. Je ne manquerai à rien de ce que je pourrai faire à l'avantage de notre religion. J'ai déjà satisfait à tout ce que vous avez demandé par vos lettres. J'ai écrit aux évêques que vous avez souhaité, pour les avertir de s'assembler, et de partager avec vous le soin des affaires de l'église. J'ai aussi envoyé le comte Denys, pour avertir de leur devoir les évêques qui se doivent trouver avec vous, pour voir ce qui se passera, et pour prendre garde qu'il ne se passe rien contre l'ordre, ni contre la modestie. Que si quelqu'un est si hardi que de mépriser mes ordres, ce que je ne crois pas devoir arriver, et de refuser d'assister au concile, j'enverrai des officiers qui le conduiront en exil, et lui apprendront à ne plus désobéir aux ordres que l'empereur donne pour l'intérêt de la vérité. Il ne reste plus rien à faire à votre sainteté, que d'apporter des remèdes convenables, aux fautes qui ont été commises par ignorance, que de suivre les règles que les Apôtres vous ont laissées, sans juger ni par haine, ni par faveur, afin que vous effaciez la honte de l'église, que vous me délivriez de mes plus fâcheuses inquiétudes, que vous procuriez la paix aux fidèles, et que vous releviez vous-mêmes vôtre propre réputation. Je prie Dieu qu'il vous conserve, mes très chers frères. » Les Evêques s'étant assemblés à Tyr suivant cet ordre de l'empereur, quelques-uns qui étaient accusés d'erreurs s'y trouvèrent, et entre autres Asclépas évêque de Gaza, et Athanase. Je rapporterai la principale accusation qui fut intentée contre ce dernier, et puis je raconterai le reste de ce qui se passa dans le concile [1,30] CHAPITRE XXX. Concile de Tyr. LES Méléciens cachèrent Arsène évêque de leur faction, et le prièrent de demeurer longtemps au lieu, où ils l'avaient mis. Ayant ensuite coupé une main d'un corps mort, et l'ayant embaumée, ils la portèrent par les maisons, publiant que c'était la main d'Arsène qu'Athanase avait fait mourir. Mais l'œil de la Providence, auquel rien ne peut échapper, ne permit pas qu'Arsène demeurât longtemps caché où l'on l'avait mis. On apprit d'abord qu'il était en Egypte, puis qu'il était dans la Thébaïde, et qu'enfin la providence l'avait amené à Tyr, où cette main qui faisait tant de bruit, était produite. Les amis d'Athanase ayant découvert le lieu où il était le menèrent à une hôtellerie, où ils le retinrent durant quelques jours. Athanase s'étant présenté un matin devant le concile, on fit entrer une femme débauchée qui commença à crier, qu'elle avait consacré à Dieu sa virginité, mais qu'Athanase qu'elle avait logé chez elle, l'avait violée. Lés juges ayant commandé à Athanase de répondre à l'accusation, il se tut; mais un prêtre, nommé Timothée, qui était entré avec lui, adressant la parole à cette femme, lui dit : Vous ai-je jamais parlé, suis-je jamais entré dans votre maison ? Alors cette femme criant plus haut qu'auparavant, contestant avec la dernière impudence, et montrant Timothée au doigt, lui dit : C'est vous qui m'avez violée, c'est vous qui m'avez ôté ma virginité, et ajouta tout ce qu'une femme qui n'a point de pudeur peut avancer en pareille occasion. Ceux qui avaient inventé cette calomnie, et les juges qui en avaient connaissance ayant été ainsi couverts de confusion, on fit sortir cette femme: Athanase remontra qu'au lieu de la faire sortir on devait informer contre ceux qui l'avaient subornée. Mais les accusateurs s'écrièrent qu'il y avait d'autres crimes, dont il n'était pas possible à Athanase de se justifier, et qu'il ne fallait qu'avoir des yeux pour l'en reconnaître coupable. Ils produisirent à l'heure-même la boite où était la main embaumée. L'assemblée fit un grand cri, à la vue de cette main. Les uns croyaient que le crime était véritable. Les autres ne doutaient point qu'il ne fût faux, et qu'Arsène ne fût caché en quelque lieu. L'accusé ayant à peine obtenu de ses juges qu'ils gardassent le silence durant un moment, et qu'ils lui donnassent audience, leur demanda s'il y avait quelqu'un parmi eux qui connut Arsène. Plusieurs ayant répondu qu'ils le connaissaient fort bien. Athanase donna ordre, de le faire entrer, et quand il fut entré, il leur demanda, encore si c'était Arsène, qu'on l'accusait d'avoir tué, et auquel on prétendait qu'il avait coupé la main. Quand ils eurent reconnu que c'étai lui-même, Athanase leva les deux côtés de son manteau, montra les deux mains, et dit : Dieu n'en a pas donne plus de deux à chaque personne. Les accusateurs et les juges, qui étaient complices de leur perfidie, au lieu de le cacher, et de souhaiter que la terre s'ouvrît pour les abîmer, excitèrent un bruit et un tumulte extraordinaire, en criant qu'Athanase était un imposteur, qui par ses illusions avait enchanté les yeux de l'Assemblée, et en tâchant de le mettre en pièces, et de le faire mourir, bien qu'auparavant ils l'accusassent comme d'un grand crime, d'avoir fait mourir Arsène. Mais ceux que l'empereur avait envoyés au concile, pour y maintenir la discipline, les empêchèrent d'exécuter leur dessein, en retirant Athanase d'entre leurs mains, et en le mettant sur un vaisseau. Quand il fut devant l'empereur, il lui rapporta de quels artifices ses ennemis avaient usé pour le perdre. Les accusateurs choisirent Théognis évêque de Nicée, Théodore évêque d'Héraclée, Maris évêque de Calcédoine, Narcisse évêque de Cilicie, et quelques autres de la même faction, pour les envoyer informer dans la Maréote, qui est une contrée voisine d'Alexandrie, qui a été ainsi appelée du lac Marius, où ils firent de fausses informations qu'ils envoyèrent à l'Empereur. [1,31] CHAPITRE XXXI. Dédicace de l'Eglise de Jérusalem. Exil de saint Athanase. L'EMPEREUR ayant ordonné que les évêques se rendraient de Tyr à Jérusalem, pour dédier les églises qu'il y avait fait bâtir, et y ayant mandé quantité d'autres personnes, auxquelles il fournit tous les vivres nécessaires, ils ne manquent pas de s'y rendre. L'autel était paré des tapisseries de l'empereur les plus riches qu'on eût su voir. Lorsque la cérémonie fut achevée, chaque évêque retourna à son église. Constantin fut extrêmement satisfait de la magnificence, avec laquelle la dédicace avait été faite. Athanase s'étant plaint à lui, comme nous l'avons dit, de l'injustice de ses juges, il envoya quérir ceux dont il se plaignait. Quand ils furent arrivés à la Cour, ils ne proposèrent aucune de leurs anciennes accusations, parce qu'ils savaient que la fausseté en serait très clairement reconnue. Mais ils firent accroire à l'Empereur, qu'Athanase avait menacé d'empêcher le transport du blé hors d'Egypte. Ce prince ayant ajouté foi à leurs discours, le relégua à Trêves, en la trentième année de son règne. [1,32] CHAPITRE XXXII. Testament de Constantin. ETANT un an et quelques mois depuis à Nicomédie, il y fut attaqué d'une maladie, et ayant fait réflexion sur l'incertitude de la vie, il reçut le saint baptême qu'il avait différé jusqu'alors de recevoir, à dessein de le recevoir dans le Jourdain. Il laissa trois héritiers de l'Empire : Constantin, Constance, et Constant. Il commanda qu'Athanase retournât à Alexandrie, et le commanda en présence d'Eusèbe, qui fit tout ce qu'il pût pour l'en détourner. [1,33] CHAPITRE XXXIII. Défense de Constantin. Il ne faut pas trop s'étonner qu'il ait exilé de si grands hommes, car quand il les a exilés, il a été trompé par des évêques, qui avaient l'adresse de cacher leur malice sous d'éclatantes qualités. Ceux qui ont lu l'Ecriture sainte, savent que, bien que David fut prophète, il ne laissa pas d'être trompé, non par des prêtres, mais par Siba, qui n'était qu'un misérable esclave, et qui obtint par ses mensonges, le champ de Mephiboseth. Ce n'est pas pour accuser ce prophète, que je parle de la sorte. Ce n'est que pour excuser l'empereur, et pour faire voir les surprises, auxquelles la faiblesse de l'homme est sujette, et le peu de créance qu'on doit ajouter aux paroles des accusateurs, quand ils n'ont point de preuves, et nécessité qu'il y a de réserver une oreille à l'accusé. [1,34] CHAPITRE XXXIV. Mort de Constantin. L'EMPEREUR passa du Royaume de la terre à un autre plus excellent. Son corps fut porté à Constantinople par les gouverneurs des provinces, par les généraux des armées, et par les principaux officiers de l'empire, précédés et suivis par l'armée, qui pleurait la mort de ce prince, en la personne duquel elle avait trouvé un très bon père. Il n'est pas nécessaire que je parle des honneurs, qui furent rendus à son corps, pendant qu'on le gardait dans le palais, et qu'on attendait l'arrivée de ses trois fils, parce que d'autres, que chacun peut lire, en ont parlé assez amplement. Le lecture de leurs ouvrages fera voir très clairement la grandeur des récompenses, dont Dieu reconnaît la fidélité de ceux qui le servent. Que si quelqu'un fait difficulté de les croire, qu'il voie ce qui se passe proche de sa statue et se son tombeau, et qu'il croie au moins cette parole du Seigneur : Je glorifierai quiconque m'aura rendu gloire, et ceux qui me méprisent, tomberont dans le mépris.