[3,0] LIVRE TROISIÈME. [3,1] LETTRE I. SIDONIUS A SON CHER AVITUS, SALUT. NOUS avons été unis dès l'enfance par des nœuds d'amitié qui n'ont fait que se resserrer avec l'âge. D'abord, nos mères étaient étroitement unies par les liens du sang; ensuite, nous sommes nés dans le même temps, nous avons eu les mêmes maîtres, nous avons été façonnés aux mêmes sciences, récréés par les mêmes jeux, élevés aux honneurs par les mêmes princes, nous avons porté les armes ensemble; et, ce qui est bien plus fort, bien plus efficace pour cimenter l'amitié, nous nous sommes parfaitement rencontrés dans le choix de certaines personnes, dans l'aversion de quelques autres. Aussi, à part tes lumières qui l'emportent de beaucoup sur les miennes, cette conformité dans nos actions avait étroitement uni nos volontés. Mais il faut avouer que tu as mis le comble à l'édifice de notre affection, en enrichissant l'église de la ville municipale d'Auvergne, dont je suis le chef, malgré mon peu de mérite, et en lui offrant la terre de Cuticiac qui touche aux faubourgs ; ce présent si opportun et si beau, dont tu honores la fraternité de notre profession, ne se recommande pas moins par la proximité du lieu que-par les revenus. Et, quoique vous soyez deux à partager l'héritage de votre sœur, néanmoins celle qui te reste, touchée de l'exemple de ta foi, a imité ta bonne œuvre. Aussi reçois-tu du Ciel, avec justice, la récompense de ton action, et de celle qu'elle a occasionnée. De là vient que Dieu t'a trouvé digne d'être honoré d'une belle et extraordinaire succession; il n'a pas différé de récompenser ton zèle religieux, en te rendant au centuple; j'ai aussi la confiance qu'il ne laissera pas, même après ces faveurs terrestres, de t'octroyer libéralement les célestes faveurs. Car, si tu l'ignores, la succession Nicétienne a été le prix dont le Ciel a payé ton présent de Cuticiac. Maintenant, il me reste à te prier d'avoir encore pour la ville la même sollicitude que tu montres pour notre église; si tu la protégeais autrefois, ton patrimoine lui donne aujourd'hui principalement des droits nouveaux à ta protection. Que cette terre ait un grand prix, surtout si vous la visitez souvent; apprenez-le des Goths qui, dégoûtés plus d'une fois de leur Septimanie, débordent au dehors, pour posséder, même après l'avoir dévasté, ce petit coin de terre qui excite leur envie. Mais il nous est permis, Dieu étant notre guide, et vous notre médiateur entre les Goths et la république, de concevoir des espérances meilleures. Car, lors même que rompant ses anciennes limites, cette nation turbulente viendrait, de toute sa valeur et de toute sa masse, à reculer jusques au Rhône et à la Loire les frontières de son domaine, l'autorité que vous donne l'ascendant de votre prudence gouvernerait néanmoins les deux partis, de manière que le nôtre saurait ce qu'il devrait refuser aux demandes qui lui seraient adressées, et que l'autre cesserait de demander ce qui lui aurait été refusé. Adieu. [3,2] LETTRE II. SIDONIUS A SON CHER CONSTANTIUS, SALUT. LE peuple Arverne te salue, lui dont tu as rempli les humbles chaumières de ta noble présence, sans une escorte ambitieuse, mais entouré de l'affection publique. Bon Dieu! quelle fut la joie de nos malheureux citoyens, lorsque tu portas ton pied sacré dans leurs murs à demi-détruits ! Comme on voyait se presser en foule autour de toi tous les rangs, tous les sexes, tous les âges ! Comme tu mettais tes paroles à la portée de tout le monde ! Comme tu parus caressant aux enfants, civil aux jeunes gens, et grave à nos vieillards! Combien de larmes tu répandis, comme leur père commun, sur des édifices renversés par l'incendie, et des domiciles à demi-consumés par les flammes ! Quelle douleur n'éprouvas-tu pas à la vue de ces champs ensevelis sous des ossements sans sépulture ! Avec quelle chaleur, avec quel courage ne les engageas-tu pas à réparer ces ruines! Bien plus, tu avais trouvé notre ville aussi dépeuplée par les dissensions intérieures que par l'incursion des Barbares; en conseillant la paix à tous nos citoyens, tu leur as rendu la concorde, tu les as rendus à leur patrie. Tes avis les ont également ramenés au sein de leur ville, et à des opinions uniformes; et si les murs te doivent le retour des citoyens, les citoyens te doivent la concorde qui règne parmi eux. Ils pensent tous que tu leur appartiens, ils croient tous t'appartenir aussi: et ce qui fait le comble de ta gloire, c'est qu'ils ne se trompent pas; car il n'est aucun d'eux qui ne se rappelle chaque jour que, malgré ton grand âge, malgré tes infirmités, malgré la splendeur de ta noblesse et l'éclat de tes vertus, guidé par ton amour seul, tu as rompu toutes les entraves, toutes les barrières, surmonté tous les obstacles qui s'opposaient à ton voyage, c'est-à-dire, la longueur du chemin, la brièveté des jours, l'abondance des neiges, la disette des fourrages, la solitude des lieux, le désagrément des hôtelleries, la difficulté des routes devenues impraticables par les eaux ou par les gelées, des monceaux de pierres élevés çà et là, des fleuves glacés et dangereux, des collines âpres et rudes, des vallées que sillonnent de nombreux éboulements ; tous ces obstacles, surmontés par toi sans aucun intérêt particulier, t'ont mérité l'amour public. Il nous reste à prier Dieu qu'il recule selon nos désirs les bornes de ta vie; puisses-tu toujours ainsi ambitionner, recevoir et posséder l'amitié des gens de bien; puisse te suivre l'affection que tu laisses ici ; puisse l'estime dont tu jouis partout, grandir sans cesse et durer toujours ! Adieu. [3,3] LETTRE III. SIDONIUS A SON CHER ECDICIUS, SALUT. SI jamais tu fus désiré par mes Arvernes, c'est aujourd'hui surtout; ils ont pour toi un amour extrême, et certes, ce n'est pas sans de grandes raisons. D'abord, la terre qui nous a vus naître doit toujours tenir la première place dans nos affections; puis, tu es presque le seul homme de ton siècle dont la naissance ait été aussi désirée par la patrie, qu'elle lui a causé de joie; la preuve de cela, c'est que tous les instants de la grossesse de ta mère étaient comptés par les vœux unanimes des citoyens. J'omets des choses communes, à la vérité, mais qui cependant augmentent l'affection du peuple : je ne dis pas que tu as commencé de marcher dans ces champs; je ne dis pas qu'ici d'abord tu as foulé le gazon, passé les fleuves à la nage, poursuivi les animaux dans les forêts; qu'ici la balle, les dés, l'épervier, le chien, le cheval et l'arc furent ton premier amusement; je ne dis pas que c'est à cause de ton enfance que l'on vit accourir ici de toutes parts ceux qui voulaient se livrer à l'étude des lettres; que l'on te fut redevable alors de ce que les nobles, pour déposer la rudesse du langage celtique, s'exerçaient tantôt dans le style oratoire, tantôt dans les modes poétiques. Une chose t'a gagné surtout l'affection générale, c'est que tu as empêché de devenir Barbares, ceux qu'autrefois tu forças à être Latins. Les cœurs de tes concitoyens ne pourront jamais oublier combien naguères tu parus grand aux personnes de tout âge, de toute condition, de tout sexe, lorsqu'on te vit, du haut des murs à demi-abattus, franchir les plaines jetées entre toi et les troupes ennemies, puis, accompagné seulement de dix-huit cavaliers, passer en plein jour, en pleine campagne, à travers des milliers de Goths, action que la postérité croira difficilement. Au bruit de ta renommée, à ton aspect, la stupeur s'empara d'une armée très-belliqueuse; les chefs, saisis d'étonnement, ne savaient combien était grand le nombre de leurs soldats, et combien était petit celui des tiens. Les bataillons ennemis se replièrent aussitôt sur le sommet d'une colline escarpée; ils étaient occupés à faire le siège; tu parus, ils n'osèrent se ranger en bataille. Cependant, après avoir abattu quelques-uns des principaux, que leur audace et non leur lâcheté avait fait rester derrière les autres, tu demeuras seul maître d'une plaine immense, sans avoir, en un si grand combat, perdu aucun des tiens, quoiqu'ils fussent beaucoup moins nombreux que les convives qui s'asseyent d'ordinaire à ta table. Maintenant, les salutations, les applaudissements, les larmes, les fêtes qui t'accueillirent lorsqu'avec la paix tu rentras dans la ville, il serait plus facile à mes yœux de les imaginer, qu'à mes paroles de les redire. On voyait la foule inondant l'atrium de ta vaste maison, pour contempler ton retour et ton heureux triomphe : les uns font disparaître sous les baisers la poussière qui te couvre; les autres saisissent le mors de tes coursiers, remplis de sang et d'écume; ceux-ci renversent tes selles, toutes trempées de sueur; ceux-là détachent les liens de ton casque ; quelques-uns s'empressent de dénouer tes bottes ; d'autres comptent les brèches de tes glaives, émoussés des coups qu'ils ont portés, ou mesurent avec leurs doigts pâles et tremblants les coups d'estoc et de taille dont tes cuirasses gardent l'empreinte. Quoique plusieurs citoyens, bondissant d'allégresse, serrassent entre leurs bras les compagnons de ta gloire, vers toi néanmoins se portait toute l'ardeur de la joie populaire; tu arrivais au milieu d'une foule sans armes, mais dont tu n'eusses pu te dégager, même en étant armé. Tu supportais de bonne grâce les inepties de ceux qui venaient te féliciter; et tandis que la foule tumultueuse se disputait l'honneur de tes embrassements, tu en étais venu jusqu'à te voir contraint, pieux interprète de l'amour public, à rendre de plus abondantes actions de grâce aux personnes qui te faisaient la plus libre injure. Je ne dis pas non plus que tu rassemblas à tes frais une espèce d'armée, peu secondé d'ailleurs des richesses de tes ancêtres, que tu arrêtas les courses des Barbares, et que tu les châtias de leurs dévastations. Je ne dis pas que plus d'une fois tu tombas à l'improviste sur l'ennemi, et que tu parvins à mettre en pièces plusieurs de ses escadrons, sans perdre plus de deux ou trois de tes soldats. Tu causas tant de désastres dans l'armée des Goths par tes attaques inopinées, qu'ils méditèrent le dessein de cacher honteusement le grand nombre de leurs morts. Ceux qu'une trop courte nuit avait empêché d'inhumer, ils les abandonnèrent après leur avoir coupé la tête, comme si des troncs informes eussent été un moindre indice de leur défaite sanglante, que la couleur des cheveux. Au retour de la lumière, les Goths comprenant que cette ignominieuse barbarie avait encore plus dévoilé toutes leurs pertes, se hâtèrent de rendre les derniers devoirs à leurs morts; mais leur diligence ne cachait pas mieux leur fraude, que leur fraude n'avait caché leur défaite ; ils ne couvraient pas même d'un peu de terre les corps de leurs compagnons, et ne leur donnaient ni vêtements après les avoir lavés, ni sépulture après les avoir ensevelis, dignes funérailles d'un pareil trépas. Les morts, entassés sur des chariots dégoûtants de sang, étaient étendus de côté et d'autre; comme tu poursuivais l'ennemi sans relâche, les cadavres jetés a la hâte dans les chaumières en flamme, trouvaient un bûcher funéraire sous les ruines des toits croulants. Mais pourquoi m'arrêter plus longtemps au récit de tes exploits ? Mon dessein n'est pas de faire l'histoire entière de tes travaux, j'ai seulement osé en rappeler quelques-uns, afin que tu ajoutes foi aux yœux de tes concitoyens ; leur pénible attente n'aura pas de plus prompt aide, de plus salutaire soulagement que ta présence. Si donc tu n'es pas insensible à leurs prières, hâte-toi de revenir dans ta patrie, et cesse de cultiver la dangereuse amitié des rois. Les plus sages la comparent avec raison à la flamme, qui de loin nous éclaire, et de trop près nous brûle. Adieu. [3,4] LETTRE IV. SIDONIUS A SON CHER FÉLIX, SALUT. GOZOLAS, juif de nation, client de ta grandeur, pour qui je me sentirais de l'affection, si je ne méprisais sa secte, te porte une lettre que je t'ai écrite, le cœur grandement affligé. Les armes des nations qui nous entourent épouvantent notre ville, devenue, pour ainsi dire, une barrière entre leurs limites. Placés comme une triste proie au milieu de deux peuples rivaux, suspects aux Burgondes, voisins des Goths, nous sommes exposés à la fureur de nos ennemis, et à l'envie de ceux qui nous défendent. Mais nous parlerons une autre fois de ceci. Cependant, si tout marche parfaitement chez vous, c'est bien. Car, quoique nous soyons punis ouvertement pour des crimes cachés, nous n'avons point un cœur si mal fait, que nous ne désirions de voir le bonheur régner dans les autres contrées. Assurément, celui-là n'est pas moins l'esclave des vices que des ennemis, qui même en des temps mauvais ne sait point former des vœux favorables. Adieu. [3,5] LETTRE V. SIDONIUS A SON CHER HYPATIUS, SALUT. SI un personnage considérable, et rempli d'estime et d'admiration pour vos mœurs, comme Donidius, n'avait eu d'autre mobile que son intérêt particulier, il se serait adressé lui-même à vous pour obtenir ce qu'il demande, et n'aurait point eu besoin de médiateur ; mais, connaissant l'affection que je lui porte, il m'a prié de vous demander ce qu'il eût d'ailleurs obtenu par lui-même. Ainsi donc, ce qui ajoute encore à votre gloire, c'est que nous sommes deux débiteurs, quoique vous n'ayez répandu vos grâces que sur un seul. La moitié de la terre d'Ebreuille, entièrement ruinée, même avant l'incursion des Barbares, et qui appartient maintenant à une famille patricienne, Donidius désire que, par votre suffrage, il puisse l'ajouter à ses biens. Ce qui l'excite à faire ce marché, ce n'est point la cupidité, mais le respect qu'il doit à la mémoire de ses aïeux; cette terre, dans toute son étendue, a toujours fait partie du domaine de sa famille, jusqu'à la mort de son beau-père, arrivée récemment. Mon ami, peu envieux du bien des autres, économe du sien, ne souffre pas tant de la perte de cette ancienne possession, que de la honte de la voir passer en des mains étrangères. Et s'il s'efforce de racheter cette terre, ce n'est pas l'avarice, mais l’honneur qui l'y contraint. Daigne donc avoir égard à ses vœux, à mes prières, à notre amitié, faire en sorte qu'il rentre en possession de tonte cette campagne; c'est un bien de famille, qu'il ne connaît pas seulement, mais dans lequel il fut nourri dès sa plus tendre enfance, et s'il n'a pas un grand avantage à la recouvrer, il regarderait comme une honte de ne l'avoir pas rachetée. Quant à moi, je t'aurai autant d'obligation, que si je voyais tourner à ma propre utilité tout ce qu'obtiendra de toi un homme qui est mon père par l'âge, mon fils par la profession, mon concitoyen par la patrie, mon ami par la fidélité Adieu. [3,6] LETTRE VI. SIDONIUS A SON CHER EUTROPIUS, SALUT SI vous vous rappelez que nous avons servi ensemble, et que depuis lors notre amitié s'est toujours accrue, vous comprendrez facilement que, vous voyant parvenu au comble des dignités, je suis aussi au comble de mes désirs. Nous vous félicitons tous sur vos faisceaux, persuadés qu'ils ne servent pas moins à fortifier notre amitié, qu'à élever votre maison. J'en ai pour garant cette lettre, dans laquelle mes exhortations ne furent pas sans influence sur votre esprit; cette lettre ne put qu'avec peine vous engager à réunir la préfecture à la philosophie. Disciple zélé de Plotin, l'école de Platon vous avait entraîné dans une oisiveté profonde et un repos intempestif; j'ai toujours soutenu que cette manière de vivre ne serait excusable que lorsqu'on ne devrait plus rien à sa famille. Ce mépris des emplois semblait trop voisin de la paresse; les envieux ne manquent pas de dire que c'est moins le peu d'ambition que le défaut de mérite, qui empêche les hommes d'une naissance distinguée de s'élever aux honneurs. Nous commençons donc, ainsi qu'il est juste, par rendre d'abondantes actions de grâces au Christ, qui, après avoir fait descendre ta grandeur d'aïeux illustres, t'élève maintenant à des titres dignes de toi ; et nous concevons pour l'avenir de meilleures espérances. Le peuple de notre province dit ordinairement que c'est moins une abondante récolte, que les grands personnages placés à la tête du gouvernement, qui rendent une année heureuse. C'est donc à vous, illustre seigneur, de récompenser notre attente par une sage administration. En se rappelant ton origine, toute la noblesse s'est persuadée que nous n'aurons point à craindre la famille de Sabinianus, tant que celle de Sabinus nous gouvernera. Adieu. [3,7] LETTRE VII. SIDONIUS A SON CHER FÉLIX, SALUT. VOUS restez longtemps sans m'écrire; en cela, nous suivons chacun notre coutume : je babille, et vous, vous taisez. Ton exactitude à remplir tous les autres devoirs de l'amitié, me fait donc regarder en toi, comme une sorte de vertu, que tu ne puisses te lasser d'un pareil repos. Eh quoi ! en considération de notre ancienne amitié, ne te détermineras-tu jamais à rompre ce silence obstiné? ou ne sais-tu pas que c'est une injure de ne point répondre à un babillard? Tu te tais, relégué au fond de ta bibliothèque ou de ton cabinet, et tu attends de moi quelque faible discours ; toutefois, si tu y fais attention, j'ai plus de facilité que de talent pour écrire. Que ma crainte soit du moins pour toi un sujet de réponse; n'oublie pas de charger de ta lettre les mains de quelque voyageur, afin de tirer tes amis d'inquiétude; dis-nous promptement si, avec le secours de Dieu, le questeur Licinianus nous a trouvé quelque moyen de calmer nos mutuelles alarmes. C'est, dit-on, un personnage illustre par les grades auxquels il aspire, et très puissant par les charges qu'il possède; un homme élevé par ses relations, et plus élevé encore par l'inspection qui lui a été confiée, remarquable enfin par tous les dons de la nature et de la fortune. Un grand discernement, une égale politesse, la même prudence, la même loyauté font le caractère distinctif de l'envoyé et de celui qui envoie. Rien d'affecté, rien de feint dans Licinianus; la sévérité de ses discours est plutôt naturelle qu'imitée; il n'est pas comme beaucoup d'autres qui, exposant avec défiance ce qu'on leur a confié, veulent paraître agir avec plus de précaution. Il n'est point non plus du nombre de ces ministres qui, vendant les secrets de leur prince, cherchent plutôt, dans les traités avec les Barbares, leur avantage propre que celui de leur ambassade. Telle est l'opinion favorable que l'on nous a donnée du caractère de Licinianus. Hâtez-vous de nous dire si toutes ces choses sont vraies, afin qu'ils se reposent un instant de leurs veilles assidues, ceux que ni la neige, ni la profonde obscurité de la nuit ne peuvent engager à quitter la garde de leurs murailles. Quoique le Barbare se retire dans ses quartiers d'hiver, nos citoyens font taire plutôt qu'ils ne chassent la crainte dont leurs cœurs sont frappés. Donnez-nous donc quelque espoir flatteur, car notre cause ne vous est pas aussi étrangère que notre patrie est éloignée de vous. Adieu. [3,8] LETTRE VIII. SIDONIUS A SON CHER EUCHERIUS, SALUT. JE vénère les anciens, sans toutefois reléguer au second rang les vertus ou le mérite de mes contemporains. Et si la république romaine est descendue à une si fâcheuse extrémité qu'elle ne récompense jamais ceux qui la servent, ce n'est pas à dire pour cela que notre siècle n'engendre plus ni des Brutus, ni des Torquatus. A quoi tend cela, diras-tu? Je parle de toi à toi-même, brave Eucherius, car la république te doit ce que l'histoire te félicite d'avoir payé à tes devanciers. Ainsi, que les ignorants suspendent leurs sentences téméraires, et qu'ils cessent ou d'admirer ceux qui ne sont plus, ou de dédaigner ceux qui existent encore; il est manifeste que la république retarde ses bienfaits, et que vous les méritez. Au reste, il ne faut pas être grandement surpris, tandis qu'une tourbe d'usuriers administrent avec tyrannie, ou plutôt renversent de fond en comble les forces romaines, si pour tout ce qu'il y a d'hommes éminents, de guerriers supérieurs et élevés au-dessus de notre espérance, comme au-dessus de l'opinion des ennemis, les belles actions sont moins rares que les récompenses. Adieu. [3,9] LETTRE IX. SIDONIUS A SON CHER RIOTHAMUS, SALUT. VOICI encore une lettre dans le style ordinaire, car je mêle les compliments aux plaintes. Ce n'est pas, certes, que je m'étudie à prendre un ton officieux dans le titre, rude et âpre dans les pages qui le suivent; mais chaque jour il arrive des choses dont un homme de ma naissance ou de mon rang ne saurait parler sans déplaire, qu'il ne peut cacher sans se rendre coupable. Du reste, j'ai égard à vos sentiments d'honneur, qui furent toujours tels, que vous rougissez même des fautes d'autrui. Le porteur de ma lettre, humble, obscur et d'un caractère à se laisser fouler impunément, se plaint que ses esclaves ont disparu, débauchés en secret par les Bretons. J'ignore si sa plainte est fondée; mais, pourvu que vous confrontiez avec impartialité les parties adverses, je pense que ce malheureux établira facilement ce qu'il allègue : toutefois j'appréhende qu'au milieu de gens subtils, armés, turbulents, remplis d'une confiance hautaine à cause de leur force, de leur nombre et de leurs compagnons, un homme isolé, faible, sans crédit, sans usage du monde, étranger et pauvre, ne puisse être entendu avec justice et bonté. Adieu. [3,10] LETTRE X. SIDONIOS A SON CHER TETRADIUS, SALUT. NOS jeunes gens méritent de grands éloges, toutes les fois que, ne connaissant pas bien la nature de leurs affaires, ils ont recours aux conseils des hommes habiles. Tel est cet illustre Théodorus, distingué par sa naissance, mais plus remarquable encore par la renommée de sa rare modestie, et qui, appuyé sur ma lettre, s'en va, dans une louable avidité, vers ta personne, c'est-à-dire vers la source véritable du savoir, pour y trouver non seulement de quoi apprendre, mais peut-être encore de quoi enseigner. Contre les puissants et les factieux, si votre habileté ne le défendait pas assez, les conseils de votre prudence suffiraient pour l'éclairer. Répondez, nous vous en conjurons, à moins toutefois que nos communes prières ne vous semblent pénibles et fastidieuses, répondez au jugement que Théodorus porte de vous, au témoignage que je lui en ai rendu; soutenez par une réponse favorable et salutaire, la fortune et la cause chancelante de notre suppliant. Adieu. [3,11] LETTRE XI. SIDONIUS A SON CHER SIMPLICIUS, SALUT. QUOIQU'UNE sorte de fatalité vienne traverser mes désirs, et que je ne puisse, même aujourd'hui, jouir de ta présence, je n'ignore pas néanmoins, ô le meilleur des hommes, toutes les grandes choses que l'on raconte de ta vie. Tous nos concitoyens, tous nos premiers personnages te louent d'une voix unanime comme le père de famille le plus excellent et le plus distingué. Ce qui confirme de pareils témoignages, c'est le choix que tu as fait d'un tel gendre, l'éducation que tu as donnée à ta fille; dans cette union, tes désirs t’ont été en un doute si heureux, que tu ignores laquelle de ces deux choses te procure le plus de gloire, la prudence de ton choix ou l’instruction de ta fille. Mais toutefois, parents vénérables, soyez sans crainte, car vous surpassez les autres, en ce que vos enfants vous devancent. Ainsi excuse ma première lettre; s’il y avait de la paresse à ne pas l’envoyer d’abord, je crains bien qu’il n’y ait eu un babil indiscret à te l’avoir envoyée. Ce babil cependant ne sera pas condamnable, si tu daignes, par l’échange d’une lettre, absoudre la hardiesse de cette page. Adieu. [3,12] LETTRE XII. SIDONIUS A SON CHER SECUNDUS SALUT. HIER, ô douleur! une main profane a presque violé le tombeau de mon aïeul, ton bisaïeul; mais Dieu est intervenu pour empêcher qu’un si grand forfait ne fût consommé. Le champ lui-même où il repose, rempli depuis longtemps de cendres funéraires et de cadavres, ne recevait plus de fosses, voilà déjà bien des années; mais toutefois, la terre que l’on jette sur les morts avait repris son ancien niveau, soit qu’elle se fût affaissée sous le poids des neiges, soit que des pluies fréquentes l’eussent entraînée. C’est pour cela que les fossoyeurs, croyant la place vacante, ont eu la hardiesse de la souiller avec la bêche funéraire. Que dire encore? le gazon, vert auparavant, commençait à devenir noir : il y avait déjà sur le sépulcre antique des mottes de terres fraîchement remuées, lorsqu'en me rendant par hasard à la ville d'Auvergne, j'aperçus, du haut d'une colline prochaine, le crime qui allait se consommer au grand jour; je me précipitai au galop, à travers la plaine et les chemins difficiles, impatient que j'étais du moindre retard, et je prévins par mes cris, avant même d'être arrivé, un audacieux attentat. Pendant que les fossoyeurs, surpris en flagrant délit, ne savaient s'ils devaient fuir ou rester, je les abordai. J'avoue ma faute, je ne pus différer le supplice qu'ils méritaient, et je châtiai ces brigands sur le tombeau même de notre vieillard, autant que l'exigeaient le soin des vivants et le repos des morts. Je ne laissai rien à faire à notre pasteur, et je pourvus en même temps à ma cause et à ce que demandait sa dignité; je craignais que mon droit ne fût trop faiblement vengé, et que l'évêque ne punît mon empressement avec trop de rigueur. Je lui écrivis aussitôt, comme je devais le faire, pour lui exposer la manière dont la chose s'était passée : ce personnage saint et équitable, à qui je ne demandais que mon pardon, me loua de ma colère, en prononçant que, suivant la coutume des anciens, les hommes coupables d'un tel crime paraissaient dignes de mort. Mais, afin de rendre désormais impossibles de pareils accidents, que cet exemple doit nous porter à prévenir, je demande que sur-le-champ même, en mon absence, la terre dispersée se relève par tes soins et à mes frais, pour former un tertre qui sera couvert d'un marbre poli. J'ai laissé au vénérable Gaudentius le prix de la pierre et le salaire des ouvriers. Les vers qui suivent, je les ai écrits la nuit dernière; ils sont loin d'être parfaits, je crois, car j'étais tout occupé de mon voyage ; quels qu'ils soient d'ailleurs, je te prie de les faire promptement graver sur le marbre. Veille bien à ce que le sculpteur n'aille pas faire de faute ; si cela arrivait ou à dessein, ou par inattention, le lecteur malin me l'attribuerait plutôt qu'à lui. Si tu remplis avec un pieux empressement ce que je te demande, j'en aurai autant de reconnaissance que si tu n'avais pas en cela ta part d'honneur et de mérite, toi qui aurais dû, en qualité de descendant, te charger de tous ces soins et de tous ces devoirs, dans le cas où je me fusse trouvé absent, moi, ton oncle paternel. « Digne petit-fils de mon aïeul, je lui ai consacré, après la mort de mes oncles paternels et de mon père, cette tardive épitaphe, dans la crainte qu'à l'avenir, toi, voyageur, ignorant quel respect mérite celui qui repose ici, tu ne foules aux pieds la terre affaissée de son tombeau. Ci-gît le préfet Apollinaris; après avoir gouverné les Gaules, il fut reçu dans le sein de sa patrie désolée. Il aima la campagne, s'illustra dans les armes comme dans le barreau, et, par un exemple dangereux pour les autres, il sut être libre sous le règne des tyrans. Mais sa dignité principale fut d'avoir été le premier d'entre les siens qui, purifiant son front par la croix, ses membres par les eaux du baptême, abandonna un culte sacrilège. La plus grande gloire, la vertu la plus sublime, c'est de surpasser en espérances ceux qu'on égale en honneurs, et d'être placés là-haut par ses mérites au-dessus de ses pères, quand on est ici-bas leurs égaux en titres. » Je sais que cette épitaphe ne répond pas au savoir de notre ancêtre, mais un bon juge ne s'amuse point à relever des bagatelles. Tu ne trouveras pas sans doute trop tardif le devoir dont nous nous acquittons, comme héritiers au troisième ou au quatrième degré : Alexandre-le-Grand célébra, après plusieurs siècles, les funérailles d'Achille, et Jules César rendit les honneurs funèbres à Hector, comme à l'un de ses ancêtres. Adieu. [3,13] LETTRE XIII. SIDONIUS A SON CHER APOLLINARIS, SALUT. CE qui devient l'unique objet de mon estime, de ma joie, de mon admiration, c'est de voir que, par amour de la chasteté, tu fuis la compagnie des impudiques, surtout de ceux qui ne se font ni un scrupule, ni un crime de désirer des choses honteuses et d'en parler, et qui, pour salir les oreilles d'autrui par des propos obscènes, s'imaginent être grandement facétieux; tu sauras que le premier de ces hommes vils est un parasite de notre patrie. Impitoyable conteur de fables, il invente des crimes, il grossit des rumeurs sinistres; bavard, sans être plaisant; jaloux de faire rire, sans être gai; arrogant, sans avoir de la constance; curieux, sans perspicacité, et plus grossier encore par une grâce affectée mal à propos, il admire le présent, critique le passé, dédaigne l'avenir. Importun, s'il doit solliciter un bienfait; censeur amer, si on lui refuse; jaloux, si on lui accorde ; rusé, quand il faut rendre; se plaignant, lorsqu'on lui redemande ce qu'il a reçu; vantard, lorsqu'il a rendu ce qu'il devait; puis, si l'on réclame un service de lui, feignant d'être prêt à obliger; plein de dissimulation, quand il faut tenir sa promesse; vendant ce qu'il prête; publiant ce qui a été fait en secret; calomniateur, dès qu'on tarde à s'acquitter; niant une chose reçue. Il déteste les jeûnes, recherche les festins, et porte un jugement favorable, non pas de celui qui vit bien, mais de celui qui traite bien. Cet homme est très avare, et le pain qu'il trouve bon, c'est le pain d'autrui; il ne mange dans sa maison que les plats qu'il a pu enlever au milieu d'une grêle de soufflets. Mais je ne dois pas entièrement passer sous silence son admirable frugalité : il jeûne toutes les fois qu'on ne le prie pas à dîner; mais, dans sa légèreté parasitique, il s'excuse quand on l'invite; espionne, quand on l'évite; murmure, quand on l'exclut; bondit de joie, quand on l'admet; attend, quand on le frappe. Une fois à table, il se laisse aussitôt aller à la rapine, s'il mange tard; aux larmes, s'il est rassasié tout de suite; aux plaintes, s'il a soif; aux vomissements, s'il s'enivre; aux outrages, s'il plaisante; aux injures, s'il est plaisanté ; semblable absolument à un cloaque impur, qui répand d'autant plus d'infection qu'on le remue davantage. Avec cette vie, il plaît à peu de gens, n'est aimé de personne, sert de risée à tout le monde ; plein de forfanterie, endurci aux coups, avide buveur, critique plus avide encore, de sa bouche furibonde il exhale à la fois et la bourbe, et les fumées du vin, et le poison de ses paroles, faisant douter si c'est l'infection, l'ivrognerie ou la scélératesse qui domine chez lui. Mais, dis-tu, son visage colore la laideur de son âme, et les qualités de son corps demandent grâce pour l'ineptie de son intelligence? — En effet, c'est un homme élégant, très beau, et dont toute la personne attire l'admiration des spectateurs. Il est plus sale et plus hideux que ne l'est un cadavre à demi-consumé, descendant avec le bûcher qui s'affaisse, et que le Pollinctor, dans son dégoût, ne veut plus rendre aux flammes. Déplus, il a des yeux privés de lumière, et qui, semblables au marais du Styx, roulent des larmes dans les ténèbres. Il porte d'énormes oreilles d'éléphant, qui sont environnées d'une peau couverte d'ulcères, chargées de rudes tumeurs et de verrues purulentes dans les replis intérieurs. Il a un nez dont les ouvertures sont très larges, et l'épine fort étroite; de là, un aspect horrible et un odorat bien gêné. Il avance une bouche aux lèvres de plomb, au rictus de bête, aux gencives purulentes, aux dents de buis, et qui jette souvent du sein des molaires à demi-pourries une odeur méphitique, assaisonnée encore d'un rot succulent que provoquent les mets de la veille, et la sentine des soupers mal digérés. Il avance un front qui se replie par un mouvement hideux, et qui allonge les sourcils. Il nourrit une barbe qui, blanchissant déjà de vieillesse, se noircit néanmoins par la maladie de Sylla. Enfin, toute la figure de ce misérable est aussi pâle que si des ombres et des larves venaient à chaque instant y produire la terreur. Je ne dis rien du reste de son corps, enchaîné par la goutte, tout flasque de graisse. Je ne dis rien de son cerveau sillonné de coups, qui n'est guère moins couvert de cicatrices que de cheveux. Je ne dis pas que, vu le peu d'étendue de sa nuque, l'extrémité de ses épaules va s'unir à l'occiput rejeté sur la tête. Je ne dis rien de ses épaules sans grâce, de ses bras sans élégance, de ses poignets sans force. Je ne dis rien de ses mains goutteuses, enveloppées de cataplasmes, de linges et d'onguents, en guise de cestes. Je ne dis rien des antres hérissés de poils et infects qui emprisonnent ses flancs de leurs remparts, et qui envoient aux narines des assistants les exhalaisons d'un double Amsaint. Je ne dis rien de ses mamelles affaissées sous la graisse, et qui retombent comme celles d'une nourrice, quand il serait monstrueux déjà de les voir saillir sur une poitrine d'homme. Je ne dis rien de son ventre qui se détache en filets suspendus pour donner, avec des rides difformes, un voile plus difforme encore aux parties génitales vraiment honteuses dans un impuissant. Et que dire de son dos, de son épine vertébrale? Quoiqu'elle jette des côtes pour couvrir sa poitrine, cette charpente osseuse néanmoins est comme inondée par le débordement de l'abdomen. Je ne dis rien de la corpulence des lombes, ni de l'arrière-train dont l'épaisseur fait paraître mince le devant du corps. Je ne dis rien de ses cuisses sèches et courbées, de ses genoux si démesurés, de ses jarrets si frêles, de ses jambes si raides, de ses talons si fragiles, de ses doigts si petits, de ses pieds si grands. Et, quoiqu'il fasse horreur par des proportions si désordonnées, quoique sans force et à demi vif il ne marche pas quand on le soutient, et ne sente pas quand on le porte l'horrible infection qu'il exhale de toute part, cet homme néanmoins est plus détestable encore dans ses paroles que dans ses membres. Il éprouve une singulière démangeaison de propos déshonnêtes, et il est surtout à craindre pour les mystères de ses patrons, dont il se fait le louangeur dans la prospérité, le délateur dans les circonstances critiques ; si l'occasion le sollicite à dévoiler les secrets de ceux avec lesquels il est familier, ce nouveau Spartacus brisera bientôt toutes les barrières, ouvrira toutes les portes, et les maisons qui ne pourront être attaquées par une guerre déclarée, il les attaquera par les détours d'une trahison clandestine. Voilà comment notre Dédale élève l'édifice de ses amitiés, s'associant, de même que Thésée, à ses compagnons dans la bonne fortune, et leur échappant, de même que Protée, dans le malheur. Ainsi donc, tu agiras selon mes vœux, si tu fuis tout rapport avec de pareilles gens, surtout avec ceux dont les discours obscènes et dignes des théâtres ne reçoivent de la pudeur aucun frein, aucune barrière. Car, les hommes qui, dans leur vain babil, franchissent les bornes de l'honnêteté, et dont la langue sans retenue se plonge dans la lie d'une pétulance effrontée, ces hommes ne peuvent avoir non plus qu'une conscience souillée de crimes. Enfin, il est plus facile de trouver des gens dont les discours soient sérieux et la vie obscène, que d'en montrer dont les propos soient indécents et les mœurs honnêtes. Adieu. [3,14] LETTRE XIV. SIDONIUS A SON CHER PLACIDUS, SALUT. QUOIQUE tu sois enfermé dans ta ville de Gratianopolis, j'ai appris par le récit fidèle de tes anciens hôtes, que tu fais plus de cas de mes bagatelles, en vers ou en prose, que d'ouvrages plus graves. Je me réjouis de savoir que mes faibles écrits occupent tes moments de loisir; mais, je le sens bien, le charme que tu trouves à cette lecture est moins l'effet de leur mérite que celui de ton affection pour l'auteur; aussi te suis-je bien redevable de ce que tu donnes à l'amitié des éloges que tu refuserais au style. Quant à ceux qui parlent mal de mes travaux, je n'ai point encore délibéré sur l'opinion formelle que je dois en avoir. Car, l'homme qui se croit savant, parcourt avec la même ardeur presque un bon ou un mauvais ouvrage, et ne désire pas plus trouver des idées élevées dont il puisse faire l'éloge, que des choses vulgaires dont il puisse se moquer. C'est ainsi que le génie, l'élégance, la propriété de la langue latine, sont méprisés par ces critiques oisifs ; leur indifférence, compagne de la raillerie, ne cherche que ce qui prête à la censure, et, de cette manière, ils abusent plus des lettres qu'ils n'en font leur profit. Adieu.