LIVRE SECOND. 1. Dans le premier livre, Hérennius, j'ai rapi- dement exposé les genres de causes qui sont du do- maine de l'orateur, les devoirs dont son art exige l'étude et les moyens les plus faciles pour les rem- plir. Mais comme il n'était pas possible d'entrer à la fois dans tous les détails, et qu'il fallait d'abord traiter des plus importants, afin de vous faciliter la connaissance des autres, j'ai jugé convena- ble de m'occuper de préférence des difficultés les plus grandes. II y a trois genres de.causes , le démonstratif, le délibératif et le judiciaire. Ce dernier est de beaucoup le plus difficile; c'est donc celui que j'expliquerai d'abord. C'est la marche que j'ai suivie dans le livre précédent, lorsque j'ai parlé des cinq devoirs de l'orateur, dont l'invention est le plus important et le plus difficile. Je vais achever à peu près dans ce livre ce qui la con- cerne, et n'en reporterai qu'une faible partie dans le troisième. J'ai commencé à décrire les six parties oratoires. Dans le premier livre, je vous ai parlé de l'exorde, de la narration, de la divi- sion, sans m'étendre plus qu'il n'était nécessaire et aussi clairement que vous pouviez le désirer. J'y ai joint ensuite la confirmation et la réfu- tation, ce qui m'a conduit à faire connaître les états de question et leurs parties; et par consé- quent à montrer comment, la cause étant po- sée, on peut trouver l'état de la question et ses diverses parties. Je vous ai fait voir ensuite de quelle manière il fallait chercher le point à juger, lequel, une fois établi, doit déterminer tout le système du discours. Enfin, je vous ai fait re- marquer qu'il est un assez grand nombre de causes auxquelles peuvent s'adapter plusieurs états ou plusieurs parties de question. II. Il me restait à montrer comment l'inven- tion peut appliquer ses ressources à chaque état de question, ou à chacune de ses parties; ensuite quels sont les arguments (g7nAatpr',u.xrx chez les Grecs) qu'il faut employer, ceux qu'il faut ex- cluee , deux choses qui regardent la confirmation et la réfutation. Je ferai voir ensuite, en dernier lieu, de quelle espèce de conclusion il faut faire usage : c'est la dernière des six parties du dis- cours. Nous cherchons donc d'abord comment il convient de traiter chaque cause ; et nous exami- nerons avant tout la cause conjecturale , qui est la première et la plus difficile. Dans cette cause, la narration de l'accusateur doit être entremêlée de soupçons semés partout; aucun acte, aucune parole, aucune démarche, rien enfin ne doit y paraître manquer d'intention. La narration du défenseur doit présenter un exposé simple et lu- cide qui puisse affaiblir le soupçon. Six moyens différents constituent l'ensemble de cet état de cause, les probabilités, les convenances, les in- dices, l'argument, les suites, les preuves. Mon- trons quelle est la valeur de chacun d'eux. Par les probabilités, on fait voir que l'accusé avait intérêt au crime, et que jamais il ne fut éloigné d'une semblable turpitude; ce qui divise la discussion en deux parties, la cause du crime et la conduite de l'accusé. La cause du crime, c'est ce qui pousse à le commettre, par l'appât d'un avantage ou pour éviter un désagrément. L'on cherche alors quel intérêt a rendu l'accusé coupable; si c'est la soif des honneurs, de la fortune, ou du pouvoir; s'il voulait assouvir son amour ou quelque autre passion de ce genre; ou bien s'il échappait à quel- que dommage, à des inimitiés, à l'infamie, à la douleur, au supplice. III. L'accusateur, s'il s'agit de l'espoir d'un avantage, montrera l'avidité de celui qu'il atta- que; il exagérera ses craintes, si c'est un mal qu'il a voulu fuir. Le défenseur au contraire sou- tiendra, s'il le peut, que les motifs n'existaient pas, ou du moins il en affaiblira singulièrement le pouvoir. Ensuite il ajoutera qu'il est injuste de soupçonner d'une mauvaise action tous ceux qui pouvaient en retirer quelque avantage. Puis viendra l'examen de la conduite du prévenu par ses actes précédents. L'accusateur devra considé- rer d'abord s'il ne s'est pas déjà rendu coupable de quelque fait de ce genre; s'il n'en trouve au- cun, il cherchera s'il n'a pas donné lieu quelque- fois à de semblables soupçons; et s'attachera, dans ce cas, à faire voir que le motif qu'il a supposé n'a rien qui ne s'accorde avec la conduite habituelle de l'accusé. Prétend-il, par exemple, que c'est l'amour de l'argent ou celui des hon- neurs qui l'a fait agir? Il le montrera constam- ment avare ou ambitieux, de manière à ce que le vice de l'âme paraisse inséparable de la cause du crime. S'il ne peut trouver un défaut en rap port avec le motif qu'il suppose, il faut qu'il en cherche un contraire. Dans l'impuissance de convaincre l'accusé d'avarice, il le montrera, s'il en a quelque moyen, corrupteur et perfide; enfin il lui imprimera la souillure ou d'un ou de plusieurs vices, d'où l'on pourra conclure qu'il n'est pas étonnant qu'un homme dont la conduite est si coupable, soit l'auteur de ce nouveau for- fait. Si l'adversaire jouit d'une haute réputation de sagesse et d'intégrité, l'accusateur dira que c'est aux actes et non pas à la renommée qu'il faut avoir égard ; que cet homme a jusque-là caché ses désordres, et qu'il sera démontré qu'il n'est point innocent. Le défenseur prouvera d'abord, s'il peut le faire, que la vie de son client est sans tache; sinon, il se rejettera sur l'imprudence, l'aveugle- ment, la jeunesse, la violence, la captation. Ces excuses feront éearter le blâme des actes étrangers à l'accusation. S'il se trouve dans un sérieux em- barras par la turpitude et l'infamie avérée du prévenu, son premier soin sera de dire qu'on a répandu de faux bruits sur un innocent, et d'em- ployer ce lieu commun, qu'il ne faut pas croire aux bruits populaires. S'il ne peut user d'aucune de ces ressources, il dira pour dernier moyen de défense, qu'il n'a point à plaider devant des cen- seurs pour la moralité de son client, mais à ré- pondre devant des juges aux accusations de ses adversaires. l.V. Pour l'accusateur, les convenances consis- tent à démontrer que l'action imputée à l'adver- saire n'a été avantageuse à nul autre qu'à lui; ou bien qu'il pouvait seul l'exécuter, qu'il n'y serait pas parvenu par d'autres moyens, ou qu'il n'y aurait pas aussi facilement réussi , ou que la passion qui l'entraînait ne lui a pas laissé voir de moyens plus commodes. Dans ce cas, le défen- seur doit faire voir que l'action a profité tout aussi bien à d'autres, ou que d'autres ont pu faire ce qu'on reproche à son client. On entend par indi- ces ce qui montre que le prévenu avait la faculté de faire ce qu'on lui impute. On les divise en six parties : le lieu, le temps, la durée, l'occasion, l'espoir de la réussite et celui du secret. Le lieu; était-il fréquenté ou désert? est-il toujours dé- sert, ou bien l'était-il au moment de l'action? Est- ce un lieu sacré ou profane, public ou particuP'er? Quels sont les lieux attenants? Pouvait-on voir la victime ou l'entendre? Je ne refuserais pas d'ensei- gner quels sont ceux de ces moyens qui conviennent à l'accusateur ou à l'accusé, s'il n'était pas facile à chacun d'en juger dès que la cause est posée. L'art doit fournir les sources de l'invention; l'exercice fait acquérir aisément le reste. Pour le temps , on cherche dans quelle saison , à quelle heure le fait s'est accompli: si c'était de nuit ou de jour, à quel moment de la journée, à quelle heure de la nuit, et pourquoi dans tel ou tel instant. On considère, relativement à la durée, si elle a pu suf- fire à l'accomplissement de l'action, et si l'accusé pouvait savoir qu'elle serait assez longue. Car il importe peu qu'il ait eu l'espace de temps néces- saire, s'il n'a pas pu d'avance le savoir ou le cal- culer. Quant à l'occasion , on cherche si elle était favorable à l'entreprise, ou s'il n'y en avait pas une meilleure qu'on a laissé passer ou qu'on n'a pas attendue. Pour apprécier l'espoir du succès, on examinera s'il y a concours des indices dont j'ai parlé tout à l'heure, et si l'on remarque, en outre, d'une part la force, l'argent, l'adr`esse, les lu- mières, les préparatifs; et de l'autre la faiblesse, le dénûment, l'ignorance, le défaut de prudence et de précautions. On saura par ce moyen si l'ac- cusé devait avoir de la crainte ou de la confiance. L'espoir du secret ressortira de la recherche des complices, des témoins, des coopérateurs, qu'ils soient libres ou qu'ils soient esclaves, ou qu'il y en ait des uns et des autres. V. L'argument présente contre l'accusé des indices plus certains, des soupçons plus fondés. Il embrasse trois époques : le temps qui a précédé l'action, celui de l'action même, et celui qui l'a suivie. A l'égard du premier, il faut considérer où était l'accusé, où et avec qui on l'a vu; s'il a fait quelques préparatifs; s'il est allé trouver quel- qu'un; s'il a dit quelque chose; s'il a eu des com- plices, des coopérateurs, des secours; s'il s'est rencontré dans ce lieu contre son habitude, ou dans un autre moment que celui qu'il prenait d'ordinaire. Pour le temps même de l'action, a- t-on vu l'accusé la commettre; a-t-on entendu du tumulte, des cris, un bruit de pas; enfin, l'un des sens, l'ouïe, le tact, l'odorat, le goût a-t-il été frappé? car chacun d'eux peut faire naître un soupçon. Quant au temps qui a suivi l'action, on examine s'il est resté, après le fait accompli, quelque chose qui indique qu'un délit a été com- mis, ou en révèle l'auteur. Veut-on constater l'existence du crime? si le cadavre de la victime est enflé et livide, son état prouve un empoison- nement. Cherche-t-on quel en est l'auteur? on a trouvé le poignard de l'accusé ; un de ses vêtements ou quelque objet pareil abandonné par lui, ou des traces de ses pas; il y avait du sang sur ses ha- bits : aussitôt après l'exécution du crime, on l'a saisi ou aperçu dans le lieu même où il s'est com- mis. Argumenter des suites, c'est rechercher les signes auxquels on reconnaît d'ordinaire un cou- pable ou un innocent. L'accusateur dira, s'il le peut, que son adversaire, à l'approche des té- moins, a rougi, pàli, chancelé; qu'il s'est contre- dit, qu'il est tombé dans l'abattement, qu'il a fait des promesses, toutes choses qui prouvent l'agi- tation de sa conscience. Si l'accusé n'a rien fait de tout cela, l'accusateur dira qu'il avait si bien cal- culé d'avance les suites de ce qu'il allait faire, qu'il a répondu sans broncher et avec l'assurance la plus complète : preuve d'audace et non pas d'innocence. Le défenseur prétendra, si son client a montré de la crainte, que c'est à la grandeur du péril et non point à ses remords qu'il faut attri- buer son émotion; s'il ne s'est pas effrayé, c'est que, fort de son innocence, il ne pouvait éprouver d'alarmes. VI. La preuve confirmative est le dernier moyen dont on se sert quand on a bien établi les soupçons. Elle a ses lieux propres et ses lieux communs. Les lieux propres sont ceux dont per- sonne autre que l'accusateur ou le défenseur ne peut user. Les lieux communs sont ceux qui, dans des causes différentes, peuvent être employés par l'un ou par l'autre. Dans la cause conjectu- rale, le lieu propre pour l'accusateur consiste à dire qu'il ne faut avoir aucune pitié des mé- chants, et à exagérer l'atrocité du crime. Pour le défenseur, au contraire, il s'agit d'émouvoir la pitié, de repousser l'accusation comme une calomnie. Les lieux communs à l'usage de l'une et l'autre partie consistent à parler pour ou con- tre les témoins, pour ou contre les tortures, pour ou contre les arguments, pour ou contre la rumeur publique. En faveur des témoins, on fera valoir leur gravité, leur conduite, la constance de leurs dépositions; contre eux, on alléguera la turpitude de leur vie, la contradiction de leurs témoignages. On soutiendra que le fait n'a pu ar- river, ou qu'il n'est point tel qu'ils le disent, ou qu'ils n'ont pu le connaître, ou que la passion inspire leurs paroles et leur raisonnement. C'est ainsi que l'on attaque ou que l'on soutient les témoignages. VII. Pour justifier les tortures, nous ferons voir que c'est pour découvrir la vérité que nos ancêtres l'ont voulu chercher par les tourments et par les souffrances; et que c'est l'excès de la douleur qui contraint les hommes à dire tout ce qu'ils savent. Ce moyen de discussion aura d'ail- leurs bien plus de force, si par l'emploi des ar- guments propres à traiter toute question de fait, vous donnons aux aveux obtenus un caractère de vraisemblance; ce qu'il faudra faire également à l'égard des témoignages. Contre les tortures, nous dirons d'abord que nos ancêtres n'y ont eu recours que dans certaines causes où l'on pou- vait reconnaître la vérité des réponses ou en réfu- ter l'imposture; comme dans cette question : « En « quel lieu cette chose se trouve-t-elle, ' ou toute autre semblable qui se puisse vérifier par les yeux, ou se reconnaître à quelque analogie. Nous prétendrons ensuite qu'il ne faut pas s'en rappor- ter à la douleur, parce que tel homme y est moins accoutumé qu'un autre, qu'il est plus ingénieux à trouver un mensonge; ou qu'enfin il peut sou- vent savoir ou soupçonner ce que le juge veut apprendre, et qu'il voit bien qu'en le disant il mettra fin à son supplice. Cette argumentation sera plus puissante si nous réfutons par des preuves irrécusables des dépositions faites au milieu des tourments, en employant, pour y réus- sir, les moyens que nous avons indiqués déjà pour les causes conjecturales. Les arguments, les signes et les autres lieux communs qui fortifient le soupçon , doivent être mis en usage de la façon suivante : Lorsqu'un grand nombre d'arguments et de signes se réunissent et s'accordent entre eux pour une chose, il en résulte forcément l'évi- dence et non pas le soupçon. II y a plus; ces si- gnes, ces arguments méritent plus de confiance que des témoins; car ils déposent des choses tel- les qu'elles ont eu lieu dans la réalité, tandis que des témoins peuvent être corrompus par l'ar- gent, les faveurs, la crainte ou la haine. Pour combattre les arguments, les signes, et autres moyens semblables, nous ferons voir qu'il n'y a pas une seule chose qui ne puisse être atta- quée par le soupçon ; nous atténuerons ensuite chaque soupçon en particulier; nous nous effor- cerons de montrer qu'ils s'appliquent aussi bien à toute autre affaire qu'à la nôtre; et que c'est une indignité de se croire, en l'absence de témoi- gnages, suffisamment éclairés par une conje- cture et par un soupçon. VIII. Si l'on veut tirer avantage des bruits publics, on dira qu'ils ne naissent pas au hasard et sans quelque fondement; qu'il n'y a pas de raison pour que personne les ait inventés faus- sement; nous soutiendrons, en outre, que s'il en est d'autres habituellement mensongers, celui dont il est question n'a rien que de vrai. Si l'on veut les repousser, on établira d'abord qu'il y en a beaucoup de faux, et l'on citera des exemples qui en prouvent l'imposture; on pourra les at- tribuer à des ennemis, ou à des hommes natu- rellement malveillants et calomniateurs. On reproduira quelque fable inventée contre ses adversaires, et que l'on dira se trouver dans la bouche de tout le monde; où bien un bruit véri- table qui porte atteinte à leur honneur, et auquel on déclare ne pas ajouter foi; par la raison que le premier venu peut être l'auteur d'un récit déshonorant, et répandre une calomnie. Toute- fois si le bruit qu'on nous oppose offre un carac- tère véhémentement probable, on pourra, par la force du raisonnement, en détruire l'autorité. C'est parce que la question conjecturale est la plus difficile à traiter, et la plus ordinaire dans les causes véritables, que j'ai mis plus de soin à en approfondir toutes les parties, afin que nous ne soyons arrêtés ni par de faux pas, ni par des obstacles , s'il nous arrive un jour de join- dre aux préceptes de l'art l'exercice assidu de la pratique. 1X. Passons maintenant aux différentes parties de la question de droit. Lorsque l'intention du lé- gislateur paraît eri contradiction avec la lettre de la loi, si nous soutenons le texte même, voici les moyens dont nous ferons usage aussitôt après la narration. D'abord l'éloge de celui qui a fait la loi; puis la lecture du texte; ensuite une apos- trophe aux adversaires : savaient-ils qu'il y eût une disposition semblable dans la loi, dans le tes- tament, dans le contrat, ou dans tout autre écrit se rapportant à la cause? après cela, le rappro- chement de la lettre de la loi avec les déclarations des adversaires : à quoi le juge doit-il s'en rap- porter d'un texte rédigé avec soin, ou d'une inter- prétation insidieuse? On combat ensuite avec dé- dain le sens que les adversaires ont imaginé d'attribuer à la loi; quelle raison, demandera- t-on , aurait empêché le legislateur de l'exprimer clairement, s'il l'avait voulu? Alors on exposera le sens véritable et le motif qui l'a dicté; on en démontrera la clarté, la précision, la justesse, la parfaite convenance; à l'appui, l'on citera les exemples de jugements rendus conformément à la lettre de la loi, malgré les efforts des adver- saires pour faire valoir l'esprit et l'intention. On fera voir enfin le danger qu'il y a-de s'écarter du texte. Ce lieu commun s'emploie contre celui qui, tout en faisant l'aveu d'une action contraire aux termes d'une loi, ou aux dispositions d'un testa- ment, cherche néanmoins à s'en justifier. X. Si nous parlons en faveur de l'interpréta- tion de la loi, nous louerons d'abord l'auteur du texte de la judicieuse concision avec laquelle il n'a dit que ce qu'il était nécessaire de dire , aban- donnant à notre intelligence ce qui n'avait pas besoin d'être expliqué. Nous ajouterons que c'est le propre de la mauvaise foi de ne s'attacher qu'aux mots et à la lettre, sans tenir compte de l'intention; que ce qui est écrit ne peut être exé- cuté ou ne saurait l'être qu'en blessant les lois, les usages, la nature , la justice, l'honneur; toutes choses dont personne ne niera que le législateur ait voulu la religieuse observation: Eh bien, tout ce que nous avons fait a été fait justement. D'ail- leurs l'opinion de nos adversaires est nulle, ou insensée, ou injuste, ou impraticable. Elle répugne à ce qui précède ou à ce qui suit; elle est en op- position avec le droit commun, avec les autres lois, ou avec des jugements déjà rendus. Et nous citerons ensuite des exemples de décisions fon- dées sur l'intention de la loi et contrairement au texte; nous donnerons de rapides extraits de lois et de contrats dans lesquels il faut inter- préter la volonté qu'ont exposée les termes. C'est un lieu commun contre celui qui rapporte un texte, sans rechercher l'intention de son auteur. Lorsque deux lois sont contradictoires, il faut considérer d'abord s'il n'y a pas abrogation ou dérogation, ensuite si leur opposition est telle que l'une ordonne et que l'autre défende; ou bien que la première contraigne et que la seconde laisse faire. Car ce serait se défendre bien faiblement que de se disculper par une loi qui permet , en pré- sence d'une autre qui ordonne; l'ordre formel l'emportant sur la permission. La défense est fai- ble encore lorsqu'on fait voir qu'on s'est conformé aux prescriptions d'une loi qui a été abrogée ou réformée, en négligeant celles d'une loi posté- rieure. Aussitôt après ces considérations, nous ferons connaître la loi qui nous protége; nous la lirons à haute voix, nous en ferons l'éloge. Nous expliquerons ensuite l'intention de la loi qu'on nous oppose, et nous l'amènerons à nous servir. Enfin nous emprunterons à la question judiciaire absolue la doctrine du droit; nous rechercherons si ce droit est pour l'une ou pour l'autre des lois contraires; question que nous traiterons plus tard. XI. Si la disposition écrite est ambiguë, de manière à présenter deux ou plusieurs sens, voici comment il faut en traiter : on cherche en pre- mier lieu s'il existe en effet quelque ambiguïté; on fait voir ensuite comment se serait exprimé l'auteur du texte, s'il avait voulu y donner le sens qu'offre l'interprétation des adversaires. Après quoi nous démontrerons que la nôtre est admissible, qu'elle n'a rien que de conforme à l'honneur, à la justice, à la loi, aux usages, à la nature, à la droiture et à l'équité; tandis que celle de nos adversaires y répugne : qu'il n'y a pas d'ambiguïté, puisqu'on comprend quel est le vrai sens. Il y a des auteurs qui regardent comme par- faitement appropriée à ce genre de discussion, cette connaissance des amphibologies qu'ont pro- fessée les dialecticiens. Moi, je pense au contraire que, non-seulement elle n'est d'aucun secours, mais qu'elle doit encore embarrasser beaucoup. Tous ces sophistes, en effet, courent après les expressions à double face, même après celles qui en ont une qui ne signifie rien du tout. Aussi, quand ils écoutent, ils interrompent à tout propos tous les discours; quand ils parlent, ils ne sont que de fâcheux et d'obscurs interprètes; et à force de vouloir parler avec prudence et précision, ils> finissent par ne pouvoir rien dire. Ils redoutent tellement de laisser échapper un terme équivo- que, qu'ils ne peuvent prononcer leur propre nom. Mais je réfuterai, quand vous le voudrez, leurs opinions puériles, par les raisons les plus solides; pour le moment, il n'était pas hors de propos d'en dire en passant quelque chose, afin de mar- quer mon mépris pour cette école impuissante et bavarde. XII. Quand on emploie la définition, on dé- finit d'abord rapidement le mot dont il s'agit; par exemple : « Celui-là est coupable de lèse- majesté, dont la violence s'attaque aux choses qui font la grandeur de l'Etat : quelles sont ces choses? les suffrages du peuple et le conseil des magistrats : or, tu as privé le peuple du droit de suffrage et les magistrats du droit de s'assem- bler, lorsque tu as renversé les ponts. » L'accusé répondra au contraire « : Celui-là porte atteinte à la majesté publique, qui fait perdre à l'Etat quelque chose de sa grandeur. Moi je ne l'ai point altérée, mais j'ai empêché qu'on ne l'altérât; car, j'ai sauvé le trésor public; j'ai résisté aux mau- vaises passions; je n'ai pas souffert que la majesté romaine pérît tout entière. » Après cette défini- tion rapide et faite dans l'intérêt de la cause, on en rapproche le fait que l'on défend; on combat ensuite la définition contraire; on la montre fausse, impropre, honteuse, outrageante; et on emprunte encore ses moyens aux doctrines du droit dans la question judiciaire absolue, dont nous allons parler tout à l'heure. Dans les récu- sations, l'orateur cherche d'abord si celui qui intente une action, une réclamation, une pour- suite, a bien le droit de le faire; s'il ne fallait pas prendre une marche différente, choisir un autre temps, un autre lieu; si l'affaire ne devait pas être intentée ou suivie en vertu d'une autre loi. Ici les moyens se puiseront dans les lois , dans les moeurs, dans le bon droit; j'en parlerai dans la cause judiciaire absolue. Dans une cause où l'on s'appuie sur l'analogie, on recherchera d'a- bord les dispositions écrites ou les arrêts rendus dans des causes d'une importance ou plus grande, ou moindre, ou tout à fait égale. Ensuite, si le fait est semblable à celui dont il s'agit, ou s'il en diffère; si l'absence d'un texte qui y soit applica- ble n'est pas calculée, parce qu'on n'aura pas voulu le prévoir, ou parce qu'on aura pensé l'a- voir prévu en s'expliquant sur des textes analo- gues. Je me suis assez étendu sur les divisions de la question de droit; je reviens maintenant à la question judiciaire. XIII. On se sert de la question judiciaire ab- solue, lorsqu'on soutient la justice d'une action dont on se reconnaît l'auteur, sans recourir à aucun moyen accessoire. Dans ce cas, il faut exa- miner si l'on était fondé en droit : ce que l'on pourra faire, une fois la cause établie, si l'on connaît les sources du droit. Or le droit dérive de la nature, de la loi, de l'usage, des jugements, de l'équité, des conventions. Le droit naturel a pour base les liens du sang ou du respect; c'est la nature qui établit entre les pères et les enfants un culte d'affection réciproque. Le droit fondé sur la loi, est celui que sanctionne la volonté du peuple; ainsi la loi vous force à comparaître de- vant elle quand vous êtes assigné. Le droit ré- sulte de l'usage, lorsqu'en l'absence de toute loi, la coutume le consacre jusqu'à le rendre légitime : par exemple, si vous avez porté des fonds à un banquier, vous pouvez les réclamer à son associé. Il résulte de jugements, lorsqu'il est intervenu, sur la même question, une sentence ou un dé- cret. Mais il y en a qui se contredisent, suivant les décisions opposées d'un juge, d'un préteur, d'un consul ou d'un tribun; car il arrive que, dans un même cas, l'un a prononcé d'une manière contraire à l'autre; par exemple M. Drusus, « préteur de la ville, autorisa l'action intentée « contre un héritier en vertu d'un mandat; S. Ju- « lius la refusa. Le juge Célius renvoya absous « le comédien qui avait injurieusement nommé « sur la scène le poète Lucilius, et P. Mucius « condamna celui qui en avait fait autant pour le « poète Accius. n Ainsi donc, puisqu'on peut produire deux jugements contradictoires sur une même affaire, il faut, lorsque ce cas se présente, comparer ensemble les juges, les temps, le nom- bre des sentences. Le droit dérive de l'équité, lorsqu'il paraît basé sur la vérité et l'utilité com- munes. Par exemple : « un homme âgé de plus de soixante ans, et malade, peut comparaître par procureur. On peut même établir delà une nou- velle espèce de droit, suivant les circonstances et la dignitéde la personne. Le droit s'établit par un contrat, lorsque lei parties se sont liées par des contrats ou par des conventions. Les contrats sont des traités dont les lois garantissent l'exécution; ainsi : « S'il y a contrat, qu'on plaide à l'endroit convenu; s'il n'y a pas contrat, qu'on porte la cause aux comices ou au forum avant midi. » Les conventions sont des traités dans lesquels les lois n'interviennent pas, mais qui s'exécutent de droit. Voilà donc par quels moyens on peut démontrer les torts d'un adversaire, et appuyer son droit; voilà comment il faut procéder dans la question judiciaire absolue. XIV. Quand on emploiera l'alternative pour savoir s'il valait mieux agir comme l'accusé dé- clare l'avoir fait, ou comme l'accusateur prétend qu'il aurait fallu le faire, il convient de recher- cher d'abord lequel des deux partis aurait été le plus utile; c'est-à-dire, le plus honorable, le plus facile, le plus avantageux. Il faudra de- mander ensuite si c'était l'accusé qui devait ju- ger lui-même du degré d'utilité, ou s'il apparte- nait à d'autres de le fixer. Alors l'accusateur, procédant comme dans la question conjecturale, fera naître le soupçon que si l'accusé s'est con- duit ainsi, ce n'était pas pour préférer le meil- leur au pire, mais par fraude et par mauvaise foi. Ne pouvait-on pas éviter, demandera-t-il , de venir dans ce lieù? Le défenseur, au contraire, réfutera l'argumentation conjecturale par quel- qu'une des raisons probables dont nous avons déjà parlé. Ces moyens employés, l'accusateur attaquera, par un lieu commun, celui qui préfère à l'utile ce qui ne l'est pas, lorsqu'il n'avait pas le pouvoir de choisir. Le défenseur répliquera par un lieu commun, en forme de plainte, contre ceux qui pensent qu'il est juste de préférer une chose pernicieuse à une chose utile ; et il deman- dera en même temps aux accusateurs et aux juges eux-mêmes ce qu'ils auraient fait s'ils avaient été à la place de l'accusé; et il leur mettra sous les yeux le temps, le lieu, la chose et les motifs qui l'ont fait agir. XV. II y a récrimination, lorsque l'accusé mo- tive sa faute sur celle que d'autres ont commise. Il faut, dans ce cas, examiner d'abord si ce moyen peut être légitimement admis; en second lieu, si le délit que l'accusé rejette sur un autre est aussi grave que celui dont il se reconnaît coupable; ensuite s'il y avait nécessité pour lui de commettre une faute dont un autre lui avait donné l'exemple. Ne fallait-il pas qu'un jugement eût été prononcé auparavant? et en l'absence d'un jugement sur cette action qu'il impute à un autre, devait-il en porter un lui-même sur une question qui n'avait point encore été décidée par les tribunaux? Ici viendra un lieu commun de l'accusateur contre ceux qui s'imaginent que la violence doit l'em- porter sur les jugements : il demandera à ses ad- versaires ce qui arriverait si d'autres se condui- sant comme eux, et d'après l'exemple qu'ils conviennent d'en avoir donné, infligeaient le sup- plice avant que la condamnation eût été portée; que serait-ce si l'accusateur lui-même en avait voulu faire autant? Le défenseur dévoilera toute l'atrocité de ceux sur lesquels on rejette la res- ponsabilité du crime : il mettra sous les yeux le fait, le lieu, le temps, de manière à faire croire à ceux qui l'entendront, qu'il était impossible ou qu'il n'était pas utile de juger l'affaire. XVI. Par l'aveu, nous demandons qu'on nous pardonne. Il est de deux sortes; la défense du motif, et la déprécation. Dans le premier cas, nous nions avoir agi de dessein prémédité, nous nous en prenons à la nécessité, au hasard, à l'ignorance. Voyons d'abord ces moyens; nous reviendrons ensuite à la déprécation. On examine d'abord, si c'est par sa faute que l'accusé en est venu à cette nécessité, ou bien si c'est la nécessité elle- même qui l'a rendu coupable ; ensuite, quel moyen il y avait de l'éviter ou de la rendre moins fâ- cheuse ; on demande si celui qui la donne pour ex- cuse a tenté de faire ou d'imaginer quelque chose contre elle; s'il n'y a pas quelques motifs du genre de ceux que peut fournir la question de fait, pour soupçonner la préméditation là où l'on accuse la nécessité. D'ailleurs la nécessité, quel- que pressante qu'elle soit, doit-elle constituer une justification suffisante? Si c'est par ignorance que l'accusé prétend avoir failli, on cherchera d'abord s'il pouvait ou non apprécier les suites de son action; s'il s'est donné quelque soin pour les prévoir; ensuite, si son ignorance est fortuite ou coupable. Car, celui qui rejetterait sur l'excès du vin, de l'amour ou de la colère l'absence de sa raison, aurait perdu le jugement par l'effet d'un vice et non par ignorance; aussi son ignorance, loin de le justifier, le rend plus coupable encore. Ensuite, à l'aide de la question de fait, on re- cherchera s'il a su ou non ce qu'il faisait; et l'on examinera si dans le cas d'un fait constant, l'ignorance peut constituer une excuse suffisante. Quand le défenseur se rejettera sur la fortune, en disant qu'elle doit faire pardonner à l'accusé ; il aura les mêmes considérations à faire valoir qu'en parlant de la nécessité. Il y a tant de rap- ports en effet entre ces trois sortes d'excuse, qu'on peut les traiter toutes par des moyens à peu près semblables. Voici les lieux communs qui conviennent à ce genre de causes : l'accusateur s'élèvera contre celui qui, après avoir fait l'aveu de son crime, veut arrêter les juges par de vaines paroles; le défenseur, implorant l'humanité, la clémence, répondra qu'il faut en tout considérer l'intention ; et que là où il n'y a pas eu de dessein prémédité, il ne faut pas chercher de crime. XVII. Nous nous servons de la déprécation, lorsqu'en convenant de notre faute sans l'attri- buer ni à l'ignorance, ni à la fortune, ni à la né- cessité , nous n'en demandons pas moins le par- don. Nous nous fonderons, pour l'obtenir, sur les considérations suivantes : les services du prévenu sont plus nombreux et plus grands que ses fautes ; il a du mérite ou de la naissance; on doit espé- rer qu'il se rendra utile, s'il échappe au châti- ment. Cet homme, aujourd'hui suppliant, s'est montré doux et miséricordieux quand il avait la puissance. S'il a commis une faute, ce n'est ni la haine ni la cruauté qui l'y ont poussé, mais son amour du devoir et son zèle; dans une circons- tance pareille, d'autres n'ont pas été punis; il ne saurait y avoir aucun danger à le renvoyer à son tour : cet arrêt n'encourra le blâme ni de Rome ni des cités voisines. L'humanité , la for- tune, la clémence, l'instabilité des choses humai- nes fournissent des lieux communs. L'accusa- teur y oppose les lieux communs contraires, en amplifiant, en énumérant les crimes de l'accusé. La déprécation ne peut s'employer devant les tribunaux, ainsi que je l'ai fait voir dans le pre- mier livre ; mais comme on peut la présenter dans le sénat ou devant un conseil militaire, je n'ai pas cru devoir la passer sous silence. Lorsque nous voudrons décliner la responsa- bilité d'un crime, nous en ferons retomber la cause ou sur les choses ou sur les personnes. Si c'est à un homme que l'on s'en prend, la première chose sera d'examiner si cet homme a eu au- tant d'autorité que l'accusé le déclare , et quels moyens pouvait avoir celui-ci de résister avec honneur et sans danger : et dans le cas où tout cela serait vrai, s'il faut lui accorder qu'il ait agi par une impulsion étrangère. Ensuite on rentrera dans la question de fait pour discuter la prémé- ditation. Si c'est sur les choses que l'on s'excuse, il faudra recourir aux mêmes considérations, à peu près, outre toutes celles que j'ai présentées sur la nécessité. XVIII. Maintenant qu'il me semble avoir suf- fisamment indiqué quels sont les arguments qui conviennent à chaque genre de cause judiciaire, il me reste, je crois, à vous montrer la manière de les embellir et de leur donner toute leur va- leur. Il est peu difficile en effet de trouver ce qui doit fortifier une cause ; mais ce qui l'est infini- ment, c'est de perfectionner ce qu'a fourni l'in- vention et de l'exprimer avec convenance. C'est par là que nous éviterons de nous arrêter trop long- temps sur les mêmes objets, ou d'y revenir encore après les avoir traités déjà; de quitter un raison- nement commencé, et de passer mal à propos à un autre. Par là nous pourrons, de notre côté , nous souvenir de ce que nous aurons dit dans chaque partie, et l'auditeur pourra saisir et se rappeler non-seulement l'ensemble de la cause, mais encore la place de chaque argument en par- ticulier. L'argumentation la plus complète et la plus achevée est celle qui renferme cinq parties : l'exposition , les raisons, la confirmation des rai- sons, les ornements, et la conclusion. L'exposi- :ion fait voir sommairement ce que nous voulons prouver. Les raisons démontrent, par une ra- pide analyse, que c'est la vérité que nous nous proposons d'atteindre. La confirmation des rai- sons a pour objet de corroborer, par de nombreux arguments, les raisons que nous avons succincte- ment exposées. Les ornements, quand l'argumen- tation est solidement établie, viennent la décorer et l'enrichir. La conclusion termine rapidement en réunissant les moyens de l'argumentation. XIX. Pour faire l'usage le plus complet de ces cinq parties, nous traiterons l'argumentation de cette manière : « Nous démontrerons qu'Ulysse « avait des raisons pour tuer Ajax : car il voulait se défaire d'un implacable ennemi, qu'il avait raison de redouter comme infiniment dangereux. « Il voyait qu'il n'y avait pas de sécurité pour lui « tant que cet homme vivrait; il espérait par ce « meurtre sauver sa propre vie ; il avait coutume, « quand les motifs légitimes lui manquaient, de préparer la perte d'un ennemi par des machina- « tions criminelles, ce dont la mort indigne de Palamède fournit le témoignage. Ainsi, d'une « part, la crainte du danger le portait à faire périr « un homme dont il redoutait la vengeance ; et, de l'autre, l'habitude du crime lui ôtait tout scru- « pute de le commettre. Les hommes ne s'aban- « donnent pas sans motif aux fautes les plus légè- « res; mais c'est surtout pour les plus grands excès « qu'il faut qu'un avantage certain les conduise. Si l'appât de l'or a détourné tant d'hommes de leurs « devoirs; si l'ambition du pouvoir en a poussé « tant d'autres au crime; si le plus frivole avantage « a été souvent acheté au prix des plus coupables « écarts : qui pourrait s'étonner qu'Ulysse n'ait n pas reculé devant un crime que les terreurs de- « vaient nécessairement l'engager à commettre? L'homme le plus vaillant, le plus intègre, le « plus implacable contre ses ennemis, outragé, ,, furieux, était pour un lâche, pour un coupable qui avait la conscience de son crime, et l'ha- « bitude de la perfidie, un ennemi qu'il ne vou- « lait pas laisser vivre; personne n'en sera sur- « pris. Puisque nous voyons les bètes féroces « s'élancer avec ardeur pour nuire à d'autres ani- « maux, il n'est pas incroyable qu'un homme farouche, cruel, inhumain comme celui-là, ait « marché avec fureur à la perte de son ennemi. Encore les animaux n'ont-ils aucune raison , « ni bonne ni mauvaise, pour se nuire, tandis « que nous savons que cet homme en avait « de très-nombreuses et de très-criminelles. Si donc, j'ai promis d'indiquer le motif qui a pu « porter Ulysse au meurtre, et si j'ai démontré « qu'il y avait de sa part une violente inimitié, et « la crainte du péril, il n'y a pas de doute qu'il ne « faille convenir qu'il y a eu des raisons du crime. L'argumentation la plus complète est celle qui renferme cinq parties ; mais elle n'est pas toujours nécessaire. Tantôt, en effet, on peut se passer de la conclusion , si l'affaire est courte et facile à embrasser par le souvenir; tantôt on néglige les ornements, si le peu de richesse du sujet, excluant l'amplification, ne les comporte pas. Quand l'ar- gumentation est rapide, et que le sujet est de peu d'importance ou commun, on renonce à la con- ciasion et aux ornements. Dans toute argumen- tation il faut, pour les deux dernières parties, observer la règle que je trace. L'argumentation la plus étendue se compose donc de cinq parties; la plus courte en a trois, et la moyenne quatre : on en retranche ou les ornements ou la conclu- sion. XX. Il y a deux sortes d'argumentations vi- cieuses; celle que l'adversaire peut réfuter avec avantage, et qui appartient à la cause ; et celle qui, malgré sa futilité, n'appelle pas de réponse. Si je ne mettais pas sous vos yeux quelques exemples, vous ne pourriez pas distinguer bien clairement les argumentations qu'il convient de repousser, et celles qu'on peut passer sous un dédaigneux silence, et laisser sans réfutation. Cette connaissance des argumentations vicieuses nous présentera un double avantage : elle nous avertira d'éviter les défauts dans notre argumen- tation, et nous apprendra à reconnaître aisément ceux que n'auraient pas évités nos adversaires. Après avoir montré que l'argumentation entière et parfaite a cinq parties, considérons main- tenant les défauts qu'il faut éviter dans chacune de ces parties, afin que nous puissions nous en garantir pour notre compte, soumettre à l'épreuve de ces règles toutes les parties des ar- gumentations de nos adversaires, et venir à bout d'en ébranler quelqu'une. L'exposition est vicieuse, lorsqu'en se fondant sur un cas particulier, ou sur le plus grand nombre de cas, on applique à tous les hommes ce qui ne leur convient pas nécessairement, comme dans cet exemple : « Tous ceux qui sont dans la pauvreté, aiment mieux en sortir par des moyens criminels que d'y rester honorablement. » Si un orateur ex- pose ainsi son argumentation, sans songer quelle preuve et quelle confirmation de preuve il appor- tera, nous réfuterons aisément cette exposition en faisant voir qu'il est faux et injuste d'attribuer à tous les pauvres ce qui n'est vrai que d'un pauvre dépravé. L'exposition est vicieuse encore, lors- qu'on nie absolument l'existence d'une chose qui n'arrive que rarement; par exemple : « Personne ne peut devenir amoureux d'un regard et en passant. » Car, comme il y a eu des hommes enflammés par un seul regard, et que l'orateur a nié que cela pût arriver à personne, peu importe que le fait soit rare, pourvu qu'il soit prouvé qu'il a existé, ou pu exister quelquefois. XXI. L'exposition est défectueuse encore, lorsque avec la prétention de rassembler toutes les circonstances, on en omet une importante : par exemple Puisqu'il est constant qu'un homme a été tué, il faut nécessairement qu'il l'ait été « ou par des brigands, ou par des ennemis, ou par vous qu'il avait institué en partie son héritier. « Or, on n'a jamais vu de brigands dans cet en- « droit : il n'avait point d'ennemis; d'où il résulte « que s'il n'est pas tombé sous les coups des bri- « gands, puisqu'il n'en existait pas, ni de ses « ennemis , puisqu'il n'en avait pas, c'est vous qui « êtes le meurtrier. » On réfute une exposition sem- blable en faisant voir que d'autres encore, outre ceux que l'accusateur a nommés, ont pu com- mettre le crime. Ainsi , dans cet exemple , il a dit qu'il fallait nécessairement en accuser ou des brigands, ou des ennemis, ou notre client; nous répondrons que le meurtre a pu être commis par les esclaves ou par les cohéritiers de l'accusé. L'énumération de l'accusateur, ainsi renversée, il nous restera pour la défense un champ plus vaste. Il faut donc éviter aussi dans l'exposition, quand nous paraîtrons vouloir y rassembler tous les points, d'en omettre un important. C'est encore un défaut dans cette partie que de présenter une fausse énumération, et de n'offrir qu'un petit nombre de cas, lorsqu'il yen a beaucoup plus : par exemple : « II y a deux choses, juges, qui portent « tous les hommes à mal faire, le luxe et l'ava- rice. » — « Et l'amour? vous répondra-t-on; et « l'ambition? la superstition? la crainte de la mort? « le désir de régner? et tant d'autres passions? L'énumération est fausse également lorsqu'elle ne comprend que peu de cas, et que nous l'éten- dons à un plus grand nombre; par exemple : « Trois mobiles font agir tous les hommes : la « crainte, le désir, l'altération de l'âme. » Il suffi- sait en effet, de dire la crainte et le désir; car l'altération de l'âme se confond nécessairement avec l'une et l'autre. -MII. L'exposition pèche encore lorsqu'elle est prise de trop loin; par exemple : « La sottise « est la mère de tous les maux , puisqu'elle engen- « dre d'innombrables désirs. Or des désirs innom- « brables n'ont ni limite ni mesure. Ils produisent « l'avarice, et l'avarice pousse l'homme à tous les « excès. C'est donc l'avarice qui a conduit nos ad- « versaires à se rendre coupables de cette action. Il suffisait du dernier membre de cette phrase ; autrement on fait comme Ennius et les autres poètes, qui seuls ont la permission de parler ainsi : Plût aux dieux que jamais les pins de la forét de Pélisa ne fussent tombés sous la hache, et n'eussent servi à former le navire que l'on nomme à présent Argo; navire sur lequel l'élite des Argiens, transportée dans la Colchide à la voix artificieuse du roi Pélias, alla chercher la toison d'or! Car jamais ma maîtresse, errante aujourd'hui, l'âme inquiète et blessée par un amour cruel, ne serait sortie de son palais. C'était assez de dire, si le poète eût voulu s'en tenir à ce qui suffisait à la pensée : Plût aux dieux que ma maîtresse, errante aujourd'hui, ne fût jamais sortie de son palais! Gardons-nous donc avec soin, dans l'exposi- tion, de reprendre ainsi de trop loin; car ce dé- faut n'apasbesoin d'être relevé, comme beaucoup d'autres; il se manifeste de lui-même. XXIII. Une raison est vicieuse, lorsqu'elle ne va pas à l'exposition, soit par sa faiblesse, soit par sa fausseté. Elle est faible, quand elle ne prouve pas nécessairement la vérité de ce qu'on a exposé; comme dans cet exemple de Plaute : C'est une chose désagréable de reprendre un ami pour une faute, mais c'est quelquefois utile et profitable. Voilà l'exposition; voyons la raison qui vient ensuite : car moi-même je reprendrai aujourd'hui mon ami pour celle qu'ila commise. C'est d'après ce qu'il va faire, et non d'après ce qu'il convient de faire, qu'il donne la raison de l'utilité de son action. La raison est fausse lors- qu'elle s'appuie sur une fausseté : « On ne doit « pas fuir l'amour, car il est la source de la plus « véritable amitié. Ou bien : « Il faut fuir la philosophie, parce qu'elle amène l'engourdisse- « ment et la paresse. « Car si ces raisons n'étaient point fausses, il faudrait reconnaître la vérité de l'exposition qui les précède. La raison est faible encore quand elle ne forme pas la base nécessaire de l'exposition. Ainsi, dans Pacuvius Les philosophes nous disent que la fortune est insensée, aveugle, sans discernement; ils nous la représentent roulant sur un globe de pierre; ce qui leur fait penser qu'elle tombe à l'endroit où le hasard a poussé ce globe. Elle est aveugle, répètent-ils, parce qu'elle ne voit pas où elle se fixe; elle est insensée, parce qu'elle est cruelle, incertaine, capricieuse; sans discernement, parce qu'elle ne peut distinguer celui qui mérite ou ne mérite pas ses bien- faits. Tl y a d'autres philosophes qui nient au contraire qu'aucun malheur vienne de la for- tune, et soutiennent que la témérité gouverne tout; ce qui est vraisemblable, disent-ils, et démontré par l'expérience. Oreste, par exem- ple, de roi, qu'il était d'abord, devint men- diant; mais ce fut l'effet de son naufrage, et non pas l'oeuvre de la fortune. Pacuvius se sert ici d'une raison bien faible pour donner plus de vraisemblance à l'empire du hasard, qu'à celui de la fortune; car, dans l'une comme dans l'autre opinion des philoso- phes, il a pu arriver que celui qui était roi de- vînt mendiant. AMEV. Une raison est faible, lorsque parais- sant s'offrir à ce titre, elle ne fait que répéter ce qui a été dit dans l'exposition. Par exemple : « L'avarice cause de grands maux à l'homme, parce que le désir sans bornes des richesses, « lui fait subir de cruels et de nombreux incon- « vénients. » Car ici la raison ne fait que re- produire en d'autres termes ce qui a été énoncé dans l'exposition. La raison est faible aussi, quand elle ne prête à l'exposition qu'un appui plus faible que celui dont elle a besoin ; par exemple : « La sagesse est utile , parce que ceux qui la pos- sèdent, pratiquent ordinairement la piété. » Ou bien : « II est utile d'avoir de vrais amis, car « c'est le moyen d'avoir avec qui plaisanter. » Car, dans ce cas, l'exposition s'appuie sur une raison qui n'est ni générale, ni absolue, mais qui l'af- faiblit. La raison est faible également, quand elle peut convenir à une autre exposition , comme dans l'exemple de Pacuvius qui prouve, par une seule et même raison, que la fortune est aveugle et qu'elle est sans discernement. Bans la confirmation des raisons, il y a un grand nombre de défauts que nous devons éviter pour nous-mêmes, et découvrir dans nos adver- saires; observation qui demande d'autant plus de soin, qu'une confirmation bien travaillée forme le plus solide appui de l'argumentation. Aussi les auteurs laborieux, pour appuyer leurs raisons, se servent-ils du dilemme, comme dans cet exemple : Vous me traitez, ô mon père, avec une ri- gueur que je ne mérite pas; car si vous aviez jugé Cresphonte un méchant homme, pourquoi me le donniez-vous pour époux? Si c'est, au contraire, un homme de bien, pourquoi me forcer, contre ses voeux et les miens, de m'en séparer? Cette argumentation se réfute, soit en la re- tournant tout entière, soit en en combattant une partie. En la retournant, quand on dit, par exem- ple : Je ne commets, ma fille, aucune injustice à ton égard. Si Cresphonte est vertueux, j'ai dû te le donner pour époux; s'il ne l'est pas, je t'arrache, par le divorce, aux malheurs qui te menacent. En combattant une partie, quand on ne repousse que l'une des deux conclu- sions, par exemple : Si vous avez jugé Cresphonte un méchant homme, pourquoi me le donniez-vous. pour époux? — Je l'ai cru plein de probité ; je inc suis trompé, je l'ai reconnu plus tard, et je m'éloi- gne de lui. La réfutation de cet argument est donc de deux espèces : la première est plus piquante ; la seconde est plus facile à trouver. XXV. La confirmation des preuves est défec- tueuse, lorsqu'on donne pour le signe certain d'une chose ce qui peut en indiquer plusieurs autres ; ainsi : « I l faut nécessairement qu'il ait été malade, puisqu'il est pâle. Cette femme a « certainement accouché, puisqu'elle tient un « nouveau-né dans ses bras. » Car, ces signes n'ont rien de certain en eux-mêmes, si d'autres, de même nature, ne concourent avec eux; s'ils s'y joignent, ils ne laissent pas que de donner quelque poids à la conjecture. C'est encore un défaut d'avancer contre l'adversaire une chose qui peut s'appliquer à tout autre, ou même à celui qui parle, comme dans ce cas : C'est un malheur que de se marier. — Et vous avez pris une seconde femme! On a tort également, lorsqu'on ne présente qu'une défense banale, telle que celle-ci C'est « la colère qui l'a rendu coupable, ou bien la jeu- « vesse, ou l'amour. » Car de semblables excuses, si on les admettait, laisseraient les plus grands crimes impunis. C'est encore un défaut de prendre pour certain ce dont tout le monde n'est pas d'accord, et ce qui est encore en litige ; par exem- ple : Ne sais-tu pas, toi, que les dieux, dont la puissance gouverne les cieux et les enfers, en- tretiennent dans l'Olympe la paix et la con- corde? C'est un exemple que, de son autorité privée, Ennius met dans la bouche de Cresphonte, comme si, par des raisons assez fortes , il avait déjà dé- montré la vérité de ce point. C'est une mauvaise excuse que de dire que l'on a reconnu sa faute trop tard, et quand elle était déjà commise, comme celle-ci : « Si j'y avais, tre un autre l'accusation d'homicide allait, « avant de fournir les preuves nécessaires, am- « plifier le crime, et dire qu'il n'y a rien de plus « affreux que l'homicide. » Car la question est de savoir, non pas si le crime est affreux, mais s'il a été commis. La conclusion est mauvaise, si elle ne s'atta- che pas à l'ordre établi dans le discours; si elle nest pas succincte; si elle ne laisse pas voir, après la récapitulation, un point certain et fixe, qui montre quel était le but de l'argumentation, celui des preuves, de leur confirmation, et le résultat de l'oeuvre tout entière de l'orateur. XXX. Les conclusions, que les Grecs appellent épilogues, ont trois parties : l'énumération, l'am- plification et la commisération; car elles doivent énumérer, amplifier, attendrir. On peut les em- ployer en quatre endroits différents du discours : dans l'exorde, après la narration; à la suite des preuves confirmatives; et dans la péroraison. L'énumération recueille et rappelle en peu de mots ce dont nous avons parlé, pour en renouve- ler le souvenir, et non pour les répéter ; elle re- produit l'ordre que nous avons suivi dans nos pensées, afin que l'auditeur, s'il les a confiées à sa mémoire , puisse les y retrouver avec ce se- cours. Il faut avoir soin de ne pas faire remonter l'énumération à l'exorde ou à la narration ; car alors l'orateur paraîtrait n'avoir fait et préparé son discours avec tant de soin que pour faire éta- lage de son art, de son esprit ou de sa mémoire. 11 faut donc ne la commencer qu'à la division; puis exposer rapidement ce qu'on a dit dans la con- firmation et la réfutation. L'amplification emploie le lieu commun pour exciter l'auditeur en faveur de la cause. Il y a dix sortes de lieux communs très-propres à exagérer une accusation. Le pre- mier se tire de l'importance et de la dignité d'une chose, prouvée par l'intérêt qui y ont pris les dieux immortels, nos ancêtres, les rois, les cités, les na- tions, les hommes les plus sages, le sénat, et surtout par la sanction qu'elle a reçue des lois. Le second consiste à examiner quels sont ceux auxquels se rapporte la chose qui fait le sujet de l'accusation; si c'est à l'universalité des hommes, ce qui la rend plus atroce; si c'est aux supérieurs, c'est-à-dire, ceux qui fournissent le premier lieu commun, ce- lui de l'importance de la chose; si c'est aux égaux, c'est-à-dire à ceux qui sont placés dans une situation pareille, du côté de l'esprit, du corps ou de la fortune ; ou enfin , aux inférieurs , ceux qui, sous tous ces rapports, sont au-dessous de l'accusé. Au moyen du troisième, on demande ce qui arrivera si l'on a la même indulgence pour tous les coupables; et, dans cette supposition, on fait voir quels seraient les dangers et les inconvé- nients auxquels on s'exposerait. Le quatrième sert à démontrer, que si l'on fait grâce à l'accusé, beaucoup d'autres, que la crainte du jugement retient encore , se porteront au crime avec plus d'ardeur. Le cinquième fait voir, que si l'on pro- nonce une fois autrement, rien ne pourra porter remède au mal, ni réparer l'erreur des juges. C'est là qu'il ne sera pas inutile de montrer par des exemples qu'il y a d'autres abus que le temps peut affaiblir, ou la prudence rendre sans danger; mais que pour celui dont il s'agit , rien ne pourra contribuer à l'atténuer ni à le détruire. Le sixième démontre la prémédita- tion, et établit qu'il n'y a pas d'excuse pour un crime volontaire, tandis qu'on peut pardonner avec justice à l'imprudence. Le septième fait ressortir tout ce qu'il y a eu d'horrible, de cruel, d'atroce, d'oppressif dans le crime; tels sont, par exemple, les outrages commis envers des femmes, ou quelqu'une de ces entreprises qui mettent les armes à la main, et font répandre le sang dans les combats. Le huitième démontre que le crime qu'on poursuit n'est point ordinaire , mais unique, infâme, atroce , inouï, et qu'il ap- pelle une vengeance d'autant plus prompte et plus terrible. Le neuvième sert à établir une compa- raison entre les délits : on établit, par exemple, que c'est un plus grand crime d'attenter à l'hon- neur d'une femme libre, que de piller un tem- ple; parce que l'un peut naître du besoin, et que l'autre prouve l'absence de tout frein dans la passion. Le dixième lieu commun, expose toutes les circonstances qui accompagnent et qui sui- vent un fait avec tant de vigueur, tant de soin, ` d'adresse et de vérité, que l'auditeur semble voir revivre l'action elle-même. XXXT. On excite la compassion dans l'âme de l'auditeur, en rappelant les vicissitudes de la for- tune; en mettant en parallèle la prospérité dont nous avons joui, et l'adversité qui nous poursuit à présent; en plaçant sous ses yeux l'énumération et le tableau de tout ce qui résulterait de fâcheux pour nous, si nous perdions notre cause ; en re- courant aux prières, et nous mettant à la merci de ceux que nous implorons. Retraçons les maux que notre disgrâce fera retomber sur nos parents , nos enfants, nos amis; et montrons-nous affligés non pas de nos propres souffrances, mais de la solitude et de la misère qui les menacent. Faisons connaître la clémence, l'humanité, la douceur que nous avons montrée nous-mêmes envers les autres. Prouvons que nous avons été toujours ou souvent malheureux; déplorons le malheur de notre destinée ou les persécutions de la fortune; protestons de la fermeté de notre âme et de notre résignation pour les malheurs à venir. Mais il ne faut pas s'arrêter sur les moyens de compassion; car rien ne sèche plus vite que les larmes. J'ai traité dans ce livre tous les points les plus obscurs de l'art; c'est ce qui m'engage à le ter- miner. Je réserve pour le troisième tous les autres préceptes qui me paraîtront nécessaires. Si vous mettez autant de soin à les suivre que j'en ap- porte à les tracer, je trouverai dans votre instruc- tion le fruit de mes soins, et vous-même me sau- rez gré de mes efforts en vous réjouissant de vos progrès. Vous deviendrez plus habile par la con- naissance des préceptes de l'art, et moi je ne mettrai que plus de zèle à compléter mon ou- vrage. Cet espoir ne me trompera pas , je le sais; car je vous connais bien. Je vais donc passer à présent aux autres préceptes, car mon plaisir le plus grand est de remplir votre légitime at- tente.