[0] PIERRE CHRYSOLOGUE. LETTRE A EUTYCHES. OU IL REPOND A SES ERREURS PAR UN EXEMPLE. [1] À son très cher et justement honorable fils le prêtre Eutychès, Pierre, évêque. J'ai lu tristement vos tristes lettres, et parcouru avec affliction vos affligeants écrits. Car, comme la paix des églises, la concorde des prêtres, la tranquillité du peuple nous réjouit d'une joie céleste, ainsi ladivision.de nos frères nous afflige et nous accable, surtout quand elle a de semblables causes. Les lois humaines, par un laps dé trente ans, éteignent tous les différends des hommes, et, après tant de siècles, on dispute témérairement sur la génération du Christ, que la loi divine nous propose comme inexplicable. Vous n'ignorez pas dans quels égarements s'est jeté Origène en recherchant les principes et Nestorius en disputant des natures. Des mages ont reconnu Jésus pour Dieu dans son berceau, et des prêtres, par un procédé auquel on ne peut penser sans douleur, demandent aujourd'hui qui est celui qui est né de la Vierge et du Saint-Esprit ? Lorsque Jésus faisait entendre le vagissement de l'enfance dans la crèche, l'armée céleste chantait : Gloire à Dieu dans les hauteurs, et maintenant, qu'au nom de Jésus tout genou fléchit ; au ciel, sur la terre et dans les enfers, on émeut la question de son origine ? Nous, mon frère, nous disons avec l'apôtre Et si nous avons connu le Christ selon la chair, nous ne le connaissons plus de même. Nous ne pouvons scruter d'une manière injurieuse celui que nous at-tendons et que nous redoutons comme notre juge. [2] J'ai répondu en peu de mots à vos lettres, mon frère, et je l'eusse fait plus au long si notre frère et coévêque Flavien m'avait écrit sur cette affaire. Car, puisque vous vous plaignez vous-même de n'avoir pas été entendu, comment pouvons-nous juger de ce que nous n'avons ni vu ni entendu de ceux qui étaient présents ? Celui-là n'est point un médiateur équitable, .qui entend tellement une partie qu'il re-fuse d'écouter l'autre. Nous vous exhortons sur toutes choses, honorable frère, à vous soumettre à ce qui a été écrit par le bienheureux Pape de Rome ; car saint Pierre, qui vit et préside dans son Siège, donne la vérité de la foi à ceux qui la cherchent. Quant à nous, affectionné que nous sommes pour la paix et pour la foi, nous ne pouvons entendre les causes de la foi sans le consentement de l'évêque de Rome. [3] Que le Seigneur, très cher et très honorable fils, daigne accorder à Votre Charité des jours longs et heureux.