[125,0] CXXV. DU LIEU DE LA MORT.. 1. Si tu meurs hors de ton pays, considère si cela t'est arrivé comme à un pélerin qui voyage, ou comme à un homme banni. Soit donc qu'un honnête désir de voir et d'apprendre, ou qu'une dévotion religieuse t'ait détenu en des terres étrangères, il te faut réjouir de ce que la mort te surprend dans un exercice louable ou dans une action vertueuse. Soit qu'un jugement équitable t'ait contraint de t'y retirer, il te faut souffrir non seulement avec constance, mais encore d'une franche volonté cette indisposition nécessaire. En effet, il n'est point de meilleur moyen pour expier le crime d'un homme qui a toujours vécu dans l'injustice, qu'une paisible et volontaire souffrance d'une juste punition. Que si tu souffres le bannissement par la violence d'un homme plus puissant que toi, il ne faut pas t'affliger pour cela, mais te réjouir de n'être plus sous la domination de la tyrannie. Mais j'ai assez parlé de ce sujet quand je t'ai entretenu sur l'exil, et que je t'ai fait voir que tout le monde est la patrie particulière du sage. 2. J'ajoute ici, comme j'ai observé en un autre endroit, que de mourir comme tu fais, ce n'est pas rendre l'âme hors de ton pays, c'est y retourner. Il n'y a point de plus droit ni de plus court chemin que celui-là. As-tu oublié l'aventure de cet Eudème Cypriote, ami d' Aristote, dont ce philosophe et l'orateur Romain font une mention uniforme ; lequel étant tombé grièvement malade en Thessalie, eut vision en songe qu'il serait bientôt guéri, et qu'il retournerait dans cinq ans en son pays, comme au contraire qu' Alexandre Phérée, tyran de la ville où il se trouvait pour lors, mourrait aussitôt. Et comme peu de jours aprés il eut recouvert sa première santé, contre son attente, et que ce tyran fut tué par ses proches, il s'attendait de retourner en sa patrie au temps que le ciel même semblait lui avoir promis, vu principalement que sa vision avait été à son avis vérifiée de tout point; cependant sur la fin de la cinquiéme année il mourut en combattant à Syracuse, et les interprètes des rêveries dirent qu'il était ainsi retourné en son pays ; afin qu'il n'y eut apparemment rien de faux dans le songe d'un homme si sage. J'ai dit ailleurs ce que je pensais de ces représentations visionnaires, et t'ai voulu faire voir ici ce qui est arrivé au sujet du retour d'un autre en son pays, afin que tu juges le même du tien. 3. Je ne faudrai point d'user ici de redite, puisque tes répliques m'y obligent. Nul donc ne meurt hors de son pays, comme je t'ai déjà fait voir en parlant de la relégation, ou bien il est certain que tous meurent de la sorte. C'est l'opinion des habiles, que chaque région du monde est la patrie d'un homme et principalement d'un esprit généreux que l'affection n'attache point en un endroit plus qu'à l'autre. Quelques-uns ont cru qu'une personne ne doit prendre pour son pays que le lieu où l'on se trouve le mieux ; et d'autres tiennent pour maxime, que nous n'avons point, à proprement parler, de vraie patrie en ce monde La première opinion vient d'une philosophie commune; mais la seconde est un résultat de la plus haute. Quoiqu'il en soit, si tu meurs hors du lieu où tu es né, sache que celui où tu meurs est enfin ta plus véritablc patrie. En effet, elle te possédera le plus longtemps, ne te permettra point de courir ça et la, et t'embrassant dans son sein, elle t'attachera là comme un habitant qui lui appartient en propriété, et qui ne la quittera jamais. Après tout, apprends à souffrir une terre qui te transformera en elle-même, quoique tu sois né ailleurs. 4. Et puis, tu n'es pas le seul qui trouve la mort, et qui cherches un sépulcre hors de la vue de tes proches. Ces hommes divins que le ciel avait envoyés sur la terre, et que le même siècle avait produits au même endroit, qui était comme le milieu de l'univers, se virent écartés par tout le monde, tant en leur mort qu'en leur sépulture. L'un gît à Éphèse, l'autre en Syrie, l'autre en Perse, l'autre en Arménie. Les Indes gardent le corps de l'un, l'Éthiopie de l'autre, l'Achaïe en a sa part, Rome même et le fonds des Espagnes en possèdent quelques-uns. On dit pourtant en certaines villes d'Italie qu'on a transféré les uns d'un lieu où ils étaient morts mais ce n'est que par la moitié qu'ils semblaient être terrestres : car pour leur âme, qui est cette partie céleste et éternelle, il y a longtemps sans doute qu'elle est retournée au ciel comme elle en était venue. 5. Que dirai-je des docteurs qui sont comme les personnes du second ordre de l'église. Bethléem en ravit un à Strigonie, et puis Rome l'emporta sur Bethléem. La France en ôta un autre à la Pologne, et Paris a fait perdre à Athènes un' de ses plus beaux ornements. Rome en a fait rendre quelques-uns à la Grèce et à l'Espagne. Milan gagna sur Rome le plus grand homme de son siècle, lorsqu'il était encore en vie, et après sa mort, son corps fut envié par la Sardaigne à l'Afrique, et par Pavie à la Sardaigne. Je te parle ici des plus illustres personnages du christianisme, et principalement de le deux grand soleils de l'Occident, qui ayant été égaux en mérites, étroitement unis de coeur et d'esprit, et voisins de corps, sont pourtant morts hors de leurs pays aussi bien que toi. Tu sais déja leurs noms, de même que ceux des autres, c'est pourquoi il n'est pas nécessaire de t'en faire une mention plus expresse. Ainsi je passe à la hâte beaucoup de choses. Mais afin que tu ne manques non plus de quelques exemples du troisième ordre, Chypre en a dérobé les uns à la Palestine, et l'Italie à l'Espagne ; la campagne de Rome en a pris d'autres sur la Nursie et Bologne et Padoue semblent se débattre à qui pourra le plus conter de ces larcins vertueux. Tant il est vrai que comme la vérité même a dit que nul n'est prophète en son pays, on peut dire aussi que la doctrine et la sainteté n'est jamais plus estimée que lorsqu'elle passe pour étrangère. 6. Tu comprends bien tout ce que je veux dire, tant par cette belle maxime, que par ces illustres exemples, mais nonobstant cela tu meurs malgré-toi hors de ton pays. Je te dirai aussi que je reconnais bien la cause d'un regret si mal conçu. C'est qu'au lieu que ces saintes âmes dont je te parlais, étant toujours attachées de coeur et de pensée au ciel, ne se souciaient plus d'une patrie terrestre, tu n'as pas encore quitté l'amour que tu as pour la terre, mais qu'il te faut quitter à ma persuasion, si tu aspires à cette patrie céleste. Je veux pourtant te nommer encore d'autres amis de la vertu, et qui se souvenaient du ciel, quoique pour sa considération ils ne se fussent pas encore tous oubliés de la terre. 7. Les os de Pythagore natif de Samos furent ensevelis à Métaponte. Gayette vit mourir Cicéron qui avait reçu le jour à Arpinum, et l'éducation a Rome. Pline, qui dans son enfance se baignait dans l'Adicée, fut étouffé dans sa vieillesse par les cendres du Vésuve. Mantoue mit Virgile au monde ; mais Brindes, ou comme d'autres disent, Tarente l'en tira et son corps gît à présent à Naples. Ovide fut produit à Sulmone, et trouva son décès dans son exil du Pont-Euxin. Térence le comique fut comme on dit engendré à Carthage, instruit à Rome et enterré en Arcadie. Horace vint de la Poüille, Ennius de Calabre ; Stace de la Gaule Narbonnaise ; Ausone de Gascogne; les Sénèques de Cordoue, soit qu'on en doive reconnaître seulement trois ou quatre, comme veulent quelques-uns, à savoir les deux Annaees père et fils ; Gallion et Lucain. Quoiqu'il en soit, Rome arrêta tous ces grands hommes, et les ensevelit pour la plupart, comme elle en usa de même envers Plaute originaire d'Arpin ; Lucilius d'Arunque, Pacuve de Brindes; Juvénal d'Aquin ; Properce de l 'Ombrie ; Valerius d'Atium ; Catulle de Vérone ; Varus de Crémone ; Gallus de Flory ; Actius de Pesaro; Cassius de Parme; Claudien de Florence; Perse de Volterre, et une infinité d'autres, n'y ayant eu que Tite-Live de Padoue qui fut à peine et bien tard rendu à sa patrie, comme si on ne lui eût donné ce privilège particulier que pour y trouver sa sépulture. On peut dire aussi que Rome qui a servi de théâtre ou de tombeau à tant d' illustres, natifs d'autres lieux, en a engendré beaucoup dans son sein pour mourir ailleurs. Le monde est comme une maison étroite, et il a ses quatre angles à passer afin qu'on passe d'une extrémité a l'autre. Et de vivre ici et mourir là, c'est ce qui n'est non plus difficile à des âmes généreuses, que de sortir du bain pour entrer dans une salle de repos, ou de changer un ameublement d'été pour en mettre un d'hiver. Cette vicissitude de naissance et de sépulchre est commune à tous les hommes, principalement à ceux qui sont extraordinaires. 8. Quoique je te puisse dire, tu ne laisses pas de mourir fort triste hors de ton pays, mais tu ne pourrais mourrir plus gaiement en ton lieu natal. On voit par là que vous vous flattez en vos pleurs, comme s'il y avait quelque plaisir à pleurer. Mais si les exemples d'une pauvreté remplie de sainteté, de doctrine et de discrétion ne peuvent pas soulager un esprit prévenu des erreurs du peuple, je pourrai peut-être mieux réussir à te consoler si je te montre que ce que tu déplores est arrivé au plus heureux des rois et des empereurs, comme aux plus vaillants capitaines de tous les siècles. Après quoi je verrai si tu oseras refuser de suivre la fortune des plus grands hommes du monde. Et ne t'emporte point là-dessus en me disant par prévention, que tu sais bien tout ce que j'ai à te dire et à te rapporter sur cette matière, que tu n'as que faire de paroles, qu'il te fâche toujours de mourir comme en exil sans y avoir été condamné et que le lieu de ton décès en aggrave le déplaisir inévitable. Je reconnais par là que tu appréhendes la main qui te veut guérir. 9. Je ne laisserai pourtant pas de passer outre, c'est à toi à voir si mes soins seront suivis d'un heureux effet. Il me suffira pour ma décharge de t'avoir dit la vérité, et de t'avoir donné des avis également fidèles et salutaires. Représente-toi donc qu'Alexandre ayant été engendré à Pelle, et fait mourir à Babylone, la ville d'Alexandrie conserva le nom et les cendres d'un si auguste fondateur. Un palais royal d'Albanie avait élevé un autre Alexandre que le fleuve Lucan engloutit dans ses gouffres. La Perse avait produit le roi Cyrus, et la Scythie vit mettre son corps en pièces.. Tout Rome et tout l'empire Romain avaient honoré M. Crassus et le grand Pompée, et une ville qui avait pu supporter leur grandeur pendant leur vie eut eu sans doute assez d'étendue pour contenir leurs cendres aprés leur mort, si le sort l'eut voulu permettre. Mais un peu de terre en Assyrie couvrit le corps de l'un au-de-là de l'Euphrate ; et celui de l'autre fut balotté par les vagues de la mer d'Égypte. Le dernier Caton reçut l'origine et le nom de Rome, et sa fin et son surom d'Utique. Rome enfanta encore les Scipions comme les plus nobles et les plus utiles rejetons de la République, qui devaient la sauver diverses fois, et lui servir toujours d'ornement ; cependant le sort de leur vie les écarta tellement les uns des autres, que les d'eux qu'on appelle Grands ont leur tombeau dans l'Espagne : et Africain l'ainé gisant à Linternum, Nasica à Pergame, et Lentulus en Sicile, leurs sépulchres sont ainsi bien divers et bien éloignés entr'eux. Il n'y a que l'Asiatique et le jeune Africain qui soient ensevelis à Rome, encore peut-on dire qu'ils l'eussent été plus favorablement en quelque exil qu'ils fussent allés. En effet, l'un fut puni par la prison, et l'autre par la mort. C'est ainsi que bien souvent on peut mieux vivre et mieux mourir partout ailleurs qu'en son pays et qu'on n'est jamais plus durement couché qu'en sa propre maison. - 10. Les trois Décius, quoiqu'on ne parle ordinairement que de deux, moururent très constamment hors de leur patrie ; le père combattant vaillamment contre les Latins, le fils contre les Toscans, et le neveu contre Pyrrhus, comme Cicéron le remarque. Quel ordre observerai-je à faire mention des plus grands capitaines de tous les ordres, qui ayant été engendrés à Rome, sont pourtant décédés ailleurs? L'Afrique vit mourir Attilius Regulus pour sauver sa patrie et garder la foi voire à son ennemi, mais sa fin fut d'autant plus glorieuse qu'elle parut plus cruelle. Et en la guerre, qui suivit après, Caius Flaminius rendit l'âme à Cortone ; Aemilius Paulus à Cûmes ; Claudius Marcellusà Venusia ; et Tyberius Graccus dans la Lucanie; nul de tous ceux là n'eut le bonheur de mourir à Rome, quoique pour sa gloire ils eussent tant de fois triomphé si heureusement. Drusus et Marcellin, ces deux grandes espérances de l'empire Romain, ces fleurs qui promettaient de si beaux fruits, furent tranchés par la faux de la mort en l'avril même de leur âge. Ils furent à la vérité ramenés tous deux en leur pays, mais ce fut après être morts bien loin de là. En effet l'un périt en Allemagne, et l'autre sur la côte de Baies; l'un au milieu de l'armée, et l'autre dans une maison de plaisance, mais tous deux hors de leur patrie. 11. Au reste, es-tu plus superbe qu'un Tarquin ou plus puissant qu'un Sylla ? Celui-là pourtant mourut en exil a Cûmes, et celui-ci à Puozzuolo. Mais pourquoi fais -je mention des moindres exemples où les plus grands te peuvent convaincre? Auguste César, le vrai père de la patrie, décéda hors de sa patrie à Nole, ville de la Campagne. Tibère dissemblable en ses moeurs, mais égal par l'empire à l'autre, rendit l'esprit à Misène dans la même province. Vespasien et Titus qu'on pourrait appeler les meilleurs princes du monde, s'ils n'avaient fait tant de mal aux chrétiens, expirèrent dans une même maison des champs, comme il était convenable à un père et à un fils bien unis durant leur vie, et quoique ce lieu ne fut pas beaucoup éloigné de la ville, ils moururent pourtant hors de Rome. L'Occident donna la vie à Trajan, et l'Orient la lui ôta. Septime Sévère, ayant eu une basse origine en Afrique, et un superbe empire- à Rome, trouva sa sépulture à Yroch en Angleterre. Théodose qui était né en Espagne et mort à Milan, fut enseveli à Constantinople, qui tenait déjà les os du fondateur dont elle tenait le nom, lequel avait pris naissance en un autre lieu. 12. Que dirai-je des autres? L'île de Candie-reçut Lycurgue comme il s'enfuit de Sparte.. La même île vit partir le roi Saturne, quand il fut chassé par son fils, et apprit depuis que ce prince malheureux, ayant longtemps été caché en Italie, y fut enfin inhumé. Les cendres d'Hannibal, cette grande lumière d'Afrique et ce foudre de guerre de Carthage, sont enfermées dans une urne de. Bithynie. Thésée, Thémistocle et Solon, qui sont comme les trois couronnes des Athéniens, furent tellement séparés par la fortune, que le premier fut enseveli en Syrie, le second en Perse, et le troisième en Chypre. Leurs sépulcres certes sont bien petits pour de si grands hommes. Le jour me manquerait si je voulais m'arrêter à faire un détail plus particulier et mon dessein n'est pas de t'accabler d'histoires, mais de te donner des avis exemplaires. Tu sais que le sage Romain a fort bien dit que le chemin à la sagesse est fort court par exemples, comme il est fort long par préceptes. 13. Tu m'avoues toutes ces vérités, mais tu me nies que tous ceux dont je t'ai parlé, ou dont je pourrais te parler, soient morts volontairement hors de leur pays ; au contraire, tu crois qu'ils avaient bien de la répugnance à mourir de la sorte, et qu'ils en ressentaient un extrême déplaisir. Tu n'es dans cette créance, que parce que tous les insensés jugent des autres par eux-mêmes, et ne peuvent s'imaginer que ce qui leur est difficile soit possible à qui que ce soit. Et il se peut faire que tu ajoutes foi à ce vieil proverbe, qui porte que c'est une bonne chose de vivre aux pays lointains ; mais qu'il fait mauvais y mourir. Au contraire l'un et l'autre est également bon, pourvu qu'on y procède avec une constance honorable; comme au contraire ils sont également mauvais si l'on s'y comporte avec une lâcheté qui pleure. Je te dirai encore une chose qui t'étonnera, comme étant diamétralement opposée à la maxime vulgaire dont je viens de te parler. C'est que s'il y a quelque plainte légitime à faire coutre les lieux; elle doit être plutôt permise à un homme vivant, qui peut y avoir quelque intérêt, qu'à un homme qui s'en va bientôt mourir. Car étant obligé de sortir de tous lieux, il ne peut avoir d'attachement raisonnable à quelqu'un d'eux en particulier. 14. Tu te sens touché de mon discours, mais avec tout cela tu aimerais mieux mourir en ton pays qu'en une terre étrangère. Je t'avoue que la volonté de l'homme est sans frein, et indomptable d'elle-même, bref qu'elle ne peut se vaincre à moins d'être fortifiée de la sagesse et de la vertu. Que si tu veux peser plus mûrement ces choses, tu confesseras que tout ce qui t'inquiète ne te touche point à le bien prendre, puisque tu ne saurais plus vivre en un autre endroit non plus qu'en celui où tu te trouves ; que tes os ne peuvent désormais avoir aucun sentiment pour discerner où ils peuvent être plus durement ou plus mollement couchés, et que tu n'arriverais jamais par un chemin plus facile et plus court où tu pretends aller, quand bien tu partirais d'ailleurs. Ce fut pour cela qu'Anaxagore mourant dans un pays éloigné, comme ses amis lui demandaient s'il ne voulait pas qu'on le rapportât en son pays, leur dit qu'il n'en était pas de besoin, et leur en apporta la raison, à savoir "qu'il y a tout autant de chemin d'un lieu que d'un autre pour aller dans les enfers". Cette réponse ti est pas moins propre à ceux qui doivent monter au ciel qu'à ceux qui doivent descendre dans les abîmes éternels. 15. Mais pour revenir à toi, encore que tu souhaites assez de mourir dans ta maison ; si tu y étais, tu voudrais possible être ailleurs. En effet, persuade-toi une vérité, et apprends du moins en mourant ce que ta devais apprendre durant ta vie. Il est malaisé de vous satisfaire, ô mortels, étant delicats et plaintifs comme vous êtes, vu principalement que tout ce que vous avez vous semble toujours vil et méprisable, et que vous ne souhaitez ordinairement que ce dont vous êtes privés. Quand tu rendrais l'âme dans ton logis, tu y verrais beaucoup de choses qui te rendraient la mort plus fâcheuse. C'est pourquoi tu dois croire que la Providence t'en éloigne afin que n'ayant plus d'autres pensées tu ne songes qu'à Dieu seul et qu'au salut de ton âme. Enfin, le ciel ne se montre partout que pour te faire voir qu'il n'est point d'endroit d'où l'on n' y puisse aller en quelque région de la terre qu'on se rencontre.