[6,0] LIVRE VI. [6,1] I. Tandis que ces choses se passaient chez les Lombards de l'autre côté du Pô, Romuald Duc des Bénéventins, rassembla une forte armée, et prit Tarente, Brindes et toute la vaste région des environs. Dans ce même temps sa femme Theuderade fit construire hors des murs de Bénévent, la belle Basilique en l'honneur de saint Pierre Apôtre, et elle fonda dans le même lieu un monastère de filles servantes de Dieu. [6,2] II. Romuald ayant régné seize ans quitta ce monde, son fils Grimoald lui succéda et régna trois ans sur le peuple Samnite. La femme de celui-ci fut Wigilinde sœur de Cunibert et fille du Roi Bertaride. Grimoald étant mort son frère Gusulf lui succéda et régna dix sept ans. Il eut de sa femme Winiberthe un fils appelé Romuald. Vers ces temps-là le mont-Cassin était désert et le corps de saint Benoît y reposait au sein de la solitude. Alors des Francs venant d'Orléans ou de la région des Cenomaniens firent semblant de vouloir passer la nuit auprès de son corps, et enlevèrent les os de son vénérable père et ceux de sa sœur Scholastique. Ils les portèrent dans leur Patrie et c'est alors que furent construits les monastères de saint Benoît et de sainte Scholastique. Mais il est certain que c'est chez nous qu'est restée sa bouche vénérable, plus douce que le nectar, des yeux qui regardaient toujours le ciel, et ses autres membres qui véritablement sont réduits en cendres. Car il n'y à que le corps de notre seigneur qui n'ait point souffert de la corruption; mais les corps des autres saints quoiqu'ils y soient sujets n'en souffrent cependant pas, lorsqu’ils sont réservés pour faire des miracles, et d'ailleurs ils doivent tous être réparés pour servir à la gloire éternelle. [6,3] III. Rodoald était Duc de Frioul; mais s'étant éloigné de sa capitale, Ansfrit de Reunia, s'empara de son duché sans la permission du Roi. Rodoald s'enfuit d'abord en Istrie, puis il prit un vaisseau, et passa à Ravenne et de là à Pavie, où il alla se plaindre au Roi Gunibert. Ansfrit, non content d'avoir usurpé le duché de Frioul, tenta encore de s'emparer de tout le royaume et se révolta contre le Roi. Mais il fut pris à Vérone, on le conduisit devant le Roi, et celui-ci lui fit crever les yeux et l'exila. Adon gouverna le duché de Frioul au nom de son frère, avec le titre de conservateur. Ce qui dura un an et sept mois. [6,4] IV. Tandis que ces choses se passaient en Italie, l'Hérésie commença à se manifester à Constantinople en affirmant qu'il n'y avait en notre seigneur I. C. qu'une volonté, et une opération. Les auteurs de cette Hérésie étaient Grégoire Patriarche de Constantinople, Macare, Pyrrhus, Paul et Pierre. Constantin Auguste rassembla cent cinquante Evêques, entre lesquels se trouvèrent aussi des légats de la sainte Eglise Romaine envoyés par le Pape Agathon; c'étaient le Diacre Jean et Jean Evêque de Porto. Et tous condamnèrent cette Hérésie. Dans ce moment là beaucoup de toiles d'araignées tombèrent au milieu du peuple, ce qui étonna tout le monde. Cela marquait simplement que les saletés de la méchanceté hérétique venaient d'être balayées. Le Patriarche Grégoire fut corrigé, les autres qui persévérèrent dans sa défense furent frappés de la vengeance de l'anathème. Dans ce temps là Damien Evêque de Pavie, composa une belle épître sous le nom de Mansuetus Archevêque de Milan. Cette épître mérita tous les suffrages, dans le Synode susdit. Car la vraie foi est de dire, que puisqu'il y a dans notre Seigneur Jésus Christ deux natures, savoir la nature humaine et la divine, il y a aussi deux opérations et deux volontés. Voulez-vous l'entendre sur sa nature divine? Et bien il vous dit: Moi et mon père, nous ne sommes qu'un. — Voulez-vous l'entendre au sujet de sa nature humaine, il vous dit : Mon père est plus grand que moi. — Voyez-le selon l'humanité. Il dort dans une barque voulez-vous considérer sa divinité, écoutés l'Evangéliste. Il se lève et commande aux vents et à la mer, et il fit une grande tranquillité. — Ce fut là le sixième Synode universel célébré à Constantinople. Il a été conscript en langue grecque, du temps du Pape Agathon, comme Constantin gouvernait et résidait dans l'enceinte de son palais. [6,5] V. Dans ces temps-là, dans la huitième indiction la lune souffrit une éclipse, et bientôt après c'est à dire le cinq des nones de mai il y eut une éclipse de soleil vers les dix heures de jour. Puis il s'ensuivit une grande peste, dans les mois de juillet, août et septembre. Les parents et les enfants, le frère et la sœur, étaient posés deux à deux sur les brancards et on les portait ainsi aux sépulcres, qui sont hors de Rome, la peste fit les mêmes ravages a Pavie, si bien que les citoyens se réfugièrent dans les Montagnes et les forêts. La ville resta déserte et l'herbe y crut dans les rues. Plusieurs ont même vu de leurs yeux, le bon et le mauvais ange parcourir les rues de la ville. Le mauvais ange tenait un épieu à la main, et autant de fois qu'il en frappait la porte d'une maison, autant de personnes mouraient dans cette maison dès le lendemain. Quelqu'un eut alors une révélation qui lui apprit que la peste ne cesserait point avant que l'on érigea un autel à saint Sébastien dans l'église de saint Pierre in vinculis. Cela fut fait, on porta à cet autel les reliques de saint Sébastien qui étaient à Rome, et la peste cessa. [6,6] VI. Le Roi Cunibert était avec celui qui remplissait à sa cour la charge de Strateur, ce qui dans la langue des Lombards se dit Marpahis, et ils raisonnaient ensemble sur la manière la plus convenable de faire périr Aldon et Grauson, tout d'un coup une grosse mouche vint se poser sur la fenêtre près de laquelle ils étaient. Cunibert voulut la tuer avec un couteau et lui en donna un coup, mais il ne fit que lui couper la jambe. Aldon et Grauson qui ne savaient pas ce qui se passait, allaient tranquillement au palais du Roi, et comme ils étaient près de l'église de saint Romain qui est proche du palais, ils rencontrèrent inopinément un boiteux à qui il semblait que l'on avait coupé un pied, et ce boiteux leur dit que s'ils allaient auprès de Cunibert il les tuerait. Ceux-ci furent très effrayés et se retirèrent derrière l'autel de cette même église. Aussitôt on vint le dire au Roi celui-ci gronda son Strateur; mais le Strateur lui répondit: Mon seigneur et Roi vous savez que depuis que nous avons parlé sur ce sujet, je ne suis point sorti de votre présence, ainsi je n'ai pu en parler à qui que ce fut. — Alors le Roi envoya vers Aldon et Grauson et leur fit demander pourquoi ils s'étaient réfugiés dans l'église? Ceux-ci répondirent: On nous a dit que le Roi voulait nous faire mourir. — Alors le Roi renvoya vers eux, et leur fit demander qui leur avait dit une pareille chose, et les assura, qu'ils seraient à jamais exclus de ses bonnes grâces, s'ils ne disaient la vérité. Ceux ci répondirent que l'homme qui leur avait donné cet avis était boiteux, ayant une jambe coupée et une de bois à la place, qui commençait au genou. Alors le Roi comprit que la mouche à qui il avait coupé le pied était le malin esprit, qui avait trahi son secret puis il pardonna à Aldon et Grauson et depuis il les a traités comme ses enfants. [6,7] VII. Dans ce temps-là fleurit le grammairien Félix, oncle de Flavien qui a été mon précepteur. Le Roi l’aimait tant, qu'il lui donna entre autres choses, un bâton monté en or et argent. [6,8] VIII. Dans ce temps-là vivait aussi Jean Evêque de Bergame, homme d'une sainteté extraordinaire. Un jour en parlant au Roi Cunibert il l'offensa par son discours. Et le Roi lui fit donner pour retourner chez lui, un cheval féroce et indompté qui avait coutume de jeter bas tous ceux qui osaient le monter. Mais l'Evêque étant monté dessus, le cheval devint doux, et le porta à la maison au petit pas. Le Roi l'ayant vu, honora l’Evêque comme il le devait et lui fit présent de ce cheval [6,9] IX. Dans ces temps-là apparut une étoile, c'était la nuit, le ciel était serein. On était entre la Noël et la Théophanie. Elle était ombragée comme la lune, lorsqu'elle est derrière un nuage. Ensuite au mois de février une étoile sortit de l'occident et passa à l'orient avec beaucoup d'éclat. Puis au mois de mars le mont Vésuve vomit un incendie qui dura plusieurs jours, et toute la verdure des environs fut détruite par la poussière et la cendre. [6,10] X. Alors les Sarrazins peuples infidèles et ennemis des Dieux, passèrent d'Egypte en Afrique et leur multitude était prodigieuse. Ils prirent Carthage et la détruisirent entièrement, même ils la rasèrent [6,11] XI. Pendant ce temps-là l'Empereur Constantin mourut à Constantinople, et Justinien lui succéda ; c'était le plus jeune de ses fils. Il régna dix ans, ce fut lui qui enleva l'Afrique aux Sarrazins, et fit avec eux la paix par mer et par terre. Le Pontife Sergius ayant refusé de souscrire aux erreurs de son concile de Constantinople, il ordonna au Protospathaire Zacharie d'aller l'arrêter. Mais celui-ci fut chassé de Rome avec des injures, principalement par la milice de Ravenne et des environs. [6,12] XII. Léon se révolta contre ce Justinien et le détrôna. Il régna trois ans pendant lesquels Justinien fut exilé dans le Pont. [6,13] XIII. Tibère se révolta contre ce Léon, et le tint renfermé dans une prison à Constantinople. [6,14] XIV. Dans ces temps-là un concile rassemblé à Aquilée tenta d'arguer d'impéritie le Cinquième concile œcuménique ; mais le saint Pape Sergius les ramena à l'opinion commune des fidèles. C'est ce Concile qui eut lieu à Constantinople, au temps de Vigilius sous l'Empereur Justinien, contre Théodore et les autres hérétiques qui affirment que la Vierge Marie n'a mis au monde que l'homme, et non le Dieu et l'homme. C'est alors qu'il fut décidé que la vierge devait être appelée Theotokos. Car elle a engendré le Dieu et l'homme. [6,15] XV. Dans ces temps-là Ceodald Roi des Anglo-Saxons qui avait fait beaucoup de belles choses dans sa Patrie se convertit à la foi et vint à Rome. Il passa chez le Roi Cunibert qui le reçut admirablement bien. Etant arrivé à Rome il y fut baptisé par le Pape Sergius, qui l'appela Pierre, il mourut encore constitué dans les blancheurs (in albis constitutus). Il est enterré dans la Basilique de saint Pierre. [6,16] XVI. Dans ce temps-là il arriva que les Rois Francs des Gaules dégénérèrent de la valeur et de la Science de leurs ancêtres. Les Maires du Palais commencèrent alors à s'attribuer toute l'autorité royale et enfin le royaume passa sous leur puissance. Alors le Maire du Palais était Arnulf, homme agréable à Dieu et remarquable par sa sainteté. Après avoir joui de la gloire du Siècle il se voua au service des Lépreux. Il y a un livre des miracles qu'il a opéré dans son Evêché de Metz, et j'en ai parlé moi même dans un livre que j'ai écrit sur les Evêques de cette ville à la réquisition d'Agilgram Archevêque de cette même église, homme d'une douceur et d'une sainteté admirable. [6,17] XVII. Cunibert mourut après avoir régné douze ans. Il avait construit un monastère en l'honneur de saint Grégoire dans le champ de Coronata où il avait combattu contre Alachis. C'était un homme élégant, illustre par sa bonté et bon guerrier. Il fut enterré près de la Basilique du saint Sauveur, que son aïeul avait autrefois construit à savoir Aripert. Son successeur fut son fils Liutbert encore enfant, dont Asprand fut tuteur. [6,18] XVIII. Ensuite huit mois se passèrent et puis parut Ragunbert Duc de Turin, il était fils du Roi Godebert et était encore très enfant lorsque celui-ci fût tué par Grimoald. Ragunbert attaqua près de Novarre Ansprand et Rotharit Duc de Bergame. Il les vainquit et s'empara du royaume, mais il mourut dans la même année. [6,19] XIX. Alors Aripert se prépara de nouveau à la guerre et combattit contre le Roi Liutbert près de Pavie contre Ansprand, Otton, Tazon, Rotharis et Faron ; mais il les vainquit tous et s'empara de la personne du petit Liutbert. Ansprand s'enfuit dans l'île de Côme et s'y fortifia. [6,20] XX. Le Duc Rotharit étant rentré dans la ville de Bergame, s'y empara du Royaume. Le Roi Aripert marcha contre lui avec une forte armée, prit Lodi, et mit le siège devant Bergame. Il battit les murailles avec des béliers et d'autres machines, et enfin il prit la ville. Rotharit le pseudo-Roi eut la tête et la barbe rasée et fut exilé à Turin où il le fit mourir peu de jours après. Il fit aussi mourir Liutbert comme il était dans un bain. [6,21] XXI. Il envoya aussi une armée contre Ansprand dans l'île de Come. Alors Ansprand s'enfuit dans l'île de Ciavena, puis il passa par Coire ville des Rhètes, et vint chez Théodebert Duc des Bavarois et il y passa neuf ans. L'armée d’Aripert prit l'île qu'Ansprand avait fortifiée et détruisit le Bourg qui y était. [6,22] XXII. Alors le roi Aripert, quand il fut confirmé dans sa souveraineté, il fit arracher les yeux de Sigiprand, le fils d'Ansprand, et supplicia de diverses façons tous ceux qui avaient un lien du sang avec ce dernier. Il maintint aussi Liutprand, le fils cadet d’Ansprand, en prison ; mais parce qu'il le considérait comme une personne sans importance et encore un simple adolescent, non seulement il ne lui infligea aucun sévice corporel, mais encore croyons que ce fut le commandement de Dieu Tout-Puissant qui le prépara à diriger le royaume. Puis Liutprand alla voir son père en Bavière ; cette venue lui causa une joie inestimable. Cependant, le roi Aripert fit saisir la femme d’Ansprand, du nom de Theodorada, et quand elle, avec son entêtement feminin, se vanta qu'elle serait reine, il lui ôta la beauté de son visage, en lui faisant couper nez et oreilles. De même la sœur de Liutprand, appelée Aurona, fut mutilée pareillement. [6,23] XXIII. A cette époque, en Gaule, dans le royaume des Francs, Anschis le fils d'Arnulf, dont on pense que le nom provient du Troyen Anchise, dirigea le royaume sous le titre d'intendant du palais. [6,24] XXIV. Aldon mourut dans le Frioul, c'est celui que nous avons dit avoir été conservateur du lieu. — Son successeur fui Ferdulf, natif de Ligurie, nomme superbe et orgueilleux. Il voulut avoir la gloire de vaincre les Slaves, et attira de grandi maux sur lui et sur tout le Frioul. Il encouragea lui même et récompensa quelques Slaves pour conduire l'armée des Slaves dans une certaine province. Ce qu'ils firent, et voici quelle fut la cause de cette grande calamité: Des petits Larrons Slaves tombèrent sur des pâtres qui conduisaient leurs troupeaux dans les environs, et en enlevèrent une partie. Le recteur de ce lieu que dans leur langue ils appellent Seuldhaïs, était un homme noble, brave et puissant, il se mit à la poursuite des petits Larrons, mais il ne pût les atteindre comme il revenait de sa vaine poursuite, il rencontra le Duc Ferdulf. Or il faut savoir que ce Sculdhaïs s'appelait Argaïd, et Ferdulf demanda ce que l'on avait fait des petits larrons, et Argaïd lui répondit qu'ils avaient échappés. Alors Ferdulf s'indigna et parla ainsi. Tu ne saurais te conduire en brave toi dont le nom dérive d’Arga. — Argaïd qui était très brave se fâcha aussi et dit: J'espère Ferdulf que toi et moi, nous ne sortirons pas de cette vie avant d'avoir fait voir qui de nous deux est Arga. — Ils se dirent l'un à l'autre quelques injures. Puis quelques jours après, les Slaves vinrent avec une puissante armée ; car Ferdulf les avait appelés, ils posèrent leur camp sur une montagne d'un accès difficile. Le Duc Ferdulf étant venu avec son armée, commença à faire le tour de cette montagne, comme pour les attaquer avec avantage. Alors Argaïd lui dit: O Duc Ferdulf, rappelez-vous que vous m'avez appelle lâche, inutile, et Arga ; à présent que la colère de Dieu tombe sur celui de nous deux, qui arrivera le dernier à ces Slaves. — Après avoir dit cela Argaïd poussa son cheval droit à l'endroit le plus escarpé de la montagne. Ferdulf croyant qu'il lui serait honteux de faire moins qu’Argaïd, poussa également son cheval, et son armée le suivit. Les Slaves voyant cette manœuvre se préparèrent à les combattre à coups de pierres et de haches, et ils les tuèrent presque tous. Ferdulf et Argaïd y périrent tous les deux avec toute la noblesse du Frioul. Il y eut cependant une belle action faite par Munichia, qui fut ensuite père de Pierre Duc de Frioul, et de Urs Duc de Cenete. Un Slave lui avait lié les mains, et lui avec ses mains liées arracha la lance des mains du Slave, le frappa et se précipitant dans les sentiers escarpés il échappa heureusement. Nous rapportons ceci afin que chacun prenne garde que pareille chose ne lui arrive. [6,25] XXV. Le Duc Ferdulf étant mort, Corvulus fut mis en sa place ; mais ayant offensé le Roi il eut les yeux crevés, et vécut dans l'ignominie. [6,26] XXVI. Ensuite Pemmo eut le Duché. Ce fût un homme ingénieux et utile à sa Patrie. Son père était de Belluno ; mais y ayant fait une sédition, il vint dans le Frioul ou il vécut en paix. Ce Pemmo eut une femme appelée Ratberge, qui avait un visage laid et rustique, c'est pourquoi elle priait souvent son mari de la renvoyer et de prendre une autre femme, plus digne d'un Duc aussi grand. Mais lui qui était un homme sage répondait que ce n'était pas la beauté qu'il estimait, mais les mœurs, l'humilité et la modeste pudeur. Pemmo eut de cette femme trois fils Ratchis, Ratchaït et Astolf hommes vaillants, dont la naissance changea en gloire l'humilité de leur mère. Ce Duc rassembla tous les fils de ceux qui avaient été tués dans la guerre contre les Slaves, et les éleva avec ses propres enfants sans y mettre aucune différence. [6,27] XXVII. Dans ce temps-là Gisulf, chef des Bénéventins prit Sura ville des Romains, Hirpinos, et Arcom. Ce même Gisulf envahit la Campanie du temps du Pape Jean. Il commit des incendies et des déprédations. Il pénétra même jusqu'au lieu appelle Hornea Castra et personne ne pût lui résister. Le Pontife lui envoya des prêtres chargés de dons apostoliques, il racheta tous les captifs qu'il avait fait et l'engagea à s'en retourner chez lui. [6,28] XXVIII. Dans ces temps-là Aripert Roi des Lombards rendit au saint siège le patrimoine des Alpes Cotiennes, que les Lombards avaient usurpé et gardé longtemps. Il fit écrire cette donation en lettres d'or et l'envoya à Rome. Dans ces temps-là deux Rois Saxons se rendirent à Rome pour y baiser la trace des pas des Apôtres. Et ils eurent le bonheur de mourir dans cette occupation, [6,29] XXIX. Dans ces temps-là Benoît Archevêque de Milan se rendit à Rome, et plaida pour l'église de Pavie ; mais il perdit son procès, car les Evêques de Pavie ont toujours été consacrés par l'église de Rome. Le vénérable Archevêque Benoît fût un homme d'une excellente sainteté, et respecté de toute l'Italie. [6,30] XXX. Trasemund Duc de Spolète mourut, et son fils Faroald lui succéda; mais le pays fut gouverné par Wachilap frère de Trasemund. [6,31] XXXI. Justinien chassé de l'Empire vivait dans le Pont, et ayant trouvé le moyen de gagner Terbellis Roi des Bulgares celui-ci le rétablit sur le trône et Justinien fit périr tous les Patrices qui lui avaient été contraires. Il fit prendre Léon et Tibère qui avaient usurpé sa place, et les fit égorger dans le cirque en présence de tout le peuple. Il fit crever les yeux à Gallicinus Patriarche de Constantinople et l'envoya à Rome, et il mit à sa place l'Abbé Cyrus qui l'avait suivi dans son exil. Puis il ordonna au Pape Constantin de venir le trouver, le Pape vint, Justinien le reçut honorablement et le renvoya, et même se prosterna devant lui demandant de prier pour les péchés de son pays, et il confirma tous les privilèges de son église. Le Pape voulut empêcher Justinien d'envoyer une armée contre Philippique; mais il ne put obtenir cette faveur. [6,32] XXXII. L'armée envoyée contre Philippique prit parti pour lui, et le proclama Empereur. Philippique marcha sur Constantinople. Justinien l'attendit à douze milles de la ville, et lui livra bataille; mais il fut vaincu et tué. Justinien régna cette seconde fois six ans conjointement avec son fils Tibère, à qui Léon avait fait couper les narines. Lorsqu'ensuite Tibère remonta sur le trône, toutes les fois qu'il s'essuyait le nez avec la main, ou presque toutes les fois, il fit égorger quelqu’un de ceux qui avaient été contre lui. [6,33] XXXIII. Alors mourut Pierre Patriarche d'Aquilée, et Sérénus lui succéda, c'était un homme doué d'une sainte simplicité, et tout à fait dévoué au service de Jésus Christ. [6,34] XXXIV. Philippique que l'on appelle aussi Bardane, s'étant affermi sur le trône impérial, déposa le Patriarche Cyrus et l'envoya gouverner son monastère. Philippique envoya au Pape Constantin des lettres d'un mauvais dogme, qu'il rejeta par le conseil du siège Apostolique. C'est alors qu'il fit peindre dans le Portique de saint Pierre, les gestes des six premiers conciles œcuméniques. De semblables peintures existaient dans la ville royale, et Philippique les avait enlevées. C'est pourquoi le peuple Romain statua que les solds ne devaient recevoir ni les chiffres, ni le nom, ni la figure d'un Empereur Hérétique. C'est pourquoi son effigie, ne fût pas placée dans l'église, ni son nom proclamé, pendant la messe. Philippique Bardane régna un an et six mois, alors Anastase Artémius se révolta contre lui, et l'ayant vaincu lui fit crever les yeux. Anastase envoya à Rome, Scholastique Patrice et Exarque d'Italie, avec des lettres pour le Pape Constantin, où il se déclarait l'auteur de la foi catholique et prédicateur du sixième concile. [6,35] XXXV. Ansprand était déjà depuis neuf ans en Bavière lorsque Theudebert Duc des Bavarois entra en Italie avec une armée, et livra bataille à Aripert. Le carnage y fût très grand de part et d'autre. L'on combattit jusques à la nuit, cependant il est sûr que ce sont les Bavarois qui ont fui. Mais ensuite Aripert voulut rentrer dans Pavie ; ce qui désespéra les siens et accrut l'audace des Ennemis. Aripert étant donc rentré dans la ville, apprit que son armée désapprouvait sa retraite, c'est pourquoi il se détermina à s'enfuir en France, et il enleva dans le Palais autant d'or qu'il put; mais comme il voulut traverser le Tessin à la nage, l'or qu'il avait sur lui le fit aller à fond et il périt dans les eaux. Le lendemain son corps fut trouvé dans le Palais tout habillé, puis il fut enterré dans l'église du saint Sauveur. Tandis qu’Aripert régnait il avait la coutume de sortir la nuit et d'aller çà et là, pour savoir ce que l'on disait de lui dans les différentes villes de son royaume, et de quelle manière l'on y rendait la justice au peuple. Une autre de ses coutumes, c'est que lorsqu'il avait à recevoir les Ambassadeurs des nations étrangères. Il mettait des habits usés et de mauvaises pelisses. Jamais il ne leur faisait donner du bon vin, ni autres délices de cette nature, et par là il voulait détourner les peuples de faire la conquête de l'Italie. Il régna d'abord avec son père Ragumbert et ensuite seul, le tout ensemble douze ans. Ce fut un homme pieux, charitable et ami de la justice, sous son règne il y eut de bonnes récoltes ; mais les temps étaient Barbares. Sed tempore Barbarica. Gundebert frère d’Aripert s'enfuit en France et y resta jusqu'à sa mort. Il eut trois fils ; l'ainé qui s’appelait Ragimbert à eu de nos jours le gouvernement d'Orléans. Ansprand ne régna que trois mois, ce fut un homme de toute manière très accompli, et peu de gens purent se comparer à lui pour la sagesse. Les Lombards voyant qu'il allait mourir, couronnèrent à sa place son fils Liutprand, et Ansprand qui vivait encore s'en réjouit beaucoup. [6,36] XXXVI. Dans ce temps-là l'Empereur Anastase envoya une flotte contre les Sarazins d'Alexandrie; mais cette armée étant à moitié chemin retourna à Constantinople et demanda pour Empereur Orthodoxe Théodose. Celui-ci vainquit Anastase près d'Area — et le fit tout de suite ordonner prêtre, lui-même alla à Constantinople où il fit tout de suite remettre à sa place la vénérable image qui représentait le saint concile, et que Philippique avait fait ôter. Dans ces jours-là le Tibre inonda tellement qu'il sortit tout à fait de son lit et fit beaucoup de dommages à Rome. Dans la Via Lata il y avait de l'eau à la hauteur d'un homme et demi. Et les eaux en attendant se joignirent depuis la porte de saint Pierre jusques au Pont Milvius. [6,37] XXXVII. Dans ces temps-là beaucoup d'Angles nobles et roturiers, hommes et femmes, Ducs et principaux vinrent à Rome, poussés par l'instinct d'un divin amour. Alors Pépin gouvernait le royaume des Francs, c'était un homme d'une audace singulière, qui attaquait ses ennemis et les terrassait à l’instant. Une fois qu'un de ses ennemis était campé de l'autre côté du Rhin, il passa ce fleuve avec un seul de ses gardes, entra dans sa tente et le tua avec tous ceux qui y étaient. Il fit beaucoup de guerres aux Saxons, et particulièrement à Rathod, Roi des Frisons. Il eut plusieurs fils dont le plus Illustre est Charles qui lui a succédé. [6,38] XXXVIII. Liutprand ayant été confirmé dans le royaume, son parent Rotharit voulut le faire périr. A cet effet il l'invita à Pavie à un grand festin et cacha dans la maison des gens qui devaient le faire périr tandis qu'il serait à table. Liutprand l'ayant su, fit venir chez lui Rotharit. — Il lui tâta le corps et vit qu'il avait une cuirasse sous son habit. Rotharit se voyant découvert sauta en arrière et tira son épée pour tuer le Roi. Le Roi tira aussi son épée, un garde du Roi appelle Subo, saisit Rotharit par derrière, et en fut blessé au front, puis d'autre tombèrent sur Rotharit, et le tuèrent. Il avait quatre fils qui étaient absent; on les tua là où on les trouva. Le Roi Liutprand avait un grand courage, une fois on lui dit que deux de ses écuyers voulaient le tuer. Alors il alla avec eux dans le lieu le plus retiré d'une forêt, et ayant tiré son épée, il leur dit d'essayer de lui ôter la vie. Les deux écuyers tombèrent à ses pieds et lui découvrirent toute la conspiration. Il fit souvent de pareilles choses; mais il pardonnait à ceux qui s'avouaient coupables. [6,39] XXXIX. Gisulf Duc de Bénévent étant mort, le peuple Samnite, élut en sa place son fils Romuald. [6,40] XL. Vers ces temps-là Petronax citoyen de Bresce, vint à Rome par dévotion. Le Pape Grégoire l'exhorta à se rendre au mont Cassin. Il y alla, et ayant vu le corps de saint Benoît, il se détermina à y rester avec quelques hommes simples qui l'élurent pour leur ancien. Alors il y avait déjà près de cent et dix ans que ce lieu était désert. Mais le vénérable Petronax y attira de nouveau des habitants nobles et roturiers, séculiers et moines, et le mit sur le pied où il est à présent. Dans la suite le Pape Zacharie fit présent à Pertinax de beaucoup de choses utiles pour son couvent comme les livres de la sainte écriture, la règle de saint Benoît écrite de sa propre main, et d'autres écrits. Pour ce qui est du monastère de saint Vincent sur le fleuve Vulturne, que nous voyons briller par la présence d'une si nombreuse congrégation, il a été fondé par trois nobles frères, Tato, Taso et Paldo, ainsi qu'il est écrit dans le livre qui en a été composé par le savant Autbert Abbé de ce même monastère. Comme le Pape Grégoire était encore en vie le château de Cumes fut envahi par les Lombards de Bénévent; mais le Duc de Naples y vint de nuit, l'ôta aux Lombards et le rendit aux Romains. Le Pape lui donna pour cela soixante et dix livres d'or, ainsi qu'il le lui avait promis. [6,41] XLI. L'Empereur Théodose mourut après avoir régné une seule année. Léon Auguste fut mis à sa place. [6,42] XLII. Chez les Francs, Pépin mourut, et son fils Charles lui succéda ; mais il ne régna qu'après avoir arraché le royaume des mains de Reginfred. Reginfred le retenait prisonnier, il s'échappa comme par miracle, rassembla quelques troupes et combattit deux où trois fois contre Reginfred, enfin il le vainquit à Vinciacun. Cependant il lui permit de vivre dans la ville d'Angers. Lui même commença à gouverner toute la nation des Francs. [6,43] XLIII. Dans ce temps-là le Roi Liutprand confirma à l'Eglise la donation des Alpes Cotiennes. Peu de temps après il épousa Guntrada fille du Duc des Bavarois, qu'il avait connu lors de son exil, il en eut une seule fille. [6,44] XLIV. Dans ce temps-là, Faroald Duc de Spolète, vint par mer à Ravenne et s'empara de cette ville; mais elle fut rendue aux Romains par ordre de Roi Liutprand, Trasemund fils de Faroald se révolta contre son père et le força à se faire moine. Dans ces jours-là Thendo Duc des Bavarois vint à Rome par dévotion. [6,45] XLV. Dans le Frioul le Patriarche Sérénus étant mort, le Roi Liutprand favorisa l'élection de Calliste homme excellent qui était archidiacre de l'Eglise d'Aquilée. Dans ce temps-là Pemmo gouvernait les Lombards du Frioul. C'est celui que nous avons dit avoir fait élever avec ses fils, ceux des nobles Lombards, tués dans la bataille contre les Slaves. Tout ces enfants étaient déjà grands, et voila qu'on lui annonce qu'une immense multitude de Slaves est venue à l'endroit appelé Lauriana. Pemmo se mit à la tête des jeunes gens et fit trois attaques contre les Slaves, dont il fit un grand carnage. Du côté des Lombards personne ne périt que le vieux Sigwald. Celui-ci avait perdu deux fils dans l'ancienne bataille qui eut lieu sous Ferdulf. Cette fois-ci voulant se venger il fit la première et la seconde attaque. A la troisième le Duc voulut l'empêcher d'aller, mais il répondit ainsi: J'ai vengé la mort de mes fils et si je meurs je mourrai content. Aussi il fut le seul qui périt dans ce combat. Pemmo ne voulant aussi perdre personne de plus, fit la paix avec les Slaves, sur le champ même de bataille, et depuis ce temps-là, les Slaves ont commencé à craindre les Lombards du Frioul [6,46] XLVI. Dans ce temps-là, la nation des Sarrazins traversa le détroit dans le lieu appelle Septem, et envahit toute l'Espagne. Dix ans après ils entrèrent dans l’Aquitaine avec leurs femmes, et leurs enfants comme s'ils eussent voulu habiter cette province. Dans ce temps-là Charles était brouillé avec Eude Prince d'Aquitaine, mais ils se réconcilièrent et se réunirent pour combattre les Sarrazins. Les Francs les attaquèrent et en tuèrent trois cent soixante et quinze mille, et ils ne perdirent que mille et cinq cent hommes. Pendant ce temps-là Eude attaqua le camp des Sarrazins, et y fit aussi un grand massacre. [6,47] XLVII. Dans ce temps-là la nation des Sarrazins vint avec une flotte immense et entoura Constantinople, le siège dura trois ans. Enfin les citoyens élevant sans cesse leurs prières vers Dieu, il permit que beaucoup de Sarrazins périssent par la faim, le froid, la guerre et la peste, ainsi ils se retirèrent. Puis les Sarrazins ayant quitté Constantinople allèrent attaquer les Bulgares qui sont sur le Danube; mais ayant été repoussés il furent obligés de gagner le large, et une tempête qui vint les assaillir détruisit la plus grande partie de leur flotte. Déjà trois cent mille Sarrazins étaient morts de la peste près de Constantinople. [6,48] XLVIII. Liutprand ayant su que les Sarrazins qui ravageaient la Sardaigne, avaient même souillé les lieux ou l'on conservait les os de saint Augustin. Il y envoya et les ayant achetés à haut prix, il les plaça honorablement dans la ville de Pavie. Dans ce temps-là les Lombards s'emparèrent de la ville de Narni. [6,49] XLIX. Dans ce temps-là le Roi Liutprand assiégea Ravenne, attaqua et détruisit la flotte de cette ville. Alors aussi Paul Patrice de Ravenne, envoya des gens pour tuer le Pontife; mais le mauvais dessein des Ravennais fut anéanti, parce que les Lombards de Spolète les repoussèrent sur le Pont Salarius et les Lombards de Toscane résistèrent dans les autres endroits. Dans ce temps-là, Léon Empereur de Constantinople brûla les images qui étaient déposées dans un endroit particulier, et fit dire au Pape, qu'il eut à en agir de même, s'il voulait acquérir les bonnes grâces Impériales ; mais le Pape méprisa ses ordres. L'armée de Ravenne et celle des Venises en firent de même, et auraient élu un autre Empereur; si le Pape ne les eut retenu. Le Roi Liutprand s'empara de Emilie, Foronianum, Monte bello, Buxeta, Persiceta, Bologne et de la Pentapole avec Auxinium. Alors il s'empara aussi de Sutrium, mais après quelques jours on les rendit aux Romains. Cependant Léon continua à se corrompre dans la foi, et employa tous les moyens de contrainte et de persuasion, pour engager les habitants à ôter et déposer toutes les images du Sauveur, de la Vierge et des saints. Puis il les fit brûler au milieu de la ville. Et comme plusieurs ne voulurent point se rendre coupable d'un pareil crime, il fit couper la tête aux uns et en fit mutiler d'autres. Le Patriarche Grégoire ne voulut point souscrire à de pareilles erreurs. [6,50] L. Romuald Duc de Bénévent épousa Guntberge fille d'Aurone sœur du Roi Liutprand, il en eut un fils auquel il donna le nom de son père Gisulf, après cette femme il en eut une autre, Rarigonde fille de Gaidoald, Duc de Bresce. [6,51] LI. Alors il y eut une grande querelle entre le Duc Pemmo, et le Patriarche Calliste, voici quelle en fut l'origine. Fidentius Evêque de Castro Julio, vint par l'ordre de ses supérieurs habiter dans la ville de Frioul. Celui-ci mourut et Amator lui succéda. Mais jusques alors les Patriarches avaient demeuré à Cormones, à cause des incursions des Romains qui les empêchaient de demeurer à Aquilée. Ceci déplut à Calliste qui était d'une origine illustre, il ne put voir qu'un autre Evêque demeura dans son diocèse avec le Duc des Lombards. C'est pourquoi il chassa Amator de la ville de Frioul et s'établit dans sa maison. Le Duc Pemmo se fâcha, assembla les plus nobles d'entre les Lombards, fit saisir le Patriarche et le fit conduire au Château de Pontium où il voulut le faire jeter dans la mer, Dieu l'empêcha heureusement de le faire ; mais il retint le Patriarche prisonnier, et le fit bien souffrir ne lui donnant à manger que du pain. Le Roi Liutprand l'ayant su se fâcha extrêmement ôta le Duché à Pemmo et le donna à son fils Ratchis. Alors Pemmo se disposa à fuir dans le pays des Slaves ; mais Ratchis obtint du Roi la grâce de son père. Pemmo ayant confiance au Roi, se rendit auprès de lui avec tous les Lombards qui avaient été de son conseil. Le Roi résidant dans son jugement fit asseoir Ratchis, et ordonna que son père Pemmo, et ses deux frères Ratchaït et Astulf, se tiendraient debout derrière son siège. Alors le Roi éleva la voix, et appelant par leurs noms tous les nobles Lombards, qui avaient adhéré à Pemmo, il ordonna qu'on les saisît. Alors Astulf ne pouvant se contenir, tira son épée à moitié pour frapper le Roi; mais son frère Ratchis le retint. Hersemar l'un des Lombards tira aussi son épée, et se défendant vaillamment se sauva dans l'église de saint Michel. Ce fût cependant le seul qui obtint sa grâce et les autres périrent dans les fers. [6,52] LII. Ratchis étant devenu Duc de Frioul, entra dans la Carniole, Patrie des Slaves, ravagea le pays et tua un très grand nombre d'habitants. Une fois les Slaves tombèrent sur lui si fort à l’improviste qu'il n'eut pas le temps de prendre la lance des mains de son écuyer et se servant de la masse d'armes qu'il avait à la main, il tua le premier Slave qu'il rencontra. [6,53] LIII. Vers ces temps-là, Charles Prince des Francs, envoya son fils Pépin vers le Roi Liutprand, pour qu'il reçut sa chevelure selon l'usage. Liutprand lui coupa les cheveux et étant par là devenu son père il lui fit de riches présente et le renvoya chez son véritable père. [6,54] LIV. Vers ce temps-là l'armée des Sarrazins chercha encore à pénétrer dans les Gaules et y commit de grands ravages. Charles marcha contre eux et les battit près de Narbonne. Puis les Sarrazins rentrèrent encore dans les Gaules et parvinrent jusques à Arles, qu'ils prirent après avoir dévasté les environs. Alors le Roi Charles envoya vers le Roi Liutprand et lui fit demander des secours. Liutprand se mit aussitôt en campagne avec toute l'armée des Lombards ; mais les Sarrazins ne l'attendirent pas, et Liutprand rentra en Italie. Ce Roi fit aussi de grandes guerres contre les Romains dont il fut toujours vainqueur. Cependant son armée fut une fois battue près de Rimini, mais il n'y était pas en personne, une autre fois, près du Bourg de Pilleum tandis que le Roi était dans la Pentapole, les Romains tombèrent sur une multitude de ces gens qui portent des présents, ainsi que les dons de diverses églises. Aussi lorsque Ravenne fut prise par Hildebrand neveu du Roi et Peredée Duc de Vicence, les Vénitiens tombèrent sur eux à l’improviste. Hildebrand fût fait prisonnier; mais Peredée fut tué se défendant en brave. Puis les Romains que les succès ne manquent jamais d'enfler d'orgueil, mirent à leur tête Agathon Duc de Péruse et voulurent prendre Bologne où Walcaris était en garnison avec Peredée et Rotharis ; mais ceux-ci tombèrent sur les Romains, massacrèrent les uns et mirent les autres en fuite. [6,55] LV. Dans ces jours là Trasimund se révolta contre le Roi. Le Roi le chercha avec son armée, et il fut contraint de prendre la fuite. Hildéric fut mis à sa place. Trasimund se retira à Rome. Alors mourut Romuald le jeune Duc de Bénévent qui avait gouverné le duché pendant vingt six ans. Il ne laissa après lui qu'un fils encore enfant qui s'appelait Gisulf. Quelques uns se révoltèrent contre cet enfant et cherchèrent à le faire périr; mais les Bénéventins qui ont toujours été fidèles à leurs maîtres, les tuèrent et sauvèrent les jours de leur petit Duc. Comme cet enfant ne pouvait pas gouverner. Le Roi Liutprand vint à Bénévent l'ôta de là et mit à sa place son neveu Grégoire dont la femme s'appelait Gisselberge. Le Roi Liutprand ayant ainsi arrangé les choses retourna dans sa résidence, là il fit élever son neveu Gisulf avec une piété tout à fait paternelle, et lui donna pour épouse Coniberge dont la famille était très illustre. Vers ce temps-là le Roi fut atteint d'une maladie de langueur, et fut très près de mourir. Les Lombards croyant qu'il était déjà mort, se rendirent à l'église de la mère de Dieu, qui est proche des perches, et exhaussèrent en qualité de leur Roi, Hildebrand, neveu de Liutprand. Et comme on lui présentait l'épieu selon la coutume, un coucou vint s'y percher. Des hommes prudents qui se trouvaient là dirent que ce prodige signifiait que ce que l'on faisait là était inutile. Le Roi Liutprand étant revenu à lui, ne fut pas bien aise de ce qui s'était passé, cependant il partagea l'autorité royale avec Hildebrand. Quelques années après. Trasemund qui s'était enfui à Rome revint à Spolète, tua Hildéric et se révolta contre le Roi. [6,56] LVI. Grégoire ayant été sept ans Duc de Bénévent mourut, Godeschalc lui succéda, et gouverna ce Duché pendant trois ans, celui-ci eut une femme appelée Anne. Le Roi Liutprand retourna de nouveau dans le Bénéventin. Il vint dans la Pentapole, et comme il allait de Fano au fort Sempronius et qu'il traversait la forêt, les Spolétans l’attaquèrent conjointement avec les Bénéventins, et firent beaucoup de mal à son armée. Le Roi leur opposa ceux du Frioul commandés par le Duc Ratchis, et par son frère Astulf. Les Spolétans et les Romains en tuèrent et blessèrent quelques uns, cependant Ratchis combattant avec courage, s'en tira avec une perte que l'on doit regarder comme peu considérable; si l'on considère qu'il eut à soutenir tout le poids de l'attaque. Berto ce vaillant Duc de Spolète, appelle Ratchis par son nom, le chercha pour le combattre armé de toutes pièces. Ratchis courut sur lui et le jeta bas de son cheval. Les compagnons de Ratchis voulurent le tuer; mais Ratchis les en empêcha, et Berto rampant sur ses pieds et sur ses mains s’enfonça dans la forêt. Comme Astulf traversait un certain pont deux braves Spolétains vinrent l'attaquer par derrière, il donna à l’un un grand coup du revers de sa lance et le jeta en bas du pont puis se retournant vers l'autre il le tua et l’envoya dans l’eau rejoindre son compagnon. [6,57] LVII. Liutprand vint à Spolète et chassa Trasemund de son duché, et le fit prêtre, puis il mit à sa place son neveu Angibrand. Comme il s'approchait de Bénévent, Godescalc voulut s'enfuir par mer et passer en Grèce. Il avait déjà mis sur le vaisseau sa femme et ses richesses, et allait s'embarquer lorsqu'il fut tué par les amis de Gisulf. Sa femme arriva heureusement à Constantinople. [6,58] LVIII. Alors le Roi Liutprand, vint à Bénévent et remit sur le trône ducal son neveu Gisulf, puis il retourna chez lui. Ce Roi glorieux fait bien des choses en l'honneur du Christ, et entre autres il a fait bâtir des basiliques dans tous les lieux où il avait coutume de séjourner. C'est lui qui a fait construire le monastère de saint Pierre que l'on appelle Ciel d'or, et qui est hors des murs de la ville de Pavie. Il a aussi fait construire le monastère, qui est au haut de l'Alpe Bardon, et que l'on appelle Bercetam. Il fit aussi construire à Olonne la belle église avec le monastère. Enfin il a fait bâtir bien des temples en différents lieux. Il fit aussi bâtir dans l'intérieur de son palais, la chapelle du saint Sauveur, et y institua des prêtres et des élèves, pour lui chanter tous les jours, les divins offices, ce que d'autres Rois n'avaient pas eu. Sous ce Roi-là, l'on vit faire plusieurs miracles à un homme d'une sainteté admirable, qui s'appelait Badolin, et demeurait à Forum sur le fleuve Tanarus. Souvent il a prédit l'avenir à bien des personnes présentes ou absentes. Une fois comme le Roi Liutprand était à la chasse, un homme de sa suite voulant tirer contre un cerf, frappa de sa flèche le jeune Ausus, fils d'une sœur du Roi. Le Roi qui aimait beaucoup ce jeune garçon fut très affligé de son accident et envoya aussitôt un homme à cheval vers Badolin, pour lui dire de prier Jésus Christ pour la santé de ce garçon. L'homme à cheval arriva chez le serviteur de Dieu; mais dès ce que celui-ci l'eut aperçu il lui dit: « Je sais pourquoi vous venez ; mais ce que vous me demandez ne peut se faire; car l'enfant est mort à l'heure qu'il est. » Il y eût un autre saint homme appelle Theudelapius qui demeurait près de Vérone, qui obtenait du ciel bien des choses, et prédisait aussi l'avenir par ce qu'il était doué d'un es prit prophétique. Dans ces temps-là fleurit aussi Pierre Evêque de Pavie, qui était parent du Roi. Le Roi Aripert l'avait autrefois exilé à Spolète, et comme il fréquentait l'église de saint Sabinus, ce saint martyre lui apparut et lui annonça qu'il deviendrait Evêque de Pavie. Ensuite lorsque cette prédiction se vérifia, Pierre fit construire à ce saint martyr une église sur son propre terrain. Entre autres belles qualités de Pierre, c'est qu'il garda toute sa vie la fleur de sa virginité. Nous parlerons en son lieu d'un certain miracle qu'il a opéré. Liutprand mourut très vieux après avoir régné trente un ans et sept mois, son corps fût mis dans la basilique de saint Adrien Martyre où son Père repose également. C'était un homme sage, pieux et ami de la paix, maître dans l'art de la guerre, et clément envers les coupables, chaste, pudique, adonné à la prière, libéral en aumônes, ignorant dans les lettres; mais digne d'être comparé aux Philosophes, Nourricier de la nation et augmentateur des lois. Dans le commencement de son règne, il prit plusieurs villes aux Bavarois, et dans cette expédition il montra plus de confiance dans la prière que dans les armes. Il mit aussi beaucoup de soin, à cultiver la paix avec les Francs et les Avares.