[4,0] LIVRE IV. [4,1] I. Agilulf que l’on appelle aussi Agon, ayant été confirmé dans la dignité royale, envoya en France Agnellus Evêque de Trente, pour tacher de ravoir les captifs Lombards, celui-ci y alla et ramena ceux que Brunehilde avait rachetés de son argent. Evin Duc de Trente alla aussi en France pour obtenir la paix; mais il revint sans avoir rien fait. [4,2] II. Dans cette année là il y eut une grande sécheresse jusques au mois de septembre et il s'ensuivit une extrême famine. Le territoire des Trentins fut aussi affligé d'une grande quantité de sauterelles, plus grandes que les sauterelles ordinaires ; mais ce qu'il y a d'extraordinaire, c'est qu'elles se nourrirent dans les prés et les marais, et ne touchèrent presque pas aux moissons, l'année suivante il en revint un pareil nombre. [4,3] III. Dans ces temps-là, le Roi Agilulf, tua Minulf Duc de l'île de saint Julien, parce qu'il l'avait livrée auparavant aux Francs. Gaidulf Duc de Bergame se révolta; mais ensuite il donna des otages et fit la paix. Peu de temps après il se révolta de nouveau, et se renferma dans l'île Comacine où il trouva un trésor que les Romains y avaient laissé. Mais Agilulf entra dans l'île, chassa les hommes de Gaidulf et porta son trésor à Pavie. Gaidulf se réfugia de nouveau à Bergame où il rentra en grâce chez Agilulf. Le Duc Ulfaris se révolta aussi, mais il fut assiégé, et pris à Trérisi. [4,4] IV. Dans ce temps-là il y eut encore une peste inguinaire à Ravenne, Grado, et Histrie, comme celle qui s'était déjà manifestée trente ans auparavant. C’est alors aussi que le Roi Agilulf fit la paix avec les Avares. Childebert fit alors la guerre à son cousin le fils de Chilpéric, et ils livrèrent une bataille où périrent jusqu'à trente mille hommes. Cette année-là l'hiver fut plus froid que l'on ne se rappelait encore de l'avoir vu précédemment. Il plut du sang dans le pays des Brioniens, et les fleuves même en furent teints. [4,5] V. Dans ces temps-là le savant pape saint Grégoire écrivit trois livres de la vie des saints, et il appela cet ouvrage Dialogues, c'est à dire, discours de deux personnes, parce qu'il s'y entretient avec son diacre Pierre. Saint Grégoire dédia ce livre à la Reine Theudelinde qu'il savait être dévouée à Jésus Christ et toujours prête à faire des bonnes œuvres. [4,6] VI. L'Eglise de Dieu dut aussi de grandes utilités à cette reine; car les Lombards qui étaient encore gentils lorsqu'ils étaient entrés en Italie, avaient pris presque tous les biens des Eglises. Mais le Roi touché par ses supplications salutaires fut fidèle à la religion catholique, donna de grandes possessions aux églises, et remit dans un état honorable les Evêques qui avaient langui dans l'oppression et l'abjection. [4,7] VII. Dans ces temps-là Tassilon fut fait Roi de Bavière par Childebert Roi des Francs. Bientôt après il entra dans la province des Slaves, et revint avec un butin considérable. [4,8] VIII. Dans ce temps-là Romain, Patrice et Exarque de Ravenne, alla à Rome, et en revenant à Ravenne il prit aux Lombards les villes suivantes, Sutrium, Polimartium, Horta, Tudertum, Ameria, Perusia, Luceolis, et d'autres, encore. Ceci ayant été annoncé à Agilulf, il sortit de Pavie à la tête d'une puissance, armée et alla d'abord à Péruse. Il y assiégea Maurision Duc des Lombards qui s'était rendu aux Romains, et ayant pris la ville il le fit mourir. Le Pape saint Grégoire fut tellement effrayé de l'arrivée du Roi, qu'il abandonna l'exposition du Temple dont il est parlé dans Ezéchiel, ainsi qu'il le dit lui-même dans ses Homélies. — Mais le Roi retourna à Pavie. Peu de temps après, il fit la paix avec les Romains à la persuasion de Theudelinde, et le Pape Grégoire en a remercié cette reine dans la lettre que nous allons rapporter. [4,9] IX. Grégoire à Theudelinde Reine des Lombards Salut ! Notre fils l’abbé Probus nous a appris que votre excellence avait employé tous ses soins et sa bonté ordinaire à l'ouvrage de la paix, et nous ne pouvions attendre autre chose de notre chrétienneté. C’est pourquoi nous rendons grâces à Dieu de ce qu'il dirige votre cœur dans sa piété, de ce qu'il lui donna la vraie foi et vous permet de coopérer toujours aux choses qui lui plaisent. Car, mon excellente fille, vous avez le mérite d'avoir épargné tout le sang qui devait être versé de part et d'autre. C'est pourquoi nous vous rendons grâces, et nous implorons la miséricorde de notre Dieu, afin qu'il vous rende dans l'avenir le bien que vous avez fait. Nous vous exhortons aussi par notre direction paternelle, de vous employer auprès de votre excellent époux, afin qu'il ne renonce pas à l'association de la république Chrétienne. Car vous devez savoir combien l'amitié de cette république peut lui devenir utile. Pour tous, étudiez toujours à votre manière ce qui a rapport à l'esprit de parti et plaidez la cause de la miséricorde lorsque vous en trouverez l'occasion, et par là vous vous recommanderez vous-même aux yeux du tout-puissant. [4,10] X. Grégoire à Agilulf Roi des Lombards Salut: Je rends grâce à votre excellence de ce qu'elle a écouté notre pétition, et fait une paix avantageuse à tous les partis, et nous en prenons l'occasion de louer la prudence et la bonté de votre excellence ; car en aimant la paix, vous faites voir que vous aimez Dieu qui est l'auteur de toute paix; car (ce qu'à Dieu ne plaise) si la paix n'avait pas été faite, l'on verserait encore le sang des pauvres paysans, qui sont des gens très utiles à tous les partis. Mais pour que cette paix soit réellement utile, nous vous prions de recommander à vos généraux de l'observer, de nos côtés, afin que des occasions de querelles et de contentions soient éloignées autant qu'il sera possible. Ces lettres vous seront portées par vos hommes, que nous avons reçus avec l'affection qui convenait à l'égard de gens qui donnaient la nouvelle d'une paix accordée par une divinité propice. [4,11] XI. Au mois de janvier parut une comète, et on la vit le matin et le soir pendant tout le mois. Dans ce même mois mourut Jean, Archevêque de Ravenne; son successeur fut Marianus citoyen Romain. Evin Duc de Trente mourut aussi et l'on mit à sa place Guidolad homme bon et catholique. Deux mille Bavarois firent une irruption chez les Slaves, mais le Cacan survint et ils furent tous tués. C'est alors que l'on conduisit en Italie pour la première fois des Bubales et des chevaux sauvages. Le peuple les admira beaucoup. [4,12] XII. C'est alors que Childebert Roi des Francs mourut à l'âge de vingt-cinq ans, en même temps que sa femme, l'on croit qu'ils furent empoisonnés. Les Huns appelés Avares allèrent de Pannonie en Thuringe, et firent une guerre cruelle aux Francs. Brunichilde régnait alors dans les gaules avec Théodebert et Théodoric encore enfants, elle donna de l'argent aux Huns et ils s'en retournèrent chez eux. Gontran mourut alors et son royaume passa à Brunichilde et aux fils de Childebert. [4,13] XIII. Dans ce temps-là le Cacan Roi des Huns envoya des Ambassadeurs à Milan au Roi Agilulf et fit la paix avec lui. Le Patrice Romain mourut et son successeur fut Gallicinus, qui fit la paix avec Agilulf. [4,14] XIV. Agilulf conclut une paix perpétuelle avec Théodoric Roi des Francs. Ensuite il fit périr Zangrulf Duc de Vérone qui s’était révolté, et Gaïdulf, Duc de Bergame auquel il avait déjà deux fois pardonné. Enfin il tua Warnecautius près de Pavie. [4,15] XV. Ensuite la peste régna encore à Ravenne et l'année suivante, il y eut une grande mortalité à Vérone. [4,16] XVI. L'on vit dans le Ciel comme des lances de sang et une lumière éclatante pendant toute la nuit. Dans ce temps-là Théodebert Roi des Francs remporta une grande victoire sur son oncle Clotaire. [4,17] XVII. L'année suivante mourut Ariulf qui avait succédé à Spolète au Duc Farvald. Ariulf combattant une fois contre les Romains du côté de Camerino, et ayant remporté la victoire, demanda qui était cet homme qu'il avait toujours vu combattre avec tant de courage. Ses guerriers lui répondirent que personne n'avait combattu avec plus de courage que le Duc lui-même. Mais le Duc dit: Certainement j'en ai vu un autre qui combattait beaucoup mieux que moi, et toutes les fois qu'un ennemi voulait me frapper il me couvrait de son bouclier. — Quelque temps après, le Duc vint à Spolète où il y a une belle église de saint Sabinus et où il repose, et il demanda à qui était cette grande maison, et quelques fidèles lui répondirent que c'était là qu'était le corps de saint Sabinus que les Chrétiens avaient coutume d'invoquer lorsqu'ils allaient à la guerre. Ariulf, qui était encore gentil répondit: Quel secours un homme mort peut il donner à un vivant ? — Après avoir dit cela, il descendit de cheval et entra dans l'Eglise, et tandis que les autres priaient il se mit à regarder les peintures, et comme il vint au tableau qui représentait saint Sabinus, il affirma avec un jurement, que c'était là l'homme qui l'avait secouru dans le combat. Alors tout le monde vit bien de quoi il s'agissait, et qu'il ne devait le gain de la bataille qu'à saint Sabinus. [4,18] XVIII. Vers ce temps-là les Lombards attaquèrent de nuit le couvent de saint Benoît qui est au mont Cassin, ils dévastèrent tout, mais ils ne purent tenir un seul moine, et en cela s’est accomplie la prophétie qu’avait faite saint Benoît disant : A peine ai-je pu obtenir de Dieu que les âmes de ce lieu-là me fussent cédées. Les moines s’enfuirent à Rome n’emportant qu’une livre de pain, une mesure de vin, et leur règle telle qu’elle avait été composée par leur saint fondateur. Il faut savoir qu’à saint Benoît avait succédé Constantin, puis Simplicius, puis Vitalis, enfin Bonitus qui dirigeait la congrégation lors de ce désastre. [4,19] XIX. Zoton Duc des Bénéventins étant mort, Agilulf y envoya pour lui succéder Arigis qui était né dans le Frioul et avait élevé les fils de Gisulf Duc de Frioul dont il était parent. Arigis reçut la lettre suivante du Pape saint Grégoire et cette lettre existe encore. [4,20] XX. Grégoire au Duc Arigis salut: Si votre gloire était notre propre fils elle ne nous inspirerait pas plus de confiance que nous n'en avons en elle; et c'est ce qui nous engage à vous demander une chose qui nous attristerait si vous la refusiez, d'autant qu’en l'accordant, votre âme peut en être puissamment aidée. Nous avons besoin de quelques poutres pour nos églises de saint Pierre et de saint Paul. C'est pourquoi nous avons enjoint à notre Sous-diacre Sabinus d'en faire couper quelques-unes du côté des Briciens, et de les faire traîner jusqu'à la mer dans un lieu propre à les embarquer. Et parce qu'il a besoin de secours dans une chose pareille, nous saluons votre gloire et nous la prions avec une charité paternelle d'ordonner à ses actionnaires, qui sont dans ce lieu-là, d'y employer les hommes qui sont sous eux avec leurs bœufs ; et lorsque la chose sera portée à sa perfection, nous vous ferons un présent qui ne sera pas injurieux. Car nous savons nous considérer, et répondre à la bonne volonté que nous montrent nos fils. Ainsi donc, ô notre glorieux fils, nous vous prions encore une fois de faire en sorte que nous nous croyons vos débiteurs et que vous vous soyez acquis un mérite auprès de la sainte église. [4,21] XXI. Dans ce temps-là, la fille du Roi Agilulf fut enlevée dans la ville de Parme avec son mari Godescalc par l'armée du Patrice Gallicinus, et on les conduisit à Ravenne. Dans le même temps, le Roi Agilulf envoya des ouvriers au Cacan des Avares, pour construire des barques avec les quelles il prit une certaine île dans la Thrace. [4,22] XXII. Dans ce temps-là aussi, la reine Theudelinde fit la dédicace de l’église saint Jean Baptiste à Modica, à douze milles au-dessus de Milan, et elle l’orna de vases d’or et d’argent, et lui donna de belles terres. Théodoric, ancien roi des Goths, y avait construit un palais où il passait l’été parce que le climat est plus froid, comme plus voisin des Alpes. [4,23] XXIII. C'est là aussi que Theudelinde fit bâtir un palais, où elle fit peindre une partie de l'histoire des Lombards. C'est dans ces peintures que l'on voit manifestement comment les Lombards d'alors se coiffaient et s'habillaient. Ils se rasaient la nuque et l'occiput, et les Cheveux des faces retombaient jusqu'à la bouche et étaient séparés à l'origine du front. Leurs habits étaient larges et généralement de lin, comme ceux que les Anglo-Saxons portent encore aujourd'hui, ornés de larges pièces de couleurs différentes. Leurs chaussures étaient ouvertes jusques au grand orteil, et retenues alternativement par un lacet de cuir. Dans la suite ils commencèrent à se servir de Hoses et lorsqu'ils montaient à cheval, ils mettaient par dessus, des Tubruges de burre, mais c'est un usage qu'ils avaient pris des Romains. [4,24] XXIV. Jusques alors Padoue avait toujours résisté aux Lombards, mais enfin le Roi Agilulf y fit jeter tant de feu qu'elle fut totalement brûlée, mais les soldats qui y étaient eurent la permission de s'en retourner à Ravenne, [4,25] XXV. Les Ambassadeurs qu'Agilulf avaient envoyés au Cacan des Avares, rapportèrent l’heureuse confirmation de la paix. Un envoyé du Cacan des Avares était venu avec eux, et continua son chemin pour les Gaules, étant chargé de dire au Roi des Francs qu'il eut à vivre en paix avec les Lombards, comme avec les Avares eux-mêmes. Alors les Lombards joints aux Avares et aux Slaves entrèrent dans le pays des Histriens et y mirent tout à feu et à sang. [4,26] XXVI. Theudelinde accoucha dans le palais de Modica d'un fils, qui fut appelé Adaloald. Ensuite les Lombards s’emparèrent du mont Silese, Gallicinus fut chassé de Ravenne par Smaragdus qui y avait été autrefois Patrice. [4,27] XXVII. Phocas qui avait été strateur du Patrice Priscus, fit mourir l'Empereur Maurice avec ses fils, Théodose, Tibère, et Constantin. Maurice avait régné vingt et un ans et s'était rendu utile à la république, et avait fait la guerre toujours heureusement, particulièrement contre les Huns que l'on appelle Avares. [4,28] XXVIII. Gaidould Duc de Trente et Gisulf Duc de Frioul, s'étaient écartés du Roi Agilulf, mais cette année-là, ils rentrèrent en grâce, c'est alors aussi que fut baptisé cet enfant dont nous avons parlé plus haut, savoir Adalvald fils d’Agilulf, et il fut retiré des fonds sacrés par le trentin Secundus, serviteur du Christ dont nous avons déjà souvent fait mention dans cet ouvrage. Cela eut lieu à Modica, le jour de Pâques septième des Ides d’Avril. [4,29] XXIX. Alors les Romains étaient mal avec les Lombards, à cause de cette fille du Roi qu’ils retenaient captive. C’est pourquoi Agilulf, sortit de Milan au mois de juillet, et mit le siège devant Crémone avec les Sclaves, que lui avait envoyés le Cakan Roi des Avares. Crémone fut prise le 12 des Calendes, de Septembre et Agilulf la fit raser. Ensuite il mit le siège devant Mantoue, abattit les murs à coups de béliers, et entra dans la ville aux Ides de Septembre. Le château de Vulturina se rendit aussi aux Lombards, et la garnison en se retirant brûla le Bourg de Brexillum. Enfin le Patrice Smaragdus rendit la fille du Roi, avec son mari, ses fils, et tout ce qu'elle avait, et l'on conclut une trêve qui devait durer depuis le mois de Novembre jusques aux Calendes d'Avril indiction huitième. La fille vint à Parme où elle mourut des suites d'une couche. En cette année-là Théodebert et Théodoric Rois des Francs firent la guerre à leur oncle Clotaire, et beaucoup de monde périt des deux côtés. [4,30] XXX. Saint Grégoire mourut, comme Phocas entrait dans la seconde année de son règne. Sabinien succéda à saint Grégoire. L'hiver fut très froid et fit périr les vignes en bien des endroits. Ensuite les moissons furent en partie brûlées par les grandes chaleurs, et en partie mangées par les rats. Il était juste que le monde souffrit alors de la faim et de la soif, puisque un si grand Docteur était mort et que les âmes des hommes restaient exposées à la pénurie de nourriture spirituelle et à l'aridité qui en résulte. J'ai envie d'insérer ici une certaine lettre de ce saint homme, dans laquelle on pourra voir quelle était son humilité et son innocence. Il fut accusé d'avoir fait périr un certain Evêque Malcus et écrivant à ce sujet à Sabinien qui était son commissaire à Constantinople, il lui dit entre autres choses : Voici ce que vous devez insinuer à nos sérénissimes Seigneurs, c'est que si moi, leur sénateur, j'avais voulu me mêler de faire mourir des Lombards, aujourd'hui cette nation n'aurait plus ni Rois, ni Ducs, ni Comtes et serait dans la plus grande-confusion. Mais je crains Dieu, et je ne contribue à la mort de qui que ce soit. L'Evêque Malcus, dont il est question, n'a point été mis en prison, et on ne lui a fait aucun mal. Lorsqu'il eut plaidé sa cause, le notaire Boniface le conduisit chez lui à mon insu, le reçut honorablement, lui donna à dîner et il est mort subitement pendant la nuit. — Voyez quelle était l’humilité de cet homme, qui, quoi que Pontife suprême de Dieu, s'appelait cependant le serviteur des hommes, voyez quelle était son innocence, puisqu'il ne voulait pas contribuer à la mort des Lombards quoiqu'ils fussent incrédules et fissent tant de dégâts. [4,31] XXXI. L'été suivant au mois de Juillet, Adaloald fut élevé à la royauté des Lombards, dans le Cirque de Milan, en présence de son père Agilulf et des Ambassadeurs de Théodebert Roi des Francs, ceux-ci firent épouser à Adaloald encore enfant, la fille de Théodebert et conclurent une paix perpétuelle avec les Lombards, [4,32] XXXII. Dans ce temps-là les Francs et les Saxons se firent une guerre cruelle. Le Chantre Pierre fut tué d'un coup de tonnerre à Pavie dans l'église de l'apôtre saint Pierre. [4,33] XXXIII, Au mois de novembre, Agilulf conclut une trêve d'un an avec Smaragdus et reçut pour cela douze mille sous. Les Lombards prirent en Toscane le bain du Roi, et Civitavecchia. Dans les mois d'Avril et de Mai, l'on vît au ciel une étoile que l'on appelle comète. Agilulf conclut une trêve de trois ans avec les Romains. [4,34] XXXIV. Dans ces temps-là mourut le patriarche Sévère, et l'Abbé Jean lui succéda dans l'ancienne Aquilée du consentement du Duc Gisulf. Les Romains ordonnèrent à Grado l'Evêque Candidianus. L'Etoile comète apparut de nouveau dans les mois de Novembre et de Décembre. Candidianus mourut et l’on ordonna patriarche Epiphane qui avait été Primicier des notaires, ce furent les Evêques sujets des Romains qui l'ordonnèrent et depuis lors il y eut deux Patriarches. [4,35] XXXV. Jean Consinus s'empara de Naples, dont il fut chassé longtemps après par le Patrice Eleuthère qui le fit mourir. Alors ce même Patrice c'est-à-dire l'Eunuque Eleuthère, commença à exercer les droits de l'Empire mais comme il allait de Ravenne à Rome, ses soldats le tuèrent à Luceoli et portèrent sa tête à l'Empereur à Constantinople. [4,36] XXXVI. Agilulf envoya à l'Empereur Phocas son Notaire Stabilicianus celui-ci retint avec des Ambassadeurs de l'Empereur, qui portèrent des présents et conclurent une trêve d'un an. [4,37] XXXVII. Or donc Phocas ayant fait mourir Maurice et ses fils régna pendant huit ans. Le Pape Boniface obtint de lui que le siège de l'église apostolique et Romaine serait le chef de toutes les églises; car l'église de Constantinople prenait le titre de la première de toutes les églises. Le même Pape Boniface fit ôter du Panthéon les Saletés de idolâtrie, et en fit une église consacrée à la sainte vierge et à tous les martyrs. Afin que l'on fît mention de tous les saints, là ou auparavant l’on adorait tous les démons. Dans ce temps-là les Factions Vénètes et Prasines se firent une guerre cruelle dans tout l'Orient et l’Egypte. Les Perses enlevèrent aux Romains beaucoup de Provinces et même Jérusalem. Partout ils détruisaient les églises, profanaient les choses sacrées, enlevaient les ornements des lieux saints et même ils prirent le drapeau de la croix du seigneur. Héraclianus qui gouvernait l'Afrique se révolta contre Phocas, et Héraclias fils d'Héraclianus fut fait Empereur. [4,38] XXXVIII. Vers ce temps-là le Cacan Roi des Avares, entra dans la Vénétie à la tête d'une multitude innombrable. Gisulf Duc de Frioul l'attaqua avec tous les Lombards qu'il pût ramasser, mais quelque fut leur valeur ils ne purent résister à la multitude qui les environnait, et furent presque tous tués aussi bien que Gisulf lui-même. Romilda femme de Gisulf se renferma dans les murs de Frioul avec les Lombards qui avaient échappé et avec les femmes et les enfants de ceux qui avoient péri. Romilde avait quatre fils, Taso et Caco, déjà adolescents, Radould et Grimoald encore enfants. Elle avait aussi quatre filles, Appa, Gaila, et deux autres dont je ne sais pas les noms. Les Lombards s'étaient aussi fortifiés dans d'autres places fortes, telles que Cormones, Nomaso, Osopo, Artenia, Reunia, Glemona et enfin à Ibligine qui par sa position est inexpugnable. Pendant ce temps-là les Avares parcouraient tout le Frioul et s'efforçaient de prendre la ville de Frioul. Un jour que le Cacan faisait le tour de ses murailles à la tête d'une suite nombreuse, Romilde l'aperçut et le voyant à la fleur de son âge, cette infâme courtisane, se prit de passion pour lui, et lui envoya dire que s'il voulait l'épouser elle lui livrerait la ville et tout ce qui y était. Le Roi Barbare, promit de faire ce qu'elle désirait, et Romilde fit aussitôt ouvrir les portes de la ville. Les Avares y étant entrés mirent le feu à la ville, et enlevèrent tous les habitants puis ils reprirent le chemin de la Pannonie. Lorsqu'ils furent arrivés au camp qu'ils appellent sacré, ils se décidèrent à tuer tous les Lombards, et à ne garder que les femmes et les enfants. Taso, Caco, et Rodould voyant la malice des Avares, montèrent à cheval et trouvèrent le moyen de s'enfuir comme le petit Grimoald ne pouvait pas encore se tenir à cheval, un de ses frères crut devoir le tuer, mais comme il levait la lance sur lui, l'enfant lui cria tout en larmes: Ne me faites pas de mal ; car je saurai me tenir à cheval. — Alors le frère le mit sur un cheval et sans selle lui dit de se bien tenir. Le petit Grimoald prit la bride et tacha de suivre. Les Avares s'étant aperçus de leur fuite se mirent à les poursuivre ; mais ils ne purent atteindre que le petit Grimoald, l'Avare qui s'en saisit le premier ne voulut pas le tuer, et préféra de le ramener au camp, en tenant la bride de son cheval, ce qu'il fit aussi en se réjouissant extrêmement de sa capture, car c'était un bel enfant aux yeux brillants, et à la chevelure couleur de lait. Pendant ce temps-là cet aimable enfant ressentait un grand chagrin de se voir ainsi repris, et tout d'un coup il tira sa petite épée et en donna un si grand coup sur la tête de l'Avare, qu'il pénétra jusqu'à la cervelle, et le fit tomber mort sur la place. Aussitôt le petit Grimoald reprit la bride de son cheval, et retourna vers ses frères, auxquels il raconta ce qui s'était passé. Les Avares tuèrent effectivement tous les Lombards qui avoient atteint l'âge viril et emmenèrent chez eux les femmes et les enfants. Pour ce qui est de Romilde. Le Roi des Avares passa une nuit avec elle, pour remplir le serment qu'il avait fait de l'épouser. Et c'est ainsi qu'à péri cette femme traîtresse à la Patrie qui sacrifia le sang de ses Concitoyens à l'envie de satisfaire ses désirs désordonnés. Les filles ne suivirent point l'exemple de leur mère. Mais cherchant des moyens pour sauver leur vertu. Voila comment ces nobles filles surent se conserver chastes, et donnèrent un bel exemple que les femmes pourront suivre à l'avenir, si elles se trouvent dans quelques circonstances pareilles. Ensuite ces vertueuses personnes furent vendues dans différents pays, et se marièrent d'une façon digne de leur noble origine, car l'on assure que l'une épousa le Roi des Alemans et l'autre le Roi des Bavarois. [4,39] XXXIX. Ici je crois devoir suspendre l'histoire générale et dire quelque chose de ma généalogie, à moi qui écris ceci. Et pour cela il faut que je reprenne la chose un peu plus haut. Lorsque les Lombards entrèrent en Italie, mon bisaïeul Leuphis qui était aussi un Lombard y vint avec eux. Leuphis après avoir vécu quelques années en Italie mourut, et laissa six fils qui étaient encore enfants, lorsque les Avares les prirent dans la ville de Forum Julii, et les amenèrent chez eux. Tous ces six frères vécurent dans la misère et la captivité à l'exception du cinquième qui s'appelait Lupicis, et qui était mon aïeul ; celui-ci inspiré sans doute par l'auteur de tout bien, forma le projet de s'échapper. Il prit son arc, son carquois, et un peu de nourriture, et se mit en route sans savoir où il allait, lorsqu'un loup se fit son compagnon de voyage et son conducteur. Ce loup marchait devant lui, regardant de temps en temps en arrière, s'arrêtant quand il s'arrêtait et se remettant à le précéder lorsqu'il le voyait marcher. Alors mon aïeul vit bien que c'était Dieu qui lui envoyait ce loup pour lui montrer le chemin. Ils marchèrent ainsi pendant plusieurs jours dans des montagnes solitaires, enfin mon aïeul qui n'avait pris avec lui que très peu de pain commença à en manquer tout à fait et pressé par une faim dévorante, il prit son arc y mit une flèche et voulut tuer le loup, mais celui-ci disparut aussitôt. Mon aïeul désespérant déjà de sa vie et trop faible pour pouvoir avancer, se jeta à terre et s'endormit, alors il vit en songe un homme qui lui dit: Lève-toi, et marche du côté où tes pieds sont à présent, car c'est là qu'est l'Italie. — Mon aïeul s'éveilla et se mit à marcher du côté qui lui avait été indiqué. Bientôt après il arriva à un lieu habité par des Slaves, une vieille femme l'ayant aperçu, comprit bientôt qu'il était fugitif et mourant de faim. Elle en eût pitié, le cacha dans sa maison, et lui donna à manger peu à peu, dans la crainte qu'une trop grande abondance d'aliments donnés tout à la fois ne lui fit du mal. Enfin, lorsque ses forces furent rétablies, elle lui donna d'autres provisions, le mit sur son chemin et lui dit adieu. Mon aïeul arriva en Italie peu de jours après, et vint à la maison où il était né. Elle n'avait plus de toit, et l'entrée en était hérissées de ronces et d'épines. Mon aïeul les coupa, entra dans la maison, trouva qu'un orme avait cru dans l'intérieur, et y suspendit son carquois. Ensuite ses parents et ses amis lui firent des présents, il rebâtit sa maison et se maria, mais il ne put jamais rentrer dans les possessions de son père, qui étaient depuis trop longtemps en des mains étrangères. Cet homme était mon aïeul ainsi que je l'ai déjà dit. Il eut un fils appelé Arichis qui fut mon grand père. Arichis eut un fils appelé Warnefrid qui fut mon père. Mon père eut deux fils de sa femme Theudelinde, moi Paul, et mon frère qui fut appelé Arichis comme notre grand père. Et après avoir dit ceci sur notre généalogie, je rentre dans le sentier de mon histoire. [4,40] XL. Gisulf Duc de Frioul ayant été tué, ses fils Taso et Cacco commencèrent à gouverner le duché. Ils possédèrent le pays des Slaves jusqu'à Zellia et jusqu'au lieu appelé Medaria, et jusques au temps du Duc Rutchis les Slaves ont payé une pension aux Ducs du Frioul. Grégoire, Patrice Romain, fit périr ces deux frères, par une trahison dans la ville d'Opitergio. Voici comment la chose arriva, Grégoire promit à Tason de lui couper la barbe, selon l'usage et de l'adopter pour son fils, et Tason qui ne soupçonnait aucune fraude, se rendit auprès de lui avec son frère Caccon, et plusieurs jeunes gens d'élite. Mais ils ne furent pas plutôt entrés à Opitergium, que Grégoire fit fermer les portes de la ville, et envoya des soldats contre les Lombards. Tason voyant cela prit congé de son frère et du reste de ses compagnons, après quoi ils se répandirent dans les rues de la ville et tuèrent tout ce qu'ils rencontraient, jusques à ce qu'on les tuât eux-mêmes jusqu'au dernier. Le Patrice, pour satisfaire à son serment se fit apporter la tête de Tason et lui coupa la barbe, [4,41] XLI. Grasulf frère de Gisulf fut fait Duc de Frioul, Rodoald et Grimoald étant devenus des jeunes gens ne voulurent pas servir leur oncle, ils s'embarquèrent sur un petit navire et arrivèrent à Bénévent, chez Arichis Duc des Bénéventins et leur ancien Pédagogue, qui les reçut comme s'ils étaient ses propres fils. Dans ce temps-là mourut Tassilon Duc des Bavarois, son fils Garibald fut vaincu par les Slaves à Agunte, et ceux-ci ravagèrent ensuite les frontières des Bavarois, Mais les Bavarois ayant repris des forces, rechassèrent leurs ennemis, et leur reprirent le butin qu'ils avaient fait. [4,42] XLII. Agilulf fit avec l'Empereur une trêve d'une année, et ensuite d'une seconde année ; ensuite il renouvela aussi la paix avec les Francs. Néanmoins les Slaves entrèrent dans l’Istrie et là ravagèrent d'une façon déplorable. Au mois de mars mourut à Trente Secundus serviteur de Dieu, dont nous avons déjà fait souvent mention, et qui à écrit succinctement une histoire des Lombards qui va jusques à son temps. Agilulf conclut encore une paix avec l'Empereur, Alors aussi fut tué Théodebert Roi des Francs, ce qui donna lieu à une guerre civile des plus cruelles. Gunduald frère de la Reine Theudelinde fut tué d'un coup de flèche dans la ville d'Est sans que personne pût savoir d'où partait le coup. [4,43] XLIII. Le Roi Agilulf que l'on appelle aussi Agon, mourut après avoir régné vingt cinq ans, et laissa le royaume a son fils Adaloald qui était encore enfant et à sa femme Theudelinde, sous leur règne les églises furent restaurées, et l'on fit des dons considérables aux lieux saints. Mais après qu'Adaloald eut régné dix ans avec sa mère, il devînt fou, fut détrôné et les Lombards, mirent à sa place Arioald, dont les faits et gestes ne sont point parvenus jusqu’à nous. C'est alors que vivait saint Columbanus, originaire d'Ecosse. Il avait bâti un monastère dans les Gaules dans le lieu appelé Luxowius. Ensuite il vint en Italie et fut bien reçu par le Roi des Lombards ; il bâtit dans les Alpes Cotiennes un monastère appelé Bobius à quarante milles de Pavie, et il s'y forma une congrégation de moines que tous les princes Lombards se sont plu à enrichir. [4,44] XLIV Arioald régna d'onze ans sur les Lombards après quoi il mourut et son successeur fut Rotharis de la race d'Arod. C'était un homme vaillant et suivant le sentier de la justice; mais ne sachant pas tenir la droite ligne du Christianisme parce qu'il était contaminé de la perfidie Arienne. Car les Ariens, disent à leur perte, que le fils est moindre que le père, et le père moindre que tous les deux. Au lieu que nous autres catholiques nous disons, que le père, le fils et le saint esprit forment un Dieu, en trois personnes égales entre elles, en gloire et en puissances. Dans ces temps il y avait presque dans chaque ville deux Evêques l'un catholique et l'autre Arrien. L'on montre encore aujourd'hui à Pavie l'endroit où demeurait l’Evêque Arrien, et son baptistère près de l'Eglise de saint Eusèbe. Et alors il y avait un autre Evêque pour l'église catholique. L'Evêque Arrien Anastase, se convertit et fut ensuite Evêque catholique. Ce Roi Rotharis fit écrire de suite les lois des Lombards qui auparavant n'étaient retenues que de mémoire et par l'usage, et ce code fut appelé Edictum. Il y avait alors soixante et dix-sept ans que les Lombards étaient entrés en Italie ainsi que ce Roi l'atteste dans le prologue de son édit. [4,45] XLV. Arichis Duc de Bénévent envoya à ce Roi son fils Aion, mais comme il passa par Ravenne, les malicieux Romains, lui donnèrent un breuvage qui lui fit perdre l'usage de la raison. En sorte que son père sentant que la fin de sa vie approchait, recommanda à ses Lombards Radould et Grimoald, comme des gens plus propres à les gouverner que son fils Aion. [4,46] XLVI. Arichis Duc de Bénévent mourut après avoir régné cinquante ans. Aion son fils devint chef des Samnites. Mais Radould et Grimoald lui obéirent toujours comme à un frère aîné. Aion ayant régné un an et cinq mois, les Slaves vinrent sur une multitude de vaisseaux. Ils placèrent leur camp près de la ville de Seponto, et l'entourèrent de fosses secrètes. Aion ayant voulu les attaquer dans l'absence de Radould et de Garibald, tomba dans une de ces fosses avec son cheval, les Slaves accoururent et le tuèrent avec quelques uns des siens. Radoald ayant appris cela accourut aussitôt et parla aux Slaves dans leur propre langue, et après les avoir endormis par ses discours, il tomba sur eux à l'improviste, et en fit un grand carnage, afin de venger la mort d'Aion, après cela les Slaves furent forcés de quitter le pays. [4,47] XLVII. Rotharis prit aux Romains toutes les villes maritimes de la Toscane jusques aux frontières des Francs. Il prit aussi la ville d'Opitergium qui est entre Trévise et le Frioul, il fit aussi la guerre aux Romains de Ravenne sur le fleuve Scultena qui est dans la province Emilienne. Les Romains y prirent la fuite et perdirent dix mille hommes. Il y eut alors à Rome un tremblement de terre avec une forte inondation. Ensuite on fut affligé de la galle, et personne ne pouvait reconnaître ses morts, tant ils étaient enflés. Rodoald mourut à Bénévent après avoir régné cinq ans, Grimoald lui succéda et régna vingt-cinq ans sur les Samnites, il eut un fils et deux filles captives ; mais nobles appelées Itta, le fils fut appelé Romuald. Ce Romuald fut très vaillant, et ce fut lui qui repoussa les Grecs lorsqu'ils vinrent piller la chapelle de saint Michel Archange sur le mont Garganus. [4,48] XLVIII. Rotharis mourut après avoir régné seize ans et douze mois, et laissa le royaume des Lombards à son fils Rodoald. Rotharis fut enterré proche de la Basilique de saint Jean, quelque temps après, quelqu'un rempli d'une cupidité inique, ouvrit de nuit son tombeau, et enleva tout ce qu'il y trouva en fait d'ornements précieux. Mais cet homme fut ensuite bien effrayé lorsque saint Jean lui apparut et lui dit : Pourquoi as-tu osé toucher au corps de cet homme. Quoique sa foi ne fut pas pure, cependant comme il était dévot à mon nom il à su se mettre en grâce auprès de moi et puisque tu as fait cela, tu n'entreras jamais dans mon église. — Et cela arriva ainsi, car toutes les fois que cet homme voulait entrer dans l'église de saint Jean, il recevait un coup de poing d'une force prodigieuse, qui le repoussait en arrière, et le faisait tomber. Je dis la vérité dans le Christ, cela m'a été rapporté par un homme qui l'a vu de ses yeux. [4,49] XLIX. Rodoald ayant succédé à son père, épousa Gundiberge fille d'Agilulf et de Theudelinde. Gundiberge marcha sur les traces de sa mère, car Theudelinde avait fait bâtir une église à saint Jean à Modicia et Gundiberge en fit bâtir une à Pavie, à qui elle donna beaucoup d'or, d'argent, et de belles pelisses. C'est là aussi que son corps repose. Cette Gundiberge fut accusée d'adultère, et Carellus serviteur du Roi lui demanda la permission de se battre avec l'accusateur, pour soutenir la chasteté de la Reine. Carellus combattit en présence de tout le peuple, fut vainqueur et rendit par-là à la Reine toute sa dignité première. [4,50] L. Rodoald régna cinq ans et sept jours et fut tué par un certain Lombard dont il avait séduit la femme. Son successeur fut Aripert fils de Gunduald frère de Theudelinde. C'est lui qui à bâti la chapelle du saint Sauveur à Pavie hors de la porte occidentale appelée Marença, et il lui a fait des dons considérables; [4,51] LI. Alors Héraclius mourut à Constantinople. Son fils Héracléonas lui succéda et régna deux ans conjointement avec sa mère Martine. Il mourut et son frère Constantin lui succéda. Celui-ci mourut au bout de six mois et laissa l'Empire à son fils Constantin, qui régna vingt-huit ans. [4,52] LII. Dans ce temps-là Cesara femme du Roi de Perse quitta sa cour secrètement, et vint à Constantinople accompagnée d'un petit nombre d'amis fidèles. L'Empereur la reçut honorablement, et la tint sur les fonts de baptême. Le Roi de Perse l'ayant su, envoya redemander sa femme. L'Empereur répondit aux envoyés : Je ne sais pas un mot de votre Reine, il n'est venu chez moi qu'une dame Persane, habillée comme une simple particulière. — Les Ambassadeurs répondirent qu'ils voudraient bien voir cette femme et l'Empereur la fit venir. Elle ne fut pas plutôt entrée dans la salle, que les Ambassadeurs se prosternèrent à ses pieds, et lui dirent avec beaucoup de respect que le Roi de Perse désirait qu'elle revint auprès de lui. La Reine leur répondit en ces termes : Allez dire à votre Roi et Seigneur, que s'il ne croit pas au Christ comme j'y crois, il ne pourra point m'avoir pour compagne de sa couche. — Les Ambassadeurs retournèrent en Perse et rapportèrent cette réponse à leur Roi. Celui-ci vint à Constantinople avec une suite de soixante mille hommes, et fut très bien reçu par l'Empereur. Ensuite il se fit baptiser avec toute sa suite, et retourna dans sa patrie avec beaucoup de présents que l'Empereur lui fit aussi bien qu'à sa femme. Vers ce temps-là mourut Grasulf Duc de Frioul et Agon lui succéda. Theudelape mourut aussi à Spolète et Atton lui succéda. [4,53] LIII. Or donc Aripert mourut à Pavie après avoir régné neuf ans, et laissa deux fils à peine adolescents Bertaride et Godebert. Godebert résidait à Pavie, Bertaride à Milan. Mais des hommes malicieux ne tardèrent pas à semer entre eux la discorde. Godebert envoya Garibald, Duc de Turin vers Grimoald Duc de Bénévent pour le faire venir au plutôt, lui promettant sa sœur en mariage. Mais Garibald au lieu de remplir sa commission, engagea Grimoald à devenir lui-même Roi des Lombards, l'assurant que ce royaume ne pouvait pas être longtemps gouverné par deux enfants. Grimoald laissa son fils Romuald à Bénévent, et marcha vers Pavie. Partout où il passait, il cherchait à se faire des Partisans, et il envoya Trasimund pour lui en faire du côté de Spolète et de Toscane, celui-ci fit si bien son devoir qu'il vint à sa rencontre dans l'Emilie avec un corps de troupes assez considérable. Grimoald étant arrivé à Plaisance avec une aimée déjà nombreuse, envoya Garibald à Pavie pour annoncer son arrivée à Godebert, Godebert demanda à Garibald, où l'on devait préparer un logement pour Grimoald, et Garibald répondit, que puisque Grimoald était venu pour lui rendre service, et épouser sa sœur, il était juste qu'il logea dans le palais, ce qui eut lieu. Ensuite Garibald, dit à Godebert que Grimoald voulait le tuer, et qu'il ferait bien de mettre une cuirasse sous son habit, lorsqu'il lui parlerait. Puis il alla vers Grimoald, et lui dit que Godebert devait avoir de mauvaises intentions contre lui, puisque voulant lui parler il avait mis une cuirasse sous ses habits, la conférence eut lieu le lendemain. Grimoald en embrassant Godebert sentit qu'il avait une cuirasse sous ses habits, aussitôt il tira son épée et le tua. Godebert avait un fils fort enfant appelé Reginbert, il fut enlevé par ses amis et nourri secrètement, Grimoald ne voulut point en faire de recherche. Bertaride qui était à Milan, ayant su que l'on avait tué son frère prit aussitôt la fuite, et se retira chez le Cacan des Avares, laissant à Milan sa femme Rodelinde et son fils Cunibert encore enfant. Grimoald les envoya à Bénévent. Garibald, qui non seulement était l'auteur de tout ceci, mais qui s'était même approprié une partie des présents, dont Godebert l'avait chargé pour Grimoald, ne jouit pas longtemps du fruit de ses forfaits. Il y avait à Turin un petit homme peu important; mais de la même famille que Godebert; cet homme, sachant que Garibald devait venir faire ses dévotions pascales dans l'église de saint Jean, monta sur le baptistère, et s'appuyant de la gauche sur la colonne, il tira son épée, et lorsque Garibald passa il lui en donna un coup sur la nuque qui lui coupa la tête. Les gens de la suite de Garibald l'accablèrent de blessures, mais il mourut content parce qu'il avait vengé son seigneur Godebert.