[827] QU'IL NE FAUT PAS EMPRUNTER A USURE. (827d) Platon ne permet pas, dans son Traité des Lois, d'aller puiser (827e) de l'eau chez ses voisins; il veut qu'auparavant on fouille dans son terrain jusqu'à ce qu'on ait trouvé l'argile, qui est cette terre grasse et compacte qui retient l'eau et la conserve, et qu'on se soit assuré qu'il n'y a pas de source. Mais il autorise à en prendre chez ses voisins quand on n'en a pas trouvé chez soi. Le besoin des hommes rend cette loi juste. Il en faudrait une semblable pour l'argent : elle ne permettrait d'emprunter et de recourir (827f) à une source étrangère qu'après avoir examiné toutes ses ressources, et ramassé comme autant de filets d'eau pour pouvoir satisfaire à ses besoins. Aujourd'hui, la mollesse et un luxe fastueux font que les gens riches, au lieu d'employer leur bien à des choses utiles, empruntent sans nécessité pour des choses frivoles. Il est vrai que la pauvreté est sans crédit, et qu'on ne prête qu'à ceux qui ne sont pas dans le besoin et qui ne veulent se procurer par ces emprunts que des choses superflues ; encore exige-t-on d'eux de bonnes cautions. [828] Mais pourquoi faire votre cour à un banquier ou à un marchand? (828a) empruntez de votre propre buffet. Vous avez des bassins, des plats et des coupes d'argent, vendez-les si vous êtes dans un besoin pressant. Et du reste, l'agréable ville d'Aulis ou celle de Ténédos remplaceront votre vaisselle et orneront votre table de vases plus propres que l'argenterie, et qui ne seront pas infectés par cette odeur insupportable d'usure qui, comme une rouille corrosive, mine chaque jour votre opulence. Ils ne vous rappelleront pas sans cesse le jour des calendes et de la nouvelle lune, ce jour le plus saint et le plus auguste de tous, et que les usuriers rendent le plus odieux et le plus détestable. Pour ceux qui, au lieu de vendre une partie de leurs effets, préfèrent de les mettre en gage, je ne (828b) crois pas que Jupiter Ctésius pût lui-même empêcher leur ruine. Ils auraient honte d'en recevoir la valeur en argent, et ils ne rougissent pas d'en payer l'intérêt. Périclès, cet habile administrateur, fit faire le manteau d'or fin dont la statue de Minerve était velue, et qui pesait quarante talents, de telle manière qu'on pouvait l'ôter quand on voulait, afin, disait-il, que si nous sommes obligés de nous en servir pour les besoins de la guerre, nous puissions en remettre un autre de même valeur. Que cet exemple nous serve de leçon. Gardons-nous, dans nos besoins, de recevoir comme une ville assiégée la garnison d'un usurier ennemi, et ne souffrons pas que, sous nos yeux, nos biens soient mis en servitude ; retranchons plutôt de nos tables, de nos lits, de nos voitures et de toute notre dépense ce qui ne nous est pas absolument utile ; conservons notre liberté ; et si, dans la suite, la Fortune nous favorise, nous remplacerons ce que nous aurons retranché. (828c)Les dames romaines donnèrent tous leurs bijoux pour faire la coupe d'or qu'on envoya à Delphes et qu'on offrit à Apollon Pythien, comme les prémices de leurs dons. Les femmes de Carthage coupèrent leurs cheveux et en firent des cordes pour attacher les machines de guerre employées à la défense de leur patrie. Et nous, comme si nous avions à rougir de pouvoir nous suffire à nous-mêmes, nous enchaînons notre liberté par des obligations et des contrats, au lieu de nous réduire à ce qui nous est d'une véritable utilité et d'élever, du retranchement et de la vente de notre superflu, un temple de liberté pour nous, pour nos femmes et pour nos enfants. (828d) Le temple de Diane à Éphèse est, pour les débiteurs qui s'y réfugient, un asile assuré contre les poursuites de leurs créanciers. Le sanctuaire de la frugalité est aussi un asile impénétrable toujours ouvert aux hommes vertueux, où ils trouvent un repos aussi doux qu'honorable. Dans l'invasion de la Grèce par les Perses, la pythie dit aux Athéniens que le dieu leur donnait pour défense des murs de bois. Ils quittèrent donc leurs maisons, leur ville , leurs biens et leur pays, et se réfugièrent sur leurs vaisseaux pour y défendre leur liberté. De même Dieu nous donne une table de bois, des plats de terre, des habits simples avec lesquels nous pouvons nous maintenir libres. (828e) « Renonçons sans regret à ces chars fastueux Traînés rapidement par des coursiers fougueux. » que les usuriers ont bientôt atteints et même devancés. Montez sur le premier âne ou sur le premier cheval que vous trouverez pour fuir cet usurier, votre ennemi, votre tyran véritable, qui ne vous demande pas le feu et l'eau, comme les Mèdes aux Grecs, mais qui attente à votre liberté et blesse votre honneur. Si vous ne le payez pas , il vous presse ; si vous avez de quoi le payer, il ne veut recevoir votre argent qu'à sa commodité. Lui vendez-vous vos biens pour le satisfaire, il prétend les avoir pour rien ; refusez-vous de les vendre, il veut vous y forcer ; lui intentez-vous une action en justice, il propose un accommodement; faites-vous (828f) serment de le payer, il vous l'ordonne avec hauteur; allez-vous chez lui, il vous fait fermer sa porte ; restez-vous renfermé chez vous, il va sans cesse frapper à la vôtre. De quoi sert-il aux Athéniens que Solon ait affranchi les débiteurs de la contrainte par corps ? Ne sont-ils pas dans la dépendance de tous les usuriers ? Que dis-je ! ce n'est encore là que leur moindre mal : ils sont soumis à leurs esclaves même , hommes insolents, durs et barbares, semblables à ces bourreaux, à ces démons entourés de flammes, qui, suivant Platon, punissent les scélérats dans les enfers. [829] Ils font de la place publique l'enfer des malheureux débiteurs dont ils dévorent la substance, tels que des (829a) vautours affamés « A leur proie acharnés déchirent ses entrailles, » ou tels que ces furies qui se trouvent toujours auprès de Tantale, ils les empêchent de toucher à leurs propres biens, qu'ils emportent et dévorent eux-mêmes. Darius envoya Datis et Artapherne contre les Athéniens , et leur donna des fers pour enchaîner les prisonniers qu'ils feraient. Il en est à peu près de même des usuriers : ils parcourent la Grèce avec des sacs remplis d'obligations et de contrats, comme d'autant de chaînes, et vont de ville en ville , (829b) non pour y répandre, comme autrefois Triptolème, un fruit utile, mais des semences de dettes qui produisent des maux sans nombre, des usures sans fin dont les racines, s'étendant au loin et poussant toujours de nouveaux rejetons, étouffent les malheureux débiteurs. On dit que les femelles des lapins, pendant qu'elles nourrissent des petits, en mettent d'autres bas, et deviennent pleines. Mais l'argent prêté par ces barbares et impitoyables usuriers est fécond pour eux avant même qu'ils aient rien reçu; ils l'ont à peine donné qu'ils le redemandent, et ils retiennent l'intérêt sur le capital qu'ils délivrent. On dit en proverbe chez les Messéniens : (829c) « Pyle à côté de Pyle, et Pyle encor devant. » On peut dire de même des banquiers : « L'usure de l'usure enfante encor l'usure. » Ils se moquent des philosophes qui prétendent que rien ne se fait de rien ; et eux, cependant, ils tirent un intérêt de ce qui n'existe pas encore. Ils regardent comme une chose honteuse de prendre à ferme les revenus publics , quoique la loi le permette ; et eux, contre toutes les lois , ils exigent un impôt sur l'argent qu'ils prêtent, ou plutôt leur manière de prêter est une véritable fraude, car le débiteur qui reçoit moins que son obligation ne porte est certainement lésé. Les Perses regardent comme la première de toutes les fautes de contracter des dettes, et comme la seconde de mentir, parce que ce dernier (829d) vice est ordinaire aux débiteurs. Mais les usuriers mentent bien davantage : ils font des actes faux en inscrivant sur leurs registres qu'ils ont donné tant à un tel, quoique en effet celui-ci ait moins reçu. Et leur mensonge a pour principe, non la nécessité ou l'indigence , mais une cupidité et une avarice insatiables qui, sans aucun but d'utilité ou de jouissance pour eux-mêmes, est si funeste à ceux qui en sont l'objet. Ils ne cultivent pas les champs qu'ils enlèvent à leurs débiteurs; ils n'habitent pas les maisons dont ils les ont chassés; ils ne mangent pas sur les tables qu'ils leur ôtent, et ne portent point les vêtements dont ils les ont dépouillés. Un premier qu'ils ont ruiné leur sert d'amorce pour en attirer un second dans leurs filets. Leur avance, telle qu'un feu (829e) dévorant, se nourrit de la ruine et de la perte de ceux qui tombent dans leurs piéges et qui se succèdent à chaque instant. Et l'usurier qui attise sans cesse ce feu et lui fournit de nouveaux aliments, n'en retire d'autre avantage que de parcourir de temps en temps ses registres pour y voir combien de débiteurs il a forcés de vendre leurs biens, combien il en a chassés de leurs possessions, et d'où sont parties ces sommes d'argent qui, après avoir circulé de main en main, se sont amoncelées dans ses coffres. Et ne croyez pas, quand je parle ainsi, que j'aie des motifs personnels de vengeance contre les usuriers : « Ils n'ont jamais ravi mes bœufs ni mes chevaux. » (829f) Je veux seulement faire voir à ceux qui empruntent si facilement de quelle honte ils se couvrent, dans quel esclavage ils se jettent, et leur montrer que c'est de leur part le comble de la folie et de la lâcheté. Avez-vous de quoi vivre, n'empruntez pas, puisque vous n'êtes pas dans le besoin ; manquez-vous du nécessaire, gardez-vous encore d'emprunter : vous n'aurez aucun moyen de vous libérer. Examinons ces deux points séparément. Caton disait à un vieillard qui menait une mauvaise conduite : "Mon ami, la vieillesse a déjà tant de difformités, n'y ajoutez pas celle du vice". [830] Je vous dirai de même : (830a) La pauvreté traîne à sa suite tant de maux, ne la surchargez pas encore des embarras qu'amènent les emprunts; ne lui ôtez pas le seul avantage qu'elle ait sur la richesse, celui d'être exempte de chagrins. Sans cela, vous vous exposerez au ridicule exprimé dans ce proverbe : "Je ne puis porter une chèvre, ajoutez-y encore un bœuf". Vous ne pouvez pas supporter la pauvreté , et vous voulez vous charger encore d'usures, fardeau insupportable aux riches eux-mêmes! Mais, dites-vous, comment ferai-je pour vivre? Vous me le demandez, tandis que vous avez des bras, des pieds, une langue, enfin que vous êtes homme, et qu'en cette qualité vous pouvez aimer et être aimé, recevoir des services et en rendre, (830b) enseigner la grammaire, élever des enfants, garder une porte, être commerçant ou facteur. Qu'y a-t-il en tout cela d'aussi pénible et d'aussi honteux que de s'entendre dire par un créancier : Payez-moi! Rutilius, ce Romain si riche, vint un jour trouver Musonius, et lui dit : "Musonius, ce Jupiter que vous faites profession d'imiter, n'emprunte point à usure. — Il ne prête pas non plus", lui répondit Musonius en souriant. C'est que Rutilius était un usurier qui reprochait au philosophe ses emprunts. Mais quelle arrogance stoïque dans Rutilius ! Quel besoin d'appeler en témoignage Jupiter Sauveur , tandis qu'il avait sous les yeux tant d'exemples? Les hirondelles et les fourmis n'empruntent pas, elles à qui la nature n'a donné ni (830c) mains, ni raison, ni industrie. Mais les hommes ont reçu une telle intelligence, qu'ils peuvent nourrir des chevaux, des chiens, des perdrix, des lièvres et des geais. Pourquoi donc vous accuser vous-même d'être moins persuasif qu'un geai, plus muet qu'une perdrix , moins généreux qu'un chien, et de ne pouvoir, par vos services, par vos instructions, par votre zèle à garder quelqu'un et à le défendre, obtenir de lui des secours ? Ne voyez-vous pas combien la terre et la mer vous offrent de ressources dans vos besoins ? Écoutez ce que dit Cratès: "Je voyais Micylus, dans des temps malheureux, Écarter de la faim le besoin rigoureux En cardant de la laine, et sa femme, tranquille, Partageait avec lui ce travail difficile". Le roi Antigonus, après avoir retrouvé à Athènes le philosophe Cléanthe, qu'il n'avait pas vu depuis longtemps, lui dit : "Eh quoi ! Cléanthe, vous tournez encore la meule ? — (830d) Oui, prince, lui répondit Cléanthe, je le fais pour fournir à ma subsistance, prêt à tout faire plutôt que d'abandonner la philosophie". Quelle grandeur d'âme dans ce philosophe qui, de la même main dont il venait de tourner la meule et de faire du pain, allait écrire sur les dieux, sur la lune, sur le soleil et sur les astres ! Et après cela, nous traiterons ces travaux de serviles ! Est-ce donc pour nous conserver libres que nous empruntons, que nous faisons bassement la cour à de vils esclaves, que nous les escortons, que nous leur donnons à manger, que nous leur faisons des présents, que nous leur payons des pensions? Et cela, non pour éviter la pauvreté, car personne ne prête à un homme pauvre, mais pour fournir à une prodigalité. Si nous savions nous contenter du nécessaire, il n'y aurait pas plus d'usuriers dans le monde que de centaures et de gorgones. (830e) C'est le luxe qui les a seul enfantés, comme il a produit les ouvriers en or et en argent, les parfumeurs et les teinturiers. Est-ce pour acheter du pain et du vin que nous empruntons à usure ? Non, c'est pour avoir des terres, des esclaves, des mulets, des meubles magnifiques, des tables richement servies ; c'est enfin pour fournir aux folles dépenses de ces spectacles que nous donnons au peuple, et pour satisfaire une ambition insensée dont nous ne recueillons d'autre fruit qu'une cruelle ingratitude. Celui qui s'est mis une fois dans les filets des usuriers y reste pour la vie ; il passe de la servitude de l'un dans celle d'un autre , comme un cheval qu'on a bridé reçoit tous les cavaliers qui veulent le monter, sans qu'il lui soit possible de s'échapper dans ces gras pâturages, dans ces prairies riantes d'où il a été tiré. De même les débiteurs tombent d'usure en usure, semblables à ces démons que Dieu punit, suivant Empédocle, en les exilant du ciel. « Au vaste sein des mers le ciel les précipite. L'onde qui les reçut les repousse à l'instant. Par la terre lancés dans le soleil brûlant, Dans le vague des airs cet astre les rejette ; Sans cesse ils sont poussés de retraite en retraite. » [831] (831a) C'est ainsi qu'un débiteur tombe des mains d'un usurier ou d'un banquier dans celles d'un autre, aujourd'hui d'un Corinthien, demain d'un homme de Patras, ensuite d'un Athénien, jusqu'à ce que, également trompé par tous, il voie consommer sa ruine. Un homme tombé dans un bourbier doit, s'il le peut, en sortir sur-le-champ ou rester immobile à la même place. S'il se retourne et s'agite, il ne fait que s'enfoncer de plus en plus dans la boue. De même les débiteurs qui, changeant d'usuriers , contractent des obligations tantôt avec l'un, tantôt avec l'autre, (831b) ne font qu'ajouter fardeau sur fardeau, et finissent par s'abîmer. Ils ressemblent aux gens malades d'un excès de bile, et qui ne veulent pas se prêter à un traitement parfait ; en n'ôtant qu'une partie de l'humeur, ils en augmentent chaque jour la masse et rendent leur mal incurable. Ainsi les débiteurs qui n'ont pas le courage de renoncer à tout emprunt, sont obligés de payer tous les mois, avec les douleurs et les peines les plus cruelles, les intérêts qu'ils doivent. Mais à peine un créancier est-il satisfait, qu'un autre vient fondre sur eux et les replonge dans le même chagrin et la même amertume. Il valait bien mieux, en se libérant tout à fait, recouvrer une entière liberté. Maintenant c'est aux riches que je m'adresse, à ces gens délicats qui disent : Faut-il donc que je reste sans esclaves, sans table et sans maison? Ne croit-on pas entendre (831c) un hydropique, déjà tout enflé, dire à son médecin : Eh quoi ! vous voulez que je devienne maigre et sec? Et pourquoi non, si c'est pour votre bien? Vous aussi, pourquoi ne resteriez-vous pas sans esclaves, plutôt que de l'être vous-même ? pourquoi ne pas abandonner vos possessions, plutôt que de devenir la possession d'un autre? Écoutez la fable des deux vautours. L'un d'eux, saisi d'un vomissement violent, disait qu'il vomissait ses entrailles. « De quoi vous plaignez-vous? lui dit l'autre, ce ne sont pas vos entrailles que vous vomissez, mais celles du cadavre que nous dévorâmes l'autre jour.» Le débiteur aussi, ne vend pas sa terre ou sa maison, c'est celle de son créancier, (831d) à qui la loi l'a adjugée. Mais, direz-vous, mon père me l'a laissée. Il vous a aussi laissé la liberté et l'honneur, que vous devez priser bien plus que vos domaines. Il vous a laissé des pieds et des mains ; et si la gangrène s'y met, vous payez un chirurgien pour vous-les faire couper. Calypso avait fait présent à Ulysse d'un vêtement qui exhalait l'odeur d'un parfum immortel, et qui devait être le gage et le monument de sa tendresse pour lui. Mais lorsque, dans son naufrage, il se vit au moment d'être plongé dans les eaux par le poids de son vêtement, il le jeta loin de lui, se ceignit d'une bandelette, (831e) et gagna le bord à la nage; et quand il eut pris terre, il ne manqua ni d'habits ni de nourriture. Eh quoi ! n'est-ce pas une véritable tempête pour un débiteur, lorsqu'à l'échéance du terme, le créancier le presse et lui dit : Payez-moi? « A ces mots, tous les vents rassemblent les nuages; Le courroux de la mer annonce les orages. » Ces vents sont les intérêts amoncelés les uns sur les autres, et le débiteur qui se sent abîmé sous leur poids ne peut se sauver à la nage ; il s'enfonce de plus en plus, jusqu'à ce qu'enfin il se voie périr avec les amis qui lui ont servi de caution. Cratès (831f) le Thébain, qui ne devait rien à personne, qui n'était pas pressé par des créanciers, abandonna un patrimoine de huit talents, par le seul motif d'éviter les soins et les embarras que lui eût donnés l'administration de ses biens ; il prit la besace et le manteau, et se réfugia au sein de la philosophie et de la pauvreté. Anaxagoras laissa ses terres en friche. Et, sans parler de ces philosophes, le poète Philoxène, qui était allé en Sicile avec une colonie athénienne, et y avait eu en partage une belle maison et des terres considérables, ayant vu que le luxe, la mollesse et l'ignorance régnaient dans cette contrée : Certes, dit-il, je ne veux pas que ces biens-là me perdent ; ce sera moi qui les perdrai. [832] Il laissa son lot à d'autres, et repassa la mer. (832a) Mais les débiteurs, poursuivis par leurs créanciers, soumis à de grosses taxes, réduits à l'esclavage , sont trompés de toutes manières, essuient les traitements les plus durs, et, comme le roi Phinée, ils nourrissent des harpies qu'ils ne peuvent éviter (20). Leurs créanciers viennent à tous moments leur enlever leur nourriture, et, sans attendre la saison de la récolte, ils saisissent leurs grains avant la moisson, vendent leur huile et leur vin avant que les olives et les raisins soient cueillis. Je les veux à tel prix, leur disent-ils. En même temps ils leur présentent le contrat de vente, tandis que les raisins sont encore suspendus aux ceps, où ils attendent que l'Arcture amène la saison des vendanges.