[5,0] DISSERTATION V : S'il faut adresser des prières aux dieux. [5,1] I. UN Phrygien qui vivait dans l'oisiveté, et qui aimait beaucoup l'or, prit un jour, suivant ce que la fable raconte, un Satyre, espèce de dieu, qui aime beaucoup le vin. Pour le prendre, il avait jeté une quantité de cette liqueur dans la fontaine où ce dieu venait boire quand il avait soif. L'insensé Phrygien pria le dieu son prisonnier, et lui adressa un vœu tel qu'il était probable qu'il le formerait; un vœu, qui était d'ailleurs de nature à être accompli par le dieu, savoir, que toutes les campagnes de ses États fussent convertis en or, que les arbres, que les guérets, que les prés et les fleurs dont ils étaient émaillés, que tout devînt or. Le Satyre lui accorda ce qu'il demandait. Mais le territoire de la Phrygie n'eut pas été plutôt changé en or, que les peuples furent en proie à la famine. Midas alors pleura sur ses richesses. Il chanta la palinodie de son vœu. Il supplia, non plus le Satyre, mais les dieux et les déesses du premier ordre, de lui rendre son ancienne médiocrité, de rétablir la fécondité de ses campagnes, et d'envoyer son or à ses ennemis. C'est là ce qu'il demandait aux dieux en les implorant. Mais il n'en était pas plus exaucé. Je loue cette fable sous le rapport de son agrément, et sous celui de la vérité morale où elle conduit. Car quel autre emblème nous présente-t-elle, sinon celui de la démence d'un homme qui demande aux dieux une chose qui ne peut lui être bonne à rien, et qui croyant demander ce qui doit faire son bonheur, se repent de l'avoir demandé, aussitôt qu'il l'a obtenu. Quand la fable parle de la prise du Satyre, des liens dont il fui chargé, du vin qui servit à le prendre, elle fait allusion aux stratagèmes, aux moyens violents que mettent en oeuvre, pour satisfaire leurs désirs, pour remplir leurs vœux, ceux qui n'y sont pas plutôt parvenus, qu'ils se hâtent de vouloir rendre aux dieux les dons qu'ils ne veulent point garder. Car les dieux ne nous dispensent rien de ce qui ne nous est pas bon. Les dons de cette nature nous viennent de la fortune. Ce sont des dons que la clémence adresse à la folie, comme les caresses que distribuent en passant les gens pris de vin. [5,2] II. Et ce Roi de Lydie, qui ne fut pas moins insensé que le Phrygien, ne demanda-t-il point à Apollon qu'il lui accordât de renverser l'Empire des Perses : ne fit-il pas tout son possible pour se concilier ce dieu à force d'or, comme un potentat capable de se laisser corrompre par des présents. II savait que l'oracle de Delphes avait dit plusieurs fois, «Que Crésus en passant le fleuve Halis, renverserait un grand empire». Il prit cet oracle à son profit : il passa le fleuve, et son empire en Lydie fut renversé. J'entends dans Homère un Grec qui s'adresse à Jupiter en ces mots : « Ô Jupiter ! fais tomber le sort ou sur Ajax ou sur le fils de Tydée ou même sur le roi de l'opulente Mycènes. Et Jupiter accomplit son vœu : le nom que le sort fait tirer du casque est celui d'Ajax qu'ils désiraient». Tandis que Priam, qui implore aussi Jupiter pour sa patrie, qui lui sacrifie tous les jours des bœufs et des moutons, ne fait que des vœux inutiles. Le même dieu promet à Agamemnon, et lui assure par un signe de sa tête, au moment où ce prince s'embarque pour une région étrangère, « qu'après avoir renversé les fortes murailles de Troie, il retournera chez lui ». D'un autre côté, Apollon ne venge pas d'abord Chrysès de l'injure qu'il a reçue dans le camp des Grecs; mais aussitôt que Chrysès lui a librement raconté ce qui vient de se passer, et qu'il lui a rappelé les holocaustes qu'il fait fumer sur ses autels, le dieu lance, pendant neuf jours, ses flèches contre les Grecs, exterminant leurs mulets, leurs moutons, et leurs chiens. [5,3] III. Incomparable poète, que voulez-vous dire ? Quoi ! les dieux sont cupides, ils sont susceptibles de se laisser gagner par des présents; et à cet égard, ils ne diffèrent point du commun des hommes ! Devons-nous vous en croire, lorsque vous nous dites que « les dieux eux-mêmes ne sont point inflexibles » : ou bien croirons-nous, au contraire, qu'ils ne se laissent ni toucher, ni attendrir, ni émouvoir ? Changer de volonté, passer d'une affection à une autre, ne convient pas plus aux dieux qu'à l'homme de bien. Car l'homme versatile dans ses volontés ne peut passer du mal au bien, que parce que sa première intention était mauvaise; et, si c'est du bien au mal qu'il passe, le vice est dans son changement de volonté. Or, rien de mauvais, rien de vicieux n'entre dans la notion de la divinité. Ou bien, celui qui lui demande quelque chose mérite de l'obtenir, ou bien il ne le mérite pas. S'il le mérite, il l'obtiendra, quoiqu'il ne l'ait pas demandé. S'il ne le mérite pas, il ne l'obtiendra pas, quoiqu'il le demande. Car celui qui mérite d'obtenir, et qui néglige de s'adresser aux dieux, n'en devient point indigne, parce qu'il ne s'adresse point à eux. De même que celui qui ne mérite point d'obtenir, et qui invoque les dieux, ne devient point digne de leurs bienfaits parce qu'il les invoque. C'est tout le contraire. Celui qui mérite la bienfaisance des dieux, s'en rend encore plus digne en s'abstenant de les fatiguer. Celui qui ne la mérite pas, s'en rend d'autant plus indigne qu'il les fatigue davantage. Ajoutons que le premier a de la vénération pour les dieux, et qu'il place en eux sa confiance. Ce dernier sentiment fait qu'il se repose en leur bonté, comme s'il en avait déjà éprouvé les effets; et le premier ferme sa bouche au murmure, lors même que les Dieux ne font rien pour lui. Celui, au contraire, qui est indigne de leurs bienfaits, réunit la méchanceté au défaut de lumières. Ce défaut l'empêche de voir qu'il n'est pas nécessaire de prier les Dieux, sa méchanceté empêche que ses vœux ne soient exaucés. Quoi donc ! si dieu était un général d'armée, et qu'un des goujats demandât à ce général de l'envoyer dans les rangs au milieu du champ de bataille, tandis qu'un des combattants se tiendrait à l'écart et en repos, le général, fidèle aux lois de la discipline militaire, ne ferait-il point retourner le goujat à ses fonctions serviles, et ne laisserait-il pas le combattant à son poste ? Or, un général d'armée peut ne pas tout savoir. Il peut se laisser gagner par des largesses. Il peut être trompé. Auprès de la divinité rien de semblable ne peut avoir lieu. Autant elle s'abstiendra de verser ses bienfaits sur ceux qui le lui demandent, lorsqu'ils ne le mériteront pas, autant elle les répandra sur ceux qui ne le lui demandent pas, lorsqu'ils le mériteront. [5,4] IV. Mais parmi les choses que les hommes demandent aux dieux, les unes émanent de leur providence, les autres sont nécessairement produites par le sort ; celles-ci dépendent des vicissitudes de la fortune ; celles-là sont l'effet de l'industrie des humains. Or la providence est l'œuvre des dieux; le sort est l'œuvre de la nécessité; l'industrie est l'œuvre de l'homme; et la fortune l'œuvre du hasard. Les parties intégrantes de la vie de l'homme sont, par l'effet du destin, pour chacune de ces choses, l'objet de leur activité, de leurs résultats respectifs. Tout ce que nous demandons se rapporte donc ou à la providence des dieux, ou à la nécessité du sort, ou à l'industrie de l'homme, ou au cours de la fortune. Si ce que nous demandons regarde la providence, qu'avons-nous besoin de le demander ? Car si dieu agit par sa providence, ou bien il l'étend sur l'univers entier, sans s'occuper de ses différentes parties, (ainsi que les Rois de la terre régissent les peuples par les lois et par la justice, sans entrer dans les détails relatifs aux individus) ou bien sa providence en surveille jusqu'aux plus petites parties. Que dirons-nous donc ? Veut-on que DIEU n'embrasse que le tout ? Il est donc inutile de l'importuner par des vœux. Il ne les écoutera point, si l'on demande quelque chose de contraire à la conservation du tout. Quoi donc ! si les membres du corps recevaient le don de la parole, lorsque, dans une maladie, le médecin veut faire amputer l'un d'entre eux, pour la conservation du malade, ce membre-là demanderait-il au médecin de ne point le faire amputer ? Le disciple d'Esculape ne lui répondrait-il point : « Malheureux, ce n'est point sur ton intérêt que celui du corps doit être réglé. Il faut qu'il se sauve, même à tes dépens ». Il en est de même de cet univers. Les Athéniens éprouvent la famine; les Lacédémoniens sont ébranlés par un tremblement de terre; la Thessalie est submergée par des inondations ; l'Etna vomit ses torrents de flamme. On crie à la destruction, à l'anéantissement. Mais le médecin sait bien pourquoi tout cela. II ne s'arrête point aux vœux particuliers, aux supplications individuelles. Il ne voit que la conservation du tout. Il ne songe qu'à l'opérer. Dira-t-on, au contraire, que DIEU étend sa providence, jusque dans les détails ? Il est donc inutile encore ici de rien demander. Il en est comme d'un médecin à qui un malade demanderait, ou un médicament, ou quelque chose à manger. Selon que l'un ou l'autre conviendra, ou ne conviendra pas au malade, il l'ordonnera sans qu'on le demande, ou ne l'ordonnera pas, quand même on le demanderait. En ce qui concerne la providence de DIEU, on n'a donc rien à lui demander, ni aucune prière à lui adresser. [5,5] V. Que dirons-nous des choses qui dépendent du sort ? Faire des vœux à cet égard, serait la chose du monde la plus ridicule. On obtiendrait plutôt ce qu'on demanderait à un roi, ou à un tyran. Le sort est une puissance tyrannique, qui n'est subordonnée à aucune autre, et dont les décrets sont immuables. C'est comme s'il attachait la bride et le frein à l'espèce humaine, s'il l'entraînait avec violence, s'il la forçait de suivre, de toute nécessité, le chemin qu'il voudrait lui faire prendre. C'est Denis qui commande, à Syracuse. C'est Pisistrate qui commande à Athènes. C'est Périandre qui commande à. Corinthe. C'est Trasibule qui commande à Milet. Car chez les peuples où le gouvernement est démocratique, les discours éloquents, les prières, l'intrigue, les supplications, peuvent quelque chose. Mais chez les tyrans, c'est comme à la guerre, le pouvoir n'appartient qu'à la force. « Prenez-moi vivant, fils d'Atride, et recevez le juste prix de ma rançon». Mais, quelle rançon donnerons-nous au sort pour nous soustraire au joug de la nécessité, pour échapper à ses chaînes ? Quelle somme en or lui offrirons-nous ? Par quels bons offices nous concilierons-nous sa bienveillance ? Quelles oblations lui présenterons-nous ? Quels vœux lui adresserons-nous ? Mais Jupiter lui-même est sans moyens pour faire révoquer ses décrets. Il pousse des cris de douleur : « Malheureux que je suis », s'écrie-t-il, « que le Destin ait réglé que Sarpédon, celui des mortels qui m'est le plus cher, périrait de la main de Patrocle fils de Menétidès ! » Lequel des Dieux Jupiter implore-t-il pour son fils ? Thétis aussi s'écrie, « Que je suis malheureuse, d'avoir mis un héros au monde, et de le voir périr ainsi ! » Tel est le sort. Telles sont Atropos, Clotho, Lachésis, à qui l'empire de la vie des hommes est échu. Elles sont inflexibles, inexorables. Qui donc leur adressera des vœux ? [5,6] VI. Il n'y a pas non plus de vœux à former, en ce qui concerne les choses qui dépendent de la fortune. Bien moins encore pour celles-ci que pour les autres. Quel langage parler à un souverain insensé, dans l'empire duquel il n'existe ni conseil, ni délibération, ni mesures modérées, où l'on ne voit que de la fougue, de l'emportement, des passions désordonnées, des impulsions folles, des volontés qui se succèdent sans cesse ? Telle est la fortune, dénuée de raison, de sens, de prévoyance, n'écoutant rien, ne consultant jamais les augures, allant et venant comme l'Euripe, étant dans une rotation perpétuelle, et incapable de souffrir la direction d'aucun guide. Que demander donc à une puissance aussi instable, aussi insensée, aussi versatile, aussi inabordable ? Il ne nous reste plus que l'industrie humaine. Mais où est le charron qui lui adressera des vœux pour avoir une belle charrue, lorsqu'il a tout le talent qu'il faut pour la faire ? Où est le tisserand qui lui adressera des vœux pour avoir une belle étoffe, lorsqu'il a tout le talent nécessaire pour la fabriquer ? Où est le faiseur de boucliers qui se mettra en frais de prières vis-à-vis d'elle, pour avoir un beau bouclier, lorsqu'il est assez habile pour le forger lui-même ? Où est l'homme vaillant qui lui demandera de la confiance, lorsqu'il a du courage ? Où est l'homme de bien qui viendra lui demander le bonheur, lorsqu'il possède la vertu ? [5,7] VII. Que demander donc aux dieux qui ne dépende, ou de leur providence, ou du sort, ou de la fortune, ou de l'industrie humaine ? Demandera-t-on de l'argent ? Mais qu'on n'importune point les Dieux. Ce n'est rien demander de ce qui nous est bon. Qu'on n'importune point le sort. Ce n'est rien demander de ce qui nous est nécessaire. Qu'on ne fatigue point la fortune. Elle n'en donne point à ceux qui lui en demandent. Qu'on ne fatigue point l'industrie humaine: Qu'on écoute Ménandre, qui dit : « Quand on vit de sa profession, on n'a pas une belle vieillesse, si l'on n'a pas aimé l'argent. N'est-ce pas le cours des choses humaines? Êtes-vous homme de bien? changez de mœurs; commencez à devenir un méchant homme; mettez-y tous vos soins, et amassez de l'argent à faire l'un de ces métiers, à servir de courtier d'amour, à donner du vin frelaté, à détrousser sur les grands chemins, à commettre toute sorte de mauvaises actions, à vendre un faux témoignage, à jouer le rôle de sycophante, à laisser acheter votre conscience. Demandez-vous de vaincre vos adversaires ? vous le pouvez, en achetant, pour faire la guerre, des mercenaires, pour parler devant les tribunaux, des sycophantes. Demandez-vous quelque espèce de denrée ? Les vaisseaux, la mer, les vents vous la fourniront. Les marchés vous sont ouverts. On en vend partout. Pourquoi donc harceler les Dieux ? Bravez toute espèce d'infamie, et vous vous enrichirez, fussiez-vous un Hipponicus; et la victoire sera pour vous, fussiez-vous un Cléon; et vous gagnerez votre procès, fussiez-vous un Mélitus. Mais si vous vous amusez à vous adresser aux dieux, c'est tout comme si vous vous adressiez à un tribunal sévère et inexorable. Aucun des immortels ne supportera que vous veniez lui demander des choses qui ne peuvent être demandées ; aucun ne vous accordera ce qui ne peut vous être accordé. Toutes les demandes seront examinées, contrôlées à la rigueur, et elles seront ramenées à la mesure de l'intérêt particulier. On ne parviendra point à se concilier les dieux. On aura beau s'ouvrir un accès auprès d'eux, comme ou le pratique dans nos tribunaux, on aura beau prendre le ton suppliant, faire entendre les accents de la pitié, de la commisération, se couvrir la tête de beaucoup de cendre, leur rappeler même, s'il en est besoin, « qu'on a prodigué à leurs autels des sacrifices qui ont dû leur être » agréables» . Les Dieux répondront ; « Si vous demandez de bonnes choses à bonne fin, et que vous méritiez de les obtenir, les voilà ». Dès lors, vous n'avez pas besoin de les demander. Vous les obtiendrez, quoique vous gardiez le silence. [5,8] VIII. Et cependant Socrate allait au Pirée, pour y faire ses prières à la Déesse; il y invitait ses concitoyens. Il paraît d'ailleurs que, durant le cours de sa vie, il ne fit que prier. Et Pythagore aussi pria; et Platon aussi; et tous les philosophes qui rendaient hommage à l'existence des Dieux. Mais pensez-vous que la prière du philosophe ait pour objet de demander aux dieux les choses qu'il n'a point ? Je pense, au contraire, qu'elle consiste à s'entretenir, à causer avec eux, sur les choses qu'il possède, et à leur présenter ainsi le tableau de sa vertu. Certes, pensez-vous que Socrate ait demandé aux dieux de lui envoyer une grande fortune, ou de lui donner le pouvoir suprême, à Athènes ? Bien loin de là. Sans doute Socrate honorait les dieux ; mais c'était en lui-même qu'il cherchait, sous leurs auspices, les moyens de se rendre vertueux, de mener une vie tranquille, d'avoir des mœurs irréprochables, d'attendre la mort avec confiance ; dons admirables, dont les dieux devraient être les dispensateurs. Si quelqu'un s'avisait de demander au continent une heureuse navigation, à la mer une abondante récolte, à un tisserand une charrue, à un charron une pièce de toile, il demanderait en vain : il serait éconduit sans rien obtenir. Ô Jupiter! ô Minerve ! ô Apollon ! ô vous, qui surveillez la conduite de tous les mortels, vous avez besoin d'avoir pour disciples des philosophes, dont les âmes vigoureuses et énergiques se plaisent à devenir vos émules, et recueillent de leur zèle, à cet égard, les fruits d'une vie heureuse et prospère. Mais les résultats de ce genre de culture sont une chose assez rare : à peine sont-ils sensibles, au déclin des ans. Quoi qu'il en soit, les hommes ont besoin de voir paraître de temps en temps chez quelques-uns de leurs semblables des étincelles de ce feu divin, quelque rares, quelque faibles qu'elles puissent être, ainsi qu'au milieu d'une profonde nuit, on a besoin d'un peu de lumière. Le beau dans le moral de l'homme n'est qu'en très petite mesure; mais, toute petite qu'elle est, elle suit pour la conservation de l'espèce humaine entière. Ôtez à l'homme la philosophie, vous lui ôtez le feu qui l'anime, qui le soutient, qui lui donne la vie. Vous lui ôtez la seule chose qui lui enseigne à honorer les dieux. Il en est, comme du corps humain, lorsqu'on lui ôte l'âme; c'est en faire un cadavre : comme d'une contrée à qui l'on ôte sa fécondité; c'est la changer en désert : comme du soleil à qui l'on ôte sa lumière; c'est anéantir le jour.