[5,0] LIVRE V. [5,1] Un autre eût ici terminé sa course céleste; après avoir traité des signes dont le mouvement est contrarié par celui des cinq étoiles errantes, de Phébus porté sur un char à quatre chevaux, de Diane qui se promène sur le sien attelé de deux coursiers, il s'abstiendrait de toute autre recherche; il descendrait du ciel, et, sur sa route, il visiterait les orbes inférieurs de Saturne, de Jupiter, de Mars et du Soleil, et, après avoir traversé ceux de Vénus et de Mercure, il étudierait les erreurs de la lune. Le ciel veut que je poursuive ma course : [5,10] il m'a fait monter sur un char éthéré, qui doit me porter jusqu'à sa cime la plus élevée; il me défend d'en descendre avant de l'avoir parcouru en entier, avant d'en avoir visité toutes les constellations. D'un côté, je me sens appelé par Orion, partie considérable du vaste firmament; par le navire qui a porté tant de héros, et qui vogue encore parmi les astres; par le fleuve qui serpente au loin dans le ciel ; par le centaure, et par la baleine aux dures écailles et à la gueule menaçante; par le gardien vigilant du jardin des Hespérides et de ses pommes d'or; par le grand chien, dont l'univers entier ressent les feux; par l'autel des dieux, auquel l'Olympe paye le tribut de son hommage. Je vois, de l'autre côté, le dragon qui se replie entre les deux ourses; [5,20] le cocher qui fait encore rouler son char, et le bouvier qui conduit sa charrue; la couronne d'Ariadne, présent vraiment céleste; Persée armé de son glaive, et vainqueur de l'horrible Méduse; Céphée et son épouse, quia semblent méconnaître leur fille Andromède; le cheval ailé, tout rayonnant d'étoiles; le dauphin disputant de vitesse avec la flèche; Jupiter sous l'enveloppe d'un oiseau, et plusieurs autres astérismes qui roulent dans l'étendue du ciel. Tels sont les objets que j'entreprends de chanter : je dirai leurs propriétés, leurs influences, soit à leur lever, soit lorsqu'ils se précipitent dans l'Océan; je déterminerai quel degré des douze signes ramène chacune de ces constellations sur l'horizon. [5,30] C'est le créateur de l'univers qui leur imprima dans l'origine leur énergie particulière, et qui détermina le temps où cette force devait être déployée. Le chef du troupeau, vainqueur de l'Hellespont, auquel il valut ce nom, en s'y allégeant d'une partie de son fardeau, le bélier qui y perdit même sa précieuse toison, et qui donna occasion à la princesse de Colchos de porter à lolcos l'art funeste des empoisonnements, et de le répandre de là sur toutes tes parties de la terre; le bélier, comme s'il fendait encore les flots, traîne; et à sa suite la poupe du navire Argo, voisine de lui, et à la droite de laquelle il est situé. Cette poupe comence à hisser ses premiers fanaux, lorsque le quatrième degré du bélier monte sur l'horizon. [5,40] Quiconque naîtra sous un tel ascendant commandera un vaisseau; attaché au timon, il préférera la mer à la terre; les vents seront les dépositaires de sa fortune; il voudra parcourir toute l'étendue de l'Océan, et rencontrer à l'embouchure de quelque nouveau fleuve une nouvelle armée d'Argonautes, pour intimider son pilote Typhis, et le forcer de chercher son salut au milieu des plus dangereux écueils. Que le navire ne produise point de tels navigateurs, il n'y aura plus de guerre de Troie; l'effusion du sang ne sera plus le prix du départ d'une flotte, ou de son arrivée au lieu de sa destination; Xerxès n'embarquera pas toute la Perse, ne creusera pas de nouvelles mers, ne construira pas de pont sur les anciennes; [5,50] le succès des Athéniens à Salamine n'amènera pas leur ruine entière à Syracuse; les débris des flottes de Carthage n'encombreront plus les mers; le monde ne paraîtra pas en suspens à la journée d'Actium, et le sort du ciel ne semblera pas dépendre de l'inconstance des flots. C'est sous la conduite de tels chefs qu'on voit des vaisseaux courir sur toutes les mers, rapprocher toutes les parties de la terre, et nous faire jouir, avec l'aide des vents, de toutes les commodités que ce globe peut fournir. A la gauche du bélier, et avec son dixième degré, Orion se lève : c'est la plus belle des constellations; elle paraît embrasser toute l'étendue de l'Olympe : lorsqu'elle est sur l'horizon, entraînant le ciel entier, [5,60] la nuit, émule du jour, semble ne pas vouloir déployer ses ailes ténébreuses. Orion procure un génie vif, un corps alerte, un caractère prompt à obliger, un courage infatigable dans les plus fâcheuses circonstances. Un seul homme de cette espèce vaut tout un peuple, il habite tous les quartiers d'une ville, il est à toutes les portes, c'est l'ami de tout le monde; et, dès le matin, tout citoyen reçoit de lui le même salut. Mais lorsque le quinzième degré du bélier se montre à l'orient, le cocher sort du sein des ondes; son char gravit la partie inférieure du ciel, on le voit paraître vers la plage [5,70] d'où le glacial Borée nous fait sentir le froid piquant de son haleine. Cet astérisme inspire ses propres inclinations, le goût qu'il avait sur terre pour la conduite d'un char, et qu'il conserve encore dans le ciel. On aimera cet exercice, on se plaira à voir écumer le frein dans la bouche de quatre coursiers, à modérer leur trop grande ardeur, à les faire caracoler à propos; ou, dès que la barrière sera ouverte et que les chevaux l'auront franchie, on saura hâter leur vol, et, penché en avant, on semblera vouloir devancer les coursiers; les roues toucheront à peine la superficie de l'arène, et l'on surpassera la vitesse du vent; [5,80] ou, parvenu à la tête de ceux qui disputent le prix de la course, on leur coupera le chemin, pour les empêcher de prendre l'avantage; on emploiera mille ruses pour retarder leur marche et leur fermer en quelque sorte toute la largeur du cirque; ou, si l'on se trouve au milieu des concurrents, assuré de la qualité du sol, on saura tourner à droite aussitôt qu'il en sera temps, s'approcher de la borne le plus près possible, et tenir jusqu'à la fin les esprits indécis sur l'issue de la lutte. On aura aussi le talent de conduire deux chevaux accouplés, de sauter de l'un sur l'autre, de se tenir alternativement debout sur chacun des deux, de voler de l'un à l'autre, et d'accompagner cet exercice de mille tours d'adresse. Ou bien plusieurs rivaux, montés chacun sur un cheval, tantôt s'exerceront armés, et tantôt entrecouperont leur course dans le cirque, en offrant l'image d'un combat simulé. [5,90] En un mot, on aura tous les talents qui peuvent se rapporter au maniement des chevaux. C'était sous le cocher sans doute qu'était né Salmonée, qui, faisant rouler un quadrige sur un pont d'airain, croyait imiter le ciel, et s'imaginait qu'en contrefaisant la foudre il passerait pour Jupiter descendu sur ce globe. L'insensé s'aperçut bientôt qu'il n'était pas facile d'imiter le tonnerre, et, renversé par un foudre véritable, il éprouva combien son pouvoir était inférieur à celui de Jupiter. Ne doutez pas que cette même constellation n'ait présidé à la naissance de Bellérophon, qui, se frayant vers les cieux une route nouvelle, vola jusqu'aux étoiles. Le ciel était sa carrière; [5,100] il voyait la terre et l'Océan sous ses pieds : il ne laissa dans sa course aucun vestige de la route qu'il avait tenue. Telles sont les influences du cocher au moment de son lever. Lorsque le degré ascendant du bélier doublera le nombre de dix, les chevreaux commenceront à nous montrer leurs ondoyants mentons, et leurs clos hérissés monteront bientôt après au-dessus de l'horizon, vers la partie boréale du ciel. N'attribuez pas à cette constellation la naissance de ces hommes graves et sévères, austères comme des Catons, qui punissent de mort leur propre fils, comme Manlius, et qui ont le courage d'un Horace : la charge serait trop pesante pour un tel astérisme; les chevreaux pétulants ne sont pas capables d'inspirer des sentiments si nobles; ils s'amusent de choses frivoles, ils sont l'image des coeurs lascifs; [5,110] ardents à toute sorte de jeux, ils aiment à faire parade de leur intrépide agilité. Ils engagent la jeunesse dans des amours illicites guidé alors, non par la vertu, mais par la passion, l'on affronte mille dangers; la mort même n'a rien de terrible, pourvu qu'on se satisfasse. {Et cette mort, en effet, est le moindre des malheurs; le plus grand est le crime qui y a conduit.} Les chevreaux donnent aussi de l'inclination pour la garde des troupeaux; ils président à la naissance de ceux qui, chargés de les conduire aux pâturages, portent toujours au cou un tendre chalumeau, dont ils tirent des sons mélodieux. Mais lorsqu'à deux fois dix degrés du bélier il en sera joint sept autres, les hyades se lèveront. [5,120] Ceux qui naissent alors sont ennemis du repos; l'inaction n'a pour eux aucun attrait; ils sont partisans du peuple, ils cherchent le trouble : les tumultes séditieux, les discussions bruyantes sont de leur goût; ils aiment à entendre les Gracques haranguer du haut de la tribune, à voir le peuple sur le mont Sacré, et Rome presque sans citoyens; ces guerres intestines leur plaisent, et ils tiennent en haleine la vigilance des magistrats. D'autres gardent à la campagne des troupeaux d'animaux immondes : c'est sous ces étoiles sans doute qu'était né le fidèle porcher du fils de Laërte. Tels sont les penchants que les hyades inspirent, lorsqu'elles se lèvent à l'instant de quelque naissance. Lorsque le bélier, montrant son dernier degré à la terre, est entièrement levé, et sorti du sein des ondes, [5,130] on commence a voir la chèvre; elle veille à la garde de ses chevreaux, qu'elle a fait passer devant elle : elle se lève du côté du pôle glacé, à la partie droite du ciel. Nourrice de Jupiter, elle lui tint lieu de mère; et le lait dont elle abreuva ce dieu encore enfant lui donna la force de lancer la foudre. Ceux qui naissent sous elle sont naturellement timides; leur esprit craintif prend l'alarme au moindre bruit, et s'effraye des plus vains fantômes. Ils sont d'ailleurs portés à visiter des terres inconnues : telle la chèvre gravit sur les rochers pour y chercher de nouveaux arbustes, et se plait à avancer toujours, pour paître en des lieux où elle n'a pas encore brouté. [5,140] Lorsque le taureau, reculant d'un pas précipité, nous montre la sixième partie de l'espace qu'il occupe, il fait lever les pléiades, soeurs célestes, égales en éclat. Ceux dont elles éclairent alors la naissance sont amis de Bacchus et de Vénus. Dans la joie des festins, ils s'abandonnent à la pétulance de leur caractère, et égayent les convives par le sel mordant de la plaisanterie. Ils ont toujours le plus grand soin de leur parure : curieux d'une propreté recherchée, ils disposent leurs cheveux en boucles flottantes, ou les retiennent avec des bandelettes, pour en former une touffe épaisse et élevée; ou enfin ils changent leur visage, en se couvrant d'une fausse chevelure. [5,150] Ils ont recours à la pierre-ponce pour adoucir la peau de leurs membres hérissés; ce qui tient en eux de l'homme leur est un objet d'horreur; ils voudraient que leurs bras ne se chargeassent jamais d'aucun poil. Ils s'habillent en femme; s'ils sont chaussés, ce n'est pas pour l'usage, mais pour la parure; leur démarche est efféminée et sautillante. Ils rougissent d'être hommes, et leur aveuglement est tel, qu'avec ces défauts ils ambitionnent de passer pour honnêtes. C'est peu pour eux d'aimer, ils veulent qu'on les tienne pour véritablement amoureux. Les gémeaux présentent ensuite au-dessus des eaux de l'Océan leurs étoiles, unies par les liens de la fraternité. Le septième degré de ce signe amène le lièvre : [5,160] ceux qui naissent sous cette constellation ont comme reçu de la nature des ailes et le don de voler, tant est grande l'agilité de leurs membres, qui égale la rapidité des vents. Ils ne sont pas encore partis de la barrière, qu'ils ont déjà remporté le prix de la course; par la souplesse de leurs mouvements, ils parent les rudes atteintes du ceste, aussi habiles à esquiver les coups de l'adversaire qu'à lui en porter d'assurés. Une balle qui va fuir, ils la reprennent d'un pied agile, qui fait alors l'office de main; ils sautent après elle dans leurs jeux, et leurs bras, toujours en mouvement, multiplient les coups rapides. Un autre jette en l'air tant de balles, [5,170] qu'en retombant elles le couvrent tout entier; alors ses mains se portent à toutes les parties de son corps, prêtes à recevoir et à renvoyer ces balles, qui, pour ainsi dire, instruites de la route qu'elles doivent tenir, obéissent à son ordre, et retombent autour de lui. Ces mortels veillent en dormant ; ils sont ingénieux à écarter tout sujet d'inquiétude, et, dans un paisible loisir, ils ne s'occupent que de varier leurs amusements. Passons aux astérismes voisins de l'écrevisse : à sa gauche se lèvent les étoiles du baudrier d'Orion. Ceux qui les ont pour ascendant vous affectionnent particulièrement, Méléagre, vous qui fûtes consumé par des flammes lointaines, vous dont la mort causa celle de votre mère, vous qui perdîtes lentement la vie, avant de rendre le dernier soupir. Ils ont une égale vénération pour celui qui soulagea Atlas du poids de son fardeau; [5,180] pour l'héroïne qui combattit sur les rochers de la Calédonie, qui surpassa les hommes en courage, qui porta le premier coup à un monstre qu'il semblait qu'une fille ne pouvait pas même regarder impunément ; pour Actéon enfin, ce modèle du chasseur, avant que le destin en ait fait la proie de ses chiens. Ils chassent aussi aux filets; de vastes montagnes sont entourées d'épouvantails de plumes; on prépare des fosses trompeuses, on dispose des piéges perfides; les bêtes sauvages, au milieu de leur course, se trouvent arrêtées dans les lacs qui leur sont tendus; le fer ou les chiens terminent la chasse, et l'on emporte la proie. D'autres se plaisent à poursuivre dans la mer toute espèce de poisson, [5,190] et à étaler sur la grève les animaux monstrueux qu'ils ont tirés des gouffres de l'Océan : ils portent la guerre sur les ondes, et jusque dans les bras de mer les plus orageux; ils coupent par des filets le courant des fleuves ; ils suivent leur proie avec ardeur, partout où ils la soupçonnent. La terre ne suffit plus au luxe de nos tables, nous sommes dégoûtés de ce qu'elle fournit; il faut, pour satisfaire nos goûts, que Nérée nous procure des productions d'un autre élément. Procyon parait, lorsque le vingt-septième degré de l'écrevisse sort de l'onde. Il ne forme pas, à la vérité, des chasseurs, mais il fournit les instruments nécessaires à la vénerie : [5,200] il enseigne à dresser les jeunes chiens pour la quête, à distinguer leur espèce par la race dont ils sortent, leurs qualités par le lieu de leur naissance; à faire des filets, de forts épieux garnis de fer, des javelots souples et noueux; à fabriquer, en un mot, toutes les armes, tout l'équipage convenable à un chasseur : on en fera commerce, et ce sera l'objet d'une profession lucrative. Lorsque le lion commence à nous montrer sa terrible gueule, le chien se lève, la canicule vomit des flammes : l'ardeur de ses feux la rend furieuse, et double la chaleur du soleil. Quand elle secoue son flambeau sur le globe, et qu'elle nous darde ses rayons, [5,210] la terre, presque réduite en cendre, semble être à son dernier moment; Neptune languit au fond de ses eaux, les arbres des forêts sont sans sève, les herbes sans vigueur. Tous les animaux cherchent un asile sous un ciel lointain ; le monde aurait besoin d'un autre monde, où il pût se réfugier. La nature, au milieu de cet incendie, éprouve des maux dont elle-même est la cause, et elle vit en quelque sorte sur son bûcher; tant est grande la chaleur répandue par tout le ciel ! Les feux de tous les astres semblent concentrés dans un seul. Lorsque cette eonstellation, sortant des eaux, commence à monter sur le penchant du globe, celui que l'eau de la mer effleure alors au moment de sa naissance [5,220] sera d'un caractère violent et impétueux: livré à ses fureurs, il sera pour la foule un objet de terreur et de haine; un tel homme précipite sans raison ses paroles; il n'a pas encore ouvert la bouche , qu'il a déjà montré son comportement: le sujet le plus léger le met hors de lui-même; il écume, il hurle au lieu de parler; il se tord la langue, et ne peut achever son discours. Un autre défaut rend celui-ci plus redoutable encore : Bacchus augmente la fureur de cet insensé, dont l'indomptable rage se porte aux derniers excès. La nuit des forêts, la hauteur des montagnes, la vue d'un lion terrible, les défenses d'un sanglier écumant, les armes dont les bêtes sauvages sont pourvues, rien n'est capable de l'intimider; [5,230] il déploie sa fureur contre le premier ennemi qui se présente. Au reste, ne soyez pas surpris que cette constellation inspire de telles inclinations. Ne voyez-vous pas qu'elle chasse elle-même dans le ciel? Elle cherche à atteindre dans sa course le lièvre qui fuit devant elle. Lorsque le dernier degré du vasté signe du lion monte sur l'horizon, on voit paraître, la coupe, qui semble comme ciselée par l'éclat des étoiles qui la décorent. Celui qui est redevable à cet astérisme de ses moeurs et de ses inclinations doit aimer les plaines arrosées de ruisseaux, les rivières et les lacs : il se plaira, ô Bacchus, à vous marier avec l'ormeau, à vous donner sur les coteaux des formes symétriques; [5,240] ou, se fiant à vos forces, il vous étendra en treilles, et vous abandonnera à vous-même; ou bien du principal cep il le tranchera des provins, qu'il soutiendra avec des échalas, et dans les intervalles desplants il sèmera des légumes. Et comme les méthodes de culture varient infiniment suivant les lieux, il étudiera et suivra les usages de chaque contrée. D'ailleurs il ne ménagera pas le vin qu'il aura recueilli; il jouira des fruits que lui donnera la vigne; il boira avec plaisir son vin sans mélange, il noiera volontiers sa raison dans son verre. Il ne se contentera pas des fruits que la terre lui fournira chaque année; il prendra à ferme les impôts sur les denrées; il fera commerce de marchandises, de celles surtout qui doivent à l'eau leur production et leur accroissement. [5,250] Tel est le caractère de ceux qui naissent sous la coupe, constellation amie de toute chose liquide. Érigone paraît ensuite: lorsque ses cinq premiers degrés se seront soustraits à la mer, on verra au-dessus des eaux le monument éclatant de la couronne d'Ariadne. Elle inspirera du penehant pour des occupations douces et tranquilles : cela doit être; on voit se lever d'un côté les dons de la vierge, de l'autre la vierge elle-même. On cultivera des parterres émaillés de fleurs, et où naîtront la pâle violette, la jacinthe pourprée, le lis, le pavot, émule des brillantes couleurs de Tyr, la rose, dont la tendre beauté est si agréablement relevée par un rouge incarnat : [5,260] on ornera les coteaux de bosquets et de gazon toujours vert; on embellira les prairies des couleurs les plus naturelles : ou bien, assemblant diverses fleurs, on en formera des guirlandes, image de la constellation dominante. De plus, on en distillera les sucs, on y mêlera des parfums extraits des bois odoriférants de l'Arabie; on en composera des onguents dont la suave odeur ne le cédera point à celle du laurier de Médie, et que le mélange de tant de sucs exquis rendra bien plus utiles. On recherchera la propreté, la bonne grâce, l'élégance de la parure, tout ce qui fait l'agrément, le plaisir de la vie: l'âge tendre encore de la vierge, les fleurs dont est formée la couronne, semblent commander ces inclinations. [5,270] Lorsque l'épi hérissé, se levant au dixième degré de la vierge, fera voir les barbes qui le défendent, il inspirera le goût de la campagne et de l'agriculture : on confiera son grain aux sillons, dans l'espérance de grosses usures; on en obtiendra des intérêts, que l'abondance de la récolte rendra bien plus considérables que le principal; on préparera des greniers pour recevoir la moisson. C'est en effet là le seul métal que l'homme eût dû chercher dans le sein de la terre; il n'y eût eu alors ni famine ni indigence; chacun ayant abondamment le nécessaire, tous eussent été également riches. Si l'on ne peut s'appliquer aux travaux de la campagne, [5,280] on exercera des arts sans lesquels les faveurs de Cérès et le produit des moissons deviendraient inutiles : on mettra le blé sous le caillou qui doit le broyer; on donnera le mouvement à la pierre circulaire sous laquelle il sera placé; on détrempera la farine, on la fera cuire au feu; on préparera la nourriture ordinaire de l'homme, et avec la même pâte on fera des mets variés à l'infini. De plus, comme l'épi renferme plusieurs grains, rangés dans un ordre symétrique, et assez semblable à celui que les hommes observent dans leurs constructions, chaque semence ayant sa cellule et son habitation particulière; l'épi de la vierge donnera le talent d'orner de sculptures les lambris des temples, et de décorer de compartiments les lieux où le maître du tonnerreest honoré. [5,290] De telles somptuosités étaient autrefois réservées pour les dieux ; elles font aujourd'hui partie de notre luxe : la pompe de nos buffets ne le cède en rien à celle des temples; couverts d'or, nous voulons que nos tables en soient aussi couvertes. Voyez maintenant la flèche se lever avec le huitième degré de la balance : c'est d'elle qu'on tiendra l'art de lancer le javelot avec la main, la flèche avec l'arc, le caillou avec la fronde; d'atteindre un oiseau dans la plus haute élévation de son vol, de percer avec un triple harpon le poisson qui se croit en sûreté. Sous quelle autre constellation placerais-je la naissance de Teucer? à quelle autre partie du ciel, ô Philoctète, serait-il possible d'attribuer la vôtre? [5,300] Teucer, avec son arc et ses flèches, détourne les feux qu' {Hector lancait contre la nombreuse flotte des Grecs }: Philoctète portait dans son carquois le sort de la guerre et la destinée d'Ilion : réduit à l'inaction d'un triste exil, il était un ennemi plus redoutable que tous les Grecs armés contre Troie. Ce fut probablement sous la flèche que naquit ce père qui eut le courage de viser et l'adresse de tuer un serpent étendu sur le visage de son fils endormi, et qui lui suçait le sang et la vie. L'amour paternel est un grand maître ; la nature fut plus forte que le danger; elle arracha en même temps au sommeil et à la mort cet enfant, [5,310] qui, renaissant une seconde fois, fut soustrait en dormant aux ciseaux de la Parque. Mais lorsque l'imprudent chevreau, errant dans des plaines écartées, paraît chercher à rejoindre ses frères, et qu'ils se lèvent longtemps après le troupeau dont il a fait partie, il préside à la naissance de ceux qui ont l'esprit souple et inquiet : pleins de ressources, ils s'immiscent dans toutes les affaires; les leurs ne leur suffisant pas, ils se chargent de celles du public; ils sont perpétuellement chez les magistrats, ils fréquentent tous les tribunaux. Partout où ils se trouvent, il ne manque jamais d'enchérisseur aux ventes publiques, d'adjudicataire à la criée des biens confisqués, de délateur contre les coupables de péculat, [5,320] ou contre les banqueroutiers frauduleux. Ils sont les agents de toute la ville. Ils sont d'ailleurs ardents pour le plaisir de l'amour, et Bacchus leur fait oublier les affaires contentieuses; ils s'exercent à la danse, et s'amollissent sur le théâtre. Lorsque la lyre se lève, on voit paraître au-dessus des ondes l'image de la tortue, qui, après l'accomplissement de son destin, rendit encore des sons sous les doigts du dieu qui en avait hérité. C'est par elle qu'Orphée, fils d'Oeagre, sut donner de l'intelligence aux animaux, du sentiment aux rochers, des oreilles aux forêts; il attendrit même Pluton, et mit un terme à la mort. De là naissent l'harmonie de la voix, celle des instruments, [5,330] l'expressive mélodie de la flûte, qui, sous des formes différentes, produit de si douces modulations; en un mot, tout ce qui parle sous les doigts, tout ce qui est mis en mouvement par le souffle. On chantera agréablement dans un repas; on ajoutera par le charme de sa voix de nouvelles grâces à Bacchus; on y emploiera des nuits entières. Quoique occupé d'affaires sérieuses, on répétera quelque chanson, l'on murmurera des airs à voix basse; seul, on chantera pour soi-même, sans être entendu d'autres oreilles que des siennes. C'est la lyre qui inspire ces inclinations; elle commence à montrer ses bras au lever du vingt-sixième degré de la balance. Mais avec le scorpion, montrant à peine son huitième degré, [5,340] l'autel paraît; le groupe de ses étoiles représente le feu qui doit consumer l'encens dont il est chargé. C'est au pied de cet autel que les géants furent autrefois terrassés : Jupiter ne s'arma de son foudre vengeur qu'après y avoir exercé les fonctions de prêtre des dieux. Quels hommes formera cette constellation, sinon ceux qui sont destinés au culte des autels, et qui, admis au troisième degré de ce saint ministère, presque dieux eux-mêmes, chantent d'une voix majestueuse les louanges de la divinité, et peuvent lire dans l'avenir? Quatre degrés de plus montreront les étoiles du centaure, qui donne des inclinations analogues à sa nature. [5,350] L'un conduira des mulets ou des chevaux de somme; il mettra sous le joug des quadrupèdes de race mêlée; il dirigera un char avec adresse; il ornera son coursier de riches harnois, et le conduira au combat. Un autre possédera le secret de guérir les maladies des chevaux : c'est un grand art que de pouvoir se passer de la déclaration du malade, que d'appliquer des remèdes aux maladies de bêtes qui ne peuvent les indiquer, que de pressentir leurs souffrances longtemps avant qu'elles les ressentent elles mêmes. Le sagittaire vient ensuite; avec son cinquième degré, on voit lever la brillante étoile Arcturus. La fortune ne craint pas de confier ses trésors à ceux qui naissent sous cet astre; [5,360] ils sont destinés à être les dépositaires des finances des rois et du trésor publie, à régner sous l'autorité de leurs princes, à devenir leurs principaux ministres, ou à se voir chargés des intérêts du peuple, ou à être intendants des grandes maisons, à borner leurs occupations aux soins qu'ils prendront des affaires d'autrui. Lorsque le sagittaire sera entièrement sorti du sein des eaux, au lever du trentième degré de cet astérisme, le cygne, décoré de ses brillantes étoiles, déploiera ses ailes éclatantes et prendra son vol vers le ciel. L'homme qui, abandonnant le sein maternel, voit alors le jour, s'occupera des habitants de l'air, et de toutes les espèces d'oiseaux qui peuplent le ciel; il en fera commerce. [5,370] De là mille industries; on fera la guerre dans les airs; on arrêtera les oiseaux au milieu de leur vol, on les surprendra dans leurs nids, on les engagera dans des filets, soit lorsqu'ils sont perchés sur la branche, soit lorsqu'ils prennent à terre leur nourriture. Et tous ces soins n'ont que notre luxe pour objet; celui de la table nous fait pénétrer jusqu'aux contrées que nos armes n'ont pu subjuguer; nous mettons à contribution les extrémités de la Numidie, les bois qui bordent le Phase; on expose, dans nos marchés, des denrées apportées du pays d'où de hardis navigateurs enlevèrent autrefois la toison d'or. On aura de plus le talent de former les oiseaux à notre langage, à nos expressions, de leur apprendre à s'entretenir avec nous, [5,380] de leur enseigner à faire de leur langue un usage que la nature leur a interdit. Le cygne nous cache un dieu; cette divinité lui prête une espèce de voix; il est plus qu'oiseau, il murmure des paroles au-dedans de lui-même. N'oublions pas ceux qui aiment à élever l'oiseau de Vénus dans les parties les plus hautes de leur maison, et qui, après l'avoir mis en liberté, savent le rappeler au moyen de certains signaux, ou qui portent par toute la ville des cages renfermant des oiseaux dressés à obéir au commandement : souvent leurs richesses ne consistent qu'en quelques vils passereaux. Tels sont les arts auxquels on est porté par la brillante constellation du cygne. Le serpentaire, enveloppé dans les replis de son serpent, [5,390] parait avec le signe du capricorne, et rend ceux qui naissent alors invulnérables aux traits de ces animaux; ils les mettent dans leur sein, ils les cachent sous leurs robes traînantes, ils baisent impunément ces sales et venimeux reptiles. Mais lorsque le poisson, sortant de l'océan, sa vraie patrie, se lève au-dessus de l'horizon, pour entrer dans un élément étranger, celui qui alors recevra la vie passera ses années sur le bord des fleuves, sur le rivage de la mer : il surprendra le poisson au fond de l'eau; plongeant lui-même dans la mer, il en retirera les perles cachées sous la nacre, et ravira en même temps les maisons qui les recèlent. [5,400] Il ne reste plus à l'homme de nouveaux périls à braver. On risque de se noyer, pourvu qu'on entrevoie quelque gain. Quelquefois, avec les perles, on retire le corps de celui qui a péri dans cette pêche. Mais c'est qu'ordinairement le profit qu'on en retire est très considérable : les perles sont aussi estimées que les plus riches domaines. A peine peut-on passer pour riche, si on ne l'est en pierreries ; sur les richesses de la terre on accumule celles de l'Océan. Tel est donc le sort de celui qui naît sous le poisson: il exerce ses talents le long des rivages, ou il emploie à prix d'argent d'autres pêcheurs, profite de leur travail, et fait commerce de toute espèce de marchandise maritime. Lorsque les étoiles de la lyre commencent à monter dans le ciel, [5,410] elles président à la naissance de celui qui sera choisi pour informer des crimes, pour en ordonner la punition, pour rassembler les preuves de ceux qui ont été commis, pour faire paraître au grand jour ceux qu'on espérait tenir perpétuellement cachés. Il faut mettre aussi dans cette classe l'inexorable bourreau, les autres ministres de la justice, ceux qui aiment la vérité, qui haïssent le mal, qui apaisent les querelles, et déracinent du coeur les inimitiés. Au moment où le dauphin azuré quitte l'Océan pour paraître au milieu des astres, et qu'il fait briller ses étoiles semblables à des écailles, on voit naître des hommes d'une nature amphibie; la terre et l'eau sont à la fois leur élément. [5,420] Le dauphin aux rapides nageoires fend les ondes, tantôt sillonnant leur surface, tantôt plongeant au fond des eaux : et il retrouve de nouvelles forces dans la sinuosité de ses mouvements, qui nous représente l'inégalité des flots. Ainsi celui qui lui doit la vie paraît voler dans l'eau. Agitant lentement ses bras l'un après l'autre, ou il en frappe l'onde avec bruit, ou il les écarte et les plonge sous l'eau, et s'en sert comme d'avirons cachés qui le dirigent : tantôt il se tient debout dans l'eau;, il nage et paraît marcher; on dirait qu'il est sur un gué, et que la mer est pour lui une plaine unie : tantôt, couché tranquillement sur le dos ou sur le côté, il ne pèse point sur les flots, il n'enfonce point, c'est sur un lit qu'il repose; [5,430] on le prendrait pour une nacelle qui n'a pas besoin de rameurs. Celui-là se plaît à chercher la mer dans la mer même, à plonger au fond de l'eau, à visiter Nérée et les nymphes dans leurs grottes profondes : il en rapporte les dépouilles de la mer, les richesses que les naufrages y ont déposées; il fouille avec avidité jusqu'au fond de ses gouffres. C'est de part et d'autre la même inclination, mais appliquée différemment; quoique ainsi partagée, elle n'a qu'une origine. A ces sortes d'industrie on en peut ajouter d'autres qui s'y rapportent : [5,440] telle est celle de ces hommes qui, sur une balançoire, s'élèvent et retombent alternativement et font en retombant monter ceux qui sont placés de l'autre côté. Telle est aussi celle de ces gladiateurs qui traversent des flammes ou des cerceaux enflammés, retombent à terre aussi doucement qu'ils tomberaient dans l'eau, et qui, par la flexibilité de leurs mouvements, imitent l'agilité du dauphin, volent sans ailes et se jouent dans les airs. S'ils ne s'appliquent pas à ces exercices, ils y auront du moins la plus grande aptitude; la nature leur aura donné toute la force nécessaire, une grande souplesse dans les membres, une extrême légèreté à la course. Céphée sortant des eaux, en même temps que les étoiles de l'humide verseau, [5,450] n'inspirera point de goût pour les jeux; il donnera un front grave, un visage où se peindra l'austérité du caractère. On se nourrira de soins et d'inquiétudes, on ne citera que les exemples du vieux temps, on fera sans cesse l'éloge des maximes de l'ancien Caton, on aura l'air sourcilleux d'un tuteur, ou la morgue d'un oncle sévère. Ce même astérisme forme aussi des gouverneurs pour la tendre jeunesse donnés pour maîtres à des enfants qui sont véritablement les leurs, éblouis de cette autorité précaire, ils semblent se persuader qu'ils sont réellement ce qu'ils ne font que représenter. Il produit aussi ces écrivains éloquents, la gloire du cothurne tragique, et dont le style, quoique sur le papier, ne respire que le carnage. [5,460] Ils se plairont au récit des forfaits et des révolutions sanglantes, ils aimeront à tracer les funèbres images d'un affreux tombeau, à représenter un père se rassasiant des membres de son fils, le soleil reculant d'effroi, le jour changé en nuit. Ils mettront volontiers sur la scène deux frères s'égorgeant sous les murs de Thèbes ; un père qui est en même temps le frère de ses deux fils; les enfants, le frère et le père de Médée; ici une robe empoisonnée, là des flammes qu'elle envoie pour présent nuptial , sa fuite à travers les airs, son char enlevé par des dragons; et Céphée lui-même pourra figurer aussi dans leurs tragédies. [5,470] Ils traceront enfin dans leurs vers mille autres images aussi terribles. Si des sujets moins tragiques sont du goût de quelqu'un de ces écrivains, il cherchera à plaire au spectateur par les grâces de la comédie : il introduira sur le théâtre des jeunes gens entraînés par la fougue de l'âge, des jeunes filles enlevées par leurs amants, des vieillards trompés, des valets hardis à tout entreprendre. C'est par là que Ménandre s'est fait une réputation immortelle: profitant de la beauté de la langue, il se fit le précepteur de ses concitoyens; et, en traçant dans ses écrits la vie de l'homme telle qu'elle était, il montra ce qu'elle devait être. Mais si les forces des élèves de Céphée ne leur permettent pas d'exécuter de pareils ouvrages, ils auront au moins le talent de seconder les poëtes dramatiques, soit par la voix, soit par des gestes muets; leur visage représentera toutes les passions , [5,480] ils se les approprieront par l'expression : un seul d'entre eux suffira pour rendre tous les rôles, et tiendra lieu d'une troupe de comédiens. {Il jouera tantôt le rôle des plus celèbres héros, tantôt celui d'un simple particulier.} Il prendra l'air et le ton convenables à tous les états; son geste rendra tout ce que dit le chœur : il vous fera voir Troie en cendres, et Priam expirant à vos yeux. Je passe à la constellation de l'aigle : elle vole à la gauche du jeune échanson qu'elle enleva elle-même à la terre; elle couve sa proie sous ses ailes déployées. Cet oiseau rapporte les foudres lancées par Jupiter, et combat ainsi pour le ciel : [5,490] son lever détermine celui du douzième degré du verseau. Celui qui naît au même instant que lui se livrera au vol, au brigandage, et n'épargnera pas même la vie de ceux qu'il voudra dépouiller. {Après avoir exercé sa fureur contre les hommes, il l'étendra sur les bêtes sauvages.} Pour lui point de différence entre la guerre et la paix, entre l'ennemi et le citoyen; il n'a d'autre loi que sa volonté; il déploie son caractère violent partout où le porte son caprice; il se fait un mérite de disputer toute possession. Mais son ardeur l'engage-t-elle par hasard dans une juste cause, cet emportement deviendra courage; il se distinguera dans l'art militaire, il sera capable d'acquérir à sa patrie l'honneur des plus éclatants triomphes. [5,500] Et comme l'aigle ne combat pas lui-même, mais fournit des armes, en rapportant à Jupiter les foudres qu'il a lancés; celui qui naît sous cette constellation sera le ministre d'un roi ou d'un général d'armée, et, par son mâle courage, il lui rendra les plus importants services. Mais lorsqu'après le lever de deux fois dix degrés du verseau, Cassiopée se montrera à la droite de ce signe, elle fera naître des orfèvres, qui auront te talent de donner à l'or toutes les formes possibles, d'ajouter par leur travail un nouveau prix à ce précieux métal, et d'en relever l'éclat par les brillantes couleurs des pierreries. De là ces augustes présents qui décorent nos temples sacrés, [5,510] ces lambris dont la splendeur égale celle de l'astre du jour, cet éclat des pierres précieuses, ce feu éblouissant des diamants; de là ces monuments encore subsistants de l'ancien triomphe de Pompée, et ces trophées ornés du portrait de Mithridate. De là ces parures qui rehaussent la beauté : on a eu recours à l'or pour s'embellir; on a orné sa tête, son cou, ses mains, de pierreries; des boucles d'or ont étincelé sur des pieds d'une blancheur éblouissante. A quel art une femme distinguée peut-elle appliquer ceux qui lui doivent l'être, si ce n'est à celui dont elle peut faire un aussi grand usage pour sa parure? [5,520] Mais, pour fournir la matière nécessaire à cette profession, Cassiopée excite encore à chercher l'or dans les entrailles de la terre, à arracher du sein de l'a nature les richesses qu'elle veut nous dérober, à bouleverser notre globe pour en ravir ces dépouilles, à tacher de découvrir des trésors dans des monceaux de sable, et à les produire, comme malgré eux, au grand jour. On comptera avec avidité tous les grains du sable qui recèle l'or, on le lavera dans plusieurs eaux , et de la réunion de plusieurs de ces grains on formera des masses précieuses. On rassemblera même les richesses de la mer, dont l'écume peut contenir de l'or; et, pour se procurer quelques parcelles de cet éclatant métal, [5,530] on portera ses regards avides jusque dans les gouffres les plus profonds. On mettra aussi l'argent au creuset, après l'avoir extrait de la mine, et l'avoir purifié dans quelque ruisseau d'eau saillante. Ou enfin l'on fera commerce de ces deux métaux préparés par ces deux sortes d'ouvriers, et on les échangera l'un contre l'autre pour un usage réciproque. Telles seront les inclinations de ceux à la naissance desquels préside Cassiopée. Elle est suivie d'Andromède, qui, toute rayonhante d'or, parait à la droite du ciel, lorsque douze degrés des poissons se sont élevés sur l'horizon. La faute des coupables auteurs de ses jours l'exposa autrefois à un cruel supplice, lorsque la mer débordée inondait tous les rivages, [5,540] et que la terre craignit un naufrage universel. On proposa pour condition du salut public d'abandonner Andromède à la fureur des flots; ses membres délicats devaient être la pâture d'un monstre hideux. Tel était l'hyménée auquel on la destinait; victime désignée pour mettre fin, par sa seule mort, au malheur de tout un peuple, elle est parée pour ce sacrifice; on la revêt d'habillements qui avaient eu une destination bien différente. Sans aucune pompe funèbre, on traine cette jeune princesse, encore vivante, au lieu de sa sépulture. Dès qu'on est arrivé sur le rivage de cette mer terrible, on étend ses tendres bras sur un dur rocher; ses pieds y sont liés; on la charge de chaînes; [5,550] elle est comme attachée à la croix sur laquelle elle doit expirer. Dans cet appareil de torture, on a soin cependant que rien ne puisse offenser la décence, ni alarmer la pudeur. Son infortune ajoute à sa beauté : sa tête est mollement penchée sur un sein d'une blanclieur éblouissante; abandonnée de tous, elle est seule gardienne d'elle-même. Ses habits ont glissé de dessus ses épaules; ses bras sont nus, ses cheveux épars flottent autour de sa tête. Les alcyons volant autour de vous, infortunée princesse, temoignèrent leur douleur par leurs tristes concerts; ils déplorèrent votre destinée, et, joignant leurs ailes, ils vous mirent à l'abri des ardeurs du soleil. La mer, à votre aspect, retint ses flots, [5,560] et n'osa les porter jusqu'à leurs limites ordinaires. La Néréide éleva sa tête au-dessus des ondes, et, sensible à votre malheur, elle arrosa la mer de ses larmes. Le Zéphyr, rafraîchissant de sa douce haleine vos membres étendus, fit retentir d'un triste sifflement les rochers d'alentour. Mais enfin cet heureux jour ramène sur ce rivage Persée, vainqueur de l'horrible Méduse. II voit la princesse enchaînée sur le rocher; il est glacé d'horreur, lui que n'avait pas épouvanté le hideux aspect de la Gorgone : la dépouille qu'il en a remportée échappe presque de ses mains : vainqueur de Méduse, il est vaincu par la vue d'Andromède. Il est jaloux du roc osa elle est attachée, [5,570] il envie le bonheur des chaînes qui la retiennent. Instruit par elle des causes de son malheur, il veut, pour acquérir le titre de son époux, combattre la mer même, prêt à tout entreprendre, dût-il avoir à lutter contre une seeonde Gorgone. Il fend l'air avec rapidité, il rassure Céphée et Cassiopée, en s'engageant à sauver la princesse; Andromède lui est promise, il retourne au rivage. Déjà la mer avait commencé à s'enfler; les flots, cédant à l'impétuosité du monstre qui les pousse, fuient en mugissant devant lui : sa tête s'élève au-dessus d'eux; [5,580] il revomit l'onde amère, les flots battent avec bruit contre ses dents, une mer orageuse parait rouler dans son énorme gueule; sa croupe se recourbe en une infinité de replis immenses, et couvre presque toute la plaine liquide. Les Syrtes retentissent du bruit qu'il fait en s'avançant; les rochers, les montagnes frémissent à son approche. Princesse infortunée, quel était alors votre destin, malgré le puissant défenseur armé pour vous secourir? Quelle pâleur était la vôtre! quelle défaillance! quel froid pénétrait tous vos membres, lorsque, du rocher où vous étiez retenue, vous vîtes la mort s'avancer vers vous, et votre supplice apporté sur l'aile des flots! [5,590] faible proie, hélas, pour un si énorme monstre! Persée abaisse son vol ; planant dans l'air, il s'élance tout à coup contre le monstre, et plonge dans son sang cette épée terrible, teinte encore de celui de Méduse. Le monstre se défend contre le jeune héros, dresse sa tête au-dessus des flots, et, s'appuyant sur les replis immenses de sa queue, il bondit et s'élève de toute sa hauteur. Inutiles efforts! chaque fois qu'il s'élance, Persée prend son vol plus haut, et semble se jouer dans les airs. Le monstre ne cède cependant point, il déploie sa race contre l'air; ses dents craquent sans faire de blessures; [5,600] l'eau sort à gros bouillons de ses naseaux, il inonde Persée d'un fleuve de sang, et fait rejaillir la mer jusqu'au ciel. A la vue de ce combat dont elle est l'objet, Andromède oublie son propre péril, et n'envisage en soupirant que celui de son généreux défenseur; son esprit agité est moins libre que son corps. Enfin percé de coups, le monstre se plonge dans les flots; il ne peut plus rejeter l'eau qu'il respire, il revient à la surface, et couvre de son énorme cadavre une vaste étendue de mer, trop redoutable encore pour être vu sans effroi par une jeune princesse. Persée se lave dans le cristal liquide d'une eau pure, [5,610] et, plus grand qu'avant le combat, il vole à la cime du rocher, et dégage la princesse de ses liens : il s'était assuré sa main par la défaite du monstre; l'hymenée suivit; le succès du combat tint lieu de dot. Persée obtint pour Andromède les honneurs du ciel, elle fut mise au nombre des constellations : digne issue d'un combat glorieux, où un monstre, non moins redoutable que Méduse, périt, et soulagea la mer de son poids odieux. Quiconque naît au moment où Andromède sort du sein des eaux sera sans pitié; il fera servir la justice à la punition des criminels; la garde de la prison publique lui sera confiée; il verra avec dédain les mères des malheureux prisonniers prosternées contre terre à ses pieds, [5,620] les pères passant les nuits entières à sa porte, demandant la grâce d'embrasser leurs enfants pour la dernière fois, et de recevoir leur dernier soupir en les tenant serrés entre leurs bras. On voit encore ici ce bourreau qui fait trafic de la mort qu'il donne, des bûchers qu'il allume, des haches qu'il teint de sang; les supplices sont revenus : il serait capable d'envisager sans frémir la vertueuse Andromède garrottée sur la cime de son rocher. Quelquefois chargé de la garde des captifs, et partageant le poids de leurs chaînes, il veille sur les innocentes victimes de l'iniquité, pour qu'elles ne puissent échapper au supplice. Lorsque les poissons étant à l'orient, leur vingt-unième degré déterminera l'horizon, et se montrera à la terre, [5,630] le cheval céleste se lèvera, et prendra son vol vers le ciel. Ceux qui naîtront alors seront d'une agilité extrême; leurs membres alertes seront aptes à toute espèce d'exercice. Celui-ci fera tourner et caracoler un cheval en mille cercles; fièrement monté sur son coursier, un jour de bataille, général et soldat tout ensemble, il se jettera dans la mêlée. Celui-là franchit la carrière avec une vitesse incroyable; sa course impose au spectateur, l'espace semble disparaître sous ses pas. En un instant il vous rapporte des nouvelles de l'extrémité même de la terre; il fait deux fois le voyage, s'il est nécessaire. Il aura aussi le talent de guérir les maladies des quadrupèdes, [5,640] en employant le suc des herbes les plus communes : il connaîtra la vertu des plantes médicinales, soit de celles dont on se sert dans les maladies des chevaux, soit même de celles qui sont réservées pour l'usage de l'homme. A la droite du ciel, et conjointement avec le dernier degré des poissons, se lève l'astérisme agenouillé; les Grecs le nomment "Engonasi" : son attitude, on la connaît; quelle en est la cause, on l'ignore. Celui qui naît alors sera fugitif, fourbe, toujours au guet pour tendre des piéges, brigand redoutable dans l'intérieur des villes. Si sa volonté le porte vers quelque industrie, ce sera vers celles qu'on ne peut exercer sans danger; les périls lui paraîtront un prix digne de ses talents. Hardi à poser ses pieds où rien ne semble pouvoir les soutenir, [5,650] il marchera sur une corde horizontalement tendue: il paraîtra, au contraire, ne plus s'appuyer sur rien et monter inutilement vers le ciel, lorsque, suspendu à une corde verlicale, il tiendra les yeux du spectateur arrêtés sur lui. La baleine, se levant à gauche avec le dernier degré des poissons, suit Andromède dans le ciel, après l'avoir poursuivie sur le bord de la mer. Par elle, on fait une guerre sanglante aux poissons et à tout animal portant écailles; on embarrasse le fond des eaux par des filets, on enchaîne en quelque sorte les flots furieux; on arrête, on enferme dans des prisons maillées les veaux marins, qui s'y croient en sûreté comme en pleine mer; [5,660] on surprend les thons, déçus par la largeur des mailles des filets. Ce n'est pas assez de les avoir pris; on les laisse s'agiter en s'efforçant de rompre les noeuds qui les retiennent, on attend que la proie devienne plus abondante; on les tue alors, et les eaux de la mer sont rougies de leur sang. Lorsque toute la grève est couverte du produit de la pêche, on procède à une nouvelle boucherie : on coupe le poisson en morceaux, et ces membres divisés sont réservés pour des usages différents. Telle partie est meilleure desséchée; telle autre, conservée avec tous ses sucs. De celles-ci on extrait une saumure précieuse, c'est la partie la plus pure du sang; relevée avec le sel, elle fournit un assaisonnement délicat. [5,670] Celles-là paraissent trop faciles à se corrompre, ce sont les intestins; on les rassemble, ils se communiquent par le mélange une fermentation réciproque, et forment un autre assaisonnement d'un usage plus général. Ou lorsqu'on voit sur l'eau une nuée de poissons dont la couleur azurée se distingue à peine de celle de la mer, et que leur multitude même rend immobiles, on les environne d'une vaste seine et l'on en remplit des caques et des tonneaux; ces poissons ainsi renfermés mêlent tous leurs sucs, et de leur chair corrompue on obtient encore une nouvelle espèce de saumure. Une autre profession de ceux qui naissent sous la baleine, c'est de travailler aux grandes salines, [5,680] de communiquer à l'eau de la mer une chaleur suffisante, et de la dépouiller de son venin. Dans ce but, ils préparent une aire assez vaste, et l'entourent d'un rebord élevé : ils y font entrer l'eau de la mer par une ouverture qu'ils referment, pour empêcher l'eau de s'échapper. L'aire reste exposée à la chaleur de l'été: l'humidité, dissipée par l'ardeur du soleil, dépose une matière brillante et desséchée que l'on recueille, une production blanche de la mer que l'on réserve pour le service de la table, une écume solide dont on remplit de vastes greniers. C'était un vrai poison, dont l'amertune ne permettait pas d'employer l'eau qu'il corrompait on en a fait un sel vivifiant et salutaire. [5,690] La grande ourse, la tête penchée vers la terre, termine sa révolution autour du pôle, et recommence à parcourir une carrière qu'elle ne cesse jamais de fournir, ne se couchant point, mais décrivant sans cesse le même chemin sur l'horizon; les premiers feux de la petite ourse commencent aussi à se lever de nouveau; le vaste lion et le violent scorpion, sortant à leur tour des ténèbres, reparaissent au-dessus de l'horizon. Celui qui naît alors sera respecté des bêtes féroces; il empêchera qu'elles ne nuisent au commerce pacifique des nations. Il aura le talent d'apprivoiser les lions farouches, de caresser les loups, de prendre les panthères, et de jouer avec elles; [5,700] il n'évitera pas la rencontre des ourses, qui ont tant de rapport avec sa constellation. Il montera sur le dos de l'éléphant, le conduira à sa guise, lui fera faire des exercices qui lui sont étrangers, et ne paraissent convenir qu'à l'homme; cette masse énorme obéira honteusement à un léger aiguillon. Il domptera la fureur du tigre, et le rendra doux et paisible : il se fera aimer de tous les autres animaux féroces qui dévastent les forêts. Les chiens, dont l'odorat est si subtil ---. Le troisième ordre renferme les pléiades, unies entre elles par les liens d'une commune origine : leur éclat est tempéré par une tendre rougeur convenable à leur sexe. On remarque cette même couleur dans vos étoiles, ô Cynosure! [5,710] dans les quatre qui étincellent sur le dauphin, dans les trois du triangle; l'aigle et les dragons, dans leurs replis, offrent de pareilles étoiles. Celles du quatrieme et du cinquième ordre se font reconnaître facilement par tout le ciel; l'éclat seul distingue ces deux ordres. Enfin le plus grand nombre des étoiles forme la dernière classe : celles-ci, dispersées dans la plus haute région du ciel, ne brillent ni toutes les nuits, ni en tout temps. Mais lorsque la déesse de Délos a plongé son char au-dessous de notre hémisphère, que les étoiles errantes nous refusent leur lumière, [5,720] que le brillant Orion ne nous montre plus ses étoiles éclatantes, et que le soleil, après avoir parcouru tous les signes, renouvelle l'année, ces étoiles percent les ténèbres, et leur feu devient visible dans l'obscurité de 1a nuit. Alors vous voyez la céleste voûte semée de flambeaux sans nombre; le ciel renvoie de toutes parts l'éclat des étoiles; elles ne sont pas moins nombreuses que les fleurs, que les grains de sable accumulés sur le rivage inégal de l'Océan : comptez, si vous le pouvez, les flots qui se succèdent sur la surface de la mer, les feuilles qui tombent par mil tiers dans les forêts ; vous n'approcherez pas du nombre des feux qui circulent dans le ciel. [5,730] Comme, dans le dénombrement des habitants d'une grande ville, on met les sénateurs au premier rang, l'ordre équestre au second, le citoyen après le chevalier, enfin après le citoyen le vil peuple, la populace sans nom; de même il existe dans le monde une espèce de république établie par la nature, qui du ciel a fait une grande ville. Là, des étoiles représentent les chefs; d'autres approchent fort près de ces premières: tous les honneurs, tous les droits sont réservés pour ces astres principaux. Le peuple vient ensuite, il est innombrable, il roule au haut de la voûte céleste : si la nature eût accordé à ces petites étoiles des forces proportionnées à leur nombre [5,740] la région éthérée ne pourrait supporter ses propres feux, et les flammes du ciel embrasé consumeraient l'univers.