[4,0] LIVRE IV. Pourquoi consumons-nous en tant de vains projets tous les moments de notre vie? Tourmentés sans cesse par la crainte ou par d'aveugles désirs, en proie à des passions inquiètes qui hâtent notre vieillesse, nous cherchons le bonheur, et nous suivons une route qui nous en éloigne : nos voeux immodérés nous empêchent d'être heureux : nous nous proposons toujours de vivre, et nous ne vivons jamais. Plus on accumule de richesses, et plus on est réellement pauvre : ce que l'on a ne touche point; on se porte tout entier vers ce que l'on n'a pas. La nature se contente de peu : pourquoi, par d'insatiables désirs, nous précipitons-nous vers notre ruine? L'opulence nous inspire l'amour du luxe; le luxe conduit à des moyens illégitimes de s'enrichir; et l'unique fruit de nos richesses est de les prodiguer en de folles dépenses. O hommes, renoncez à ces soins inutiles, à ces inquiétudes superflues ; cessez de murmurer en vain contre les décrets du ciel. Le destin règle tout, tout est soumis à ses lois immuables; tous les événements sont irrévocablement liés aux temps qui doivent les produire. L'instant qui nous voit naître a déterminé celui de notre mort; notre fin dépend du premier moment de notre existence. De ce même principe découlent les richesses, les dignités, souvent même la pauvreté, les succès dans les arts, les moeurs, les défauts, les malheurs, la perte ou l'augmentation des biens. Ce que le destin nous prépare ne peut nous manquer; nous n'acquerrons jamais ce qu'il nous refuse. En vain essayerions-nous de prévenir par nos désirs les faveurs ou les menaces de la fortune : il faut que chacun se soumette au sort qui lui est réservé. Et si le destin ne disposait pas souverainement de la vie et de la mort, Énée aurait-il survécu à l'embrasement de Troie? Cette ville, ne subsistant plus que dans un seul homme, se serait-elle relevée de ses cendres, victorieuse et triomphante ? Une louve se serait-elle présentée pour allaiter deux enfants exposés? Quelques pauvres cabanes auraient-elles été le berceau de Rome? Des patres réunis auraient-ils converti leurs viles chaumières en ces forteresses qui défendent le mont Capitolin ; et Jupiter se serait-il restreint à habiter le Capitole, pour en faire la capitale de l'univers? Une nation vaincue serait-elle devenue victorieuse du monde entier? Mucius, après avoir éteint le feu sacré sous les flots de sang qui sortaient de sa plaie, serait-il rentré triomphant dans Rome? Horace seul eût-il défendu le passage d'un pont et les approches de la ville contre une armée entière? Une jeune Romaine eût-elle osé violer un traité? Trois frères auraient-ils succombé sous le courage d'un seul? Jamais armée ne remporta une victoire aussi importante; le salut de Rome dépendait d'un homme; sans lui cette ville, destinée à être reine de l'univers, passait sous le joug. Rappellerai-je ici la journée de Cannes; l'ennemi sous nos murs; Varron, grand dans sa fuite, parce qu'il croit qu'il est possible de vivre même après la déroute de Thrasimène; Fabius, célèbre par sa sage lenteur; la fière Carthage vaincue et soumise à nos lois ; Annibal, que nous espérions charger de chaînes, ne s'y dérobant que par une mort volontaire ; juste punition de la fuite qui l'avait soustrait à notre joug? Joignez à cela les guerres soutenues contre l'Italie, Rome armée contre ses alliés : ajoutez-y les guerres civiles, Marius surpassant Cinna, César l'emportant sur Marius; ce même Marius passant de six consulats à l'exil, et de l'exil à un septième consulat, réfugié sur les ruines de Carthage, qui lui offrent un tableau fidèle de son propre désastre, et ne sortant de ces décombres que pour recouvrer le pouvoir souverain. La fortune seule n'aurait pu frapper ces coups, si le destin ne l'avait décrété. [4,50] Quelle apparence, ô grand Pompée, qu'après vos victoires sur Mithridate, après avoir rétabli la sûreté des mers, après trois triomphes mérités aux extrémités du monde, lorsque, pour être grand, il suffisait d'un de vos regards, on dût vous voir périr sur les bords du Nil, et que, pour votre bûcher funéraire, il fallût employer les misérables débris d'une barque échouée? Quelle autre cause que l'ordre du destin eût pu produire cette étonnante révolution? Ce héros même, descendu des cieux où il est remonté, ce héros, qui, après avoir par ses victoires terminé les guerres civiles, s'occupait du soin de protéger les droits du sénat, ne put éviter le triste sort qui lui avait été si souvent prédit. Le sénat entier était présent : César tenait à la main l'avis de la conspiration et la liste des conjurés; il effaça leurs noms de son sang : il fallait que l'arrêt du destin eût son entier effet. Rappellerai-je tant de villes détruites et de rois renversés du trône; Crésus mourant sur un bûcher; le corps de Priam séparé de sa tète et abandonné sur le rivage, sans que Troie embrasée puisse lui tenir lieu du bûcher funéraire ; la puissance de Xerxès éprouvant un naufrage plus grand que l'immensité même de la mer; le fils d'une esclave, devenu roi des Romains; le feu sacré sauvé d'un incendie qui consume un temple, mais respecte la piété d'un seul homme? Combien de personnes, jouissant d'une santé robuste, sont surprises par une mort imprévue? Combien d'autres échappent à une mort prochaine, qui semble se fuir elle-même, et s'écarter du bûcher déjà prêt? Quelques-uns même sont sortis vivants de la tombe où ils étaient ensevelis : ceux-ci ont eu en quelque sorte une double vie; ceux-là peuvent dire à peine qu'ils aient joui d'une seule. Une infirmité légère conduit au tombeau ; on réchappe d'une maladie dangereuse : tout l'art du médecin échoue, le raisonnement devient inutile; le soin qu'on prend du malade a de pernicieux effets, la négligence a d'heureuses suites; souvent, au contraire, le délai entraîne de fâcheuses conséquences. La nourriture la plus saine devient nuisible, et les poisons rappellent à la vie. Les enfants dégénèrent de leurs ancêtres, ils les surpassent quelquefois; d'autres fois ils les égalent. La fortune oublie celui-ci; elle comble celui-là de ses faveurs. L'un, aveuglé par l'amour, brave la fureur des flots, il sera la cause du désastre de Troie; l'autre sera destiné à dicter des lois. D'autre part je vois des fils assassiner leur père, des pères égorger leurs enfants, des frères armés contre leurs frères, et se baignant dans leur sang. Ces forfaits doivent-ils être attribués aux hommes? Non, mais au destin qui les entraîne, qui les force à se punir, à se déchirer eux-mêmes. Si tous les siècles ne produisent point des Décius, des Camille, un Caton qui, vaincu, garde un coeur invincible; ce n'est pas que le germe de ces héros n'existé point dans la nature; mais la loi du destin s'oppose à leur production. Ce n'est point la pauvreté qui décide de la brièveté de la vie; de longs et heureux jours ne s'achètent pas avec des richesses immenses : la fortune se plaît à faire sortir la mort et le deuil du palais le plus somptueux, elle dresse le bûcher des souverains, elle leur ordonne de mourir. Quelle autorité que celle qui commande aux rois mêmes! Bien plus, la vertu est souvent malheureuse, tandis que le crime prospère; des démarches inconsidérées réussissent où la prudence échoue : la fortune ne pèse rien, elle est sans égards pour le mérite : toujours inconstante, elle erre çà et là, et ne reconnaît d'autre règle que ses caprices. C'est qu'il est un autre pouvoir plus fort qui nous gouverne, qui nous subjugue, qui nous force d'obéir à ses lois, [4,100] qui, donnant la naissance aux hommes, détermine en même temps la durée de leur vie et les vicissitudes de leur fortune. Il produit souvent un bizarre assemblage de membres humains et de membres d'animaux bruts : la cause de ce monstrueux mélange n'est pas dans les principes de la génération : qu'y a-t-il de commun entre nous et les bêtes? et peut-on dire qu'une telle production soit la juste peine d'un coupable adultère? C'est le ciel même qui produit ces formes étranges; de telles difformités sont l'oeuvre des astres. Enfin comment pourrait-on développer les lois du destin, si elles n'existaient pas? comment prédirait-on avec certitude le temps et les circonstances des événements futurs? Ne concluez cependant pas que nous ouvrons la porte au crime, ou que nous privons la vertu des récompenses qui lui sont dues. En effet, ferons-nous servir les plantes vénéneuses à notre nourriture, parce que leur production n'est pas un effet de notre libre volonté, mais une suite nécessaire de la qualité de leur semence? Userons-nous moins volontiers des aliments sains et agréables, parce que c'est la nature, et non un libre choix, qui les a produits? De même nous devons d'autant plus estimer la vertu, qu'elle est un don de la bonté du ciel ; et d'autant plus haïr les scélérats, qu'ils ne sont nés que pour commettre des crimes, et les expier par de justes supplices. Le crime est toujours crime, quelle que soit son origine : si le destin y pousse un malheureux, il a aussi déterminé qu'il en subirait le châtiment. Ceci bien établi, il me reste à exposer avec ordre par quels degrés celui qui veut prévoir les événements futurs peut s'élever à la connaissance de la vertu et des propriétés des astres. Je vais d'abord parler des moeurs, des affections, des inclinations, des professions vers lesquelles nous entraînent les signes célestes. Le bélier, dont la riche toison produit une laine abondante, espère toujours en réparer la perte ; toujours placé entre une fortune brillante et une ruine instantanée, il ne s'enrichira que pour s'appauvrir, et son bonheur sera le signal de sa chute. D'un côté, ses tendres agneaux seront conduits à la boucherie; de l'autre, ses toisons formeront le fonds de mille commerces lucratifs; on rassemblera les laines en pelotons, le cardeur les épurera, le fuseau en formera des fils déliés, l'ouvrier en façonnera des étoffes, le négociant les achètera, et en fabriquera des habits, objet de première nécessité pour toutes les nations; ces habits revendus produiront un nouveau profit; et tous ces usages précieux sont indépendants du luxe. Pallas elle-même n'a pas dédaigné de travailler la laine, et regarda comme un triomphe glorieux et digne d'elle celui qu'elle remporta sur Arachné. Telles sont les occupations que le bélier destine à ceux qui naîtront sous lui. Mais il leur donnera aussi de la timidité, ils se détermineront difficilement; ils seront toujours portés à se faire valoir, à se louer eux-mêmes. Le taureau prescrira l'agriculture aux laborieux cultivateurs; il les verra s'adonner aux travaux de la campagne; les fruits de la terre, et non de fades éloges, seront la juste récompense de leurs peines. Le taureau céleste baisse la tête et semble y appeler le joug. Lorsqu'il porte entre ses cornes le globe de Phébus, il ordonne de ne laisser aucun repos à la terre : modèle de travail, il veut qu'on reprenne la culture des terres laissées en repos : on ne le voit pas couché mollement dans les sillons; il ne se roule pas sur la poussière. C'est lui qui forma les Serranus et les Curius; lui qui fit offrir les faisceaux à des laboureurs, et enlever un dictateur à la charrue traînée par un taureau. [4,150] Il donne à ceux qu'il voit naître l'amour de la gloire, un caractère taciturne, un corps pesant et robuste : le dieu de l'amour établit volontiers sur leur front le trône de son empire. Les gémeaux président à des occupations plus douces, et font couler la vie plus agréablement : on la passe à chanter, à former des concerts; on accompagne de la voix les tendres sons de la lyre ou du chalumeau; les plaisirs même paraissent quelquefois un travail. Point de trompettes, point d'instruments de guerre; on écarte toute idée d'une triste vieillesse : du repos et une jeunesse éternelle passée dans les bras de l'amour, tel est le voeu de ceux qui naissent sous les gémeaux. Ils se frayent aussi un chemin jusqu'à la connaissance des astres; et, continuant à parcourir le cercle des sciences, ils étudient les nombres et les mesures, et laissent bien loin derrière eux l'étude du ciel. La nature, moins vaste que leur génie, se prête à toutes leurs recherches, tant sont variées les connaissances dont ce signe inspire le goût! L'écrevisse, placée dans le cercle brûlant de l'été, et que le soleil, revenu à son point le plus élevé, inonde de ses feux, est comme à la cime du monde, et nous renvoie de là une éblouissante lumière. Ferme en ses desseins, et ne se laissant pas facilement pénétrer, elle est féconde en ressources, et elle ouvre différentes voies à la richesse, soit en liant avec l'étranger un commerce lucratif, soit en confiant sa fortune aux vents, si elle prévoit qu'une disette prochaine fera renchérir les denrées, et permettra de revendre au monde les biens du monde même; soit en établissant divers genres de négoce entre des nations inconnues, en demandant de nouveaux tributs à un autre ciel , et en amassant une ample fortune par le prompt débit de ces marchandises. On parcourt les mers, et, aspirant à une prompte échéance, on vend le temps de manière à doubler bientôt le principal par des intérêts usuraires. On a, sous ce signe, l'esprit subtil et ardent pour ses intérêts. Qui ne connaît la nature du terrible lion, et les occupations qu'il prescrit à ceux à la naissance desquels il préside? Celui-là déclare une guerre sanglante aux bêtes fauves, les poursuit sans relâche, se charge de leurs dépouilles, vit de leur chair. Celui-ci se plaît à décorer les colonnes de son palais de la peau des animaux féroces : il suspend sa proie aux murs de ses habitations, il répand dans la forêt le silence et la terreur; il vit aussi de sa chasse. Il en est d'autres dont les inclinations sont les mêmes; l'enceinte des murailles ne leur est point un obstacle; ils font la guerre aux bêtes dans les villes mêmes; ils en exposent les membres sanglants au devant de leurs boutiques, offrant ainsi un aliment au luxe de leurs concitoyens, et se faisant un commerce lucratif de la dépravation des moeurs. Ils sont d'ailleurs aussi faciles à s'apaiser que prompts à s'emporter; ils sont intègres, et incapables de déguisement. Erigone, retenue par un des quatre noeuds du cercle des signes., préside à l'enseignement : elle formera par l'étude les moeurs de ceux dont elle a éclairé la naissance; ils perfectionneront leur esprit par la pratique des beaux-arts; ils seront moins curieux de multiplier leurs revenus, que de pénétrer les causes et les propriétés des choses naturelles. Ce signe donnera le talent de la parole et le sceptre de l'éloquence; il ouvrira les yeux de l'esprit pour distinguer tous les effets, si épaisses que soient les ténèbres qui nous en voilent les causes. Il procurera aussi le talent d'écrire avec célérité ; une lettre tiendra lieu d'un mot; la main sera plus prompte que la langue ; un petit nombre de notes représentera les longues phrases d'un orateur véhément. Celui qui naît sous ce signe sera ingénieux : [4,200] mais, durant sa jeunesse, son extrême modestie nuira beaucoup au succès des grands talents qu'il aura reçus de la nature. Il n'aura pas la fécondité en partage : peut-on l'avoir sous l'empire d'une vierge? La balance, rétablissant le jour et la nuit dans un juste équilibre, lorsque nous jouissons des nouveaux dons de Bacchus parvenus à leur maturité, enseignera l'usage des poids et des mesures. Qui naîtra sous elle deviendra l'émule de ce Palamède qui le premier appliqua les nombres aux choses, distingua les sommes par des noms, et réduisit le tout à des mesures et à des figures déterminées. Ce signe donne aussi le talent d'interpréter le livre des lois, d'approfondir tout ce qui en traite, de déchiffrer les écrits qui s'y rapportent, si abrégés qu'en puissent être les caractères. C'est par lui qu'on connaît ce qui est licite, et les peines que la loi impose à ce qui ne l'est pas; on devient, pour ainsi dire, un préteur perpétuel, toujours en état de juger dans son cabinet les causes des citoyens. Sous ce signe était sans doute né Servius Sulpitius, qui, expliquant les lois, paraissait moins un interprète qu'un législateur. Enfin tout ce qui est mis en litige, et ne peut être décidé sans quelque autorité, le sera par l'aiguille de la balance. Le scorpion, terrible par le dangereux aiguillon de sa queue, avec laquelle, tout en conduisant dans le ciel, le char de Phébus, il ouvre le sein de la terre et enrichit les sillons de nouvelles semences, rend l'homme ardent pour la guerre, et lui inspire un courage martial : mais ce même homme se plaît à répandre le sang; il aime le carnage encore plus que le butin. Il ne dépose pas les armes, même pendant la paix, : les bois sont alors son champ de bataille; il parcourt les forêts, et fait une guerre continuelle tantôt contre les hommes, tantôt contre les bêtes féroces. D'autres se dévouent à la mort et aux périls de l'arène : ils cherchent encore des ennemis, quand la guerre terminée ne leur en offre plus. Il en est enfin qui se plaisent à des simulacres de batailles, à des jeux imitant les combats, tant est grande leur ardeur pour la guerre. Au sein de la paix, ils apprennent à manier les armes, et font leur étude de tout ce qui touche à l'art militaire. Quant à ceux auxquels il est donné de naître sous le sagittaire à double forme, ils se plaisent à faire voler un char, à dompter la fougue des chevaux, à suivre des troupeaux paissant dans de vastes prairies, à donner à toute espèce de quadrupèdes des maîtres qui les rendent traitables, à calmer la fureur du tigre, à apprivoiser le lion, à se faire entendre de l'éléphant, et à dresser habilement cette masse énorme à nous donner des spectacles variés. Ce signe, étant un buste humain placé au-dessus des membres d'un quadrupède, doit assurer à l'homme l'empire sur les brutes; et comme il bande un arc armé d'une flèche préte à partir, il donne de la force aux muscles, de la vivacité au génie, de l'agilité aux membres, à tout l'homme une vigueur infatigable. Quant à vous, ô capricorne, Vesta entretient vos feux dans son sanctuaire : de là les goûts et les inclinations que vous inspirez. Tous les arts où le feu entre comme agent nécessaire, tous les métiers qui exigent l'entretien d'un feu continuel, sont de votre ressort. Vous enseignez à fouiller les mines, à arracher les métaux des entrailles de la terre. L'art de mettre l'or et l'argent en oeuvre, [4,250] la fusion du fer et de l'airain dans des creusets ardents, le secret de donner, à l'aide du feu, une dernière préparation aux dons de Cérès, sont autant de présents que nous tenons de votre libéralité. Vous donnez aussi du goût pour les habits, et pour les marchandises dont le froid accélère le débit. C'est que vous présidez toujours aux frimas : trouvant les nuits parvenues à leur plus grande longueur, vous faites renaître l'année, en augmentant la durée des jours. De là viennent l'incertitude des choses humaines, l'inconstance des entreprises, l'irrésolution des esprits. La partie postérieure de ce signe, terminée en poisson, promet une vieillesse plus heureuse : la partie antérieure porte à la passion de l'amour; on n'épargne pas même le crime pour la satisfaire. Ce jeune homme qui, de son urne inclinée, fait couler une fontaine intarissable, le verseau donne des inclinations analogues à son occupation. On découvre alors des veines d'eau cachées sous terre, on les convertit en ruisseaux apparents, on les dénature en les faisant jaillir jusqu'aux astres; le luxe affronte la mer, à laquelle il assigne de nouvelles limites; il creuse des lacs et des fleuves factices ; il fait couler sur le toit des maisons des ruisseaux dont la source est lointaine. On doit à ce signe une infinité d'arts qui ont l'eau pour agent. Il produit aussi ces rares génies qui pénètrent la sphère céleste, en expliquent les mouvements, en annoncent les variations, et les réduisent à des périodes déterminées. Ceux qui naissent sous ce signe ont un caractère doux, des moeurs faciles, une âme noble; ils dépensent volontiers; ils ne connaissent jamais ni la disette, ni la trop grande abondance : telles sont aussi les propriétés de l'urne du verseau. Ceux qui voient le jour sous les poissons, dernier signe céleste, aimeront les hasards de la mer; ils confieront leur vie aux ondes; ils construiront ou armeront des vaisseaux; ils prépareront tout ce qui est nécessaire à la navigation. Ce penchant embrasse une infinité d'arts, et à peine trouverait-on assez de noms pour les faire connaître; il yen a autant que de parties dans un navire. Ajoutez-y l'art de gouverner un vaisseau ; un bon pilote connaît nécessairement les astres; le ciel est la règle de ses opérations maritimes : il ne doit pas ignorer la position des terres, des fleuves et des ports, non plus que la direction des vents. Ici il communique rapidement au gouvernail les mouvements nécessaires pour diriger la marche du navire et pour fendre directement les flots : là il manie l'aviron avec dextérité, et, à l'aide des rames, il accélère la navigation. D'autres, armés de filets, se plaisent à balayer le fond d'une mer tranquille ; ils exposent sur le rivage un peuple de poissons captifs, ou bien ils cachent sous l'appât des hameçons perfides, ou enfin ils déploient des rets dont le poisson ne peut se dégager. Ce même signe inspire aussi un goût vif pour les batailles navales, pour ces combats qu'on livre sur un théâtre mobile, et où les flots se rougissent de sang. La fécondité, l'amour de la volupté, la légèreté et l'inconstance sont le partage de ceux qui naissent sous les poissons. Telles sont les moeurs, telles sont les occupations que les douze signes inspirent à l'homme naissant; ils jouissent eux-mêmes d'attributs individuels analogues à ces inclinations. Mais aucun d'eux ne produit de soi-même son entier effet. Ils se divisent tous également, pour associer leurs forces avec d'autres signes auxquels ils accordent un droit d'hospitalité, liant avec eux un commerce, et leur cédant leurs propres droits sur une partie de leur domaine. On a donné à ces divisions le nom de décanies, nom analogue au nombre de leurs degrés. [4,300] En effet, chaque signe contenant trente degrés est divise en trois parties égales, et cède dix degrés à chacun des signes qu'il s'associe ; et tous deviennent suecessivement le domicile de trois signes. C'est ainsi que la nature s'enveloppe toujours de nuages presque impénétrables; le siége de la vérité est au centre des ténèbres; il faut, pour la trouver, percer de grandes obscurités; le chemin qui y conduit est long et pénible : le ciel ne connaît pas de voie courte et abrégée. Un signe, opposé à un autre, peut jeter dans l'erreur; il fait méconnaître sa force et son énergie : ce n'est pas avec les yeux du corps, mais par ceux de l'esprit, qu'il faut dissiper ces ténèbres; c'est à fond, et non superficiellement, qu'on doit étudier la divinité. Afin donc que vous connaissiez les forces que les signes acquièrent dans les lieux qui leur sont étrangers, je vais dire quelle est leur association, avec quels signes et dans quel ordre ils la contractent. Le bélier se réserve sa première partie; il cède la seconde au taureau, la troisième aux gémeaux : il se trouve ainsi partagé entre trois signes, et répand autant d'influences qu'il a fait de parts de son autorité. Il n'en est pas de même du taureau, qui, ne se réservant aucune de ses décanies, donne la première à l'écrevisse, celle du milieu au lion, et la dernière à la vierge ; sa nature n'est cependant pas anéantie : il unit ses forces à celles des signes qu'il s'est associés. La balance s'approprie les dix premiers degrés des gémeaux ; le scorpion, les dix suivants ; les dix derniers sont au sagittaire. Le nombre de degrés attribué à chaque signe est toujours le même; ils suivent d'ailleurs l'ordre qu'ils occupent dans le ciel. L'écrevisse, en opposition directe avec le capricorne, le gratifie de ses dix premiers degrés ; il existe entre ces deux signes une espèce d'affinité, relative aux saisons qu'ils gouvernent; l'écrevisse nous donne des jours aussi longs que les nuits d'hiver : ainsi l'un et l'autre signe, quoique opposés, suivent des lois analogues. Les feux des dix degrés suivants sont arrosés par le verseau; les poissons le suivent, et occupent les derniers degrés de l'écrevisse. Le lion n'oublie pas le signe qui lui est associé dans un même trigone; il donne sa première décanie au bélier, la seconde au taureau, qui lui est pareillement uni dans un tétragone; il réserve la troisième aux gémeaux, avec lesquels le côté d'un hexagone lui donne quelque rapport. La vierge donne chez elle la place d'honneur ou sa première décanie à l'écrevisse; la décanie voisine vous est abandonnée, ô lion de Némée, par droit de voisinage; Erigone se réserve la dernière, contente d'occuper la place que les deux autres signes ont dédaignée. La balance se laisse entraîner par l'exemple; son modèle est le bélier ; celui-ci, quoique dans une autre saison, s'accorde avec elle sur les limites du jour et de la nuit; il maintient l'équilibre du printemps; elle préside à l'égalité des heures de l'automne. En conséquence elle ne cède à aucun signe sa première décanie; elle accorde la suivante au signe qui la suit, et la troisième appartient au sagittaine. Le scorpion a établi le capricorne dans sa première partie; il a soumis la seconde à celui qui tire son nom de l'eau qu'il ne cesse de verser; il a voulu que la dernière fût dominée par les poissons. Celui qui, l'arc tendu, menace toujours de décocher sa flèche, cède la première place au bélier par droit de communauté de trigone, la suivante au taureau, la dernière aux gémeaux. [4,350] On ne reprochera point an capricorne le crime honteux de l'ingratitude : reconnaissant envers l'écrevisse, qui l'a admis dans son domaine, il l'admet dans le sien; elle y occupe le premier rang, le lion règne ensuite, la vierge s'approprie les derniers degrés. Le jeune homme, qui se glorifie de faire sortir de son urne une source intarissable, confie à la balance le gouvernement de sa première partie; le scorpion s'attribue les dix degrés suivants; les dix derniers sont occupés par le sagittaire. Il ne reste plus que les poissons, dernier des signes célestes : ils accordent au bélier le premier rang dans l'étendue de leur empire, et après vous avoir admis, ô taureau, à gouverner les dix degrés du milieu, ils se réservent ce qui reste; et comme ils complètent la série des signes, ils n'exercent un pouvoir exclusif que sur les derniers degrés de leur domaine. Ce rapport réciproque sert à développer les forces secrètes du ciel ; il le divise de différentes manières, et assigne à ses parties différents principes d'activité : elles contractent ainsi des affinités d'autant plus grandes, qu'elles sont plus multipliées. Ne vous laissez pas séduire par des titres dont vous croyez connaitre la signification : les astres se déguisent, et ne se montrent pas à découvert aux mortels. Il faut que la sagacité de l'esprit humain s'élève plus haut : les signes doivent être cherchés dans d'autres signes; il faut combiner les forces de ceux qui agissent ensemble. Chacun apporte en naissant les inclinations convenables au degré du signe sous lequel il voit le jour, et il est censé naître sous le signe qui y domine; tel est le principe de l'énergie de toutes les oécanies. J'en prends à témoin cette variété d'êtres qui naissent sous un même signe : dans ces milliers d'animaux à la naissance desquels un même astérisme a présidé, on remarque autant d'habitudes différentes que d'individus; ce sont des caractères analogues à des signes différents de celui sous lequel on est né ; on n'aperçoit que confusion dans la naissance des hommes et des animaux. La cause en est que les signes se réunissent les uns aux autres dans plusieurs de leurs parties : ils conservent leurs noms, mais leurs différents degrés suivent des lois différentes. Le bélier ne se borne pas à fournir de la laine, le taureau à conduire la charrue, les gémeaux à protéger les Muses, l'écrevisse à négocier ; le lion n'est pas exclusivement occupé de la chasse, ni la vierge de l'instruction, ni la balance des poids et mesures, ni le scorpion des armes; le sagittaire ne se contente pas d'inspirer de l'inclination pour les animaux, le capricorne pour le feu, le verseau pour l'eau qu'il répand, les poissons pour la mer : ces signes acquièrent d'autres propriétés par les diverses associations qu'ils forment entre eux. C'est, me direz-vous, un travail immense et bien délicat, que celui que vous m'imposez; vous replongez mon esprit dans les plus épaisses ténèbres , au moment même où je croyais mes yeux ouverts à la lumière. Mais quel est l'objet de vos recherches? la divinité même. Vous voulez vous élever jusqu'au ciel; pénétrer le destin, dont les décrets font que vous existez ; reculer les bornes de votre intelligepce; jouir de l'univers entier. Le travail doit être proportionné au bien que l'on espère; de si hautes connaissances ne s'acquièrent pas sans peine. Ne soyez pas étonné des détours et des obstacles qui s'offrent sur la route : c'est beaucoup que d'y être une fois engagé; le reste ne doit dépendre que de nous. Vous n'obtenez l'or qu'après avoir creusé les montagnes; la terre ensevelit ses richesses, et s'oppose à votre désir de les posséder. On traverse l'univers entier pour acquérir des perles. On affronte les mers pour obtenir des pierreries. [4,400] Le laboureur inquiet s'épuise en voeux éternels; mais quel prix peut-il espérer de ses récoltes souvent trompeuses? Chercherons-nous à nous enrichir par un commerce maritime? ou l'espérance du butin nous enrôlera-t-elle sous les drapeaux de Mars? Rougissons de payer si cher des biens périssables. Le luxe même est une fatigue; l'estomac veille pour se ruiner; le débauché soupire souvent après des plaisirs qui le conduisent au tombeau. Que ferons-nous pour le ciel ? à quel prix achèterons-nous ce qui n'a pas de prix? L'homme doit se donner tout entier lui-même, pour devenir le temple de la divinité. Telles sont les lois qui décident des moeurs que l'enfant naissant doit avoir. Mais il ne suffit pas de savoir quels signes dominent dans les décanies des autres signes, et quelles sont leurs propriétés : il faut distinguer aussi entre leurs degrés ceux qui sont engourdis par le froid ou embrasés par une chaleur excessive, ou, qui péchant soit par l'excès soit par le manque d'humidité, sont également stériles. Toutes ces circonstances contribuent à mélanger les influences des signes, dont les degrés se suivent sans se ressembler. Rien n'est uniforme. Parcourez l'étendue de la terre, celle de l'Océan et des fleuves, dont l'onde fugitive court s'y réunir; vous apercevez partout le désordre partout vous voyez le mal à côté du bien. Une année de stérilité frappe quelquefois les meilleures terres, et fait périr en un instant les fruits, avant qu'ils aient atteint leur maturité. Sur cette côte où vous avez reconnu un bon port, vous voyez maintenant un redoutable écueil : le calme de la mer vous plaisait, il est bientôt suivi de la bourrasque. Le même fleuve roule tantôt entre les rochers, et tantôt coule paisiblement dans la plaine; il suit le lit qu'il trouve tracé, ou, formant mille détours, il semble chercher la route qu'il doit tenir. Les parties du ciel subissent de semblables variations : autant un signe diffère d'un autre signe, autant diffère-t-il de lui-même; la plus légère circonstance le prive de son énergie naturelle, de ses salutaires influences. L'espérance que tel de ses degrés faisait concevoir est bientôt frustrée; son effet est détruit, ou mélangé d'accessoires pernicieuxt. Je dois donc maintenant exposer, dans des vers appropriés au sujet, les degrés défavorables des signes. Mais comment assujétir tant de nombres aux lois de la poésie? comment revenir si souvent sur les mêmes degrés? comment exprimer toutes ces sommes différentes? comment représenter ces objets avec quelque variété de style? Répéterai-je les mêmes termes? J'ai de la peine à m'y résoudre; mon ouvrage serait dépourvu d'agréments : or on méprise facilement des vers qui ne flattent pas l'oreille. Mais puisque je veux faire connaître les arrêts du destin et les mouvements sacrés du ciel, je ne puis avoir qu'un langage conforme aux lois que j'expose. Il ne m'est pas permis de feindre ce qui n'est pas; je ne dois montrer que ce qui est. Ce sera beaucoup pour moi d'avoir dévoilé les secrets de la divinité; elle saura se recommander elle-même : en vain prétendrions-nous la relever par nos expressions; ce qu'elle est est au-dessus de ce que nous pouvons en dire. Je croirai n'avoir pas peu réussi, si je puis seulement apprendre à distinguer les parties dangereuses des signes. Voyons donc quelles sont celles dont il faut se méfier. Le quatrième degré du bélier est malfaisant ; le sixième, le septième, le dixième et le douzième ne sont pas favorables; ceux qui sont doubles de sept et de neuf, et celui qui surpasse d'une unité le vingtième, sont pernicieux ; le cinquième et le septième, au-dessus de vingt, terminent les degrés défavorables de ce signe. Le neuvième degré du taureau est mauvais, ainsi que le troisième et le septième de la seconde dizaine; [4,450] les degrés doubles du onzième, du douzième et du treizième sont dangereux, comme celui auquel il ne manque que deux pour arriver à trente; enfin le trentième degré n'est pas moins à redouter. Le premier et le troisième degré des gémeaux sont pernicieux; le septième n'est pas meilleur; le triple du cinquième est aussi dangereux, ainsi que celui qui précède et celui qui suit immédiatement le vingtième : le vingt-cinquième est d'un aussi mauvais présage, et l'on ne sera pas plus favorisé en ajoutant deux ou quatre à vingt-cinq. Défiez-vous du premier, du troisième et du sixième degré de l'écrevisse; le huitième leur ressemble; le premier de la seconde dizaine est furieux ; le triple du cinquième n'a pas de plus douces influences; le dix-septième et le vingtième ne promettent que le deuil, ainsi que le cinquième, le septième et le neuvième des degrés suivants. Vous n'êtes pas moins redoutable, ô lion de Némée, dans votre premier degré; vous nous terrassez sous votre quatrième; ceux qui sont doubles ou triples du cinquième rendent l'air contagieux : le vingt-unième est nuisible; qu'on ajoute trois ou six à ce nombre, le danger est encore le même : le dernier degré enfin n'est pas plus favorable que le premier. Jamais ni le premier degré de la vierge, ni le sixième, ni ceux qui occupent le premier, le quatrième et le huitième rang après le dixième, n'ont procuré d'avantages; le premier et le quatrième de la dernière dizaine sont à craindre : joignez-y le trentième et dernier degré. Le cinquième et le septième degré de la balance nuisent par leur excessive chaleur; ajoutez trois à onze, sept à dix, et quatre ou sept à vingt, vous aurez autant de degrés malfaisants : il en est de même du vingt-neuvième et du trentième degré, qui terminent le signe. Le scorpion est funeste dans ses premier, troisième, sixième et quinzième degrés; dans celui qui double onze; dans le vingt-cinquième; dans ceux enfin qui occupent la huitième et la neuvième place dans la troisième dizaine. Si le destin vous laisse la liberté du choix, ne le faites pas tomber sur le quatrième degré du sagittaire ; évitez aussi le huitième; ceux qui sont doubles du sixième, du huitième et du dixième infectent l'air que nous respirons; portez le même jugement des degrés qui doublent douze ou treize, de celui qui est formé par quatre fois sept, enfin de celui que produit le triple de dix. Les degrés du capricorne les moins favorables sont le septième et le neuvième, le troisième de la seconde dizaine, ceux auxquels il manque trois ou un pour atteindre le vingtième, enfin ceux qui excèdent ce vingtième de cinq ou six unités. On n'éprouve que des malheurs sous le premier degré du jeune homme qui verse une eau intarissable ; on regarde comme funeste celui qui suit le dixième, ainsi que le troisième, le cinquième et le neuvième de cette même dizaine, celui qui suit le vingtième, le vingt-cinquième, et enfin le vingt-neuvième, qui surpasse le précédent de quatre degrés. Dans les poissons, les degrés à craindre sont le troisième, le cinquième, le septième, le onzième, le dix-septième, le quintuple de cinq, et celui qui ajoute deux au degré précédent. Tous ces degrés, péchant par le froid ou par le chaud, par la sécheresse ou par une humidité surabondante, rendent l'air stérile, [4,500] soit parce que Mars le traverse alors de ses feux pénétrants, soit parce que Saturne l'engourdit par ses glaces, ou que le soleil l'atténue par ses vapeurs. Ne vous croyez pas affranchi de toute application , lorsque vous aurez su distinguer les degrés des signes : les circonstances peuvent en changer les qualités; ils acquièrent à leur lever des propriétés qu'ils perdent ailleurs. Voyez, par exemple, le bélier, qui nous montre la courbure de son cou avant ses cornes, lorsqu'il s'élève au-dessus des eaux de l'Océan; il produit des âmes avides, qui, n'étant jamais satisfaites de la fortune présente, se livrent au pillage , et déposent toute honte : une entreprise les flatte par cela même qu'elle est hardie. Tel le bélier présente la corne, comme résolu de vaincre ou de mourir. Une vie douce et tranquille au sein des mêmes pénates n'est point du goût des hommes ; ils aiment à visiter de nouvelles villes, à voguer sur des mers inconnues ; ils sont citoyens du monde entier. Ainsi le bélier lui-même teignit autrefois de l'or de sa toison les flots de l'Hellespont, et transporta dans la Colchide, sur les rives du Phase, Phrixus, affligé de la triste destinée de sa soeur. Ceux dont la naissance concourt avec le lever des premières étoiles du taureau sont mous et efféminés. Il ne faut pas en chercher la cause bien loin, si du moins il est vrai qu'on puisse connaître la nature par ses causes : ce signe en se levant présente d'abord sa croupe; il porte en outre un grand nombre d'étoiles du sexe féminin, le groupe des Pléiades, circonscrit dans un petit espace. Le taureau, conformément à sa nature, promet aussi d'abondantes moissons ; et, pour fendre les guérets , il fait plier sous le joug le cou du boeuf laborieux. Lorsque l'horizon nous montre une moitié des gémeaux, et retient l'autre moitié cachée sous les eaux, l'enfant qui naît alors a du penchant pour l'étude, des dispositions pour les beaux-arts : ce signe n'inspire point un caractère sombre , mais gai et plein d'aménité; la musique, ou vocale ou instrumentale, est un de ses présents; il allie le charme de la voix à la mélodie des instruments. Quand la noire écrevisse commence à s'élever avec ce nuage sombre, qui, tel qu'un feu dont l'éclat serait terni par celui du soleil, parait s'éteindre, et répand son obscurité sur le signe dont il fait partie, ceux qui naissent alors seront privés de la vue; le destin semble les condamner à un double trépas, leur vie n'étant en quelque sorte qu'une mort continuelle. Si, à la naissance d'un enfant, le lion avide montre sa gueule au-dessus des eaux, et que sa mâchoire vorace s'élève alors sur l'horizon, l'enfant, également criminel envers son père et ses descendants, ne leur fera point part des richesses qu'il aura acquises, et engloutira tout en lui-même : son appétit sera si irrésistible et sa faim si dévorante, qu'il mangera tout son bien sans que rien puisse le rassasier; sa table absorbera jusqu'au prix de sa sépulture et de ses funérailles. La vierge Érigone, qui fit régner la justice dans les premiers âges du monde, et qui abandonna la terre lorsqu'elle commença à se corrompre, donne à son lever la puissance et l'autorité suprême : elle crée des législateurs, des jurisconsultes, et de dignes ministres des saints autels. Lorsque la balance, signe qui préside à l'automne, commence à s'élever sur l'horizon, heureux l'enfant qui naît sous le parfait équilibre de son fléau! Il deviendra souverain arbitre de la vie et de la mort; [4,550] il assujettira les nations, il leur imposera des lois ; les villes , les royaumes trembleront devant lui; tout se réglera par sa seule volonté; et, après avoir fourni sa carrière sur la terre, il jouira de la puissance qui lui est réservée dans le ciel. Quand le scorpion commence à montrer les étoiles qui décorent l'extrémité de sa queue, si quelqu'un naît alors, et que la position des étoiles errantes favorise le pronostic, il bâtira de nouvelles villes, il attellera des boeufs pour en tracer l'enceinte avec le soc de la charrue ; il rasera des villes anciennes, les convertira en terres labourables, et fera naître des moissons où s'élevaient des palais : tant seront grandes et sa valeur et sa puissance! Lorsque le sagittaire fait briller à l'orient son écharpe, il crée des héros illustres dans la guerre, célèbres par leurs triomphes; il les conduira victorieux dans leur patrie : tantôt ils construiront de nouvelles forteresses, tantôt ils en détruiront d'anciennes. Mais lorsque la fortune prodigue tant de faveurs, elle semble ne les accorder qu'à regret, et se montre souvent cruelle envers ceux qu'elle a le plus favorisés. Ce général redoutable, vainqueur à Trébie, à Cannes, au lac de Trasimène, paya cher ces triomphes, étant devenu, avant sa fuite, un exemple frappant de cette instabilité de la fortune. La dernière étoile, à l'extrémité de la queue du capricorne, donne de l'inclination pour les exploits maritimes, pour l'art difficile de conduire un vaisseau, et pour une vie toujours active. Cherchez-vous un homme intègre, irréprochable, d'une probité éprouvée; c'est sous l'ascendant des premières étoiles du verseau que vous le verrez naître. Mais donnez-vous bien de garde de désirer que ce soient les poissons qui commencent alors à se lever: ce signe ne donne du goût que pour un babil odieux; il empoisonne la langue: on parle bas à toutes les oreilles, pour répandre le venin de la médisance; on divulgue malignement partout les fautes les plus secrètes. Point de bonne foi dans les procédés, point de retenue dans les passions honteuses; pour les assouvir, on affronte le feu et la flamme. C'est que la déesse de Cythère se transforma en poisson, lorsqu'elle se précipita dans l'Euphrate pour se soustraire à la fureur de Typhon, ce monstre ailé dont les pieds imitaient les replis du serpent. Vénus communiqua aux poissons l'ardeur de ses feux. Sous ce signe double, on ne naît pas seul; un frère ou une tendre sœur vous accompagne; ou si une fille naît seule, elle deviendra quelque jour mère de deux jumeaux. Passons maintenant à la distinction des signes qui dominent sur les différentes régions de la terre : mais il faut d'abord donner une idée générale de la disposition de ces régions. Le globe céleste se divise en quatre parties : celle d'où naît le jour, celle où il disparaît, celle qui nous envoie les plus grandes chaleurs, celle qui est voisine de l'ourse. De ces quatre parties s'élancent autant de vents qui se font la guerre dans le vague de l'air : le fougueux Borée part du pôle, l'Eurus s'échappe de l'orient, l'Autan a son poste au midi, le Zéphyr vient de l'occident. Entre ces vents principaux, chaque partie exhale deux vents intermédiaires qui sont de même nature, et ne diffèrent que par le nom. La terre, flottante au centre du monde, est environnée de l'Océan qui lui sert de couronne, et la resserre en tous sens entre ses bras liquides. Elle admet encore dans son sein une autre mer. Celle-ci entre dans les terres du côté du sombre couchant, arrose à droite la Numidie, la brûlante Libye, et les ruines de la superbe Carthage. [4,600] Quand elle a, dans ses sinuosités, enveloppé les deux Syrtes, golfes dangereux par leurs bancs de sable, elle reprend son cours direct jusqu'aux bouches du Nil. Ces mêmes flots, à gauche, battent d'abord les côtes de l'Espagne, et celles de la Gaule qui l'avoisinent : ils baignent ensuite l'Italie, qui, s'avançant vers la rive droite de cette mer, s'étend jusqu'aux chiens qui aboient autour de vous, ô Scylla, et jusqu'aux gouffres de Charybde. Lorsqu'elle a franchi ce détroit, elle devient mer Ionienne, et fait rouler librement ses eaux dans un plus vaste espace. Se repliant d'abord sur la gauche, elle achève, sous le nom de mer Adriatique, de faire le tour de l'Italie, et reçoit les eaux de l'Éridan. Elle arrose et laisse à gauche l'Illyrie; elle baigne l'Épire et la célèbre Corinthe; elle roule autour des amples rivages du Péloponnèse ; et, se détournant une seconde fois vers la gauche, elle embrasse dans son vaste contour les côtes de la Thessalie et les campagnes de l'Achaïe. De là, par ce détroit que traversa le jeune Phrixus, et dans lequel Hellé se perdit, elle s'ouvre avec violence un passage dans les terres, et joint l'entrée étroite de la Propontide au Pont-Euxin et au Palus-Méotide, qui, placé derrière toutes ces mers, semble la source de toute la Méditerranée. Lorsque le navigateur, ramené vers les détroits, a traversé de nouveau les flots de l'Hellespont, il fend la mer Icarienne et la mer Égée; il admire à sa gauche les belles plaines de l'Asie; il y voit autant de trophées que de pays, une contrée où les populations abondent, le mont Taurus menaçant les flots, les peuples de Cilicie, la Syrie brûlée par les ardeurs du soleil, des terres qui, formant un vaste golfe, paraissent vouloir éviter le voisinage de la mer; jusqu'à ce que la côte, continuant de se courber, vienne se terminer une seconde fois et mourir en quelque sorte à la rencontre du Nil. Tel est le circuit de la mer Méditerranée, telles sont les limites qu'il n'est pas permis à ses eaux de franchir. Mille terres sont semées dans cette vaste étendue de mer. La Sardaigne, dans la mer de Libye, représente l'empreinte d'un pied humain : la Sicile n'est séparée de l'Italie que par un détroit : la Grèce voit avec étonnement vis-à-vis d'elle les montagnes de l'Eubée. La Crète est célèbre pour avoir été le berceau de Jupiter, et l'avoir compté au nombre de ses citoyens. L'île de Chypre est environnée de tous côtés par la mer d'Égypte. Je passe sous silence beaucoup d'îles moins apparentes, élevées cependant au-dessus de la mer, telles que les Cyclades, sur lesquelles semble avoir passé le niveau, Délos, Rhodes, l'Aulide, Ténédos, la Corse voisine de la triste Sardaigne, l'île d'Ivice, qui la première de toutes rompt les flots de l'Océan à son entrée dans l'intérieur des terres, et les autres îles Baléares. Les rochers, les montagnes qui s'élèvent au-dessus de cette mer, sont sans nombre. Et ce n'est pas d'un seul côté que l'Océan, forçant les rivages qui le retenaient, s'est ouvert de nouvelles issues dans les terres; ses flots ont inondé plusieurs côtes; mais de hautes montagnes les ont arrêtés, et ne leur ont pas permis de couvrir la terre entière. Entre le septentrion et l'orient d'été, un bras de mer long et très étroit, facile à traverser, s'échappe de l'Océan, s'élargit au milieu des terres, et forme, sous le nom de mer Caspienne, une mer égale au Pont-Euxin. [4,650] Vers le midi, l'Océan a fait deux autres invasions sur le continent : ses flots se sont emparés d'une partie des plaines de la Perse, et cette nouvelle mer a usurpé le nom des côtes qu'elle baigne maintenant, et entre lesquelles elle pénètre par une assez large ouverture. Non loin de ce golfe, en Arabie, dans ce pays dont les habitants efféminés jouissent des délices particulières au climat, et respirent des odeurs dont une infinité de plantes parfument l'air, une autre mer mouille tranquillement les rivages où l'on recueille les perles; elle porte le nom du pays qu'elle arrose. L'Arabie sépare ces deux mers. (LACUNE) La belliqueuse Carthage y tenait autrefois le premier rang, lorsqu'Annibal réduisit en cendres les forteresses que nous avions construites sur les Alpes, immortalisa Trébie, couvrit Cannes de tombeaux, et transporta l'Afrique en Italie. La nature, ayant en horreur les guerres que Carthage devait soutenir contre Rome, en punit l'Afrique en la rendant le repaire de bêtes féroces et de monstres de toute espèce, d'horribles serpents, d'animaux infectés de venin, nourris de ce qui donne la mort, vrais forfaits de la terre qui les produit. Cette terre barbare, fertile en productions qui la dévastent, porte aussi d'énormes éléphants et des lions furieux : c'est un jeu pour elle de donner naissance a des singes de la difformité la plus hideuse. Plus tristement partagée que si elle était stérile, elle couvre de monstrueux produits ses sables arides, et elle est telle jusqu'aux frontières où commence l'Égypte. De là on passe en Asie, terre fertile en productions de toute espèce : l'or roule dans les fleuves; les mers brillent de l'éclat des perles; les forêts sont parfumées par la suave odeur des plantes médicinales. L'Inde est fort au-dessus de ce que la renommée en publie; la région des Parthes paraît un monde entier; le Taurus semble élever sa cime jusqu'au ciel ; il est environné d'une multitude de peuples connus sous différents noms ; ils s'étendent jusqu'au Tanaïs, qui, en arrosant les plaines de la Scythie, forme la séparation de deux parties du monde, jusqu'au Palus-Méotide, aux eaux dangereuses du Pont-Euxin, et à l'Hellespont qui termine la Propontide : c'est là que la nature a fixé les limites de la puissante Asie. Le reste de la terre appartient à l'Europe : cette contrée fut la première qui reçut Jupiter au sortir des flots qu'il avait traversés à la nage; ce dieu y quitta la forme d'un taureau dont il s'était revêtu : il donna à cette mer le nom de sa chère Europe, et consacra par un titre le monument de son amour. Cette partie du monde est la plus noble et la plus féconde en héros et en villes savantes. Athènes a remporté la palme de l'éloquence; Sparte est connue par la valeur de ses guerriers, Thèbes par les dieux qui y ont pris naissance : un seul roi a suffi pour immortaliser la Thessalie ainsi que l'Épice; l'Illyrie, qui en est voisine, est renommée pour la beauté de ses côtes ; la Thrace a compté Mars au nomtre de ses citoyens : la Germanie admire avec étonnement la taille de ses habitants; la Gaule est riche, l'Espagne belliqueuse. L'Italie domine sur tous les peuples; Rome, capitale du monde entier, lui a communiqué la souveraineté de l'univers, se réservant pour elle-même l'empire du ciel. Telle est la division de la terre et de la mer : la nature en a distribué le domaine entre les signes célestes; chacun d'eux est chargé de la protection des royaumes, des nations, des villes puissantes qui lui sont attribués, [4,700] et sur lesquels il doit exercer principalement son énergie. Tel le corps de l'homme est pareillement distribué entre les signes célestes, de manière que, quoique leur protection s'étende sur le corps entier, chaque membre cependant dépend plus particulièrement du signe auquel il est départi : (ainsi le bélier domine sur la tête, le taureau sur le cou; les bras appartiennent aux gémeaux, la poitrine à l'écrevisse; les épaules sont votre partage, ô lion de Némée! et les flancs, celui de la vierge; les parties inférieures du dos sont soumises à la balance, celles de la génération au scorpion; les cuisses sont le domaine du sagittaire, et les genoux, celui du capricorne; les jambes sont sous la protection du verseau, les pieds sous celle des poissons) : de même chaque région de la terre est attribuée à un signe qui la protége plus spécialement. C'est à ce partage qu'il faut rapporter ces différences de moeurs et de figures que nous remarquons parmi les hommes ; chaque nation est distinguée par ses nuances; et des traits de ressemblance, des traces de conformité caractérisent les naturels d'un même pays. Les Germains sont d'un blond ardent et d'une taille élevée. La couleur des Gaulois est à peu près la même, mais cependant moins vive. L'Espagne, plus austère, donne à ses habitants une constitution vigoureuse. Mars, père de la ville de Rome, donne aux Romains un maintien guerrier; et Vénus, joignant son influence à celle de Mars, y ajoute la grâce. La Grèce, ingénieuse et basanée, montre assez par la couleur de ses habitants qu'ils excellent dans la gymnastique et dans l'exercice de la lutte. Une chevelure crépue est la marque distinctive du Syrien. Le teint noir des Ethiopiens forme dans l'univers une vraie bigarrure; ils représentent assez bien des peuples qui seraient toujours enveloppés de ténèbres. Les Indiens sont moins brûlés; un air moins chaud ne les colore qu'à moitié. L'Égypte, plus voisine de notre climat, et rafraîchie par les débordements du Nil, donne à ses habitants une couleur encore moins foncée. L'Africain est desséché par l'ardeur du soleil, au milieu de ses sables brûlants. La Mauritanie, ainsi appelée à cause de la couleur de ceux qui l'habitent, doit ce nom à la lividité de leur teint. A ces variétés joignez celle des inflexions de la voix; autant de langues que de peuples; des moeurs assorties à chaque nation, partout des coutumes différentes; les fruits de la terre variés à l'infini, quoique provenant des mêmes semences; les dons dé Cérès communs à tous les pays; une aussi grande variété dans la production des légumes; Bacchus ne faisant point partout ses présents avec une égale libéralité, et diversifiant les vins dont il enrichit les divers coteaux; les plantes aromatiques ne naissant point dans toutes les campagnes; les différences entre les animaux domestiques et sauvages d'une même espèce; les éléphants ne se reproduisant que dans deux parties de la terre. Il y a donc autant de mondes différents que de parties différentes dans le monde; cela dépend des signes qui dominent chaque région, et qui versent sur elle leurs puissantes influences. Le bélier, qui, placé au milieu de la route du soleil, à égale distance de l'écrevisse et du capricorne glacé, nous ramène le printemps, exerce son empire sur le bras de mer dont il avait bravé les flots, lorsqu'après la perte de la jeune Hellé il déposa son frère sur le rivage opposé, s'attristant de sentir son fardeau diminué, et son dos déchargé de la moitié du poids qu'il portait. Il est pareillement le signe dominant de la Propontide, voisine de ce détroit; [4,750] des peuples de la Syrie, des Perses aux manteaux flottants et aux vêtements étroits; du Nil, que le signe de l'écrevisse fait déborder, et de l'Égypte, qui nage alors dans les eaux de son fleuve. Le taureau règne sur les montagnes de la Scythie, sur la puissante Asie, et sur les Arabes efféminés, dont les bois font la principale richesse. Le Pont-Euxin, qui, par la courbure de ses rivages, imite celle d'un arc de Scythie, vous fait partager, ô Apollon, sous le nom des gémeaux, le culte qu'il rend à votre frère. L'habitant des rives du Gange, situé à l'extrémité de la terre, et l'Indien, bruni par l'ardeur du soleil, obéissent au même signe. L'ardente écrevisse brûle les Éthiopiens; leur couleur le prouve assez. Pour vous, lion de Némée, consacré à la mère des dieux, vous avez sous votre empire la Phrygie, les contrées sauvages de la Cappadoce, les montagnes de l'Arménie, la riche Bithynie, et la Macédoine, qui avait autrefois subjugué la terre. La vierge incorruptible domine sur Rhodes, île également heureuse et sur terre et sur mer; elle a été le séjour du prince qui doit gouverner l'univers. Consacrée au soleil, elle devint véritablement la maison de cet astre, lorsqu'elle admit dans son enceinte celui qui, après César, est la vraie lumière du monde. Les villes de l'Ionie, les plaines de la Doride, le peuple ancien de l'Arcadie, et la célèbre Carie, sont aussi du ressort de la vierge. Si vous étiez maître du choix, à quel signe attribueriez-vous l'Italie, sinon à celui qui introduit partout la règle et l'ordre, qui pèse, qui mesure, qui calcule tout, qui distingue ce qui est juste de ce qui ne l'est pas, qui détermine les saisons, qui égale la nuit et le jour? La balance est le signe propre de l'Italie; c'est sous elle que Rome fut fondée: c'est par elle que, maîtresse du monde, elle dispose du sort des peuples; que, les tenant comme dans sa balance, elle les élève ou les abaisse à son gré, et qu'elle régit l'univers, attentif à recevoir et à exécuter ses lois. Le signe suivant domine sur les murs démolis de Carthage, sur la Libye, sur les pays limitrophes de l'Égypte, cédés au peuple romain; il étend son pouvoir jusque sur les eaux de l'Italie, sur la, Sardaigne et sur les autres îles de la même mer. Il en faut cependant excepter la Sicile, heureuse de se voir associée à sa sœur souveraine de l'univers, et qui a été fondée sous le même signe : voisine de l'Italie, dont elle n'est séparée que par un détroit, elle est assujettie aux mêmes lois, et n'est pas dominée par un signe différent. La Crète, environnée par la mer, obéit au sagittaire : ainsi le fils de Minos, informe composé de deux corps différents, est sous la protection d'un signe composé. C'est pour cela que les Crétois sont sans cesse armés de flèches rapides, et ont toujours, comme le sagittaire, un arc tendu à la main. Le signe équivoque, en partie terrestre, aquatique en partie, s'approprie les peuples de l'Espagne, ceux de la Gaule opulente, et les vôtres aussi, ô Germanie, contrée digne de ne produire que des bêtes farouches, et sujette à des débordements perpétuels, qui font de vous tantôt une mer, tantôt un continent! Le verseau, jeune homme nu et d'une complexion délicate, exerce son empire sur le climat tempéré de l'Egypte, sur les murs de Tyr, sur les peuples de Cilicie , et sur les plaines de la Carie, qui en sont voisines. [4,800] L'Euphrate est le partage des poissons : c'est dans les eaux de ce fleuve que Vénus, sous la forme d'un poisson, se plongea pour se dérober à la poursuite de Typhon. La Parthie, vaste contrée baignée par une grande étendue de mer, est aussi du ressort des poissons, ainsi que les peuples domptés en différents temps par les Parthes, la Bactriane, l'Ariane, Babylone, Suse, l'île de Panis, mille autres peuples qu'il serait trop long de nommer, le Tigre, et les agréables rivages du golfe Persique. Telle est la division de la terre entre les signes célestes : il faut appliquer à chaque région les lois et les propriétés qui conviennent au signe dominant : les nations ont, en effet, entre elles les mêmes relations que les signes : comme on remarque entre ceux-ci des amitiés, des inimitiés, des oppositions, des aspects favorables, tels que celui du trigone, et d'autres rapports modifiés par différentes causes; de même, sur terre, des contrées correspondent avec d'autres contrées, des villes avec d'autres villes, des rivages avec d'autres rivages; des royaumes sont en guerre avec d'autres royaumes. Avec ces connaissances, chacun peut savoir où il lui sera le plus avantageux de s'établir, où il lui serait pernicieux de résider, où il peut espérer des secours, où il doit craindre des dangers : les astres, du haut du ciel, prononcent ces arrêts. Apprenez maintenant quels sont les signes qu'on désigne sous le nom grec de signes écliptiques, parce que, fatigués d'une carrière qu'ils ont longtemps fournie, ils semblent quelquefois engourdis et privés de toute énergie. C'est que, dans l'immense durée des temps, rien ne reste dans le même état; tout éclat est bientôt flétri ; une suite d'événements analogues ne peut se perpétuer. Tout varie chaque jour; chaque année, tout change : ces campagnes fertiles cessent de nous prodiguer leurs fruits, que leur sein fatigué refuse enfin de produire. Ces plaines, au contraire, qui ne rendaient pas même les semences qu'on leur confiait, nous payent maintenant, presque sans culture, des tributs abondants. La terre, appuyée sur des fondements si solides, s'ébranle quelquefois; elle se dérobe sous nos pas, elle nage en quelque sorte sur elle-même; l'Océan vomit ses eaux sur elle, et les reprend avec avidité : il ne peut se contenir dans ses bornes. On l'a vu submerger la terre entière, lorsque Deucalion, unique héritier du genre humain, possédait, dans un seul rocher, toute la terre habitable. De même, lorsque Phaéton tenait en main les rênes des coursiers de son père, la terre fut en feu, le ciel craignit d'être consumé, lès signes embrasés redoutèrent la violence de ces flammes inaccoutumées, la nature appréhenda de se voir ensevelie dans un immense bûcher : tant sont grands les changements que tous les corps éprouvent avec le temps; après quoi tout rentre dans l'ordre primitif. Tels les signes célestes perdent quelquefois et recouvrent ensuite leur activité. Il n'en faut pas chercher la cause ailleurs que dans les éclipses de lune : cet astre, privé de l'aspect de son frère, est plongé dans les ténèbres de la nuit. La terre intercepte les rayons du soleil; leur lumière, source unique de celle de la déesse de Délos, ne peut plus pénétrer jusqu'à elle. Les signes où elle se trouve alors languissent avec elle; ils n'ont plus la même vigueur : on dirait qu'ils ont perdu leur souveraine, et qu'ils en portent le deuil. Le nom de signes écliptiques, que les anciens leur ont donné, exprime bien ce qu'ils éprouvent alors. Ils s'affaiblissent toujours deux à deux : [4,850] et les deux signes défaillants ne sont pas voisins, ils sont au contraire opposés, d'autant plus que la lune n'est éclipsée que quand elle cesse de voir Phébus, roulant dans un signe diamétralement opposé au sien. Le temps de cet affaiblissement n'est pas le même pour tous les signes : quelquefois toute l'année s'en ressent; le terme de la défaillance est tantôt accéléré, tantôt retardé ; il peut s'étendre au delà d'une révolution du soleil. Lorsque le temps prescrit à la durée du malaise de deux signes, directement opposés, est accompli, et qu'ils sont arrivés au terme de leur deuil, leur affaiblissement passe à deux autres signes voisins des deux premiers, et qui se lèvent et se couchent immédiatement avant eux. En tout ceci la terre ne contrarie jamais le ciel; au contraire, elle en suit tous les mouvements, toutes les variations ; elle ne communique plus des forces qu'elle a perdues, elle ne répand plus la même mesure de biens et de maux : le différent état du ciel produit toutes ces altérations. Mais pourquoi, direz-vous, étudier le ciel par des moyens si subtils, si notre esprit se refuse à cette étude, si la crainte d'échouer nous ôte l'espérance du succès, et met obstacle à nos recherches? Tout ce que la nature recèle dans le vaste dépôt de ses mystères échappe à nos yeux, et passe les bornes de notre intelligence. En vain dirait-on, pour appuyer la nécessité de cette étude, que tout est réglé sur les décrets du destin, si le destin nous est lui-même absolument impénétrable. Mais pourquoi vous obstiner ainsi à vous dégrader vous-même, à repousser des biens dont Dieu consent que vous jouissiez, à fermer les yeux de votre esprit à la lumière que la nature vous présente? Nous voyons le ciel : pourquoi, par la bienfaisance de ce ciel même, ne nous serait-il pas permis de chercher à pénétrer les propriétés du monde, d'examiner en détail les éléments qui composent cette masse immense, de promener notre esprit par toutes les avenues du ciel auquel il doit son origine, d'étudier ce qui se passe à notre horizon, de descendre au-dessous des parties les plus basses de la terre suspendue au milieu de l'espace, de devenir citoyens de l'univers entier? La nature n'a déjà plus d'obscurité pour nous; nous la connaissons tout entière. Le monde est devenu notre conquête; nous en jouissons à ce titre. Partie nous-mêmes de celui qui nous a donné l'être, nous savons ce qu'il est; enfants des astres, nous nous élevons jusqu'à eux. Peut-on douter que la divinité n'habite nos âmes, que ces âmes ne nous viennent du ciel, qu'elles ne doivent y retourner? que, comme le monde est composé de tous les éléments, de l'air, du feu, de la terre et de l'eau, et qu'il y a de plus dans ce monde un esprit qui veille à l'exécution de ce qu'il a ordonné, de même il se trouve en nous un corps formé de terre, un principe de vie résidant dans le sang, et de plus un esprit qui gouverne et dirige l'homme entier? Est-il étonnant que les hommes puissent connaître le monde, puisque le monde est en eux-mêmes, et que chaque homme est une image, une copie amoindrie de la divinité? Est-il possible de se figurer que notre origine vient d'ailleurs que du ciel? Tous les animaux sont courbés vers la terre, ou plongés dans les eaux, ou suspendus dans l'air; privés de la raison et du don de la parole, [4,900] ils se livrent au repos, satisfont aux besoins de l'estomac, jouissent des plaisirs des sens. L'homme seul est destiné à examiner tout ce qui est, à parler, à raisonner, à cultiver tous les arts. Produit par la nature pour tout gouverner, il a formé des sociétés dans les villes, il a obligé la terre à produire des fruits, il a forcé les animaux à le servir, il s'est ouvert un chemin sur les eaux ; seul il 1 porte la tête droite et élevée; supérieur à tout, il dirige vers les astres des regards triomphants; il observe de plus près le ciel, il y interroge la divinité, et, non content de l'enveloppe extérieure, il veut connaître à fond l'univers : étudiant ainsi le ciel, avec lequel il a tant de rapports, il s'étudie lui-mème dans les astres. D'après cela, ne sommes-nous pas en droit d'exiger ici autant de confiance que nous en accordons tous les jours au chant des oiseaux , aux entrailles palpitantes des victimes? Y a-t-il moins de raison à consulter les sacrés pronostics des astres, qu'à ajouter foi aux présages tirés des bêtes mortes ou du cri des oiseaux? Et en effet, pourquoi Dieu permet-il que, de la terre, on voie le ciel ; pourquoi se montre-t-il à nous sous cette forme, dans ce qu'il a de corporel, en le faisant rouler sans cesse autour de nous? pourquoi s'offre-t-il, se jette-t-il en quelque sorte au-devant de nous, si ce n'est pour se faire bien connaître, pour nous apprendre quelle est sa marche, pour fixer notre attention sur ses lois? Le ciel lui-même nous invite à contempler les astres : puisqu'il ne nous cache pas son pouvoir et ses droits, sa volonté est que nous nous appliquions à les étudier. Dira-t-on qu'il n'est pas permis de connaître ce qu'il est permis de voir? Et ne méprisez pas vos forces, parce qu'elles sont circonscrites dans les bornes étroites de votre corps : ce qu'il y a de fort en vous est immense. Ainsi l'or, sous un petit volume, excède le prix d'une grande masse d'airain : ainsi le diamant, cette pierre si petite, est encore plus précieux que l'or : ainsi la prunelle de l'oeil, principal organe de la vision, est un point, et elle comprend l'image du ciel entier; elle embrasse les plus vastes objets. Telle l'âme de l'homme réside dans un coeur bien peu vaste; mais, franchissant ces étroites limites, elle gouverne tout le corps. Ne mesurez donc pas le volume de la matière qui est en vous, mais pesez vos forces, les forces de votre raison, et non le poids de votre corps; c'est la raison qui triomphe de tout. Ne balancez donc point à reconnaître dans l'homme une intelligence divine. Et ne voyez-vous pas que l'homme fait lui-même des dieux; déjà nous avons enrichi les astres d'une divinité nouvelle : Auguste, gouvernant le ciel, en relève encore la puissance.