[3,0] LIVRE III. Je prends un nouvel essor; j'ose au delà de mes forces; je ne crains pas de m'engager en des chemins où personne n'a marché avant moi. Muses, soyez mes guides; je travaille à reculer les bornes de votre empire; je veux puiser d'autres chants dans vos fontaines intarissables. Je ne prends pas pour sujet la guerre entreprise contre le ciel, les Titans frappés de la foudre et ensevelis dans le sein de leur mère; les rois conjurés contre Troie, la destruction de cette ville célèbre, Priam portant au bûcher son fils Hector, dont il a racheté les dépouilles sanglantes; l'impudique Médée vendant le trône de son père, et déchirant son frère en morceaux ; une moisson de soldats engendrés de la terre, des taureaux vomissant des flammes, un dragon veillant sans cesse; la jeunesse rendue à un vieillard ; un incendie, fruit d'un présent perfide ; la naissance criminelle des enfants de Médée, et leur mort plus criminelle encore. Je ne peindrai point le long siège de la coupable Messène; les sept chefs devant Thèbes, la foudre garantissant cette ville de l'incendie, et cette même ville vaincue et saccagée parce qu'elle avait été victorieuse. Je ne montrerai pas des enfants frères de leur père et petits-fils de leur mère; les membres du fils servis sur la table du père; les astres reculant d'horreur, le jour fuyant la terre; un Perse déclarant la guerre aux ondes, et les ondes disparaissant sous la multitude de ses vaisseaux; un nouveau bras de mer creusé entre les terres, une route solide établie sur les flots. Je ne chanterai pas les conquêtes d'un grand roi {Alexandre le Grand}, faites en moins de temps qu'il en faudrait pour les célébrer dignement. L'origine du peuple romain, ses généraux, ses guerres, ses loisirs, ses succès étonnants, qui ont rangé toute la terre sous les lois d'une seule ville, ont exercé plusieurs poètes. Il est facile de naviguer, lorsque le vent est favorable : un sol fertile se prête de lui-même à toute espèce de culture; il est aisé d'ajouter un nouvel éclat à l'or et à l'ivoire, la matière brute en ayant déjà par elle-même : célébrer en vers des actions héroïques, rien de plus simple, et plusieurs l'ont tenté avec succès. Mais, dans le projet d'assujétir aux lois de la poésie des choses dont les noms mêmes ne sont pas déterminés, les temps, les différentes circonstances, les effets des mouvements de l'univers, les diverses fonctions des signes célestes, leurs divisions et celles de leurs parties; que d'obstacles n'ai-je pas à craindre? Concevoir tous ces objets, première difficulté; les exprimer, difficulté plus grande encore; le faire en des termes propres au sujet, et orner l'expression des grâces de la poésie, quel embarras extrême! O vous, qui que vous soyez, qui pouvez prêter à mon travail une attention suivie, écoutez-moi, c'est la vérité que je vous annoncerai; appliquez-vous à la comprendre. Mais ne cherchez pas ici les charmes d'une douce poésie ; la matière que je traite n'est pas susceptible d'agréments, elle ne permet que l'instruction. Et si je suis quelquefois obligé d'emprunter les mots d'une langue étrangère, ce sera la faute du sujet, et non celle du poète : il est des choses qu'on ne peut mieux exprimer que par les termes qui leur ont été primitivement appliqués. Commencez donc par vous bien pénéter d'une doctrine de la plus grande importance : vous en retirerez les plus précieux avantages; elle vous conduira, par une route sûre, à la connaissance des décrets du destin, si vous réussissez à la graver profondément dans votre esprit. Lorsque la nature, principe de tout, dépositaire de ce qu'il y a de plus caché, a formé des masses immenses qui servissent d'enceinte à l'univers; qu'elle y a placé des astres innombrables qui environnent la terre, [3,50] partout suspendue au milieu de ce vaste espace; qu'elle a composé un seul corps de ces membres divers, et qu'elle les a unis par les liens d'un ordre constant et immuable; qu'elle a ordonné à l'air, à la terre, au feu et à l'eau de se fournir des aliments réciproques, afin que la concorde régnât entre tant d'agents opposés, que le monde se maintînt dans une parfaite harmonie, que tout sans exception fût soumis à l'empire de la raison souveraine, et que toutes les parties de l'univers fussent régies par l'univers même; elle a réglé que la vie et les destinées des hommes dépendraient des signes célestes, qui seraient les arbitres du succès de nos entreprises, de notre vie, de notre réputation ; que, sans jamais se lasser, ils fourniraient une carrière éternelle ; que, placés au milieu et comme au coeur du ciel, ils auraient un pouvoir souvent supérieur à celui du soleil, de la lune et des planètes, à l'action desquels ils seraient cependant obligés de céder à leur tour. La nature leur a confié la direction des choses humaines, elle a attribué à chacun d'eux un domaine particulier; elle a voulu que la somme de nos destinées fût toujours dépendante d'un seul et même ordre de sorts. En effet, tout ce qu'on peut imaginer, tous les travaux, toutes les professions, tous les arts, tous les événements qui peuvent remplir la vie des hommes, la nature les a rassemblés et divisés en autant de classes qu'elle avait placé de signes au ciel : elle a attribué à chaque classe des propriétés et des fonctions particulières; elle a ainsi distribué autour du ciel toutes les circonstances de la vie de chaque homme dans un ordre tellement réglé, que chaque classe, toujours limitrophe des mêmes classes, ne pût jamais changer de voisinage. Ces douze sorts répondent aux douze signes, non qu'ils soient éternellement assujétis à la même partie du ciel, et que, pour connaître leur action à la naissance de chaque homme, il faille les chercher aux mêmes degrés des mêmes signes : mais, à l'instant de chaque naissance, ils occupent un lieu déterminé, ils passent d'un signe dans un autre, et chacun d'eux les parcourt ainsi successivement tous, de manière qu'aux divers instants de plusieurs naissances successives la forme du ciel se trouve changée, sans qu'il en résulte aucune irrégularité dans les mouvements célestes. Mais dès que la classe des sorts, qui doit occuper le premier rang, a été placée au lieu qui lui convient à l'instant d'une naissance, les autres se succèdent sans interruption, et sont attribués par ordre aux signes suivants. L'ordre dépend de la place du premier sort, les autres suivent jusqu'à ce que le cercle soit complet. Or, suivant que les sept astres errants concourront d'une manière avantageuse ou défavorable avec ces sorts, distribués dans toute l'étendue des signes et arbitres de tous les événements de notre vie, ou selon que la puissance divine combinera leur position avec celle des cercles cardinaux, notre destinée sera douce ou malheureuse, nos entreprises couronnées d'un bon ou d'un mauvais succès. Il est nécessaire que j'entre dans un détail raisonné sur ces sorts, que j'en développe la nature et l'objet, afin qu'on puisse en connaître la position dans le ciel, les noms et les propriétés. Le premier sort a été attribué à la fortune; les astronomes l'ont ainsi nommé, parce qu'il renferme tout ce qui peut contribuer à établir et à soutenir une maison, le nombre d'esclaves et les terres que l'on possédera à la campagne, [3,100] les palais, les grands édifices que l'on fera construire, pourvu cependant que les étoiles errantes de la voûte céleste favorisent le pronostic. Le sort suivant est celui de la milice; dans cette seule classe on comprend tout ce, qui concerne l'art militaire, et tout ce qui doit arriver à ceux qui séjournent dans des villes étrangères. La troisième classe roule sur les occupations civiles; c'est une autre espèce de milice : tous les actes entre citoyens y ressortissent; elle renferme les liens dépendant de la bonne foi, elle forme les amitiés, elle engage à rendre des services trop souvent méconnus, elle fait envisager les précieux avantages d'un caractère doux et complaisant; mais il faut que le ciel en favorise l'activité par un concours heureux de planètes. La nature a placé au quatrième rang tout ce qui concerne les jugements et tout ce qui a rapport au barreau : l'avocat, qui fait valoir le talent de la parole; le plaideur, qui fonde ses espérances sur l'éloquence de son défenseur; le jurisconsulte, qui de la tribune développe au peuple les lois établies ; qui, après avoir examiné les pièces d'un procès, en annonce l'issue d'un seul de ses regards; qui, dans ses décisions, ne se propose que le triomphe de la vérité. En un mot, tout don de la parole qui se rattache à l'exécution des lois doit être rapporté à cette seule classe, et en éprouvera les influences, mais suivant ce qu'en décideront les astres qui domineront alors. La cinquième classe, appropriée au mariage, comprend aussi ceux qui sont unis par les liens de la société et de l'hospitalité, ou par les noeuds d'une tendre amitié. De la sixième classe dépendent les richesses et leur conservation : nous y apprenons, d'un côté, quelle sera la quantité des biens dont nous jouirons; de l'autre, combien de temps nous les posséderons; tout cela étant toujours subordonné à l'action des astres et à leur position dans les temples célestes. Le septième sort est effrayant par les périls extrêmes dont il nous menace, si les positions défavorables des planètes concourent à nous les faire essuyer. La huitième classe, celle de la noblesse, nous donne les dignités, les honneurs, la réputation, une haute naissance, et le magnifique éclat de la faveur. La neuvième place est assignée au sort incertain des enfants, aux inquiétudes paternelles, et généralement à tous les soins qu'on se donne pour les élever. La classe suivante comprend la conduite de la vie ; nous y puisons nos moeurs, nous y apprenons quels exemples nous devons à notre famille, et dans quel ordre nos esclaves doivent s'acquitter auprès de nous des emplois qui leur sont confiés. Le onzième sort est le plus important de tous ; c'est par lui que nous conservons notre vie et nos forces : il préside à la santé; les maladies nous épargnent et nous accablent, suivant l'impression que les astres communiquent au monde. C'est ce sort qu'il faut consulter sur le choix des remèdes et sur le temps d'en faire usage; c'est quand il est favorable que les sucs salutaires des plantes doivent le plus sûrement nous rappeler à la vie. La succession des sorts se termine enfin par celui qui nous fait obtenir l'objet de nos voeux : il renferme tout ce qui peut contribuer au succès de nos résolutions, et des démarches que l'on fait tant pour soi que pour les siens, soit que, pour réussir, il faille employer les assiduités, recourir même à toute sorte de flatteries; [3,150] soit qu'on doive tenter, devant les tribunaux, le hasard d'un procès épineux ; soit que, porté sur l'aile des vents, on poursuive sur les flots la fortune; soit qu'on désire que la semence confiée à Cérès devienne une riche moisson, et que Bacchus fasse couler de nos cuves des ruisseaux abondants d'un vin délicieux : cette classe nous fera connaître les jours et les instants les plus favorables, à la condition, toujours nécessaire, d'une position heureuse des planètes dans les signes célestes. J'expliquerai plus tard, dans un ordre convenable, les influences bonnes et mauvaises de ces étoiles errantes, lorsque je traiterai de leur efficacité : maintenant je considère les objets comme isolés : c'est, je pense, le seul moyen d'éviter la confusion. J'ai donc expliqué dans mes vers les noms et les vertus de tous ces sorts, rangés dans un ordre constant et immuable (les Grecs les nomment "athla", parce qu'ils renferment tous les événements de la vie humaine, répartis en douze classes) : il me reste à déterminer comment et en quel temps ils se combinent avec les douze signes. En effet, ils n'ont point de place fixe dans le ciel; iis n'occupent pas les mêmes lieux à la naissance de chaque enfant : chacun d'eux, sujet à des déplacements continuels, répond tantôt à un signe, tantôt à un autre, de manière cependant que l'ordre originairement établi entre eux demeure invariable. Si donc vous voulez ne vous pas tromper dans la figure d'une nativité, sur laquelle vous avez à placer chaque sort au signe qui lui convient, cherchez d'abord le lieu que la fortune doit occuper dans le ciel. Dès que ce sort sera convenablement placé, vous attribuerez par ordre les autres sorts aux signes suivants, et tous occuperont alors les lieux qui leur appartiennent. Mais, pour ne pas errer comme à l'aventure dans la détermination du lieu de la fortune, voici deux moyens certains de la distinguer. Connaissez bien l'instant de la naissance de l'enfant, et l'état du ciel à cet instant, et placez les planètes aux degrés des signes qu'elles occupaient. Si le soleil est plus élevé que le cercle cardinal de l'orient et que celui qui plonge les astres sous les eaux, prononcez infailliblement que l'enfant est né pendant le jour. Mais si le soleil, plus bas que les deux cercles qui soutiennent le ciel à droite et à gauche, est dans un des six signes abaissés sous l'horizon, la naissance aura eu lieu durant la nuit. Cette distinction faite avec toute la précision possible, si c'est le jour qui a reçu l'enfant au sortir du sein maternel, comptez combien il se trouve de degrés depuis le soleil jusqu'à la lune, en suivant l'ordre des signes; portez ces degrés dans le même ordre sur le cercle des signes, en partant du cercle de l'orient, que, dans l'exacte division du ciel, nous nommons horoscope : le point du cercle des signes où le nombre s'arrêtera sera le lieu de la fortune. Vous attribuerez consécutivement les autres sorts aux autres signes, en suivant toujours l'ordre de ceux-ci. Mais si la nuit couvrait la terre de ses sombres ailes au moment où l'enfant quitta le sein de sa mère, changez de marche, puisque la nature a changé de face. Consultez alors la lune; elle imite l'éclat de son frère, et la nuit est spécialement soumise à son empire : autant il y a de signes et de degrés entre elle et le soleil, autant il en faut compter en deçà du brillant horoscope, [3,200] jusqu'au lieu que doit occuper la fortune : les autres sorts seront successivement placés dans l'ordre établi par la nature pour la suite des signes célestes. Vous me ferez peut-être une question qui mérite une attention sérieuse. Comment, à l'instant d'une naissance, déterminera-t-on le point qui , se levant alors, doit être reconnu pour horoscope? Si ce point n'est pas donné avec la plus grande précision, les fondements de notre science s'écroulent, l'ordre établi dans le ciel devient inutile. Tout, en effet, dépend des cercles cardinaux s'ils sont mal déterminés, vous donnez au ciel une disposition qu'il n'a pas; le point d'où il faut tout compter devient incertain, et ce déplacement en occasionne un dans tous les signes célestes. Mais l'opération nécessaire pour éviter l'erreur est aussi difficile qu'elle est importante, puisqu'il s'agit de représenter le ciel sans cesse emporté par un mouvement circulaire, et parcourant sans interruption tous les signes; de s'assurer qu'on en a saisi la disposition actuelle, de déterminer dans cette vaste étendue la position d'un point indivisible, de reconnaitre avec certitude les parties qui sont à l'orient, au sommet de la voûte céleste, à l'occident; celle enfin qui est descendue au plus bas du ciel. La méthode ordinaire ne m'est point inconnue : on compte deux heures pour la durée du lever de chaque signe; comme ils sont tous égaux, on suppose qu'ils emploient des temps égaux à monter au-dessus de l'horizon. On compte donc les heures écoulées depuis le lever du soleil, et l'on distribue ces heures sur le cercle des signes célestes, jusqu'à ce qu'on soit parvenu au moment de la naissance de l'enfant : le point où la somme sera épuisée sera celui qui se lève en ce même moment. Mais le cercle des signes est oblique relativement au mouvement du ciel ; d'ou il arrive que quelques signes se lèvent très obliquement, tandis que l'ascension des autres est beaucoup plus droite : cette différence dépend de ce que les uns sont plus voisins, les autres plus éloignés de nous. A peine l'écrevisse permet-elle que le jour finisse, à peine l'hiver souffre-t-il qu'il commence : ici le cercle diurne du soleil est aussi court qu'il est long en été : la balance et le bélier nous donnent des jours égaux aux nuits. On voit donc une opposition entre les signes extrêmes et ceux du milieu, entre les plus élevés et ceux qui le sont moins; et la durée de la nuit ne varie pas moins que celle du jour : on remarque seulement que la différénce de l'un et de l'autre est la même dans les mois opposés. Pour peu qu'on réfléchisse sur ces variations, sur ces inégalités des jours et des nuits, est-il possible de se persuader que les signes célestes emploient tous le même temps à monter sur l'horizon? Ajoutez à cela que la durée des heures n'est pas la même; celle qui suit est plus ou moins longue que celle qui a précédé : puisque les jours sont inégaux, leurs parties doivent être sujettes à la même inégalité, tantôt croître et tantôt décroître. Cependant, quelle que puisse être à chaque instant la disposition du ciel, six signes sont constamment au-dessus de l'horizon, six sont au-dessous. Cela ne peut se concilier avec l'attribution de deux heures au lever de chaque signe, ces heures étant dans leur durée si différentes les unes des autres, et douze d'entre elles formant constamment un jour. Cette correspondance des heures avec les signes paraît d'abord raisonnable : veut-on en faire l'application, on en découvre l'insuffisance. Vous ne parviendrez jamais à suivre les traces de la vérité, si, après avoir divisé le jour et la nuit en heures égales, vous ne déterminez la durée de ces heures dans les différentes saisons, et si, pour cet effet, vous ne choisissez des heures régulièrement égales, qui puissent servir comme de module [3,250] pour mesurer et les plus longs jours et les plus courtes nuits. C'est ce qu'on trouve pour la balance, lorsque les nuits commencent à surpasser les jours, ou lorsqu'au coeur du printemps la durée du jour commence à dépasser celle de la nuit. C'est alors seulement que le jour et la nuit, égaux entre eux, contiennent chacun douze heures égales, le soleil parcourant le milieu du ciel. Lorsque cet astre, repoussé dans les signes méridionaux par les glaces de l'hiver, brille dans le huitième degré du capricorne à double forme, le jour, ayant alors la plus courte durée qu'il puisse avoir, ne contient que neuf heures équinoxiales et demie; et la nuit, qui semble oublier qu'elle nous redoit le jour, outre quatorze heures pareilles, contient encore une demi-heure, pour compléter le nombre de vingt-quatre. Ainsi les douze heures qu'on a coutume de compter se trouvent compensées de part et d'autre, et l'on retrouve au total la somme que la nature a prescrite pour la durée d'un jour entier. Les nuits diminuent ensuite et les jours croissent, jusqu'à ce qu'ils subissent une inégalité semblable au signe de la brûlante écrevisse : alors les heures sont les mêmes qu'en hiver, mais en sens contraire; celles du jour égalent en durée celles des nuits d'hiver, et les nuits ne sont pas plus longues que ne l'étaient alors les jours; et cette supériorité alternative dépend des divers lieux que le soleil occupe dans le cercle des signes. La science des astres nous fournit des preuves démonstratives de cette doctrine; je les exposerai dans la suite de cet ouvrage. Telle est donc la mesure des jours et des nuits dans les contrées que le Nil arrose, après avoir été grossi par les torrents dont il reçoit en été les eaux : ce fleuve imite les astres du ciel, en se dégorgeant par sept embouchures dans la mer, dont il fait refluer les flots. Je vais maintenant expliquer combien chaque signe a de stades et combien il emploie de temps à se lever ou à se coucher. Le sujet est intéressant, et je serai concis; prêtez-moi une sérieuse attention, si vous ne voulez pas que la vérité vous échappe. Le noble signe du bélier, qui précède tous les autres, s'approprie quarante stades à son lever, le double de ce nombre à son coucher: son lever dure une heure et un tiers; la durée de son coucher est une fois plus longue. Chacun des signes suivants a pour son lever huit stades de plus que celui qui le précède; il en perd huit, lorsqu'il descend sous les ombres glacées de la nuit. Le temps du lever doit être, à chaque signe, augmenté d'un quart d'heure, et de la quinzième partie de ce quart d'heure. Tels sont les accroissements qui ont lieu pour le lever des signes jusqu'à celui de la balance : les diminutions sur la durée des couchers suivent la même progression. Quant aux signes qui suivent la balance, il faut renverser l'ordre : les variations sont les mêmes, mais suivant une marche opposée. Autant nous avons compté d'heures et de stades pour que le bélier montât sur l'horizon, autant la balance en emploiera pour descendre au-dessous; et l'espace ou le temps que le bélier met à se coucher est précisément celui qu'il faut attribuer au lever de la balance. Les cinq signes suivants se règlent sur la même marche. Lorsque vous vous serez bien pénétré de ces principes, il vous sera facile de déterminer à chaque instant le point de l'horoscope, puisqu'alors vous connaîtrez le temps qu'il faut attribuer à la durée du lever de chaque signe, et la quantité de signes et de parties de signes qui répond à l'heure proposée, en commencent à compter depuis le degré du signe où est alors le soleil, ainsi que je l'ai expliqué plus haut. [3,300] Mais de plus la longueur des jours et des nuits n'est point partout la même; la variation des temps est sujette à différentes lois ; l'état du ciel est le même, et la durée des jours est fort inégale. Dans les contrées situées sous la toison du bélier de Phryxus, ou sous les serres du scorpion et les bassins uniformes de la balance, chaque signe emploie constamment deux heures à se lever, parce que toutes les parties du cercle des signes se meuvent dans une direction perpendiculaire à l'horizon, et qu'elles roulent uniformément sur l'axe du monde. Là les jours et les sombres nuits sont toujours dans un parfait accord; l'égalité des temps n'est jamais troublée. Sous tous les signes on a l'automne, sous tous les signes on jouit du printemps, parce que Phébus y parcourt d'un pas égal une même carrière. Dans quelque signe qu'il se trouve, qu'il brûle l'écrevisse de ses feux, ou qu'il soit dans le signe opposé, il n'en résulte aucune variation. Le cercle des signes s'étend obliquement, il est vrai, sur les trois cercles du milieu du ciel, mais toutes ses parties s'élèvent dans des directions uniformes et parallèles, et conservent ces directions tant au-dessus qu'au-dessous de l'horizon; les intervalles de temps entre leurs levers respectifs sont proportionnels à leurs distances réciproques ; et le ciel, exactement divisé, montre et cache uniformément toutes les parties qui le composent. Mais écartez-vous de cette partie de la terre, et, portant vos pas vers l'un des pôles, avancez sur la convexité de notre globe, auquel la nature a donné dans tous les sens une figure sphérique, et qu'elle a suspendu au centre du monde : à chaque pas que vous ferez en gravissant cette circonférence, montant toujours et descendant en même temps, une partie de la terre se dérobera, une autre s'offrira à votre vue : or cette inclinaison, cette pente de notre globe influera sur la position du ciel, qui s'inclinera pareillement ; les signes qui montaient directement sur l'horizon s'y élèveront obliquement : ce cercle qui les porte, et qui, semblable à un baudrier, entourait également le ciel des deux côtés, prendra une forme moins régulière en apparence. La position en est cependant toujours la même; c'est nous qui avons changé de place. Il doit résulter de là une variation sensible dans les temps, et l'égalité des jours ne peut plus subsister, puisque les signes plus ou moins inclinés suivent maintenant des routes obliques à l'horizon, puisque ces routes sont les unes plus voisines, les autres plus éloignées de nous. La durée de la présence des signes sur l'horizon est proportionnée à leur distance : les plus voisins de nous décrivent de plus grands arcs visibles; les plus éloignés sont plus tôt plongés dans les ombres de la nuit. Plus on approchera des ourses glacées, plus les signes d'hiver se déroberont à la vue; levés à peine, ils descendront déjà sous l'horizon. Si l'on avance plus loin, des signes entiers disparaîtront; et chacun amènera trente nuits consécutives, qui ne seront interrompues par aucun jour. Ainsi la durée des jours décroît peu à peu; ils sont enfin anéantis par la destruction des heures qui les composaient. Les signes lumineux disparaissent par degrés; le temps pendant lequel ils étaient visibles se dérobant par parties, ils descendent successivement sous la convexité de la terre; on les chercherait en vain sur l'horizon. [3,350] Phébus disparaît avec eux, les ténèbres prennent plus de consistance, jusqu'à ce moment où l'année devient défectueuse par la suppression de plusieurs mois. Si la nature permet à l'homme d'habiter sous le pôle, sous ce sommet du monde, que l'axe glacé soutient et unit par des liens inflexibles, au milieu de neiges éternelles, dans ce climat rigoureux, voisin de la fille de Lycaon, changée en ourse, le ciel lui paraîtra se tenir debout; sa circonférence sera emportée, comme celle de la toupie, par un tournoiement continuel : six signes formant un demi-cercle obliquement placé seront perpétuellement sur l'horizon, sans pouvoir jamais cesser d'être visibles; tous leurs points traceront dans le ciel des cercles parallèles à l'horizon. Un seul jour, égal en durée à six mois, répandra pendant la moitié de l'année une lumière non interrompue, parce que le soleil ne se couchera pas tant que son char parcourra les six signes élevés : il paraitra comme voltiger sans cesse autour de l'axe du monde. Mais dès qu'il commencera à descendre de l'équateur vers les six signes abaissés sous l'horizon, et qu'il promènera ses coursiers dans la partie la moins élevée du cercle des signes, une seule nuit prolongera les ténèbres de ceux qui habitent sous le pôle durant un égal nombre de mois. Car quiconque est placé dans l'axe d'une sphère ne peut jamais voir que la moitié de cette sphère; la partie inférieure lui est nécessairement cachée, parce que ses rayons visuels ne peuvent comprendre toute la sphère, divisée par son renflement même en deux hémisphères. De même, lorsque le soleil se promène dans les six signes inférieurs, il n'est pas possible de le voir si l'on est sous le pôle, jusqu'à ce qu'ayant parcouru ces six signes pendant autant de mois, il revienne au point d'où il était parti, remonte vers les ourses, ramène la lumière, et chasse devant lui les ténèbres. Un seul jour, une seule nuit, séparés par la distinction des deux hémisphères, forment en ce lieu la division de toute l'année. Nous avons démontré que les jours et les nuits ne sont point égaux partout; nous avons exposé les degrés et les causes de ces inégalités : il nous reste à exposer les moyens de déterminer, pour quelque contrée que ce soit, le nombre d'heures que chaque signe emploie à se lever ou à se coucher, afin qu'on connaisse l'heure précise à laquelle chaque degré de ces signes est au point de l'orient, et que le doute ne nous conduise point à déterminer faussement l'horoscope. Voici une loi générale à laquelle on peut s'arrêter : car d'assigner des nombres exacts, des temps précis pour chaque lieu, c'est ce que la trop grande différence d'obliquité des mouvements célestes ne peut permettre. Je propose la loi ; chacun suivra la route que je vais tracer, fera lui-même l'application, mais me sera redevable de la méthode. En quelque lieu de la terre qu'on se propose de résoudre ce problème, il faut d'abord déterminer le nombre d'heures égales comprises dans la durée du plus long jour et de la plus courte nuit de l'été. La sixième partie du nombre d'heures que contient le plus long jour doit être attribuée au lion, qui se présente au sortir du temple de l'écrevisse. Partagez de même en six la durée de la plus courte nuit, et assignez une de ces parties au temps que le taureau emploie à s'élever à reculons au-dessus de l'horizon. Prenez ensuite la différence entre la durée du lever du taureau, [3,400] et celle qui aura été assignée au lever du lion de Némée, et partagez-la en trois. A la première de ces deux durées ajoutez successivement un tiers de la différence, et vous aurez d'abord la durée du lever des gémeaux, puis celle de l'écrevisse, enfin celle du lion, qui se trouvera la même que celle qu'on avait obtenue d'abord, en prenant la sixième partie du plus long jour. L'addition consécutive du même tiers donnera la durée du lever de la vierge. Mais il faut remarquer que cette addition doit toujours être faite à la durée entière du lever du signe qui précède immédiatement, de manière que les durées aillent toujours en croissant. Cet accroissement ayant eu lieu jusqu'à la balance, les durées décroîtront ensuite dans la même proportion. Or, autant chaque signe met de temps à monter au-dessus de l'horizon, autant le signe qui lui est diamétralement opposé en doit employer pour se plonger entièrement dans l'ombre. Cette méthode générale du calcul des heures doit aussi s'appliquer à celui des stades que chaque signe parcourt en se levant et en se couchant. Les stades sont au nombre de sept cent vingt. Otez de cette somme une partie proportionnelle à celle que le soleil a réservée sur vingt-quatre heures, pour en former la nuit d'été, lorsqu'au plus haut du ciel il détermine le solstice. Ce qui reste après la soustraction étant divisé en six parties égales, attribuez une de ces parties au signe brûlant du lion ; la sixième partie de ce qui a été retranché, comme répondant à la plus courte nuit, sera donnée au taureau. Le nombre de stades dont le lever du lion surpasse celui du taureau, ou la différence du nombre des stades attribués à ces deux signes, doit être partagée en trois tiers, dont un sera ajouté au nombre du taureau, pour avoir celui des gémeaux. Une pareille augmentation, toujours faite au nombre complet des stades d'un signe, donnera les stades des signes immédiatement suivants, jusqu'à ce qu'on soit parvenu au point équinoxial de la balance. Il faut alors diminuer dans la même proportion le nombre des stades, jusqu'à ce qu'on ait atteint le bélier. Les accroissements et les diminutions de la durée du coucher de tous les signes sont les mêmes, mais dans un ordre inverse du précédent. Par cette méthode on connaîtra le nombre des stades de chaque signe, et le temps que chacun emploie à se lever. Combinant tout cela avec l'heure courante, on n'aura aucune erreur à craindre dans la détermination du point de l'horoscope, puisqu'on pourra attribuer à chaque signe le temps qui lui convient, en commençant à compter du lieu que le soleil occupe. Je vais maintenant expliquer d'une manière claire et concise un objet fort important, le progrès de l'accroissement des jours pendant les mois de l'hiver. Cet accroissement, en effet, n'est pas le même sous chacun des trois signes que le soleil parcourt, jusqu'à ce qu'ayant atteint la brillante toison du bélier, il réduise le jour et la nuit sous le joug de la plus parfaite égalité. Il faut d'abord déterminer la durée du jour le plus court et celle de la nuit la plus longue, telles qu'elles nous sont données par le signe du capricorne. La quantité dont la plus longue nuit excédera la nuit moyenne, ou celle dont le jour moyen surpassera le plus court, doit être divisée en trois, et le tiers de l'excès sera attribué au second signe d'hiver, qui, s'étant approprié cet accroissement, doit excéder d'un demi-tiers le premier signe, et être surpassé lui-même d'une pareille quantité par le troisième. [3,450] C'est ainsi qu'il faut distribuer l'accroissement des jours {sur les trois signes d'hiver, de manière que l'application de chaque excès à un signe suivant soit toujours faite au nombre entier du signe précédent}. Par exemple, qu'au solstice d'hiver la nuit soit trop longue de trois heures, le capricorne diminuera cet excès d'une demi-heure; le verseau, pour sa part, en retranchera une heure, outre la diminution déjà faite sous le signe précédent : enfin les poissons opéreront une réduction nouvelle, égale à la somme des diminutions faites par les deux autres signes; et après, avoir anéanti l'excès des trois heures, ils remettront au bélier le soin d'ouvrir le printemps par l'égalité du jour et de la nuit. La trop longue durée de la nuit diminue donc d'abord d'une sixième partie ; la diminution est double sous le second signe, triple sous le dernier. Ainsi les jours recouvrent ce qui leur manquait; les unes leur ont restitué les heures qu'elles avaient empiétées sur eux. Après l'équinoxe, elles continuent de céder aux jours une partie de leur durée, mais en suivant une marche inverse. Le bélier diminue la durée de la nuit autant qu'elle avait été déjà diminuée par les poissons; le taureau lui enlève encore une heure, et, pour mettre le comble à tous ces échecs, les gémeaux y ajoutent encore une demi-heure. Ainsi donc entre ces six signes l'action du premier est égale à celle du dernier : il faut en dire autant des deux signes qui les touchent immédiatement: enfin cette égalité d'action a pareillement lieu entre les signes du milieu, et ceux-ci contribuent plus que tous les autres à faire varier l'inégalité du jour et de la nuit. Tel est l'ordre suivant lequel les nuits décroissent et les jours augmentent après le solstice d'hiver. Mais quand le soleil atteint le signe de la lente écrevisse, tout change de face ; la nuit d'été n'est pas plus longue que le jour d'hiver, et la longue durée du jour égale celle de la nuit de l'autre saison : le jour diminue ensuite, par la même loi qu'il a suivie en augmentant. Voici une autre méthode pour déterminer le point du cercle des signes qui, s'élevant du sein de l'Océan, commence à reparaître sur l'horizon. Il faut d'abord déterminer l'heure du jour, si la nativité est diurne, et multiplier cette heure par quinze, vu qu'à chaque heure il s'élève au-dessus de l'horizon quinze degrés du cercle des signes. Ajoutez au produit le nombre des degrés que le soleil a parcourus dans le signe où il se trouve. De la somme qui en résultera vous attribuerez trente degrés à chaque signe, en commençant par celui où est alors le soleil, et en suivant d'ailleurs l'ordre même des signes où la somme se trouvera épuisée; le degré au delà duquel il ne restera rien à compter sera le signe et le degré qui se lève actuellement. Il faut suivre le même procédé au travers des feux de la nuit. Lorsque vous aurez déterminé comme auparavant la somme convenable, vous en distribuerez les degrés, trente par trente, sur chaque signe, jusqu'à ce qu'elle soit épuisée: le degré où la distribution finira sera celui qui vient de naître sur l'horizon avec le corps de l'enfant : l'un et l'autre ont commencé à paraître au même instant de la nuit. C'est par ces méthodes que vous pouvez déterminer entre les signes célestes [3,500] la partie qui naît à tout instant donné, ou le point ascendant de l'horoscope. Connaissant ainsi avec certitude ce premier point cardinal, vous ne pourrez vous tromper ni sur celui qui occupe le faîte de la voûte céleste, ni sur celui de l'occident; et le bas du ciel, qui en est comme le fondement, sera pareillement déterminé. Vous assignerez à chaque partie les propriétés et la classe de sorts qui lui conviennent. Je vais maintenant donner une idée générale du rapport qui existe entre le temps et les signes célestes. Chaque signe s'approprie des années, des mois, des jours, des heures; et c'est sur ces parties du temps qu'il exerce principalement son énergie. Le soleil, parcourant le cercle des signes, détermine l'année; donc la première année de la vie appartient au signe où est le soleil à l'instant de la naissance, la seconde année au signe suivant, et ainsi de suite, selon l'ordre naturel des signes. La lune, fournissant sa carrière en un mois, règle de même la présidence des mois. Le signe où est l'horoscope prend sous sa protection le premier jour et la première heure; il abandonne les jours et les heures suivantes aux signes qui lui succèdent. C'est la nature qui a voulu que les années, les mois, les jours, les heures même fussent ainsi distribués entre les signes, afin que tous les instants de notre vie fussent dépendants des astres, que la succession des parties de ce temps fût relative à celle des étoiles, et que ces parties acquissent par cette combinaison l'énergie de tous les signes successifs. De cet ordre naît la vicissitude étonnante des choses de ce monde, cet enchaînement de biens et de maux, cette alternative de larmes et de plaisir, cette inconstance de la fortune, qui semble ne tenir à rien, tant elle est sujette à varier, qui enfin ne se fixe nulle part les révolutions continuelles : que ses caprices nous font essuyer lui ont fait, avec raison, perdre tout crédit. Une année ne ressemble point à une année, un mois diffère d'un autre mois, le jour succède au jour et n'est jamais le même, une heure enfin n'est pas semblable à l'heure qui l'a précédée. C'est que les parties du temps qui composent la durée de cette courte vie s'approprient différents signes, aux impulsions desquels elles sont obligées d'obéir : en conséquence elles nous communiquent des forces, et nous menacent d'accidents analogues aux propriétés des astres qui nous dominent successivement. Comme on commence à compter les heures du jour lorsque le soleil est au cercle de l'orient, quelques astronomes ont pensé que ces supputations de temps correspondants aux signes devaient pareillement commencer par ce même cercle; que de ce seul et unique point devait partir la distribution des années, des mois, des jours et des heures, entre le signe ascendant et ceux qui le suivent. En effet, disent-ils, quoique toutes ces périodes aient une même origine, elles ne marcheront pas toujours de front; les unes s'achèvent plus promptement, les autres ont une plus longue durée : un signe est rencontré deux fois en un jour par la même heure, et une fois en un mois par le même jour; un seul mois peut lui correspondre dans le cours d'une année ; enfin la période des années n'est complète qu'après douze révolutions du soleil. Il est difficile que tout cela se combine de manière que l'année et le mois appartiennent au même signe. Il arrivera de là que, l'année appartenant à un signe heureux, le mois sera dominé par un signe fâcheux : si le mois est gouverné par un signe favorable, le jour sera présidé par un signe pernicieux; le jour ne promet que du bonheur, mais il contiendra des heures funestes. C'est ainsi qu'on ne peut trouver un rapport constant entre les signes et les années, les années et les mois, [3,550] les mois et les jours, les jours et toutes les heures qui les composent. De ces parties du temps, les unes s'écoulent plus vite, les autres plus lentement. Le temps que l'on désire manque à ceux-ci, se présente à ceux-là; il arrive, il disparatt alternativement; il fait place à un autre temps, il est soumis à des variations journalières et perpétuelles. Nous avons traité des différents rapports qu'on pouvait observer entre les parties du temps et les divers événements de la vie; j'ai montré à quel signe il fallait rapporter les années, les mois, les jours et les heures. L'objet qui doit maintenant nous occuper roulera sur la durée totale de la vie, et sur le nombre d'années que promet chaque signe. Faites attention à cette doctrine, et tenez un compte exact du nombre d'années attribué à chaque signe, si vous voulez déterminer par les astres quel sera le terme de la vie. Le bélier donne dix ans, et une onzième année diminuée d'un tiers. A cette durée, taureau céleste, vous ajoutez deux ans : mais autant vous l'emportez sur le bélier, autant les gémeaux l'emportent sur vous. Quant à vous, écrevisse du ciel, vous prolongez la vie jusqu'à deux fois huit ans et deux tiers. Mais vous, lion de Némée, vous doublez le nombre neuf et vous lui ajoutez huit mois. Erigone à deux fois dix ans joint deux tiers d'année. La balance accorde à la durée de la vie autant d'années que la vierge. La libéralité du scorpion est la même que celle du lion. Le sagittaire règle la sienne sur celle de l'écrevisse. Pour vous, ô capricorne, vous donneriez trois fois cinq ans de vie, si l'on ajoutait quatre mois à ce que vous promettez. Le verseau, après avoir triplé quatre ans, ajoutera encore huit mois. Les poissons et le bélier sont voisins, leurs forces sont égales; ils procureront deux lustres et huit mois entiers de vie. Mais, pour connaître la durée de la vie des hommes, il ne suffit pas de savoir combien d'années sont promises par chaque signe céleste : les maisons, les parties du ciel ont aussi leurs fonctions dans ce pronostic; elles ajoutent des années à la vie, avec des restrictions cependant, relatives aux lieux qu'occupent alors les étoiles errantes. Mais pour le moment je ne parlerai que de l'énergie des temples célestes; je traiterai ailleurs en détail des autres circonstances, et des effets que leurs combinaisons produisent. Lorsque l'on aura commencé par bien établir les fondements de ces opérations, l'on n'aura plus à craindre le désordre que pourrait occasionner le mélange des différentes parties qui viendraient se croiser. Si la lune est favorablement placée dans la première maison, dans cette maison cardinale qui rend le ciel à la terre, et qu'à l'heure de la naissance de l'enfant elle renaisse elle-même à l'orient, huit fois dix années, moins deux ans, constitueront la durée de la vie. Il faut retrancher trois ans de cette durée, si la lune est au haut du ciel. La seule maison occidentale donnerait libéralement à l'enfant nouveau-né quatre-vingts ans de vie, s'il ne manquait une olympiade à ce nombre. Le bas du ciel, maison fondamentale de l'univers, s'approprie deux fois trente ans, avec un surcroît de deux fois six mois. La maison qui forme l'angle le plus à droite du premier trigone accorde soixante ans, augmentés de deux fois quatre; et celle qui occupe la gauche de ce même trigone, et qui suit les trois temples dont il se compose, ajoute trois ans au double de trente. La maison qui se trouve à la troisième place au-dessus du cercle de l'orient, et qui est contiguë au haut du ciel, [3,600] retranche trois de trois fois vingt ans. Celle qui est abaissée d'autant au-dessous du même cercle borne sa bienfaisance à cinquante hivers. La maison immédiatement placée sous l'horoscope détermine pour la durée de la vie quatre fois dix révolutions du soleil, y ajoute deux autres révolutions, et ne permet pas d'aller au delà. Mais celle qui précède la maison cardinale de l'orient accordera seulement vingt-trois ans de vie à l'enfant ; il sera enlevé dans la fleur de la jeunesse, ayant à peine commencé à en goûter les douceurs. Le temple qui est au-dessus de l'occident bornera la vie à dix ans, augmentés de trois années; celui qui est au-dessous sera funeste à l'enfant; une mort prématurée terminera ses jours après douze années de vie. Il faut surtout graver profondément dans sa mémoire quelle est l'activité de ces signes qui, opposés les uns aux autres, divisent le ciel en quatre parties égales. On les appelle tropiques, parce que c'est sur eux que roulent les quatre saisons de l'année; ils en désunissent les noeuds, ils font prendre au ciel une disposition nouvelle, en faisant varier les parties fondamentales qui le soutiennent; ils amènent avec eux un nouvel ordre de travaux; la nature change de face. L'écrevisse lance ses feux du sommet de la zone brûlante de l'été; elle nous procure les plus longs jours; ils décroissent, mais très peu, et ce qui est retranché de la durée du jour est ajouté à celle de la nuit; la somme de l'un et de l'autre reste constamment la même. Alors le moissonneur s'empresse de séparer le grain de la tige fragile qui le soutenait; on se livre à différents exercices du corps, à toute espèce de jeux gymniques : la mer attiédie entretient ses eaux dans un calme favorable. D'un autre côté, Mars déploie l'étendard sanglant de la guerre; les glaces ne servent plus de rempart à la Scythie; la Germanie, n'étant plus défendue par ses marais desséchés, cherche des contrées où elle ne puisse être attaquée; le Nil enflé inonde les plaines. Tel est l'état de la nature, lorsque Phébus ayant atteint l'écrevisse, y forme le solstice, et roule dans la partie la plus élevée de l'Olympe. Le capricorne, dans la partie opposée, préside à l'hiver engourdi : sous lui, les jours sont les plus courts et les nuits les plus longues de l'année; le jour croît cependant, et la longueur de la nuit diminue; il compense sur la durée de l'un ce qu'il retranche sur la durée de l'autre. Dans cette saison, le froid durcit nos campagnes, la mer est interdite, les camps sont silencieux; les rochers, couverts de frimas, ne peuvent supporter la rigueur de l'hiver; et la nature, sans action, languit dans l'inertie. Les deux signes qui égalent le jour à la nuit produisent des effets assez analogues entre eux, et se ressemblent par leur efficacité. Le bélier arrose le soleil au milieu de la carrière que cet astre parcourt pour regagner l'écrevisse : il divise le ciel de manière à ce qu'une parfaite harmonie règne entre le temps de la lumière et celui des ténèbres. Il change la face de la nature : comme, durant l'hiver, le jour a toujours été moindre que la nuit, il lui ordonne de prendre le dessus, et à la nuit de plier sous le jour, jusqu'à ce que l'un et l'autre aient atteint le signe de l'ardente écrevisse. Alors la mer commence à calmer ses flots soulevés; la terre, ouvrant son sein, ose produire toutes sortes de fleurs; les troupeaux, les oiseaux de toute espèce, épars dans les riches campagnes, [3,650] y goûtent les plaisirs de l'amour, et se hâtent de se reproduire; la forêt retentit d'harmonieux concerts, et les feuilles verdoyantes renaissent de toutes parts : tant la nature a retrouvé de forces, au sortir de son engourdissement ! A l'opposite du bélier brille la balance, qui a des propriétés semblables, et réunit la nuit et le jour par les liens de l'égalité. Mais à ce changement de saison, c'est la nuit qui, précédemment plus courte que le jour, commence à prendre le dessus; et elle le conserve jusqu'au commencement de l'hiver. Dans cette saison, Bacchus se détache de l'ormeau fatigué ; nos cuves voient écumer la liqueur précieuse exprimée du raisin; on confie les dons de Cérès aux sillons; le sein de la terre, ouvert par la douce température de l'automne, est disposé à les recevoir. Ces quatre signes sont de la plus grande impor- tance en astronomie; comme ils changent les saisons, ils déterminent aussi des vicissitudes surprenantes dans le cours des choses humaines : rien ne peut alors demeurer dans l'état antérieur. Mais ces révolutions et ces changements de saisons n'appartiennent pas à la totalité de ces signes, à toutes les parties qui les composent. Lorsque le bélier et la balance nous ramènent le printemps et l'automne, il n'y a, sous chacun de ces signes, qu'un seul jour égal à une seule nuit. De même il n'y a qu'un seul plus long jour sous le signe de l'écrevisse, et sous celui du capricorne une seule nuit égale à ce plus long jour. Les jours et les nuits qui suivent ont déjà reçu quelque accroissement ou subi quelque diminution. Il n'y a donc, dans les signes tropiques, qu'un seul degré à considérer, degré capable de changer la face de la nature, d'opérer la succession des saisons, de rendre nos démarches inutiles, de faire échouer nos projets, de faire naître des circonstances tantôt contraires, tantôt favorables à nos desseins. Cette énergie est attribuée par quelques astronomes au huitième, par d'autres au dixième degré des signes. Il en est même qui pensent 677 que le premier degré est le véritable siège du changement des saisons, et de toutes les vicissitudes qui en sont la suite.