[2,3] III. Le Messager de Mort. Les hiboux, nom hideux et d'augure funeste, N'ont jamais fait leur cri, Virgile nous l'atteste, Que pour prophétiser des malheurs et des maux. Abominant ce cri, tous les autres oiseaux Ont proscrit pour toujours ces prophètes funèbres, Et c'est là, la raison qu'ils hantent les ténèbres Et qu'ils n'osent bouger qu'à la faveur des nuits. S'ils voyaient en plein jour un seul de ces maudits, Les habitants de l'air, du bec et de la serre, Le déchirant, bientôt auraient jonché la terre Des restes mutilés de l'augure fatal, Justement condamné pour n'aimer que le mal. Tu mérites trop bien aussi qu'on te bannisse, O toi qui du hibou remplis le triste office, Exécrable porteur des messages de deuil, Funèbre visiteur, qui ne franchis un seuil Que pour jeter partout l'alarme et la tristesse. Et pourtant, comme si, messager de liesse, Tu portais le bonheur, tu demandes paiement ; Ton importune voix réclame insolemment, Ici des souliers neufs, partout ta nourriture. —Ami du mort, je veux remplacer ta chaussure. Tiens ces bottes, et tiens encore ce saindoux Pour les graisser. Mais pars, maintenant laisse-nous, Scélérat, trafiquant de ce commerce infâme, Qui pilles notre bien et désoles notre âme. Tu souilles l'air, enfant adoptif de Pluton ; Rentre dans les enfers, rentre dans ta maison. — Mais toi, sans t'émouvoir de mon amère plainte, Tu répètes toujours ta lugubre complainte : « Venez à mon appel, pleurez et gémissez, Tous ensemble entonnez le chant des trépassés ; Dans les airs attristés que l'airain retentisse ! Notez l'heure et le lieu du funèbre service Mais si les morts sont morts, les survivants ont faim; Faites-moi préparer un plantureux festin. » — Gouffre toujours béant, gourmand insatiable, Entendrons-nous toujours cette voix détestable? Pleure donc, toi qui viens pour exciter nos pleurs, Et tes larmes, bois-les ; l'amer pain des douleurs, Mange-le; ce paiement convient à ton office. Le mal te réjouit; que le mal te punisse! Cependant laisse-nous, tout à notre chagrin, Prier le Père Dieu, le Christ, son Fils divin, L'Esprit, qui les unit, de nous donner la vie..... Si tu ne t'en vas pas, j'ai vraiment trop envie De te faire dîner à grands coups de bâton, Esclave de ton ventre, insipide bouffon.