[33,0] DISCOURS POLITIQUE composé pour être lu aux jeux olympiques. [33,1] Illustres Grecs, vous devez aujourd'hui payer un tribut d'éloges à la mémoire d'Hercule, qui, sans parler d'une foule d'actions dignes de tous nos hommages, voulut établir ces jeux par amour pour la Grèce. La division jusqu'alors avait régné entre nos villes ; lorsqu'il eut chassé les tyrans et réprimé partout la violence, il institua cette assemblée solemnelle où l'on devait étaler à l'envi, dans la plus belle de nos contrées, l'éclat des richesses, les forces du corps et les talents de l'esprit ; cette assemblée où nous devions tous nous réunir pour voir ou pour entendre, et dont l'établissement lui parut propre à faire naître parmi les Grecs une bienveillance mutuelle. [33,2] Telles furent les idées et les vues de ce héros. Pour les remplir en ce jour, je viens non discourir sur de vains objets, ni disputer sur des mots ; je laisse cette fonction à de vils sophistes qui trafiquent de la parole. Un esprit solide, un bon patriote ne doit s'occuper qu'à donner des conseils sur les matieres les plus importantes, surtout quand il considere l'état déplorable de toute la Grèce, quand il voit nos possessions aux mains des Barbares et nos villes opprimées par des tyrans. Si nous souffrions ces maux par faiblesse et par impuissance, il faudrait supporter patiemment nos malheurs; mais, puisqu'ils sont l'effet de nos contestations et de nos discordes, n'est-il pas temps de remédier aux uns et de prévenir les autres ? Eh ! ne savons-nous pas que les querelles ne sont tolérables que dans la prospérité, et que dans l'adversîté il faut prendre les plus sages mesures ? Les dangers nous environnent et nous menacent de toutes parts. Vous le savez, l'empire est à ceux qui sont maîtres de la mer, le roi de Perse est possesseur d'immenses trésors, et les soldats Grecs sont au service de quiconque peut les soudoyer. Vous le savez encore, le monarque de l'Asie et le tyran de la Sicile se voient tous deux à la tête d'une marine considérable. Terminons donc enfin nos guerres intestines, et agissant tous de concert, ne nous occupons que du salut commun, apprenons à rougir du passé et à craindre pour l'avenir. Que nos ancêtres nous servent de modèles. Les Barbares qui voulaient envahir les possessions d'autrui, se sont vus dépouillés des leurs propres biens par ces mortels généreux qui chassèrent les tyrans et mirent en liberté tous les Grecs. [33,3] Ce sont les Lacédémoniens qui m'étonnent davantage. Je ne sais dans quelle vue ils laissent ravager la Grèce, eux qui sont les chefs des Grecs, et qui méritent de l'être par leur bravoure naturelle, et par leur habileté dans les armes. Ils sont les seuls dont le territoire n'ait jamais été ravagé, les seuls dont la ville ne soit pas entourée de murs, les seuls qui soient à l'abri des divisions, les seuls enfin, qui se montrent invincibles, et qui suivent toujours le même plan de discipline. Ainsi tout nous assure qu'ils jouiront éternellement de leur liberté, et qu'ayant sauvé la Grèce dans ses anciens périls, ils sauront pourvoir à son salut dans les temps qui suivront. [33,4] Pourrait-il donc s'offrir, une circonstance plus prenante que celle où nous sommes ? Regardons comme personnels, et non comme étrangers pour nous, les malheurs des peuples qu'on a vus périr et sans attendre que les deux princes viennent nous attaquer avec toutes leurs forces, réprimons leur orgueil, tandis que nous le pouvons encore. Qui ne voit clairement que c'est par nos dissensions et nos guerres éternelles qu'ils se sont fortifiés ? Dans cette situation de la Grèce, aussi critique que déshonorante, les grands coupables, enhardis par l'impunité, se portent à de nouveaux forfaits; cependant la nation néglige de leur faire subir le châtiment qu'ils méritent. ---.