[33,0] LIVRE XXXIII. [33,1] I. La guerre de Macédoine coûta à Rome moins d'efforts que la guerre punique ; mais la gloire en fut plus grande de tout ce que la Macédoine s'élevait en renommée au dessus de Carthage . Au souvenir de l'Orient subjugué se joignait l'appui de plusieurs rois. Les Romains levèrent donc un plus grand nombre de légions ; ils empruntèrent des secours à Masinissa, roi des Numides, et à leurs autres alliés, et mandèrent à Eumène, roi de Bithynie, de les seconder dans cette guerre de toutes ses forces. Avec une armée qui passait pour invincible, Persée avait les trésors et les munitions amassés par Philippe pour une guerre de dix années. Fier de ces avantages, il oubliait les désastres de son père, pour retracer à ses soldats la gloire antique d'Alexandre. D'abord vainqueur dans un combat de cavalerie, Persée fit pencher de son côté l'opinion des peuples jusqu'alors incertaine. Cependant il envoya des députés pour demander au consul la paix que même, après une défaite, son père avait obtenue de Rome, et offrit de payer au gré des vaincus les frais de la guerre. Mais Sulpicius lui imposa des conditions aussi dures que s'il eût été battu. Cependant les Romains, effrayés d'une guerre si difficile, défèrent le consulat à Paul-Emile et lui assignent extraordinairement la guerre de Macédoine. Dès son arrivée, ce général ne tarda pas à livrer bataille. La nuit qui précéda le combat, il y eut une éclipse de lune qui parut à tous présager les revers de Persée et la chute de l'empire de Macédoine. [33,2] II. Dans cette journée, M. Caton, fils de Caton l'orateur, combattait avec vaillance dans la plus épaisse mêlée, tomba de cheval, et fut contraint de se battre à pied. A l'instant de sa chute, une troupe d'ennemis, voulant le frapper à terre, l'enveloppa avec des cris affreux ; mais, se relevant à la hâte, il en fit un grand carnage. Les ennemis accourent en foule pour l'accabler ; il allait frapper l'un des plus redoutables, quand son épée, s'échappant de ses mains, alla tomber au milieu d'eux ; aussitôt, se couvrant de son bouclier, il s'élance pour la saisir à travers les glaives ennemis, sous les yeux de l'une et l'autre armée ; il la ramasse, et, couvert de blessures, il retourne vers les siens au milieu des cris de l'ennemi. Ses compagnons imitèrent son audace, et remportèrent la victoire. Le roi Persée s'enfuit en Samothrace avec dix mille talents ; mais Cnéus Octavius, envoyé à sa poursuite, l'arrête avec ses deux fils Alexandre et Philippe, et le conduit captif devant le consul. La Macédoine compte trente rois depuis Caranus, son premier souverain, jusqu'à Persée. Elle leur obéit pendant neuf cent-vingt-trois ans ; mais la durée de sa domination ne fut que de cent quatre-vingt-douze. Ainsi devenus ses maîtres, les Romains en firent un état libre, et donnèrent à chaque cité ses magistrats et elle reçut de Paul-Emile les lois qui la régissent encore. Les sénateurs de toutes les villes d'Étolie, dont la foi s'était montrée douteuse, furent envoyés à Rome avec leurs enfants et leurs femmes : on les y retint longtemps, pour qu'ils ne pussent exciter aucun trouble dans leur patrie. Enfin le sénat, fatigué pendant plusieurs années par les députations de ces villes, se décida, bien qu'à regret, à les renvoyer chacun chez eux.