[2,8] CHAPITRE VIII. Du voyage des fidèles que notre Seigneur conserva durant le siège près de la ville de Pella. Mais pendant que ce peuple criminel était si rigoureusement châtié, l'église chrétienne qui s'était assemblée en Jérusalem, eut un avertissement du ciel de passer au-delà du Jourdain dans la ville de Pella, afin que les fidèles étant éloignés de cette maudite cité, la vengeance divine exerçât plus librement ces supplices contre ce peuple sacrilège. Comme Eusèbe de Césarée le rapporte plus au long dans son Histoire ecclésiastique. [2,9] CHAPITRE IX. Le témoignage que Josèphe donne de Jésus-Christ. Ceux, qui par un maudit attentat porteront Ies mains sur la personne du fils de Dieu, furent équitablement punis de toutes ces calamités, puisque les témoignages de l'écriture, et les grands miracles qu'il opérait, leur devaient être une assez forte démonstration de ce qu'il était le Messie. C'est pourquoi Josèphe même dit en ces termes : Il y avait de ce temps-là un certain Jésus, homme sage, si pourtant il est permis d'appeler homme, celui qui faisait des oeuvres merveilleuses et qui enseignait ceux qui font bon accueil à la vérité. Il attira après lui beaucoup de Juifs, beaucoup de Gentils, il était le Christ et, quoique Pilate l'eût condamné à être crucifié par l'accusation des principaux de notre peuple, ceux qui l'avaient aimé du commencement, ne l'abandonnèrent point, il ressuscita et leur apparut le troisième jour après sa mort, ainsi que les prophètes divinement inspirés avaient prédit de lui entre beaucoup d'autres de ses miracles. Même la religion des chrétiens et le nom qu'ils ont pris de lui durent encore maintenant. [2,10] CHAPITRE X. De Vespasien qui au récit de quelques historiens guérit un aveugle et un boiteux. La puissance divine, comme le veulent quelques historiens, excita encore par des miracles à cette vengeance l'empereur Vespasien, qui dévasta la Judée et fut père de ce Titus, dont la piété se signale par la destruction de Jérusalem. Car auparavant qu'il fut parvenu à l'empire un aveugle et un boiteux vinrent se jeter à ses pieds lorsqu'il était dans le tribunal pour lui demander guérison, parce qu'il avait été montré en songe à l'aveugle que Vespasien lui rendrait les yeux s'il voulait seulement les regarder et au boiteux qu'il recouvrerait le parfait mouvement de sa jambe s'il voulait y toucher du pied. Vespasien, contraint par la prière de ses amis, essaya l'un et l'autre, ce qui lui réussit heureusement. Un grand nombre de signes célestes et prodigieux annonça son empire et la mort d'Othon et de Vitellius, qui avaient succédé à l'abominable Néron. [2,11] CHAPITRE XI. Que les choses qui se font contre l'ordre de Nature sont des signes. Mais pour revenir à notre propos, celui, qui se souvient des oracles de l'évangile, ne doute*point que les choses dignes d'étonnement, qui arrivent en pareille occasion, ne soient d'ordinaire des signes vu que l'écriture nous apprend qu'il y aura des signes dans le soleil, dans la lune et dans les étoiles. Néanmoins j'estime, sans préjudice d'un meilleur avis, que ce passage se doit entendre des signes, qui sont tout à fait contre nature, tels que furent ceux de la passion, quand le soleil s'obscurcit, que le voile du temple se coupa, que les pierres se fendirent et que les tombeaux s'ouvrirent et qu'il en sortit plusieurs corps des saints trépassés. Car cette éclipse ne pouvait être naturelle, n'arrivant pas à cause de l'interposition de la lune, qui le jour d'auparavant était dans son quatorzième. Mais peut-être que quelqu'un empruntera de l'obstination des Juifs, endurcis ce soulagement pour son incrédulité, de dire avec eux, que Vénus était lors opposée au soleil dedans la ligne écliptique. Il est vrai que cette planète est grande et qu'elle seule entre les cinq autres jette de l'ombre de son corps comme fait la Lune. Mais parce que cette excuse n'a point d'appui dans la foi ni dans la raison, ni dans les bons auteurs, elle doit être rejetée comme une fiction. Car si le corps de Vénus est si lumineux, comment peut-il répandre de si grandes ténèbres? Saint Denis l'Aréopagite écrit dans une épître a S. Polycarpe qu'il vit avec plusieurs autres philosophes de son temps la lune se rencontrer avec le soleil et que cette opposition était contre les règles de Nature, vu que ce n'était pas pour lors le temps de la conjonction de ces deux astres. Et de fait ce miracle lui donna sujet de se convertir à la prédication de S. Paul. Je sais que plusieurs en ont parlé autrement mais saint Denis est plus croyable car il en parle comme témoin oculaire et les autres n'en jugent que par leurs propres imaginations. Les signes bien souvent ne sont pas seulement universels mais encore généraux comme ces ténèbres, qui à la mort de notre seigneur couvrirent toute la terre depuis midi jusques à trois heures et ce qu’elles avaient de particulier et de moins naturel était, qu'encore qu’elles soient ordinaires dans la nature, leur longue durée fit bien voir qu'elles étaient pour lors extraordinaires. Car durant cette obscurité la mort du vrai Moïse ôta le voile à toutes choses, rompit la dureté de nos chaînes et fit entrer dans la joie éternelle les prémices de la résurrection. Les signes encore qui doivent précéder le jugement quinze jours durant (si toutefois il en arrive, car l'écriture canonique ne nous en assure point) ne seront pas des effets de la Nature, si vous entendez ici ce mot de Nature, comme nous le prenons en plusieurs endroits pour le cours ordinaire des choses ou pour des causes occultes, dont la raison ne se peut rendre aisément.