[1,11] CHAPITRE XI. Des espèces de la Magie. Varron philosophe trés curieux a pris des quatre éléments quatre espèces de diuination, la pyromance, l'aéromance, l'hydromance et la géomance, desquelles plusieurs autres rameaux sont provignés, soit que la diuination se fasse par art ou par fureur, desquels je veux rapporter quelques noms seulement par exemple. [1,12] CHAPITRE XII. Qui sont les enchanteurs, Arioles, Aruspices, Tythonisses, Imagers, Conjectureurs, Chiromanciens, Spéculaires, Mathématiciens, Sauteurs, Sorciers, Augurs. Les enchanteurs sont ceux qui font la Magie avec des paroles. Les Arioles sont des prières sacrilèges ou des sacrifices exécrables sur les autels. La main du Seigneur s'est toujours étendue sur leur tête, suivant le Prophète : "Ne souffre pas en vie les Arioles et les Magiciens". {Exode, XXII, 18} Les Aruspices sont ceux qui regardent les heures et qui prescrivent ce qu'il faut faire en chacune. L'apôtre les condamne en l'Épître aux Galates : "Je crains d'avoir travaillé pour vous en vain. Car vous observez les jours, les ans, les mois, et les temps, quoique la prospérité d'une entreprise ne doive point être attendue des temps mais du nom du Dieu vivant". {Paul, épître aux Galates, IV, 11} L'Aruspice s'occupe aussi en l'inspection des entrailles. Tages, comme on dit, inventa cette divination ainsi qu'on le tire de ces vers de Lucain : "Il vous importe peu d'ouvrir une victime, C'est un art que Tages mit premier en estime". {Lucain, La guerre civile, I, 636-637} Sous ce mot d'entrailles ils comprennent tout ce qui est couvert de la peau. C'est pourquoi tous ceux qui devinent sur les os ou sur le sang de l'animal, touchant les choses de l'avenir, du passé ou du présent, sont pareillement Aruspices. Car la divination ne consiste qu'à découvrir les choses cachées par la connaissance de la vérité vu qu'il est certain que la prophétie est aussi bien du présent et du passé que de l'avenir. Si on y ajoute du sang elle devient Nécromance, ainsi nommée parce qu'elle s'occupe à interroger les morts que les Grecs nomment g-Nekroi; elle semble avoir la puissance de ressusciter les morts pour en tirer la vérité. Telle est la tromperie des démons, qui abusent les hommes et se jouent ainsi de leur impiété. Les Pythiens sont ceux que l'esprit Pythonique fait prophétiser, il se trouve plus souvent dans des vierges, afin d'abuser les hommes par une plus belle apparence, comme si la pureté du corps et de I'esprit agréait à cet esprit d'impureté. Les Vultivoles sont ceux qui pour changer les inclinations des hommes, expriment sur la cire ou sur quelque matière molle les effigies de ceux qu'ils veulent pervertir. Virgile en fait mention dans ses Églogues : "De même que la boue à ce feu devient dure, Et que la cire encore de contraire nature, Se fond à la chaleur, je vois bien que tu fais, Amour, dans mon Berger de semblables effets". {Virgile, Églogue, VIII, 80-81} Ovide en parle dans ses épîtres : "Elle fait tourmenter par ses charmes puissants, L'original vivant dans un portrait de cire, Et sait par son aiguille envoyer le martyre Dans les entrailles des absents". {Ovide, Les Héroïdes, VI, 94} Le remède contre cette sorcellerie est aisé, celui qui en est tourmenté doit aller trouver ceux qu'il en soupçonne, et leur faire nier ou révoquer leur charme. Les Imagers sont ceux qui font des images aux noms et, sous la possession de quelques esprits, afin d'être éclaircis par eux des doutes qu'ils leurs demanderont. L'Écriture les a convaincus d'idolatrie, et le jugement de Dieu les a condamnés. Les Conjectureurs sont ceux qui s'attribuent l'art d'interpréter les songes. Les Chiromantiens révèlent les choses cachées par l'inspection de la main. Les Spéculaires regardent sur des corps polis et bien luisants comme sont des chaudrons de fin airain, des verres et des diverses espèces de miroirs, pour répondre aux demandes de ceux qui les consultent, c'est cette divination que l'écriture dit que Joseph exerça, ou plutôt dont il fit le semblant, quand il accusa ses frères de lui avoir dérobé la coupe dans laquelle il devinait. Les Mathématiciens, quoique ce nom soit général à tous les autres, sont proprement ceux qui par la position des étoiles, par la situation du firmament, et par le mouvement des planètes tirent des conjectures de l'avenir; de ceux-ci parlent les poètes : "La Parque tient nos jours dans la même balance, Où l'astre des Jumeaux guida notre naissance: D'où la conformité rend semblables nos moeurs, Ou d'un bon Jupiter nous rompons les humeurs, D'un Saturne mauvais qui porte le désastre Nous sommes accordés tous deux par un même astre". {Perse, Satire V, 48-51} Comme s'il y avait une démonstration que le mouvement des astres et leur conjonction peut causer quelque nécessité dans les actions qui procèdent du franc-arbitre. Les Génethliaques en sont une espèce. Ils considèrent les heures de la Genèse, c'est-à-dire de la Nativité. Le Satyrique s'en moque : "Ta naissance est connue des Génethliaques". {Juvénal, Satire XIV, 248} Et en cet autre endroit: "Par un augure vain tu produis deux Jumeaux, Horoscope trompeur". {Perse, Satire VI, 18} Cette science a fleuri et peut-être n'a pas été défendue jusqu'â tant qu'une étoile du ciel déclara la naissance du Fils de Dieu et seruit d'admirable et nouvelle guide aux Mages pour le venir adorer, qui n'étaient point reprouvés puisqu'ils étaient les premiers de la foi : du depuis elle a été entièrement défendue. Les Sauteurs sur le saut des membres ou sur quelque mouvement du corps promettent bonheur ou malheur. Les Sorciers sont ceux qui sous le nom d'une sainte religion prédisent les événements des choses par une superstitieuse observation. De cette espèce sont les sorts des Apôtres, ceux des Prophètes et des divisants; l'inspection de la table Pythagorique et l'observation de quelque accident dans la signification de la chose qu'on demande. L'augure, invention des Phrygiens, observe le vol ou le chant des oiseaux; or selon les préceptes de cet art, le vol est pris tant pour le mouvement des ailes que pour celui des pieds ; car la voile est la partie intérieure de la main et du pied. Virgile nous décrit des pigeons volants pour des pigeons marchants; car c'est signe de bonheur si les pigeons marchent devant vous, pourvu qu'ils mangent en cheminant. {Virgile, L'Énéide, VI, 190 sqq.}