[1,81] LXXXI. Consécration de l’empereur Frédéric. Après avoir entendu les discours des légats, le roi envoya une délégation d’hommes les plus importants et les plus distingués pour amener le seigneur pape Hadrien à son camp afin de tenir conseil avec lui. Les Romains avaient également troublé le pape à bien des égards. Lorsque, par conséquent, il entra dans le camp, le roi se précipita à sa rencontre et lui tint l'étrier tandis qu’il descendait de son cheval et le conduisit par la main dans sa tente. Après ce fut le silence, le seigneur évêque de Bamberg parla pour le roi et pour ses princes : "Nous recevons maintenant l'honneur de la présence de votre sainteté, pontife apostolique, aussi joyeusement que nous l’avons longtemps ardemment désirée, et nous rendons grâce à Dieu, dispensateur de toutes les bienfaits, qui nous a mené depuis nos maisons jusqu’en cet endroit et nous rendu digne de votre très sainte visite. Nous tenons à vous faire savoir, très saint père, que tout cette congrégation, assemblée des extrémités de la terre en l'honneur du royaume, a conduit son prince à votre sainteté afin d’être porté au zénith de la dignité impériale. C’est un homme remarquable par la noblesse de sa famille, prudent d'esprit, heureux dans ses victoires, distingué, d'ailleurs, dans les choses concernant Dieu, observateur d’une foi juste, amoureux de la paix et de la vérité, adorateur de la sainte Église ; et par-dessus tout, en vérité, de la sainte Eglise romaine, qu'il aime comme une mère, ne négligeant rien que la tradition de ses ancêtres lui a enjoint comme étant dû à l'honneur de Dieu et du prince des apôtres. L'humilité qu’il affiche maintenant confirme ces allégations, car à votre arrivée, il vous a reçu vaillamment et, tenant votre très saint étrier, il a fait ce qu’il fallait. Il vous reste donc, saint père, à effectuer ce qui vous concerne à son égard, de sorte que ce qui lui manque i. e. la plénitude de la dignité impériale puisse, par la grâce de Dieu, lui être fournie par vos soins". A ce discours, le saint père répondit: "Vous parlez simplement par mots, frère. Vous dites que votre prince est devenu déférent envers le bienheureux Pierre? Le Bienheureux Pierre me semble plutôt avoir été déshonoré. Quand, enfin, il aurait dû tenir l’étrier droit, il a tenu le gauche". Quand ce point fut connu du roi par un interprète, il dit humblement : "Dites-lui que c'était une faute, non de dévotion, mais de connaissance. Car je n'ai pas accordé beaucoup d'attention à la tenue des étriers; en effet, je me souviens, il est le premier à qui j'ai montré une telle courtoisie". Le seigneur pape lui répondit: "Si par ignorance il a été négligent de ce qui était insignifiant, comment pensez-vous, qu’il puisse aborder ce qui est très important?" Un peu en colère, le roi dit alors: "J’aurais voulu être mieux informé sur l'origine de cette coutume — est-ce une question de bonne volonté ou de devoir? S’il s’agit de bonne volonté, le seigneur pape n'a rien à nous reprocher ; si la déférence n’a pas été correcte, c’est l’arbitrage qui reste, non le droit. Mais si vous dites que cette déférence est due au prince des Apôtres comme une obligation institutionnelle primaire, quelle différence y a-t-il entre un étrier droit ou gauche si la déférence est observée" ; le prince s'inclina alors aux pieds du souverain pontife ? Pendant longtemps, alors, ils se disputèrent vivement. A la fin, ils se séparèrent sans s’être donné le baiser de la paix. Ceux qui étaient considérés comme les piliers du royaume, craignirent que d’aventure leurs efforts se soient avérés vains, puisque rien n'avait été réglé. Par de nombreuses persuasions, ils convainquirent le cœur du roi de rappeler le Seigneur pape au camp. Quand il revint, le roi l’accueillit avec une obligeance renouvelée. Lorsque tous furent joyeux et réjouis de leur accord, le Seigneur Pape déclara : « Ecoutez ! il reste encore quelque chose que doit faire votre prince. Il faut récupérer le bienheureux Pierre d’Apulie, que détient par la force Guillaume de Sicile. Lorsque ce sera fait, il {Frédéric} pourra venir à nous pour le couronnement. Les princes lui répondirent, en disant : « Nous avons déjà passé longtemps dans le camp et nous manquons de soldes ; tu nous demandes de te ramener Apulie et c’est à cette seule condition que tu viendras à la consécration? Ce sont des termes durs et des conditions qui dépassent nos compétences. Il serait préférable qu’une fois le couronnement accompli, nous puissions rentrer chez nous, puis nous reposer un peu de nos efforts travaux. Quand nous reviendrons par la suite, prêts à combattre, nous achèverons alors ce qui reste à faire. » Grâce au Dieu de modération donc, sous lequel se courberont ceux qui portent le monde, l’apostolique céda et accepta la requête des princes. Et ils convinrent d’un accord, s'assirent tous pour délibérer, conférant sur les moyens d’entrer dans la ville {de Rome} et de se méfier des attaques des Romains. À l'époque, notre prince alla voir le pape pour lui demander de consacrer l’évêque élu d’Oldenburg. Le pape refusa d'une manière digne: il aurait été heureux de satisfaire à la demande, si cela avait été possible sans porter préjudice aux droits des métropolites. Car l'archevêque de Hambourg l’avait mis en garde par lettre, lui demandant de s'abstenir de la consécration qui serait son déshonneur. Lorsqu'ils s’approchèrent de Rome, le roi envoya secrètement la nuit 900 hommes armés dans la cathédrale Saint-Pierre, en même temps que les légats du Seigneur Pape qui, portant leurs mandats aux gardes, introduisirent des soldats pour garder la porte arrière de la cathédrale et le château. Le roi vint au lever du jour avec toute son armée. Allant de l'avant avec un certain nombre de cardinaux, le seigneur pape le reçut sur les marches. Ils entrèrent ensuite dans la cathédrale de Saint-Pierre et procédèrent à l'acte de consécration. La chevalerie en armure, cependant, était sur le temple et la maison, en regardant le roi jusqu'à ce que les mystères aient été achevés. Après que la cérémonie lui conférant la dignité auguste eut pris fin, l'empereur alla au-delà des murs de la Cité et, très fatigué, le chevalier se rafraîchit avec de la nourriture. Pendant qu'il prenait le petit déjeuner, les gens de la section de Latran firent une sortie traversant le Tibre et prirent d'assaut tout d'abord le camp du duc, qui était accoté aux murs. A grands cris l'armée se précipita hors du camp pour leur résister, et il y eut des luttes enflammées ce jour-là. Notre duc combattit vaillamment là à la tête de ses hommes. Les Romains furent battus et subirent de grosses pertes. Après avoir remporté la victoire le nom du duc fut amplifié par tous ceux qui étaient dans l'armée. Désireux, par conséquent, de lui rendre hommage, le seigneur pape lui envoya des présents et instruisit son légat comme suit: « Dites-lui que demain, si Dieu le veut, je consacrerai son évêque élu. » Et le duc se réjouit de la promesse. Le matin venu, alors, le seigneur pape fit un festin public et consacra pour nous un évêque en grande pompe. [1,82] LXXXII. La pendaison des Véronais. Après que les Romains eurent regagnés la faveur du pape, les forces de César firent demi-tour pour leur marche, et quittant l'Italie, ils entrèrent en Lombardie. Quand ils eurent traversé la Lombardie ils arrivèrent à Vérone où César et son armée tombèrent dans un piège dangereux. On a précisé que les Véronais avaient jeté un pont de bateaux sur la rivière appelée Adige pour l'Empereur à son départ de Lombardie. Personne ne peut franchir le courant de ce fleuve, impétueux comme un torrent. Après que l'armée l’eut franchi, le pont fut tout de suite emporté par la violence du courant. Se hâtant vers l'avant, l'armée arriva à une passe appelée Clusa, où la piste routière, entre des falaises touchant le ciel, devient si étroite qu'elle donne à peine passage à deux de front. Alors, les Véronais avaient occupé le sommet de la montagne et lançant des projectiles, rendaient le passage impossible. Puis ils demandèrent à l'empereur ce qu'il donnerait pour sa sécurité et celle de ses hommes. Entouré ainsi de tous côtés par le fleuve et les montagnes, le César, fait extraordinaire à relater, fut saisi de totale stupéfaction. Il entra dans sa tente et pria, pieds nus, devant le bois vivifiant de la croix du Seigneur. Aussitôt, inspiré par Dieu, il conçut un plan. Il fit venir les Véronais qui l’accompagnaient et leur dit : « Montrez-moi un chemin secret qui mène au sommet de la montagne, sinon j’ordonnerai que l’on arrache vos yeux. » Pris d’une terrible crainte, ils lui révélèrent des ascensions inconnues de la montagne. Immédiatement, les plus vaillants chevaliers les grimpèrent et tombèrent sur l'ennemi par derrière. Ils prirent les nobles Véronais qui avaient participé à la bataille et les conduisirent en présence de César. Celui-ci ordonna de les pendre ; et cet obstacle ainsi éliminé, l'armée continua son chemin. [1,83] LXXXIII. Réconciliation des évêques Hartwig et Gérold. Après ces événements, avec la permission du duc, notre évêque voyagea en Souabe où il fut reçu avec vénération par ses amis et retenu pendant quelques jours. Il partit pour la Saxe ; de là, il traversa l'Elbe et entra en Wagrie pour reprendre l'œuvre à laquelle il avait été assigné. Quand enfin il entra dans son évêché, il ne trouva aucuns moyens de se soutenir, même pour un mois. La maison de Faldera, en effet, après la mort de l’évêque Vicelin de mémoire bénie, avait été transférée à l'église d’Hambourg, dans un but immédiat d’avantage et de tranquillité. Le prévôt Ludolf et les frères de Hagersdorf pensaient cela suffisant pour accueillir l'évêque, comme il allait et venait. Seulement la maison de Bosau, assez démunie et peu développée, payait des cotisations épiscopales. Quand il rendit visite et s’adressa aux enfants de son église, l'évêque revint à l'Elbe afin de discuter avec l'archevêque près de Stade. Lorsqu’abhorrant son élection, l'archevêque le négligea pour une longue période et lui rendit l’accès à sa porte difficile, notre évêque dit à l'abbé de Riddagshausen et aux autres qui étaient venus avec lui : « Pourquoi rester ici, mes frères ? rencontrons cet homme face à face. » Et sans tarder, il alla vers le prélat et reçut le baiser, sans un mot de salutation. Notre évêque lui dit: « N'avez-vous rien à me dire ? Aurais-je péché que je ne mérite pas d'être accueilli ? Nommons, s'il vous plaît, des arbitres pour décider entre nous. Je suis venu, comme vous le savez, à Merseburg. J'ai demandé votre bénédiction, mais vous me l’avez refusée. La nécessité m'a alors forcé d'aller à Rome pour implorer du Siège apostolique ce que vous m'avez refusé. J'ai, par conséquent, une meilleure raison d'être en colère que vous qui m'avez imposé la charge contraignante de ce voyage. » L'archevêque répondit : « Quelle force inévitable, vous a poussé à Rome, à subir la fatigue et les frais de ce voyage. Est-ce parce que, étant dans un pays lointain, j’ai refusé votre demande jusqu'à ce que je sois en présence de notre église ? » « Vous avez fait cela, en effet, pour affaiblir notre cause », répondit notre évêque, « car, à dire vrai, vous l’avez ouvertement dit. Mais gloire à Dieu qui nous fortifie à son service en nous fixant de durs labeurs mais des buts agréables. » L'archevêque dit alors : « Le Siège apostolique a dans votre consécration – un sujet qui dépend à juste titre de nous – fait usage de son pouvoir que, bien sûr, nous ne pouvons pas contester, mais il nous a à son tour fourni un remède à ce mal en nous déclarant par lettre que votre subordination à notre autorité n’était nullement diminuée par cette action. » Notre évêque répondit : « Je sais, et il en va comme vous le dites, et à ce titre je suis venu montrer mon obéissance sur des questions qui vous sont propres, pour apaiser la discorde et restaurer des conditions de paix. J'estime juste, aussi, que vous nous fournissiez, puisque nous faisons acte de soumission, les bases d’une subsistance. Car tout effort mérite récompense ». Après cette discussion, ils établirent une amitié mutuelle, se promettant l’un l’autre une aide en cas de nécessité. Partant de là, notre évêque Gérold alla à Brême rencontrer le duc. Car ce dernier, offensé par les Frisons, appelés Rustri, était venu à Brême aux calendes de novembre et causé avec le plus grand nombre d'entre eux comme venu sur le marché pour être appréhendés et leurs biens à saisir. Par conséquent, lorsque le duc lui demanda comment il avait été reçu par l'archevêque, l'évêque parla bien de lui et essaya de modérer les dispositions du duc. Car l'inimitié enracinée, qui avait longtemps existé entre eux, atteignait à ce moment le point de la violence parce que l'archevêque avait violé son serment en n'allant pas à l'expédition italienne se rendant ainsi coupable de lèse-majesté. Ainsi, également, un légat de l'empereur vint à Brême et saisit tous les manoirs épiscopaux et intégra ce qu'il y trouva au trésor impérial. La même chose fut faite pour Ulrich, évêque d'Halberstadt. Notre évêque suivit le Duc jusqu’à Brunswick et passa avec lui la fête de Noël, ensuite il retourna dans la Wagrie, prenant avec lui son frère l'Abbé de Radegeshuse, et il alla à Oldenbourg pour y célébrer l'Epiphanie dans la Cathédrale. Pour ce qui est de la ville, elle était tout à fait déserte, et n'avait même pas de murailles, il y avait seulement là une petite habitation construite par les soins de feu Vicelin de sainte mémoire. C'est là que nous remplîmes l'office, sur un tas de neige et par un froid extrême. Il n'y assista aucun Slave si ce n'est Prisbizlas et quelques autres, les sacrés mystères étant achevés, Prisbizlas nous pria d'entrer dans sa maison qui était un peu à l'écart; il nous reçut avec beaucoup de gaieté, et nous fit servir un véritable festin. L'on apporta une table couverte de vingt plats différents, là je sus par expérience ce que la renommée m'avait déjà appris longtemps auparavant, c'est que nulle nation n'est plus honnête que les Slaves à l'égard de l'hospitalité. Lorsqu'ils doivent recevoir des hôtes, ils prennent comme à dessein un visage gai, et il ne faut seulement pas même leur demander l'hospitalité, tout ce qu'ils tirent de l'agriculture, de la chasse ou de la pêche, ils l’emploient en largesses, car plus un homme est prodigue et plus ils le croient vaillant, et l'affectation de cette somptuosité fait que beaucoup d'entre eux sont obligés pour y suffire, d'avoir recours au vol et aux brigandages, qui ne passent point chez eux pour des vices, mais pour des défauts véniels, et ils les excusent par l'hospitalité à laquelle ils sont obligés. D'après les lois des Slaves, ce que vous avez volé pendant la nuit vous le donnez le matin à vos hôtes. Mais si quelqu'un, ce qui arrive très rarement, est convaincu d'avoir renvoyé un étranger et de lui avoir refusé l'hospitalité, il est permis de brûler sa maison et ses biens, et tous d'un commun accord l'appellent infâme vil et digne d'être repoussé par tout le monde. [1,84] LXXXIV. La conversion de Pribizlas. Nous passâmes la nuit chez ce petit Roy et le lendemain nous entrâmes dans la Slavie ultérieure, là nous fumes reçus par un certain homme puissant appelle Thessemar pour lequel nous étions venus; en y allant nous passâmes par une forêt, qui est la seule qu'il y ait dans ce pays-là, qui n'est qu'une plaine toute découverte, au milieu de ces arbres antiques, nous trouvâmes les chênes sacrés de Proven, Dieu de cette terre ; leur aire était environnée d'un enceinte de bois faite avec beaucoup de soin et dans laquelle on entrait par deux portes ; ce lieu était très révéré dans tous les environs et son culte avait plus de solennité que celui des Pénates et des idoles qui abondaient dans chaque bourg. Il avait son grand prêtre, ses fêtes, et ses sacrifices. Le petit Roy, le grand Prêtre, et tout le peuple s'y assemblaient à la seconde férie pour les Jugements. L'entrée de l'aire sacrée est défendue à tout le monde, si ce n'est au prêtre et à ceux qui veulent sacrifier, ou bien encore à ceux dont la vie est en péril, et qui y trouvent toujours un asile assuré ; car les Slaves ont tant de respect pour leurs lieux sacrés qu'ils ne permettent point que leur circonférence soit souillée même par le sang de leurs ennemis, ils ne souffrent pas non plus que l'on jure ; jurer leur semble aussi blâmable que si l'on était parjure. Ils croient que l'un et l'autre attire la colère des Dieux. Les Slaves ont beaucoup d'idolâtries différentes, et ils ne s'accordent point dans les rites de la superstition, les uns ont dans leurs temples des formes imaginaires de simulacres comme l'idole de Plunen appelé Podaga ; d'autres Dieux passent pour habiter les forêts et n'ont point d'images qui exprime leurs figures, d'autres au contraire sont représentés avec deux trois ou plus de têtes ; mais au milieu de tant de divinités, auxquelles ils attribuent le soin de leurs champs, de leurs forêts et même le pouvoir de dispenser les peines et les plaisirs, ils confessent pourtant qu'il est un dieu dans le ciel, qui commande à tous les autres et qui ne prend soin que des choses célestes, ils disent que les autres Dieux sont de son sang, et qu'ils sont plus grands les uns que les autres à raison de leur proximité du grand dieu, qui leur donne des emplois différents. Nous arrivâmes donc à cette forêt lieu de profanation, et notre évêque nous exhorta à le détruire, lui-même descendit de cheval abattît le chambranle de la porte et entra dans l’aire sacrée. Nous abattîmes l'enceinte, nous en fîmes des tas au pied des chênes sacrés, et nous y mîmes le feu, non sans crainte d'être attaques par les Païens, mais nous fumes sauvés par un effet de la providence divine. Ensuite nous allâmes chez notre hôte Thessemar, qui nous reçut avec beaucoup d'appareil, mais les Gobelets des Slaves ne pouvaient nous paraître agréables, car nous avions la vue des chaînes et des supplices, que l'on infligeait aux chrétiens enlevés en Danemark, nous y vîmes des prêtres du seigneur, languissants dans une longue captivité, et auxquels l'évêque ne put être d'aucune utilité. Le lendemain dimanche, tout le peuple se rassembla à Lubeck; l'évêque y alla et exhorta le peuple à abandonner les idoles, adorer le dieu qui est au ciel, recevoir les grâces du baptême et renoncer à leurs œuvres malignes, savoir aux pillages, et aux meurtres. Lorsqu'il eut parlé Prybyzlas dit : « O vénérable Pontife, vos paroles sont des paroles de Dieu et convenables à notre salut, mais comment marcherons nous dans la voie que vous nous montrez lorsque nous sommes accablés de tant de maux, si vous voulez connaitre nos afflictions, écoutez patiemment ce que je vais vous dire. Le peuple que vous voyez est votre peuple, c'est à vous que nous devons découvrir notre nécessité, et la compassion à notre égard fait partie de vos droits, mais nos Princes nous traitent avec sévérité, nous payons des tributs exorbitants, nous gémissons sous une dure servitude, en sorte que la mort nous paraît préférable à la vie, nous qui habitons ce petit coin de terre nous avons payé mille marcs au Duc, autant de centaines au comte (tot centeneria) et ce n'est point assez, tous les jours on nous pressure jusqu’à l’inanition, comment vaquerons-nous à cette nouvelle religion, comment bâtirons-nous des églises, comment recevrons-nous le baptême, nous que l'on force à fuir, mais où fuirons-nous, si nous passons la Travena, les mêmes calamités nous attendent ; si nous allons au fleuve Panis, c'est encore la même chose, que nous reste-t-il donc que d'abandonner la terre, découvrir la mer, d'habiter sur ses gouffres, et alors est ce notre faute, si chassés de notre patrie, nous allons troubler la mer, et si nous faisons payer notre voyage par les Danois, et par d'autres navigateurs, nos fautes ne sont point de nous, elles sont de nos Princes qui nous portent à mal faire. » Alors Monseigneur l'évêque Gérold répondit: "il ne faut point s'étonner que nos Princes aient jusqu’à présent abusé de votre contrée, et ils ne croient point mal faire puisque vous êtes des idolâtres qui n'avez point de Dieu, ainsi ayez recours au christianisme, soumettez-vous à votre créateur, devant qui se courbent ceux qui portent le globe ; les Saxons et les autres peuples qui portent le nom chrétien, jouissent tranquillement de leurs biens, mais vous seuls qui avez un culte différent, vous êtes exposés aux pillages". Alors Prybyslas dit: "Si vous et le Duc vous voulez que nous ayons le même culte que le comte, donnez-nous les droits des Saxons dans leurs fermes et leurs restes alors nous serons très volontiers chrétiens, nous bâtirons des églises, et donnerons des Dîmes". Ensuite l'évêque Gérold alla chez le Duc et il y eut un plaid provincial à Erthenebourg. Les petits Rois Slaves y vinrent et le Duc leur parla au sujet du christianisme, ainsi que le lui avait demandé l'évêque. Niclot, Roi des Obodrites lui répondit en ces termes: Si le Dieu qui est au ciel, est votre Dieu vous pouvez si vous voulez être notre Dieu cela nous suffira, vous l'adorerez lui et nous vous adorerons, mais le Duc le gronda pour ce blasphème. Rien de plus, cependant, ne fut fait à l'époque pour l’avancée de l'évêché et de l'Eglise. En effet, notre duc, récemment revenu d'Italie, était entièrement absorbé par les revenus. Car le coffre était épuisé et vide. A son retour l'évêque accompagna ensuite le duc de Brunswick et resta avec lui pendant longtemps. Il dit au duc : « Et voilà maintenant, j'ai séjourné à votre cour toute l’année et j’ai donc été un fardeau pour vous. En Wagrie, cependant, je n'ai pas de quoi manger. Pourquoi, alors, m'avoir imposé le fardeau de ce titre et de cette fonction? Je me portais beaucoup mieux avant tout cela. » Stimulé par ces paroles, le duc appela le comte Adolphe et discuta avec lui sur les trois cents habitations que l'évêché avait reçu en dotation. Ensuite, le comte donna à l'évêque la propriété d'Eutin et de Gummale, avec leurs dépendances. En outre, il ajouta deux villages, Hürtzfeld et Wöbs, du domaine appelé Bosau. A Oldenbourg aussi, il lui donna une propriété très pratique à côté de la place du marché. Et le comte lui dit: « Que le seigneur évêque aille en Wagrie et évalue son domaine en employant des hommes compétents, s’il y en a moins de trois cents, j’y suppléerai, mais ce qui sera en plus m’appartiendra. » L'évêque, par conséquent, alla voir la propriété et après s’être renseigné auprès des paysans, il s’aperçut qu’elle était loin de comprendre trois cents habitations. Le comte avait à cet effet fait mesurer la terre à la va-vite et par un inconnu pour nous, prenant d'ailleurs en compte les marécages et les terres boisées, il avait compté un nombre de champs excessif. Lorsque, par conséquent, la question fut jugée par le duc, celui-ci statua en faveur de l'évêque, la mesure devait être faite selon la coutume locale, marais et bois touffus n’étant pas à prendre en compte. Bien que beaucoup d'efforts fussent déployés pour récupérer cette propriété, ni le duc ni l'évêque ne purent l’obtenir jusqu’à ce jour. Les biens dont j'ai parlé ci-dessus, l’évêque Gérold les rassembla de tous côtés, insistant quotidiennement auprès des princes de façon opportune ou inopportune, pour qu’ils ravivent l'étincelle du titre épiscopal en Wagrie. Il fit construire la ville d’Eutin avec une place de marché et s’y fit bâtir sa propre maison. Mais comme la communauté des clercs de l'évêché d'Oldenbourg était celle de Cuzelina, également appelée Högersdorf, il déplaça, avec l'approbation du duc, cette communauté à Segeberg, sur le site de la première fondation, de sorte que dans les occasions solennelles, quand l'évêque devait apparaître devant le peuple, il pourrait avoir un cortège de clercs. A cause du bruit du marché, ce déplacement sembla inacceptable au prévôt Ludolf, et aux frères, ils se plièrent malgré tout à la décision de leurs aînés auxquels il aurait été inconvenant de s’opposer. L'évêque y construisit une maison. Partant de là, il se rendit chez l'archevêque, envers qui il était très déférent, espérant qu'il lui rendrait le monastère de Faldera qui, comme on le sait, avait été fondé et possédé par son prédécesseur. Mais l'archevêque était plus disposé à chercher un avantage pour sa propre église et il tint à notre homme des propos rusés, promettant, provoquant des retards, et faisant traîner les choses en longueur. Pour ne pas tout à fait refuser son soutien à cette nouvelle église, il manda cependant le révérendissime prévôt Eppo afin qu’il puisse aider l'évêque tant avec des hommes, qu’avec d'autres moyens. C'est pourquoi notre évêque invita de Faldera le prêtre Bruno — car celui-ci avait quitté la Slavie à la mort de Vicelin — et il l'envoya à Oldenbourg pour qu’il se soucie du salut de ce peuple. Bruno était sans aucun doute mû par une inspiration divine pour sa tâche, car une nuit, il rêva qu’il tenait dans ses mains un Chrismal, récipient d'huile sacrée, du couvercle duquel grandit un cep fleurissant, qui s’affermissant devint un arbre vigoureux. Et en vérité cela le conforta dans sa décision. Car, dès qu’il vint à Oldenbourg il se consacra avec grande ferveur à l'œuvre de Dieu et appela le peuple slave à la grâce de la régénération, abattant les bosquets et en supprimant les rites sacrilèges. Et comme la forteresse et la ville, où étaient autrefois l’église et la chaire épiscopale étaient désertes, il obtint du comte qu’il créât là une colonie de Saxons ; ainsi, le prêtre pourrait soulager le peuple, dont il connaissait la langue et les coutumes. Et le fait est que ce ne fut pas un support ordinaire pour la nouvelle église. En effet, une très belle église fut construite à Oldenbourg, richement aménagée avec livres, statuettes et autres ustensiles. Le culte de la maison de Dieu fut donc restauré, parmi une génération rétive et dépravée, environ 90 ans après la destruction de l'ancienne église, qui eut lieu lors de l’assassinat du pieux prince Gottschalk. L'église fut dédiée par l'évêque Gérold en l’honneur de Saint Jean-Baptiste, en présence du noble comte Adolphe et de sa très pieuse épouse, dame Mathilde, qui tous deux y assistèrent avec beaucoup de dévouement. Le comte ordonna également au peuple des Slaves de transporter leurs morts pour les enterrer dans la cour de l’église et les jours de fête de se rassembler dans l'église pour entendre la Parole de Dieu. Pour ces personnes également, Bruno, le prêtre de Dieu, sut gérer amplement son ministère de la Parole de Dieu en conformité avec la mission qui lui avait été confiée, par des sermons composés en langue slave qu’il prêcha à la population aux bons moments. Il fut interdit aux Slaves pour lors de prêter serment sur les arbres, les fontaines, et les pierres, et ils devaient remettre au prêtre les personnes accusées de crimes pour qu’elles soient soumises au fer ou au soc. A cette époque, les Slaves crucifièrent un certain Danois. Lorsque le prêtre Bruno signala ce fait au comte, celui-ci leur fit rendre des comptes et les punit d'une amende. Il interdit ce genre de châtiment issu de la terre. Quand l’évêque Gérold vit que des bases saines étaient établies à Oldenbourg il suggéra au comte d’élever une église dans le quartier qui s'appelle Sussel. Et on y envoya de la maison de Faldera, le prêtre Deilawin, dont l'esprit était assoiffé de travaux et de dangers dans la prédication de l'Evangile. Et il vint, comme il avait été envoyé, dans une caverne de voleurs chez les Slaves vivant sur la rivière de Krempe. Or, c'était une cachette familière aux pirates, et le prêtre de Dieu habita parmi eux, en servant le Seigneur « dans la famine, la soif et la nudité. » Quand tout cela fut accompli, il sembla approprié de construire des églises à Lütjenburg et Ratekau ; l'évêque et le comte y allèrent et marquèrent les sites sur lesquels les églises devaient être bâties. L'œuvre de Dieu augmenta ainsi au pays de Wagrie, le comte et l'évêque {d'Oldenbourg} coopérèrent se portant mutuellement assistance. Vers cette époque, le comte reconstruisit la forteresse de Plön et y établit une ville dotée d’un marché. Les Slaves qui vivaient dans les villages avoisinants se retirèrent et des Saxons vinrent y habiter ; et les Slaves, diminuèrent peu à peu sur cette terre. Mais au pays des Polabes, les églises se multiplièrent également grâce à la persévérance du seigneur évêque Evermod et du comte Henri de Ratzeburg. Néanmoins, on ne peut toujours pas empêcher les Slaves de faire des razzias. À ce jour, en effet, ils traversent la mer et pillent la terre les Danois, ils ne s’éloignent pas encore des péchés de leurs pères. [1,85] LXXXV. La mort de Knut. En vérité, les Danois, toujours agités par des conflits internes, n'avaient pas la force de guerres étrangères. Car Svein, roi des Danois, installé dans le royaume tant par d’heureux résultats de victoires que par l'autorité du César, opprimait cruellement son peuple, selon lequel ses derniers jours représentèrent la vengeance de Dieu terminée par un mort malheureuse. Par conséquent, lorsque Knut, son rival, vit que les gens murmuraient contre Svein, il appela Waldemar, son cousin et l’auxiliaire de Svein. Avec lui, il forma une alliance et lui donna sa sœur en mariage. Certain alors de l'aide de Waldemar, il renouvela ses mauvais desseins contre Svein. Puis, tandis que le roi Svein était en Zélande, Knut et Waldemar progressèrent de manière inattendue vers lui avec une armée pour lui livrer bataille. Comme tout le monde l'avait quitté à cause de sa cruauté, Svein s’enfuit par mer avec famille et épouse et navigua vers Oldenburg parce qu'il n'avait pas la capacité de résister. En apprenant sa fuite, le comte Adolphe craignit beaucoup les conséquences — savoir, l’expulsion soudaine d’un homme très puissant, dont la bride était dans les mâchoires de tous les peuples des pays du Nord. Le comte montra à Svein une grande courtoisie pour traverser son pays, et Svein entra en Saxe chez son père beau-père, Conrad, margrave de Wettin, et y resta près de deux ans. A cette époque, notre duc Henri alla à la diète de Ratisbonne pour être investi du duché de Bavière. Le César Frédéric, en effet, prit ce même duché à son oncle et le remit à notre duc parce qu'il avait bien vu que le duc lui avait été fidèle pendant l'expédition d’Italie et dans d'autres affaires du royaume. Un nouveau titre fut créé pour lui, Henri le Lion, duc de Bavière et de Saxe. Lorsque ces questions furent réglées selon son désir, les princes de Saxe s’adressèrent au duc, alors qu'il rentrait de la diète, en disant qu'il devrait aider Svein et le rétablir dans son royaume. Svein promit a également au duc une immense somme d'argent. En conséquence, après avoir soulevé une très grande armée, notre duc conduisit Svein au Danemark en hiver. Les villes de Schleswig et de Ribe s’ouvrirent immédiatement à lui. Néanmoins, à part cela, ils ne purent réussir dans leur entreprise. Bien que Svein ait très souvent vanté au duc que les Danois seraient tout à fait d’accord pour le recevoir s’il venait avec une armée, cela ne se déroula aucunement comme il le pensait. Il n'existait pas un seul homme pour le recevoir ou le rencontrer dans tout le pays des Danois. Quand donc Svein perçut que sa fortune tournait court et que tout le monde s’éloignait de lui, il dit au duc : « Notre effort est vain, il est vaut mieux pour nous repartir. Car quelle utilité y a-t-il à dévaster la terre et à dépouiller l'innocent ? Bien que nous allions combattre l'ennemi, nous n’avons aucune chance parce qu'il s’enfuie devant nous et va dans les parties extérieures de la mer ». Quand ils eurent pris des otages dans les deux cités, ils quittèrent le Danemark. Puis Svein, adoptant une autre stratégie et un plan, décida d’aller chez les Slaves. Après avoir présenté ses respects au comte à Lübeck, il alla voir Niclot, prince des Obodrites. Le duc ordonna aux Slaves à Oldenburg et dans le pays des Obodrites d’aider Svein. Après avoir reçu quelques navires, il vint sans heurts à Laaland et constata que les habitants se réjouissaient de sa venue parce qu'ils lui avaient été fidèles dès le début. De là, il passa à Funen et se l’attribua. Partant de là vers d’autres îles plus petites, il s’en attacha un très grand nombre par des cadeaux et des promesses, mais il était sur ses gardes contre la trahison et se tenait dans les bastions. A la connaissance de ces faits et gestes, Knut et Waldemar vinrent avec une armée pour combattre Svein et le chasser du pays. Mais celui-ci s'était établi à Laaland, prêt à résister et aidé en même temps aussi par sa forte position. Grâce à la médiation du seigneur Elias, évêque de Ribe, et des princes de chaque bord, la discorde fut changée en paix et le royaume fut divisé en trois parties. Le Jutland fut donné à Waldemar ; le Zélande à Knut ; la Scanie, estimée supérieure en hommes et en armes, à Svein. Les autres îles, plus petites, furent attribuées à l'un ou à l'autre selon la convenance. Afin que les accords ne fussent pas rompus, on les renforça par un serment. Après ces événements Canut et Waldemar organisèrent une grande fête en Zélande, dans la ville appelée Roskilde, et invitèrent leur parent, Svein, pour lui rendre hommage, lui donner du repos et le réconforter pour toutes les souffrances infligées par la haine et à la guerre. Sa cruauté congénitale reprit le dessus, quand il s'assit à une fête et vit les rois, attablés, sans peur et peu soupçonneux ; il commença à repenser alors à un piège dans un lieu adapté. Le troisième jour de la fête, une fois la nuit tombée, Svein fit un signe pour qu’on apporte des glaives ; et ses gens se jetèrent sur les rois sans méfiance, soudain ils transpercèrent Cnut. Au moment où le coup fatal visait sa tête, Waldemar soudain s’esquiva, fit tomber une lampe et avec l'aide divine s'échappa dans l'obscurité, n’ayant eu qu’une seule blessure. Il s’échappa dans le Jutland, puis il encouragea tout le Danemark. Ensuite, Svein leva des troupes en Zélande et dans d'autres îles, puis passa au Jutland pour chasser Waldemar. Il mena cette armée d’une main vigoureuse et le rencontra avec une grande force militaire ; la bataille eut lieu près de Viborg ; Svein et tous les siens furent tués ce jour-là. Waldemar conserva le royaume du Danemark et devint un modérateur et un fils de la paix. C’est pourquoi, les luttes intestines qui avaient eu lieu depuis de nombreuses années au Danemark s’éteignirent. Waldemar entretint l’amitié avec le comte Adolphe et lui rendit hommage, comme le firent les rois qui régnèrent avant lui. [1,86] LXXXVI. Construction de Löwenstadt. Pendant cette période, la ville de Lübeck fut complètement détruite par le feu. Les marchands et autres habitants envoyèrent des délégués au duc avec ce message : « Pendant longtemps, vous avez interdit le commerce à Lübeck. Jusqu'à présent, cependant, nous avons séjourné dans la ville, espérant retrouver un marché grâce à votre bienveillance ; mais nos bâtiments, construits à grands frais, ne nous permettaient pas de la quitter. Mais maintenant que nos maisons sont détruites, il est inutile de les reconstruire dans un endroit où l’on ne peut faire commerce. Donnez-nous donc un emplacement pour construire une ville, un site selon votre convenance ». En conséquence, le duc demanda au comte Adolphe de lui concéder le port et l'île de Lübeck, mais le comte ne voulut pas. Alors le duc fonda une nouvelle cité sur le fleuve Wakenitz, non loin de Lübeck, dans le pays de Ratzeburg. Là, il commença à construire et à fortifier une ville qu'il appela de son nom, Löwenstadt, c'est-à-dire la ville du Lion. Mais comme ce site était peu adapté pour un port ou pour une forteresse et seuls de petits navires pouvaient l’atteindre, le duc rouvrit les négociations avec le comte Adolphe (sur l'île de Lübeck et le port), lui promettant beaucoup de choses s'il agréait à son souhait. Le comte fut enfin convaincu, fit ce que la nécessité lui indiquait, et abandonna la forteresse et l'île au duc. Aussitôt, sur les instructions du duc, les marchands revinrent avec joie, et abandonnant les inconvénients de Löwenstadt, ils commencèrent à reconstruire les églises et les murs de Lübeck. Le duc envoya des messagers vers les villes et les royaumes du nord — le Danemark, la Suède, la Norvège, la Russie — en leur offrant la paix et un libre droit d’accès à sa cité de Lübeck. Il ordonna également la frappe d’une monnaie, des douanes et des très hauts privilèges pour la ville. Dès lors les affaires de la cité prospérèrent et le nombre de ses habitants s’accrut considérablement. [1,87] LXXXVII. Le siège de Milan. A peu près à cette époque, le puissant César Frédéric convoqua tous les princes de Saxe pour assiéger la ville de Milan. Notre duc, par conséquent, fut obligé d'accorder une attention particulière aux affaires de l'Etat. C’est pourquoi, il commença à régler les différends existant dans le duché, prenant à bon escient des précautions afin que personne ne commençât à crée des troubles en l'absence des princes et des autres nobles. Il envoya également des messagers, appela Waldemar, roi des Danois, à une conférence et conclut avec lui un traité d'amitié. Le roi demanda au duc de lui établir la paix chez les Slaves, qui sans relâche dévastaient son royaume, et le roi fit alliance avec lui pour plus de mille marcs d’argent. Le duc sur cet ordre ordonna aux Slaves, i.e. à Niclot entre autres, de venir en sa présence, et il les lia par précepte et serment de maintenir la paix tant avec les Danois qu’avec les Saxons jusqu'à son retour. Et pour ratifier ces engagements, il exigea que tous les bateaux pirates Slaves fussent portés à Lübeck et livrés à son légat. Mais, habitués à leur audace téméraire, voyant l'expédition italienne imminente, ils ne fournirent que quelques navires seulement (les plus anciens) et conservèrent habilement les autres qui sont conçus pour la guerre. Le comte, par conséquent, sollicita Niclot par l'intermédiaire des anciens de la terre de Wagrie, Marchrad et Horno, et lui demanda par sa propre bonne volonté de garder une foi inviolable à l'égard de son territoire. Par cette demande Niclot se conforma à devenir fidèle. Après avoir ainsi réglé ses affaires, le duc partit pour la Lombardie avec un millier d'hommes armés, selon l'histoire, accompagné du comte Adolphe et de nombreux nobles de Bavière et de Saxe. Et ils allèrent avec l'armée du roi investir la forteresse fortifiée appelée Crema appartenant aux Milanais. Ils s'arrêtèrent près d'une année entière pour le siège de cette forteresse et ils « fabriquèrent de nombreuses machines de guerre » et « instruments pour incendier. » Quand enfin la forteresse fut prise, le César conduisit son armée vers Milan. Le duc, cependant, ayant eu son congé retourna en Saxe. On demanda alors au comte Adolphe d'aller en Angleterre avec son parent, le seigneur Rainald, archevêque élu de Cologne, pour une mission d'Etat vers le roi des Anglais. Le clergé et le peuple de notre terre fut chagriné de son absence prolongée ou de son bon protecteur. Car les Slaves d'Oldenbourg et de Mecklembourg, leurs propres maîtres en raison de l'absence des princes, rompirent la paix dans le pays des Danois, et notre terre craignait la menace du roi danois. Mais notre évêque Gérold, tant par lui-même que par des messagers, chercha à atténuer la colère du roi et à gagner du temps par des trêves jusqu'à l'arrivée du duc et les princes. Par conséquent, lorsque le duc et le comte furent de retour, une diète provinciale fut annoncée pour tous les « hommes des marches », Teutons ou slaves, dans un endroit appelé Barförde. Waldemar, roi des Danois, vint également jusqu’à Artlenburg, et il se plaignit au duc de toutes les déprédations que les Slaves lui avaient infligées en violant les ordres publics. Les Slaves avaient peur de venir en présence du duc parce qu'ils étaient conscients de leur culpabilité. Le duc, par conséquent, les fitmettre au ban et tint tous ses hommes prêts pour une expédition au moment de la récolte. Voyant que l'esprit du duc pensait à mal contre lui, Niclot proposa ensuite le premier d’attaquer Lübeck, et il envoya ses fils préparer une embuscade. A cette époque, vivait à Lübeck un vénérable prêtre nommé Ethelo. Sa maison se trouvait près du pont qui enjambe la rivière Wakenitz au sud. Il se trouve qu’il y avait un très long fossé creusé pour conduire un courant d'eau de la rivière qui était à quelque distance. En se hâtant de prendre possession du pont, les slaves qui dressaient des embuscades furent gênés par le fossé et perdirent leur temps à chercher un gué. Lorsque ceux qui étaient dans la maison du prêtre virent cela, ils firent un tollé, et le prêtre effrayé se précipita désespérément sur les combattants. La troupe slave était déjà au milieu du pont et avait presque atteint le portail quand le prêtre, envoyé par Dieu, leva très rapidement le pont par la chaîne et de cette manière évita les dangers complotés. Lorsque le duc entendit parler de cet événement, il plaça une garde de chevaliers à cet endroit. [1,88] LXXXVIII. La mort de Niclot. Le duc Henri alors entra dans le pays des Slaves avec une troupe importante et le dévasta par le fer et par le feu. Lorsque Niclot vit la puissance du duc, il incendia tous ses bastions, à savoir, Ilow, Mecklembourg, Schwerin, et Dobin, pour éviter le risque d'occupation. Il ne conserva qu’une seule forteresse pour lui-même, Werla, située sur la rivière Warnow près de la terre des Kicini. De là les Slaves sortaient jour après jour, testaient l’armée du duc, tendant des pièges aux imprudents. Un jour, comme l’armée demeurait près de Mecklembourg, les fils de Niclot, Pribislav et Vratislav, sortirent pour ravager, et ils tuèrent des hommes du camp qui recherchaient de la nourriture. Les plus vaillants hommes de l'armée les poursuivirent et capturèrent un grand nombre de Slaves dont le duc ordonna la pendaison. Après avoir perdu leurs chevaux et de leurs meilleurs hommes, les fils de Niclot rejoignirent leur père qui leur dit : « J'avais pensé, en fait, avoir formé des hommes, mais ces gens fuient plus vite que des femmes, je vais donc aller voir si je ne peux pas faire mieux moi-même. » Et il sortit avec un certain nombre d'hommes d'élite et tendit une embuscade près de l'armée du duc. Des serviteurs sortirent du campement du duc pour recueillir le grain à ce moment-là, et ils s’approchèrent de l’embuscade. Mêlés aux serviteurs, étaient également sortis une soixantaine de chevaliers, tous vêtus d'une armure sous leur vêtements de dessus. Peu attentif à cela, Niclot chargea parmi eux sur son cheval rapide dans un effort pour les dépasser. Mais la lance, frappant à travers son armure, rebondit après ce coup futile. Lorsqu’ensuite, il chercha à retourner vers ses hommes, il fut rapidement encerclé et tué, sans que l'un de ses hommes puisse lui venir en aide. On reconnut sa tête et apportée au camp, à l'émerveillement de nombreux qu'un si grand homme ait été par la dispensation de Dieu le seul de toute sa troupe à tomber. Quand ses fils apprirent la mort de leur père, ils incendièrent Werla, se cachèrent dans les bois et transférèrent leurs familles sur des navires. Après avoir dévasté toute la région, le duc commença la construction et l'enrichissement de Schwerin. Il plaça à la tête de sa garnison un certain noble, Guncelin, homme de guerre. Les fils de Niclot revinrent plus tard en faveur auprès du duc, et celui-ci leur donna Werla et toute la région. En outre, il divisa le pays des Obodrites et y installa ses chevaliers pour en prendre possession. Dans la forteresse de Cuscin, il désigna un certain Ludolf, avocat à Brunswick, puis il plaça Ludolf de Peine à Malchow. Pour Schwerin et Ilinburg il les attribua à Guncelin. Mecklembourg fut donnée à Henri, noble de Scathen, qui amena une multitude de gens de la Flandre et les installa dans le Mecklembourg et dans tous ses territoires. Comme évêque, au pays des Obodrites, le duc nomma le seigneur Bernon, qui, à la mort de Emmehard présida l'église de Magnopolis qui est la même que Mecklembourg. Et le duc parapha en dotation à l'église de Magnopolis trois cents peaux comme il l'avait déjà fait dans les cas de Ratzeburg et d’Oldenburg. A sa demande, le duc obtint de César l'autorité de créer, d’attribuer, et de confirmer les évêchés dans tout le pays des Slaves soumis par lui ou ses ancêtres par la force des armes et détenaient par droit de guerre. C'est pourquoi, il manda le seigneur Gérold d’Oldenbourg, le seigneur Evermod de Ratzeburg et le seigneur Bernon de Magnopolis afin qu'ils reçussent de lui leurs dignités et qu'ils lui prêtassent hommage comme on le fait de coutume à l’empereur. Les évêques trouvèrent l'obligation très dure, mais ils s'y plièrent par amour pour Celui qui s'est humilié à cause de nous et pour que la nouvelle église ne pût subir de préjudice. Et le duc accorda des chartes de leurs biens, revenus et droits légaux. Le duc ordonna aussi aux Slaves résidant dans le pays des Wagiri, des Polabí, des Obodrites, et des Kicini, de payer les impôts épiscopaux payés par les Polonais et les Poméraniens ; soit trois mesures de blé et douze pièces d'argent public pour chaque charrue. Cette mesure slave est appelé "curitce" dans leur langue. La charrue slave travaille avec deux bœufs ou autant de chevaux. Les dîmes du pays des Slaves ont augmentèrent parce que les Allemands vinrent depuis leurs terres pour habiter dans ce vaste pays, riche en céréales, accueillant par la plénitude des pâturages, abondant en poissons et en chair et en toutes bonnes choses. [1,89] LXXXIX. Albert l’Ours. L’Esclavonie orientale était alors le domaine du margrave Adelbert, surnommé l’Ours, prince que Dieu dans sa faveur avait comblé d’une immense fortune et qui tenait sous sa domination tout le territoire des Brizans, des Stodéraniens, comme aussi plusieurs autres nations établies près des rivières le Havel et l’Elbe. Il avait soumis et presqu’entièrement détruit les Slaves rebelles. Enfin, comme les Slaves avaient progressivement disparu, il envoya des émissaires à Utrecht et dans les lieux qui avoisinent le Rhin, dans ceux qu’entoure la mer, en Hollande, en Zélande et en Flandre dont les habitants souffraient beaucoup de ce voisinage incommode, et ils en emmenèrent une nombreuse population, laquelle fut éparpillée dans les bourgs et les villes qu’avaient occupés les Slaves ; c’est ainsi que les évêques de Brandebourg et de Havelberg se sont si fortement améliorés par le grand nombre églises qui y furent bâties et l’augmentation du chiffre des dîmes qui leur furent payées. Les Hollandais arrivés à cette époque possédèrent et habitèrent les bords méridionaux de l’Elbe depuis la ville de Saleveldele, Soltwedel et toutes les terres marécageuses et les plaines nommées Balsemerlande et Marscimerlande ; plusieurs villes et villages jusqu’à la forêt de Bohême leur furent aussi concédés ; anciennement et au temps des Othons, ce territoire était habité par les Saxons, comme le prouvent les anciennes digues élevées sur les bords de l’Elbe dans le marais de Balsamer. Les Slaves, qui avaient détruit les Saxons, l’occupèrent après eux jusqu’au moment où le Seigneur donnant au duc et aux autre princes le salut et la victoire, ils furent décimés et chassés à leur tour et que des peuplades nombreuses et pleines de forces vinrent des confins de l’Océan, s’implantèrent sur les terrains qu’ils avaient occupés et y bâtirent des villes et des églises et s’enrichirent outre mesure. [1,90] XC. Transfert de l’évêché d’Oldenburg Le seigneur évêque Gérold en ce temps demanda au duc de déplacer à Lübeck le siège de l’évêché, anciennement situé à Oldenburg, parce que la ville était plus peuplée, mieux fortifiée, et à tous égards plus commode. Comme cette proposition plut au duc, ils convinrent du jour où ils iraient à Lubeck pour régler les affaires de l'Église et de l'évêché. Le duc désigna alors un emplacement sur lequel devrait être construit un oratoire, avec le titre d'église-mère, et des cloîtres. En outre, ils instituèrent douze prébendes pour les clercs vivant selon la règle canonique ; une treizième prébende appartenait au prévôt. L'évêque accorda certaines dîmes pour le soutien des frères et autant que les revenus qu’apportait la Slavia, ce qui fut suffisant pour la mise en place des prébendes. Le comte Adolph accorda des villages pratiques près de Lübeck, que le duc présenta sans délai à l'usage des frères, et il attribua à chacun d'eux deux marks sur la monnaie des douanes de Lubeck, en plus d'autres avantages enregistrés dans les chartes conservées dans l'église de Lubeck. Le prévôt nommé fut le seigneur Ethelo dont nous avons fait une mention élogieuse précédemment. [1,91] XCI. Le schisme entre Alexandre et Victor. Au cours du temps, après la mort du pape Hadrien, un schisme naquit dans l'Eglise de Dieu entre Alexandre, également appelé Roland, et Victor, également appelé Octavien. Alors que le César assiégeait Milan, Victor vint le voir dans son camp de Pavie et le César le reconnut. Au concile qui fut convoqué, Rainald et Conrad, élus l’un au siège de Cologne, l’autre à celui de Mayence et tous ceux que dominaient la crainte ou la faveur du maître reconnurent l’antipape Victor. Mais Alexandre fut reçu par l’Eglise de Jérusalem par celle d’Antioche, par la France, l’Angleterre, l’Espagne, le Danemark et tous les royaumes chrétiens de l’univers. Tout l’ordre de Cîteaux se déclara pour lui, ordre qui comptait alors dans son sein un grand nombre d’archevêques, d’évêques et une multitude innombrable de moines. Cette invincible unanimité fortifia singulièrement la cause d’Alexandre. César en conçut une si grande colère qu’il ordonna par édit que tous les moines cisterciens eussent à se soumettre à Victor ou à sortir de ses Etats. Aussi il est difficile de dire combien de chefs de communautés, combien de congrégations de moines, furent contraints de s’exiler et de chercher en France un refuge. Par la violence du prince, un grand nombre d’évêques renommés en sainteté furent dans la Lombardie et dans tout l’empire chassés de leurs sièges et d’autres mis à leur place. Après cinq ans ou plus de siège, le César prit Milan, chassa ses habitants hors de la ville, détruisit toutes ses hautes tours, rasa les murs de la ville à la terre, et en fit un désert. Puis son cœur s'éleva à extrêmement, et tous les royaumes du monde craignaient sa renommée. Et il proposa au roi de France, Louis, de le rencontrer lors d'une conférence à Saint-Jean-de-Losne, qui est sur la Saône, dans le pays des Bourguignons, afin de restaurer l'unité de l'Eglise. Le roi de France accepta. Par ailleurs, le César envoya des messagers au roi du Danemark, au roi de Hongrie, et au roi de Bohême, qu'ils devaient venir le jour prévu ; en outre, il ordonna à tous les archevêques, évêques et princes les plus importants de son royaume et à tous les moines d'y assister solennellement. Par conséquent, cela généra une grande attente de tous, de cette nombreuse assemblée à laquelle deux papes et tant de rois du monde étaient censés se rencontrer. Puis Waldemar, les évêques du Danemark, l'archevêque Hartwig, l’évêque Gérold, et le comte Adolph avec nombre de nobles de Saxe, se rendirent à l'endroit prévu pour la conférence. Comme le duc était en Bavière, il vint par une autre route. Maintenant Louis, roi de France, dont l'annonce était spécialement attendue, hésita à répondre au César en apprenant qu'il venait avec un grand groupe d'hommes armés. Sans égard pour son serment, cependant, Louis vint à l'endroit de la réunion le jour fixé — c'est-à-dire la fête de la décollation de Jean Baptiste — et se montra au milieu du pont de la troisième à la neuvième heure. Le César, cependant, n'était pas encore arrivé. Interprétant cela comme un présage, le roi de France se lava les mains dans la rivière en témoignage, pour ainsi dire, d’avoir tenu la parole donnée, et de là séjourna le soir à Dijon. Lorsque le César arriva au cours de la nuit, il apprit que le roi de France était parti ; et il envoya des personnes distinguées demander Louis à de revenir. Mais celui-ci, se félicitant à la fois d'avoir tenu parole et d'avoir échappé à la main de César, dont il se méfiait, ne put en aucun cas en trouver le loisir. Car beaucoup dirent que le César prévoyait de le circonvenir et à ce titre était venu en armes, contrairement à la teneur des accords. Mais la ruse déjoua la ruse, car les Français, d’intelligence supérieure, accomplirent pour une réunion ce qui semblait impossible pour une force armée. Extrêmement amer, le César quitta la réunion, désireux de faire la guerre aux Français. Le pape Alexandre concrétisa sa puissance et à partir de ce moment l’emporta totalement. Le duc Henri partit en Bavière, et après avoir réglé ses affaires là, il retourna en Saxe. [1,92] XCII. Les dîmes des Holzatiens. A cette époque, la paix régnait dans toute la Slavie, et les places fortes du pays des Obodrites, dont le duc avait par droit de guerre pris possession, commencèrent à être occupée par des peuples étrangers qui étaient entrés sur la terre pour la posséder ; et le gouverneur de ce pays était Guncelin, brave homme et un ami du duc. Henri, comte de Ratzeburg, qui est dans le territoire des Polabes, introduisit également une multitude de colons de Westphalie pour peupler la terre des Polabes, pour lesquels on fit la délimitation des champs au moyen du cordeau. Ils construisirent des églises et fournirent la dîme de leurs récoltes au service de la maison de Dieu. A l'époque d’Henri, l'œuvre de Dieu fut établi dans le pays des Polabes, et à l’époque de Bernhard, son fils, ce fut largement achevé. Pourtant, les Holzatiens qui vivaient dans le pays des Wagiri après que les Slaves aient été expulsés — dévoués, en effet, à la construction d'églises et eu égard à leur hospitalité — se montrèrent rebelle vis-à-vis des dîmes que par précepte divin ils auraient légalement dû payer. Alors qu'ils payaient six très petites mesures par charrue, une concession, disaient-ils, leur avait été attribuée à titre de réparation alors qu'ils étaient encore dans le pays de leur naissance, parce qu'ils étaient dans le quartier des Barbares, et parce qu'on était en temps de guerre. La terre d’où les Holzatiens étaient venus appartient au diocèse d’Hambourg et jouxte la terre de Wagrie. Par conséquent, lorsque l'évêque Gérold vit que le Polabes et les Obodrites, en pleine fournaise ardente, payaient leurs dîmes selon la loi, il décida d'exiger le même paiement de son propre peuple. Après consultation du comte Adolphe, il chercha à déplacer l'esprit indomptable des Holzatiens par des lettres d'exhortation. À l'église de Bornhöved — aussi appelée Zuentineveld, où vivait Marchrad, l'aîné de la terre et le deuxième en autorité après le comte, et d'autres hommes puissants parmi les Holzatiens — il envoya donc la lettre suivante : Gérold par la grâce de Dieu évêque de l'église de Lübeck, à tous les paroissiens dépendant de l'église de Bornhöved, salut et meilleurs vœux. Dans la mesure où, par la volonté de Dieu, j'ai été chargé de la dispense ecclésiastique et où je viens exercer vers vous une mission divine, je dois chercher à vous conduire à partir de bonnes choses à de meilleures, et à travailler diligemment pour te détourner de ce qui est préjudiciable au salut de tes âmes. Je rends grâce à Dieu, en effet, des preuves de tes nombreuses vertus; que, par exemple, pour l'amour de Dieu, prompt à l'accueil et dans d'autres œuvres de miséricorde, que tu sois le plus rapide à te soucier de la construction d'églises, et que tu mènes aussi, comme il plaît à Dieu, une vie chaste selon la loi. Le respect de toutes ces obligations, néanmoins, ne te servira à rien si tu négliges les autres commandements, car il est écrit : Si l’on commet un écart sur un seul point, c’est du tout qu’on devient justiciable. C’est un précepte de Dieu : tu devras prendre la dîme de tout ce que tes semailles auront rapporté, pour que tu t’en trouves bien et jouisses d’une longue vie. A cet ordre les patriarches ont tendu l'oreille ; à savoir, Abraham, Isaac et Jacob, et tous ceux qui par la foi sont devenus fils d'Abraham, par qui ils ont atteint la louange et la récompense éternelle. Les apôtres, aussi, et les hommes apostoliques ont de la bouche de Dieu enjoint le précepte de même, et ont transmis à la postérité l'obligation de son respect au ban de l'anathème. Par conséquent, car il est clair, sans l'ombre d'un doute que cela a été ordonnée par Dieu Tout-Puissant et confirmé par l'autorité des saints pères, il nous incombe le devoir que par la grâce de Dieu nous nous efforçons de fournir en vous ce qui manque pour votre salut. Nous exhortons donc tous et vous supplions dans le Seigneur que par des cœurs bien disposés, comme il sied à des enfants obéissants, vous acquiescer avec moi, à qui a été commis une sollicitude paternelle pour vous, et que vous rendez la dîme que Dieu a institué et l'autorité apostolique sous interdiction confirmée pour la propagation de l'adoration de Dieu et à la poursuite de la prise en charge de l'Eglise pauvres, afin que par la retenue de Dieu ce qui est dû Lui vous ne pouvez pas engager votre substance ainsi que vos âmes à la mort éternelle. Portez-vous bien. En entendant ces mots, le peuple turbulent fit irruption dans le tumulte, et ils ont déclaré qu'ils ne soumettaient leurs cous à cet accord servile à travers lequel presque toute la race des fidèles chrétiens est soumise à l'oppression des prélats. Ils ajoutèrent, en outre, ne s’écartant pas beaucoup de la vérité, que presque toutes les dîmes étaient tombées en la licence des laïcs. L'évêque rapporta donc cette réponse au duc. Ce dernier ordonna que, s’ils voulaient garder sa faveur, tous les Holzatiens du pays de Wagrie devraient payer pleinement les dîmes de l’évêque comme on le fait dans les terres des Polabes et des Obodrites, plus récemment installés et plus exposés aux horreurs de la guerre. A cet ordre, les Holzatiens répondirent obstinément qu'ils ne donneraient jamais une dîme que leurs pères n’avaient pas payée; qu'ils préféraient incendier leurs maisons et quitter le pays plutôt que de subir le joug de cette servitude. En outre, ils pensèrent tuer l'évêque et le comte et toute sorte d'étranger qui payait la dîme légitime et fuir au pays des Danois après avoir brûlé la terre. Toutefois, les traités renouvelés entre notre duc et le roi des Danois étaient prêts à prendre en compte ces noirs desseins ; il avait été convenu qu’aucun réfugié venant de part ou d’autre ne serait accueilli. Les Holzatiens, de fait, contraints par la nécessité, en présence du duc, conclurent une entente avec l’évêque ; avec pour effet l’acceptation d’une augmentation de la dîme et ils payèrent six mesures de blé et huit mesures d'avoine par peau, je veux dire, les modius qu’on nomme communément "hemmete". Et qu'ils n’auraient pas à être redevable de services supplémentaires pour plaire aux évêques ; ils demandèrent que cet accord soit confirmé par les sceaux du duc et de l'évêque. Lorsque, selon la coutume de la chancellerie les notaires demandèrent un mark d'or, le peuple inculte recula, et l'affaire resta inachevée. La mort précoce de l'évêque et également l'imminence d'une terrible tempête de guerre fut l’objet, pour cette opération qui aurait eu un avantage extraordinaire pour l'Eglise, d’un grand revers. [1,93] XCIII. La captivité de Vratislav. Les fils de Niclot, Pribislav et Vratislav, ne se contentaient pas de la terre des Kicini et des Circipani, ils aspiraient à retrouver la terre des Obodrites que le duc avait pris par droit de guerre. Lorsque leur trahison fut découverte, Guncelin de Schwerin, préfet de la terre des Obodrites, le fit savoir au duc. Et celui-ci de nouveau montra sa colère et son indignation puis vint avec une armée importante dans le pays des Slaves pendant la période hivernale. Ils s’étaient cependant installés dans la ville de Werla en préparant la forteresse contre un siège. Le duc envoya devant Guncelin avec ses hommes braves pour commencer l’engagement, de peur peut-être que les Slaves s'éclipsent. Il le suivit aussi rapidement que possible avec le reste de l'armée. On assiégea la forteresse où étaient Vratislav, le fils de Niclot, et de nombreux nobles, avec en plus une très grande mixture de populace. Avec un certain nombre de cavaliers Pribislav, le plus âgé, avait mené des raids éclairs dans la forêt, tuant les imprudents lors de guet-apens. Le duc se réjouit extrêmement du fait que les Slaves l'attendissent obstinément dans la forteresse, cela lui donnait l'occasion de les faire tomber en son pouvoir. Et il dit aux plus jeunes hommes de l'armée, dont le désir insensé de combat cherchait à provoquer des sorties ennemies: « Pourquoi allez-vous inutilement aux portes de la forteresse et mettez-vous votre vie en danger? Des conflits de ce genre sont vains et ruineux. Non, restez plutôt dans vos tentes où les flèches ennemies ne peuvent vous atteindre et assistez au siège, que personne ne s'échappe. Par la grâce de Dieu, nous nous efforcerons de prendre la forteresse sans trouble et sans effusion de sang ». Il ordonna aussitôt qu’on apporte des troncs depuis les bois épais et qu’on les transforme en machines de guerre comme il l’avait vu faire à Crema et à Milan. Il fabriqua des machines des plus efficaces, l'une faite de poutres assemblées pour porter des coups au travers les murs ; l'autre, plus haute et construite comme une tour, élevée au-dessus de la forteresse pour y lancer des flèches et chasser les défenseurs des remparts. Le jour où cette machine fut construite, aucun Slave n’osa mettre sa tête ou à apparaître sur les remparts. Au même moment Vratislav fut grièvement blessé par une flèche. Un jour, cependant, on rapporta au duc que Pribislav était apparu non loin du camp avec une troupe de cavaliers. Pour le capturer, le duc envoya le comte Adolph avec un corps d’élite de jeunes hommes qui, après avoir fouillé les marais et les bois toute la journée, ne trouva personne parce qu'ils avaient été trompés par leur guide qui favorisait plus l'ennemi que nos propres hommes. Alors, le duc avait commandé aux fourrageurs ne pas sortir du camp dans n'importe où ce jour-là de peur qu'ils tombent entre les mains de l'ennemi. Mais certains Holzatiens, buttés comme ils sont, ne tinrent pas compte de cet ordre, et sortirent fourrager ; Pribislav arriva et se précipita sur ces imprudents, et tua plus de cent hommes. Le reste s'échappa vers le camp. Très furieux de cela, le duc poussa le siège avec plus de vigueur. C’est alors que les remparts de la forteresse commençaient à céder, menaçant de tomber et de se briser en morceaux à force d’être remués. Vratislav abandonna tout espoir de succès et, après avoir reçu un sauf-conduit, vint au camp du comte Adolph afin de profiter de son avis. Le comte lui répondit : La consultation tardive d'un médecin a lieu en effet, lorsque le malade est désespéré. Les dangers qui menacent aujourd'hui auraient dû être prévus. Qui, je vous prie, vous a conseillé de risquer les dangers d'un siège ? C'était une grande folie de mettre le pied dans des actions sans échappatoire et aucun moyen de sortir. Il ne reste plus qu’à vous rendre. La seule façon rapide d’en sortir se trouve, comme je le vois, dans la reddition. Vratislav dit: « Dites un mot pour nous au duc afin que nous puissions bénéficier d'une reddition sans danger pour nos vies et sans dommages pour nos membres. » Le comte se rendit ensuite chez le duc et, s'adressant à ceux dont la décision dépendait, leur expliqua l'affaire. Après être eux-mêmes tombés d’accord avec la volonté du prince, on donna l'assurance que tout slave qui se livrerait aux mains du duc verrait épargnés sa vie et son intégrité physique, à condition toutefois, que Pribislav dépose également les armes. Sous la conduite du plus illustre comte, Vratislav et tous les nobles des Slaves quittèrent alors la forteresse et se jetèrent aux pieds du duc, chacun avec son épée sur la tête, et le duc les reçut et les fit mettre en prison. Le duc ordonna aussi que tous les captifs danois qui étaient dans la forteresse fussent libérés. Un très grand nombre de ceux-ci sortit, bénissant le plus vaillant duc pour leur délivrance. En outre, il fit garder la forteresse et surveiller cette populace, et il plaça un certain vétéran pour eux, Lubemar, frère de Niclot, pour gouverner le pays, mais raisonnablement comme pour un sujet. Vratislav, chef des Slaves, fut emmené par le duc à Brunswick et il le mit dans des chaînes de fer. Les autres, furent répartis entre les prisons jusqu'au paiement de l’ultime liard. Par ces actes, donc, il diminua la puissance des Slaves qui reconnurent que le « lion, roi des animaux, ne recule devant personne. » Pribislav, qui était plus âgé et d’une intelligence plus fine, était désireux, cependant, d'aider son frère captif. Il commença par le biais de messagers à sonder l'esprit du prince et à demander les conditions d’une paix. Quand le duc prétextait les otages pour assurer la tenue des promesses, Pribislav disait: « Quel besoin mon seigneur a-t-il d'exiger des otages de son serviteur ? Ne détient-il pas mon frère et tous les nobles de Slavie en prison ? Considérez les comme des otages ; faites ce que bon vous semble si nous rompons notre foi vis-à-vis des promesses ». Alors qu'ils discutaient ces questions en échangeant des messagers et que Pribislav avaient de meilleurs projets, quelque temps passa sans guerre et la paix régna en Slavie du mois de Mars aux calendes de Février de l’année suivante. Et tous les bastions de duc — à savoir, Malchow, Cuscin, Schwerin, Ilow, et Mecklembourg — furent laissés en paix. [1,94] XCIV. La consécration de Neumünster Cette même année, le seigneur Gérold, évêque de l'église de Lübeck, tomba malade après la célébration de la fête de Pâques et se coucha sur son lit de malade jusqu’aux calendes de Juillet. Il pria Dieu de prolonger sa vie jusqu'à ce qu'il puisse consacrer l'oratoire de Lübeck et le clergé récemment uni se renforça dans sa situation. Immédiatement, par la grâce de Dieu, sa vie fut prolongée pour un temps. Il alla donc voir le duc, qui revenait alors par hasard de Stade pour rencontrer l'archevêque ; il s'entretint avec lui des avantages de l'Église de Lubeck. Après quoi le duc, ravi de ses paroles, lui demanda de revenir dès que possible à Lubeck pour préparer le nécessaire à la consécration. Et l'archevêque demanda au duc de participer à l'accomplissement de ces devoirs. Sa demande satisfaite, l'archevêque fit le voyage au pays des Wagiri, et consacra, chemin faisant, l'église de Faldera, qui, comme nous le savons, fut fondée par Vicelin, l’évêque béni d’Oldenburg, et qui lui appartenait. L'archevêque, avait agi par de nombreux bienfaits envers le prévôt et les frères résidents, et il recommanda que ce lieu fut appelé maintenant Neumünster. Auparavant, cela s’appelait en effet Faldera ou Wippenthorp. Le prévôt de cet endroit était Hermann, qui, autrefois, avait eu aussi à supporter de nombreuses tâches à Lubeck à l’époque barbare ; il joignait sa prédication de l'Evangile à celles du seigneur Ludolf, prévôt de Segeberg, et à celle de Bruno, prêtre d’Oldenburg. Cet Hermann succéda donc pour administrer le monastère Neumünster au vénérable Eppo, dont la remarquable sainteté, déjà vénérée par tous en souvenir de sa piété, a trouvé son accomplissement heureux il y a quelque temps aux calendes de mai. Ayant ainsi, comme je le disais, achevé la consécration du monastère de Neumünster, le seigneur archevêque se rendit à Segeberg, où il profita de l'hospitalité du comte Adolphe. Quand il arriva à Lubeck, le duc et l'évêque le reçurent en grande pompe, et commencèrent l’office de la consécration. Et chacun, à savoir le duc Henri, l'évêque Gérold et le comte Adolphe, fit des dons selon l'impulsion volontaire du cœur et accorda des biens, de pensions et de la dîme au profit des membres du clergé. Aussi, l'archevêque avisé, n’acquiesça pas de donner Neumünster à l'évêque de Lubeck. Ces actes faits selon les rites, l'archevêque s’en retourna chez lui. Quant au duc, une fois réglé ses affaires en Saxe, alla en Bavière, pour mater les rebelles et rendre justice aux victimes. [1,95] XCV. La mort de Gérold. Entretemps le vénérable évêque Gérold décida, quand il sentit que la douleur temporairement interrompue, regagnait en violence, de retourner visiter toutes les églises de son diocèse, mais sans exiger un soutien de quiconque, ne voulant pas être un fardeau. Il apporta alors pour ses ouailles une sollicitude paternelle, il pria abondamment pour leur salut spirituel, corrigeant les égarés, arrangeant les discordes, présentant aussi la grâce du redressement, lorsque c’était nécessaire quelque part. Aussi il dispensa la parole du Seigneur au marché de Plön, fréquenté par les Slaves et par les Saxons chaque jour du dimanche, parce que la communauté chrétienne délaissait le culte de l’église et des saintes messes, se livrant seulement à des transactions commerciales. Contrairement à l'opinion d’un grand nombre, il détruisit cette idolâtrie avec une volonté forte, donnant des instructions pour l’empêcher sous peine d’anathème et de ruine à celui qui l’introduirait encore. Les gens vinrent alors à l'église entendre la parole de Dieu et s’intéresser aux saints sacrements. Ayant donc parcouru sa paroisse, l'évêque vint finalement à Lutenburg pour consoler ceux qui restaient, et procéder aux divins mystères, comme menant jusqu’au bout une affaire, tout à coup il fut privé de ses forces corporelles, après quoi soutenu jusqu’au bout il fut porté à Bosau. Il resta au lit plusieurs jours. Pourtant, même le jour de sa mort, il ne fut jamais absent de la solennité de la messe. Je confesse que je ne me souviens pas avoir vu un homme plus diligent au service de Dieu, plus attentif au chant des psaumes et aux veilles des mâtines, plus affectueux envers le clergé, il ne laissait personne offenser d’un mot. Il fit très sévèrement fouetter une certaine personne laïque qui avait calomnié un clerc, donnant aux autres un exemple afin « qu’ils arrivent à ne pas blasphémer ». Dès que la maladie du bon pasteur fut connue, des hommes vénérables, Odon, doyen de l'église de Lübeck, et Ludolf, prévôt de Segeberg, vinrent le voir avec des frères de chacune des communautés. Et quand, se tenant près du lit du malade, ils exprimèrent le souhait que sa vie soit prolongée, il répondit : « Pourquoi, frères, demander pour moi ce qui est inutile ? Quel que soit mon temps à vivre, la mort est toujours là. De toute façon laissez faire maintenant qui doit se passer à un moment ou un autre. C'est mieux d'avoir surmonté ce à quoi personne ne peut échapper. » Oh ! liberté de l'esprit qui n'est pas perturbée par la peur de la mort ! Au cours de la conversation, aussi, il se référa à un passage du Psaume. « O ma joie quand on m’a dit: Allons à la maison de l'Éternel. » Lorsque nous lui demandâmes s’il souffrait, il déclara qu'il ne sentait pas de fortes douleurs, mais qu'il était beaucoup opprimé par son seul manque de force. Maintenant, quand les frères virent que sa fin était proche, ils firent l’office de l'extrême onction. Fortifié donc par le sacrement sauveur, quand les ombres de la nuit se dissipèrent et que le jour se leva, il abandonna le fardeau corruptible de la chair. Son corps fut porté à Lübeck par le clergé et les citoyens ; on lui donna une honorable sépulture au milieu de la basilique qu’il avait lui-même fondée. Et le siège de Lübeck resta vacant jusqu'aux calendes de Février parce que le duc était absent et qu'on attendait sa décision.