[1,61] LXI. La prise de Lisbonne. La seconde armée, une force navale, réunie à Cologne et dans d'autres villes jouxtant le Rhin, en dehors des villes sur les rives de la Weser, navigua sur les vastes étendues de l'océan, venant même de Bretagne. Après avoir radoubé quelques jours, la flotte, considérablement accrue par les Angles et les Britanniques, fit voile vers l'Espagne. Elle débarqua au Portugal, dans la plus belle ville de Galatie qui vénère le sanctuaire de Saint Jacques. Heureux de l'arrivée des Croisés, le roi de Galatie leur dit que s'ils étaient venus combattre pour Dieu, ils pourraient lui apporter leur aide contre Lisbonne dont le peuple était harcelé sur ses frontières chrétiennes. Accédant à sa requête, ils allèrent à Lisbonne avec une flotte importante. Le roi, quant à lui, vint par voie de terre avec une forte armée. La ville fut assiégée par terre et par mer et beaucoup de temps fut consacré à sa prise. Lorsqu’enfin les croisés prirent la ville et en chassèrent les barbares, le roi de Galatie leur demanda de lui remettre la ville occupée ; ses alliés se partagèrent d'abord le butin. Ainsi fut créée une colonie de chrétiens qui subsiste encore de nos jours. Cela fut la seule réussite de toute l'œuvre que l'armée des pèlerins entreprit. [1,62] LXII. Niclot Une troisième armée de participants se consacra au peuple des Slaves, à savoir nos voisins les Obodrites et les Lutici afin de venger la mort et la destruction infligées aux chrétiens, principalement aux Danois. Les commandants de cette campagne étaient Albert {archevêque} de Hambourg, et tous les évêques saxons, par ailleurs, le jeune duc Henri, Conrad, duc de Zähringen, Adalbert margrave de Saltvidele, Conrad de Within. Donc Niclot, apprenant qu’une armée serait bientôt constituée pour le détruire, convoqua tous ses gens et commença à fortifier le château de Dobin, pour qu’il put servir de refuge au peuple en temps utile. Et il envoya des messagers au comte Adolphe, lui rappelant l'alliance qu'ils avaient fait, et lui demandant en même temps de lui accorder la possibilité d’une réunion entre eux et de partager son conseil. Quand le comte déclina, plaidant qu'il serait imprudent d’offenser les autres souverains, il lui fit dire par ses messagers: « J'ai décidé d'être ton œil et ton oreille dans le pays des Slaves, que tu as commencé à habiter, qui possédaient autrefois la terre de Wagrie, et je ne te parle pas de cette infraction, justifiant le fait qu'ils ont été injustement privés de l’héritage de leurs pères. Pourquoi donc abandonner ton ami au jour de la détresse ? Un malheur ne prouve-t-il pas l'amitié ? Jusqu'à présent, j'ai retenu la main des Slaves, et ils ne vous ont rien fait de mal, mais maintenant je peux lâcher cette main et vous la rendre, parce que vous éconduisez votre ami, oubliez un pacte et me refusez un entretien quand j’en ai besoin. » Les ambassadeurs du comte s’adressèrent ainsi à Niclot : « Notre maître, ne peut pas vous parler en ce moment parce qu’il en est empêché par des circonstances que vous connaissez. Mais gardez la même confiance en notre seigneur et dans vos obligations envers lui et si vous voyez que les Slaves préparent secrètement la guerre contre lui, apportez-lui votre soutien. » Et Niclot promit. Puis le comte parla ainsi aux habitants de son pays : « Gardez le bétail et vos biens avec précaution, de sorte qu'ils ne soient pas accidentellement pillés par des voleurs ou des bandits ; je prends sur moi la sécurité globale des affaires, afin que vous ne soyez pas soumis à quelque attaque inattendue de troupe. » En effet, cet homme sage pensait empêcher par son expérience les dommages imprévus d’une guerre. Mais les choses se passèrent différemment. [1,63] LXIII. L’incendie des navires. Quand Niclot s'aperçut qu’il était impossible d'empêcher le départ de l'expédition prévue, il prépara en secret une force navale, traversa la mer et mit sa flotte à l'embouchure de la Trave, pour frapper l'ensemble de la province de Wagrie avant que l'armée des Saxons franchisse ses propres frontières. En soirée, il envoya un messager à Segeberg, parce qu'il avait promis au comte de l’avertir, mais la députation fut vaine, car le comte était loin et il n'était plus temps de rassembler une armée. Par conséquent, au lever du soleil, le jour de la célébration du martyr des Saints Jean et Paul, la force navale des Slaves passa par l'embouchure de la Trave. Alors, les citoyens de la cité de Lübeck, qui entendaient le bruit fait par l’armée, crièrent aux hommes de la ville : « Nous avons entendu le bruit d'une très grande clameur, comme si c'était le bruit d'une multitude à venir et nous ignorons ce que c'est. » Et ils envoyèrent quelqu’un à la cité et sur la place du marché pour dire le danger qui menaçait. Mais les gens, ivres de beaucoup de potées, ne purent être tirés ni de leurs lits, ni des navires jusqu'à ce que, entourés par l'ennemi, ils perdirent leurs navires, qui étaient lourdement chargés de marchandises, jetèrent le feu sur eux. Ce jour-là, furent tués trois cents hommes ou plus. Rodolphe, prêtre et moine, fut taillé en pièces par les barbares, en fuyant vers la forteresse, couvert de mille blessures. En outre, ceux qui étaient dans la forteresse subirent pendant deux jours un siège des plus terribles. Deux troupes de cavaliers, aussi, allèrent à travers tout le pays des Wagiri et détruisirent tout ce qu'ils trouvaient dans les environs de Segeberg. La région, aussi, appelée Dargune et tout le pays en dessous de la Trave qui avaient été occupée par les Westphaliens, les Hollandais et d’autres peuples étrangers fut incendiée par des flammes dévorantes. On mit à mort les hommes courageux qui tentaient de résister à l’armée et on emmena leurs femmes et enfants en captivité. On épargna, cependant, les hommes de Holzatie, qui vivaient au-delà de la Trave à l'ouest du district de Segeberg, et on s’arrêta aux champs de la ville de Cuzelina et l’on ne s'engagea pas plus loin. Les Slaves, en outre, ne dévastèrent pas les villages de la plaine de Schwentine qui s'étalaient de la rivière de Schwale à la rivière Agrimesov et au lac Plöner, et on ne toucha ni aux biens des hommes, ni aux habitations. Un dicton usuel à ce moment dans la bouche de tous, était que certains Holzatiens avaient provoqué cette destruction catastrophique de par la haine pour les étrangers que le comte avait fait venir de loin pour peupler la terre. Pour cette raison, seuls les Holzatiens ne furent pas éprouvés par la catastrophe générale. La ville d’Eutin, grâce à la force de son emplacement, fut également préservée. [1,64] LXIV. Le prêtre Gerlav. Je vais raconter un fait divers digne d’être rapporté pour la postérité. Après le pillage à volonté par les Slaves de la terre des Wagiri ils arrivèrent enfin à la région de Sussel pour y détruire la colonie de Frisons, qui comptait selon les calculs quatre cents hommes ou plus. Mais quand les Slaves arrivèrent une centaine à peine se trouvait dans le petit fort parce que les autres avaient regagné leur patrie dans le but de mettre en ordre les biens qu'ils y avaient laissés. Après l’incendie de ce qui était à l'extérieur, ceux qui étaient dans la fortification furent soumis à un siège redoutable, toute la journée, ils furent vigoureusement attaqués par trois mille Slaves. Alors que ces derniers étaient pleinement convaincus de leur victoire, les autres retardaient la dernière heure en prolongeant le conflit. Lorsque les Slaves virent qu'ils ne pourraient pas remporter la victoire sans effusion de sang, ils promirent aux Frisons leur vie et leurs membres s’ils sortaient de la forteresse pour rendre leurs armes. Certains des assiégés, donc, avec l’espoir de vivre, insistèrent pour la reddition. Mais un prêtre plus ferme leur commanda : « Qu'est-ce que c'est, ô hommes, que voulez-vous faire ? Croyez-vous qu’en se rendant vous aurez la vie sauve ou que les barbares tiendront parole ? Vous vous trompez, hommes, mes compatriotes. C’est une idée stupide. Ne savez-vous pas que de tous les peuples de nouveaux arrivants, aucun n'est plus détesté par les Slaves que les Frisons ? En vérité, ils ne peuvent pas nous sentir. Alors pourquoi renoncer à la vie de votre propre gré et accélérer cette destruction ? Je vous abjure par le Seigneur, le Créateur du monde, pour qui « il n'y a pas de retenue... pour sauver... par quelques-uns, » que vous essayiez votre force encore un peu de temps et combattiez l'ennemi. Tant que ce mur nous entoure, nous sommes maîtres de nos bras et de nos armes, la vie se base pour nous sur l’espoir, mais rien ne nous est laissé, sans armes, qu’une mort ignominieuse. Plongez plutôt vos épées dans leurs entrailles, qui attendent d’être transpercées, et soyez les vengeurs de votre sang. Qu’ils testent votre audace ! Qu’ils ne s’en aillent pas sans une victoire non sanglante. » Et comme il disait ces mots, il leur montra son esprit courageux. Il ouvrit les portes et comme un seul homme il rejeta en arrière une aile de l'ennemi, tuant un nombre prodigieux de Slaves de sa propre main. Il ne ralentit pas dans la lutte même avec un œil endommagé et blessé à l'abdomen, il apparut à la fois avec la force divine de l'âme et du corps. Ces fils les plus remarquables de Sarvia, i.e. les Maccabées, ne combattirent pas plus vaillamment que le prêtre Gerlav et une poignée d'hommes dans la forteresse de Sussel. Ils défendirent leur fortification des mains dévastatrices. En entendant leurs actes, le comte rassembla une armée pour combattre les Slaves et les chasser de son pays. Lorsque la rumeur de ce qu'il faisait atteignit les Slaves, ils s’en retournèrent à leurs vaisseaux et partirent, chargés de prisonniers et de divers biens qu'ils avaient pillés dans le pays des Wagiri. [1,65] LXV. Le siège de Demmin. Entretemps les nouvelles se répandirent dans toute la Saxe et la Westphalie que les Slaves s’étaient rebellés et avaient commencé la guerre les premiers; l'ensemble de cette expédition, qui porta le signe de la croix, se hâta de descendre vers le pays des Slaves afin de punir leur fourberie. L'armée fut divisée en deux, et nombre firent des machines de siège ; on assiégea deux forteresses différentes : Dobin et Demmin. L’armée des Danois vint aussi à Dobin, et se joignit à ceux qui assiégeaient la ville, aussi le siège s’intensifia. Un jour, ceux qui étaient enfermés à l'intérieur conclurent que les Danois se battaient très lentement, car ce sont des combattants internes peu faits pour les guerres. Donc, ils sortirent soudainement, les tuèrent et les laissèrent étendus raides sur le terrain. Aucune aide ne put être apportée aux Danois car il y avait une nappe d'eau stagnante sur le chemin. Ce fut la cause de la colère qui gagna l’armée ; elle travailla plus durement à la prise de la ville. Mais les vassaux de notre duc et du margrave Albert s’entretinrent : « Cette terre que nous dévastons n’est-elle pas la nôtre et son peuple notre peuple? Pourquoi nous comporter comme nos propres ennemis et détruire nos propres ressources? Ces pertes retomberont-elles sur nos seigneurs? » A partir de ce jour, il y eut des faux-semblants dans l'armée et on retarda l'occupation par de fréquentes trêves. Dès que les Slaves furent pris dans la bataille, on empêcha l'armée de poursuivre les fuyards et de s'emparer de la forteresse. Enfin, quand notre peuple fut fatigué de tout cela, on conclut un accord indiquant que les Slaves devraient accepter la foi chrétienne et qu’ils relâcheraient les Danois captifs. Ainsi, nombre d'entre eux furent faussement baptisés, on remit en liberté tous les captifs : vieillards et gens inutiles, tout en gardant ceux qui étaient capables de travailler dur. Cette grande entreprise s’acheva donc sans grand succès. Peu après cela empira, car aucun d'eux ne donna suite à son baptême, ni ne renonça à piller les Danois. [1,66] LXVI. La famine. Notre comte était maintenant occupé à renouer les amitiés brisées et à faire la paix avec Niclot et avec les autres Slaves orientaux. Néanmoins, il n'avait pas tout à fait confiance en eux parce qu'ils avaient violé les pactes précédents et avaient frappé son pays d’une très grande calamité. Il commença à consoler son peuple, désolé par l’œuvre dévastatrice de l'ennemi, et les exhorta à ne pas céder à la chance adverse, à se familiariser avec le fait que les hommes d’une marche devaient avoir une patience solide et être prêts à verser leur sang librement. Il se fit zélé aussi dans le rachat des prisonniers. Que dirai-je de Vicelin, prêtre du Christ ? Lors d’une telle calamité, la folie barbare avait affligé de nombreuses gens et un manque de grains avait amené une famine ; il ordonna en particulier à tous ceux qui étaient dans Cuzelina et Faldera de se souvenir des pauvres avec le plus grand soin. Pour ce travail, l'homme de Dieu, Thietmar, fut incomparablement convenable. Ministre fidèle et prudent, il distribua et donna aux pauvres. Il fut partout bienfaisance, partout abondance. Ce que je dis pour sa louange est trop peu. Vraiment, le cœur du prêtre, rempli de miséricorde, répandait une fragrance à la douce odeur. Devant les portes du monastère une foule de personnes dans le besoin attendait l'aumône de l'homme de Dieu. Il sembla que le monastère fut réduit par sa générosité. Les portails des magasins étaient, par conséquent, fermés par les procurateurs afin que la communauté ne puisse pas faire l'objet de préjudice. Que devait faire l'homme de Dieu? Il ne pouvait ni supporter les cris des pauvres, ni le manque de quoi que ce soit à leur donner. L'homme compatissant commença donc à être plus demandeur et alla dans les granges habilement rechercher des entrées. Quand il en trouva une, mais bien cachée, il se comporta comme un voleur, donnant journellement aux pauvres quand l'occasion se présentait. Des personnes de confiance nous ont dit aussi que la Divine Providence, en ces mêmes jours, reconstituait les greniers vidés. Les actes d'Elie et même d’Elisha confirment ce fait, car il n'y a aucun doute qu'il existe encore des hommes qui vivent en émulant les vertus des prophètes, rivalisant ainsi par leurs miracles. [1,67] LXVII. La mort d’Etheler. Pour quelque temps la terre des Wagriens connut le répit des malheurs qu'elle avait subis. Mais voilà, de nouvelles guerres ouvertes dans le nord ajoutèrent douleur au chagrin, blessures aux plaies. Quand Erik, dont le nom était Emun, fut tué, il resta trois héritiers royaux : à savoir, Svein, le fils d’Erik ; Waldemar, le fils de Knut ; Knut, le fils de Magnus. Depuis qu'ils étaient encore enfants, un certain Erik, également appelé Spac, fut par décision des Danois placés comme leur tuteur comme gardien protecteur du royaume et de la descendance royale. C’était un homme de paix et il gouverna tranquillement le royaume qui lui avait été confié, mais il résista trop peu à la fureur des Slaves. Car à cette époque leurs déprédations devenaient particulièrement graves. Quand Erik se rendit compte que le jour de sa mort approchait, il réunit les trois jeunes princes et après consultation des nobles nomma Svein à la royauté et ordonna à Waldemar et à Knut d’être satisfaits de leur héritage paternel. Après avoir réglé ces affaires sagement il mourut. Sans retard Knut, fils de Magnus, viola le règlement de son tuteur, tenta de s'emparer du royaume et suscita une grande guerre contre Svein. Waldemar prit le parti de Svein. Tout le Danemark fut bouleversé et l’on vit dans les cieux du nord de grands signes ayant l'aspect, pour ainsi dire, de torches enflammées rougeoyantes, un rouge suggestif du sang humain. Les présages ne sont pas faux. Car qui ne connaît pas les carnages provoqués par cette guerre ? Chacun des rois chercha alors à attirer à lui notre comte, et envoya des messagers avec des cadeaux, en présentant un grand nombre et en promettant de plus importants. Le comte était satisfait de Knut, et après leur entretien, Knut lui rendit hommage. Svein devint furieux de cet acte. Il vint dans le pays de Wagrie avec une armée, incendia Oldenburg, et dévasta tout le pays le long de la mer. Partant de là, il mit le feu aux faubourgs de Segeberg et les flammes voraces consumèrent tout dans le voisinage. En fait, l'auteur de cet acte malsain était un certain Etheler, originaire du Ditmarsh. Soutenu par la richesse des Danois, il s’associait avec tout homme fougueux d’Holzatie. En devenant général du roi, il avait prévu de sortir le comte de sa province et d’ajouter son comté au royaume Danois. Lorsque cette idée fut connue du comte, ce dernier alla vers le duc pour être protégé. Il ne pouvait rester en sécurité en Holzatie parce que le nombre d’hommes d’Etheler, à l'affût de sa vie, avait augmenté. Quiconque voulait devenir l'un des hommes d’Etheler, recevait un manteau, un bouclier, ou un cheval comme cadeau et, corrompus par des présents de ce genre, les séditieux remplissaient tout le pays. C’est pourquoi, le duc ordonna à tous les Holzatiens et Sturmariens que partout où des hommes adhérants à Etheler devaient être trouvés ; ils devaient soit renoncer à leur allégeance soit quitter la province. Et ainsi fut fait. Tous les gens jurèrent d’être prêts à l'appel du duc et d'écouter son comte. En ce jour, les hommes d’Holzatie le rejoignirent, après que tous les séditieux aient été soit remis en faveur ou chassés de la province. Le comte, par conséquent, envoya des messagers à Knut, lui demandant de venir le plus rapidement possible avec une armée pour dominer Svein. Et lui-même rencontra Knut avec quatre mille hommes armés près de Schleswig, mais ils campèrent à une grande distance l’un de l'autre. Svein entretemps demeura dans la ville de Schleswig avec une importante force de soldats. Lorsqu’Etheler, chef de l'armée de Svein, vit que le danger avait doublé et qu'une grande armée était venu les assiéger, il partit avec ruse vers Knut et, après avoir corrompu les dirigeants de son armée, séduisit le jeune Knut pour revenir dans son propre pays sans la connaissance du comte Adolph et de rejeter son armée, chacun à sa propre place. Il arrangea aussi une trêve dans laquelle il s'engageait à rétablir la paix aux Danois sans guerre. Lorsque ces questions furent réglées selon son désir, Etheler retourna dans le Schleswig pour combattre avec le comte le lendemain et le frapper soudainement. Ce soir-là, un des familiers du comte était dans le Schleswig et quand il remarqua les préparatifs secrètement en cours, il se hâta de traverser le lac et, en entrant dans le camp, dit au comte : « Vous avez été trompé, ô comte, trompé et défait. Car Knut et son armée, à l'aide duquel vous venez, sont repartis dans leur pays et vous êtes seul ici. Voilà, Etheler arrive à l'aube pour vous attaquer. » Étonné de cette perfidie incroyable, le comte dit à ses hommes : « Depuis que nous sommes au milieu d'une lande, nos chevaux souffrent de faim, il est souhaitable que nous allions donc chercher un endroit correct pour faire un camp. » L'armée, alors, comprit que l'esprit du comte était troublé par un rapport défavorable, ils bougèrent leur camp de l’endroit appelé Cuningis-Ho et se dirigèrent leur marche vers l'Eider. Ils s'empressèrent tout du long, cependant, avec une telle vitesse que lorsque le comte atteignit l'Eider il lui restait à peine quatre cents des quatre mille hommes armés qui avaient été avec lui. Le comte leur parla pour les exhorter : « Bien qu’une peur stupide ait fait fuir nos frères et amis sans savoir pourquoi, il me semble encore qu’il vaille la peine de faire un arrêt ici pour garder notre pays jusqu'à ce que des éclaireurs reconnaissent et nous donnent des informations plus précises sur ce que notre ennemi prévoit. » Il envoya immédiatement des éclaireurs pour découvrir la vérité, mais ils furent pris dans le Schleswig et jetés dans les chaînes. Etheler dit alors le roi, son maître. « Maintenant, nous devons nous hâter et d'aller avec l'armée, car ce sera facile pour nous de prendre ce comte, maintenant qu'il a été abandonné. Quand il sera disposé, nous envahirons son pays pour y faire ce que bon nous semble ». Et ils partirent avec une grande force. A ce moment, le comte était irrité parce que les éclaireurs n’étaient pas revenus selon ses consignes et il renvoya d'autres éclaireurs, qui, au vu de l'ennemi, le lui signala rapidement. Bien qu’intérieurement inquiet à cause du petit nombre de ses troupes, son valeureux instinct le rendit combatif pour se battre et il dit à ses compagnons : "Voici, ô camarades, le moment est venu où nous allons savoir qui est un homme intrépide et toujours valeureux, qui a la volonté de s’avancer face à la destruction. Trop souvent notre peuple m’a dédaigneusement reproché d’avoir un cœur de femme et d'être apte à fuir, comme pour conjurer les difficultés de la guerre avec la langue plutôt qu’avec la main. C’est donc ce que j'ai fait, mais pas imprudemment, chaque fois que les guerres pourraient être évitées sans effusion de sang. Cependant, maintenant qu’un terrible danger nécessite l'utilisation de mes mains, vous pourrez voir si j'ai, comme vous le dites, le courage d'une femme. Non, plutôt, si Dieu le permet, vous verrez en moi le cœur d'un homme. Je me sentirai, cependant, plus à l’aise si votre volonté s’accorde avec la mienne, si vous restez avec moi, une troupe sous serment, à défendre la patrie. Car en ce lieu à la fois la honte de la fuite et la plus certaine destruction de notre patrie exige le recours à la bataille". Lorsque le comte eut fini ce discours, ses soldats se réjouirent et se lièrent par un serment solennel pour défendre fermement leur propre sécurité et celle de leur pays. Le comte ordonna alors qu’on abatte le pont et il plaça des gardes aux endroits où la rivière était guéable. Mais un éclaireur revint dire que l'ennemi avait fait la traversée à proximité du village qui s'appelle Schülp. Après la prière à Dieu, le comte se hâta donc d'attaquer ceux qui avaient traversé, avant que l'armée pût arriver. Au premier choc de la bataille le comte fut désarçonné, mais deux chevaliers étaient à ses côtés pour le protéger, et ils le mirent à nouveau sur son cheval. La bataille devint acharnée et l'avantage se déplaça d'un côté à l'autre jusqu'à ce que l'un des partisans du comte cria de frapper fort au niveau des genoux des chevaux sur lesquels l'ennemi était assis. Il arriva ainsi que les chevaux tombant, leurs cavaliers attelés tombèrent également et furent éliminés par les épées de nos hommes. Etheler périt, les autres nobles furent tués ou capturés. Voyant cela de l'autre rive, le roi prit la fuite et s’en retourna au Schleswig. Le comte aussi se retira, devenu célèbre par sa victoire, ayant des prisonniers de marque dont la rançon allègerait pendant un certain temps ses dettes. Par la suite, il prit un soin extraordinaire de son pays. Car toutes les fois qu'il y avait une rumeur de mouvement quelconque de Danois ou de Slaves, il concentrait immédiatement une armée à un endroit stratégique — à Travemünde ou sur l'Eider. Et les masses des Holzatiens, Sturmariens, et des hommes des marches obéissaient à ses ordres. Maintenant, dans l'usage ordinaire des gens, où que recueillies, qui habitent une marche sont appelés « hommes des marches. » Dans le pays des Slaves, il y a un grand nombre de marches dont notre province de Wagrie n'est pas la moindre, possédant des hommes courageux et ayant pratiqué la guerre à la fois contre les Danois et les Slaves. Dans l'ensemble, le comte exerça sa propre autorité. Il rendit la justice parmi son peuple, régla des différends et racheta les opprimés des mains de ceux qui étaient plus forts. Il était particulièrement bien disposé envers le clergé, et qui ni en insulte ni en voie de fait ne fut l’objet de quiconque. D'autre part il fit beaucoup d'efforts pour maîtriser les rebelles Holzatiens, parce que ce peuple, peuple libre et obstiné, sauvage et insoumis, refusait le joug de la paix. Cependant, ils furent surmontés par la sagesse supérieure de cet homme et il leur montra la puissance de son esprit. De fait, il les attira à soi par toutes sortes d’enchantements, dis-je, jusqu'à ce qu'il les mène avec des rênes, comme des onagres domptés. Maintenant, qui veut regarder l'apparence modifiée de ce peuple, ces hommes qui avaient l’habitude de dissimuler leur visage avec des masques et de prendre en tendant des pièges, déchaînés de ce qu'ils ne pouvaient voler; on vit, dis-je, comment ils changèrent de mœurs car ils revinrent diriger leurs pas sur le chemin de la paix. N’est-ce pas un changement dû à la main du Très-Haut ? Plus tard, le comte se réconcilia avec Svein, le roi des Danois. Celui qui avait été heureux à de nombreuses batailles, Cnut, fut expulsé de sa terre et forcé de chercher refuge en exil chez les Saxons, à savoir chez l'archevêque Hartwig souvent nommé et qui, né d'une très grande famille, possédait une grande fortune. [1,68] LXVIII. Le duc Henri. En ces jours notre jeune duc épousa dame Clémence, fille du duc Conrad {Ier} de Zähringen, et commença à régner sur l'ensemble du pays des Slaves ; sa puissance s’accroissant progressivement de plus en plus. Chaque fois que les Slaves se heurtaient à lui, il approchait d’eux sa main martiale et ils lui donnaient tout ce qu'il avait choisi d’exiger, en échange de leur vie et de leur patrie. Toutefois, dans les nombreuses expéditions que le jeune homme exerça en Slavie, il ne fut fait nulle mention du christianisme mais plutôt d'argent. Les Slaves faisaient encore des sacrifices à leurs démons et non à Dieu, et ils continuaient à faire des incursions de pirates sur la terre des Danois. [1,69] LXIX. L’archevêque Hartwig. Lorsque le seigneur Hartwig, archevêque de Hambourg, vit que la paix était en Slavie, il résolut de rétablir les sièges épiscopaux que la fureur barbare y avait jadis détruits en Slavia, à savoir, Oldenburg, Ratzeburg et Mecklembourg. Parmi ceux-ci Otton le grand avait fondé le premier, Oldenburg, soumettant les Polabí et les Obodrites aux confins des Holzatiens jusqu'à la rivière Peene et la ville de Demmin ; et il nomma Marco premier évêque d’Oldenburg. Après lui, le second fut Egward ; le troisième, Wago, le quatrième Ezico ; le cinquième, Volkward, le sixième, Reginbert, le septième, Bernhard, le huitième Meinher, le neuvième Abelinus, le dixième, Ezzo. A son époque, se dressa dans l'église de Hambourg le grand Adalbert qui, parmi les évêques étrangers qu'il avait à son conseil d'administration, nomma Jean évêque de Mecklembourg, et Aristo, à Ratzeburg. De cette manière, le siège d’Oldenburg fut divisé en trois évêchés. Cependant, après que Dieu, à cause des péchés des hommes, eut permis au christianisme d’être balayé en Slavie, les sièges furent vacants pendant quatre-vingts quatre ans, jusqu'à l'époque de l'archevêque Hartwig. Et lui, distingué par un double principat en raison de la noblesse de sa famille, s'efforça avec beaucoup de zèle de récupérer comme suffragants les évêques de tout le Danemark, de la Norvège et de la Suède, que les archives de l'antiquité mentionnent comme ayant fait partie de l'église de Hambourg. Mais quand, avec obséquiosité et divers présents, sans s'occuper du Pape et du César, il se mit à redonner vie aux évêchés de Slavie qui avaient autrefois été détruits, afin qu'ils ne fussent pas tout à fait sans suffragants. C’est pourquoi, il appela le vénérable prêtre Vicelin et le consacra évêque du siège d’Oldenburg, bien qu’il fut d’un âge avancé et eut été trente ans dans le pays des Holzatiens. En outre, il consacra Emmehard pour Mecklenbourg. Tous deux furent consacrés à Harsefeld et envoyés dans le pays de la misère et de la faim où était le siège de Satan et le repaire de tout esprit impur. Tout cela fut fait sans consulter le duc et notre comte. Par conséquent, il arriva que l'amitié qui existait entre le seigneur et notre Vicelin fût ensuite perturbée, car celui-ci avait déjà vénéré Vicelin comme un père. Le comte prit toutes les dîmes de cette année-là, alors qu’elles devaient aller au nouvel évêque, et il n’en laissa aucune. Ensuite, l'évêque alla demander pardon au duc, et celui-ci le reçut avec honneur et avec respect, en lui disant : Tu mériterais, en effet, ô évêque, que je ne te rendisse pas ton salut, ni ne te reçusse, pour avoir pris ce titre sans mon consentement. Car j’aurais dû diriger cette question, et plus particulièrement dans {ce} pays que mes pères, par la grâce de Dieu, ont obtenu par la force des armes et qui m'a été transmis comme une possession héréditaire. Mais parce que ta sainteté est reconnue depuis longtemps par moi et que mes ancêtres t’ont depuis le début également estimé fidèle, j'ai décidé d'ignorer cette faute et de manifester ma bonne volonté complète à ta nomination, à une condition, à savoir, que tu sois prêt à recevoir de mes mains l’investiture épiscopale. De cette manière tes affaires pourront progresser. Cette proposition sembla difficile à l'évêque parce qu'elle était contraire à la coutume. Car l'investiture des évêques n’appartient qu’à la majesté impériale. Mais l'un des conseillers du duc, Henri de Witha, homme influent, chevaleresque et ami de l'évêque, lui dit : Fais ce qui t’avantage. Rapproche-toi de notre seigneur et agis selon sa volonté afin qu’on puisse bâtir des églises en Slavie et que le service de la maison de Dieu soit renouvelé dans tes mains. Sinon, tes travaux seront frustrés, car ni le César, ni l'archevêque ne pourront aider ta cause si mon seigneur s'y oppose, car Dieu lui a donné tout ce pays. Quelle chose considérable, en fait, mon seigneur te demande-t-il, est-ce illicite ou honteuse? Non, il s'agit plutôt d'une question facile, et propice à grand profit : mon maître doit prendre une brindille et la mettre entre tes mains comme signe d'investiture, afin que tu sois à l'avenir un intime du duc, honoré chez les gens que tu convertiras. L'évêque demanda, alors d’avoir le temps de réfléchir à ce sujet. Après avoir pris congé en paix, il alla à Bardowiek où, pris par une maladie mortelle, il resta pendant quelques jours. Il y fut pris d'une paralysie dont il souffrait à la fin de sa vie. Lorsque sa maladie fut un peu en suspens, on l’emmena dans un véhicule à Faldera et beaucoup de temps passa au cours duquel son infirmité l’empêcha de faire son devoir ecclésiastique. Sa maladie était très sérieuse en raison du poids des ans. Toutefois, lorsque Dieu lui donna force, il se rendit à Brême pour consulter l'archevêque et le clergé à cette condition que le duc lui avait imposé. Et ils commencèrent tous, d'une seule et même voix, à le contredire : Nous savons, en effet, ô vénérable évêque, que votre sainteté comprend très bien ce qui vous est utile dans cette affaire. Mais comme vous êtes venu pour obtenir nos conseils, nous allons brièvement exposer notre opinion. Dans cette affaire, il convient d'abord de considérer que l'investiture des évêques n’est accordée qu’à la dignité impériale, seule élevée et prééminente après Dieu parmi les enfants des hommes. Les empereurs n'ont pas acquis cet honneur sans une multiplicité d’offrandes. Les plus puissants d'entre eux n'ont pas pris cela à la légère d’être appelés les seigneurs des évêques, mais ils ont payé cette faiblesse des plus grands trésors du royaume. Plus abondamment enrichie, plus honorée par ces dons, l'Eglise ne considère ni misérable d'avoir cédé un peu à la sujétion, ni de rougir pour se plier devant celui par lequel elle peut diriger le plus grand nombre. Car est-il duc, margrave, prince dans le royaume, aussi puissant qu’on voudra, qui ne tende pas ses mains aux évêques, et s’il se voit récusé, ne se dépêche point mal à propos? Ils rivalisent dans leur empressement à devenir ordonné par des autorités suprêmes. Voulez-vous donner vos mains à ce duc afin que par un tel précédent ceux qui ont été les princes des princes deviennent leurs serviteurs? Cela n’est pas de votre âge, d’atteindre l’honneur et la dignité, si à cause de vous des abus apparaissent dans la maison du Seigneur. Loin de vous cette proposition ! Que faire si la colère du prince vous poursuit en plus de façon effrénée, n'est-il pas préférable de perdre ses biens que son honneur ? Laissez-le prendre les dîmes, s'il le désire, laissez-les vous empêcher d'entrer dans votre diocèse s'il lui plait. Ce désagrément sera tolérable. Vous disposez d’une maison à Faldera, dans laquelle vous pouvez, en attendant, vivre en sécurité et « attendre calmement en silence le salut de Dieu ». Ces arguments et d’autres semblables dissuadèrent Vicelin de se conformer à la volonté du duc. Cette décision mit évidemment des obstacles multiples dans la voie d’un nouveau foyer. Car chaque fois que notre évêque allait discuter avec le duc des affaires de l'Église, cette dernière se déclarait prête à tout ce qu’exigeait son avantage, à condition qu'il montrât d'abord l'honneur dû ; sinon le premier s'efforcerait vainement à contre-courant de la rivière. L'humble évêque aurait pu facilement consentir aux désirs du duc pour l'honneur du monde et le bien de l'avantage de l'église, si l'archevêque et les autres à Brême n'étaient pas restés dans cette voie. Ces hommes, vaniteux et vautrés dans les richesses d'une église adulte, imaginaient que leur dignité serait compromise par la présente loi; ils ne se souciaient pas tant non plus des résultats que du nombre de sièges de suffragants. Et cela fut particulièrement évident du fait que l'archevêque fit à notre évêque de nombreux torts concernant les biens de l'église à Faldera, les séparant et les divisant, ne laissant pas notre évêque tranquille à l'endroit où lui-même s'était nommé. Ainsi, on vit un homme autrefois d'un grand renom, détenteur de la liberté et maître de lui-même, après avoir accepté la charge épiscopale, entortillé par les liens et suppliant envers tous. En effet, homme d’une paix personnelle qui lui donnait espoir, il se détourna de la voie de la sagesse car en vérité il ne pouvait leur répandre en abondance les bienfaits de l'Eglise. Vicelin fit, par conséquent, ce que les circonstances lui permettaient : il rendit visite aux églises de son diocèse, donnant aux congrégations des avertissements salutaires, leur offrant la spiritualité en conformité avec les devoirs de sa fonction, bien que lui-même ne récolta pas leurs présents temporels. Le comte, en effet, s’appropriait les droits de la dîme. On consacra à cette époque un oratoire à Cuzelina, appelé Högersdorf, et l'église de Bornhöved fut ensuite également consacrée. L'évêque, en outre, vint à la ville nouvelle appelée Lübeck pour réconforter ceux qui y habitaient, et il consacra un autel au seigneur Dieu. De là, il alla à Oldenburg, où il y avait eu autrefois un siège épiscopal, et les habitants barbares de ce pays, dont le dieu était Prove, le reçurent. Le nom du flamine qui présidait à leur superstition était Mike. Le prince de ce pays s’appelait Rochel, il était de la graine de Kruto, éminent idolâtre et pirate. L'évêque de Dieu commença, par conséquent, à déclarer aux barbares la voie de la vérité, i.e. le Christ, les exhortant à renoncer à leurs idoles et à s'empresser de procéder au baptême de la régénération {spirituelle}. Mais peu de Slaves rejoignirent la foi parce que leur lassitude était extrême, et les cœurs des princes n'étaient pas enclins à brider le cœur des rebelles. L'évêque, cependant, donna de l'argent aux charpentiers pour ériger un sanctuaire, et un bâtiment fut commencé près du mur de la vieille forteresse, où toute la campagne était habituée à se rassembler au marché le jour du Seigneur. [1,70] LXX. Le comte Adolphe. A cette époque, le duc rassembla une armée pour aller en Bavière et réclamer le duché que son beau-père Henri, frère du roi Conrad, avait détenu. Notre seigneur l'évêque, par conséquent, va le voir à Lüneburg en demandant comme de coutume, de favoriser son évêché. Le duc répondit: « Je le ferai, dit-il, si vous avez du respect pour nous. » Et l'évêque lui répondit: « Je suis prêt à me reconnaître comme l'un de vos vassaux pour l'amour de Celui qui s'est humilié pour nous, à plus forte raison pour vous, à qui Dieu a donné une si grande magnanimité parmi les princes, en raison aussi bien de votre naissance que de votre pouvoir ». Après avoir prononcé ces paroles, il fit ce que la nécessité lui commandait et reçut des mains du duc l’investiture de son diocèse par la remise de la crosse. Le duc, maintenant bien mieux disposé, dit: Comme nous voyons que vous obéissez à notre volonté, nous devons aussi montrer le respect dû à votre sainteté et à l'avenir examiner plus favorablement vos suppliques. Mais comme nous sommes maintenant sur le point de partir pour notre marche et que le règlement de votre cause exige un peu plus de temps, nous vous donnons en attendant le village de Bosau, que vous avez demandé, et sa dépendance, Dulzaniza, afin que vous puissiez construire vous-même une maison au milieu de votre terre et puissiez attendre notre retour. Car alors, avec l'aide de Dieu, nous donnerons davantage d'attention au règlement de vos affaires. Quand il demanda au comte Adolphe d’approuver ce don, le comte lui répondit : Puisque mon seigneur est enclin à la piété, nous devons concourir à sa volonté et le soutenir, selon notre pouvoir. La propriété, donc, que mon seigneur a accordé à l'évêque, je la lui attribue également. En outre, je concède un fragment de la dîme pour le bien de l'évêque, et non comme une obligation, mais par égard pour vous, parce que les affaires épiscopales n'ont pas encore été réglées. Le duc a ensuite confia la garde de la terre des Slaves et des Nordalbingiens à notre comte et après avoir réglé ses affaires en Saxe, il partit avec ses chevaliers pour récupérer le duché de Bavière. La duchesse, dame Clementia, cependant, resta à Lüneburg, et le comte fut le plus distingué dans la maison du duc, très consciencieux aux attentes de la duchesse, et un père au conseil. Les princes des Slaves voyant cela le respectaient, mais encore plus les rois des Danois qui, opprimés par une guerre intestine, se disputaient en venant devant lui avec des présents. Knut, qui, après sa fuite vivait en exil chez l’archevêque, retourna au Danemark avec une armée de mercenaires soulevée en Saxe, et presque tous ceux qui habitaient le Jutland le rejoignirent. Apprenant cette invasion, Svein rassembla une force navale, traversa la mer, et vint à la ville de Viborg, où les rois se battaient. L'armée des Saxons fut défaite et totalement anéantie. Knut s’échappa par la fuite et vint en Saxe. Quelque temps après, il retourna au Danemark, et les Frisons qui habitent le Jutland l’accueillirent. Svein arriva, le combattit et le contraignit, totalement vaincu, à fuir chez les Saxons. Notre comte se lia d'amitié avec lui lors de ses fréquents voyages à travers les territoires des Holzatiens, lui offrant un sauf-conduit et d’autres fonctions de culture. Svein régna au Danemark avec une extrême tyrannie, toujours favorisé par de splendides victoires. Il était moins à même de faire face à la fureur des Slaves à cause de cet imbroglio de guerres intestines. Néanmoins, on dit qu’à un moment, il réussit à les battre en Zélande lors d’un très grand massacre. [1,71] LXXI. Niclot. En l’absence du duc, Niclot, prince de la terre des Obodrites, arriva chez la duchesse, dame Clementia, à Lüneburg ; en sa présence et celle des amis du duc il se plaignit des Kicini et des Circipani qui peu à peu devenaient insubordonnés et refusaient le paiement des tributs coutumiers. On donna ordre au Comte Adolphe, aux Holzatiens et aux Strurmariens d'aider Niclot à mettre fin à la rébellion des insoumis. Ainsi, le comte partit avec deux mille hommes d'élite et plus. Niclot réunit aussi une armée d’Obodrites et, ensemble, ils envahirent le pays des Kicini et des Circipani, et ils traversèrent le pays ennemi, détruisant tout par le fer et par le feu. Ils détruisirent aussi un lieu consacré très célèbre pour ses idoles et tous ses rites superstitieux. Quand les barbares virent qu’ils n’avaient pas la force de résister, ils se rançonnèrent en payant une énorme somme d'argent, réglant également les arriérés des impôts de façon excessive. Puis Niclot, réjoui de cette victoire, se confondit en remerciements pour le comte et l'accompagna sur le chemin du retour aux frontières de son territoire, portant la plus grande attention à son armée. A partir de ce jour l'amitié entre le comte et Niclot fut scellée, et à Lübeck ou Travemünde ils eurent de fréquents entretiens relatifs à l'amélioration de leurs terres respectives. La paix régnait au pays des Wagiri, et par la grâce de Dieu, la nouvelle plantation fit des progrès graduels. Le marché de Lübeck se développa aussi de jour en jour, et les navires de ses marchands se multiplièrent. Le seigneur évêque Vicelin commença à vivre sur une île appelée Bosau, et il habitait sous un hêtre jusqu'à ce que des huttes furent érigées dans lesquelles on pourrait rester. Il commença, en outre, à construire une église au nom du Seigneur et en commémoration de Saint-Pierre, prince des apôtres. L’évêque se fournissait à Cuzelina et à Faldera pour le mobilier de la maison et les outils nécessaires à la culture des champs. Mais les débuts de l'évêché furent très modestes car le comte, excellent à d'autres égards, ne fut que modérément bienveillant envers l'évêque. [1,72] LXXII. Le roi Conrad. Tandis que ces choses se passaient dans la province des Slaves, notre duc resta en Souabe inefficace menaçant son beau-père d’une guerre. {Car} ce dernier était aidé par son frère, le roi, qui déclara qu’il n'était pas conforme pour un quelconque prince de détenir deux duchés. Lorsque le margrave Albert et de très nombreux autres princes entendirent que notre duc n'avait pas du tout réussi et qu'il était, pour ainsi dire, cerné par ses ennemis, ils envoyèrent dire au roi d’emmener à toute vitesse une armée en Saxe pour assiéger-Brunswick et pour dominer les amis du duc. Le roi, par conséquent, plaça dans toute la Souabe des gardes pour que le duc ne puisse pas avoir l'occasion de s'échapper, et lui-même partit pour Goslar afin de prendre Brunswick et tous les bastions de duc. Mais la sainte fête de Noël était à portée de main. Comme le duc comprit la machination sordide du roi et que sa retraite de Souabe était coupée, il annonça à tous ses amis, à la fois libres et serviteurs, de se réunir dans une certaine forteresse pour célébrer avec lui le jour solennel. Il envoya un tel avis très loin et cria dans les oreilles des gens du commun. Mais il prit lui-même trois de ses plus fidèles hommes, changea de vêtements un soir, et, se glissant hors de la forteresse, prit la route pendant la nuit, passant directement à travers les embûches de ses ennemis, et arrivant enfin le cinquième jour à Brunswick. Ses amis, qui avaient jusque-là été surmontés par la tristesse, récupérèrent une confiance inespérée. Le camp du roi était près de Brunswick, dans un endroit appelé Heiningen. Un scout vint alors dire au roi que le duc avait été vu à Brunswick. Après avoir étudié ce rapport de manière plus approfondie, le roi dissimula son avance et retourna à Goslar. Et donc tous ses plans entrepris, se réduisirent maintenant à néant. Le duc lui-même se garda bien de tomber dans les pièges tendus par les princes contre sa vie et il garda le duché de Saxe, devenant de plus en plus puissant de jour en jour. Cependant, il ne put obtenir le duché de Bavière, pendant tout le temps où vécut le roi Conrad. Quand le roi mourut peu de temps après, son neveu Frédéric, lui succéda au trône. Car le roi Conrad avait plusieurs frères dont les principaux étaient Henri, duc de Bavière, et Frédéric, duc de Souabe, dont le fils, du même nom, fut placé sur le trône. Frédéric, premier roi de ce nom, commença à régner en l'année du Verbe incarné 1151. Son trône s’éleva au-dessus du trône des rois qui l’avaient précédé pendant longtemps; et il grandit en sagesse et en force au-dessus de tous les habitants de la terre. Notre duc perdit sa mère. [1,73] LXXIII. Le passage du prévôt Thietmar. Vers cette époque, le comte Hermann, homme puissant et très riche, fut assassiné dans le fief de Winzenburg, et une controverse surgit entre notre duc et le margrave Albert sur ses châteaux et ses biens. Pour les apaiser, le roi appela une diète à Merseburg, ville de Saxe, et ordonna formellement aux princes d’y assister. Il envoya également une ambassade, appelant les rois Danois en guerre pour décider simplement d’un arbitrage entre eux. Knut, qui, comme cela a été indiqué ci-dessus, vint une troisième fois du Danemark, à l’appel de notre duc, demandant d’être jugé digne d'obtenir son sauf-conduit et son aide alimentaire. L'archevêque, à son tour, escorta le roi Svein ayant le seigneur évêque Vicelin parmi les nombreux hommes religieux distingués de sa suite. Cette diète fut célébrée à Merseburg, où les princes des Danois se réconcilièrent. Svein fut couronné roi, les autres se soumirent à lui comme vassaux. Le différend qui existait entre le duc et la margrave, cependant, ne put être apaisé, parce que ces fiers princes tenaient en peu d'estime les avertissements d'un roi si jeune encore. Non pour le bien de l'Eglise, mais respirant la haine pour le duc, l'archevêque exhorta également l'évêque Vicelin à obtenir l'investiture des mains du roi. Vicelin ne consentit pas, cependant, parce qu'il était certain que la colère du duc irait en croissant sur une terre où seule l'autorité du duc était reconnue. Lorsque la diète fut ajournée l’évêque Vicelin retourna dans son diocèse et constata que le plus saint homme Thietmar avait été ôté de la vie présente. Ceci rendit naturellement l'évêque très triste. Car Thietmar était un homme très cordial qui avait toujours eu le respect de chacun ; à son époque personne ne semblait pouvoir l’égaler. Je dois maintenant raconter brièvement et sommairement les faits de sa vie. Révélé à sa sainte mère avant la conception, il fut consacré au ministère de l'autel à son berceau. Il fut assigné à un bon maître et continua avec le meilleur spécialiste dans sa discipline pendant les années de son adolescence. Comme son élève à Brême et son compagnon en France, il portait le joug de son maître avec patience selon la parole de Jérémie: « Il est bon pour un homme de porter le joug dans sa jeunesse. » Lorsque le seigneur Vicelin partit en Slavia après être revenu {de France}, Thietmar, privé, pour ainsi dire, de son précepteur, fut laissé à soi-même. Comment, alors, dirigea-t-il les écoles de Brême, de quelle façon il se comporta dans le diaconat, ceux de Brême peuvent le dire. Il suffit ici de rappeler qu’à son départ, Brême se plaignit que la lumière de son église s’en allait. Quand donc, en raison de son désir d'une vie meilleure, il fut envoyé à Faldera, il apporta un grand bonheur au seigneur Vicelin par sa présence. Les visages de tous ceux qui étaient détenus dans ce coin de « solitude aux effroyables hurlements » changèrent également à la venue d’un hôte si remarquable. Quand, après quelques années, Dieu élargit les frontières de l'Eglise, Thietmar fut envoyé à Cuzelina, aussi appelée Högersdorf, et il fournit un grand réconfort aux habitants de la nouvelle colonie. Pour aider les prisonniers et ceux qui avaient été spoliés, il venait avec une telle compassion que les largesses de son don semblaient dépasser les ressources d'une maison qui était encore peu développée. Pendant qu'il priait ou lisait, ses oreilles étaient toujours en éveil, à l'écoute d’un nécessiteux venant frapper à la porte et mendiant. Le comte Adolphe le craignait parce qu'il lui reprochait ses défauts et ne l’épargnait pas pour ses faiblesses. Le vénérable prêtre était fort occupé à adoucir, par un traitement émollient, le cœur dur que le comte montrait envers l’évêque, mais la maladie profonde défiait tous les remèdes. Néanmoins, le comte l’entendit et il fit beaucoup, car il savait que Thietmar était un homme juste et saint. Après avoir passé dix ans dans ce pays, Thietmar tomba malade, alors que, en vérité, l'évêque était absent et occupé à Merseburg. Comme les frères, se tenaient autour de son lit, essayant de renouveler pour le malade l'espoir de retrouver sa santé, il s'y opposa fermement, en disant : Ne me promettez pas encore, chers frères, une vie plus longue que la présente. Ne harcelez pas mon âme avec des mots de ce style, cherchant à revenir fatigué de son pèlerinage. Voici dix ans passés où j'ai prié que ma vie se déroule selon les vœux de cette profession. Et j'ai été entendu ; maintenant enfin, il est temps de prier pour le repos de mes travaux. Et j'ai confiance en la bonté accoutumée de Dieu que ma prière ne sera pas vaine. Les angoisses de son corps maintenant augmentèrent, mais la vigueur de l'homme intérieur ne diminuait pas tandis que son corps partait. En lui s’accomplit le verbe de Salomon : « l’amour est fort comme la mort » ; les flots et les vents ne peuvent l’éteindre. En lui, mourant, vivait la charité qui, dans son corps usé renouvelait ses dons ; offrant à ses frères consolation dans la douleur, conseil dans le doute, édifiant leurs mœurs ; imprimant de manière indélébile dans le cœur de ses amis, les derniers mots de son adieu. Mais n'oubliant pas son père bien aimé, Vicelin, il pria avec ferveur que sa voie soit dirigée par Dieu, déclarant à plusieurs reprises sa gratitude du fait que grâce à Vicelin la voie du salut et l'espoir du royaume lui avaient été ouverts. Avec une sollicitude fraternelle vinrent aussi voir cet homme malade Eppo, prieur de l'église de Faldera, et Bruno, prêtre, et après la confession ils lui administrèrent l’extrême onction. Quand il l’eut respectueusement reçu et se fut en outre fortifié en prenant le corps vivifiant du Seigneur, il persévéra dans son action de grâces. En prière, il surveilla ensuite la nuit où se produisait la veille de la Pentecôte, le seizième des calendes de Juin. Il appela les anges en suppliant, il implora l'intercession de tous les saints, et lors que son âme s'en allait, sa langue tint encore prière et louange. Oh, très digne prêtre, ô âme la plus agréable à Dieu! Heureux l'appellerais-je sur sa voie, mais plus heureux d'atteindre son but. Après une très courte période de labeur, cela méritait la gloire éternelle de Dieu, saint et souvenir affectueux parmi les hommes. [1,74] LXXIV. Son enterrement. Frère Luthbert, qui avait laissé la chevalerie de ce monde pour le service de Dieu et qui, avec le serviteur de Dieu Thietmar, prenait soin des pauvres qui étaient dans l'hospice, avait prévu longtemps à l’avance le décès de ce vénérable prêtre. Visitant Faldera à un moment, il était triste plus qu’à l’accoutumé et même larmoyant. Lorsqu'on lui demanda la raison de sa tristesse, il répondit qu'il avait raison de se désoler d’être bientôt privé de la présence d'un père très aimant. En outre, il reconnut qu'il avait été divinement informé de ces choses, non pas dans son sommeil, mais éveillé. La mort subite du prêtre se produisit peu de temps après cette prophétie. Les frères, aussi, qu'une affection profonde envers Thietmar avait conduit aux larmes, se ressaisirent, devinrent plein d'espoir, et consolèrent leur l'esprit car ils se souvenaient de la prophétie. Toutefois, lorsque la mort de Thietmar fut annoncée à Faldera, ils envoyèrent immédiatement des messagers pour faire venir le corps parce qu'il l’avait très sérieusement demandé alors qu'il se mourait. Néanmoins, les vénérables frères, Théodoric, Ludolf, Luthbert, et d'autres qui vivaient là ne purent d’aucune manière être convaincus. Ils déclarèrent plutôt vouloir tous mourir que d'être privé de ces reliques élues, qui seraient la fois un honneur et un réconfort pour l'église nouvellement instituée de Wagria. Lorsque les fidèles, alors, vinrent ensemble de Segeberg et des villages voisins, le saint corps fut rendu à la terre avec beaucoup de lamentations de la part des pauvres qui pleuraient son abandon. Que Dieu soit magnifié par ses saints ! Dieu fit de cet homme avec Lui-même un prêtre digne et l’appela à un accomplissement heureux. Pour vous aussi, ô pères de la république de Lübeck, les bénédictions du Seigneur viendront plus abondamment si vous honorez dignement un tel homme et le placez au premier rang de ceux qui ont œuvré pour faire émerger votre église de ses ruines jusqu’à de nouvelles hauteurs [1,75] LXXV. La maladie de l’évêque Vicelin. L’évêque Vicelin s’en revint de la diète de Merseburg après la mort du noble prêtre Thietmar. Ses efforts avaient été vains en raison de la futilité des princes, car le seigneur archevêque et le duc, entre les mains desquels reposait la direction suprême des affaires de ce pays, enchaînés par la haine et l'envie, ne pouvaient produire de fruits agréables à Dieu. Ils se querellaient les uns les autres : à qui appartenait la terre ou le pouvoir d’instituer les évêques, et veillaient scrupuleusement à ce que l'un d'eux ne fasse pas céder l’autre. Même le comte Adolphe, bien disposé dans de nombreux cas, ne se sentait pas entièrement concerné par les préoccupations épiscopales. Le chagrin profond de la mort du seigneur Thietmar fut pour notre évêque un malheur supplémentaire. Eût-il toujours été en vie que toutes ces contraintes lui auraient parues plus tolérables. Jour après jour, par conséquent, l'évêque fur en proie à la lassitude de l'esprit. Il cherchait quelqu'un pour avoir pitié, mais il n'y avait personne. Quelques jours après son retour de la diète, Vicelin vint à Bosau où il avait commencé à construire une maison et une église, et il prêcha la parole du salut pour les personnes qui s’étaient réunies. Les villages environnants se peuplaient déjà peu à peu des disciples du Christ, mais avec une grande peur à cause des attaques de brigands, car la forteresse de Plon n'avait pas encore été reconstruite. Quand donc il eut fini de célébrer les mystères sacrés et d’offrir le suprême sacrifice à Dieu, l'évêque se prosterna à terre devant l'autel du Seigneur, implorant Dieu le tout-puissant qu'Il augmentât Son culte à cet endroit ainsi que dans toute la Slavie. Dans ses discours d'exhortation aux immigrants, il prédit plusieurs fois que le culte de la maison de Dieu serait prochainement exalté en Slavie. Il les exhorta à ne pas perdre courage, mais à avoir la patience dans l'espoir de choses meilleures. Il fit ses adieux, puis, au vénérable prêtre Bruno et aux autres qu'il avait chargé de ce lieu et, renforçant leurs mains dans le Seigneur, s’en retourna à Faldera. Sept jours plus tard, il y était frappé par la verge de Dieu et si affligé de paralysie d'une main et d’un pied, en fait, tout son côté droit était engourdi et, ce qui était le plus pitoyable de tous, il fut privé de l'usage de la parole. Tous ceux qui le virent furent choqués — un homme d'une éloquence incomparable, un grand professeur abondant dans le don de la sainte exhortation et dans la défense de la vérité, soudain volé de l’usage de la parole et de ses membres, mutilé dans tous ses membres. Quelle confusion alors dans l’opinions des gens, que de propos inconsidérés des nombreux clercs nominaux ; je n'aime pas rappeler cela, et encore moins l’exprimer en paroles. Ils disaient que Dieu l'avait abandonné, et ils n’envisagèrent pas la parole biblique : « Heureux est l'homme que Dieu affligera ». Inextinguible, cependant, fut la douleur et le chagrin de tous ceux qui étaient à Faldera et à Cuzelina, en particulier de ceux qui étaient venus en premier lieu avec lui dans ces régions et qui avaient vieilli avec lui sous le poids des ans et de la chaleur. Ce fut inefficace, néanmoins, les cieux, en vérité, lui procurèrent de meilleures choses et il s’approcha du salut. Car « s'en aller et être avec le Christ... est bien préférable. » Il passa deux ans et demi dans son lit de malade, resta assis ou couché. Cependant, les frères s’occupèrent de lui avec des soins empressés, lui fournissant l’aide pour répondre aux besoins de son organisme et le portant dans l'église. Car il ne fut jamais absent des solennités de la messe ou de la communion, sauf quand sa maladie, devenue trop sévère, l’en empêcha. Il priait Dieu avec de tels soupirs et pleurait de son cœur intérieur que ceux qui le regardaient maîtrisassent leurs larmes avec difficulté. A cette époque, le vénérable Eppo, prieur de l'endroit, homme de grand mérite dans le Christ, dirigeait la maison. Le seigneur Ludolf — je veux dire celui qui avait, il fut un temps, enduré de nombreux travaux à Lübeck pour la cause de l'Evangile du Christ — dirigeait Cuzelina et les églises qui étaient en Wagrie. L’évêque lui avait confié l’intendance de Cuzelina quand il était encore en bonne santé. [1,76] LXXVI. {Le marché de Lübeck}. Un jour, le duc s’adressa au comte : "On nous a dit, il y a quelque temps, que notre ville, Bardowiek, souffre d'une forte diminution de citoyens en raison du marché de Lübeck, parce que tous les marchands s’en retirent. Ceux qui sont à Lüneburg se plaignent aussi que nos salines sont ruinées à cause des salines que vous avez démarrées à Oldesloe. Nous vous demandons donc de nous donner une partie de votre cité de Lübeck et des salines afin que nous puissions plus facilement redresser la désolation de notre ville. Sinon, nous allons ordonner à l'avenir qu' aucun commerce se fasse à Lübeck. Il nous est insupportable de permettre à l'héritage de nos pères d’être amoindri par un autre avantage". Lorsque le comte refusa, considérant un accord de ce genre comme inconsidéré lui-même, le duc ordonna qu’à l'avenir, il n’y eut plus de marché à Lübeck, et qu’il n’y ait ni achat ni vente de n’importe quoi, excepté ce qui constituait les denrées alimentaires. Il exigea que la marchandise soit portée à Bardowiek pour la réhabilitation de sa ville. En même temps, il fit également boucher les sources de sel d’Oldesloe. Cette exigence fut une offense pour notre comte, pour le pays Wagrien et s'avéra un obstacle à son progrès. [1,77] LXXVII. L’évêque Evermod. Ce fait, semble-t-il, ne doit pas être passé au-dessus que, comme Dieu agrandit les frontières de l'Église, le Seigneur Evermod, prévôt de Magdebourg, fut nommé évêque de Ratzeburg et Henri, comte des Polabes, lui donna une île près de la forteresse pour y résider. En outre, le comte céda trois cents peaux devant être accordées par le duc en dotation à l'évêché. Il attribua également à l'évêque la dîme de la terre, dont, cependant, il reprit une partie en bénéfice et devint le vassal de l'évêque. De cet arrangement furent exclues les trois cents peaux qui, avec tout ce qui leur appartenait, étaient de l'évêque eu l'égard tant à leurs produits qu’à leurs dîmes. Le seigneur Ludolf, prévôt de Cuzelina, était à portée de main de ceux-ci lorsque ces questions furent organisées, et il dit au comte en la présence de notre Comte Adolphe: « Parce que le comte de la terre des Polabes commence à favoriser son évêque, il serait bon que notre comte ne fasse pas moins de son côté. Même de plus grandes choses sont à attendre de lui dans la mesure où c’est un homme lettré et connaisseur des choses agréables à Dieu ». Alors notre comte, faisant comme le comte du Polabí, renonça à trois cents peaux de son bien, et ces pièces furent présentées aux mains du duc comme une dotation au siège épiscopal d’Oldenburg. [1,78] LXXVIII. La mort de Vicelin. Après cela, notre duc se rendit en Italie avec le roi pour son couronnement comme empereur. Tandis que le duc était absent, la maladie de l’évêque Vicelin empira, et son dernier jour fut venu. Il mourut le deuxième des Ides de Décembre de l'année du Verbe incarné 1154. Il avait occupé l'épiscopat pendant cinq années de et neuf semaines. Son corps fut enseveli dans l'église de Faldera en présence du seigneur évêque de de Ratzeburg qui célébra la messe. La mémoire du bon père de famille fut très assidûment cultivée tant à Faldera qu’à Cuzelina, et les procurateurs reçurent des directives sur ce qui était chaque jour à donner en aumône pour le profit de son âme. A Cuzelina, cependant, un certain prêtre nommé Volkward avait la charge de la table. Il était venu à Faldera au commencement avec le seigneur Vicelin et était assidu dans les sujets d’affaires. Comme il était plus mesquin que nécessaire, il négligea de distribuer les aumônes prévues pour l'âme du bon berger. Ainsi le vénérable évêque, vêtu en costume sacerdotal, apparut à une femme vivant dans le district de Segeberg et lui dit : « Va, et dis au prêtre Volkward qu'il s’occupe de moi sans conscience en refusant ce que le dévouement des frères a défini pour le bien de mon âme. La femme lui dit : « Qui, Seigneur, vous a donné la vie et de la parole ? Le rapport que vous fûtes pendant plusieurs jours, même pendant des années, privé de la parole et que vous êtes finalement aussi mort ne s’est-il pas propagé au loin? Comment est-ce maintenant ? » La réconfortant par son allure amicale, il dit: « C’est comme vous le dites, mais j'ai maintenant retrouvé ces facultés de façon plus parfaite. Dites au prêtre indiqué, donc, qu'il améliore rapidement ce qu'il m’a pris ; bien plus, ajoutez cela, qu'il dise neuf messes pour moi. » Et sur ces mots, il disparut. Lorsque ces faits furent relatés au prêtre, il s’en alla à Faldera afin d’obtenir des avis sur cette injonction. Interrogé, il {Volkward} confessa sa faute en accord avec la déclaration de l'homme de Dieu et il promit l’amélioration. Comme pour les neuf messes que le prêtre devait célébrer pour l'évêque, nous avons élaboré diverses interprétations, mais la vérité demeura cachée. Le problème soulevé, cependant, révéla bientôt sa signification cachée. Comme cet aumônier survécut à l'évêque de neuf semaines, il fut évident que par « Messes », on avait voulu dire « semaines ». [1,79] LXXIX. Comment Vicelin rendit la vue à une aveugle. La piété nous force aussi au souvenir du fait que le célèbre Eppo qui, à cause de la sainteté de sa vie était très intime avec l'évêque, s’attrista inconsolablement au décès du défunt père. Comme ce deuil dura plusieurs jours, l'évêque que j'ai souvent évoqué apparut dans son sommeil à une certaine vierge pure et simple et dit: « Dites à notre frère Eppo, qu'il doit arrêter de pleurer, parce que je suis bien et je suis attristé de ses lamentations ; car voici, je porte ses larmes sur mes vêtements. « En disant cela, il lui montra son vêtement blanc éblouissant tout mouillé de larmes. Que dois-je dire à propos de celui, si connu de nous, dont je supprime le nom? Car je suis d'avis que, depuis qu'il vit encore et habite à Faldera il ne veut pas être reconnu. Cet homme entendit l'évêque dire dans une vision, même pas trente jours après sa mort, qu'un lieu de repos lui avait été donné aux côtés du très célèbre Bernard de Clairvaux. Quand cet homme dit à l'évêque : « Etiez-vous en repos », ce dernier répondit : « Je le suis par la grâce de Dieu. En effet, bien que vous me croyiez mort, pourtant je vis et j’ai vécu depuis ». Le pieux lecteur sera vraiment heureux et revigoré par ce récit d’un événement de plus dont le témoignage d'un grand nombre prouve qu’il fut fait à la louange de Dieu et à l’éloge de notre évêque. Il y avait dans la paroisse de Faldera, au village appelé Harrie, une certaine dame nommée Adelburga que l'évêque tenait en très haute estime pour sa vie simple. Lorsque plus tard, elle perdit la vue, le vénérable père venait la consoler souvent, l’exhortant à supporter avec patience la verge du Père et à ne pas faillir aux tribulations, lui promettant, en outre, que ses yeux avaient été mis de côté pour elle au ciel. À peine un an s'était-il écoulé après la mort de l'évêque quand cette femme le vit, dans une vision nocturne, debout à côté d'elle, et l’entendit s'enquérir avec sollicitude de son état de santé. Elle lui répondit : « Qu'est-ce que ma santé, moi qui suis dans l'obscurité et ne voit pas la lumière ? Où sont, seigneur, vos réconforts ? Tu disais que mes yeux avaient été mis de côté au ciel. Mais je traîne cette affliction et ma cécité perdure interminablement. » « Aies confiance », dit-il, « en la grâce de notre Dieu". Et directement, il étendit sa main droite et appuya l’adorable signe de croix sur les yeux et la bénit. Alors, quand le jour se leva, la femme, en s'éveillant, discerna que par la bienfaisance de Dieu, l'obscurité de sa cécité et de la nuit avaient été dissipées. Ensuite, sautant de son lit, la femme se prosterna à terre, pleurant dans l'action de grâce. Elle laissa son guide et dirigea ses propres pas vers l’église, donnant à tous, connaissances et amis, un beau spectacle de sa vue. Ensuite, elle fit de ses propres mains un cercueil pour couvrir le tombeau de l'évêque, en témoignage et en signe de sa vision restaurée De nombreux autres signes de cet homme sont louables et méritent d'être mentionnés dans l’œuvre de Dieu, mais ils « ne sont pas écrits dans ce livre ». Réjouis-toi, alors, Faldera, distinguée par Un noble prélat. Conserve ses os dans Ta crypte et garde ses vertus dans ton cœur. Vous, aussi, qui êtes assis à l’architriclinium de l'église de Lübeck, suivez cet homme — un homme, dis-je, que je vous présente aujourd'hui en franc parler, assurément simple dans ce cas, parce que vrai. Car vous ne pouvez pas ignorer totalement celui qui dans votre nouvelle cité a d'abord posé une pierre « pour un pilier, et versa de l'huile en haut ». [1,80] LXXX. Gérold, évêque d’Oldenburg. Après la mort de l’évêque Vicelin, les frères de Faldera ne voulurent plus dépendre de l'évêché d’Oldenburg, par aversion pour son œuvre ; ils élurent pour eux-mêmes comme prévôt le seigneur Eppo, un saint homme. Le choix d'un évêque, cependant, fut réservé au seigneur duc. Il y avait à cette époque un certain prêtre, nommé Gérold, né souabe de parents d’une classe honnête. Il était aumônier du duc et était si bien versé dans la connaissance des Saintes Écritures que personne en Saxe semblait être son égal; un grand esprit dans un corps insignifiant. Il était maître d'école à Brunswick, chanoine de cette ville et, en raison de la continence de sa vie, intime du prince. Car, outre sa pureté de cœur connue de Dieu, on considérait son corps comme le plus chaste. Gérold envisagea de prendre l'habit monastique dans un endroit appelé Riddagshausen sous l'obédience de l'abbé Conrad, avec lequel il était frère par le sang et l'amour. Il resta à la cour du duc plus en corps qu’en esprit. Lorsque donc, les nouvelles générales furent que l'évêque Vicelin était mort, la dame duchesse dit au prêtre Gérold : « Si vous avez décidé de servir Dieu par une vie austère, rendez-vous utile et faites un travail méritoire Allez en Slavie et continuez l'œuvre à laquelle l'évêque Vicelin s’est consacrée. Ce faisant, vous en bénéficierez à la fois vous et les autres. Chaque bonne action est meilleure si elle est effectuée pour le bien commun ». La dame en conséquence convoqua par lettre Ludolf, prévôt de Cuzelina, et avec lui a envoyé le prêtre, qu’elle recommandait en Wagrie d'être élu à l'évêché. La proposition du prince fut approuvée par une élection unanime de la part du clergé et des congrégations. L'évêque qui devait consacrer cette élection se trouvait alors ailleurs. Car, depuis qu'il était hostile au duc dès le début, il guettait le moment de meurtrir son talon, d’autant plus que le duc était absorbé dans l'expédition italienne ; et les bastions de l'évêque, Stade, Bremervörde, Harburg, et Fribourg, furent fortifiés contre lui. A cette époque, les princes de Saxe orientale et quelques-uns de Bavière convinrent d'une conférence pour former un complot, comme on l’a dit, et l'archevêque, qui avait été invité, les rencontra dans la forêt de Bohême. Comme il hâtait son retour, les soldats du duc lui interdirent de revenir à son diocèse et il en resta exclu presque toute une année dans l'est de la Saxe. Par conséquent, notre évêque élu, alla le chercher en Saxe, où il trouva celui qu'il cherchait à Merseburg, se préparant à donner l'évêché d’Oldenburg à un autre : il décida de confier cet honneur à un prévôt pour ces gens qui méritaient bien de lui, en faisant grand cas, mais vantant les richesses superflues de cet évêché. Quand il fut informé, par conséquent, de la venue du seigneur Gérold, il fut beaucoup plus inquiet et envisagea d'invalider l'élection sous prétexte qu'une jeune église qui manquait déjà de clercs, pour ainsi dire, ne pouvait ni élire ni décider d’un quelconque sujet sans sa permission. Mais nos gens firent valoir que l'acte de l'élection était valide, ce que la proposition du prince, l'unanimité du clergé, et la qualité de l’élu avait confirmé. Puis l'archevêque déclara: « Ce n'est ni le moment ni le lieu de discuter de ces choses, quand je reviens, le chapitre de Brême fixera ce cas correctement. » Par conséquent, l'évêque-élu voyant que l'archevêque était contre lui, il renvoya le prévôt Ludolf et ceux qui étaient venus avec lui en Wagrie. Lui, cependant, se ceignit et partit pour la Souabe pour informer le duc par un messager personnel de sa situation. Le duc lui renvoya un mot lui disant de venir aussi vite que possible en Lombardie, comme s'il devait discuter avec lui à Rome. Quand il quitta la Souabe, obéissant à ces ordres, il fut agressé par des voleurs, dépouillé de son argent de voyage, et grièvement blessé au front par une épée. Ces malheurs ne découragèrent pas cet homme à l'âme ardente de continuer le voyage qu'il avait commencé et, quand il arriva à Tortona, où se trouvait le campement du roi, il fut aimablement reçu. A cette époque, le roi et tous les princes attaquèrent Tortona, et ils assiégèrent la ville pendant plusieurs jours. Quand la ville fut enfin prise, le roi fit abattre et raser ses murs. Lorsque l'armée s'avança de là, le duc prit notre évêque avec lui jusqu’en Italie pour pouvoir le présenter au seigneur pape. Les Romains envoyèrent ensuite des légats au campement pour dire au roi {Frédéric Barberousse} que le sénat et tous les citoyens de la Cité étaient prêts à le recevoir en grande pompe, si, de son côté, il se conduisait comme un empereur. Quand il s’informa à propos de la manière dont il devait se comporter, on lui répondit : Il sied à un roi qui vient à Rome dans le but d'être élevé à la dignité impériale à venir d’une façon appropriée, c'est-à-dire dans un char d'or, vêtu de pourpre, menant avec lui les tyrans qu'il avait vaincus en guerre, et apportant les richesses de leur peuple. Il doit aussi d'ailleurs, pour honorer la ville, qui est la capitale du monde et la mère de l'Empire, donner au sénat ce qui a été déterminé par des édits, à savoir quinze mille livres d'argent, afin que par ce paiement, il puisse disposer de la bienveillance du sénat pour lui accorder un honneur triomphal, et que l'autorité du sénat puisse confirmer César celui que l'élection des princes du royaume avait fait roi. Souriant, le roi dit alors : « Votre promesse est flatteuse, mais coûteuse. Vous, hommes de Rome, de avez de grandes exigences sur notre trésor vide. Je pense aussi que vous nous cherchez querelle en imposant ce qui n’a pas à l’être. Vous seriez plus avisés si, renonçant à ces exigences, vous essayiez notre amitié plutôt que nos armes ». Mais ils insistèrent obstinément, arguant que les coutumes de la Cité ne devaient pas être violées et que les usages du Sénat devaient être observés ; autrement, les portes de la Cité devraient rester fermées pour lui quand il arriverait.