[1,0] HELMOLD DE BOSAU (vers 1120 - après 1177). CHRONIQUE DES SLAVES. [1,1] LIVRE I. CH. I. Sur la différence entre les Slaves. JE crois devoir commencer mon livre, par dire quelque chose sur les provinces des Slaves, leur nature leurs mœurs et l'on verra combien l'erreur faisait de nœuds autour de leur âme, avant qu'ils eussent reçu la grâce de la conversion et par la quantité du mal l'on pourra juger de l'efficacité du divin remède. Or donc les peuples slaves font beaucoup et ils habitent le rivage de la baltique ; le sein que forme cette mer sort de l'océan occidental et s'étend vers l'orient: il est appelé Baltique parce qu'il a la forme d'un baudrier et il s'enfonce ainsi au loin dans les régions Scythiques et va jusqu'en Grèce: Cette mer est appelé Scythique ou barbare, à cause des nations barbares dont elle baigne les terres; beaucoup de nations habitent à l’entour. Sur la rive septentrionale sont les Danois et les Sueons, que nous appelons Northmans et ils y ont les îles. Sur la côte méridionale sont les nations des Slaves, dont les premiers sont les Ruzi, puis viennent les Polonais: Ceux-ci ont au Nord les Pruzi, au midi les Bohémiens et ceux que l'on appelle Morahs, Carinthiens où Sorabes. Quelques-uns ajoutent encore la Hongrie au pays des Slaves, parce que les hongrois n'en diffèrent ni par les habitudes, ni par la langue, car l'étendue de la langue slave les surpasse tellement, que cela ne se peut estimer. Toutes ces régions, à l'exception de la Pruzienne sont décorés du titre de chrétiennes. Il y a déjà longtemps que la Russie croit. La Russie était auparavant appelée par les Danois Ostrogard, parce qu'elle est située à l'orient elle abonde en tous les biens. On l'appelle aussi Chunnigard, parce que là était la capitale des Huns. La ville capitale est Chué. Mais quels sont les docteurs qui ont converti la Russie, c’est ce que je n'ai trouvé nulle part, mais je sais que dans leurs observances ils paraissent plus imiter les Grecs que les latins. Car la mer Ruthénienne vous fait arriver dans peu jusques en Grèce. Les Pruziens n'ont pas encore aperçu la lumière de la foi. Ce sont des hommes comblés des biens de la nature, très humains envers les nécessiteux, ils vont même en mer au secours de ceux qui se noient ou qui sont poursuivis par des pirates. Ils ne font aucun cas de l’or ni de l'argent, ils ont quantité de ces pelisses étrangères, dont l'odeur mortelle propage dans nos pays le venin de l'orgueil: Et ils n'estiment ces choses là non plus que du fumier tandis que nous soupirons après un habit de martre comme après la béatitude suprême, si bien qu'ils offrent les martres les plus précieuses, en échange de ces habits de laine que l'on appelle des Faldones. Il y aurait beaucoup de bien à dire des mœurs de ce peuple si seulement il connaissait la religion chrétienne, mais au contraire, ceux qui veulent l'y prêcher sont cruellement persécutés. C'est chez eux que l'Evêque Adalbert reçut la couronne du martyre. Aujourd’hui tout est commun entre eux et les nôtres, excepté bois sacrés et les fontaines qu'ils croient être souillés par l'approche d’un chrétien. Ils mangent la chair de leurs bestiaux et s’enivrent avec leur sang et leur lait. Ils ont les yeux bleus, le visage rouge et beaucoup de cheveux. D'ailleurs inaccessibles dans leurs marécages Ils ne veulent souffrir entre eux aucun maître. La Nation hongroie autrefois, forte et guerrière faisait craindre même de l’Empire Romain : car après les ravages des Huns et des Danois vint l'irruption des Hongrois, qui dévastèrent tous les royaumes voisins; car ayant rassemblé une armée immense, ils s’emparèrent de la Bavière et de la Souabe et ravagèrent les bords du Rhin et ils mirent toute la Saxe à feu et à sang, jusques à l'océan britannique. Mais les historiens ont assez publié par combien de travaux et de sang chrétien, les Empereurs sont parvenus à affaiblir ces peuples et à les soumettre à la foi chrétienne. Les Carinthiens sont voisins des Bavarois, ce sont des hommes adonnés au culte de Dieu et il n'y a point de nation plus honnête et qui vénère davantage les prêtres. La Bohême a un Roi et des hommes belliqueux ; elle est remplie d'Eglises et fort religieuse. La Pologne est une grande province des Slaves, qui dit-on confine avec le royaume, de Ruzie. Elle, est divisée en huit Evêchés. Elle eut jadis un Roi, mais à présent elle est gouvernée par des Ducs. Elle est ainsi que la Bohême tributaire de sa Majesté Impériale. Les Polonais et les Bohèmes ont les mêmes armes et la même façon de faire la guerre. Toutes les fois qu'ils ont été appelés à des guerres extérieures, on les a vu très vaillants dans l'attaque, mais très cruels dans les rapines et les massacres, n'épargnant ni les monastères, ni les églises, ni les cimetières. Et ils ne prennent point part aux guerres étrangères, à moins qu’on ne leur promette le pillage des biens de l’Eglise. D’où il arrive que par leur extrême avidité, ils sont aussi incommodes à leurs amis qu’à leurs ennemis, ce qui fait aussi que rarement on les appelle à son secours. En voilà assez sur les Bohèmes, les Polonais et les autres Slaves orientaux. [1,2] II. Des Slaves qui habitent près de la Mer Baltique et de la ville de Vinnéta. Où la Pologne finit, l'on parvient à l'immense province des Slaves, qui, aujourd'hui sont appelés Winithi ou Winuli. Parmi ceux-ci les premiers sont les Pomerani, dont les habitations vont jusqu’à l'Odora. Odora est un fleuve, le plus beau qu'il y ait dans la région Slavique; sa source est dans un gouffre profond, chez les Morahes, qui sont à l'orient de la Bohême, c'est là aussi qu'est la source de l'Albia. Ces deux fleuves ne sont pas éloignés, mais leur cours est différent. L'Albia va vers l'occident, inonde d'abord les Bohèmes et les Sorabes, ensuite elle sépare les Slaves des Saxons, puis la paroisse de Hammenbourg d'avec celle de Brême. Enfin l'Albia entre victorieuse dans l'Océan. L'autre fleuve s'appelle Odora; il va vers le nord; il passe au travers des Winuli, il sépare les Poméraniens d'avec les Wilzi. A l'embouchure par laquelle le fleuve Odora entre dans la mer Baltique, était jadis la célèbre ville de Winneta qui offrait un superbe port aux peuples des environs. L’on raconte de cette ville des choses grandes et presque incroyables, c'est pourquoi nous en parlerons: car on dit que cette ville était la plus grande de celles que renferme l'Europe et qu'habitent les Slaves mêlés aux autres peuples Grecs et barbares. Les Saxons qui y venaient, avaient la permission d'y demeurer, pourvu que pendant leur séjour, ils ne fissent point profession du Christianisme ; aussi jusques à l'entière destruction de la ville, tous les habitants demeurèrent fidèles aux rites du Paganisme ; au reste nulle autre nation ne s'est montrée plus honnête et plus bienveillante dans ses mœurs et son hospitalité. Cette ville enrichie par les marchandises de toutes les autres, abondait en choses agréables et rares. On dit qu'elle fut entièrement détruite par un Roi de Danemark, qui y vint avec sa flotte ; mais on en voit encore des restes. C'est là que Neptune paraît d'une triple nature, car cette île est baignée par trois détroits, dont l'un a des eaux vertes, l'autre blanchâtres et le troisième a des mouvements impétueux produits par de continuelles tempêtes. Il y a aussi d'autres peuples Slaves entre l'Albia et l'Odora, les Héruli ou Heveldi qui sont près du fleuve Habola et près de la rivière Doxa. Les Leubuzi et les Wilini Stoderani et beaucoup d'autres. Après le cours paisible de l'Odora et diverses peuplades des Poméraniens, vient le pays de ces Vinuliens que l'on nomme Tollenzi ou Redari. Leur ville la plus connue est Rethré, siège de l'Idolâtrie. Là est un vaste temple consacré aux démons dont le Prince est Radegast. Son simulacre est doré et son lit tourné au midi. La Ville même a neuf portes, renfermées de tous côtés par un lac profond. Un pont de bois offre un passage, qui n'est libre que pour les Prêtres et pour ceux qui demandent des réponses. Ensuite l'on vient aux Kyziniens-Circipaniens qui sont séparés des Rédaires Tollenziens par le fleuve Panis et la Ville de Diminé. Les Kyziniens-Circipaniens sont de ce côté ici du Panis et les Rédaires Tollensiens sont de l'autre. Ces quatre peuples sont à cause de leur valeur appelles Wilzi, ou Lutici. Au delà de ceux-ci sont les Lingones et les Warnawi. — Ensuite suivent les Obotrites; leur ville est Micklinburgkh. — Ensuite vers nous les Polabi, leur ville est Racisbourg. Puis on passe le fleuve Travena pour entrer dans notre Province de Wagrie. Aldenbourg la maritime était autrefois la capitale de cette Province, il y a aussi des îles dans la Baltique qui sont habitées par des Slaves. L'une de ces îles est Vémere ; elle est vis-à-vis des Vagriens, en sorte, qu'on peut la voir depuis Altenbourg. L'autre île est bien plus grande, elle est vis-à-vis des Wilzes et habitée par les Rani qui s'appellent aussi Rugiani. C'est une des plus fortes Nations des Slaves. Eux seuls ont un Roi. L'on ne fait rien dans les affaires publiques sans leur avis; tant ils sont craints, à cause de leur familiarité avec les Dieux ou plutôt les Démons, auxquels ils rendent un culte tout particulier. Tels sont ces peuples Vinuliens, dispersés dans les régions, les Provinces et les îles de la mer. Race idolâtre, vague et mobile, prête à exercer la piraterie, ennemis d'un côté des Danois, de l'autre des Saxons. Souvent ils ont été l'objet du zèle de grands Empereurs et de pieux ecclésiastiques, qui ont essayé de ramener ces Nations rebelles et incrédules, à la connaissance du nom de Dieu, à la grâce et à la Foi. [1,3] III. Comment Charles convertit les Saxons à la foi. Entre tous les vaillants propagateurs de la foi chrétienne le glorieux Charles est celui qui brille le plus ; tous les écrivains le comblent d'éloges et il doit être mis à la tête de ceux qui ont travaillé pour le seigneur dans les parties de l'Aquilon. Même les Saxons nation féroce et rebelle fut domptée, par le fer et soumise à la loi des chrétiens. Car on lit que jadis, les Saxons ou Thuringiens et les autres nations le long du Rhin étaient tributaires des Francs. Lorsqu'ils voulurent se soustraire à cette domination, Pépin père de Charles leurs porta la guerre, que son fils continua, avec plus de bonheur. La guerre entre les Francs et les Saxons dura trente ans avec beaucoup d'animosité, mais toujours avec plus de dommage pour les Saxons. Cette guerre aurait pu finir plutôt, si les Saxons s'étaient contenté de combattre pour leur liberté, mais ils dévastaient les terres, des Francs jusques au Rhin. Il n'y avait donc guère d'année où l’on fut en paix ; enfin les Saxons furent tellement battus que de ceux qui habitent les deux bords de l'Elbe, l’on en transporta dans les pays des Francs dix mille, avec leurs femmes et leurs enfants. Cette année fut la trente troisième de la guerre continuelle et la trente septième de l'Empereur Charles. Ce fut alors que Vitikind auteur de la rébellion, abdiqua la tyrannie, se soumit à l'Empire; et se fit baptiser avec quelques Magnats Saxons. Et alors la Saxe fut enfin réduite en Province. Mais le valeureux Charles victorieux dans cette guerre ne mit pas sa confiance en lui même, mais dans le Dieu des armées, n'attribuant ses grandes actions, qu'aux secours de la grâce divine. Quoique les Saxons ne méritassent pas ses bontés, il chercha à les ramener des erreurs du paganisme par toute sorte des moyens temporels leurs donnant la liberté et les dispensant de tout cens et tribut. Enfin la condition proposée par le Roi et acceptée par les Saxons fut qu'ayant rejeté le culte des démons, ils recevraient les sacrements de la foi chrétienne et seraient les tributaires et les sujets du seigneur Dieu, offrant loyalement aux prêtres, une partie de leurs bestiaux et des fruits de la terre et ne faisant qu'un même peuple avec les Francs, ils prêtèrent le même serment. La Saxe fut donc divisée en huit évêchés et sujette à de dignes pasteurs, qui par la parole et l'exemple pouvaient plier à la foi ces âmes grossières. Et l'empereur les pourvut avec beaucoup de magnificence, de tout ce qui est nécessaire à la vie et les combla d'honneur. Et c'est ainsi que fut achevé en Saxe, l'ouvrage de la nouvelle plantation. Mais les sauvages Frisons reçurent aussi alors la grâce de la foi. C’est alors que les prédicateurs parent passer l'Elbe et semblables à des Anges véloces ils allèrent annoncer un évangile de paix dans toute l'étendue des aquilons. Alors les nations Slaves furent aussi soumises à l'Empire des Francs et l'on dit que Charles fit construire une église à Hambourg ville des Nordalbingiens et en donna le gouvernement à Héridagus homme saint qui devait aussi en être l’évêque. Et il ordonna que cette église serait la métropole de toutes les nations Slaves et Danoises. Mais la mort de Héridagus et les guerres qui occupèrent l’Empereur Charles, l’empêchèrent de mettre la dernière main à ce projet. L'on dit aussi que ce Prince victorieux, qui avait soumis tous les peuples de l’Europe, commença une nouvelle guerre avec Danois. Car les Danois et les peuples qui demeurent de l'autre côté de la Danie, sont appelés Nortmans par les historiens des Francs. Leur Roi Godefrid ayant fait payer tribut aux Frisons, aux Nord albingiens, aux Obotrites et aux autres peuples Slaves, menaça Charles lui-même. Ce différend fut ce qui retarda le plus les desseins de l'Empereur sur Hammenbourg. Godefrid étant mort, son cousin Héning lui succéda; celui-ci fit la paix avec l'Empereur et prit l’Egdora pour limite. Peu de temps après Charles mourut, c'était un Prince fort approuvé tant dans les choses divines qu'humaines et le premier qui mérita de passer du Royaume des Francs à l'Empire. etc. etc. [1,4] IV. De la division du Royaume des Romains après Charlemagne. OR donc Charles Roi des Francs et Auguste Empereur des Romains étant allé au ciel avec beaucoup de gloire, son fils Louis lui succéda: celui-ci accordant ses vœux à ceux de son père, usa de la même libéralité envers le culte de la maison de Dieu et envers tout le clergé. Il disposa tellement des plus amples richesses du Royaume, pour l'honneur et la gloire de l'église, que les Evêques qui par le gouvernement des âmes sont déjà Princes du ciel, devinrent encore Princes du royaume. Ce prince ayant appris, quel avait été le dessein de son père sur la ville de Hamembourg prit le conseil des sages et fit archevêque de cette église, St Anscarius qui avait prêché jadis la foi aux Danois et aux Suédois et il voulut que cette ville fut la métropole de toutes les boréales, afin que la légation du verbe de Dieu, put mieux pulluler chez tous les barbares, ce qui fut fait ; car c'est par l'instance des pontifes de Hamembourg que la parole de Dieu fut disséminée chez tous les peuples Slaves, Danois ou Nortmans et sa chaleur fit fondre les froides glaces de l'aquilon. Or donc après bien des jours et même des années, après bien des travaux de nos docteurs, l'on pénétra enfin chez toutes ces nations. Mais telle était leur opacité et leur sauvage idolâtrie que cela ne put se faire, ni vite ni facilement. Les fortunes diverses de la guerre, qui eut lieu après la mort de Louis le pieux, retardèrent ainsi la vocation de ces peuples. Dès que ce Prince fut mort, les quatre fils se firent la guerre pour lui succéder. La discorde fut entre les frères et les historiens disent que toutes les nations des Francs y furent consumées. Cependant le pape Sergius par sa médiation apaisa la discorde et le royaume fut divisé en quatre parties. Si bien que Lothaire qui était l'aîné eut l'Italie, Rome, la Lorraine de la Bourgogne: Louis eut le Rhin avec la Germanie, Charles eut la Gaule et Pépin d'Aquitaine. [1,5] V. Du voyage de Saint Anscarius en Suède. LA discorde régnant en Germanie avait souvent donné occasion à des révoltes. Ce fut alors que les Danois-, peuples considérables et puissants à la guerre, firent payer tribut aux Slaves et aux Frisons. Ensuite faisant entrer leur flotte piratique dans le Rhin, ils assiégèrent Cologne: puis ils entrèrent dans l'Elbe et ils assiégèrent Hamembourg; cette belle ville et son église récemment construite, devinrent la proie des flammes. La province des Nord albingiens et tout ce qui touchait au fleuve, fut exposé aux rapines des barbares et la Saxe fut pleine de terreurs. St Anscarius archevêque de Hamembourg et les autres prédicateurs destinés pour la Slavie ou la Dame, furent chassés et dispersés. Alors Louis que nous avons déjà dit avoir obtenu la Germanie semblable à son glorieux père autant par son nom que par la piété, voulut ressusciter l'église de Hamembourg et pour cela il ordonna que l'église de Brême dont le pasteur était mort, serait ajoutée à celle de Hambourg et que les deux paroisses n'en feraient plus qu'une; et parce qu'aucune des deux villes n'était à l'abri des incursions des pirates, il parut utile d'ordonner qu'elles se soutinssent l'une l'autre. Lorsque l'on eut donc reçu, sur cela, le Mandat du siège Apostolique, les choses que le prince avait conçues furent exécutées, l'Eglise de Brême fut unie à celle de Hamembourg et St Anscarius en reçut le gouvernement ; il n'y eut plus qu'un seul troupeau et un seul pasteur. Au bout de quelque temps, la fureur des Danois se ralentit, l'on commença à rebâtir Hamembourg et les Nord Albingiens revinrent à leurs anciennes demeures. Le Pontife Anscarius, alla souvent chez le Roi des Danois, chargé de légations par l'Empereur. Là il travailla avec beaucoup d'activité, pour l'avantage des deux nations et l'établissement de la paix. Et quoique ce Roi fut gentil vivant familièrement avec lui, il en obtint des choses avantageuses à la foi, car on lui permit de bâtir des églises à Sleswick et à Ripa, avec promesse de n'empêcher pas les gens de se faire chrétiens. Et tout de suite, il y eut des prêtres envoyés pour remplir ces places. Les accroissements de la grâce divine avançant ainsi peu à peu chez les Danois, le pontife susdit se sentit enflammé d'un grand désir d'aller convertir les Sueons: Il se mit donc en voyage, avec des lettres et un envoyé du Roi des Danois. Il prit la route par mer et vint à Byrca ville principale de la Suède. Là il fut reçut avec beaucoup de joie et de faveur par ceux qu'il avait autrefois acquis à Jésus Christ dans son premier voyage ; il obtint aussi du Roi que ceux qui voudraient prendre le titre de chrétiens en eussent la libre faculté. Enfin il revint à son siège, après avoir laissé en Suède un Evêque et des prêtres, pour soigner en son absence les choses divines et le salut du peuple. Depuis lors la semence du verbe de Dieu, commença à fructifier avec plus d'abondance chez les peuples Danois et Sueons. À la vérité il s'éleva chez ces nations nombre de tyrans, qui exercèrent leur cruauté sur les chrétiens de leur pays aussi bien que sur les peuples étrangers, cependant le nom chrétien ne s'éteignit jamais depuis dans la Danie et la Suède, même pendant les plus grandes persécutons. [1,6] VI. De la conversion des Rugiens. Entre toutes les nations Boréales, la seule province des Slaves, resta plus difficile que les autres et plus tardive à la loi. Nous avons déjà dit qu'il y a beaucoup de peuples Slaves, dont ceux appelés Vuinuli ou Vuinithi regardent en grande partie sa paroisse de Hamembourg, car cette église en sa qualité de métropole, embrasse tous les royaumes du nord; mais comme paroisse elle a ses limites assignées, savoir elle comprend la dernière partie de la Saxe qui est de l'autre côté de l'Elbe et s'appelle Nord Albingia, contenant trois peuples, les Thetmarses, les Holsatiens et les Stormariens, ensuite les limites s'étendent vers les Vuinithes, vers ceux qui s'appellent Vuagires, Obotrites, Kyciniens et Circipaniens et jusques au fleuve Panis et à la ville de Diminé, c'est là qu'est la fin de la paroisse de Hamembourg. Or il est bien extraordinaire que les plus dignes évêques et prédicateurs évangéliques, Anscarius, Reimbertus; le sixième Unni, qui étaient si heureux et si habiles dans l'étude des conversions, n'ont cependant rien pu faire avec les Slaves ni par eux mêmes, ni par leurs ministres. Il faut je crois en chercher la raison dans l'incroyable dureté de ce peuple et non dans la nonchalance des prédicateurs qui au contraire s'étaient si fort attachés à la conversion des nations, qu'ils n'y épargnaient ni leurs personnes, ni leurs biens. Or donc une relation des anciens nous apprend qu'au temps de Louis second, des moines de Corbie insignes par leur sainteté, altérés du salut des Slaves, se dévouèrent aux périls et à la mort pour la légation du verbe de Dieu. Ils traversèrent plusieurs provinces des Slaves et arrivèrent à ceux qui s'appellent Rani ou Rugiani, ils habitent au milieu de la mer dans le foyer de l'erreur et le siège de l'idolâtrie: Prêchant donc avec confiance ils gagnèrent toute cette île et y fondèrent un oratoire en l'honneur de notre seigneur J.C. et en commémoration de St. Vitus qui est le patron de Corbie. Dans la suite, les choses changèrent, Dieu permit que les Raniens abandonnassent la foi, ils chassèrent les chrétiens et les prêtres et changèrent la religion en superstition. Car ils adorent comme un Dieu ce même St. Vitus, que nous avouons être martyre et serviteur du Christ préférant ainsi la créature au créateur. Et il n'y a pas de barbarie sous le ciel qui fasse plus d'horreur aux chrétiens et aux prêtres. Ils ne glorifient que le nom Saint Vitus, et lui ont dédié un temple où ils rendent un culte extraordinaire à son simulacre, lui attribuant le plus haut rang de divinité. Toutes les provinces des Slaves viennent y chercher des réponses et s'acquitter de sacrifices annuels. Les Marchands qui par hasard viennent y aborder, n'ont point la permission de vendre ni d'acheter s'ils n'ont auparavant offert au dieu quelque précieuse partie de leurs marchandises et c'est alors seulement que les ventes sont publiées dans la place. Ils vénèrent leur grand prêtre à l'égal d'un Roi. Cette superstition a commencé chez les Raniens, au moment qu'ils abandonnèrent la foi et elle dure jusqu'au jour d'aujourd'hui. [1,7] VII. De la persécution des Normands. Ce qui empêcha les progrès de la religion chez les Slaves et les autres barbares fut le ravage que firent les Normands dans toutes les parties du monde. L'armée des Normands était composée des plus braves d’entre les Danois, les Sueons, les Norvégiens, qui alors obéissaient par hasard au même souverain. D'abord ils attaquèrent les Slaves qui étaient sous leur main et leurs imposèrent un tribut ; ensuite ils se mirent à vexer tous les autres royaumes tant par terre que par mer. Il faut convenir ainsi que leur forces s'accrurent considérablement par la faiblesse de l'empire Romain, lequel aussi que nous l'avons dit s'épuisa par les guerres civiles du temps du vieux Louis et ensuite fut divisé en quatre portions gouvernées par autant de petits Rois. Ce fut alors que les Normands remontèrent la Loire jusques en Touraine, la Seine jusque à Paris et assiégèrent cette ville ; et ils effrayèrent si fort le Roi Charles qu'il leur abandonna une grande terre qui fut ensuite appelée Nortmanie. En-fuite ils dévastèrent la Lorraine et soumirent la Frise. Mais notre Louis, c'est à dire le Roi de Germanie, sut tellement contenir les Nordmans, soit par des guerres, soit par des traités, que tandis qu'ils ravageaient toute la France ils ne causèrent pas le moindre dommage à son pays. Mais après sa mort l'insolente barbarie ne connut plus de frein. Car les Bohèmes, les Sorabes les Susliens et les autres Slaves, à qui il avait imposé tribut secouèrent le joug de cette servitude. La Saxe fut dévastée par les Nordmans ou Danois. Le Duc Bruno fut tué avec douze comtes. Les Evêques Théodoric et Marquardus eurent la tête coupée ; la Frise fut ravagée ; la ville d'Utrecht fut détruite ; les pirates brûlèrent les villes de Cologne et de Trêve, ils firent du palais d’Aix-la Chapelle une écurie pour leurs chevaux. Mayence commença à se restaurer à cause de la crainte des barbares. Alors le jeune Charles fils de Louis, revenait de Rome avec une armée, considérable, il rencontra les Normands près de la Meuse, les assiégea et les força à se rendre le quinzième jour. Les tyrans Danois furent faits prisonniers, mais Charles au lieu de tirer d'eux la vengeance que méritaient des ennemis de l’Eglise épargna ces impies, reçut leurs serments pour une alliance et les renvoya comblés des présents. Et ceux-ci se moquant de la lâcheté de ce jeune prince et se voyant en liberté, se rassemblèrent de nouveau et commirent des cruautés inouïes. Les villes furent écrasées avec leurs habitants, les Evêques massacrés avec leurs troupeaux. Les Eglises embrasées tombèrent en ruines sur des foules de chrétiens. C'est pourquoi Charles fut accusé de folie et déposé à cause de son impéritie et Arnolphe le fils de son frère lui succéda. Celui-ci rassembla une armée et entra dans le pays des Danois et il les détruisit presque tous dans des très grands combats. La guerre fut conduite de manière, qu'il y avait à peine parmi les morts un chrétien contre cent mille païens. C'est ainsi que finit la persécution des Normands et Dieu vengea le sang de ses serviteurs qu'ils versaient depuis plus de soixante et dix ans. Toutes ces choses arrivèrent du temps de l'Archevêque Adelgaire, qui fut successeur de St. Rambert, le troisième après Anscaire. Après la mort de Adelgaire ce fut Hoguer, qui obtint le siège épiscopal et après celui-ci ce fut Reinyart. Dans la succession des Rois il y eut après Arnolph, Louis l'enfant en qui finit la race de Charlemagne. Après sa déposition, Conrard Duc des Francs lui succéda. [1,8] Chapitre VIII. L’invasion des Hongrois. Pendant le règne de Conrad, eut lieu une terrible invasion de Hongrois ; elle ravagea non seulement notre Saxe et les autres provinces, mais aussi la Lotharingie et la Francie au-delà du Rhin. A cette époque les églises furent incendiées, les croix brisées par les barbares portés à la violence, les prêtres assassinés devant leurs autels, les clercs rassemblés au peuple, soit pour être exécutés ou emmenés en captivité. Les traces de cette fureur subsistent encore de nos jours. Les Danois aidés des Slaves, pillèrent également en premier les Nordalbingiens puis dévastant les Saxons Transalbiens avant de porter une grande terreur en Saxe. Gorm régnait alors sur les Danois, c’était le ver le plus sauvage, et je le dis, ce n’était pas le moins hostile envers les chrétiens. Dans sa volonté de détruire complètement le christianisme au Danemark, il avait expulsé les prêtres de son territoire et même en avait fait tuer bon nombre par la torture. Alors le roi Henri, fils de Conrad, enfant ayant grandi dans la crainte de Dieu, et reposant tous ses espoirs dans sa miséricorde, vainquit les Hongrois dans de grandes batailles et triompha. Il gagna de cruelles batailles sur les Bohémiens et les Sorabes, mata d’autres rois, et infligea un choc si effrayant aux autres tribus slaves, qui restaient peu nombreuses, qu’elles payèrent un tribut au roi et promirent d’accepter le christianisme. Henri marcha ensuite avec son armée vers le Danemark et, par sa première attaque, il terrifia tant le roi Gorm, que ce dernier reconnut son pouvoir et demanda humblement la paix. C’est ainsi que le roi Henri, vainqueur, fixa la frontière du royaume au Schleswig, appelé maintenant Heidebo, y installa un margraviat et y implanta une colonie de Saxons. Le très saint archevêque Unni, qui avait succédé à Reginwart en chaire, apprenant que la miséricorde de notre Seigneur et les vertus du roi Henri avaient surmonté l’obstination des Slaves et des Danois, et ouvert les portes de l'adoption de la foi, décida de faire un tour complet de son diocèse. Accompagné de nombreux prêtres, il alla chez les Danois, où régnait alors le très cruel Gorm ; en raison de sa sauvagerie innée il ne pouvait pas plier, mais son fils Harold se convertit et devint un fidèle du Christ de sorte le christianisme, contre lequel la haine de son père existait toujours, fut publiquement autorisé, bien que le sacrement du baptême n’ait pas été reçu. Installant ainsi des prêtres dans toutes les églises du Danemark, ce saint personnage recommanda, dit-on, la multitude des croyants à Harold, soutenu par son aide et accompagné de ses envoyés. Il eut aussi à cœur de pénétrer toutes les îles des Danois, évangélisant par la Parole de Dieu et les croyants, rencontrés là-bas, se réconfortaient dans le Christ de leur captivité. Puis, il suivit les traces du grand prédicateur de l'Evangile, saint Anskar, allant à travers la mer Baltique, et arrivant difficilement à Byrca, capitale de la Suède, où, depuis la mort de saint Anskar, aucun autre enseignant de la Parole de Dieu n’avait osé venir depuis soixante-dix ans si ce n’est comme nous le lisons Rimbert. Byrca est toutefois une ville des Goths très connue, elle est située au centre de la Suède, sur un bras de la mer Baltique, et fournit un port toujours rêvé, en raison des différentes affaires commerciales, à tous les navires Danois, Norvégiens, Slaves et autres, Sembi et divers peuples scythiques. Dans ce port débarquèrent alors le confesseur du Seigneur se mit à appeler les gens d'une manière insolite. Les Suédois et les Goths à cause des nombreux dangers de l'époque et à cause de la fureur sanguinaire de leurs rois, avaient tout à fait oublié la religion chrétienne. Mais par la grâce de Dieu et la faveur du saint père Unni, ils revinrent à nouveau à la foi. Après avoir été l'évangéliste de Dieu comme messager du Seigneur et se disposant à rentrer, il fut soudainement atteint par la maladie à Byrca et y laissa son corps fatigué. Il mourut après avoir achevé son noble combat dans l'année 936 de l'Incarnation du Seigneur. Le vénérable Adaldag lui succéda. [1,9] IX. La conversion d’Harold. Cette même année le glorieux empereur Henri quitta cette vie et son fils Otton, surnommé le Grand, lui succéda dans son règne. Quand il prit le pouvoir, il eut à endurer des offenses de ses frères. De même le roi des Danois, qui était tributaire de son père, rejetant cette obligation, prit ses armes pour recouvrer sa liberté. Et tout d’abord il massacra tous ceux du margraviat qui était au Schleswig, appelé sous l’autre nom de Heidebo, ainsi que les légats du roi Otton ; toute la colonie de Saxons qui se trouvait là fut radicalement éliminée. Les Slaves quant à eux, s’agitèrent et commencèrent aussi à se rebeller, semant la terreur aux confins saxons. Donc le roi Otton, avec l’aide de Dieu, dès qu’il fut libéré des manœuvres insidieuses de ses frères, accorda le droit et la justice à son peuple. Puis, comme presque tous les royaumes, après la mort de Charles, avaient fait défection, il soumit à nouveau son empire, et prit les armes contre les Danois. Il franchit avec son armée les frontières du Danemark, qui avaient été le Schleswig, et dévasta par le fer et par le feu toute la contrée jusqu’à la nouvelle mer qui sépare les Danois des Northmans ; là il vainquit au lieu qui a conservé jusqu’à ce jour le nom d'Ottesund (détroit d'Otton). Quand il se replia, le roi Harald qui l'attendait dans le Schleswig, l'attaqua. On combattit vaillamment des deux côtés; mais la victoire se déclara en faveur des Saxons, et les Danois furent obligés de se retirer sur leurs vaisseaux. Harald perdit une bataille devant Otton, se soumit à lui, et de retour dans son royaume, promit de recevoir le christianisme au Danemark. Harald lui-même fut baptisé ainsi que son épouse, Gunnhild, et son jeune fils, que notre roi tint sur les fonts sacrés et le nomma Svein Otto. A cette époque, le Danemark reçut complètement la foi et fut divisé en trois évêchés dépendant du métropolite de Hambourg. En conséquence, le bienheureux Adalgag ordonna les évêques Danois, et à partir de cette époque l’église d’Hambourg commença à avoir des évêques suffragants. Après un tel début la miséricorde divine atteignit ici un tel degré, que depuis lors jusqu'à nos jours, l’église du Danemark semble abonder en nombreux fruits recueillis auprès des peuples du nord. Après que le vaillant roi Otto ait résolu dûment ces problèmes, il soumit avec son armée les Slaves rebelles. De même que son père les avait dominé dans une grande bataille, lui les maîtrisa grâce à son courage, préservant la vie et le pays afin que tribut et Christianisme soient offerts au vainqueur ; tout le peuple des gentils fut baptisé. À cette époque, on construisit les premières églises dans le pays des Slaves. Je parlerai de ces choses et de leur histoire, mais sur ces affaires et comment elles s'accomplirent, il sera plus opportun de l'écrire ailleurs [1,10] X. Le duc Hermann. Quand, après ces événements, le très victorieux roi Othon fut appelé en Italie pour délivrer le Saint-Siège, on dit qu’il prit conseil pour savoir qui il devait laisser derrière lui comme vice-régent pour rendre la justice dans les terres se trouvant le long des frontières barbares. Car, depuis l'époque de Charles, la Saxe n'avait pas connu de duc si ce n’est le César lui-même en raison de l'ancienne rébellion du peuple. Afin que, pendant son absence, les Danois ou les Slaves ne puissent pas comploter quelque révolte, le roi fut pour la première fois convaincu de la nécessité de déléguer son pouvoir de dirigeant de la Saxe à Hermann. Je pense qu'il est nécessaire de rappeler certains faits sur cet homme et sa famille parce que, de nos jours, ils sont devenus très puissants. Cet homme était né de parents pauvres et on dit qu’il se contenta d'abord de son héritage paternel de sept peaux et d’autant d’habitants. Ensuite, comme il était intelligent, d’apparence avenante, paraissant digne de confiance et humble dans son attitude envers ses seigneurs et ses pairs, il attira rapidement l'attention à la cour et parvint à l’amitié de son roi. Découvrant l'activité du jeune homme, le roi l’ajouta au nombre de ses collaborateurs. Plus tard, il le nomma précepteur de ses fils et dès que sa fortune prospéra, lui confia même des postes préfectoraux. On dit que l'administration énergique de ces charges, lorsque ses gens étaient cités dans sa cour pour vol, lui faisait rendre une décision condamnant les uns et les autres à mort. Cette nouvelle façon de faire à l époque fut chère au peuple, et bientôt le distingua à la cour. En effet, en obtenant le pouvoir ducal dans la province, il gouverna avec droit et justice et resta un défenseur zélé des saintes Églises jusqu’à la fin de sa vie. Après avoir ainsi confié son pouvoir dans cette région à un tel homme, le très pieux roi partit pour l’Italie. Là, il tint un synode d’évêques et provoqua la déposition du pape Jean, surnommé Octavien, qui était accusé de nombreux crimes. Il fit cela en dépit de l'absence du pape, car celui-ci s’était enfui pour échapper au jugement, et il avait consacré le proto-scriniaire Léo à sa place. Peu de temps après il fut couronné empereur et salué comme Auguste, par le peuple romain la vingt-huitième année de son règne. Depuis le couronnement de Charles à Rome cent cinquante trois années s'étaient écoulées. À cette époque, l'empereur et son fils passèrent cinq ans en Italie, combattant avec les fils de Bérenger pour rendre à Rome son ancienne liberté. À son retour dans sa patrie par la suite, il consacra toute son attention à la conversion des païens, en particulier des Slaves. Ce travail s'effectua selon ses désirs, car Dieu collabora à toutes choses et renforça le bras droit du roi le plus pieux. [1,11] XI. L’archevêque Adalbert. Après que les tribus slaves aient été soumises et unies dans la foi chrétienne, Otton le Grand fit construire sur les rives de l’Elbe la célèbre ville de Magdebourg et la désigna comme siège métropolite des Slaves. Il désigna Adalbert, homme de la plus grande sainteté, qu’il consacra comme son archevêque. Cet homme donc, fut le premier prélat à être consacré à Magdebourg, et il administra son archevêché avec une inlassable énergie pendant douze ans. Par sa prédication, il convertit un grand nombre des peuples slaves. Sa consécration eut lieu la trente-cinquième année du règne de l'empereur, cent trente sept ans après la consécration de saint Ansgar. A l'archevêché de Magdebourg, étaient sujets tous ceux de la Slavie aussi loin que la rivière Peene. Il y avait cinq évêchés suffragants: de ces évêchés Merseburg et Zeitz sont situés sur la rivière Saale; Meissen sur l'Elbe, Brandebourg et Havelberg plus éloignés dans les terres. Le sixième évêché de Slavie est celui d'Oldenbourg. L’empereur Otton décida d’abord de mettre ces évêchés de même que les autres sous sa juridiction à Magdebourg mais Adalgag, l'évêque de Hambourg, les demanda plus tard parce qu'ils avaient été inclus dans les limites de son église par les anciennes chartes impériales. [1,12] XII. L’évêque Marco. Oldenburg, qu’on appelle en langue slave Starigard, signifie « vieille ville » ; elle est située dans le pays des Wagiri sur les confins ouest de la Mer Baltique et c’est le point le plus éloigné en Slavie. Cette ville et cette province furent autrefois habitées par de très braves gens qui, à cause de leur emplacement sur la frontière de la Slavie, avaient comme voisins les peuples danois et Saxons et leurs habitants, toujours prêts à faire la guerre ou à supporter le poids de toutes les guerres provoquées par d'autres. On dit, cependant, qu’à certaines époques il y eut chez eux des chefs assez puissants pour pouvoir contrôler l’ensemble du territoire des Obodrites, des Kicini et de ceux qui étaient plus lointains. Quand, comme on l’a dit auparavant, tout le pays slave fut conquis et réduit, la ville d'Oldenburg reçut aussi la foi et devint très importante en nombre de fidèles. Pour cette ville, le très excellent César nomma le vénérable évêque Marco et plaça sous sa responsabilité le pays entier des Obodrites jusqu’au fleuve Peene et jusqu’à la ville de Demmin. César prit également son attention à la célèbre ville de Schleswig, également connue sous le nom de Haddeby. A cette époque, Schleswig et la province adjacente, qui s'étend du fjord Schlei jusqu’au fleuve Eider, étaient soumis au contrôle de l'Empire romain. Ses terres étaient vastes et fertiles pour les récoltes mais en majorité abandonnées car, situées entre l'océan et la Mer Baltique, elles étaient souvent dégradées par des incursions hostiles. Quand cependant, par la clémence de Dieu et par la bravoure d'Otton le Grand une paix durable s’installa partout, les emplacements abandonnés de Wagrie et du pays de Schleswig commencèrent à se repeupler et il ne resta pas un endroit qui ne fut pas remarquable pour ses villes et villages ainsi que pour le nombre de ses monastères. Il reste aujourd’hui de nombreuses traces de cette ancienne occupation, surtout dans la forêt qui s'étend sur une vaste étendue depuis la ville de Lütjenburg jusqu’au Schleswig. Dans cette vaste solitude difficilement pénétrable, des traces de sillons, qui ont marqué la plaine des temps anciens, peuvent être aperçues parmi les plus gros arbres des bois. Des restes de murs indiquent des plans de villages mais aussi de villes. Dans de nombreux ruisseaux, des remblais anciens, construits alors pour recueillir les eaux nécessaires aux moulins, montrent que tous ces bois ont été autrefois habités par les Saxons. Le premier évêque nommé en charge de cette nouvelle plantation fut, comme je l'ai dit, Marco, qui lava les Wagiri et les peuples Obodrites sur les fonts baptismaux sacrés. Quand il mourut, le Schleswig perdit un prélat exceptionnel. L’administration du siège d'Oldenburg fut attribuée au vénérable Egward, qui convertit de nombreux Slaves au Seigneur. Il fut consacré par saint Adalgag, l'archevêque d'Hambourg. Alors la congrégation des fidèles s’accrut et rien ne se produisit au détriment de la nouvelle plantation pendant toute l’époque des Ottons. J'ai appris d’eux qu’ils étaient trois, chacun animé d’un même zèle envers la conversion des Slaves. Et toute la terre des Wagiri, des Obodrites et des Kicini fut couverte d’églises et de prêtres, de moines et de religieuses consacrées à Dieu. L'église d’Oldenburg fut consacrée à la mémoire de Saint Jean Baptiste et distinguée par l'honneur d'être l'église mère. L'église de Mecklenburg fut construite en l'honneur du prince des apôtres, Pierre, un couvent de religieuses lui étant mitoyen. Les évêques d'Oldenburg, en outre, se comportèrent de façon honorable vis-à-vis des chefs Slaves car, par la munificence du grand prince Otto, ils avaient été abondamment approvisionnés en marchandises qu’ils pouvaient dispenser généreusement afin de se gagner les bonnes grâces du peuple. Un tribut annuel de toute la terre des Wagiri et des Abodrites remplaça une dîme ; il comportait une mesure de grain, quarante petits ballots de lin et douze sous d'argent pur pour chaque charrue; en plus de cela, un sou était donné au collecteur de la taxe. La charrue slave est constituée d’une paire de bœufs ou d’un cheval. Présenter en détail les villes, les biens ou le nombre de domaines en possession d’un évêque n'est pas le but de cet ouvrage car « les vieilles choses tombent dans l'oubli et l’on voie toutes choses devenir nouvelles ». [1,13] XIII. L’évêque Wago. Après avoir été roi pendant trente-huit ans, et empereur pendant onze ans, le grand prince Otton, conquérant de tous les peuples du Nord, s’en alla bienheureusement vers le Seigneur et fut inhumé dans sa ville de Magdebourg. Son fils Otton, lui succéda et gouverna énergiquement l'Empire pendant dix ans. Dès qu'il eut vaincu Lothaire et Charles, rois des Francs, il porta la guerre en Calabre et mourut à Rome après avoir battu les Sarrasins et avoir été battu par eux et par les Grecs. Otton III, alors un enfant, monta sur le trône et pendant dix-huit ans tint le sceptre d’une manière forte et juste. Au même moment, Hermann, duc de Saxe, mourut et son fils Benno lui succéda ; il a laissé le souvenir d’un homme bon et brave, s’écartant cependant de la politique de son père, car il faisait peser sur le peuple ses pillages. Wago succéda au siège d’Oldenburg après le décès d’Egward. Wago vivait très agréablement parmi les Slaves et il avait, dit-on, une sœur fort belle et très désirée par un chef des Obodrites nommé Billug. Comme il parlait souvent à l'évêque d’une demande en mariage, certains amis de l'évêque, s’opposèrent à sa requête par des paroles imprudentes et insultantes, disant qu’il serait injuste qu’une des plus belles vierges fut unie à un homme inculte et rustre. Il fit semblant de ne rien remarquer de ces outrages et, épris d'amour, ne cessa de reconduire sa demande. L'évêque, craignant qu’un préjudice grave ne survint à la jeune Eglise, s'il ne donnait pas une suite favorable, accorda sa sœur en mariage à Billug. De cette union naquit une fille nommée Hodika. Son oncle l'évêque la plaça dans un couvent de religieuses, l’instruisit dans les Saintes Écritures, et la nomma abbesse des nonnes qui vivaient à Mecklembourg, bien qu’elle n'eut pas encore l’âge requis. Son frère, Mistislav, supporta cela à regret. Il haïssait en secret la religion chrétienne, craignant aussi que cet exemple n’introduise des méthodes étrangères dans ces régions. Il reprocha souvent à son père, comme un fou, d’aimer des nouveautés inutiles et de ne pas craindre de déroger aux lois de ses pères, comme il venait de le faire en prenant une épouse allemande, puis en contraignant sa fille à une vie monastique. De tels arguments aigrissaient souvent son père et celui-ci, peu à peu, commença à changer d’état d’esprit, pensant même à répudier son épouse et à provoquer un changement. Cependant, la peur l’empêchait d’agir; car exécuter des affaires sérieuses est toujours délicat. Par ailleurs, la bravoure des Saxons était redoutable. Dès la répudiation de la sœur de l'évêque, la guerre suivrait forcément tout comme le déchirement des liens religieux. [1,14] XIV. La trahison de Billug. Or, un jour, l'évêque vint dans la cité des Obodrites, Mecklembourg, à la faveur d’une visite. Là aussi Billug et ses chefs s’étaient préparés à le recevoir avec une dévotion simulée. Le roitelet des Obodrites s’adressa au prélat, ainsi animé par les affaires publiques: « J’ai de grandes obligations envers votre piété, père vénérable, bien que je sache n’être nullement capable de les remplir. Je renonce à présent à parler des faveurs personnelles que vous m'avez dispensées, car elles sont multiples et appellent à de longs discours. Je suis forcé d'insister sur l'intérêt général du pays dans son ensemble. Votre sollicitude pour l’implantation des églises et le salut des âmes a été manifeste pour tous. Nombre de fois vous avez, grâce à votre clairvoyance, conjuré des mesures sévères de la part des princes, nous permettant ainsi de vivre paisiblement et tranquillement dans la faveur de ces princes. Si on l’exigeait de nous, par conséquent, nous devrions sans hésitation dépenser nos biens en votre honneur. Cependant j’ai une petite requête que je n'hésite pas à vous soumettre; ne me la refusez pas. Chez les Obodrites il existe un tribut épiscopal considéré comme une dîme, à savoir sur toutes les charrues, consistant en deux bœufs ou un cheval, une mesure de grain, quarante ballots de lin et douze deniers d'argent certifié, plus un sou dû au collecteur. Je vous demande de me permettre de relever moi-même cette collecte pour votre nièce, ma fille. Afin que je n’apparaisse pas par hasard, en présentant cette requête, sembler vous blesser ou diminuer vos revenus, je vais ajouter à vos biens dans chaque bourg qui est dans le pays des Obodrites des villages ; vous pourrez les choisir vous-même, sauf ceux qui, depuis quelque temps, sont déjà sous la juridiction épiscopale ». L’évêque ne sut pas percevoir la fourberie cachée dans les belles paroles de cet homme habile et pensant aussi, que l'échange ne lui serait pas préjudiciable, l'évêque agréa à sa requête sans ambages. Il choisit, en effet, des domaines d'une étendue très vaste et, comme je l'ai souligné plus haut, reporta pour son beau-frère la collecte en faveur de sa fille. L'évêque resta encore un certain temps parmi les Obodrites, distribuant les propriétés sur lesquelles ses colons travaillaient, et quand toutes ses affaires furent réglées, il s’en retourna vers la terre des Wagiri, endroit plus approprié et sans danger pour lui. La disposition des Slaves, par nature peu fiables et enclins au mal, doit être surveillée. Parmi d'autres, l'évêque avait deux résidences notables où il ne venait pas très souvent, l'une sur le domaine royal appelé Bosau, l'autre sur la rivière Trave, dans un lieu nommé Nezenna où il y avait aussi une chapelle et un réfectoire construits en maçonnerie. J’ai vu les fondations de ces bâtiments quand j'étais un jeune homme, parce qu'ils ne sont pas loin du pied de la montagne que les anciens appelaient Eilberch et les modernes, Segeberg, du château édifié sur son sommet. Pendant une période importante, l’évêque Wago fut occupé ailleurs et il alla dans d'autres lieux, il vint moins souvent dans les pays des Obodrites. Billug, mentionné ci-dessus, agissant de pair avec son fils Mistislav, profita de l’occasion pour tramer progressivement une machination qu'il avait organisée contre son seigneur et pasteur. Pillant à la dérobée, il commença à ravager les possessions épiscopales que l'évêque avait placé sous sa protection en tant que vassal et parent, et en sous-main il envoya ses propres serfs dérober aux colons leurs chevaux et d’autres biens. Il concentra ses efforts dans le but même de priver l'évêque de son droit aux dîmes, lui dérobant ses biens car, après avoir frappé la tête, le service de Dieu serait plus facilement détruit. Enfin cependant, l'évêque revint dans la province des Obodrites et, faisant avec ses colons un bilan de l'exploitation, il s’aperçut clairement que des machinations de fourberie étaient perpétrées sur ses biens. Il n’est pas surprenant qu’en découvrant cela, il ait été profondément étonné et en même temps inquiet, car les comploteurs les plus vils étaient ceux qu'il croyait être ses meilleurs amis. Craignant l'échec de la nouvelle plantation, l'indécision l’envahit alors. Toutefois, il relança une politique qui à cet instant sembla être la plus sûre et il chercha à découvrir si, par persuasion, il pourrait éventuellement remédier au mal qui s'était peu à peu répandu. Il utilisa beaucoup de flatteries pour amadouer son beau-frère dans ses desseins et il laissa piller ses biens ecclésiastiques par les voleurs. Il lui dit que s'il ne revenait pas à la raison, il encourrait non seulement la colère de Dieu, mais aussi celle de sa majesté impériale. Faisant fi de ces critiques, Billug répondit qu'il n'avait jamais été coupable d’une grossière tromperie envers son seigneur et père, pour lequel il avait toujours eu la plus grande affection, et que si quelque chose de ce genre s’était produit, c’était par les ruses de voleurs qui venaient des Rugiens et des Wilzi et ne qui n’épargnaient pas ses propre biens, et qu’en effet il apporterait volontiers son conseil et de l'aide pour les contenir. C’est ainsi qu’on arrive à convaincre un homme simple d'abandonner le jugement qu'il s’est fait. Quand l'évêque fut parti, satisfait de cette explication, cette promesse faite fut tout de suite oubliée. Les comploteurs reprirent leurs actions honteuses, ils mirent le feu aux villages, non contents de les voler. En outre, ils menacèrent de mort tous les colons qui étaient sous l’autorité de l'évêque, afin qu’ils ne manquent pas de quitter leurs exploitations au plus vite. En peu de temps la désolation s’instaura sur ces biens. En plus de ces méfaits, le même Billug rompit son mariage avec la sœur de l’évêque, en la répudiant. Ce fut à cette occasion d’inimitié particulière que le sentiment de l'état de l'église devint peu à peu précaire. La jeune église n’avait pas de moyens par lesquels elle pouvait se restaurer totalement, car Otton le Grand avait depuis longtemps quitté cette vie et Otto le troisième était occupé dans ses guerres d'Italie. De ce fait, les Slaves, profitant de l'avantage de la situation, commencèrent peu à peu à lutter non seulement contre la loi divine, mais aussi contre les directives impériales. Seul Benno, duc de Saxe, sembla garder un certain pouvoir, n’étant qu’une ombre ténue, mais les Slaves prirent en considération ce respect, de sorte qu'ils ne renoncèrent ni à la foi chrétienne, ni ne prirent les armes. Lorsque Wago mourut, Ezico lui succéda et fut consacré par saint Adaldag, archevêque de Hambourg. Nous avons appris que quatre évêques vécurent avant la destruction de l'église d’Oldenburg, savoir, Marco, Egward, Wago, Ezico, époque durant laquelle les Slaves gardèrent la foi. Des églises furent bâties partout en Slavie et de nombreux monastères furent construits dans lesquels des hommes et femmes servirent Dieu. Un témoin en est maître Adam qui relate avec éloquence les actes des évêques de l'église de Hambourg et qui, en rappelant que la Slavia fut divisée en dix-huit cantons, indique que tous sauf trois avaient été convertis à la foi du Christ. [1,15] XV. Svein, roi des Danois. A la même époque Boleslas, le roi très chrétien des Polonais, allié avec Otton III, soumit à un tribut tous Slavia au-delà de l'Oder ainsi que les Russes et les Prussiens, là où l'évêque Adalbert subi le martyre. Boleslas ramena les restes d’Adalbert en Pologne. Les princes des peuples slaves appelés Winuli ou Winuthi étaient à cette époque Mistislav, Naccon et Sederich qui faisaient régner une paix continue pendant laquelle les Slaves versaient tribut. On ne peut cependant pas ignorer totalement le fait que ce Mistislav, prince des Obodrites, qui manifestait ouvertement mais persécutait secrètement le Christ, ait enlevé sa sœur Hodica, une vierge consacrée à Dieu, du couvent de religieuses de Mecklembourg et l’ait donnée en mariage indigne à un certain Boleslas. Les autres religieuses présentes furent soit données en mariage à ses guerriers soit envoyées dans le pays des Wilzi ou Rugiens, et la désolation s’abattit alors sur ce couvent. À cause des péchés des hommes, Dieu permit à cette époque que la paix entre Danois et Slaves soit perturbée et Il laissa un homme malveillant essayer de semer le bon grain croissant de la religion divine avec l'ivraie. Car, parmi les Danois, le fils du roi très chrétien Harold, Svein Otto, enflammé par un esprit diabolique, prépara plusieurs conspirations contre son père parce qu'il voulait lui ôter le trône, à un moment où Harold était plus âgé et moins fort, afin d’extirper entièrement l'œuvre divine de la plantation des territoires Danois. Harold, comme cela a été dit plus haut, avait d'abord été un païen. Lorsqu'il se convertit à la foi du Christ grâce à la doctrine de Unni, il eut une telle dévotion envers le Seigneur que l’on n'a jamais vu quelqu’un de semblable parmi tous les rois du Danemark. Il répandit dans les vastes étendues du nord la connaissance de la foi divine et fit que tout ce pays devint remarquable pour ses églises et ses prêtres. Admirable, tout comme cet homme et son zèle en matière de piété, et il n’était pas moins remarquable en sagesse universelle. Concernant sa façon de gouverner son royaume, il fut tout aussi remarquable par son respect que par sa réputation ; jusqu’à maintenant non seulement les Danois, mais aussi les Saxons s'efforçaient d'observer les lois et les jugements qu'il donnait. Cependant, à l'instigation de ceux qui refusèrent de servir Dieu et de maintenir la paix du roi, les Danois l’un dans l’autre, complotèrent pour renoncer au christianisme, installèrent l’impie Svein sur le trône et déclarèrent la guerre à son père Harold. De même que ce dernier avait, dès le début de son règne, toujours placé sa confiance en Dieu, il avait également tout particulièrement recommandé à Dieu l’issue du conflit, plus attristé par le péché de ses fils et ses tentatives sur l'Église que par son propre sort. Quand il s'aperçut que les troubles ne pouvaient être réprimés sans une guerre, il prit les armes à son corps défendant, poussé par ceux qui voulaient conserver une fidélité inconditionnelle au Seigneur et au roi. La guerre donc s'ensuivit. Dans ce conflit, le parti d'Harold fut battu et beaucoup tombèrent couverts de blessures. Grièvement blessé, Harold s'enfuit de la bataille à bord d'un navire et s’échappa à Jumne, ville la plus renommée des Slaves. Là, il fut bien reçu, contrairement à ses attentes car les gens étaient des barbares. Après quelques jours, sa blessure l’affaiblit et il mourut dans la confession du Christ. Il mérite d'être inscrit non seulement parmi les rois agréables à Dieu, mais aussi parmi les glorieux martyrs. Il avait régné cinquante ans. À la mort de Harold, Svein, qui s'empara du royaume, laissa libre cours à sa cruauté passionnée en exerçant la persécution la plus horrible sur les chrétiens. Tous les malveillants des pays nordiques se regroupèrent, se réjouissant que maintenant la voie fût ouverte à leur débauche, à savoir des guerres et des troubles, et ils commencèrent à harceler les pays voisins par voie terrestre et maritime. D'abord, ils rassemblèrent une flotte de navires de guerre, traversèrent l'Océan britannique par la route la plus courte, et débarquèrent sur les rives de l’Elbe. Là, sans avertissement, ils se précipitèrent sur un peuple pacifique et sans méfiance, ravagèrent toute la côte de Hadeln et tout le pays des Saxons le long de la rivière, jusqu'à atteindre Stade, havre commode pour les navires descendant l'Elbe. Les comtes Siegfried et Dietrich et d’autres seigneurs à qui la sécurité de la province avait été confiée, apprirent rapidement ces tristes nouvelles et se précipitèrent pour contrer les barbares. Bien qu'ils fussent très peu nombreux, la nécessité du moment les forçait à attaquer l'ennemi dans ce port de Stade. Dans cette bataille furieuse les valeureux Saxons furent débordés et les Danois les battirent. Les comtes, les autres nobles chevaliers et des hommes qui avaient survécu au massacre furent attachés, enchaînés et traînés vers les navires. Le comte Siegfried s'enfuit dans la nuit avec l'aide d'un pêcheur et échappa à la captivité. Furieux de cette évasion, les barbares coupèrent les mains et le nez de tous les nobles enchaînés, et les jetèrent à moitié morts sur le rivage. Puis ils pillèrent le reste du pays en toute impunité. Une autre bande de pirates qui avait remonté la Weser ravagea tous les pays le long de cette rivière jusqu’au Lesum et atteignit le Glindesmor avec un grand nombre de captifs. Quand là ils firent un certain chevalier saxon captif pour les conduire, celui-ci les fit entrer dans les parties les plus infranchissables du marais. Là, ils s’épuisèrent après un certain temps et furent facilement battus par les Saxons qui les poursuivaient. Vingt mille d'entre eux périrent. Le nom du chevalier qui les emmena dans ces lieux impénétrables était Heriward. Que les Saxons lui rendent gloire éternellement ! [1,16] CHAPITRE XVI. Comment les Slaves délaissèrent la foi. Vers ce temps là finissait l'Année de l'Incarnation 1001, dans laquelle mourut prématurément le grand Empereur Otton au moment où il entrait dans Rome pour la troisième fois. Son Successeur fut le Pieux Henri Prince illustre par sa justice et sa sainteté, car c'est lui qui a fondé l'Eglise de Bamberg et s'est montré d'une grande magnificence envers la religion. Dans la dixième année de son règne mourut Benon, Duc de Saxe, homme remarquable par sa probité, et vaillant défenseur des églises. Son fils Bernhard hérita de ses états, mais non pas de sa fortune, car depuis le moment où il commença à régner, la discorde ne cessa point de troubler cet état. D'abord il se révolta contre l'Empereur et entraîna toute la Saxe dans sa Rébellion: puis il s'éleva contre le Christ et troubla les églises qui n'avaient pu voulu entrer dans ses villes séditieuses, enfin oubliant la bonté dont son père usait envers les Slaves, il les força par les oppressions à retourner au Paganisme. Dans ce tems là le domaine des Slaves était partagé entre le marquis Théodoric et le Duc Bernhard l’un avait l’Orient et l’autre l’Occident et leur lâcheté força les Slaves à devenir déserteurs Ces peuples n’étaient point encore assez fermes dans la foi. C’est pourquoi de grands princes les avaient traités avec douceur mais ceux ci usèrent d une telle cruauté qu’ils les forcèrent à défendre leur liberté par les armes. Les Princes Winuliens qui soufflèrent le feu de la sédition furent Mistiwoy et Mizzudrag. L’on raconte et c’est une opinion commune appuyée sur les récits des anciens que Mistiwoy voulut épouser la nièce du Duc Bernard qui la lui promit alors ; le Prince des Winuliens voulant se rendre digne d’un tel mariage accompagna le Duc en Italie avec mille cavaliers qui y furent presque tous tués. A son retour il demanda son épouse, mais le marquis Théodoric dit tout haut qu’il ne fallait pas donner la parente du Duc à un chien. Mistiwoy entendant ces paroles se retira avec beaucoup d indignation. Le Duc envoya après lui, lui offrant de le marier aussitôt, mais on assure qu’il répondit en ces termes : La nièce d un grand Prince doit épouser un homme illustre et il ne faut pas la donner à un chien. Nous voilà bien payé de nos services puisqu’on juge que nous sommes des chiens et non pas des hommes. Mais un chien courageux peut faire de grandes morsures. Après avoir dit ces choses Mistiwoy alla dans la Slavie et d’abord étant arrivé à Rhetré, qui est dans la terre des Lutiçes, il y assembla tous les Slaves orientaux, leurs raconta l’injure qu’il avait récit et leur dit que les Saxons appelaient les Slaves des chiens ; alors les Slaves lui répondirent : Tu n’as que ce que tu mérites car tu as méprisé ceux de ta race et tu t’es attaché aux Saxons nation perfide et avare ; si tu nous jures de les abandonner nous serons avec toi et Mistiwoy jura. Ensuite Bernard prit les armes contre l'Empereur et les Slaves profitant de l'occasion dévastèrent d’abord toute la Nord Albingie, puis parcourant tout le reste de la Slavie, ils brûlèrent les églises, firent mourir les Prêtres dans toutes sortes de supplice et ne laissèrent au-delà de l'Elbe aucune trace de Christianisme. Beaucoup de citoyens et de Prêtres furent pris à Hambourg et conduits en captivité et beaucoup d'autres furent tués en haine du Christianisme. Les anciens d'entre les Slaves qui retiennent dans leur mémoire toute l'Histoire des barbares, racontent que Aldenbourg fut trouvée la plus remplie de chrétiens, qu'on les mutila tous comme du bétail, mais que l'on conserva soixante prêtres pour servir de jouet, et entre autre Oddar grand Prévôt de ce lieu. Voici le Martyre qu'on leurs fit souffrir, d'abord on leur incisa la peau de la tête en forme de croix, puis on leur liait les mains derrière le dos et on les conduisait ainsi de ville en ville, jusqu'à ce qu'ils tombaient morts et voilà le spectacle qu'ils donnèrent aux hommes et aux anges. On raconte bien des choses pareilles dans les diverses provinces des Slaves et des nord albingiens qui à présent sont tenues pour des fables parce qu'il n'y a pas eu d'écrivains pour en conserver la mémoire, mais toujours est il sûr qu'il y a eu là tant de Martyrs qu'un livre ne suffirait pas pour en bien parler. Or donc tous les Slaves qui habitent entre l'Elbe et l'Oder avaient été chrétiens pendant soixante et dix ans et plus, mais ils se séparèrent de l'Eglise sous les Ottons ainsi qu'il a été dit plus haut — O ! jugements incompréhensibles de Dieu qui endurcit les uns et prend pitié des autres. Car nous voyons que ceux qui avaient cru les premiers sont retombés, et que ceux qui semblaient les plus nouveaux sont restés fidèles. Car le juge juste, fort, patient qui détruisit devant les sept nations de Canaan réserva les alienigenes où devait se trouver Israël et tout de même il a voulu endurcir alors cette faible portion de gentils qui devaient confondre notre perfidie. Toutes ces choses sont arrivées du temps de l’Archevêque Libentius l’ancien, sous le Duc Bernhard, fils de Benon. Théodoric, aussi avare et cruel que Bernhard, fut privé de ses honneurs et de ses héritages et mourut prebendaire de Magdebourg. Mistiwoy prince des Slaves fit pénitence sur la fin de ses jours et retourna au christianisme c’est pourquoi il fut obligé d abandonner sa patrie et se retira chez les Bardes où il mourut fort âgé et toujours fidèle. [1,17] XVII. L’évêque Unwan. Quand Ezico mourut à Oldenburg, Volkward lui succéda, et après lui ce fut Reginbert. Le premier de ces évêques, Volkward, fut chassé de Slavie à l'époque de la persécution et s'en alla en Norvège. Après qu'il y ait gagné de nombreuses âmes pour le Seigneur, revint avec joie à Brême. Dans l'église métropolitaine de Hambourg, Libentius, homme d’une piété remarquable, succéda au métropolite Adaldag, qui fut le premier à consacrer les évêques d’Oldenburg. A l’époque de Libentius, les Slaves avaient abandonné la foi. Après lui vint Unwan, rejeton d'une famille des plus distingués, riche et généreuse d'ailleurs, aimé de tous, mais bienveillant à l'égard du clergé. Quand alors le duc Bernard et ses complices se révoltèrent contre le César Henri, opprimèrent et perturbèrent toutes les églises de Saxe, surtout celles qui ne violaient pas leur serment de fidélité envers la majesté impériale, on dit que l’archevêque Unwan, par sa magnanimité, freina l’impétuosité de cet homme si bien que, grâce à la sagesse et la libéralité de l'évêque, le duc fut forcé enfin d'être bienveillant à tous égards envers l'église dont il était précédemment l'adversaire. Donc conseillé par le prélat, le prince rebelle fut enfin amené à se présenter sa soumission en suppliant le César Henri à Hausberge. Bientôt, grâce à la faveur d’Unwan, il soumit les Slaves au tribut et restaura la paix chez les Nordalbingiens et à leur mère, l'église de Hambourg. Pour restaurer cette dernière, on dit que le métropolite construisit une ville nouvelle et une église après qu’elles eussent été détruites par les Slaves. A cette époque, il choisit trois frères de chacune de ses congrégations afin qu'il y en ait douze qui, à Hambourg, conformément à la règle canonique, pussent convertir les gens de leur erreur d'idolâtrie. A la mort de Reginbert, Unwan consacra pour la Slavie Bernhard, un homme avisé, qui était un des frères de l'église de Hambourg, et qui avait un grand crédit comme prédicateur parmi les peuples slaves. [1,18] XVIII. L’évêque Benno. Benno, homme d’une grande piété, voulut reconstruire la chaire détruite d’Oldenburg, il commença à s’informer sur les biens et les revenus donnés à l'institution par Otton le Grand selon le droit épiscopal. A la suite de la destruction de l'église d’Oldenburg, les anciennes institutions et les donations des grands princes étaient tombées dans l'oubli et se trouvaient maintenant en possession des Slaves ; l'évêque commença à se plaindre en présence du duc Bernard que les Obodrites, les Wagiri et d'autres tribus slaves refusaient de payer les redevances qui lui étaient dues. Sur ces affirmations on convoqua à un colloque les princes Winuli et on leur demanda pourquoi ils avaient été réticents à payer les redevances légales à l'évêque; ils commencèrent par alléguer diverses charges fiscales et dirent qu'ils préféraient abandonner la terre plutôt que de payer des tributs plus élevés. Se rendant compte qu'il ne pourrait pas restaurer les droits de l'Eglise sous la forme qu’ils avaient du temps d’Otton le Grand, le duc demanda, et obtint le paiement de deux sous — par maison riche ou pauvre — sur toute la terre des Obodrites, pour le soutien des évêques. En outre on rendit à l'évêque pour les domaines connus — Bosau et Nezenna — et d’autres possessions dans le territoire des Wagiri. Celles qui étaient situés dans une région reculée de Slavie et qui, comme le mentionne une histoire ancienne, dépendaient autrefois de l'épiscopat, savoir Derichevo, Müritz, Kucin et leurs terres attenantes, l'évêque Benno ne fut jamais en mesure de les obtenir du duc, même s’il en demanda souvent la restitution. Peu de temps après il plut au pieux empereur Henri de convoquer une diète dans le château de Werben, de ce côté de l'Elbe, pour tester la bonne disposition des Slaves ; tous les princes Winuli vinrent voir l'empereur et, en sa présence, dirent qu'ils obéissaient à l'empire pour le bien de la paix et lui étaient soumis. Lorsque l'évêque d’Oldenburg répéta là devant l’Empereur sa vieille doléance concernant les possessions foncières de l'église, les princes slaves, interrogés sur les biens appartenant à l'évêque, reconnurent que les villes mentionnées et leurs faubourgs devaient appartenir à l'église et à l'évêque. En outre, tous les Obodrites, Kicini, Polabe, Slaves, Wagiri et autres tribus slaves entrant dans les limites de l’église d’Oldenburg, promirent de payer intégralement cette redevance qui avait été instituée par Otton le Grand comme une dîme pour l'entretien des églises. Cependant, cette promesse se révéla une imposture totale et fut lettre-morte. Car dès que l'empereur eut congédié la diète, il s’occupa d’autres affaires, et les princes ne firent aucun cas de leurs promesses. Bernard, duc de Saxe, énergique dans les affaires militaires, mais rempli de cupidité, et les Slaves, vivants à proximité, soumis par les guerres ou les traités, entourés de telles exactions qu'ils ne se rappelaient ni Dieu ni les prêtres, n’accordaient aucune bienveillance. C'est pourquoi le confesseur du Christ, Benno, voyant que les princes de ce monde non seulement ne le soutenaient pas dans son affaire, mais au contraire lui dressaient des obstacles de toutes sortes, épuisé d’un vain travail et ne trouvant pas d'endroit où se reposer, se rendit chez le très saint Bernward, évêque d’Hildesheim, lui parla de sa situation et lui demanda de le consoler de son malheur. Celui-ci, homme très doux, accueillit son hôte cordialement, le remit de sa fatigue au service de l'humanité et lui fournit le nécessaire pour vivre à partir des revenus de sa propre église jusqu'à ce qu’il trouvât un endroit sûr où séjourner, avant de recommencer les travaux de sa mission. A cette époque, le dit évêque Bernward, fonda, en évidence à grands frais comme on peut le voir, sur un de ses domaines dont il avait hérité, une grande église en l’honneur de Saint Michel Archange, et fit venir ensemble un grand nombre de moines pour servir le Seigneur. Quand l'Église, fut construite selon le vœu, il vint une foule immense pour la fête annoncée de sa consécration. Durant cette cérémonie, alors qu’il consacrait la nef gauche de l'église, l’évêque Benno fut tellement serré par la foule qu’au bout de quelques jours il rendit l’esprit et fut enterré dans la chapelle septentrionale de cette église. Son successeur Meinher, fut béni par Libentius II. Après lui, ce fut Abelin, consacré par l'archevêque Alebrand. [1,19] CHAPITRE XIX. De la persécution de Gotschalk. A cette époque, régnait une paix stable en Slavie car Conrad, qui avait succédé au pieux Henri dans l'Empire, avait fatigué les Winithi dans des guerres continuelles. Néanmoins, la religion chrétienne et le service de la maison de Dieu firent peu de progrès, entravés par l'avarice du duc et des Saxons qui, dans leur rapacité ne laissaient rien, ni pour les églises ni pour les prêtres. Les chefs des Slaves étaient Anadrag et Gneus, et un troisième nommé Udo, mauvais chrétien. Pour cela et aussi à cause de sa cruauté, il fut subitement poignardé par un déserteur saxon. Son fils nommé Gottschalk fut éduqué dans une discipline très stricte à Lüneburg. Quand il apprit la mort de son père, il rejeta la foi et en même temps ses études ; traversant la rivière, il alla chez les Winithi. Ayant réuni une multitude de voleurs, et voulant venger son père, il frappa la terre entière des Nordalbingiens. Il perpétua un tel massacre sur le peuple chrétien que sa cruauté dépassa toute mesure. Rien ne subsista sur la terre des Holzatiens, des Sturmariens et de ceux appelés Thetmarsi. Les seuls endroits qui lui échappèrent furent les lieux bien connus des garnisons d'Itzehoe et de Bökelnburg où un grand nombre de personnes put échapper au pillage et se retira avec femmes, enfants et de quoi vivre. Un jour le jeune prince Gotschalk parcourait la contrée à la manière des brigands, lorsque, voyant tout ce pays, peu auparavant couvert d'une heureuse population et de belles églises, devenu maintenant un désert, il frémit en lui-même. Plongé dans des pensées de repentance, il arrête un chrétien saxon qu'il trouve sur son chemin. Celui-ci s'effraie à la vue de cet homme cuirassé et veut s'enfuir, mais Gotschalk l'appelle avec bonté et lui dit de ne rien craindre. « Qui es-tu? » demande-t-il à ce chrétien intimidé ; « et que dit-on des étrangers, dans ton pays ? »— « Je suis un pauvre homme du Holstein, » répond le chrétien ; « nous sommes tous les jours troublés par des nouvelles affreuses; car on dit que le prince des Slaves veut apaiser sa vengeance dans notre sang ; il serait bien temps que la main de Dieu lui rendît tout le mal qu'il nous fait! » — « Je suis l'homme dont tu parles, » reprit Gotschalk ; « j'ai vengé royalement le meurtre de mon père; mais je me repens d'avoir autant péché contre Dieu et contre les chrétiens, et j'aimerais me réconcilier avec eux ; écoute-moi donc : retourne vers ton peuple, et dis-leur qu'ils m'envoient à un certain endroit quelques hommes de confiance, avec qui je puisse traiter de la paix; je livrerai entre leurs mains toute la troupe de brigands que j'ai conduite jusqu'à présent. Et, disant ces mots, il en fixa pour lui le lieu et l'heure. Quand l'homme arriva à la forteresse dans laquelle se trouvaient les survivants Saxons en grande crainte, il fit connaître aux anciens cette parole secrète et les exhorta par tous les moyens à envoyer des hommes au lieu fixé pour l’entretien. Mais eux, croyant à une ruse retorse, ne l'écoutèrent pas. Et quelques jours plus tard le prince fut capturé par le duc et mis aux fers. Toutefois, ce dernier pensa qu’un homme aussi courageux et belliqueux pouvait lui être utile. Il conclut donc une alliance avec Gottschalk et lui permit de s’en aller honorablement, chargé de présents. En partant, le prince alla chez le roi des Danois, Knut, et il resta avec lui pendant plusieurs jours et même plusieurs années, acquérant pour lui la gloire par sa bravoure dans divers actes guerriers en Normandie et en Angleterre. C'est pourquoi aussi, en cet honneur, le roi lui donna sa fille en mariage. [1,20] XX. La foi de Gottschalk. Après la mort du Roi Knut, Gottschalk revint sur la terre de ses ancêtres. Constatant que son héritage lui avait été pris par certains usurpateurs, il engagea le combat et, vainqueur, il récupéra intégralement son patrimoine avec le principat. Il dirigea immédiatement son esprit vers la conquête de la gloire et de l'honneur pour lui devant le Seigneur et s'efforça de ranimer les peuples slaves. Ceux-ci, vivant encore oublieux de la religion chrétienne qu'ils avaient acceptée auparavant, pouvaient recevoir la grâce de la foi et penser à s’occuper avec soin de l'Église. Et le travail de Dieu prospéra tant entre ses mains qu'une multitude innombrable de païens se bouscula pour recevoir la grâce du baptême. Partout dans le pays des Wagiri et même dans celui des Polabi et des Obodrites, les églises qui avaient été démolies furent reconstruites. L'appel se répandit dans toutes les terres que les prêtres et les ministres du Verbe devaient fournir aux païens incultes les enseignements de la foi. Les fidèles, donc, se réjouirent de la croissance de cette nouvelle plantation et alors les territoires abondèrent en églises et les églises en prêtres. Alors les Kycini, les Cyrcipani et toutes les tribus qui habitaient le long du fleuve Peene reçurent aussi la grâce de la foi. C'est le fleuve Peene à l’embouchure duquel est située la ville de Demmin. Là, les limites du diocèse d'Oldenburg s’étendirent en une fois. Tous les peuples slaves appartenant à la paroisse d'Oldenburg gardèrent pieusement la foi chrétienne pendant tout le temps où vécut Gottschalk. On dit que cet homme très dévot était enflammé d’un tel zèle pour la religion divine qu'il faisait souvent lui-même un discours dans l'église, exhortant les gens en langue slave, parce qu'il voulait clarifier les sujets prêchés de façon obscure par les évêques et les prêtres. A coup sûr, il n’y eut jamais là, dans toute la Slavie, personne plus forte ou plus fervente pour la foi chrétienne. Si Gottschalk eût vécu plus longtemps, il aurait sûrement amené à la foi tous les païens du pays; car il avait déjà regagné environ le tiers de ceux qui avaient apostasié sous son grand-père Mistivoi. Alors on fonda aussi, dans plusieurs villes, des communautés d'hommes religieux qui vécurent selon la règle canonique; et aussi des communautés de moines et de religieuses, comme celles qui ont vu le jour à Lubeck, Oldenburg, Ratzeburg, Lenzen et comme on l’a vu dans d'autres villes. Dans Mecklenburg, principale ville des Obodrites, on dit qu’il y eut en fait trois communautés au service de Dieu.