Référence(s) : Recherche effectuée le : 21/01/2002 11:12:24 -------------------------------------------------------------------------- Forme(s) Références comme [5] comme [9] comme [12] comme [14] comme [15] comme [16] comme [17] comme [31] Comme [34] comme [37] comme [42] comme [43] comme [51] comme [54] comme [55] comme [57] comme [57] comme [59] comme [63] comme [66] comme [69] comme [70] comme [73] comme [73] comme [90] comme [94] comme [97] comme [110] comme [115] comme [116] comme [119] comme [120] comme [123] comme [123] comme [125] Comme [126] comme [128] comme [133] comme [136] comme [138] comme [139] comme [142] comme [148] comme [153] comme [156] comme [157] comme [162] comme [162] comme [163] comme [165] comme [165] comme [171] comme [194] comme [202] comme [204] comme [207] comme [209] comme [213] comme [216] comme [217] comme [222] comme [223] comme [233] comme [236] comme [246] comme [250] comme [256] comme [261] comme [264] comme [265] comme [268] comme [268] comme [272] comme [276] comme [277] comme [281] comme [281] comme [282] comme [290] comme [291] comme [293] comme [299] comme [299] comme [302] comme [305] comme [305] comme [313] comme [318] comme [320] comme [321] comme [326] comme [326] comme [333] comme [334] comme [336] comme [340] comme [342] comme [344] comme [345] comme [352] comme [356] comme [358] comme [365] comme [372] comme [374] comme [375] comme [380] comme [387] comme [392] comme [398] comme [402] comme [402] comme [411] comme [426] comme [430] comme [432] comme [441] comme [442] comme [442] comme [444] comme [449] comme [460] comme [466] comme [468] comme [470] comme [475] comme [479] comme [483] comme [484] comme [520] comme [523] comme [526] Comme [527] comme [545] comme [581] comme [602] comme [615] comme [652] comme [658] comme [659] comme [660] comme [669] comme [670] comme [671] comme [677] comme [678] comme [681] comme [684] comme [695] comme [697] comme [699] comme [702] comme [704] comme [704] Comme [707] comme [709] comme [712] comme [717] comme [717] comme [718] comme [726] comme [726] comme [727] comme [730] comme [736] comme [740] comme [747] comme [751] comme [751] comme [757] comme [769] comme [772] comme [785] comme [789] comme [799] comme [840] comme [862] comme [893] comme [896] comme [904] comme [909] comme [918] comme [919] comme [920] Comme [924] comme [924] comme [925] comme [927] comme [929] comme [929] comme [931] comme [940] comme [940] comme [944] comme [945] comme [946] comme [950] comme [959] comme [959] comme [976] comme [982] comme [987] -------------------------------------------------------------------------- [5] Quelquefois une bizarre syncope le faisait pâlir et froidir comme un marbre. -------------------------------------------------------------------------- [9] Ce beau soleil si vanté lui avait semblé noir comme celui de la gravure d'Albert Dürer ; la chauve-souris qui porte écrit dans son aile ce mot : *melancholia*, fouettait cet azur étincelant de ses membranes poussiéreuses et voletait entre la lumière et lui ; il s'était senti glacé sur le quai de la Mergellina, où les lazzaroni demi-nus se cuisent et donnent à leur peau une patine de bronze. -------------------------------------------------------------------------- [12] Mais comme un intérieur prend à la longue la physionomie et peut-être la pensée de celui qui l'habite, le logis d'Octave s'était peu à peu attristé ; le damas des rideaux avait pâli et ne laissait plus filtrer qu'une lumière grise. -------------------------------------------------------------------------- [14] La vieille pendule de Boule incrustée de cuivre et d'écaille verte retenait le bruit de son tic-tac, et le timbre des heures ennuyées parlait bas comme on fait dans une chambre de malade ; les portes retombaient silencieuses, et les pas des rares visiteurs s'amortissaient sur la moquette ; le rire s'arrêtait de lui-même en pénétrant dans ces chambres mornes, froides et obscures, où cependant rien ne manquait du luxe moderne. -------------------------------------------------------------------------- [15] Jean, le domestique d'Octave, s'y glissait comme une ombre, un plumeau sous le bras, un plateau sur la main, car, impressionné à son insu de la mélancolie du lieu, il avait fini par perdre sa loquacité. -------------------------------------------------------------------------- [16] Aux murailles pendaient en trophée des gants de boxe, des masques et des fleurets ; mais il était facile de voir qu'on n'y avait pas touché depuis longtemps ; des livres pris et jetés insouciamment traînaient sur tous les meubles, comme si Octave eût voulu, par cette lecture machinale, endormir une idée fixe. -------------------------------------------------------------------------- [17] Une lettre commencée, dont le papier avait jauni, semblait attendre depuis des mois qu'on l'achevât, et s'étalait comme un muet reproche au milieu du bureau. -------------------------------------------------------------------------- [31] Ayant fort peu usé des plaisirs, Octave ne pouvait en être dégoûté ; il n'était ni splénétique, ni romanesque, ni athée, ni libertin, ni dissipateur ; sa vie avait été jusqu'alors mêlée d'études et de distractions comme celle des autres jeunes gens ; il s'asseyait le matin au cours de la Sorbonne, et le soir il se plantait sur l'escalier de l'Opéra pour voir s'écouler la cascade des toilettes. -------------------------------------------------------------------------- [34] Comme les médecins ordinaires n'entendaient rien à cette maladie étrange, car on n'a pas encore disséqué d'âme aux amphithéâtres d'anatomie, on eut recours en dernier lieu à un docteur singulier, revenu des Indes après un long séjour, et qui passait pour opérer des cures merveilleuses. -------------------------------------------------------------------------- [37] Sa figure était pâle, mais, comme nous l'avons dit, ne présentait pas d'altération bien sensible. -------------------------------------------------------------------------- [42] Sa face extrêmement basanée était comme dévorée par un crâne énorme que la chute des cheveux faisait paraître plus vaste encore. -------------------------------------------------------------------------- [43] Ce crâne nu, poli comme de l'ivoire, avait gardé ses teintes blanches, tandis que le masque, exposé aux rayons du soleil, s'était revêtu, grâce aux superpositions des couches du hâle, d'un ton de vieux chêne ou de portrait enfumé. -------------------------------------------------------------------------- [51] Mais ces vêtements flottaient comme s'ils eussent été accrochés à un portemanteau, et dessinaient des plis perpendiculaires que les fémurs et les tibias du docteur cassaient en angles aigus lorsqu'il s'asseyait. -------------------------------------------------------------------------- [54] Des ligaments solides et tendus sur les mains comme les cordes sur le manche d'un violon reliaient entre eux les osselets décharnés des phalanges et les faisaient mouvoir sans trop de grincements. -------------------------------------------------------------------------- [55] Le docteur s'assit sur le siège qu'Octave lui désignait de la main à côté du divan, en faisant des coudes comme un mètre qu'on reploie et avec des mouvements qui indiquaient l'habitude invétérée de s'accroupir sur des nattes. -------------------------------------------------------------------------- [57] Quoique la figure du docteur fût baignée d'ombre et que le haut de son crâne, luisant et arrondi comme un gigantesque oeuf d'autruche, accrochât seul au passage un rayon du jour, Octave distinguait la scintillation des étranges prunelles bleues qui semblaient douées d'une lueur propre comme les corps phosphorescents : il en jaillissait un rayon aigu et clair que le jeune malade recevait en pleine poitrine avec cette sensation de picotement et de chaleur produite par l'émétique. -------------------------------------------------------------------------- [57] Quoique la figure du docteur fût baignée d'ombre et que le haut de son crâne, luisant et arrondi comme un gigantesque oeuf d'autruche, accrochât seul au passage un rayon du jour, Octave distinguait la scintillation des étranges prunelles bleues qui semblaient douées d'une lueur propre comme les corps phosphorescents : il en jaillissait un rayon aigu et clair que le jeune malade recevait en pleine poitrine avec cette sensation de picotement et de chaleur produite par l'émétique. -------------------------------------------------------------------------- [59] Octave sourit faiblement, comme pour remercier M- Cherbonneau de lui épargner d'inutiles et fastidieux remèdes. -------------------------------------------------------------------------- [63] Sans chercher du pouce cette pulsation rapide ou lente qui indique si l'horloge de la vie est détraquée chez l'homme, M- Cherbonneau prit dans sa patte brune, dont les doigts osseux ressemblaient à des pinces de crabe, la main fluette, veinée et moite du jeune homme ; il la palpa, la pétrit, la malaxa en quelque sorte comme pour se mettre en communication magnétique avec son sujet. -------------------------------------------------------------------------- [66] Il me semble que mon corps est devenu perméable, et laisse échapper mon moi comme un crible l'eau par ses trous. -------------------------------------------------------------------------- [69] Je me mets à table aux heures ordinaires, et je parais manger et boire, quoique je ne sente aucun goût aux plats les plus épicés et aux vins les plus forts ; la lumière du soleil me semble pâle comme celle de la lune, et les bougies ont des flammes noires. -------------------------------------------------------------------------- [70] J'ai froid aux plus chauds jours de l'été ; parfois il se fait en moi un grand silence comme si mon coeur ne battait plus et que les rouages intérieurs fussent arrêtés par une cause inconnue. -------------------------------------------------------------------------- [73] La pensée est une force qui peut tuer comme l'acide prussique, comme l'étincelle de la bouteille de Leyde, quoique la trace de ses ravages ne soit pas saisissable aux faibles moyens d'analyse dont la science vulgaire dispose. -------------------------------------------------------------------------- [73] La pensée est une force qui peut tuer comme l'acide prussique, comme l'étincelle de la bouteille de Leyde, quoique la trace de ses ravages ne soit pas saisissable aux faibles moyens d'analyse dont la science vulgaire dispose. -------------------------------------------------------------------------- [90] Allons, dit M- Balthazar Cherbonneau, ouvrez-vous à moi, je suis le médecin des âmes, vous êtes mon malade, et, comme le prêtre catholique à son pénitent, je vous demande une confession complète, et vous pourrez la faire sans vous mettre à genou. -------------------------------------------------------------------------- [94] Peut-être », fit le docteur en s'établissant plus carrément dans son fauteuil, comme quelqu'un qui se dispose à écouter une confidence d'une certaine longueur. -------------------------------------------------------------------------- [97] C'est une aventure très simple, très commune, très usée ; mais, comme dit la chanson de Henri Heine, celui à qui elle arrive la trouve toujours nouvelle, et il en a le coeur brisé. -------------------------------------------------------------------------- [110] Là se forment les projets pour la soirée, s'assignent les rendez-vous, se donnent les réponses, s'acceptent les invitations ; c'est comme une Bourse du plaisir qui se tient de trois heures à cinq heures, à l'ombre des beaux arbres, sous le ciel le plus doux du monde. -------------------------------------------------------------------------- [115] Ce superbe produit de la carrosserie de Vienne, chef-d'oeuvre de Laurenzi, miroité d'un vernis étincelant, historié d'un blason presque royal, était attelé de la plus belle paire de chevaux qui ait jamais piaffé à Hyde Park ou à Saint James au Drawing Room de la reine Victoria, et mené à la Daumont de la façon la plus correcte par un tout jeune jockey en culotte de peau blanche et en casaque verte ; les cuivres des harnais, les boîtes des roues, les poignées des portières brillaient comme de l'or et lançaient des éclairs au soleil ; tous les regards suivaient ce splendide équipage qui, après avoir décrit sur le sable une courbe aussi régulière que si elle eût été tracée au compas, alla se ranger auprès des voitures. -------------------------------------------------------------------------- [116] La calèche n'était pas vide, comme vous le pensez bien ; mais dans la rapidité du mouvement on n'avait pu distinguer qu'un bout de bottine allongé sur le coussin du devant, un large pli de châle et le disque d'une ombrelle frangée de soie blanche. -------------------------------------------------------------------------- [119] L'étrangère portait une robe de ce vert d'eau glacé d'argent qui fait paraître noire comme une taupe toute femme dont le teint n'est pas irréprochable, -- une insolence de blonde sûre d'elle-même. -------------------------------------------------------------------------- [120] Un grand crêpe de Chine blanc, tout bossué de broderies de la même couleur, l'enveloppait de sa draperie souple et fripée à petits plis, comme une tunique de Phidias. -------------------------------------------------------------------------- [123] D'épais bandeaux blonds crépelés, dont les annelures formaient comme des vagues de lumière, descendaient en nappes opulentes des deux côtés de son front plus blanc et plus pur que la neige vierge tombée dans la nuit sur le plus haut sommet d'une Alpe ; des cils longs et déliés comme ces fils d'or que les miniaturistes du Moyen Age font rayonner autour des têtes de leurs anges, voilaient à demi ses prunelles d'un bleu vert pareil à ces lueurs qui traversent les glaciers par certains effets de soleil ; sa bouche, divinement dessinée, présentait ces teintes pourprées qui lavent les valves des conques de Vénus, et ses joues ressemblaient à de timides roses blanches que ferait rougir l'aveu du rossignol ou le baiser du papillon ; aucun pinceau humain ne saurait rendre ce teint d'une suavité, d'une fraîcheur et d'une transparence immatérielles, dont les couleurs ne paraissaient pas dues au sang grossier qui enlumine nos fibres ; les premières rougeurs de l'aurore sur la cime des sierras Nevadas, le ton carné de quelques camélias blancs, à l'onglet de leurs pétales, le marbre de Paros, entrevu à travers un voile de gaze rose, peuvent seuls en donner une idée lointaine. -------------------------------------------------------------------------- [123] D'épais bandeaux blonds crépelés, dont les annelures formaient comme des vagues de lumière, descendaient en nappes opulentes des deux côtés de son front plus blanc et plus pur que la neige vierge tombée dans la nuit sur le plus haut sommet d'une Alpe ; des cils longs et déliés comme ces fils d'or que les miniaturistes du Moyen Age font rayonner autour des têtes de leurs anges, voilaient à demi ses prunelles d'un bleu vert pareil à ces lueurs qui traversent les glaciers par certains effets de soleil ; sa bouche, divinement dessinée, présentait ces teintes pourprées qui lavent les valves des conques de Vénus, et ses joues ressemblaient à de timides roses blanches que ferait rougir l'aveu du rossignol ou le baiser du papillon ; aucun pinceau humain ne saurait rendre ce teint d'une suavité, d'une fraîcheur et d'une transparence immatérielles, dont les couleurs ne paraissaient pas dues au sang grossier qui enlumine nos fibres ; les premières rougeurs de l'aurore sur la cime des sierras Nevadas, le ton carné de quelques camélias blancs, à l'onglet de leurs pétales, le marbre de Paros, entrevu à travers un voile de gaze rose, peuvent seuls en donner une idée lointaine. -------------------------------------------------------------------------- [125] Cette tête éclatante ne saisissait pas d'abord par le dessin, mais bien par le coloris, comme les belles productions de l'école vénitienne, quoique ses traits fussent aussi purs et aussi délicats que ceux des profils antiques découpés dans l'agate des camées. -------------------------------------------------------------------------- [126] Comme Roméo oublie Rosalinde à l'aspect de Juliette, à l'apparition de cette beauté suprême j'oubliai mes amours d'autrefois. -------------------------------------------------------------------------- [128] Je ne comprenais pas comment j'avais pu trouver quelque attrait dans ces liaisons vulgaires que peu de jeunes gens évitent, et je me les reprochai comme de coupables infidélités. -------------------------------------------------------------------------- [133] De grandes portières armoriées s'agrafaient heureusement aux arcades ogivales ; des fauteuils et des meubles de forme ancienne s'harmonisaient avec les murailles couvertes de boiseries brunes ou de fresques d'un ton amorti et passé comme celui des vieilles tapisseries ; aucune couleur trop neuve, aucun or trop brillant n'agaçait l'oeil, et le présent ne dissonait pas au milieu du passé. -------------------------------------------------------------------------- [136] Sa blancheur s'illuminait comme l'albâtre d'une lampe d'un rayon intérieur : il y avait dans son teint de ces scintillations phosphorescentes, de ces tremblements lumineux dont parle Dante lorsqu'il peint les splendeurs du paradis ; on eût dit un ange se détachant en clair sur un soleil. -------------------------------------------------------------------------- [138] Abîmé dans la contemplation de sa beauté, ravi aux sons de sa voix céleste qui faisait de chaque idiome une musique ineffable, lorsqu'il me fallait absolument répondre, je balbutiais quelques mots incohérents qui devaient lui donner la plus pauvre idée de mon intelligence ; quelquefois même un imperceptible sourire d'une ironie amicale passait comme une lueur rose sur ses lèvres charmantes à certaines phrases, qui dénotaient, de ma part, un trouble profond ou une incurable sottise. -------------------------------------------------------------------------- [139] Je ne lui avais encore rien dit de mon amour ; devant elle j'étais sans pensée, sans force, sans courage ; mon coeur battait comme s'il voulait sortir de ma poitrine et s'élancer sur les genoux de sa souveraine. -------------------------------------------------------------------------- [142] Je rougissais, je pâlissais et je sortais sans avoir rien dit, ayant peine à trouver la porte et chancelant comme un homme ivre sur les marches du perron. -------------------------------------------------------------------------- [148] J'étais si complètement possédé que je passais des heures à murmurer en façon de litanies d'amour ces deux mots : -- Prascovie Labinska, -- trouvant un charme indéfinissable dans ces syllabes tantôt égrenées lentement comme des perles, tantôt dites avec la volubilité fiévreuse du dévot que sa prière même exalte. -------------------------------------------------------------------------- [153] A plusieurs reprises je fis des efforts pour sortir de cet état ; j'essayai de me rappeler les axiomes de séduction acceptés par les jeunes gens, les stratagèmes qu'emploient les Valmont du café de Paris et les don Juan du Jockey-Club ; mais à l'exécution le coeur me manquait, et je regrettais de ne pas avoir, comme le Julien Sorel de Stendhal, un paquet d'épîtres progressives à copier pour les envoyer à la comtesse. -------------------------------------------------------------------------- [156] M- Balthazar Cherbonneau avait écouté Octave avec une attention profonde, car pour lui le récit du jeune homme n'était pas seulement une histoire romanesque, et il se dit comme à lui-même pendant une pause du narrateur : « Oui, voilà bien le diagnostic de l'amour-passion, une maladie curieuse et que je n'ai rencontrée qu'une fois, -- à Chandernagor, -- chez une jeune paria éprise d'un brahme ; elle en mourut, la pauvre fille, mais c'était une sauvage ; vous, monsieur Octave, vous êtes un civilisé, et nous vous guérirons». -------------------------------------------------------------------------- [157] Sa parenthèse fermée, il fit signe de la main à M- de Saville de continuer ; et, reployant sa jambe sur la cuisse comme la patte articulée d'une sauterelle, de manière à faire soutenir son menton par son genou, il s'établit dans cette position impossible pour tout autre, mais qui semblait spécialement commode pour lui. -------------------------------------------------------------------------- [162] Devant soi, par l'ouverture des arcades, l'on apercevait les ifs et les buis taillés du jardin, d'où s'élançaient quelques cyprès centenaires, et que peuplaient des marbres mythologiques dans le goût tourmenté de Baccio Bandinelli ou de l'AmmanatO- Au fond, au-dessus de la silhouette de Florence, s'arrondissait le dôme de Santa Maria del Fiore et jaillissait le beffroi carré du Palazzo VecchiO- « La comtesse était seule, à demi couchée sur le canapé de jonc ; jamais elle ne m'avait paru si belle ; son corps nonchalant, alangui par la chaleur, baignait comme celui d'une nymphe marine dans l'écume blanche d'un ample peignoir de mousseline des Indes que bordait du haut en bas une garniture bouillonnée comme la frange d'argent d'une vague ; une broche en acier niellé du Khorassan fermait à la poitrine cette robe aussi légère que la draperie qui voltige autour de la Victoire rattachant sa sandale. -------------------------------------------------------------------------- [162] Devant soi, par l'ouverture des arcades, l'on apercevait les ifs et les buis taillés du jardin, d'où s'élançaient quelques cyprès centenaires, et que peuplaient des marbres mythologiques dans le goût tourmenté de Baccio Bandinelli ou de l'AmmanatO- Au fond, au-dessus de la silhouette de Florence, s'arrondissait le dôme de Santa Maria del Fiore et jaillissait le beffroi carré du Palazzo VecchiO- « La comtesse était seule, à demi couchée sur le canapé de jonc ; jamais elle ne m'avait paru si belle ; son corps nonchalant, alangui par la chaleur, baignait comme celui d'une nymphe marine dans l'écume blanche d'un ample peignoir de mousseline des Indes que bordait du haut en bas une garniture bouillonnée comme la frange d'argent d'une vague ; une broche en acier niellé du Khorassan fermait à la poitrine cette robe aussi légère que la draperie qui voltige autour de la Victoire rattachant sa sandale. -------------------------------------------------------------------------- [163] Des manches ouvertes à partir de la saignée, comme les pistils du calice d'une fleur, sortaient ses bras d'un ton plus pur que celui de l'albâtre, où les statuaires florentins taillent des copies de statues antiques ; un large ruban noir noué à la ceinture, et dont les bouts retombaient, tranchait vigoureusement sur toute cette blancheur. -------------------------------------------------------------------------- [165] Les cheveux blonds de la comtesse, dont les bandeaux bouffants, comme s'ils eussent été soulevés par un souffle, découvraient son front pur, et ses tempes transparentes formaient comme un nimbe, où la lumière pétillait en étincelles d'or. -------------------------------------------------------------------------- [165] Les cheveux blonds de la comtesse, dont les bandeaux bouffants, comme s'ils eussent été soulevés par un souffle, découvraient son front pur, et ses tempes transparentes formaient comme un nimbe, où la lumière pétillait en étincelles d'or. -------------------------------------------------------------------------- [171] J'ignore ce que j'eusse fait, si la comtesse, devinant la cause de mon trouble, ne se fût redressée à demi en tendant vers moi sa belle main, comme pour me fermer la bouche. -------------------------------------------------------------------------- [194] A qui n'est-il pas arrivé de suspendre sa marche à la grille d'un parc, de regarder longtemps la blanche villa à travers les massifs de verdure, et de s'éloigner le coeur gros, comme si le rêve de sa vie était caché derrière ces murailles ? -------------------------------------------------------------------------- [202] Une allée de sable tamisée au crible, de peur qu'une valve de conque ou qu'un angle de silex ne blessât les pieds aristocratiques qui y laissaient leur délicate empreinte, circulait comme un ruban jaune autour de cette nappe verte, courte et drue, que le rouleau égalisait, et dont la pluie factice de l'arrosoir entretenait la fraîcheur humide, même aux jours les plus desséchants de l'été. -------------------------------------------------------------------------- [204] L'élégante façade de l'hôtel terminait la perspective ; de sveltes colonnes d'ordre ionique soutenant l'attique sourmonté à chaque angle d'un gracieux groupe de marbre, lui donnaient l'apparence d'un temple grec transporté là par le caprice d'un millionnaire, et corrigeaient, en éveillant une idée de poésie et d'art, tout ce que le luxe aurait pu avoir de trop fastueux ; dans les entre-colonnements, des stores rayés de larges bandes roses et presque toujours baissés abritaient et dessinaient les fenêtres, qui s'ouvraient de plain-pied sous le portique comme des portes de glace. -------------------------------------------------------------------------- [207] Si quelque poète matineux eût passé avenue Gabriel aux premières rougeurs de l'aurore, il eût entendu le rossignol achever les derniers trilles de son nocturne, et vu le merle se promener en pantoufles jaunes dans l'allée du jardin comme un oiseau qui est chez lui ; mais la nuit, après que les roulements des voitures venant de l'Opéra se sont éteints au milieu du silence de la vie endormie, ce même poète aurait vaguement distingué une ombre blanche au bras d'un beau jeune homme, et serait remonté dans sa mansarde solitaire, l'âme triste jusqu'à la mort. -------------------------------------------------------------------------- [209] Il avait évité les balles comme les braves les évitent, en se précipitant au-devant d'elles, et les damas courbes des sauvages guerriers s'étaient brisés sur sa poitrine sans l'entamer. -------------------------------------------------------------------------- [213] Il faudrait que chaque goutte d'encre se transformât dans notre plume en goutte de lumière, et que chaque mot s'évaporât sur le papier en jetant une flamme et un parfum comme un grain d'encens. -------------------------------------------------------------------------- [216] Olaf et Prascovie s'étaient aimés tout enfants ; jamais leur coeur n'avait battu qu'à un seul nom ; ils savaient presque dès le berceau qu'ils s'appartiendraient, et le reste du monde n'existait pas pour eux ; on eût dit que les morceaux de l'androgyne de Platon, qui se cherchent en vain depuis le divorce primitif, s'étaient retrouvés et réunis en eux ; ils formaient cette dualité dans l'unité, qui est l'harmonie complète, et, côte à côte, ils marchaient, ou plutôt ils volaient à travers la vie d'un essor égal, soutenu, planant comme deux colombes que le même désir appelle, pour nous servir de la belle expression de Dante. -------------------------------------------------------------------------- [217] Afin que rien ne troublât cette félicité, une fortune immense l'entourait comme d'une atmosphère d'or. -------------------------------------------------------------------------- [222] Le comte était de taille moyenne, mince, svelte, nerveux, cachant des muscles d'acier sous une apparente délicatesse ; et lorsque dans quelque bal d'ambassade, il revêtait son costume de magnat, tout chamarré d'or, tout étoilé de diamants, tout brodé de perles, il passait parmi les groupes comme une apparition étincelante, excitant la jalousie des hommes et l'amour des femmes, que Prascovie lui rendait indifférentes. -------------------------------------------------------------------------- [223] Nous n'ajoutons pas que le comte possédait les dons de l'esprit comme ceux du corps ; les fées bienveillantes l'avaient doué à son berceau, et la méchante sorcière qui gâte tout s'était montrée de bonne humeur ce jour-là. -------------------------------------------------------------------------- [233] L'amour et les dieux se reconnaissent au regard : cette idée traversait comme un petit nuage le limpide azur de son bonheur, et lui inspirait la légère tristesse des anges qui, dans le ciel, se souviennent de la terre ; son âme charmante souffrait de savoir là-bas quelqu'un malheureux à cause d'elle ; mais que peut l'étoile d'or scintillante au haut du firmament pour le pâtre obscur qui lève vers elle des bras éperdus ? -------------------------------------------------------------------------- [236] C'était cependant une femme d'une angélique pureté et chaste comme la neige du dernier sommet de l'Himalaya. -------------------------------------------------------------------------- [246] Tandis que leur maigre dépouille reste là, inerte, horrible à voir, comme une larve nocturne surprise par le jour, leur esprit, libre de tous liens, s'élance, sur les ailes de l'hallucination, à des hauteurs incalculables, dans les mondes surnaturels. -------------------------------------------------------------------------- [250] Le docteur, devinant la pensée d'Octave, lui fit un signe de main comme pour prévenir ses questions, et lui dit : « Patience, mon cher malade ; vous allez comprendre tout à l'heure que je ne me livre pas à une digression inutile. -------------------------------------------------------------------------- [256] Pourtant mon rêve scientifique n'était pas accompli ; l'âme m'échappait toujours ; je la pressentais, je l'entendais, j'avais de l'action sur elle ; j'engourdissais ou j'excitais ses facultés ; mais entre elle et moi il y avait un voile de chair que je pouvais écarter sans qu'elle s'envolât ; j'étais comme l'oiseleur qui tient un oiseau sous un filet qu'il n'ose relever, de peur de voir sa proie ailée se perdre dans le ciel. -------------------------------------------------------------------------- [261] J'étudiai les sculptures symboliques dans les chambres intérieures des pagodes que n'a vues nul oeil profane et où une robe de brahme me permettait de pénétrer ; je lus bien des mystères cosmogoniques, bien des légendes de civilisations disparues ; je découvris le sens des emblèmes que tiennent dans leurs mains multiples ces dieux hybrides et touffus comme la nature de l'Inde ; je méditai sur le cercle de Brahma, le lotus de Wishnou, le cobra capello de Shiva, le dieu bleu. -------------------------------------------------------------------------- [264] Un prêtre du temple de Tirounamalay, à qui je fis part de l'idée qui me préoccupait, m'indiqua, comme parvenu au plus haut degré de sublimité, un pénitent qui habitait une des grottes de l'île d'Éléphanta. -------------------------------------------------------------------------- [265] Je le trouvai, adossé au mur de la caverne, enveloppé d'un bout de sparterie, les genoux au menton, les doigts croisés sur les jambes, dans un état d'immobilité absolue ; ses prunelles retournées ne laissaient voir que le blanc, ses lèvres bridaient sur ses dents déchaussées ; sa peau, tannée par une incroyable maigreur, adhérait aux pommettes ; ses cheveux, rejetés en arrière, pendaient par mèches roides comme des filaments de plantes du sourcil d'une roche ; sa barbe s'était divisée en deux flots qui touchaient presque terre, et ses ongles se recourbaient en serre d'aigle. -------------------------------------------------------------------------- [268] Je secouai ses bras comme ankylosés par une roideur cataleptique, je lui criai à l'oreille de ma voix la plus forte les paroles sacramentelles qui devaient me révéler à lui comme initié ; il ne tressaillit pas, ses paupières restèrent immobiles. -------------------------------------------------------------------------- [268] Je secouai ses bras comme ankylosés par une roideur cataleptique, je lui criai à l'oreille de ma voix la plus forte les paroles sacramentelles qui devaient me révéler à lui comme initié ; il ne tressaillit pas, ses paupières restèrent immobiles. -------------------------------------------------------------------------- [272] Je suis parvenu à détacher la mienne de mon corps quand il me plaît ; -- elle en sort, elle y rentre comme une abeille lumineuse, perceptible aux yeux seuls des adeptes. -------------------------------------------------------------------------- [276] Je suis bien aise que tu sois venu, car il me tarde de me fondre dans le sein de l'incréé, comme une goutte d'eau dans la mer. -------------------------------------------------------------------------- [277] Et le pénitent me chuchota, d'une voix faible comme le dernier râle d'un mourant, et pourtant distincte, quelques syllabes qui me firent passer sur le dos ce petit frisson dont parle Job. -------------------------------------------------------------------------- [281] La réputation du docteur Balthazar Cherbonneau comme médecin et comme thaumaturge commençait à se répandre dans Paris ; ses bizarreries, affectées ou vraies, l'avaient mis à la mode. -------------------------------------------------------------------------- [281] La réputation du docteur Balthazar Cherbonneau comme médecin et comme thaumaturge commençait à se répandre dans Paris ; ses bizarreries, affectées ou vraies, l'avaient mis à la mode. -------------------------------------------------------------------------- [282] Mais, loin de chercher à se faire, comme on dit, une clientèle, il s'efforçait de rebuter les malades en leur fermant sa porte ou en leur ordonnant des prescriptions étranges, des régimes impossibles. -------------------------------------------------------------------------- [290] Vous voyez bien que M- Balthazar Cherbonneau était le docteur le plus paradoxal du monde, et qu'il avait rapporté de l'Inde une excentricité complète ; mais sa renommée de magnétiseur l'emportait encore sur sa gloire de médecin ; il avait donné devant un petit nombre d'élus quelques séances dont on racontait des merveilles à troubler toutes les notions du possible ou de l'impossible, et qui dépassaient les prodiges de CagliostrO- Le docteur habitait le rez-de-chaussée d'un vieil hôtel de la rue du Regard, un appartement en enfilade comme on les faisait jadis, et dont les hautes fenêtres ouvraient sur un jardin planté de grands arbres au tronc noir, au grêle feuillage vert. -------------------------------------------------------------------------- [291] Quoiqu'on fût en été, de puissants calorifères soufflaient par leurs bouches grillées de laiton des trombes d'air brûlant dans les vastes salles, et en maintenaient la température à trente-cinq ou quarante degrés de chaleur, car M- Balthazar Cherbonneau, habitué au climat incendiaire de l'Inde, grelottait à nos pâles soleils, comme ce voyageur qui, revenu des sources du Nil Bleu, dans l'Afrique centrale, tremblait de froid au Caire, et il ne sortait jamais qu'en voiture fermée, frileusement emmailloté d'une pelisse de renard bleu de Sibérie, et les pieds posés sur un manchon de fer-blanc rempli d'eau bouillante. -------------------------------------------------------------------------- [293] Dans la salle du fond, chauffée plus fortement encore que les autres, se tenait M- Balthazar Cherbonneau, entouré de livres sanscrits tracés au poinçon sur de minces lames de bois percées d'un trou et réunies par un cordon de manière à ressembler plus à des persiennes qu'à des volumes comme les entend la librairie européenne. -------------------------------------------------------------------------- [299] Lorsque le comte Labinski entra chez le docteur Balthazar Cherbonneau, il se sentit comme entouré d'une vague flamme ; tout son sang afflua vers sa tête, les veines des tempes lui sifflèrent ; l'extrême chaleur qui régnait dans l'appartement le suffoquait ; les lampes où brûlaient des huiles aromatiques, les larges fleurs de Java balançant leurs énormes calices comme des encensoirs l'enivraient de leurs émanations vertigineuses et de leurs parfums asphyxiants. -------------------------------------------------------------------------- [299] Lorsque le comte Labinski entra chez le docteur Balthazar Cherbonneau, il se sentit comme entouré d'une vague flamme ; tout son sang afflua vers sa tête, les veines des tempes lui sifflèrent ; l'extrême chaleur qui régnait dans l'appartement le suffoquait ; les lampes où brûlaient des huiles aromatiques, les larges fleurs de Java balançant leurs énormes calices comme des encensoirs l'enivraient de leurs émanations vertigineuses et de leurs parfums asphyxiants. -------------------------------------------------------------------------- [302] A l'apparition du comte, ses prunelles de turquoise s'illuminèrent de lueurs phosphorescentes au centre de leur orbite dorée du bistre de l'hépatite, et s'éteignirent aussitôt comme recouvertes par une taie volontaire. -------------------------------------------------------------------------- [305] Vos poumons, habitués aux brises de la Baltique qui arrivent toutes froides encore de s'être roulées sur les neiges centenaires du pôle, devaient haleter comme des soufflets de forge à cet air brûlant, où cependant je grelotte, moi, cuit, recuit et comme calciné aux fournaises du soleil». -------------------------------------------------------------------------- [305] Vos poumons, habitués aux brises de la Baltique qui arrivent toutes froides encore de s'être roulées sur les neiges centenaires du pôle, devaient haleter comme des soufflets de forge à cet air brûlant, où cependant je grelotte, moi, cuit, recuit et comme calciné aux fournaises du soleil». -------------------------------------------------------------------------- [313] Rien n'est plus opaque pour mes yeux ; mon regard traverse tout ; je vois distinctement les rayons de la pensée, et comme on projette les spectres solaires sur un écran, je peux les faire passer par mon prisme invisible et les forcer à se réfléchir sur la toile blanche de mon cerveau. -------------------------------------------------------------------------- [318] Une table de marbre noir supportait le corps d'un jeune homme nu jusqu'à la ceinture et gardant une immobilité cadavérique ; de son torse hérissé de flèches comme celui de saint Sébastien, il ne coulait pas une goutte de sang ; on l'eût pris pour une image de martyr coloriée, où l'on aurait oublié de teindre de cinabre les lèvres des blessures. -------------------------------------------------------------------------- [320] Oh ! il ne souffre pas du tout ; piquez-le sans crainte, pas un muscle de sa face ne bougera » ; et le docteur lui enlevait les flèches du corps, comme l'on retire les épingles d'une pelote. -------------------------------------------------------------------------- [321] Quelques mouvements rapides de mains dégagèrent le patient du réseau d'effluves qui l'emprisonnait, et il s'éveilla le sourire de l'extase sur les lèvres comme sortant d'un rêve bienheureux. -------------------------------------------------------------------------- [326] Le docteur fixa sur elle pendant quelques minutes, avec une intensité opiniâtre, les regards de ses prunelles bleues ; les lignes altérées se raffermirent, le galbe du sein reprit sa pureté virginale, une chair blanche et satinée remplit les maigreurs du col ; les joues s'arrondirent et se veloutèrent comme des pêches de toute la fraîcheur de la jeunesse ; les yeux s'ouvrirent scintillants dans un fluide vivace ; le masque de vieillesse, enlevé comme par magie, laissait voir la belle jeune femme disparue depuis longtemps. -------------------------------------------------------------------------- [326] Le docteur fixa sur elle pendant quelques minutes, avec une intensité opiniâtre, les regards de ses prunelles bleues ; les lignes altérées se raffermirent, le galbe du sein reprit sa pureté virginale, une chair blanche et satinée remplit les maigreurs du col ; les joues s'arrondirent et se veloutèrent comme des pêches de toute la fraîcheur de la jeunesse ; les yeux s'ouvrirent scintillants dans un fluide vivace ; le masque de vieillesse, enlevé comme par magie, laissait voir la belle jeune femme disparue depuis longtemps. -------------------------------------------------------------------------- [333] La jeune fille, d'une voix atone comme celle d'une ombre, répondit à l'interrogation mentale du comte : « Dans le coffret de cèdre il y a un morceau de terre saupoudrée de sable fin sur lequel se voit l'empreinte d'un petit pied. -------------------------------------------------------------------------- [334] A-t-elle deviné juste » ? dit le docteur négligemment et comme sûr de l'infaillibilité de sa somnambule. -------------------------------------------------------------------------- [336] Il avait en effet, au premier temps de leurs amours, enlevé dans une allée d'un parc l'empreinte d'un pas de Prascovie, et il la gardait comme une relique au fond d'une boîte incrustée de nacre et d'argent, du plus précieux travail, dont il portait la clef microscopique suspendue à son cou par un jaseron de Venise. -------------------------------------------------------------------------- [340] Le comte s'inclina sur la coupe, dont l'eau se troubla bientôt sous son regard et prit des teintes opalines, comme si l'on y eût versé une goutte d'essence ; un cercle irisé des couleurs du prisme couronna les bords du vase, encadrant le tableau qui s'ébauchait déjà sous le nuage blanchâtre. -------------------------------------------------------------------------- [342] Une jeune femme en peignoir de dentelles, aux yeux vert de mer, aux cheveux d'or crépelés, laissant errer comme des papillons blancs ses belles mains distraites sur l'ivoire du clavier, se dessina ainsi que sous une glace au fond de l'eau redevenue transparente, avec une perfection si merveilleuse qu'elle eût fait mourir tous les peintres de désespoir : -- c'était Prascovie Labinska, qui sans le savoir, obéissait à l'évocation passionnée du comte. -------------------------------------------------------------------------- [344] Olaf n'eut pas plutôt touché le métal chargé d'un magnétisme fulgurant, qu'il tomba comme foudroyé. -------------------------------------------------------------------------- [345] Le docteur le prit dans ses bras, l'enleva comme une plume, le posa sur un divan, sonna, et dit au domestique qui parut au seuil de la porte : « Allez chercher M- Octave de Saville». -------------------------------------------------------------------------- [352] Le docteur prit la rêverie d'Octave pour de l'hésitation : un vague sourire de dédain erra sur le pli de ses lèvres, et lui dit : « Si vous n'êtes pas décidé, je puis réveiller le comte, qui s'en retournera comme il est venu, émerveillé de mon pouvoir magnétique ; mais, pensez-y bien, une telle occasion peut ne jamais se retrouver. -------------------------------------------------------------------------- [356] L'amour est fort comme la mort, dit la Bible. -------------------------------------------------------------------------- [358] Bien, jeune homme, s'écria le docteur en frottant ses mains brunes et sèches avec une rapidité extraordinaire, comme s'il eût voulu allumer du feu à la manière des sauvages. -------------------------------------------------------------------------- [365] Nous allons faire dans notre chaudron une étrange cuisine, comme les sorcières de Macbeth, mais sans l'ignoble sorcellerie du Nord. -------------------------------------------------------------------------- [372] Le docteur, tout en marmottant ces phrases entrecoupées, ne discontinuait pas un seul instant ses passes : de ses mains tendues jaillissaient des jets lumineux qui allaient frapper le front ou le coeur du patient, autour duquel se formait peu à peu une sorte d'atmosphère visible, phosphorescente comme une auréole. -------------------------------------------------------------------------- [374] Le voilà comme je le veux. -------------------------------------------------------------------------- [375] Voyons, voyons, qu'est-ce qui résiste encore par là ? s'écria-t-il après une pause, comme s'il lisait à travers le crâne d'Octave le dernier effort de la personnalité près de s'anéantir. -------------------------------------------------------------------------- [380] Alors il se prépara avec une solennité majestueuse à l'expérience inouïe qu'il allait tenter ; il se revêtit comme un mage d'une robe de lin, il lava ses mains dans une eau parfumée, il tira de diverses boîtes des poudres dont il se fit aux joues et au front des tatouages hiératiques ; il ceignit son bras du cordon des brahmes, lut deux ou trois Slocas des poèmes sacrés, et n'omit aucun des rites minutieux recommandés par le sannyâsi des grottes d'Éléphanta. -------------------------------------------------------------------------- [387] Il se passa alors des choses bien étranges : Octave de Saville et le comte Olaf Labinski parurent agités simultanément comme d'une convulsion d'agonie, leur visage se décomposa, une légère écume leur monta aux lèvres ; la pâleur de la mort décolora leur peau ; cependant deux petites lueurs bleuâtres et tremblotantes scintillaient incertaines au-dessus de leurs têtes. -------------------------------------------------------------------------- [392] En finissant sa période, le docteur Balthazar Cherbonneau fit plusieurs cabrioles d'exultation, et dansa comme les montagnes dans le Schirhasch-Schirim du roi Salomon ; il faillit même tomber sur le nez, s'étant pris le pied aux plis de sa robe brahminique, petit accident qui le rappela à lui-même et lui rendit tout son sang-froid. -------------------------------------------------------------------------- [398] Sa pensée, servie par de nouveaux organes, était comme un ouvrier à qui l'on a retiré ses outils habituels pour lui en donner d'autres. -------------------------------------------------------------------------- [402] Vous n'avez plus envie de vous laisser mourir comme c'était votre projet la première fois que je vous ai vu dans votre triste appartement de la rue Saint-Lazare, maintenant que les portes de l'hôtel Labinski vous sont toutes grandes ouvertes et que vous n'avez plus peur que Prascovie ne vous mette la main devant la bouche, comme à la villa Salviati, lorsque vous voudrez lui parler d'amour ! -------------------------------------------------------------------------- [402] Vous n'avez plus envie de vous laisser mourir comme c'était votre projet la première fois que je vous ai vu dans votre triste appartement de la rue Saint-Lazare, maintenant que les portes de l'hôtel Labinski vous sont toutes grandes ouvertes et que vous n'avez plus peur que Prascovie ne vous mette la main devant la bouche, comme à la villa Salviati, lorsque vous voudrez lui parler d'amour ! -------------------------------------------------------------------------- [411] Vous ne me devez rien ; vous m'intéressiez, et pour un vieux lascar comme moi, tanné à tous les soleils, bronzé à tous les événements, une émotion est une chose rare. -------------------------------------------------------------------------- [426] La cour, qu'Octave-Labinski détailla avec cette rapidité de vision que l'âme acquiert en certaines occasions solennelles, était vaste, entourée de bâtiments symétriques, éclairée par des lampadaires de bronze dont le gaz dardait ses langues blanches dans des fanaux de cristal semblables à ceux qui ornaient autrefois le Bucentaure, et sentait le palais plus que l'hôtel ; des caisses d'orangers dignes de la terrasse de Versailles étaient posées de distance en distance sur la marge d'asphalte qui encadrait comme une bordure le tapis de sable formant le milieu. -------------------------------------------------------------------------- [430] Une immense lanterne découpée et fenestrée, suspendue à un gros câble de soie pourpre orné de houppes et de noeuds, faisait courir des frissons d'or sur les murs revêtus d'un stuc blanc et poli comme le marbre, et projetait une masse de lumière sur une répétition de la main de l'auteur, d'un des plus célèbres groupes de Canova, *L'Amour embrassant Psyché*. -------------------------------------------------------------------------- [432] Sur ce palier s'ouvrait une haute porte de serge relevée de clous dorés ; Octave-Labinski la poussa et se trouva dans une vaste antichambre où sommeillaient quelques laquais en grande tenue, qui, à son approche, se levèrent comme poussés par des ressorts et se rangèrent le long des murs avec l'impassibilité d'esclaves orientaux. -------------------------------------------------------------------------- [441] Au bout de quelques passes, Olaf-de Saville ( qu'on nous permette de réunir ces deux noms pour désigner un personnage double ) sortit comme un fantôme des limbes du profond sommeil, ou plutôt de la catalepsie qui l'enchaînait, immobile et roide, sur l'angle du divan ; il se leva avec un mouvement automatique que la volonté ne dirigeait pas encore, et chancelant sous un vertige mal dissipé. -------------------------------------------------------------------------- [442] Les objets vacillaient autour de lui, les incarnations de Wishnou dansaient la sarabande le long des murailles, le docteur Cherbonneau lui apparaissait sous la figure du sannyâsi d'Éléphanta, agitant ses bras comme des ailerons d'oiseau et roulant ses prunelles bleues dans des orbes de rides brunes, pareils à des cercles de bésicles ; -- les spectacles étranges auxquels il avait assisté avant de tomber dans l'anéantissement magnétique réagissaient sur sa raison, et il ne se reprenait que lentement à la réalité : il était comme un dormeur réveillé brusquement d'un cauchemar, qui prend encore pour des spectres ses vêtements épars sur les meubles, avec de vagues formes humaines, et pour des yeux flamboyants de cyclope les patères de cuivre des rideaux, simplement illuminées par le reflet de la veilleuse. -------------------------------------------------------------------------- [442] Les objets vacillaient autour de lui, les incarnations de Wishnou dansaient la sarabande le long des murailles, le docteur Cherbonneau lui apparaissait sous la figure du sannyâsi d'Éléphanta, agitant ses bras comme des ailerons d'oiseau et roulant ses prunelles bleues dans des orbes de rides brunes, pareils à des cercles de bésicles ; -- les spectacles étranges auxquels il avait assisté avant de tomber dans l'anéantissement magnétique réagissaient sur sa raison, et il ne se reprenait que lentement à la réalité : il était comme un dormeur réveillé brusquement d'un cauchemar, qui prend encore pour des spectres ses vêtements épars sur les meubles, avec de vagues formes humaines, et pour des yeux flamboyants de cyclope les patères de cuivre des rideaux, simplement illuminées par le reflet de la veilleuse. -------------------------------------------------------------------------- [444] Monsieur le comte est-il satisfait des quelques expériences que j'ai eu l'honneur de faire devant lui ? disait-il avec un ton d'obséquieuse humilité où l'on aurait pu démêler une légère nuance d'ironie ; -- j'ose espérer qu'il ne regrettera pas trop sa soirée et qu'il partira convaincu que tout ce qu'on raconte sur le magnétisme n'est pas fable et jonglerie, comme le prétend la science officielle». -------------------------------------------------------------------------- [449] Le brougham où il se trouvait était tapissé de damas bleu foncé ; un satin bouton d'or capitonnait son coupé, et le comte s'étonnait de cette différence tout en l'acceptant comme on fait dans le rêve où les objets habituels se présentent sous des aspects tout autres sans pourtant cesser d'être reconnaissables ; il se sentait aussi plus petit que de coutume ; en outre, il lui semblait être venu en habit chez le docteur, et, sans se souvenir d'avoir changé de vêtement, il se voyait habillé d'un paletot d'été en étoffe légère qui n'avait jamais fait partie de sa garde-robe ; son esprit éprouvait une gêne inconnue, et ses pensées, le matin si lucides, se débrouillaient péniblement. -------------------------------------------------------------------------- [460] Drôle, es-tu ivre ou fou ? dit Olaf-de Saville en repoussant le colosse qui se dressait gigantesquement sur le seuil de la porte entrebâillée, comme une de ces statues en bronze qui, dans les contes arabes, défendent aux chevaliers errants l'accès des châteaux enchantés. -------------------------------------------------------------------------- [466] Je te chasse, bête brute, brigand, scélérat ! je ne veux pas même que tu passes la nuit à l'hôtel ; sauve-toi, ou je te tue comme un chien enragé. -------------------------------------------------------------------------- [468] Et le comte, dépossédé de son corps, s'élançait les yeux injectés de rouge, l'écume aux lèvres, les poings crispés, vers l'énorme suisse, qui, rassemblant les deux mains de son agresseur dans une des siennes, les y maintint presque écrasées par l'étau de ses gros doigts courts, charnus et noueux comme ceux d'un tortionnaire du Moyen Age. -------------------------------------------------------------------------- [470] Y a-t-il du bon sens de se mettre dans des états pareils quand on est vêtu en homme du monde, et de venir ensuite comme un perturbateur faire des tapages nocturnes dans les maisons respectables ? -------------------------------------------------------------------------- [475] Une pensée aiguë lui traversa la cervelle comme une lame d'acier, et il sentit se figer la moelle de ses os. -------------------------------------------------------------------------- [479] Lui avait-on changé son corps comme son vêtement et sa voiture ? -------------------------------------------------------------------------- [483] Les valets se rangèrent respectueusement contre la muraille, le regard baissé, les mains pendantes, dans une immobilité absolue, comme les icoglans à l'approche du padischah ; ils rendaient à ce fantôme les honneurs qu'ils refusaient au comte véritable. -------------------------------------------------------------------------- [484] L'époux de Prascovie, quoique intrépide comme un Slave, c'est tout dire, ressentit un effroi indicible à l'approche de ce Ménechme, qui, plus terrible que celui du théâtre, se mêlait à la vie positive et rendait son jumeau méconnaissable. -------------------------------------------------------------------------- [520] Une idée affreuse lui mordit le coeur de ses crochets de vipère : « Mais ce comte Labinski fictif, pétri dans ma forme par les mains du démon, ce vampire qui habite maintenant mon hôtel, à qui mes valets obéissent contre moi, peut-être à cette heure met-il son pied fourchu sur le seuil de cette chambre où je n'ai jamais pénétré que le coeur ému comme le premier soir, et Prascovie lui sourit-elle doucement et penche-t-elle avec une rougeur divine sa tête charmante sur cette épaule parafée de la griffe du diable, prenant pour moi cette larve menteuse, ce brucolaque, cette empouse, ce hideux fils de la nuit et de l'enfer. -------------------------------------------------------------------------- [523] Des vagues enflammées affluaient au cerveau du comte, il poussait des cris de rage inarticulés, se mordait les poings, tournait dans la chambre comme une bête fauve. -------------------------------------------------------------------------- [526] Il se dit que le temps du magisme et de la sorcellerie était passé ; que la mort seule déliait l'âme du corps ; qu'on n'escamotait pas de la sorte, au milieu de Paris, un comte polonais accrédité de plusieurs millions chez Rothschild, allié aux plus grandes familles, mari aimé d'une femme à la mode, décoré de l'ordre de Saint-André de première classe, et que tout cela n'était sans doute qu'une plaisanterie d'assez mauvais goût de M- Balthazar Cherbonneau, qui s'expliquerait le plus naturellement du monde, comme les épouvantails des romans d'Anne Radcliffe. -------------------------------------------------------------------------- [527] Comme il était brisé de fatigue, il se jeta sur le lit d'Octave et s'endormit d'un sommeil lourd, opaque, semblable à la mort, qui durait encore lorsque Jean, croyant son maître éveillé, vint poser sur la table les lettres et les journaux. -------------------------------------------------------------------------- [545] Que diable ! on ne peut pas laisser mourir de mélancolie son camarade de collège au fond de cet appartement lugubre comme la cellule de Charles Quint au monastère de Yuste. -------------------------------------------------------------------------- [581] Malheureux que je suis ! je sais que le paradis m'est fermé et je reste stupidement assis au seuil, le dos appuyé à la porte, qui ne doit pas s'ouvrir, et je pleure en silence, sans secousses, sans efforts, comme si mes yeux étaient des sources d'eau vive. -------------------------------------------------------------------------- [602] Le docteur était assis, comme à son ordinaire, sur le divan de la pièce du fond, tenant son pied dans sa main, et paraissait plongé dans une méditation profonde. -------------------------------------------------------------------------- [615] Oh ! nous avons les moyens de réduire les malades lorsqu'ils se regimbent, dit-il en laissant tomber sur lui ce regard froid comme une douche, qui dompte les fous et fait s'aplatir les lions sur le ventre. -------------------------------------------------------------------------- [652] Près de ce moment suprême, son âme éprouvait des transes et des anxiétés affreuses : les timidités du véritable amour la faisaient défaillir comme si elle habitait encore la forme dédaignée d'Octave de Saville. -------------------------------------------------------------------------- [658] En face se répétait le même motif, avec cette différence que les panneaux peints étaient remplacés par des glaces jouant sur des charnières comme des feuilles de paravent, de façon que l'on pût s'y voir de face, de profil, par-derrière, et juger de l'effet d'un corsage ou d'une coiffure. -------------------------------------------------------------------------- [659] Sur la troisième face régnait une longue toilette plaquée d'albâtre-onyx, où des robinets d'argent dégorgeaient l'eau chaude et froide dans d'immenses jattes du Japon enchâssées par des découpures circulaires du même métal ; des flacons en cristal de Bohême, qui, aux feux des bougies, étincelaient comme des diamants et des rubis, contenaient les essences et les parfums. -------------------------------------------------------------------------- [660] Les murailles et le plafond étaient capitonnés de satin vert d'eau, comme l'intérieur d'un écrin. -------------------------------------------------------------------------- [669] Un bournous de Tunis d'une finesse idéale, rubané de raies bleues et blanches alternativement opaques et transparentes, l'enveloppait comme un nuage souple ; la légère étoffe avait glissé sur le tissu satiné des épaules et laissait voir la naissance et les attaches d'un col qui eût fait paraître gris le col de neige du cygne. -------------------------------------------------------------------------- [670] Dans l'interstice des plis bouillonnaient les dentelles d'un peignoir de batiste, parure nocturne que ne retenait aucune ceinture ; les cheveux de la comtesse étaient défaits et s'allongeaient derrière elle en nappes opulentes comme le manteau d'une impératrice. -------------------------------------------------------------------------- [671] Certes, les torsades d'or fluide dont la Vénus Aphrodite exprimait des perles, agenouillée dans sa conque de nacre, lorsqu'elle sortit comme une fleur des mers de l'azur ionien, étaient moins blondes, moins épaisses, moins lourdes ! -------------------------------------------------------------------------- [677] Octave-Labinski sentit à cet aspect, comme s'il eût vu le spectacle le plus terrible, ses genoux s'entrechoquer et se dérober sous lui. -------------------------------------------------------------------------- [678] Sa bouche se sécha, et l'angoisse lui étreignit la gorge comme la main d'un Thugg ; des flammes rouges tourbillonnèrent autour de ses yeux. -------------------------------------------------------------------------- [681] Ah ! c'est vous, Olaf ! comme vous rentrez tard ce soir» ! dit la comtesse sans se retourner, car sa tête était maintenue par les longues nattes que tressaient ses femmes, et la dégageant des plis du bournous, elle lui tendit une de ses belles mains. -------------------------------------------------------------------------- [684] Elle tressaillit et dégagea lentement sa main, demi-fâchée, demi-honteuse ; les lèvres d'Octave lui avaient produit comme une impression de fer rouge. -------------------------------------------------------------------------- [695] Gênée et brûlée par ce regard, la comtesse s'enveloppa de son bournous comme la Polymnie de sa draperie. -------------------------------------------------------------------------- [697] Bien qu'aucune pénétration humaine n'eût pu deviner le mystérieux déplacement d'âmes opéré par le docteur Cherbonneau au moyen de la formule du sannyâsi Brahma-Logum, Prascovie ne reconnaissait pas, dans les yeux d'Octave-Labinski, l'expression ordinaire des yeux d'Olaf, celle d'un amour pur, calme, égal, éternel comme l'amour des anges ; -- une passion terrestre incendiait ce regard, qui la troublait et la faisait rougir. -------------------------------------------------------------------------- [699] Mille suppositions étranges lui traversèrent la pensée : n'était-elle plus pour Olaf qu'une femme vulgaire, désirée pour sa beauté comme une courtisane ? l'accord sublime de leurs âmes avait-il été rompu par quelque dissonance qu'elle ignorait ? -------------------------------------------------------------------------- [702] Une terreur secrète l'envahissait comme si elle eût été en présence d'un danger inconnu, mais deviné par cette seconde vue de l'âme, à laquelle on a toujours tort de ne pas obéir. -------------------------------------------------------------------------- [704] Le faux comte l'accompagna, un bras sur la taille, comme Othello reconduit Desdémone à chaque sortie dans la pièce de Shakespeare ; mais quand elle fut sur le seuil, elle se retourna, s'arrêta un instant, blanche et froide comme une statue, jeta un coup d'oeil effrayé au jeune homme, entra, ferma la porte vivement et poussa le verrou. -------------------------------------------------------------------------- [704] Le faux comte l'accompagna, un bras sur la taille, comme Othello reconduit Desdémone à chaque sortie dans la pièce de Shakespeare ; mais quand elle fut sur le seuil, elle se retourna, s'arrêta un instant, blanche et froide comme une statue, jeta un coup d'oeil effrayé au jeune homme, entra, ferma la porte vivement et poussa le verrou. -------------------------------------------------------------------------- [707] Comme en ai-je vu la flamme sombre et désespérée luire à travers les prunelles de mon mari ? -------------------------------------------------------------------------- [709] Est-ce son âme qui a brillé un instant devant moi comme pour me dire adieu avant de quitter cette terre ? -------------------------------------------------------------------------- [712] La comtesse s'assura que le verrou était bien poussé, alluma la lampe suspendue au plafond, se blottit dans son lit comme un enfant peureux avec un sentiment d'angoisse indéfinissable, et ne s'endormit que vers le matin ; des rêves incohérents et bizarres tourmentèrent son sommeil agité. -------------------------------------------------------------------------- [717] Repoussé comme amant, il l'était encore comme mari ; l'invincible pureté de Prascovie déjouait les machinations les plus infernales. -------------------------------------------------------------------------- [717] Repoussé comme amant, il l'était encore comme mari ; l'invincible pureté de Prascovie déjouait les machinations les plus infernales. -------------------------------------------------------------------------- [718] Sur le seuil de la chambre à coucher elle lui était apparue comme un ange blanc de Swedenborg foudroyant le mauvais esprit. -------------------------------------------------------------------------- [726] Octave-Labinski descendit sur les pas du valet de chambre, car il ignorait où se trouvait la salle à manger dans cette maison dont il paraissait le maître ; la salle à manger était une vaste pièce au rez-de-chaussée donnant sur la cour, d'un style noble et sévère, qui tenait à la fois du manoir et de l'abbaye : -- des boiseries de chêne brun d'un ton chaud et riche, divisées en panneaux et en compartiments symétriques, montaient jusqu'au plafond, où des poutres en saillie et sculptées formaient des caissons hexagones coloriés en bleu et ornés de légères arabesques d'or ; dans les panneaux longs de la boiserie, Philippe Rousseau avait peint les quatre saisons symbolisées, non pas par des figures mythologiques, mais par des trophées de nature morte composés de productions se rapportant à chaque époque de l'année ; des chasses de Jadin faisaient pendant aux natures mortes de Philippe Rousseau, et au-dessus de chaque peintre rayonnait, comme un disque de bouclier, un immense plat de Bernard Palissy ou de Léonard de Limoges, de porcelaine du Japon, de majolique ou de poterie arabe, au vernis irisé par toutes les couleurs du prisme ; des massacres de cerfs, des cornes d'aurochs alternaient avec les faïences, et, aux deux bouts de la salle, de grands dressoirs, hauts comme des retables d'églises espagnoles, élevaient leur architecture ouvragée et sculptée d'ornements à rivaliser avec les plus beaux ouvrages de Berruguete, de Cornejo Duque et de Verbruggen ; sur leurs rayons à crémaillère brillaient confusément l'antique argenterie de la famille des Labinski, des aiguières aux anses chimériques, des salières à la vieille mode, des hanaps, des coupes, des pièces de surtout contournées par la bizarre fantaisie allemande, et dignes de tenir leur place dans le trésor de la Voûte-Verte de Dresde. -------------------------------------------------------------------------- [726] Octave-Labinski descendit sur les pas du valet de chambre, car il ignorait où se trouvait la salle à manger dans cette maison dont il paraissait le maître ; la salle à manger était une vaste pièce au rez-de-chaussée donnant sur la cour, d'un style noble et sévère, qui tenait à la fois du manoir et de l'abbaye : -- des boiseries de chêne brun d'un ton chaud et riche, divisées en panneaux et en compartiments symétriques, montaient jusqu'au plafond, où des poutres en saillie et sculptées formaient des caissons hexagones coloriés en bleu et ornés de légères arabesques d'or ; dans les panneaux longs de la boiserie, Philippe Rousseau avait peint les quatre saisons symbolisées, non pas par des figures mythologiques, mais par des trophées de nature morte composés de productions se rapportant à chaque époque de l'année ; des chasses de Jadin faisaient pendant aux natures mortes de Philippe Rousseau, et au-dessus de chaque peintre rayonnait, comme un disque de bouclier, un immense plat de Bernard Palissy ou de Léonard de Limoges, de porcelaine du Japon, de majolique ou de poterie arabe, au vernis irisé par toutes les couleurs du prisme ; des massacres de cerfs, des cornes d'aurochs alternaient avec les faïences, et, aux deux bouts de la salle, de grands dressoirs, hauts comme des retables d'églises espagnoles, élevaient leur architecture ouvragée et sculptée d'ornements à rivaliser avec les plus beaux ouvrages de Berruguete, de Cornejo Duque et de Verbruggen ; sur leurs rayons à crémaillère brillaient confusément l'antique argenterie de la famille des Labinski, des aiguières aux anses chimériques, des salières à la vieille mode, des hanaps, des coupes, des pièces de surtout contournées par la bizarre fantaisie allemande, et dignes de tenir leur place dans le trésor de la Voûte-Verte de Dresde. -------------------------------------------------------------------------- [727] En face des argenterie antiques étincelaient les produits merveilleux de l'orfèvrerie moderne, les chefs-d'oeuvre de Wagner, de Duponchel, de Rudolphi, de Froment-Meurice ; thés en vermeil à figurines de Feuchère et de Vechte, plateaux niellés, seaux à vin de Champagne aux anses de pampre, aux bacchanales en bas-relief ; réchauds élégants comme des trépieds de Pompéi : sans parler des cristaux de Bohême, des verreries de Venise, des services en vieux Saxe et en vieux Sèvres. -------------------------------------------------------------------------- [730] Sur la table, servie à la russe, les fruits entourés d'un cordon de violettes étaient déjà posés, et les mets attendaient le couteau des convives sous leurs cloches de métal poli, luisantes comme des casques d'émirs ; un samovar de Moscou lançait en sifflant son jet de vapeur ; deux valets, en culotte courte et en cravate blanche, se tenaient immobiles et silencieux derrière les deux fauteuils, placés en face l'un de l'autre, pareils à deux statues de la domesticité. -------------------------------------------------------------------------- [736] La comtesse allongea son petit pied chaussé d'une pantoufle en peau mordorée, dans la laine soyeuse du tapis-gazon placé sous la table pour neutraliser le froid contact de la mosaïque de marbre blanc et de brocatelle de Vérone qui pavait la salle à manger, fit un léger mouvement d'épaules comme glacée par un dernier frisson de fièvre, et, fixant ses beaux yeux d'un bleu polaire sur le convive qu'elle prenait pour son mari, car le jour avait fait évanouir les pressentiments, les terreurs et les fantômes nocturnes, elle lui dit d'une voix harmonieuse et tendre, pleine de chastes câlineries, une phrase en polonais ! -------------------------------------------------------------------------- [740] Le Parisien Octave savait le latin, l'italien, l'espagnol, quelques mots d'anglais ; mais, comme tous les Gallo-Romains, il ignorait entièrement les langues slaves. -------------------------------------------------------------------------- [747] S'il entendait mieux le son des mots, le faux comte n'en comprenait pas davantage la signification ; il faisait des efforts désespérés pour deviner de quoi il pouvait s'agir ; mais pour qui ne les sait pas, les compactes langues du Nord n'ont aucune transparence, et si un Français peut soupçonner ce que dit une Italienne, il sera comme sourd en écoutant parler une Polonaise. -------------------------------------------------------------------------- [751] Difficile ! oui, peut-être pour des étrangers, mais pour celui qui l'a bégayée sur les genoux de sa mère, elle jaillit des lèvres comme le souffle de la vie, comme l'effluve même de la pensée. -------------------------------------------------------------------------- [751] Difficile ! oui, peut-être pour des étrangers, mais pour celui qui l'a bégayée sur les genoux de sa mère, elle jaillit des lèvres comme le souffle de la vie, comme l'effluve même de la pensée. -------------------------------------------------------------------------- [757] Le charmant visage de Prascovie prit une expression douloureuse ; pour la première fois la tristesse jeta son ombre sur ce front pur comme celui d'un ange ; ce singulier oubli la froissait au plus tendre de l'âme, et lui paraissait presque une trahison. -------------------------------------------------------------------------- [769] Rustem », répondit Octave-Labinski, comme il eût dit Vultur, mais le dernier nom s'était accroché à son esprit distrait. -------------------------------------------------------------------------- [772] Il semblait comprendre la pensée de celui qui le montait, et dès qu'il eut quitté le pavé et pris la terre, il partit comme une flèche sans qu'Octave lui fit sentir l'éperon. -------------------------------------------------------------------------- [785] J'espère que vous n'y retournerez plus, et que, lorsque je vous dirai quelque chose d'aimable -- en polonais --, vous me comprendrez comme autrefois». -------------------------------------------------------------------------- [789] Quoiqu'il dût s'attendre un jour où l'autre à cette rencontre, le véritable Octave pâlit à ces simples mots comme si la trompette du jugement dernier lui eût brusquement éclaté à l'oreille. -------------------------------------------------------------------------- [799] La comtesse jeta un regard d'une ineffable douceur sur le comte, enfermé dans la forme d'Octave, comme pour lui demander pardon de l'amour qu'elle lui avait involontairement inspiré. -------------------------------------------------------------------------- [840] Le verrou était tiré comme la veille, et la voix moqueuse de la comtesse lui jeta cette raillerie à travers la porte : « Revenez quand vous saurez le polonais, je suis trop patriote pour recevoir un étranger chez moi». -------------------------------------------------------------------------- [862] Ces poésies de la nature surprise en déshabillé occupaient peu, comme vous le pensez, les deux adversaires et leurs témoins. -------------------------------------------------------------------------- [893] Personne ne croira un mot de vos allégations, et, lorsque vous prétendrez être le comte Olaf Labinski, tout le monde vous éclatera de rire au nez, comme vous avez déjà pu vous en convaincre. -------------------------------------------------------------------------- [896] Vous serez méconnu comme le Chabert de Balzac, qui voulait prouver qu'il n'était pas mort». -------------------------------------------------------------------------- [904] Dans la forme de l'époux elle a reconnu l'âme de l'amant ; son regard s'est glacé sur le seuil de la chambre conjugale comme au jardin de la villa Salviati». -------------------------------------------------------------------------- [909] Rien n'éclaircit les idées entre honnêtes gens comme de froisser un peu le fer». -------------------------------------------------------------------------- [918] M- le comte pardonnera sans doute à un vieux savant comme moi de n'avoir pu résister au plaisir de pratiquer une expérience pour laquelle on ne trouve pas beaucoup de sujets, puisque cette tentative n'a servi d'ailleurs qu'à confirmer avec éclat une vertu qui pousse la délicatesse jusqu'à la divination, et triomphe là où toute autre eût succombé. -------------------------------------------------------------------------- [919] Vous regarderez, si vous voulez, comme un rêve bizarre cette transformation passagère, et peut-être plus tard ne serez-vous pas fâché d'avoir éprouvé cette sensation étrange que très peu d'hommes ont connue, celle d'avoir habité deux corps. -------------------------------------------------------------------------- [920] La métempsycose n'est pas une doctrine nouvelle ; mais, avant de transmigrer dans une autre existence, les âmes boivent la coupe d'oubli, et tout le monde ne peut pas, comme Pythagore, se souvenir d'avoir assisté à la guerre de Troie. -------------------------------------------------------------------------- [924] Comme tous les amants rebutés, il se demandait encore pourquoi il n'était pas aimé, -- comme si l'amour avait un pourquoi ! la seule raison qu'on en puisse donner est le *parce que*, réponse logique dans son laconisme entêté, que les femmes opposent à toutes les questions embarrassantes. -------------------------------------------------------------------------- [924] Comme tous les amants rebutés, il se demandait encore pourquoi il n'était pas aimé, -- comme si l'amour avait un pourquoi ! la seule raison qu'on en puisse donner est le *parce que*, réponse logique dans son laconisme entêté, que les femmes opposent à toutes les questions embarrassantes. -------------------------------------------------------------------------- [925] Cependant il se reconnaissait vaincu et sentait que le ressort de la vie, retendu chez lui un instant par le docteur Cherbonneau, était de nouveau brisé et bruissait dans son coeur comme celui d'une montre qu'on a laissé tomber à terre. -------------------------------------------------------------------------- [927] S'il eût été peintre, poète ou musicien, il aurait cristallisé sa douleur en chefs-d'oeuvre, et Prascovie vêtue de blanc, couronnée d'étoiles, pareille à la Béatrice de Dante, aurait plané sur son inspiration comme un ange lumineux ; mais, nous l'avons dit en commençant cette histoire, bien qu'instruit et distingué, Octave n'était pas un de ces esprits d'élite qui impriment sur ce monde la trace de leur passage. -------------------------------------------------------------------------- [929] La voiture entra dans la cour du vieil hôtel de la rue du Regard, cour au pavé serti d'herbe verte où les pas des visiteurs avaient frayé un chemin et que les hautes murailles grises des constructions inondaient d'ombres froides comme celles qui tombent des arcades d'un cloître : le Silence et l'Immobilité veillaient sur le seuil comme deux statues invisibles pour protéger la méditation du savant. -------------------------------------------------------------------------- [929] La voiture entra dans la cour du vieil hôtel de la rue du Regard, cour au pavé serti d'herbe verte où les pas des visiteurs avaient frayé un chemin et que les hautes murailles grises des constructions inondaient d'ombres froides comme celles qui tombent des arcades d'un cloître : le Silence et l'Immobilité veillaient sur le seuil comme deux statues invisibles pour protéger la méditation du savant. -------------------------------------------------------------------------- [931] Dès que les doubles portes se furent refermées sur eux, Olaf et Octave se sentirent enveloppés par cette chaude atmosphère qui rappelait au docteur celle de l'Inde et où seulement il pouvait respirer à l'aise, mais qui suffoquait presque les gens qui n'avaient pas été comme lui torréfiés trente ans aux soleils tropicaux. -------------------------------------------------------------------------- [940] Octave possède mon corps, et, comme il le disait très bien ce matin, en le réclamant sous ma figure actuelle je me ferais enfermer comme fou. -------------------------------------------------------------------------- [940] Octave possède mon corps, et, comme il le disait très bien ce matin, en le réclamant sous ma figure actuelle je me ferais enfermer comme fou. -------------------------------------------------------------------------- [944] Et il prit comme Octave la tige de fer que le docteur Balthazar Cherbonneau lui présentait. -------------------------------------------------------------------------- [945] Fulgurés par les conducteurs de métal chargés à outrance de fluide magnétique, les deux jeunes gens tombèrent bientôt dans un anéantissement si profond qu'il eût ressemblé à la mort pour toute personne non prévenue : le docteur fit les passes, accomplit les rites, prononça les syllabes comme la première fois, et bientôt deux petites étincelles apparurent au-dessus d'Octave et du comte avec un tremblement lumineux ; le docteur reconduisit à sa demeure primitive l'âme du comte Olaf Labinski, qui suivit d'un vol empressé le geste du magnétiseur. -------------------------------------------------------------------------- [946] Pendant ce temps, l'âme d'Octave s'éloignait lentement du corps d'Olaf, et, au lieu de rejoindre le sien, s'élevait, s'élevait comme toute joyeuse d'être libre, et ne paraissait pas se soucier de rentrer dans sa prison. -------------------------------------------------------------------------- [950] Le docteur cessa des efforts qu'il savait superflus et réveilla le comte, qui, en se voyant dans un miroir avec ses traits habituels, poussa un cri de joie, jeta un coup d'oeil sur le corps toujours immobile d'Octave comme pour se prouver qu'il était bien définitivement débarrassé de cette enveloppe, et s'élança dehors, après avoir salué la main de M- Balthazar Cherbonneau. -------------------------------------------------------------------------- [959] Le docteur toucha le corps d'Octave de Saville, que la chaleur de la vie n'avait pas encore abandonné, regarda dans la glace son visage ridé, tanné et rugueux comme une peau de chagrin, d'un air singulièrement dédaigneux, et faisant sur lui le geste avec lequel on jette un vieil habit lorsque le tailleur vous en apporte un neuf, il murmura la formule du sannyâsi Brahma-LoguM- Aussitôt le corps du docteur Balthazar Cherbonneau roula comme foudroyé sur le tapis, et celui d'Octave de Saville se redressa fort, alerte et vivace. -------------------------------------------------------------------------- [959] Le docteur toucha le corps d'Octave de Saville, que la chaleur de la vie n'avait pas encore abandonné, regarda dans la glace son visage ridé, tanné et rugueux comme une peau de chagrin, d'un air singulièrement dédaigneux, et faisant sur lui le geste avec lequel on jette un vieil habit lorsque le tailleur vous en apporte un neuf, il murmura la formule du sannyâsi Brahma-LoguM- Aussitôt le corps du docteur Balthazar Cherbonneau roula comme foudroyé sur le tapis, et celui d'Octave de Saville se redressa fort, alerte et vivace. -------------------------------------------------------------------------- [976] Tout en écoutant son mari, la comtesse repoussait une mèche révoltée de ses bandeaux qui scintillait comme une flamme dans un rayon d'or. -------------------------------------------------------------------------- [982] La comtesse, qui retrouvait le regard, l'accent du vrai Olaf, se leva, rassurée d'ailleurs par ces détails intimes, lui sourit, lui prit le bras et fit avec lui quelques tours dans la serre, arrachant au passage, de sa main restée libre, quelques fleurs dont elle mordait les pétales de ses lèvres fraîches, comme cette Vénus de Schiavone qui mange des roses. -------------------------------------------------------------------------- [987] Hier vous me faisiez peur, et je vous ai fui comme un étranger». --------------------------------------------------------------------------