LECTURE : Guillaume de Saint-Thierry (vers 1085 - 1148) : l'état religieux se compose de trois genres d'hommes : Guillaume de Saint-Thierry, Lettre aux frères du Mont-Dieu, ch. V : ... Incipientium status potest dici animalis; proficientium, rationalis; perfectorum, spiritualis. Ignoscendum est in aliquibus aliquando eis qui adhuc sunt animales, in quibus ignosci non debet eis qui iam habentur quasi rationales. Rursumque rationalibus in quibusdam ignoscitur, in quibus non ignoscitur spiritualibus, quorum perfecta omnia esse debent, et imitatione et laude potius, quam reprehensione digna. Et cum ex his tribus hominum generibus constet omnis status religionis, quae sicut propriis nominibus distinguuntur, sic etiam dignoscuntur ex suorum proprietate studiorum: debent omnes filii Dei in die qui est, semper diligenter prospicere quid desit sibi; unde uenerint, quousque peruenerint et in quo proficiendi statu singulis diebus, uel horis sua se aestimatio deprehendat. Sunt etenim animales, qui per se nec ratione aguntur, nec trahuntur affectu: et tamen uel auctoritate permoti, uel doctrina commoniti, uel exemplo prouocati, approbant bonum ubi inueniunt, et quasi caeci, sed ad manum tracti sequuntur, hoc est imitantur. Sunt rationales, qui per rationis iudicium et naturalis scientiae discretionem, habent et cognitionem boni, et appetitum: sed nondum habent affectum. Sunt perfecti, qui spiritu aguntur, qui a sancto Spiritu plenius illuminantur. Et quoniam sapit eis bonum cuius trahuntur affectu, sapientes uocantur. ... L'état de ceux qui commencent [l'état religieux] peut être appelé animal, celui de ceux qui progressent, raisonnable; celui des parfaits, spirituel. Il faut être indulgent quelquefois en certains points, envers ceux qui sont encore dans l'état animal, là même où l'on n'excuse point ceux qui sont comme raisonnables. De même on montre une certaine clémence envers ceux qui ne sont que raisonnables en des matières où l'on n'en a point à l'égard des spirituels, dont tous les actes doivent être parfaits, de nature à servir de modèle, et dignes de louange plutôt que de blâme. C'est de ces trois genres d'hommes que se compose tout l'état religieux; ils se distinguent non seulement par des désignations particulières, mais encore par le caractère propre d'application qui les spécifie. Tous les enfants de Dieu doivent, dans le jour qui leur est donné, examiner avec attention ce qui leur manque: le point d'où ils sont partis, celui où ils sont arrivés, et à quel degré d'avancement les trouve, à chaque jour ou à chaque heure, leur propre considération. Il en est qui sont animaux, qui d'eux-mêmes ne sont ni conduits par la raison, ni entraînés par l'affection : cependant, ébranlés par l'autorité ou, excités par l'exemple, ils approuvent le bien où ils le trouvent, et, semblables à des aveugles, tirés par la main, ils suivent, c'est-à-dire, ils marchent à la suite. Il en est de raisonnables, par le jugement de la raison et le discernement de la science naturelle, ils ont la connaissance du bien et en ont le désir; mais ils n'en ont point encore l'amour. Il en est de parfaits que l'Esprit conduit, et qui sont plus pleinement illuminés par les lumières qu'il répand. Et parce qu'ils ont le goût du bien dont l’affection les meut, on les appelle sages. ...