[3,0] LIVRE TROISIÈME. [3,1] CHAPITRE Ier. De l'élection et de l'ordination d'Hincmar. L'AN de l'incarnation de Notre-Seigneur huit cent quarante-cinq Charles (le Chauve) convoqua le synode des évêques de son royaume à Beauvais, ville de la province de Reims. Là entre autres affaires de l'Église et du royaume, le roi entretint les évêques de la désolation de l'église de Reims, longtemps administrée par Foulques, prêtre, et après lui par Nothon, mais cependant toujours demeurée sans pasteur depuis la déposition d'Ebbon. Or, ceux-ci racontant l'histoire de cette déposition comme ils l'avaient vue ou entendu raconter, et rappelant les sentiments et l'autorité des saints Pères sur des affaires du même genre, par nécessité et en même temps avec tout pouvoir et autorité, arrêtèrent d'un consentement unanime qu'après dix ans depuis la déposition d'Ebbon il était temps enfin de donner un évêque au siège de Reims. En conséquence, Hincmar fut élu par le clergé et le peuple de la métropole, par les évêques de la province, du consentement de Wénilon, archevêque de Sens, et d'Ercamrade, évêque de Paris, avec l'approbation de son abbé et des frères de l'abbaye de Saint-Denis, où il était moine, enfin avec l'autorisation du roi Charles. Dès sa plus tendre enfance Hincmar avait été élevé sous la discipline monastique, et instruit aux belles-lettres au monastère de Saint-Denis, sous l'abbé Hilduin ; de là tant à cause de la noblesse de son origine que de l'élévation de son esprit il avait passé à la cour de l'empereur Louis, et avait mérité d'être admis dans sa familiarité. Là de concert avec l'empereur et son abbé, et sous l'autorité des évêques, il ne cessa de travailler à la réforme de son monastère, qu'un parti de voluptueux avait depuis longtemps jeté dans le relâchement; et pour confirmer par sa conduite ce qu'il prêchait dans ses discours, il se soumit le premier à toutes les rigueurs de la vie religieuse, mortifiant son corps et se condamnant à une servitude spirituelle. Dans la suite, lorsque l'abbé Hilduin, grand aumônier de l'empereur Louis, encourut avec d'autres grands du royaume la disgrâce de ce prince au point d'être dépouillé de ses abbayes et exilé en Saxe, Hincmar, avec la permission de son évêque et la bénédiction de ses frères religieux, le suivit en exil et bientôt par les liaisons et l'intimité que le Seigneur lui avait fait la grâce de se ménager auprès de l'empereur et des grands, il parvint à force de soins à faire rappeler son maître, et à lui faire rendre deux de ses abbayes. Plus tard, quand le pape Grégoire vint en France, et que le royaume se détacha de l'obéissance de l'empereur, son abbé fit tout ce qu'il put pour l'entraîner avec lui dans la révolte mais ce fut en vain, Hincmar resta fidèle; et quand Louis fut rétabli, il ne cessa de faire tout son possible pour être utile à son abbé. Enfin établi sans contradiction gardien des reliques et des corps des saints martyrs de l'église, il vécut paisiblement en son monastère jusqu'au temps où le roi l'appela à son service, et où il prit le gouvernement du monastère de Notre-Dame et de Saint-Germain, du commandement du roi de son évêque et du diacre Louis, son abbé. Il reçut aussi alors de la libéralité du roi quelques propriétés, soit en terres, soit en serfs lesquelles quand il fut évêque, il laissa par testament au monastère de Saint-Denis, où il avait milité sous Jésus-Christ. [3,2] CHAPITRE II. De la révision du jugement d'Ebbon. UN an s'était écoulé depuis l'ordination d'Hincmar, lorsque l'empereur Lothaire, qui ne cessait de disputer le royaume à son frère Charles, auquel cet évêque restait inviolablement fidèle, irrité contre lui, sollicita du pape Serge des lettres de révision sur le procès d'Ebbon. En conséquence, le pape écrivit au roi Charles, et lui manda d'envoyer Gondebaud, évêque de Rouen, avec quelques autres évêques du royaume choisis par Gondebaud lui-même, pour venir à Trèves discuter cette querelle avec les légats qu'il enverrait lui-même; il enjoignait au roi de donner l'ordre à Hincmar de se rendre à ce synode. Il écrivit aussi particulièrement à Gondebaud pour le prévenir que comme il envoyait ses légats rendre hommage à l'empereur après le jour de la Résurrection de Notre-Seigneur, il eut à se trouver à Trèves à cette époque, avec les évêques, afin de prononcer définitivement sur cette cause. Enfin il écrivit à Hincmar lui-même de ne pas manquer d'assister à la conférence. Mais les légats du pape ne vinrent point, comme il l'avait promis. Alors Gondebaud, avec le consentement du roi Charles, et de concert avec les autres évêques, convoqua un synode auquel il cita Ebbon par lettres et par envoyés, et le somma d'y comparaître au nom du pape. Mais celui-ci ne comparut ni en personne, ni par procureur, et n'adressa même aucunes lettres ni par procureur, et n’adressa même aucunes lettres canoniques. Néanmoins Gondebaud et les autres évêques qui s'étaient réunis à Paris, entre autres Wénilon métropolitain de l'église de Sens, avec ses évêques diocésains, Lanfranc archevêque de Tours, avec ses suffragants, et particulièrement Hincmar avec tous ses coévêques de la province de Reims, écrivirent à Ebbon, lui interdirent le diocèse de Reims, lui défendirent d'y solliciter désormais personne ni par écrit, ni par parole, ni par messager, avant qu'il se fût présenté devant eux, selon le mandement du pape Serge, pour entendre en pleine assemblée sa sentence définitive, conformément aux constitutions canoniques et apostoliques. Mais depuis Ebbon n'éleva jamais soit devant un synode, soit auprès du Saint-Siège, ni réclamation, ni prétention sur le siège de Reims et sur son ancienne dignité. Enfin, sur un rapport de l'affaire adressé au pape Léon, et sur des lettres du roi, l'ordination d'Hincmar fut ratifiée et approuvée après qu'il eut envoyé à Rome sa profession de foi et il reçut le pallium. Ebbon survécut environ cinq ans, jusqu'en l'an de l'incarnation de Notre-Seigneur huit cent cinquante-un. [3,3] CHAPITRE III. De la vision de Bernold. QUELQUE temps après un homme du diocèse de Reims nommé Bernold eut au sujet d'Ebbon la vision suivante. Cet homme tomba malade, et fut si près de mourir que pendant quatre jours il ne put ni manger, ni boire ni parler. Le quatrième jour, sur les neuf heures, il demeura comme mort on ne pouvait s'apercevoir qu'il respirait encore, si ce n'est par intervalles; et à peine en passant la main sur sa bouche, ou l'appuyant sur son cœur, y sentait-on un léger mouvement. Cependant il avait une grande rougeur au visage. Il resta dans cet état jusqu'à minuit. Alors ouvrant les yeux avec force, et adressant la parole à sa femme et aux assistants il leur commanda d'aller promptement lui chercher un prêtre. Un instant avant que le prêtre entrât, il ordonna de lui préparer un siège parce qu'il allait arriver; et en effet, le prêtre entra au moment même. Quand il eut fini ses prières pour le malade, celui-ci lui dit de s'asseoir auprès de son lit, et d'écouter attentivement ce qu'il allait lui dire, afin que s'il ne vivait pas assez pour publier ce qu'il avait vu le prêtre pût au moins le faire à sa place. Alors il se mit à pleurer à chaudes larmes, et dit en sanglotant : J'ai été enlevé de ce monde en l'autre, et j'ai été transporté dans un lieu où j'ai trouve quarante-un évêques, parmi lesquels j'ai reconnu Ebbon, Pardule et Ænéas. Ils étaient tous couverts de haillons sales et noircis, comme s'ils avaient été brûlés, parfois ils tremblaient horriblement d'un froid glacial en pleurant et grinçant des dents; parfois ils brûlaient d'une chaleur dévorante. Ebbon m'appela par mon nom, et me dit : Comme il te sera permis de retourner dans ton corps, nous te prions mes confrères et moi, de vouloir bien nous soulager. Et comment puis-je vous soulager? lui répondis-je. Va reprit-il, trouver ceux de nos hommes clercs et laïques à qui nous avons fait du bien; dis-leur qu'ils fassent pour nous des aumônes et des prières, et offrent des messes à notre intention. Et comme je lui disais que je ne savais pas où étaient leurs hommes il me dit : Nous te donnerons un conducteur qui te mènera vers eux. Et en effet ils me donnèrent un conducteur qui marcha devant moi, et me mena dans un grand palais, où était une grande multitude d'hommes appartenant à ces évêques, qui même s'entretenaient entre eux de leurs évêques. Je leur racontai ce que j'avais à leur dire de la part des évêques, et ensuite je m'en retournai avec mon conducteur, et je revins au lieu où je les avais laissés. Comme si déjà ce qu'ils avaient demandé eût été fait, je les trouvai le visage riant et frais, comme s'ils venaient de faire leur barbe et de sortir du bain, vêtus de blanc, parés de belles étoles, et chaussés en sandales. Et l'évêque Ebbon me dit : Vois combien ton message nous a soulagés; jusqu'ici nous étions soumis à un gardien trop rigoureux et à une garde trop sévère; maintenant nous avons saint Ambroise pour gardien, et notre garde est douce. Le malade vit encore et entendit beaucoup d'autres choses, lesquelles, d'après son récit, ont été écrites par l'évêque Hincmar. [3,4] CHAPITRE IV. De la restitution des biens ecclésiastiques faite par le roi Charles. Quand enfin Hincmar eut été ordonné archevêque de Reims, comme nous l'avons raconté ci-dessus, le roi Charles restitua à cette sainte église tous les biens de l’évêché, qu'il avait concédés ou laissé usurper aux seigneurs de sa cour; et, pour cette restitution, il rendit l'ordonnance suivante : "Au nom de la sainte et indivisible Trinité Charles, par la grâce de Dieu, roi. Si nous confirmons par nos édits ce qui, par nos prédécesseurs ou par la dévotion des fidèles, a été bien et sagement disposé, ordonné et confirmé; si pareillement nous corrigeons par notre autorité royale, et changeons en mieux ce qui a été corrompu par une nécessité quelconque, ce faisant, nous pourvoyons à notre salut, et nous exerçons le ministère royal que nous tenons du Seigneur. Sachent donc tous fidèles serviteurs de Dieu et nôtres que les biens de l'évêché de Reims, que dans une extrême nécessité et malgré nous, nous avions pendant la vacance de ce saint siège donnés pour un temps en commande à nos fidèles sujets, afin qu'ils trouvassent quelques douceurs temporelles en notre service, nous les rendons et restituons, maintenant que par la grâce du Saint-Esprit, et par la volonté de Dieu et la nôtre, Hincmar a été établi archevêque de ce saint siège et par la présente ordonnance restituons en intégrité tout ce dont avions gratifié nos fidèles, à savoir Épernay et Juliers; tout ce que Richuin tenait de cet évêché, tout ce qu'a possédé le comte Odon ; le village de Chermisy et celui de Chapelle, concédés à Raban, prêtre; enfin tout ce qui était occupé par Pardule, l’abbesse Adalgarde, Rotbert, Amalbert clerc, Altmar Jean, le médecin, Raban et le petit nain, Ratbold et Goderamne, Herenbold, Donat et Gilbuin; enfin tout ce qui a été entre les mains de clercs ou de laïques qui pendant quelque temps ont été soumis à notre domination, et que nous remettons sous l'autorité dudit archevêque Hincmar. Et pour tout dire en un mot, après nous être fait représenter le testament de saint Rémi en assemblée générale, et en présence de tous nos fidèles tant de l'ordre ecclésiastique que de l'ordre laïque, nous rendons et restituons en toute intégrité à l'église de Notre-Dame et de Saint-Rémi, et à l'archevêque Hincmar, l’évêché tel que nous l'avons reçu de Foulques, prêtre ; abrogeons toute concession faite à nos fidèles, et voulons que sans opposition aucune, et nonobstant toute disposition contraire, ledit archevêque en reprenne la propriété, pour en disposer, lui et ses successeurs, comme on doit toujours disposer des biens de l'Église, c'est-à-dire pour l'utilité de l'Église de Dieu. Promettons que désormais nous ne nous permettrons rien de semblable contre la maison de Dieu; et, au nom du Seigneur tout-puissant, fils de la sainte Vierge, conjurons nos successeurs de ne jamais rien entreprendre contre cette sainte église. Et afin que cet acte de notre autorité soit plus certain et stable dans l'avenir, et que son authenticité prévale contre les ennemis de cette sainte église, nous l'avons signé de notre main, et y avons fait apposer le sceau de notre anneau. Donné le premier octobre l'an sixième du règne du très glorieux Charles, indiction huitième. Fait en Anjou, à Avegy". Quant aux autres biens qui ne furent pas rendus, le roi rendit ensuite une ordonnance ainsi conçue : " Au nom de la sainte et indivisible Trinité, par la grâce de Dieu Charles, roi, à tous comtes, abbés, abbesses commissaires, vassaux, et à tous fidèles de l'Église de Dieu et aux nôtres, présents et à venir, savoir faisons que Hincmar, religieux pontife de la sainte église de Reims, lequel nous est tout à la fois cher et vénérable, s'est jeté aux pieds de Notre Majesté, et a fait connaître à notre mansuétude que l'on ne paie point, comme il est dû les nones et dîmes des biens de Notre-Dame et du saint et pieux confesseur Rémi, dont l'église de Reims a été dépossédée, soit par donation des rois nos prédécesseurs, soit par imprudence ou concession des évêques soit enfin par machinations ou pratiques des malveillants. C'est pourquoi ledit évêque a supplié notre magnificence pour qu'il nous plût donner une ordonnance à ce sujet, pour l'amour de Dieu, de sa sainte Mère, et de saint Rémi, notre précieux patron. Acquiesçant donc, et cédant librement et avec plaisir à ses gracieuses et instantes prières, nous lui avons octroyé le présent mandement de notre grande autorité. Ordonnons donc expressément à tous fidèles du Dieu tout-puissant et nôtres, qui se trouvent posséder quelque partie des biens de la bienheureuse vierge Marie, mère de Dieu, ou du saint confesseur de Jésus-Christ, Rémi, ou de notre très religieux et bien-aimé vénérable archevêque Hincmar, soit par octroi de notre libéralité, soit par brigue ou menée quelconque, soit par prière et concession, enfin à quelque titre que ce soit, qu'ils aient à verser nones et dîmes en présence de nos commissaires, entre les mains de l'officier de la sainte vierge Marie, de saint Rémi de Reims, ou du vénérable archevêque Hincmar, et à payer ainsi chaque année à l'église de Reims en toute diligence et sans contestation et quiconque osera contrevenir à notre présente ordonnance, sache qu'il sera sévi contre lui selon les capitulaires de notre aïeul et de notre père, de pieuse mémoire, et qu'il perdra lesdits biens, sans espérance de pouvoir jamais les recouvrer. Et afin que cet acte de notre autorité obtienne plus ferme et plus pleine vigueur, et que tous sujets de la sainte Église de Dieu et nôtres, présents et à venir, y ajoutent plus de foi nous l'avons fait sceller de notre anneau. Donné le deuxième jour de septembre, du règne du très glorieux Charles, l'an huitième; indiction dixième. Fait au monastère de Saint-Quentin". Charles accorda en outre à l'église de Reims des lettres d'immunité conformes à celles qui avaient été données par les rois ses prédécesseurs ; il confirma la remise que son père Louis avait faite à ce siège des tributs dus au fisc, ainsi que les ordonnances sur les ouvriers et architectes et la concession des murs de la ville pour la restauration de cette sainte église. L'ordonnance était ainsi conçue : "Au nom de la sainte et indivisible Trinité, Charles, par la grâce de Dieu, roi. Si nous accueillons avec bienveillance les requêtes de nos fidèles et particulièrement des prêtres du Seigneur, surtout en ce qui peut contribuer à la prospérité de l'Église, ce disant, nous croyons avancer notre salut éternel à tous fidèles du Seigneur et nôtres, présents et à venir, savoir faisons que le vénérable Hincmar, archevêque de Reims, a remis sous les yeux de Notre Sérénité une ordonnance rendue par notre père et seigneur Louis, de pieuse mémoire, en augmentation de ses aumônes, et en faveur de l'église de Notre-Dame et de saint Rémi, touchant les ouvriers et architectes, et la remise des tributs que, d'après les décrets de notre seigneur, cette sainte maison de Dieu payait pour notre palais d'Aix. Laquelle ordonnance consacrant les dites redevances à la construction et restauration de l'église de Dieu dans l'avenir et jusqu'à la fin des siècles, et à l'accroissement de ses aumônes, défend que dorénavant les redevances soient exigées ni pour le palais d'Aix ni pour tout autre lieu, mais au contraire demeurent et profitent à la sainte église nous donc, jugeant bons et équitables les actes de notre seigneur et père, donnons la présente pour les confirmer, et voulons que tout ce qu'il a réglé et arrêté sur les architectes employés à la construction de ladite église et touchant les murs de la cité, les rues et voies publiques servant à l'utilité du cloître des chanoines, soit de nouveau concédé, octroyé et maintenu à perpétuité par notre présente. Et pour que cet acte de confirmation et de concession obtienne une plus certaine authenticité, et soit rendu plus inviolable dans les temps à venir, nous l'avons signé de notre main, et avons ordonné qu'il soit scellé du sceau de notre anneau. Donné le vingt-septième jour de mai, l'an du règne du très glorieux Charles le dixième, indiction treizième. Fait au palais royal de Vermerie, au nom de Dieu et heureusement. Ainsi soit-il!" [3,5] CHAPITRE V. De la réparation de l'église de Reims par Hincmar. APRÉS avoir obtenu ces divers témoignages de la libéralité royale, se voyant confirmé sur le siège épiscopal, jouissant d'une paix profonde et de la faveur du roi, Hincmar songea à poursuivre la restauration du temple de Notre-Dame commencée par Ebbon et termina par de grands et magnifiques travaux cet édifice dont son prédécesseur avait jeté les fondements. Il couvrit d'or l'autel de la Sainte-Vierge, l’enrichit de pierres précieuses, et y fit graver l'inscription suivante : " Cet autel consacré en l'honneur de la mère du Seigneur, l'évêque Hincmar, son constant adorateur, qui a été prêtre dans ce siège et s'est acquitté des offices sacrés, l'a fait élever, huit cents ans déjà écoulés, et la quarante-cinquième année près de s'y ajouter, pendant que le jeune Charles portait le diadème du royaume et les fidèles de la ville ayant demandé Hincmar pour pasteur". Auprès de l'image de la sainte Vierge placée sur l'autel furent inscrits les deux vers suivants : "La Vierge Marie porte dans ses flancs l'homme, le roi, le Dieu, né du Saint-Esprit". Il fit couvrir de plomb le toit de l'église, orna la voûte de peintures, éclaira le temple par des fenêtres vitrées, et le fit paver en marbre. Il couvrit la grande croix de pierreries et d'or, et garnit toutes les autres d'or et d'argent. Il fit faire un grand calice d'or, avec une patène et une cuillère en même métal, enrichies de pierres précieuses. Le calice a été donné dans la suite aux Normands pour la rançon et le salut de la patrie, la patène existe encore aujourd'hui. Il fit écrire le livre sur la nativité de la sainte Vierge, avec le sermon de saint Jérôme sur l'assomption de cette reine céleste, et le couvrit de tablettes d'ivoire revêtues d'or. C'est lui encore qui fit construire, et garnir d'argent doré et ciselé la grande châsse que deux clercs portent ordinairement dans les cérémonies, et dans laquelle il déposa les reliques de plusieurs saints pour placer la ville sous leur protection. Il fit écrire l'Évangile en lettres d'or et d'argent, le fit couvrir de tablettes d'or parsemées de pierreries, avec cette inscription : "Sainte mère de Dieu et toujours vierge Marie, moi Hincmar, évêque, je te présente ces dons quelles ont été tes pieuses vertus, chaste Vierge, c'est ce que nous a enseigné Jésus-Christ, né de ton sein". Il orna d'or et d'argent le livre des sacrements et le livre des prières qu'il fit écrire, fit garnir les candélabres en argent, para le temple de lampes, de voiles, de rideaux, de tapis de toutes espèces, et fit faire des ornements d'autel pour les ministres ; enfin, en présence de plusieurs évêques convoqués exprès, et du roi Charles venu aussi à Reims, il dédia solennellement l'église en l'honneur de l'incomparable Marie toujours vierge et mère de Dieu, comme autrefois l'avait été l'ancienne église et assisté de ses coévêques, il la consacra sous l'invocation de la toute-puissante Trinité. [3,6] CHAPITRE VI. Des miracles qui ont été opérés depuis dans cette église. UN grand nombre de miracles ont été en divers temps opérés dans cette église par la grâce de Dieu, et à l'honneur de l'ineffable Mère de Notre-Seigneur Jésus-Christ; la plupart, ayant eu lieu avant nous, nous sont inconnus; mais nous croyons qu'il ne nous est pas permis de passer sous silence ceux que nous avons vus nous-mêmes, ou que nous avons entendu raconter aux personnes qui les avaient vus, quoique cependant nous les ayons déjà rédigés et mis en vers. Une femme de la cité, nommée Altrude avait une fille unique toute petite, qu'elle nourrissait et qui devint aveugle pendant qu'elle tétait encore le sein de sa mère. Après avoir vainement essayé de tous les remèdes, et n'en obtenant aucun bien la pauvre mère s'avisa enfin d'avoir recours au souverain médecin, et pour s'adresser à lui elle ne crut pas pouvoir trouver parmi les saints de meilleur intercesseur que la sainte et unique Mère, dont elle était elle-même la servante fidèle. Elle fit donc préparer des cierges pour elle et pour sa fille, et s'en alla à l'église pour invoquer la bonté de la Reine des anges. Là, plaçant d'abord ses cierges sur les candélabres, puis se prosternant contre terre, elle répandit son cœur en oraison et ne présumant pas que ses prières seules suffiraient, elle supplia instamment les ministres de l'autel de l'aider de leurs prières. Comme elle pria avec dévotion et confiance, elle obtint que ses vœux fussent exaucés, et la vue fut rendue a son enfant; et depuis nous l'avons vue avec les saints ministres qui l'avaient aidée en prières, rendant grâces à Dieu et à sa très sainte Mère, et nous montrant sa fille parfaitement guérie et jouissant de la vue. Un clerc de notre congrégation, nommé Hugues, noble de naissance, était depuis quelque temps tourmenté d'un si violent mal de dents qu'il ne pouvait ni dormir ni rien prendre. Un bon vieillard auquel il racontait sa douleur, lui donna le conseil d'aller se prosterner devant l'autel de la sainte Mère de Dieu et d'implorer du fond du cœur son assistance; puis, quand sa prière serait finie, d'embrasser l'autel, et de poser à nu sur le marbre la joue malade; enfin, de s'en retourner plein de confiance en sa guérison, de se mettre au lit en se faisant bien couvrir, et d'essayer de dormir. Hugues, ayant accompli de point en point ce qui lui avait été ordonné, s'endormit. Or c'était le jour de la Nativité de Notre-Seigneur, et après les vêpres dites, les frères étaient au réfectoire où ils étaient, selon leur coutume, rassemblés pour se chauffer. Frère Hugues se vit, en dormant, debout au pied de l'escalier du réfectoire, et au haut de l'escalier, à la porte d'entrée, la bienheureuse mère de Dieu. D'autre part à gauche, sur le dernier degré, il vit l'esprit malin sous la figure d'un chirurgien. Ne doutant point que celle qu'il voyait ne fût la reine des cieux, sans craindre le perfide ennemi, il monta jusqu’à elle, et se jeta à ses pieds. Lors la Vierge le relevant, et lui passant la main sous le menton toucha la joue qui le faisait souffrir et le consola avec honte, lui disant qu'il ne l'avait point trouvée à l'église parce qu'elle était obligée de rester en ce lieu pour veiller à la garde des frères. Ce malin, ajouta-t-elle, que tu vois au bas des degrés, veut monter ici et venir troubler nos frères. Après ces paroles, elle lui commanda de s'en retourner, et d'avoir confiance, qu'il serait guéri. Mais comme il allait de nouveau se prosterner à ses pieds, elle le releva encore, et il ne put embrasser que la robe de pourpre dont elle était vêtue; et à ce moment il s'éveilla, et demanda à manger. Les domestiques étonnés, et croyant qu'il avait le délire, en le voyant si vivement demander à manger, commencèrent à s'inquiéter; mais lui leur assura qu'il venait d'être guéri par la bienheureuse Mère de Dieu, et qu'il n'était ni malade ni fou. Subitement ainsi rendu à la santé, on l'a souvent entendu affirmer hardiment qu'il ne serait jamais attaqué du mal de dents, puisqu'il avait été guéri par une si puissante reine; et en effet, jamais depuis, quoiqu'il ait vécu longues années après, il n'a senti la moindre atteinte. Everard, clerc et diacre du même Hugues, était agité d'une fièvre violente. Un jour épuisé de fatigue et de souffrance, il se reposait dans la chapelle de Saint-Rémi, qui est sous l'église de Notre-Dame, pendant qu'on y célébrait le mystère de la messe. Après l'accès, le sommeil le prit, comme il arrive à tous ceux qui ont la fièvre; et voilà que tout-à-coup il aperçoit auprès de lui la bienheureuse Mère de Dieu la voit passer en lui mettant la main sur la tête, et se retirer derrière l'autel. Aussitôt il ouvre les yeux, se lève, et comme la messe finissait il se trouve guéri, et répond amen; puis s'acquitte avec diligence de son ministère. Au moment où la vierge miraculeuse le toucha, il sentit sa tête doucement baignée, comme si on venait d'y répandre quelque parfum ce que nous avons aussi admiré nous-même, qui le vîmes ce jour-là même gai et bien portant, et prenant sa réfection avec nous. Nous avons vu à différentes époques trois boiteux frappés de paralysie aux genoux et qui ne pouvaient faire un pas, recevoir leur guérison dans cette même église l'un sous l'épiscopat de notre seigneur Hérivée, qui avait été apporté à bras, et s'en retourna de son pied; le second, sous l'épiscopat de Séulphe, nommé Maganère et Breton de naissance, boiteux des deux genoux, et ne marchant qu'à l'aide de béquilles, qui vivait parmi nous des aumônes des fidèles, depuis près d'un an. Le jour de la fête de tous les saints nous chantions matines il était à terre au milieu du peuple, tout-à-coup les nerfs de ses genoux se détendirent si vivement que les courroies qui lui tenaient les jambes attachées aux cuisses se rompirent, et la peau s'étant déchirée, le sang jaillit en abondance; aussitôt se levant, il se mit à marcher au milieu du peuple étonné, et depuis il a toujours continué. Le troisième, sous l’épiscopat d'Artaud, fut guéri pendant que ce prélat célébrait la sainte messe à la solennité du jour où l'archange Gabriel descendit du ciel pour annoncer à la sainte Vierge son enfantement miraculeux. Ce pauvre et misérable boiteux se tenait avec peine sur le marbre du pavé, quand tout-à-coup il sentit ses nerfs se détendre ; après avoir mesuré la terre de son corps, il se releva, se prit à marcher, et par sa guérison, augmenta l'allégresse du peuple: il existe encore parmi nous, et vit des aumônes de l'évêque. Enfin, un paysan nommé Gerlay, serf de Notre-Dame, venant un jour en ville, entra dans cette église pour faire sa prière. Pendant qu'il priait, il fut tout-à-coup frappé de langueur, et paralysé de presque tous ses membres. Dans ce triste état, il promit de rester en cette sainte église, et d'y servir tant qu'il vivrait, s'il recouvrait l'usage de ses membres. En effet, un mois après, il se trouva libre et dispos, et fut admis au nombre des serviteurs de l'église pendant cinq ans, il servit plein de force et de santé, soit à Notre-Dame, soit à l'église de Saint-Denis hors de la cité; mais après ce temps, précisément le même jour que celui de son accident, le jour de la Purification étant entré à Notre-Dame, et s'étant mis à prier, ses membres se roidirent de nouveau et il demeura étendu sur le pavé du temple sans pouvoir ouvrir la bouche, ni faire le moindre mouvement. Les assistants le relevèrent, mais il avait perdu l'usage des bras et des jambes. Quinze jours après il fut de nouveau guéri et rendu libre, et mourut quelque temps après. Mais qui pourrait dire combien de malades sont journellement guéris en ce saint lieu? combien de fiévreux, combien de possédés, combien d'affligés de toute espèce de maladies? Qu'il nous suffise, entre tant de miracles, du petit nombre que nous venons de raconter. [3,7] CHAPITRE VII. De la vision du prêtre Gerhard. UN prêtre du district de Portian, nommé Gerhard, était depuis si longtemps malade qu'on le croyait empoisonné. Pendant sa maladie il fut consolé et honoré de la visite de quelques saints. Deux fois l'apôtre saint Pierre lui apparut et lui recommanda de faire réparer l'église qui porte son nom et dont Gerhard était pasteur, et lui reprocha d'avoir si souvent recours aux médecins pour le rétablissement de sa santé. Une autre fois il vit saint Rémi qui se présentait à lui, et lui promettait guérison. Etant donc allé à Reims, après avoir visité les basiliques de Notre-Dame et de Saint-Rémi, il s'arrêta pour passer la nuit au bourg de Saint-Rémi. Advint qu'en dormant, il se vit transporté dans un temple magnifique où la bienheureuse vierge Marie se rendait accompagnée, de saint Rémi et de saint Martin. Dans l'église une multitude de prêtres et de lévites attendaient la Reine des anges, les diacres revêtus de dalmatiques, les uns tenant des palmes et les autres sans palmes. On y voyait aussi une longue file de saints de tous les rangs. Gerhard ne reconnut aucun d'eux, excepté saint Pierre, qui lui était déjà apparu auparavant. Quand la sainte Mère de Dieu entra dans l'église, où Gerhard l'attendait, elle demanda qui il était, et ce qu'il voulait. C'est un de mes serviteurs qui vous demande guérison, reine toute-puissante, dit saint Rémi. Selon ce que raconte Gerhard, il ne put entendre ce qu'elle répondit. Mais il y avait un grand voile tendu derrière lequel la vierge se retira et à peine se fut-elle placée derrière qu'il se répandit a l'entour une lumière plus éclatante que le soleil, et dont l'éclat éblouissant ne permettait pas aux yeux de se fixer sur cet endroit. Quelques jours après saint Martin lui apparut, et lui dit qu'il venait de la part de saint Rémi lui annoncer qu'il conserverait la vie et que sa guérison lui était accordée. Cependant il lui restait quelque doute si c'était bien la vierge Marie qu'il avait vue, parce qu'il n'avait point entendu prononcer son nom. Il priait donc continuellement le Seigneur qu'il daignât lui révéler si celle qu'il avait vue était bien la Mère de Dieu. Six mois après, une nuit, pendant qu'il dormait, il fut saisi d'une attaque si violente qu'il désespéra de sa vie. Dans ces angoisses, il lui prit idée de poser sur lui quelques reliques de la Vierge, et de prononcer cette prière. O bienheureuse Mère de Dieu, dont je porte en ce moment les reliques, si, comme je le crois, ces reliques sont vraiment les vôtres; si la vision que j'ai eue naguère vient de vous; si vous êtes la dame qui allait à ce temple magnifique, accompagnée de saint Martin et de saint Rémi, et que j'ai vu recevoir avec tant d'allégresse par ce chœur brillant de saints qui vous attendaient, prêtez secours à votre serviteur indigne, rendez-moi vie et santé, afin que je puisse célébrer la messe, et recevoir les fruits de vie en recevant le corps de Notre-Seigneur Jésus-Christ; et vous, saints pontifes de Jésus-Christ, que j'ai vu accompagner la sainte Mère, soyez mes intercesseurs auprès d'elle, vous qui avez daigné me visiter et me consoler. Cependant un léger sommeil l'assoupit au milieu de ses prières et de ses souffrances, et tout-à-coup la bienheureuse Reine lui apparut sous les mêmes traits et avec le même vêtement qu'il avait vus la première fois, environnée du même cortège et toute brillante de lumière. Ébloui et effrayé de tant d'éclat, il n’osait parler, et les yeux baissés vers la terre il semblait frappé de stupeur. Lors saint Rémi lui adressant la parole : Ne vois-tu pas que la vierge Mère de Dieu, Notre-Dame, est disposée à te secourir? pourquoi hésites-tu à t'approcher d'elle? Ces paroles dissipèrent ses craintes levant les yeux, et prenant courage, il se précipita aux pieds de la bienheureuse Mère de Dieu, laquelle le relevant avec bonté, et imprimant sur son front le signe de la croix, ajouta ces paroles: Sois sans crainte, ne désespère pas, confie-toi au Seigneur, car de lui tu recevras santé. Fais sonner la messe, afin que tu célèbres le saint sacrifice, et que tu rendes grâces a Dieu, qui te guérit après t'avoir châtié. A ces mots, elle disparut avec sa suite; et aussitôt le prêtre se trouva guéri et se leva plein de joie pour accomplir ce qui lui avait été ordonné; et depuis il a joui de la santé la plus parfaite dont un homme puisse jouir. Nous tenons de Gerhard lui-même ce récit, et nous avons cru à propos de l'écrire tel qu'il nous l'a raconté. [3,8] CHAPITRE VIII. De quelques autres miracles. Si cette glorieuse reine du ciel aime à secourir ceux qui la prient avec humilité, de cœur elle se plaît aussi quelquefois à tirer vengeance des présomptueux et des arrogants; ce que nous croyons encore un acte de sa bonté car si les coupables souffrent en ce monde des peines proportionnées à leurs fautes, c'est pour leur en éviter de plus terribles en l'autre. Je n'ai pas vu moi-même ce que je vais raconter, mais je l'ai souvent entendu dire à plusieurs de nos anciens. Un clerc de notre congrégation, nommé Bernard, était gardien de l'église de Notre-Dame ; des gens de peu de sens (comme il l'a lui-même écrit) le prièrent de leur donner quelques reliques de saints. Un jour donc qu'il était seul dans le temple avec un enfant il prit une boîte où il y avait des reliques, et porta la témérité jusqu'à l'ouvrir. Mais à peine fut-elle ouverte qu'une obscurité profonde se répandit dans l'église; l'horreur le saisit, et il fut si frappé de terreur qu'il crut qu'il allait mourir. Et en effet, lui et l'enfant qui était avec lui perdirent la parole, et ne purent jamais raconter ce qu'ils avaient vu. Un autre gardien de la même église nous a raconté à nous-même qu'un jour après matines, voulant se reposer dans l'église, il osa prendre les tapis du temple, s'en fit une espèce de lit, s'y coucha et s'endormit. Pendant son sommeil, une dame lui apparut, ayant l'air déjà vieille, et portant des herbes en sa main. D'abord elle lui parla avec douceur et bonté; mais quand elle aperçut les tapis sous lui, changeant tout-à-coup de visage, elle lui adressa ces paroles sévères : Comment! tu as osé fouler superbement aux pieds et souiller les sacrés ornements de la sainte Mère de Dieu, et tu n'as pas craint cette reine puissante! Pour cette fois je te pardonne; mais garde-toi de recommencer jamais. Et elle lui cita l'exemple d'un autre qui avait l'habitude de se faire ainsi un lit avec les tapis sacrés, et que nous avons vu depuis réduit à la plus extrême pauvreté, mourir sur un misérable grabat. Le prêtre se réveilla tout effrayé et confessant sa faute alla remettre les tapis sur les bancs, et remercia Dieu et sa sainte Mère de la réprimande. Il ne reconnut point la dame qui lui avait apparu mais nous croyons qu'elle lui fut envoyée par la sainte Vierge. Nous avons connu des enfants que leurs parents avaient voués au Seigneur, et consacrés à son service en cette église, et quand les parents ont voulu changer leur vœu les enfants sont tombés en telle langueur qu'ils ont été forcés de tenir leur promesse. Il fut un temps où les paysans des environs de la ville venaient chaque année après Pâques, implorer la protection de Notre-Dame, et apporter leurs vœux et offrandes. Une année, quelques villages négligèrent de remplir ce devoir. Aussi, presque au moment de les recueillir, leurs moissons furent battues de la grêle et de l'orage, et périrent presque en entier; leurs vignes furent brûlées, et perdirent leurs fruits. Au contraire, la grêle respecta et n'osa franchir les limites de ceux qui s'étaient assuré la protection de la sainte et clémente Reine. Et depuis ce temps, ceux-ci, aussi bien que leurs voisins se sont montrés plus dévots et plus prompts à venir chaque année visiter la cité de Reims, et implorer l'assistance de la sainte Vierge de saint Rémi et des autres saints. [3,9] CHAPITRE IX. De la seconde translation du corps de saint Rémi. L'évêque Hincmar fit aussi construire aux pieds de saint Rémi une chapelle d'un riche et beau travail ; et, levant de son premier sépulcre le corps de ce grand saint avec sa châsse il le transféra dans ce nouvel asile, assisté de tous les évêques de la province, exprès convoqués, ainsi que nous l'avons déjà raconté. Il fit faire aussi, pour orner le devant de la chapelle, un ouvrage d'or exquis et enrichi de pierreries, fit ouvrir une fenêtre par laquelle on pût voir la châsse du saint, et à l’entour fit graver les vers suivants : "Grand Rémi, l’évêque Hincmar, plein d'amour pour toi, t'a fait élever ce tombeau, afin que le Seigneur, ô mon vénérable maître, m'accorde le repos en l'honneur de tes mérites et de tes prières." Il fit présent à l'église d'un Évangile écrit en lettres d'or, parsemé de pierreries, et orné d'une inscription en vers aussi écrite en or; d'une grande croix garnie d'or et de pierres précieuses d'un livre des sacrements à couverture d'ivoire revêtue en argent; d'un lectionnaire pour la messe embelli et paré de la même manière enfin de plusieurs autres livres et ornements. Mais il n'osa rien prendre des reliques de saint Rémi, comme lui-même le témoigne dans une lettre adressée au roi Louis d'outre-Rhin qui en demandait quelques portions. Le prélat assure qu'il croirait se rendre coupable de la plus grande témérité s'il osait détacher quelque partie du corps que le Seigneur s'était plu à conserver entier et intact. [3,10] CHAPITRE X. Hincmar reçoit de l'évêque de Rome l'autorisation de se servir ordinairement du pallium. Concessions faites à l'église sons son épiscopat. EN récompense de sa sainteté et de sa sagesse, et par l'intervention de l'empereur Lothaire, le vénérable évêque Hincmar reçut du pape Léon IV, un nouveau pallium avec autorisation d'en user ordinairement, comme auparavant le même pontife lui en avait envoyé un dont il ne pouvait user qu'à des jours de fête prescrits et détermines. Dans la lettre qu'il lui adresse à ce sujet, le pontife affirme qu'il n'a accordé à aucun archevêque avant lui l'usage ordinaire et quotidien du pallium et qu'il ne l’accordera à aucun désormais. Hincmar a écrit six ou sept fois au pape Léon, ainsi qu'il le dit dans une de ses lettres au même pontife. Dans cette lettre, il dénonce au souverain pontife la témérité des chorévêques qui se permettent de faire des ordinations et se flattent de transmettre le Saint-Esprit; il se plaint des torts que la puissance terrestre fait ainsi souffrir à l'Église, parce que lorsqu'un évêque vient à mourir on fait remplir par les chorévêques le ministère qui n'est permis qu'aux seuls évêques et l'on détourne les biens et les richesses de l'Église à l'usage des mondains, comme cela était déjà arrivé à notre église. Il parle aussi de ceux qu'Ebbon avait ordonnés après sa déposition. Dans une autre lettre, il se plaint d'un certain Fulcric vassal de l'empereur Lothaire qu'il avait déjà signalé au pape comme troublant et persécutant plusieurs églises du royaume; et qui après avoir été excommunié pour avoir renvoyé son épouse, avait osé en prendre une seconde. Il parle des privilèges dont a joui l'église de Reims dès les premiers temps où les églises ont commence à en obtenir; il rappelle que l'évêque de Reims a toujours été au premier rang entre les primats, et l'un des premiers primats des Gaules qu'il n'a jamais reconnu d'autre supérieur que l'évêque de Rome en conséquence il supplie le pontife de maintenir et augmenter les privilèges qui de temps immémorial ont été octroyés et conservés au siège de Reims par les papes ses prédécesseurs. Hincmar obtint aussi de l'empereur Lothaire une ordonnance au sujet de quelques biens situés aux lieux de Mirvaulx, de Termedo, de Roseroles, qui au temps de l'empereur Charles avaient été, je ne sais à quelle occasion, enlevés à l'église de Reims, et donnés au fisc, et que par cette ordonnance l'empereur Lothaire restitua au domaine de Notre-Dame et de Saint-Rémi. Le même empereur recommanda plusieurs fois honorablement au pape Léon l'évêque Hincmar, soit par lettres, soit par messagers; et quand ce prélat se disposa à aller à Rome, l'empereur l'annonça par une lettre au souverain pontife, le priant de le recevoir honorablement et avec bienveillance, et de lui accorder libéralement tout ce qu'il demanderait. Dans une autre lettre au sujet des décisions synodales, Lothaire demande au pape confirmation de ceux qui ont été ordonnés par Ebbon après sa déposition, et concession de quelques privilèges à Hincmar et au siège de Reims; il dit que son frère Charles, roi de France, et lui n'ont pas voulu laisser partir Hincmar pour Rome, parce qu'il leur était trop nécessaire pour étouffer les troubles qui s'étaient élevés en ce temps. Dans cette lettre l'empereur dit que c'est dans cette église de Reims, qui eut pour premier évêque saint Sixte que deux papes, ses prédécesseurs et disciples des apôtres, Étienne et Léon, ont conféré l'onction apostolique à Pépin et à Charlemagne, qu'un autre Étienne a proclamé le roi Louis, Auguste et a placé sur sa tête le diadème impérial. Outre ces recommandations afin d'obtenir ce qu'il demandait pour Hincmar, l'empereur avait envoyé à Rome Pierre, évêque de Spolette, chargé de ses instructions, et avait écrit à un autre Pierre, évêque d'Arezzo, ainsi qu'à quelques autres également attachés au pape Léon et à lui pour leur recommande) le succès de cette affaire. Hincmar écrivit aussi trois lettres à l'empereur Lothaire au sujet de ce Fulcric qu'il avait excommunié dans la première, il expose par quels moyens il doit faire pénitence, dans la seconde, il raconte les fautes de Fulcric, et prouve qu'il a eu raison de l'excommunier puisqu'il a refusé de faire pénitence; dans la troisième, il le félicite de son humilité, le loue beaucoup d'avoir écouté ses conseils, et obéi à ses instructions contre ce vassal excommunié, et lui accorde l'absolution qu'il avait humblement demandée pour les communications qu'il avait eues avec le coupable. Hincmar écrivit a l'empereur Lothaire sur sa convalescence au sortir d'une maladie; et dans cette lettre il lui parle de son salut avec l'autorité d'un évêque, quoiqu'en peu de mots et avec réserve. Enfin il lui a écrit encore en différentes occasions. Hincmar obtint du roi Charles la restitution à l'église de Reims d'une chapelle dédiée à saint Martin, au bourg de Vouzy avec toutes ses dépendances, et la fit confirmer par une ordonnancé royale. A sa sollicitation, Charles donna quelques biens à l'abbaye de Saint-Rémi et aux moines qui y servaient le Seigneur, savoir au pays de Portian, au village de Baudricourt, deux manses; à Mont-Dodelin deux manses; à Vaudoncourt, deux manses avec leurs serfs et toutes leurs dépendances. Il obtint encore du même roi une ordonnance touchant la voie publique qui empêchait de faire les agrandissements nécessaires au cloître des chanoines de Saint-Rémi, dont il avait augmenté le nombre. Il fit rendre à l'évêché des biens qui depuis longtemps lui avaient été enlevés, entre autres le village de Neuilly, que Carloman avait donné à l'église de Saint-Rémi pour le salut de son âme, et dont divers personnages s'étaient partagé, avec l'autorisation du roi, les habitations et les serfs quelques biens situés à Chermisy et Baisiu; d'autres sur la rivière de Retourne et autres lieux voisins. Le roi Louis d'outre-Rhin lui accorda pareillement restitution de quelques propriétés qui avaient été autrefois données à Saint-Rémi, savoir: au pays de Worms Stadtenheim et ses dépendances Cosle et Gleni dans la forêt des Vosges en Thuringe et en Austrasie, le lieu nommé Schonerunstadt, et celui d'Eisleben avec toutes ses dépendances. Il se fit aussi rendre par justice des biens, des droits et des serfs dont l'évêché avait été dépouillé il fit avec diverses personnes des échanges utiles aux deux parties et eut soin de les faire confirmer par des lettres du roi. Il fit bâtir pour les chanoines de l'église de Reims un hôpital pour recevoir les étrangers et les pauvres, et assura tout ce qui était nécessaire à son entretien avec le consentement des évêques de la province, et leur déclaration signée, à condition que jamais nul évêque ou autre personne ne pourrait donner à qui que ce fût les biens de l'hôpital à titre de bénéfice, ou les détourner à un autre usage; qu'il ne fût prélevé sur ces biens aucune charge ou redevance et que tout ce qui en pourrait justement revenir fût consacré aux besoins des chanoines et des pauvres, selon le mode prescrit dans le privilège accordé et confirmé par lui et les autres évêques. Il eut soin de faire confirmer cette fondation par le roi Charles. Enfin il soumit a une nouvelle circonscription presque tous les biens et villages de l'évêché et en distribua les colons d'une manière raisonnable. [3,11] CHAPITRE XI. Du synode comprovincial tenu à Soissons. L'an septième de son épiscopat, l'honorable évêque Hincmar tint un synode comprovincial à Soissons, au monastère de Saint-Médard dans l'église de la Trinité ; là se trouvèrent, parmi les évêques, Wénilon archevêque de Sens; Amaury, archevêque de Tours ; Thierri évêque de Cambrai ; Rothade de Soissons ; Loup, de Châlons, Immon de Noyon ; Erpuin, de Senlis; Hermanfried de Beauvais; Pardule de Laon ; Hilmerade, d'Amiens ; Hubert, de Meaux ; Agius, d'Orléans; Prudence, de Troyes, Hermann, de Nevers ; Jonas, d'Autun; Godelsade, de Châlons-sur-Saône ; Dodon, d'Angers; Guntbert, d'Évreux; Hildebrand, de Séez; et Rigbold, chorévêque de Reims ; parmi les abbés et les prêtres, Dodon abbé de Saint-Sabin ; Loup, abbé de Ferrières ; Bernard, abbé de Fleury, de la règle de saint Benoît; Odon, abbé de Corbie; Hériae abbé de Corbion; Bavon, abbé d'Orbay; et enfin grand nombre de prêtres, abbés, diacres et clercs de tout rang. Le glorieux roi Charles y assista aussi en personne. Il fut traité dans cette assemblée de plusieurs affaires importantes de l'Église de Dieu. Quelques chanoines et moines de Reims, savoir: Radold, Gislold, Vulfade et Friedbert, chanoines de l'église métropolitaine; Sigismond, du couvent de Saint Thierri Nortwin, Heinrade, Mauring, Anthée, Tetland, Hairohald, Radulfe et Wicpert, moines de l'abbaye de Saint-Rémi portèrent plainte contre Hincmar devant le concile et l'accusèrent de les avoir suspendus de l'exercice des fonctions ecclésiastiques auxquelles ils avaient été promus et ordonnés par Ebbon. Sur cette plainte, Hincmar choisit pour ses juges les archevêques Wénilon et Amaury, ci-dessus dénommés, et Pardule évêque de Laon, pour le remplacer et tenir son rang de métropolitain. Les réclamants eux-mêmes acceptèrent les mêmes juges, et leur adjoignirent Prudence, évêque de Troyes. Or voici quelle fut leur décision : ils jugèrent que, si les réclamants avaient été ordonnés canoniquement par Ebbon lorsqu'il était encore revêtu de toute son autorité, ils devaient exercer leur ministère que si Ebbon avait été injustement déposé ou canoniquement rétabli, et les avait ordonnés après sa réintégration canonique leur droit ne faisait pas question non plus, et qu'ils devaient exercer. En conséquence ceux qui avaient ordonné Hincmar furent interpellés de déclarer ce qu'ils savaient de la déposition d'Ebbon et de l'ordination d'Hincmar. Alors, Thierri évêque de Cambrai se leva et mit sous les yeux du prince et du synode l'acte de déposition. Ensuite on examina dans quelles formes un évêque déposé devait être rétabli et il fut prouvé qu'Ebbon n'avait pas été rétabli canoniquement ; qu'au contraire, il avait été condamné par le Saint-Siège, puisque le pape Serge avait confirmé sa déposition, et lui avait permis seulement de rester dans la communion des laïques. Après ces premières informations, on donna lecture des canons qui règlent l'ordination des métropolitains, on produisit les lettres canoniques d'Ercamrade, évêque de Paris, confirmées et signées de sa main ainsi que par son archevêque et ses chorévêques, et données par lui à Hincmar à la requête du peuple et du clergé de l'église de Reims; le décret canonique signé de tous les membres du clergé et de la noblesse de l'église de Reims par lequel ils demandaient Hincmar pour évêque et il fut démontré qu'il avait été ordonné archevêque canoniquement, en présence et du consentement de tous les évêques de la province de Reims. Ensuite Hincmar se leva, et mit sous les yeux du prince et du synode les lettres canoniques que les sacrés canons enjoignent aux ordonnés de recevoir de ceux qui les ordonnent, avec la date du jour et du consul en exercice; il produisit aussi une lettre signée de tous les évêques de la province de Reims et de presque toute la Gaule, et adressée au Saint-Siège pour obtenir confirmation de son ordination, enfin le diplôme sacré de confirmation, signé de la main même du roi, scellé de son sceau, et adressé aussi au Saint-Siège de l'Église romaine. Par toutes ces causes, il fut jugé et confirmé qu'Hincmar avait été ordonné évêque selon toutes les règles canoniques. On examina alors ce qu'il convenait de décider sur ceux qui avaient été ordonnés par Ebbon depuis sa déposition et sans qu'il eût été légitimement rétabli. Alors Immon, évêque de Noyon, se leva et présenta un registre de toutes les autorités canoniques et apostoliques, desquelles il résulte que nul de ceux qui avaient été ordonnés par Ebbon n'avait pu recevoir de lui ce qu'il n'avait pas lui-même, etc. En conséquence, il fut décrété que toutes les ordinations faites par Ebbon depuis sa déposition seraient nulles et non avenues, conformément à la tradition du Saint-Siège apostolique, excepté toutefois le baptême, qui est donné au nom de la sainte Trinité, et que tous ceux qu'il avait ordonnés demeureraient privés de leurs grades ecclésiastiques. Friedbert, l'un des réclamants, lut au nom de tous une déclaration dans laquelle ils protestaient qu'ils n'avaient consenti à se laisser ordonner par Ebbon que parce qu'ils avaient vu les évêques suffragants Rothade, Loup, Siméon et Erpuin se rassembler en l'église métropolitaine de Reims avec lettres et mandements de l'empereur Lothaire, et rétablir Ebbon sur son siège. Ils produisirent en outre des lettres données, disaient-ils, et signées par Thierri, Rothade, Loup, Immon et autres évêques de la province, lesquelles étant lues par les évêques turent déclarées fausses; et pour avoir osé ainsi calomnier des évêques, les réclamants furent excommuniés. Cette affaire terminée par le décret des juges, et du consentement du roi, Hincmar reprit son rang d'archevêque et de primat. Ensuite on passa à l'examen des titres d'un abbé du monastère de Haut-Villiers, nommé Halduin, qui avait été ordonné diacre par Ebbon, et ensuite prêtre par Loup, évêque de Châlons-sur-Marne. Alors l'évêque Loup se leva, et présenta des lettres du roi Charles, par lesquelles ce prince lui mandait de remplir, autant qu'il pourrait, toutes les fonctions du ministère sacré en l'église de Reims, puisqu'elle était privée de pasteur. En conséquence, attendu qu'il n'avait ordonné Halduin que sur l'ordre du roi, qui lui enjoignait de l'ordonner prêtre, et de le sacrer abbé de Haut-Villiers, sur la présentation de l'archidiacre de Reims et de tous les chanoines ou moines, le synode déclara que l'évêque de Châlons n'avait enfreint aucune règle, ni mérité aucune peine mais que celui qui de plein saut s'était élevé à la prêtrise sans avoir auparavant passé par le grade de diacre, devait être dégradé. On s'occupa ensuite de ceux qui avaient communiqué avec Ebbon après sa déposition et après avoir lu la formule de pénitence à laquelle ils devaient se soumettre, il fut trouvé, d'après les institutions canoniques, qu'après satisfaction et après avoir obtenu absolution, ils pourraient être admis à la sainte communion, purifiés et guéris par la seule bénédiction de leur évêque, avec l'aide de Notre-Seigneur Jésus-Christ; ce qui fut ainsi fait par le vénérable archevêque Hincmar. Quand toutes ces affaires furent terminées, le généreux et clément roi Charles demanda à l'archevêque Hincmar et aux autres prélats que, puisque les frères dégradés étaient privés de leur rang ecclésiastique, ils pussent au moins participer à la communion par l'indulgence du synode. La charité sacerdotale y consentit aisément et le synode leur pardonna miséricordieusement. Enfin tout ce qui avait été fait fut enregistré, relu en présence du synode, ratifié et signé par les évêques et par tous ceux qui y avaient assisté. Les actes du synode furent ensuite expédiés à Rome par Hincmar, et confirmés par le pape Benoît, successeur de Léon. Ce pontife conféra même à Hincmar, de l'autorité de l'apôtre saint Pierre et du Saint-Siège apostolique, un privilège portant que nul sujet du diocèse de Reims ne pourrait impunément recourir ou se soumettre à une autre autorité ou justice que la sienne. Mais le pape Nicolas, successeur de Benoît, à la requête des déposés, annula et censura les actes du synode, déclarant qu'on avait fait un crime de ce qui n'était qu'un acte de pure obéissance de la part de sujets que l'on punissait avec une extrême sévérité des hommes qui, loin d'opposer une résistance téméraire au jugement de leur évêque s'étaient soumis avec humilité et que quand ils étaient venus implorer miséricorde, on les avait jugés avec injustice. Le pontife rappelait en outre qu’Hincmar avait adressé au pape Léon plusieurs suppliques pour en obtenir confirmation des actes du synode; mais que celui-ci l'avait toujours refusée, parce que, pour lever tous les doutes, les actes du synode auraient dû être portés à Rome par quelques-uns des évêques qui avaient siégé, et surtout parce que les légats du Saint-Siège n'avaient pas été présents ; il ajoutait que les déposés étaient appelants au Siège apostolique, et demandaient à être entendus par devant le souverain pontife que le pape Léon avait en conséquence invité Hincmar à se présenter avec les appelants à un concile où il avait envoyé son légat a latere, Pierre, évêque de Spolette pour siéger à sa place, et réviser le jugement; qu'Hincmar n'avait point comparu, et que sur ces entrefaites Léon était mort sans avoir pu accomplir ce qu'il désirait; que lorsque Benoît, homme en tout point apostolique avait été appelé au pontificat, on l'avait circonvenu dès les premiers jours de sa consécration, et obsédé pour qu'il confirmât les actes du synode mais que cependant on n'avait pu lui persuader de s'écarter du sentier d'une décision légitime et sage; que tout en confirmant lesdits actes il avait pourtant réservé au Saint-Siège la souveraine autorité, puisqu'il s'était borné à ordonner que tout ce qui avait été fait demeurât réglé selon l'arrêté du synode, et que toute question à ce sujet fût désormais interdite, pourvu toutefois que les choses se fussent passées comme Hincmar le mandait que puisqu'au contraire il était prouvé que toutes choses ne se rapportaient pas à la relation qui avait été faite, il s'ensuivait nécessairement que tout ce qui n'avait pas été décidé avec franchise et loyauté contre les appelants était et demeurait nul. En conséquence, le pape Nicolas manda à Hincmar de s'efforcer de ramener à lui par la douceur les dénommés ci-dessus Vulfade et ses collègues; de traiter fraternellement avec eux de leur réintégration, et de tout terminer à l'amiable et en usant de miséricorde; autrement qu'il eût à comparaître à un concile avec les évêques auxquels il écrivait à ce sujet, afin d'examiner ensemble la cause des clercs appelants et s'il ne survenait aucune difficulté nouvelle de la décider définitivement, en ayant sans cesse Dieu devant les yeux que s'il survenait quelque différend entre les parties, alors il attirerait la cause au tribunal du Saint-Siège, et jugerait après avoir entendu les procureurs de l'une et de l'autre. Le jugement ayant été rendu avec l'aide de la grâce de Dieu, le pontife déclara avoir reçu de tous les évêques prescris au synode des lettres pleines de piété et d'affection filiale, par lesquelles ils lui annonçaient que les clercs déposés avaient été d'une voix unanime déclarés dignes d'être rétablis dans leurs grades. Aucune contradiction, disaient les évêques aucune diversité d'opinion n'avait éclaté, comme on le craignait; personne n'avait élevé la voix pour accuser ou pour condamner, tous s'étaient accordés à rétablir les appelants et les avaient d'une commune voix déclarés innocents. Cependant le pape Nicolas censura encore ce concile, parce que toutes les solennités qu'il avait ordonnées n'y avaient pas été observées, et qu'on n'avait point adressé au Saint-Siège un récit complet et exact de ce qui s'était fait. Vous deviez, dit-il aux évêques, m’adresser un récit approuvé de tous, entier et fidèle, de tout ce qui regarde lu déposition d'Ebbon et sa réclamation la promotion des clercs, la seconde expulsion d'Ebbon et son ordination à un autre siège enfin de tout ce que vous avez agité dans le concile. Il prétendit d'ailleurs avoir déclaré dans ses lettres de convocation qu'il se réservait un plus ample examen et une plus complète connaissance de ces différents. En conséquence il ordonna que tout ce qui avait été écrit à ce sujet, soit par le Saint-Siège, soit par nos évêques; tout ce qui avait été allégué soit par Hincmar, soit par les clercs déposés, fût rassemblé en un seul volume et rédigé dans l'ordre où les choses s'étaient passées, et que le tout fût adressé au Saint-Siège, les évêques en gardant copie de leur côté; et il ajouta que, s'il arrivait à l'avenir quelque événement qui rendît nécessaire la convocation d'une assemblée des prélats du royaume, on n'oubliât plus désormais de se conformer à cette règle établie par l'usage et fondée sur la coutume des Pères. Obéissant donc aux ordres du Saint-Siège, les évêques qui avaient assisté au concile s'empressèrent de rédiger un récit exact et entier de la déposition d'Ebbon de son rétablissement et de sa seconde expulsion, et adressèrent ensuite au vénérable pontife la lettre qui suit : "Au très révérend et très saint seigneur, père et pape Nicolas, les évêques qui l'an passé se sont avec la grâce de Dieu et par mandement du très saint Père, rassemblés à Soissons ainsi que ceux qui n'ont pu s’y trouver. Nous adressons à votre très sainte Paternité et très excellente Autorité le récit de tout ce qui s'est fait au sujet de la déposition d'Ebbon, autrefois archevêque de Reims, de son rétablissement, de la promotion de notre frère Vulfade et de ses collègues, enfin de la seconde destitution d'Ebbon et de son ordination à un autre siège, ainsi que vous nous avez mandé et ordonné d'en faire la recherche et de vous en instruire. Comme aucun de nous n'a pris part à ces actes en qualité d'évêque, excepté notre frère Rothade, nous avons été obligés de nous en rapporter aux mémoires et écrits laissés par les rois et évêques qui y avaient assisté, desquels nous avons recueilli sommairement le présent récit. Nous n'avions pas cru nécessaire de recueillir plus tôt ces faits, et d'en adresser la relation à votre Autorité parce qu'ainsi que nous vous l'avons fait connaître par l’écrit qui vous a été remis par le vénérable archevêque Égilon et dans lequel nous ne faisions ni n'avions cru devoir faire aucune mention d'Ebbon et de ses dépositions aucune contradiction, aucune opinion divergente ne s'était élevée parmi nous sur la réintégration des frères déposés, et qu'au contraire nous n'avions tous eu qu'un même et unique sentiment, que nous avons pris soin de soumettre à votre discrétion, conformément à la tradition et pratique des Pères; et nous nous serions empressés de rétablir dans leurs grades et dignités ceux que votre haute sagesse a déclarés innocents, qui n'ont point péché par esprit de révolte ou d'orgueil et qui n'ont fait qu'obéir en acceptant. Mais notre respectable confrère l'archevêque Hincmar a présenté à notre unanimité des privilèges du Saint Siège romain, qui ont statué diverses choses sur les clercs déposés, et auxquels nous avons cru devoir déférer. Par ces privilèges, ainsi qu'il nous a paru, et, comme d'ailleurs il est juste, souveraine pleine et entière autorité est réservée au Saint-Siège apostolique; et notre confrère nous a présenté les chartes desdits privilèges authentiques, avec leurs sceaux et écritures saines et entières; non que par cette exhibition il ait voulu nuire aux frères déposés, ou élever quelque opposition, mais afin de faire rendre au Saint-Siège l'obéissance qui lui est due. Il nous a montré en outre les actes des évêques et le récit de la déposition des frères, que vous avez lu et examiné vous même ainsi que vous avez daigné nous le mander. Ces actes n'ont point été souscrits par Hincmar, parce qu'il n'a point déposé lesdits frères par son jugement selon ce que vous avez pu voir par nos lettres et les siennes, et par les actes même du synode et comme nous l'avons déjà fait entendre à votre très sainte Paternité, nous n'avons pris aucune décision définitive en cette affaire et nous n'avons fait qu'élever la question et effleurer la matière, laissant à votre haute et souveraine Autorité : restitution, réformation, réintégration à vous seul appartenant. En laquelle unanimité nous avons persisté et persistons; et si, par quelque cause que ce soit, quelques-uns se sont séparés de l'opinion générale, déclarons que c'est à notre insu. En conséquence nous avons recueilli des actes des rois et évêques le présent récit du jugement d'Ebbon et nous le transmettons à votre Autorité, ainsi que vous nous l'avez prescrit". Après avoir exposé par ordre tout ce qui s'était fait, les évêques ajoutaient : Voilà ce que, selon votre ordre, nous avons pu recueillir des écrits de ceux qui nous ont précédés devant Dieu, et des relations véridiques de ceux qui existent encore, sur la première déposition d'Ebbon, ancien archevêque de Reims, laquelle eut lieu il y a environ trente-trois ans; sur son rétablissement; sur la promotion de Vulfade et de ses collègues enfin sur la seconde expulsion d'Ebbon et son ordination à un autre siège. Ces détails sont extraits en grande partie des actes des évêques de Belgique, de France, de Neustrie et d'Aquitaine, rédigés pour être envoyés au pape Serge, et qui l'ont été plus tard au pape Léon avec une lettre de ces évêques; vous les trouverez pareillement dans les lettres de l'empereur Lothaire et du roi Charles au Saint-Siège, que nous croyons conservées aux archives de Rome. Enfin, nous avons réuni, selon votre ordre dans le même volume les divers messages envoyés par votre Autorité, ainsi que les réponses adressées à votre Sainteté, dont nous avons eu connaissance, absolument dans le même ordre où ils ont été envoyés et s'il existe sur cette affaire quelque autre écrit adressé par nous ou à nous, nous n'en avons pas connaissance. Nous joignons en outre tout ce que notre confrère Hincmar nous a remis pour envoyer à votre Autorité nous conformant à ce que vous nous avez ordonné en nous disant : Prenez soin de réunir en un seul volume tout ce qui a été écrit, soit sur cette affaire, soit par nous-même autrefois, soit par vous maintenant les diverses lettres ou réclamations adressées au Saint-Siège apostolique par l'évêque Hincmar et les clercs déposés, et envoyez ce recueil au Siège apostolique, seul juge compétent, en ayant soin d'en garder copie etc. [3,12] CHAPITRE XII. De la vacance du siège de Cambrai, et du mariage de Baudouin avec Judith, fille du roi. Hincmar eut encore à traiter avec le Saint-Siège de la vacance du siège de Cambrai et de l'union illégitime du comte Baudouin et de Judith fille du roi Charles. Cette princesse avait été mariée à Édilulfe, selon d'autres à Édelbold roi d'Angleterre et honorée du titre de reine. Après la mort de son mari, elle vendit tous les biens qu'elle possédait en Angleterre, et revint en France auprès de son père, qui la reprit sous sa royale tutelle. Mais bientôt séduite par Baudouin, et d'accord avec son frère Louis elle s'enfuit avec le comte. Charles assembla les évêques et les autres grands de son royaume, pour demander leur avis; et après le jugement selon les lois humaines, il fit prononcer par les évêques la sentence d'excommunication contre Baudouin et Judith, suivant les ordonnances de saint Grégoire. Dans la lettre adressée à ce sujet au souverain pontife, Hincmar lui fait aussi son rapport sur la déposition de Rothade, évêque de Soissons, qu'il avait interdit du ministère épiscopal d'après jugement des évêques; enfin sur la commémoration du nom d'Ebbon au canon de la messe, et sur la condamnation de l'hérétique Gottschalk. Cette lettre est ainsi conçue : Au seigneur des seigneurs père des pères, et par-dessus tous honorable et très révérend pape Nicolas, Hincmar de nom et non de mérite, évêque de Reims et serviteur du peuple de Dieu. Dans la lettre que votre Sainteté a envoyée par l'évêque Odon aux évêques du royaume de Lothaire touchant le préjudice et les souffrances de l'église de Cambrai, j'ai lu que votre Autorité désirait savoir par la faute de qui cette église est ainsi, depuis dix mois et plus, veuve de son pasteur. Dans la crainte d'être accusé de négligence par votre Apostolat, je crois devoir vous faire connaître que, malgré vos lettres à Lothaire, aux évêques de son royaume, et à Hilduin qui s'est emparé irrégulièrement de l'administration de cette église, le préjudice se perpétue encore jusqu'ici comme avant que vous eussiez écrit. J'ai admonesté, autant que je l'ai pu, le roi Lothaire par messagers et par lettres, et je n'ai cessé que lorsqu'il m'a enfin répondu qu'Hilduin avait envoyé un messager à votre Autorité et qu'il n'avait pas dû disposer de l'église ci-dessus dénommée autrement qu'il avait fait avant d'avoir reçu votre réponse. Le vingt-huitième jour du mois d'octobre dernier, Baudouin m'a fait remettre, par deux de ses fidèles, des lettres de votre Autorité, dont vous m'ordonnez de donner lecture aux évêques de ma province, et dans lesquelles vous nous recommandez de recevoir Judith pour la présenter à son père et à sa mère, si toutefois nous étions assurés que le très excellent roi Charles fût dans l'intention de tenir les promesses qu'il a faites à votre Apostolat soit par lettres, soit par l'organe de vos messagers. Que si au contraire nous venions à découvrir qu'il n'eût d'autre dessein que de traîner en longueur, vous nous défendiez de la recevoir. Et dans le cas où nous agirions autrement, vous entendez que nous soyons privé de votre grâce et de votre communion. J'ai reçu les susdites lettres de votre Autorité avec tout le respect que je devais; et conformément à votre ordre, j'en ai donné lecture à mes coévêques ; ensuite tous ensemble nous sommes intervenus en faveur de Judith auprès de son père et de sa mère, et la leur avons présentée après avoir obtenu le pardon que nous voulions. Il nous a semblé que d'après les saints canons, au moins comme nous les entendons, les deux pécheurs devaient d'abord satisfaction à l'Église, qu'ils avaient offensée, et que ce n'était qu'après cette satisfaction qu'ils pouvaient accomplir ce que prescrivent les lois mondaines, car nous ne pensons pas que celui qui est lié par les liens de l’anathème puisse être délié et absous sans une pénitence proportionnée à l'offense. Mais comme vos lettres ne prescrivaient rien sur cet objet, et que même elles semblaient indiquer que le mariage devait être célébré sans délai, ils ont prétendu qu'elles suffisaient. De notre côté nous n'avons pas crû que, s'ils ne se soumettaient pas autrement, on dût les contraindre sans l'aveu de votre Autorité, à laquelle ils avaient eu recours. Je leur ai fait remarquer, en leur citant une autre lettre de votre Sainteté que vous n'aviez pas entendu anéantir l'effet des lois ecclésiastiques et n'aviez fait qu'intercéder en faveur d'un coupable qui pouvait être puni selon les lois mondaines afin qu'il eut le temps de se repentir de ses fautes contre les lois divines; que c'était ainsi que Notre-Sauveur, qui veut que tous les hommes soient sauvés et que personne ne périsse, avait sur la croix, en sa qualité de pontife, intercédé auprès de son père pour ses persécuteurs, et qu'il obtint en effet grâce pour ceux qui, après sa passion, crurent en lui et firent pénitence, qu'à l'exemple de ce divin maître, vous, vicaire des apôtres au pied du trône desquels les coupables avaient cherché secours, et souverain pontife de l'Église catholique et apostolique, vous aviez imploré pour eux la remise des fautes qu'ils avaient commises contre le roi de la terre et les lois humaines, afin qu'ils eussent le temps de se repentir de celles qu'ils avaient commises contre le Roi du ciel et les lois divines. Au contraire des hommes charnels, et même quelques-uns de ceux qui auparavant s’étaient opposés à ce mariage, croyant se couvrir d'une sainte défense, ou plutôt, comme il n'est que trop vrai, sacrifiant leur salut, objectaient toujours votre dernière lettre et soutenaient qu'elle ordonnait de célébrer le mariage sans délai. Quoi qu'il en fût je déclarai que pour aucune puissance du monde, je ne me départirais de la discipline ecclésiastique telle que je l'entendais; surtout lorsque le roi notre seigneur, votre fils Charles, était sur ce point d'accord avec moi, ou plutôt avec Dieu. Alors quelques-uns (ce n'est pas moi qui parle; je répète leurs paroles, que pour l'exemple, et pour nous enseigner la discipline du Seigneur, votre Mansuétude si douce et si humble de cœur, saura souffrir avec patience) quelques-uns, dis-je, me disaient, comme par forme de conseil, de faire attention ; que c'était la puissance ecclésiastique et non la séculière qui commandait en cette circonstance, et de me garder d'embrasser trop vivement la résistance, dans la crainte que quelque envieux ne fit entendre à votre Sainteté que je n'agissais ainsi qu'en mépris de votre Apostolat et du Saint-Siège apostolique et par ses insinuations ne parvînt à vous aigrir contre moi, et à obtenir encore quelque excommunication, comme il m'est arrivé dans l'affaire de Rothade (chose qui n'est parvenue à ma connaissance que par le message que m'ont transmis d'abord l'évêque Odon, et ensuite Luidon, bien avant que j'eusse pu adresser à votre Autorité le compte rendu de ce qui s'était passé, ou que vous eussiez pu l'apprendre vous-même par vos messagers); d'autant plus, disaient-ils, que la lettre de votre Autorité porte expressément que, si nous agissions autrement qu'il ne nous est commandé, nous serions privés de votre grâce et de votre communion. A cela je répondais que vous n'aviez ainsi parlé dans votre lettre que pour empêcher que cette femme ne fût trompée par nous, et non pour l'exempter de donner satisfaction à l'Église. Alors ils insistaient et me demandaient pourquoi je voulais absolument interpréter votre lettre autrement qu'il ne vous avait plu de l'écrire, puisque je pouvais aisèment en comprendre le sens d'après celles que vous m'aviez écrites auparavant. C'est pourquoi, en rappelant en ma mémoire des lettres que vous avez par le passé adressées à moi et aux évêques du royaume de votre fils le seigneur roi Charles, et réfléchissant a celle que dernièrement vous m'avez fait remettre par Luidon (car c'est depuis son arrivée que nous avons entamé cette affaire à Auxerre), suspendu entre la crainte du passé et l'espérance que me faisait entrevoir votre dernière lettre, beaucoup plus douce, j'ai pris le parti d'éviter toute discussion dans cette dernière cause et j'ai cru devoir dissimuler mon opinion, en remettant mon consentement à un autre temps, attendant à voir, par la décision que vous prendriez dans la cause de Rothade, aujourd'hui pendante devant vous, quel parti je devrais suivre moi même dans celle-ci. En conséquence, nous n'avons interdit aux deux époux rien de ce qui touche le ministère ecclésiastique, seulement nous nous sommes dispensés de rien autoriser par notre présence Baudouin et Judith ont contracté mariage selon les lois humaines, comme ils l'ont entendu. Notre Seigneur roi, votre fils, n'a pas voulu non plus assister à la cérémonie, mais il y a envoyé les ministres et les officiers de l'Étal, et il a permis, comme il vous l'avait promis, qu'ils contractassent mariage selon les lois humaines; il a même accordé des honneurs à Baudouin, seulement par égard pour votre intercession. [3,13] CHAPITRE XIII. De la cause de Rothade, évêque de Soissons, déposé. Quant aux lettres de votre Autorité que vous avez adressées par les mains de l'évêque Odon à tous les évêques du royaume de notre seigneur roi Charles, au sujet de Rothade et à la lecture desquelles vous m'ordonniez d'assister avec obéissance, je me suis rendu à l'assemblée pour les entendre, ainsi que votre Sainteté l'a prescrit à mon exiguïté et avec tous les vénérables évêques présents autant qu'il a été en moi, avant que le synode fût dissous, j'ai mis tous mes soins a exécuter vos ordres relativement à Rothade dans la crainte qu'il ne survînt quelque retard à leur accomplissement, soit par quelque incursion des païens, soit par toute autre cause c'est ce que pourront faire pleinement connaître à votre Sainteté et les messagers du roi et les miens, et les lettres que vous recevrez mais par des incidents que les messagers eux-mêmes vous expliqueront, quoique j'eusse sur-le-champ donné mes lettres et choisi mes vicaires ils n'ont pu partir avec Rothade, et ont tardé à comparaitre devant vous plus longtemps que je ne l'aurais voulu. Sur ces entrefaites, est arrivé de Rome Luidon, messager de notre seigneur roi, votre fils, lequel lui a remis des lettres de votre part en la ville d'Auxerre, où il m'avait appelé auprès de lui pour son service. Car son fils Charles, du même nom que lui, qui l'avait offense, ayant, d'après l'avis de quelques-uns, tardé à se présenter devant lui, et n'osant venir seul, avait fait prier son père, par messagers, de charger ma petitesse et quelques autres fidèles de le conduire et accompagner à la cour, afin que, par notre intervention, il pût trouver son père plus clément et plus favorable. Aussitôt que j'ai été arrivé le roi m'a donné vos lettres à lire. Quoique votre sublimité y traite mon humilité avec une bonté bien au dessus de mes mérites, et daigne louer ce que mon insipience a écrit à votre sapience, beaucoup au-delà de ce que je sais et puis croire, non toutefois sans nous effleurer adroitement de votre sage critique, il me semble que vous avez trouvé que nous nous laissions aller à quelque superfluité de langage. C'est pourquoi je supplie votre Sainteté qu'elle daigne agréer de notre part l'excuse que saint Augustin a osé donner au Seigneur des seigneurs, beaucoup parler n'est pas superflu, pourvu que cela soit nécessaire. Supportez donc, très saint seigneur et très révérend Père, un peu de mon insipience; et souffrez-moi, si je me répète encore au sujet de Rothade, et si je viens de nouveau vous entretenir d'une cause qui vous est si bien connue. Puisque donc ainsi vous plaît (comme je sais que toutes choses bonnes vous plaisent), nous vous envoyons avec lui nos vicaires, non comme accusateurs pour contester et débattre, mais plutôt comme accusés par Rothade et de nos voisins qui ne connaissent pas ou ne veulent pas connaître pleinement la vérité; nous avons voulu expliquer humblement à votre souveraine Autorité, que loin d'avoir, comme on nous accuse, jugé et condamné au mépris de vos droits en appelant le Saint-Siège, selon les canons du concile de Sardique, nous n'avons fait que juger canoniquement puisque avait requis, pour certains articles, la décision d'un nombre de juges choisis, nous conformant en ce point aux statuts des conciles d'Afrique et de Carthage, et aux décrets du bienheureux saint Grégoire. Car loin de nous la pensée de si peu de cas des privilèges du pontife, du premier et souverain Siège de l’église romaine, que nous voulions fatiguer votre suprême Autorité de tous les différends et les controverses, tant d’un ordre supérieur que d’un ordre inférieur, qui, d'après le concile de Nicée et d'autres sacrés conciles, d'après les décrets du pape Innocent et autres pontifes de l'église romaine doivent être réglés et terminés par les métropolitains dans le synodes provincial ; mais s'il s’élève au sujet des évêques quelque question dont nous ne trouvions pas la décision certaine et expresse dans les sacrés canons, et qui, par conséquent, ne se puisse discuter ni juger en synode provincial ou comprovincial ; c'est alors que nous devons recourir à l'oracle de Dieu, c'est-à-dire au Siège apostolique. De même si en cas majeur un évêque provincial n'en a point appelé à la décision de juges délégués, ou si jugé et condamné, c'est-à-dire déposé de son grade, il croit sa cause bonne, en appelle à l'évêque de Rome, et demande à être entendu devant lui, enfin s'il croit juste de faire réviser son procès, alors c'est un devoir pour ceux qui ont examiné la cause, après la sentence de l'évêque, d'écrire au souverain pontife, et que la cause soit rappelée de nouveau et remise a à sa décision, ainsi qu'il est ordonné par le septième chapitre du concile de Sardique. Quant au métropolitain canoniquement institué, et qui, selon l'antique coutume reçoit du Siège apostolique le pallium, il faut premièrement et avant tout jugement attendre la sentence du souverain pontife, ainsi que Léon l'a écrit dans son épître à Anastase, comme le veut le concile de Nicée, et comme le déclarent plusieurs autres papes en leurs décrets fondés sur les sacrés canons; car c'est vraiment l'évêque de Rome qui, selon la parole du prophète Ezéchiel a sa demeure dans la chambre qui regarde vers le midi, et c'est lui qui veille à la garde du temple. Pour nous, métropolitains, nous ne sommes, en comparaison de lui, que les ministres servants à l'autel qui est devant la face du temple, et sur lequel brûlent les chairs des sacrifices; aussi est-ce à nous de juger et terminer les différends des hommes charnels dans les synodes provinciaux, renvoyant la décision des causes majeures à l'évêque du premier et souverain Siège; car nous qui sommes sous sa puissance, nous en avons aussi d'autres sous nous, et nous disons à celui-ci : Va, et il va; et à celui-là : Viens, et il vient, parce que, comme le dit le pape Léon, même entre les apôtres, quoique tous égaux en honneur, il y a toujours eu quelque distinction de pouvoir; et quoi que tous fussent également élus, il a fallu que l'un d'entre eux eût la prééminence sur les autres d'où est née la distinction entre les évêques; et par une grande et sage disposition, il a été arrêté que tous ne s'attribueraient pas tout pouvoir, mais que dans chaque province il y aurait un évêque primat, dont les décisions prévaudraient entre ses frères et par l'intermédiaire duquel le gouvernement de l'Église universelle remonterait au Siège suprême et unique de saint Pierre, afin que jamais, et en aucune chose, l'Église ne se séparât de son chef. Donc, celui qui sait qu'il est le supérieur de plusieurs ne doit pas trouver mauvais d'avoir lui-même un supérieur; et c'est son devoir de rendre l'obéissance qu'il exige lui même. Or Rothade a fait autrement; il a mieux aimé se faire obéir des siens que d'obéir lui-même aux sacrés canons, quand les anges mêmes du ciel obéissent à leurs supérieurs; et par son obstination il a mérité d'être déposé. Pendant plusieurs années j'ai tout employé pour le ramener à la soumission, les bienfaits, les avertissements, les exhortations, soit par moi-même, soit par ses chorévêques, et par tous ceux que j'ai crus ses amis; je l'ai rappelé à l'observation des saints canons; plusieurs fois je l'ai menacé de toute l’autorité métropolitaine, et de celle du Saint-Siège, je me suis efforcé de lui montrer toute l'énormité de sa faute, par les leçons tirées des docteurs catholiques: et toute a la réponse que j'en ai pu obtenir, c'est que je ne savais faire autre chose que l'obséder tout le jour de mes lettres et de mes écrits. Aussi ai-je essuyé de plusieurs de fréquents reproches. On me blâmait de supporter si longtemps et sciemment, contre la volonté de Dieu et la sainte autorité de l'Église un homme incorrigible et inutile au ministère ecclésiastique. Cependant, quoiqu'il eût semblé prendre à tache de provoquer et d'irriter le roi, ses coévêques, tous ses voisins, et moi surtout, il n'a pu y parvenir; je savais qu'il n'y a rien de si dangereux pour un ministre du Seigneur que de se laisser entraîner à la colère et à l'emportement, et de porter un jugement précipité ; je savais que la cruauté des persécutions n'est pas plus funeste à l'Église que les divisions, les dissemblances de mœurs, les luttes de désobéissance et les traits des langues malignes. Aussi l'ai-je supporté longtemps, non sans craindre pour le péril des âmes qui lui étaient confiées. Quand enfin il ne m'a plus été permis de le tolérer, je l'ai cité au tribunal d'un grand nombre d'évêques pour entendre leurs remontrances. Loin d'écouter leurs conseils, il a préféré requérir jugement contre moi. Pour le satisfaire, et en même temps pour le faire rougir et renoncer à sa folle obstination, je me suis soumis au jugement, comme je l'ai déjà exposé plus amplement dans d'autres lettres à votre Sainteté; mais je suis forcé de me répéter pour la satisfaction de votre Autorité, afin que vous connaissiez bien que je n'ai point agi contre lui par animosité, mais par un zèle pur et sincère, autant du moins que je peux lire au fond de ma conscience. D'ailleurs, tout ce que je vous dis est à la connaissance du roi notre seigneur, des évêques du royaume, et d'une foule de personnes, tant de l'ordre ecclésiastique que de l'ordre séculier. Après la déposition de Rothade, je lui ai fait accorder une bonne abbaye par le roi et les évêques, et tous nous étions disposés à pourvoir à ses besoins comme à ceux d'un père, car nous ne voulions pas qu'après avoir vécu dans toutes les délicatesses de la fortune, il eût à souffrir; nous n'avions d'autre vue que de l'empêcher d'agiter et de troubler l'église qui lui avait été confiée. Il se soumit d'abord, mais bientôt, comme disent ceux qui savent ce qui en est, quelques évêques du royaume de Lothaire, animés de ressentiment contre moi parce que dans l'affaire de Waldrade je n'ai point été d'accord avec eux et, comme disent encore plusieurs, quelques autres évêques de Germanie, à l'instigation de leur roi Louis, dont je n'ai point, ainsi que Rothade l'a fait, servi les desseins dans son invasion du royaume de son frère, ont persuadé à Rothade de s'obstiner dans sa révolte, en lui faisant espérer qu'ils obtiendraient de vous son rétablissement. Enfin conformément à vos ordres, j'ai obtenu du roi notre seigneur, votre fils, que cet évêque vous fut conduit pour en ordonner selon votre sagesse, persuadé que le Seigneur daignera inspirer à votre cœur ce qui lui sera le plus agréable, et en même temps le plus juste. Quant à l'ordre que votre très bénigne Dignité : daigné transmettre à votre serviteur par Luidon que j'eusse à rassembler le collège complet des évêques nos frères, et d'après votre sentence apostolique, à réintégrer et rétablir Rothade en son ministère selon les formes prescrites en vos lettres, sache votre très révérend chorévêque, très honorée et très douce Paternité, qu'il ne m'a pas été possible de vous obéir pour beaucoup de raisons. Premièrement, Rothade était déjà parti avec ceux qui étaient chargés de le conduire à votre Autorité, et de vous le présenter avec nos lettres; secondement, il m'était impossible de réunir tous nos frères, parce que, comme je vous l'ai dit plus haut, j'étais alors bien loin de mon diocèse, occupé au service de notre roi, votre fils; parce qu'ensuite Rothade ne pouvait être régulièrement rétabli sans le concours de ceux qui avaient pris part à sa déposition, et que les évêques des autres provinces, occupés de mille soins, ne pouvaient se réunir sur ma convocation. Les évêques mêmes de notre province de Reims avaient été obligés de quitter subitement le synode où nous avions entendu la lecture de vos lettres, et de retourner en toute hâte à leurs sièges, pour s'opposer aux ravages des Normands. Enfin le petit nombre d'évêques qui étaient avec moi auprès du roi et employés à son service, quand je leur donnai connaissance de la recommandation de votre Bénignité en faveur de Rothade, me répondirent qu'ils ne lui connaissaient ni une si bonne vie, ni tant de savoir et de zèle pour le saint ministère, qu'ils voulussent rien prendre sur eux en cette affaire; car, disaient-ils si, quand sa déposition le forçait encore à garder quelque mesure il n'en a pas moins été toujours rebelle aux sacrés canons, à l'autorité royale, et aux privilèges de son métropolitain, il n'en vivra que plus effrénément dans la négligence de tout devoir et dans la perversité donnant mauvais exemple à plusieurs, et scandalisant les fidèles, maintenant qu'il pourra suivre en toute liberté ses volontés. Votre Bénignité estime que cet homme n'est pas une brute, mais qu'il a un cœur humain, et vous m'écrivez que peut-être il reconnaîtra sa faute et se soumettra de lui-même au jugement qui l'a frappé; que s'il agit ainsi, vous m'engagez à obtenir du roi Charles, votre fils bien-aimé, qu'il lui accorde quelques bénéfices pour pourvoir à ses besoins et à ceux des siens, afin qu'il puisse vivre honorablement. Mais que votre Dignité sache bien que tel n'est point le caractère de Rothade. Jamais il ne revient sur ce qu'il a une fois commencé. Permettez moi donc, à moi très humble serviteur de votre Domination, d'exposer à votre sage Autorité ce que j'ai avisé en cette cause, soit en méditant en moi-même, soit en conférant avec votre fils très fidèle, mon Seigneur, notre glorieux roi. M'appuyant des lettres que votre Autorité a fait remettre à mon exiguïté par Luidon, dont vous faites mention dans votre lettre à notre roi, votre fils et notre seigneur, et dont je lui ai moi-même donné lecture, j'aurais pu obtenir de Sa Majesté qu'elle donnât ordre à ses envoyés chargés de conduire Rothade devant vous de s'arrêter et de suspendre leur voyage vers Rome, jusqu'à ce qu'il vînt un moment favorable pour réunir tous les évêques de nos contrées mais il n'y avait pas de raison de faire connaître les motifs du retard de la translation de Rothade à des étrangers, avant que la lettre de votre Autorité eût été lue aux évêques. Il était à craindre aussi que ceux qui, par la grâce de Dieu et par pure bonté, me portent affection et m'estiment, quoique je ne sois rien, apprenant que ce retard était mon ouvrage, fussent scandalisés en moi, et me soupçonnassent de négliger et mépriser votre recommandation, quand au contraire j'avais fait toute diligence pour hâter l'accomplissement de vos ordres, au terme prescrit dans la ce lettre que vous nous aviez adressée par l'entremise de l'évêque Odon. D'autre part, si dans une assemblée des évêques qui connaissent et qui savent que je connais comme eux la négligence de Rothade et sa longue inutilité dans le ministère sacré, je m'avisais de parler de son rétablissement, tous me siffleraient et croiraient que j'ai tout-à-fait perdu la raison. Il en serait de même encore si je promettais de lui obtenir des bénéfices pour prix de sa soumission, soumission qu'il ne fera jamais dans la seule vue de son salut, car c'est une chose connue de presque tout le monde en ces provinces, que selon les conciles de Carthage et les décrets de saint Grégoire, il s'en remit d'abord à la décision de juges de son choix; et plus de cinq cents personnes de tout ordre et de tout rang étaient présentes quand le calice d'or et les pierreries engagées par lui ont été saisis entre les mains d'un cabaretier et de sa femme par le messager du roi, et apportés en plein synode; tous ont su qu'on a également retiré des mains d'un Juif des couronnes d'argent qu'il lui avait données que plusieurs des rentes et revenus qu'il avait retranchés à l'église pour les donner secrètement en commande, ont été retrouvé avec un assez grand nombre de vases d'argent d'un poids considérable qui avaient été autrefois suspendus en offrande dans l'église. C'est encore une chose notoire que beaucoup d'autres dons faits à l'église par ses prédécesseurs et autres fidèles pour le salut de leur âme, ont été détournés par lui, et dissipés selon son caprice, sans le consentement de son métropolitain et de ses coévêques à l'insu du trésorier, des prêtres et des diacres de son église. Et cependant le bienheureux saint Grégoire a souvent répété dans ses lettres d'après les sacrés canons : Tout ce qu'un évêque acquiert après son ordination à l'épiscopat appartient à l'église dont il est le pasteur. D'où il suit qu'il ne peut en disposer sans l'aveu du trésorier et du clergé de son église. Tous les habitants de la ville et les peuples qui avaient suivi le roi et les évêques au synode, et étaient accourus comme a un spectacle l'ont vu venir jusqu'à la porte de l'assemblée, et s'en retourner tout-à-coup comme un furieux; tous savent quel mépris il a affecté pour la clémence du roi et celle de nos frères les évêques comment il a été jugé d'après les chapitres des saints canons qui règlent les jugements; enfin, comment, au milieu des larmes du roi et des évêques il est sorti plus insensible qu'un rocher. En un mot, après avoir jugé selon notre intelligence des sacrés canons, après avoir, conformément encore à ce qu'ils prescrivent, envoyé un de nos coévêques, membre du synode et témoin du jugement, pour vous rendre compte après avoir, selon votre ordre, envoyé Rothade lui-même avec nos lettres et nos vicaires au Siège apostolique, qui nous fait une loi d'observer les canons et les décrets des Pères comme lui-même les observe, changer de conduite ce serait faire croire à tous que nous doutons de la justice et de l'équité de votre Autorité ; promettre à Rothade une existence heureuse et assurée pour prix de sa soumission, ce serait nous faire taxer de folie car quand même (ce que ne feront jamais, nous l'espérons, le premier et très saint Siège et votre Apostolat) quand même vous pourriez le rétablir, maintenant que vous le connaissez, notre conscience demeurerait toujours calme et sans reproche sur les périls des âmes que vous seul lui auriez commises; et comme tout le monde en nos contrées sait jusqu'à quel point il a poussé la négligence et le mépris des saints canons, combien de temps et avec quelle patience il a été toléré; comme tous savent que le jugement ne nous a été arraché qu’à regret et comme par force, parce qu'il n'a pas voulu se corriger comme le lui prescrivaient les saints canons nous ne pourrions encourir aucune honte de son rétablissement s'il avait lieu par l'autorité de votre souverain Pontificat; parce que jeunes et vieux nous savons tous que nos églises sont soumises à l'église de Rome, et que nous autres évêques nous sommes subordonnés au pontife romain par la primauté de saint Pierre, et qu'ainsi tant que demeurera sauve la foi qui a toujours fleuri et, Dieu aidant, fleurira toujours en cette église, nous devons obéissance à votre Autorité apostolique, car c'est pour nous comme pour tous, qu'il a été écrit : Obéissez à vos conducteurs et soyez soumis à leur autorité ne faites rien par un esprit de contention ou de vaine gloire. Et encore : Si quelqu'un aime à contester, ce n'est point là notre coutume ni celle de l'Église. C'est pourquoi j'ai souvent dit à votre fils très fidèle, mon seigneur, notre glorieux roi, et je ne me lasse pas de le lui répéter, comme il aime à l'entendre: De même que la terre et toute sa plénitude l'univers et tous ceux qui l'habitent, appartiennent au Seigneur, car c'est son royaume qu'il donne à qui il veut, ainsi il a fondé son Église sur le fondement de la pierre apostolique, et, avant sa passion comme après sa résurrection, il l'a, par une sollicitude spéciale et privilège singulier confiée à saint Pierre et en lui à ses vicaires. Et quiconque honore le siège de saint Pierre et le pontife qui l'occupe, honore celui qui a dit : Quiconque reçoit celui que j'aurai envoyé me reçoit moi-même. Et il sera aussi honoré par celui qui dit : Je glorifierai quiconque m'aura rendu gloire, et ceux qui me méprisent tomberont dans le mépris. Comme donc beaucoup connaissent les réclamations de Rothade comme d'autres en parlent différemment, comme tous en général savent que votre Autorité a donné l'ordre de le faire conduire à Rome avec nos vicaires, pour y entendre votre jugement, comme enfin il est juste et convenable que tout évêque mandé devant le Saint-Siège par l’évêque de Rome y comparaisse, à moins qu'il n'en soit empêché par quelque infirmité, ou nécessité majeure ou impossibilité, toutes exceptions prévues et réglées par les saints canons, à plus forte raison convient-il que celui qui a fait appel à l'autorité apostolique dans une controverse de la nature de celle-ci, s'y rende et se présente. Quand on verra le roi et, les évêques obéir avec empressement, et faire honneur au souverain pontife, leurs sujets leur obéiront aussi avec plus d’empressement et d'humilité; car comme dit saint Grégoire, quand la tête est languissante, c'est en vain que les membres inférieurs sont bien portants; mais quand elle est couronnée de gloire et d'éclat, c'est-à-dire quand on lui rend honneur et hommage, ils brillent de son éclat et de sa gloire. Et que pouvait-on faire de mieux pour contenter Rothade, que de vous l'envoyer et de lui prouver devant votre Autorité, par le témoignage écrit et signé de tant d'évêques qui ne voudraient mentir ni à Dieu ni à vous, et par l'attestation de tous leurs vicaires, qu'il défend une mauvaise cause? C'est à lui seul et non à vous qu'il devra s'en prendre d'avoir sans raison causé tant de peine à lui-même et aux autres; car votre très discrète Piété, qui sait qu'elle doit compassion au prochain conseil et censure aux vices, l'a bien assez averti par ses lettres apostoliques. Mais, outre ses autres défauts, tel est son endurcissement, que, sans amour ni crainte du Seigneur, sans respect pour les hommes, depuis tant d'années et en mille occasions il n'a jamais cessé de se montrer rebelle aux sacrés canons, aux décrets des pontifes du Saint-Siège romain, aux privilèges de sa métropole et aux arrêts synodaux; toléré pendant tant d'années et par tant de personnes, mille fois supplié par le roi et les évêques, il n'a jamais voulu reconnaître ses fautes ni se résoudre à écrire et signer de sa main qu'il serait désormais obéissant aux saints canons aux décrets des souverains pontifes et aux privilèges de sa métropole, ainsi qu'il est ordonné par ces mêmes canons et décrets, sans l'observation desquels personne ne peut être évêque à ce prix cependant il eût été en toutes choses en paix avec ses frères. Depuis dans sa protestation et dans son appel au jugement de juges choisis, il a impudemment et mensongèrement, à la connaissance de tous, osé écrire au synode qu'il avait toujours observé toutes les règles ecclésiastiques, lorsque, tout en formant appel, il n'a jamais voulu signer l'engagement de les observer à l'avenir, de crainte d'être jugé, et, comme, nous l'ont rapporté ceux qui le lui ont entendu dire à lui-même, comme nous l'avions bien nous-même soupçonné, de peur d'être condamné; et enfin, si le roi et nous autres évêques nous persistions dans notre jugement, pour se ménager la ressource d'aller à Rome avant de céder et là de signer et prendre tout engagement qu'il vous plairait lui imposer après avoir été absous par vous malgré nous. Insensé ! qui ne comprend pas, qui ne peut pas même comprendre, tant sa malice l'aveugle, que votre Autorité a bien entendu l'exemple du Seigneur lorsque adressant la parole à Paul du haut du ciel, et celui-ci lui demandant Seigneur, que faut-il que je fasse? il ne lui exposa point tout ce qu'il avait à faire, mais l'adressa à Ananie, pour qu'il se fît instruire et diriger. De même l'ange du Seigneur, après avoir annoncé à Corneille qu'il était exaucé, l'envoya à saint Pierre a pour recevoir ses instructions et ses ordres; et quoi qu'il eût été en quelque sorte baptisé par l'Esprit Saint avant le baptême, saint Pierre lui commanda de se faire baptiser du baptême de celui qui baptise au Saint-Esprit, et en qui les cœurs de ceux qui croient sont purifiés par la foi. De même encore lorsque ses inférieurs, bien que toujours fidèles, informèrent contre saint Pierre, et le sommèrent de leur dire pourquoi il était allé chez les Gentils, ce prince des apôtres, comblé de tous les dons de la grâce, et fort de la puissance d'innombrables miracles, ne répondit point à leur demande par autorité, mais par raison, et exposa ses motifs avec la même humilité qu'il disait à Corneille qui voulait l'adorer : Garde-toi d'en rien faire, car je ne suis qu'un homme comme toi; car s'il n'eût répondu à la plainte des fidèles qu'en s'appuyant de son autorité et de sa puissance, certainement, comme dit saint Grégoire, il n'eût pas été docteur de douceur et de mansuétude. Il répondit donc avec modestie, rendit humblement compte de sa conduite, et produisit même des témoins pour se justifier, disant Voici six frères qui sont venus avec moi. Aussi, imitant l'autorité humble, le pouvoir modeste et la sage prédication de ce même saint Pierre, qui dit ailleurs : Nous ne sommes point les seigneurs du clergé, mais les pasteurs du troupeau, saint Gélase dit en ses décrets adressés à tous les évêques, touchant les institutions ecclésiastiques : Puisque nous sommes bien loin de nous permettre aucune liberté contraire au respect de ces saintes et salutaires ordonnances; puisque le Siège apostolique, qui a été établi par le Seigneur au dessus de tous les autres, s'efforce d'observer pieusement et dévotement les règles prescrites par les canons des Pères, il serait indigne que quelqu'un, ou des évêques ou des autres rangs inférieurs, osât refuser l'obéissance qu'il voit pratiquée et enseignée en la chaire de saint Pierre; et c'est une chose juste et a convenable que le corps de l'Église s'accorde en l'observation des règles qu'elle voit suivre au lieu où le Seigneur a établi la principauté de toute son Église. Il est écrit aussi de Barnabé et de Saül qui se dit avec vérité Paul, apôtre non de la part des hommes ni d'un homme mais de Jésus-Christ et de Dieu le père, qu'après avoir longtemps joui du commerce des apôtres, le Saint-Esprit dit non aux apôtres eux-mêmes, mais, comme l'Histoire sainte le témoigne, aux prophètes et aux docteurs qui servaient le Seigneur à Antioche : Prenez Barnabé et Saul et ordonnez-les à l'œuvre du ministère auquel je les ai appelés. Et alors les pontifes et docteurs, jeûnant et priant, et imposant les mains aux deux élus, leur ordonnèrent de partir. Et ainsi ils s'en allèrent ayant reçu leur mission du Saint Esprit lui-même, et furent appelés apôtres ; et l'année suivante, c'est-à-dire treize ans après la passion de Notre-Seigneur, quoique celui qui avait opéré en Pierre pour l'apostolat des circoncis, eût aussi opéré en Paul pour l'apostolat des Gentils; cependant ce ne fut que sur l'ordre de Jacques, Céphas et Jean, que Paul accepta avec Barnabé la charge de prêcher les Gentils. Le même saint Paul écrivit aux ministres de Corinthe, qui se montraient négligents à punir un incestueux: Assemblez-vous avec mon esprit, et livrez cet homme à Satan, pour le faire mourir en sa chair afin que son âme soit sauvée au jour du Seigneur et les ministres de Corinthe, livrèrent cet homme à Satan pour le faire mourir a en sa chair comme saint Paul, connaissant ses œuvres coupables, le leur avait enjoint de son autorité et quand ils eurent éprouvé son repentir, ils le rétablirent, et avec eux aussi saint Paul le confirma de son autorité, disant : Ce que vous accordez à quelqu'un par indulgence je l'accorde aussi; car si j'use moi-même d'indulgence, j'en use à cause de vous, au nom et en la personne de Jésus Christ. Ce qui fait faire cette remarque à saint Grégoire : C'est comme s'il disait : Je ne me sépare point de ce que vous faites de bien; que ce que vous avez fait me soit imputé. Et si nous osions lui demander : Pourquoi t'unis-tu si étroitement et avec si pleine discrétion à tes disciples? pourquoi te conformes-tu si soigneusement à leurs œuvres, et eux aux tiennes? Afin que nous ne soyons pas circonvenus par Satan, nous répondrait-il car nous n’ignorons pas ses ruses perverses, et ce que l'esprit a bien commencé, Satan sait le dépraver et le faire tourner à mal. Innocent remarque aussi sur le même sujet : Cette bénignité apostolique est déchirée aux Corinthiens afin que les bons suivent toujours de concert toute sentence portée à l'unanimité et dans un même esprit. Et Léon dit après l'Apôtre : Que nul ne cherche son bien, mais le bien d'autrui; et que chacun cherche à plaire en bien a son prochain pour l'édification car notre union ne pourra subsister si le lien de la charité nous serre d'un nœud indissoluble; de même que dans un seul corps nous avons plusieurs membres, et que tous les membres n'ont pas les mêmes fonctions, ainsi nous sommes plusieurs dans le corps unique de Notre-Seigneur Jésus-Christ, et nous sommes chacun membres les uns des autres. L'harmonie de tout le corps fait la santé et la beauté mais pour que cette harmonie existe il faut l'unanimité, et surtout l'accord parfait des ministres et quoiqu'ils soient tous du même ordre ils n'ont pas tous la même dignité. Or ces préceptes ont été observés avec une haute intelligence, pratiqués envers les personnes ci-dessus mentionnées, et enseignés par les saints personnages que nous venons de citer, afin que l'on sache comment les inférieurs doivent obéir à leurs supérieurs, et les supérieurs pourvoir à leurs inférieurs et afin que l'ordre établi par Dieu soit par tous et en tout observé et maintenu. C'est pourquoi le souverain pasteur de l'Église, saint Pierre, nous enseigne en ces termes : Si quelqu'un exerce quelque ministère, qu'il n'y serve que comme agissant par la vertu que Dieu lui donne, afin qu'en tout ce que vous faites, Dieu soit glorifié par Jésus-Christ. Il est écrit de l'Esprit-Saint qu'il distribue et divise ses dons à chacun comme il veut. De là vient que, selon le concile de Sardique, le souverain pontife du premier et saint Siège romain, quand un évêque provincial déposé en appelle à sa justice et réclame une révision de sa cause devant lui ne le rétablit pas sur-le-champ par acte de prééminence et privilège d'autorité, mais le renvoie devant les évêques de la province ou la faute a été commise, et que, selon le concile de Carthage et les préceptes de la loi romaine la cause peut être informée avec plus d'exactitude et la vérité plus pleinement connue parce qu'il y a toute facilité de produire des témoins; ou bien le pontife daigne en écrire aux évêques voisins, ou il envoie des légats qui, chargés de ses pleins pouvoirs, jugent avec les évêques, et, après une enquête exacte, décident la question ou enfin il daigne croire qu'il suffit des évêques pour tout terminer. Ainsi nous lisons dans un mandement du pape Innocent : Si quelque différend s'élève entre clercs, soit de l'ordre supérieur soit de l'ordre inférieur, qu'il soit jugé et vidé par les évêques de la province, assemblés selon le concile de Nicée. De même, le pape Boniface écrit au sujet de Maxime : qu'il soit contraint de se rendre en sa province et de s'y présenter pour être jugé; et il ajoute que tout ce que les évêques provinciaux auront décidé, lui-même le confirmera de son autorité, quand le rapport lui en aura été fait afin, écrit-il à Hilaire, que chaque province attende toujours et en toutes choses l'ordonnance de son métropolitain, comme il est prescrit par le concile de Nicée, et que de même qu'à Alexandrie et à Rome, où l'évêque suit et pratique cette coutume, les églises d'Antioche, et des autres provinces jouissent de tous leurs privilèges. Aussi a-t-il été sagement ordonné qu'il se tiendrait deux synodes par an dans chaque province, afin que tous les différends de la nature de celui qui nous occupe fussent discutés et terminés par les évêques de toute la province ainsi rassemblés. Et quand je rapporte tous ces exemples à Dieu ne plaise que je veuille porter aucun préjudice à l'autorité du Saint Siège apostolique ni à votre saint Apostolat, auquel au contraire je suis prêt à obéir en toutes choses, ainsi qu'il convient mais je crois rendre hommage et obéissance à votre souveraine Autorité, en soumettant humblement ce que je pense à votre Sagesse, pour qu'elle l'approuve ou le corrige, et en faisant mes efforts pour vous faire connaître les mœurs de Rothade, de peur que par ma négligence vous n'ignoriez ce que je sais, et enfin pour que vous puissiez ordonner de son sort avec une plus pleine certitude. Si votre jugement maintient sa déposition, nous sommes assez certains de la bénignité, de la modestie et piété de votre fils, notre seigneur et roi Charles, pour affirmer que tout ce que vous lui commanderez et qu'il pourra raisonnablement faire, il le fera sans contradiction. D'autre part, nos coévêques assureront amplement de quoi vivre à Rothade sur les revenus de leurs églises; et quant à mon Exiguïté comme je n'ai jamais voulu rendre le mal pour le mal, malgré ses mépris et les affronts qu'il m'a faits, je m'efforcerai de lui prouver toute la bienveillance dont je suis capable, et de pourvoir à ses besoins avec plus de générosité que jamais. Mais si, sans aucune satisfaction pour un si long mépris des sacrés canons des décrets du Saint-Siège apostolique, des privilèges de la métropole, et des jugements synodaux auxquels il a refusé d'obéir, et qu'il n'a pas voulu prendre l'engagement écrit et signé de respecter et suivre à l’avenir; si sans déclaration, sans protestation signée de repentir et d'obéissance faite en présence de ses frères dont il a tant de fois méprisé les avertissements canoniques, comme l'attestent divers passages des lettres de Léon et de Grégoire si enfin (pour ne pas rapporter ici les choses que selon le concile d'Afrique, afin d'éviter l'opprobre du sacerdoce et la censure des séculiers, nous n'avons pas voulu laisser révéler en plein synode) passant légèrement et sans aucune punition sur les griefs qui vous ont été dénoncés sous la garantie de la vérité et de la bonne foi et pour lesquels il avait été jugé par les évêques auxquels il en avait appelé, selon les exprès et formels décrets des sacrés canons et du Siège apostolique, et selon ces saintes paroles de Célestin : Quelles choses respecterons-nous désormais, si, au gré des caprices de quelques-uns, nos règles décrétales et constitutions sont livrées au mépris des peuples et impunément violées? Si, dis-je, il plaisait à votre Autorité de le rétablir, comme il convient de se soumettre au jugement régulier du pontife de la première chaire, mère et maîtresse de toutes les églises, de l'évêque père et maître de tous les évêques je le supporterais patiemment et avec résignation. Mais cependant j'estime que votre très diligente Discrétion songera au funeste encouragement qu'un tel exemple pourrait donner en nos contrées, ainsi que plusieurs le craignent, au mépris et à la révolte des sujets envers leurs prélats, et à la licence de violer impunément les saints canons. Sur tout votre très sage Autorité ne peut ignorer que le concile de Sardique, en son septième chapitre, ordonne que lorsqu'un évêque déposé en appelle à Rome, le Saint-Siège, en exécutant la sentence, soit de restitution soit de confirmation de la déposition, doit indemnité pleine et entière à ceux qui ont jugé avec franchise et simplicité. Innocent, Boniface, Léon dans ses décrets, Grégoire plus évidemment encore dans ses lettres, professent la même opinion, se conformant aux décrets du concile de Carthage, et aussi du Siège apostolique, dont les vicaires présidèrent en ce concile; à savoir toutes les fois qu'on interjettera appel de certains juges ecclésiastiques à d'autres juges ecclésiastiques revêtus d'une plus grande autorité, la sentence ne pourra nuire à ceux dont elle met le jugement à néant, à moins qu'on ne puisse les convaincre d'avoir jugé avec un esprit de haine, par passion ou par faveur. Or, notre conscience nous est témoin tous ceux qui ont assisté au synode peuvent attester que nous aurions bien mieux aimé sauver et maintenir Rothade que le condamner, si nous n'avions pas craint d'être cités comme coupables de mépris envers les saints canons au tribunal de ceux qui les ont promulgués par l'inspiration du Saint-Esprit, et de nous voir condamnés avec celui que nous ne pouvions corriger; voilà pourquoi, sans esprit de haine, sans être prévenus de passion ou de faveur, mais au contraire, déplorant son incorrigible négligence et son inflexible obstination nous nous sommes enfin décidés à procéder selon les saints canons et à porter une condamnation que nous n'osions prendre sur nous de retarder plus longtemps. Votre sage et souveraine Autorité, en donnant son jugement, se rappellera aussi ce que nous enseigne l'apôtre, que quelquefois les fautes précèdent le jugement, et quelquefois le suivent. Aussi selon le conseil de saint Ambroise, quand on juge, il faut placer dans la balance les bonnes et mauvaises œuvres afin que si les bonnes œuvres à récompenser l'emportent, le petit nombre des mauvaises soient remises avec miséricorde; et que, si au contraire les mauvaises l'emportent, le petit nombre des bonnes ne compte pour rien, et que condamnation s'ensuive. Ainsi nous avons fait selon notre faible capacité, et nous avons mis l'inutilité et les fautes de Rothade en balance avec ses bonnes œuvres; et avec grand regret et douleur de cœur, nous avons jugé qu'il devait être coupé comme le figuier stérile, occupant inutilement et trop longtemps la bonne terre, et, après de longs délais et de vains efforts pour le sauver, refusant de profiter de l'engrais qui lui a été ménagé, et persévérant en sa stérilité. Puisqu'il en est ainsi, j'ai confiance que le décret de votre Modération n'outrepassera point ce qui est ordonné au chapitre déjà cité du concile de Carthage, et ici rapporté sans aucune interpolation : Si, y est-il dit, des juges ont été choisis du consentement des deux parties même en moindre nombre que ne le veulent les canons, l'appel ne sera pas permis. Or le nombre fixé à douze au chapitre précédent du même concile, et le consentement des parties ont été scrupuleusement observés dans le procès de Rothade. Que si pour quelque cause, sans doute plus raisonnable et à nous inconnue, votre souveraine Autorité, à qui sont révélées beaucoup de choses qui nous demeurent cachées, juge à propos d'annuler ce jugement, comme il est de mon devoir, non de discuter vos jugements, mais d'y soumettre les miens avec obéissance ; je me résignerai, et l'on ne me verra point lutter contre la restitution régulière et canonique que vous aurez prononcée; sûr que, si vous la prononcez, votre Autorité saura pourvoir à ce que Rothade, vainqueur selon son habitude, après avoir obtenu gain de cause, remplisse à l'avenir tous les devoirs d'un évêque; trop heureux, je vous l'assure, de pouvoir enfin respirer ici de tant et de si long chagrins que j'ai soufferts de lui et à cause de lui et à Dieu ne plaise que jamais il m'arrive de m'opposer à ses révoltes, et de me fatiguer en vain, d'autant que mes jugements sont désormais méprisés et comptés pour rien, non seulement par les ecclésiastiques, mais encore, et beaucoup plus, par les séculiers et les uns et les autres tiennent des propos que je ne veux pas répéter à votre Autorité, dans la crainte d'aigrir l'esprit de votre Douceur, ce que je veux surtout éviter. Or si dans notre province quelques-uns dont les plaintes pourront bien parvenir à votre Sainteté, quand ils auront vu Rothade rétabli, commettent à l'avenir quelques fautes graves, comme il arrive trop souvent de nos jours, et beaucoup plus fréquemment que dans les temps passés j'aurai soin de les admonester, afin que Dieu ne m'impute pas mon silence et s'ils veulent se corriger, je m'en réjouirai; sinon, je les renverrai à votre jugement. S'ils veulent aller à Rome, votre sainte Sagesse avisera ce qu'il y aura de mieux à ordonner s'ils refusent, ils en feront comme bon leur semblera. Quant à moi, puisse la sentence de saint Ambroise me garantir du jugement de Dieu : Quand, dit-il, quelqu'un n'a pas de puissance, parce que l'accusé n'en tient compte, ou quand il ne peut prouver il est exempt de blâme. Or, occupé de mille soins, et de plus le voyage à Rome étant long et mal sûr, je ne puis souvent faire mon rapport au Siège apostolique avant que la plainte des insolents vous parvienne ainsi donc j'espère qu'accablé d'infirmités, et, grâces à Dieu proche de ma fin, je n'aurai pas à craindre que quelqu'un aigrisse l'esprit de votre Sainteté contre moi et que quelque sentence d'excommunication me vienne frapper. Et quoique je sache bien, selon l'Évangile de l'apôtre, que le Seigneur rendra à chacun selon ses œuvres le jour où la conscience portant elle-même témoignage et les pensées s'accusant et se défendant entre elles, il jugera les secrets des hommes, et comme dit Léon : Si par notre service et ministère sacerdotal quelque chose se fait de bon ordre et bonne affection, ne doutons pas que cela nous a été donné du Saint-Esprit, et que tout ce qui est autrement ne sera point ratifié et n'aura permanence; cependant, autant qu'il sera en moi, et autant que celui de qui vient tout don parlait m’en fera la grâce, je tâcherai de faire en sorte que mon dernier jour, qui est incertain, et qui peut venir soudainement, ne me surprenne pas (Dieu m'en garde) retranché de la communion du Siège apostolique. Car, quoique plus tard qu'il ne faudrait, puisque moi, grand pécheur, je suis détenu trop longtemps captif en cette fâcheuse prison du corps, et livré justement à beaucoup d'afflictions, un temps viendra sans doute, grâces à la très sage providence du Seigneur, et aussi je l'espère un tel personnage montera sur le siège de Reims, que le privilège qui lui a été accordé dès les premiers temps par le Siège apostolique sera renouvelé et rendu dans son intégrité à notre église, laquelle n'a jamais reconnu d'autre primat que l'évêque de Rome, excepté lorsque son pontife lui ayant été arraché sans motif par la violence du tyran Milon, au temps de Charles Martel, elle demeura veuve de son pasteur et fut confiée pendant quelque temps à Boniface légat du Saint Siège, ainsi que l'église de Trêves. Et entre ces églises de Reims et de Trêves, lesquelles comprennent à elles seules toute la province belgique, cette distinction a toujours existé, ainsi que nous lisons aux chartes et monuments ecclésiastiques, et de tout temps cette coutume a été observée, que la prééminence se règle non par la dignité du lieu mais par l'ancienneté de l'ordination, et que des évêques de ces deux métropoles celui-là est reconnu pour primat qui a été ordonné le premier. Au reste je me conduirai de manière à ne plus m'attirer désormais de votre Autorité, aussi souvent que j'en ai reçu dans ces derniers temps, sans doute pour le démérite de mes péchés, de ces lettres comminatoires d'excommunication et pleines de reproches, lesquelles pourtant nous avons lu dans les écrits d'hommes apostoliques ne devoir être adressées que rarement et en cas d'extrême nécessité. Que s'il plaît à votre Sainteté, vous n'aurez pas besoin d'agir ainsi à l'avenir, tant que quelqu'un de vos mandements apostoliques ne m'aura pas surpris, ce qu'à Dieu ne plaise, en désobéissance ou mépris de nos saintes institutions canoniques car celui qui comprend la parole de l'Évangile du centenier : Seigneur, dites un mot et mon enfant sera guéri, et qui sent toute l'efficacité de la parole de l'évêque ou plutôt de Jésus-Christ qui parle en l'évêque, comme dit saint Paul de lui-même connaît et comprend combien est plus pleine encore de vertu et d'autorité la parole du pontife du Siège apostolique, et avec quelle obéissance on doit déférer à son simple mandement, sans qu'il ait besoin d'user d'adjurations ou menaces; et c'est ce que nous autres évêques sommes tenus d'inculquer à ceux qui le savent et à ceux qui ne le savent pas, sages ou insensés; mais si les paroles des médians prévalent contre nous, comme ils osent s'en vanter, nous n'aurons pas besoin de nous donner tant de peine pour les synodes provinciaux, comme nous avons fait jusqu'ici, puisque chacun sera à lui-même sa loi et son espérance. Quant à ce que votre Sublimité écrit à notre Humilité, que vous avez été surtout ému à reprendre et revoir le procès de Rothade, par cette sollicitude que vous portez à tous vos frères, je m'en rejoins et l’apprends avec reconnaissance persuadés que nous autres aussi, métropolitains tels quels, nous devons être comptés au nombre de vos frères. Et si votre Discrétion doit pourvoir à ce que les évêques diocésains ne soient pas condamnés injustement par les métropolitains, elle doit aussi empêcher que les métropolitains ne soient (contre les institutions canoniques) méprisés et bravés par les évêques leurs inférieurs. En second lieu, dites vous Rothade s'est porté appelant au Saint-Siège et vous n'avez pas voulu qu'on eût de vous cette opinion que de vos jours vous ayez laissé faire détriment aux privilèges de votre église. Vous avez raison, et c'est à quoi aussi nous devons tous nous attacher et tenir avec persévérance. Quant à moi, selon ma petite puissance, j'en ai toujours fait et en fais toujours mon devoir; et, Dieu aidant, je persisterai en cette dévotion sachant bien que le privilège du siège métropolitain de Reims, auquel le Seigneur a daigné m'appeler, s'appuie sur le privilège souverain du Saint-Siège de Rome, mais que c'est aussi le privilège du Siège de Rome de n'user de son autorité que pour maintenir et faire respecter le privilège du siège qui lui est inférieur. En troisième lieu vous citez des exemples à cela je n'ai à répondre qu'une chose : c'est que la cause de Rothade est presque de tout point différente des causes que vous citez. Enfin, quant à ce que votre Bénignité apostolique daigne écrire à mon Indignité, que j'aie à entrer dans vos opinions et à approuver le jugement que vous porterez sur Rothade et que je ne pense pas que vous ayez voulu en rien me faire injure j'en rends grâces immenses, autant que je puis, de toutes les forces de mon cœur en toute soumission et humilité, à votre saint Apostolat, vous assurant, dans toute la sincérité de mon âme, que je crois en tout point ce que vous voulez bien m'écrire. En ordonnant que Rothade fût conduit devant vous vous n'avez fait que maintenir les privilèges de votre souverain pontificat comme il convient, et comme nous le désirons tous puisque aucun de nous ne s'y est opposé, je désire donc voir que vous daigniez lui accorder pardon et je m'assure que je le verrai. Mais aussi et je ne vous demande ainsi que je vous l'ai prouve plus haut, rien que ne prescrivent les saints canons, que je ne doive demander, et que vous ne puissiez accorder; je prie en a grâce votre Autorité de faire en sorte tout en témoignant votre compassion pour Rothade que la discipline ecclésiastique n'en soit pas énervée et qu'au contraire elle soit si bien maintenue, que vous ne lui accordiez que la pitié et le juste nécessaire que vous ne pouvez refuser, dans la crainte que son exemple ne provoque les autres à sortir du devoir, et que ceux à qui, dans ces contrées si éloignées du Siège apostolique le gouvernement de la discipline ecclésiastique est confié n'y croient voir un motif de s'alentir et laisser aller à la langueur ou n'en prennent occasion d'outrepasser les limites posées par les Pères, et que nous croyons n'avoir jamais transgressées. Au reste, c'est à vous de voir ce qu'il y a de mieux à faire, et nous ne devons voir en votre jugement que la volonté de Dieu. Car les jugements divins ne pourront être injustes, qui seront en droit et justice émanés de la solidité de la pierre de la confession apostolique contre laquelle les portes de l'enfer c'est-à-dire les mauvaises suggestions et manœuvres, ne prévaudront pas. Quant à la lettre que votre Autorité m'a commandé avec obtestation de faire tenir à Rothade aussitôt qu'elle a été arrivée, le roi notre seigneur, votre fils, la lui a envoyée par son abbé. Je dois aussi vous dire que le onzième jour de décembre dernier, au moment où je me retirais très tard sur le soir de la cour de notre roi, aux maisons que nous avons sur la Loire., non loin des confins du royaume d'Aquitaine, Rodolphe, oncle de notre seigneur roi, votre fils, revenant d'auprès de Louis roi de Germanie, m'envoya un de ses hommes, aussi nommé Rodolphe, et me manda que le roi Louis avait confié à sa garde et protection un des gens de Rothade chargé de lettres de votre Sainteté, avec prière de le faire conduire avec ses lettres devant notre roi Charles afin qu'il ne lui arrivât aucun mal. Car cet homme était accusé devant le roi notre seigneur d'avoir volé les biens et le trésor de l'église, d'avoir pris la fuite après s'être parjuré, et cherché un asile auprès du roi Louis. Rodolphe me priait de protéger cet homme auprès de notre roi Charles, et puisqu'il l'avait pris sous sa garde, d'empêcher qu'il lui fut fait aucun mal. Je lui répondis de le garder près de lui, pour prévenir tout accident, jusqu'au moment où je retournerais à la cour, et qu'alors je ferais tout mon possible pour lui être utile. Depuis, je n'ai ni vu cet homme, ni su ce qu'il était devenu avec ses lettres. C'est pourquoi j'ai cru devoir en écrire à votre Sainteté, afin que si quelqu'un de nos envieux cherchait, comme ils ne manquent jamais de le faire, à vous insinuer quelque mauvaise idée à ce sujet, vous connussiez la vérité et ne prissiez aucune humeur contre moi. Enfin les vénérables évêques transmettent à votre Autorité les explications et défenses que j'ai données aux juges devant lesquels Rothade m'avait cité par sa protestation d'appel. Quant à ses actes depuis son excommunication lesquels ont été recueillis dans le synode provincial et qui, comme je l'apprends, vous ont été transmis par nos voisins dans la vue de me nuire, les évêques de la province ont bien voulu prendre la peine de faire connaître à votre Sainteté ce qu'ils savent par des envoyés communs. Après avoir donné quelques détails sur sa promotion au siège de Reims, que nous ne répéterons pas ici parce que nous les avons déjà rapportés plus haut, Hincmar continue : Enfin depuis la mort d'Ebbon dans tout notre diocèse, et même dans notre église diocésaine, selon la coutume suivie même pour ceux qui ne sont pas restés jusqu'à leur mort évêques de cette église, on a pris l'habitude de nommer Ebbon, par piété, à la commémoration des morts entre les saints mystères et de l'insérer au catalogue des évêques, et la chose a continué jusqu'à ce moment. Car j'ai craint de scandaliser les personnes dévotes, qui pourraient m'accuser de porter envie au salut d'un frère, et surtout d'un frère qui est mort dans le Seigneur, et n'a point été anathématisé pour s’être écarté de la pureté et intégrité de la foi catholique mais qui, poussé par sa propre conscience, s'est condamné lui-même, et ne l'a été que depuis par le synode et le Siège apostolique. Je n'ai pas osé prendre sur moi de retrancher son nom sans une autorisation du Saint-Siège; car, comme dit le pape Célestin : il ne faut pas faire souffrir les âmes des trépassés, dont nous devons au contraire ressentir les afflictions puisqu'ils sont nos membres. Cependant, dans les lettres que votre Sainteté m'a fait remettre par le diacre Engelwin vous me mandez de ne pas recevoir au catalogue Teutgaud et Gunther. Vous savez aussi mieux que nous ce que prescrit le concile d'Antioche au sujet de ceux qui, après avoir été condamnés, ont la présomption d'exercer comme auparavant leur charge épiscopale or il est constant qu'Ebbon a malheureusement commis cette faute. Je prie donc votre Autorité apostolique de vouloir bien me répondre si je dois laisser dorénavant nommer Ebbon entre les évêques, ou si je dois le rayer du catalogue, afin qu'appuyé de votre Autorité, je puisse, selon ce que vous déciderez, faire cesser toute incertitude et régler ce que notre église devra observer. [3,14] CHAPITRE XIV. Suite de la lettre d'Hincmar au pape Nicolas. Du schismatique Gottschalk. Luidon m'a rapporté que vous lui aviez parlé de la condamnation et de la réclusion de Gottschalk ; comme j'avais déjà su par d'autres que votre Sainteté en avait appris quelque chose, je me suis empressé d'envoyer à votre Autorité, par l'évêque Odon un recueil de passages tirés des docteurs catholiques, et qui appuient mon sentiment contre l'opinion de cet homme pestilentiel, et cependant vous n'avez point encore daigné me répondre. Toutefois certains évêques que cette affaire ne touchait en rien (car ils ont assez manifestement prouvé depuis qu'ils n'étaient conduits ni par la charité, ni par aucun principe d'autorité), m'ont, il y a quelque temps, appelé à rendre compte de ma conduite, et m'ont convoqué, par lettres qui m'ont été remises par un laïque, à un conciliabule assemblé à Metz, je dis conciliabule, parce que vous avez défendu de le nommer synode; et cela, irrégulièrement, quatre jours seulement avant l'ouverture, lorsque j'étais éloigné de Metz de plus de quatre-vingts milles, et Gottschalk de plus de cent, et sans m'avoir auparavant donné le moindre avertissement. Je crois donc devoir donner en peu de mots quelques détails à votre Sainteté. Bien avant que j'eusse été élevé à l’épiscopat dans un monastère de la métropole de Reims nommé Orbay, au diocèse de Soissons, vivait le moine Gottschalk, homme félon et trompeur, selon le témoignage que rendent de lui son abbé et les moines au milieu desquels il a vécu, n'ayant de moine que l'habit, et le cœur d'un monstre, impatient du repos, aimant la nouveauté des paroles, et connu parmi les siens comme dangereusement remuant. Cet homme s'était fait un choix et un recueil de certains articles de toutes les fausses doctrines qu'il savait être répandues par le pays en ce temps-là et prétendant à se distinguer par la nouveauté du langage, pervertissant le sens des hommes simples et dévots, usurpant le nom de maître, il s'efforçait d'attirer à lui des disciples, d'imposer, par les dehors d'une vie religieuse et l'appareil du savoir, à ceux qui ont les oreilles curieuses et cherchent toujours des maîtres pour les guider, s'élevant ainsi illégitimement, puisque ne pouvait y parvenir par des voies légitimes. Ordonné prêtre, au mépris des institutions ecclésiastiques, par celui qui était alors chorévêque de l'église de Reims, il sortit de son monastère contre la règle monastique, et se mit à courir le pays, semant partout ses semences de mort. Enfin, un synode fut convoqué en la cité de Mayence, et là, après avoir présenté une déclaration de ses erreurs à l'archevêque Raban il fut condamné par tous les évêques de Germanie, et renvoyé, avec des lettres du synode, à la métropole de Reims, au siège de laquelle je venais d'être appelé par la grâce de Dieu. Cité devant les évêques réunis de la Belgique, de Reims et des autres provinces de France, et convaincu d'hérésie, il refusa de se rétracter; et dans la crainte qu'il ne nuisît aux autres comme il se nuisait à lui même, il fut, d'un jugement unanime, condamné à être détenu dans un monastère de notre diocèse, parce que Rothade, du diocèse duquel il dépendait, ne savait pas lui résister; et d'ailleurs, connaissant Rothade enclin aux nouveautés, nous craignions que n'ayant pas voulu apprendre à enseigner les bonnes doctrines, il ne fût trop facile à se laisser prendre à de mauvais sentiments sur la foi. Quant à Gottschalk, il était à craindre que, vivant au milieu des hommes, il ne les infectât de ses erreurs c'est pourquoi nous décidâmes de le tenir en prison dans un monastère, selon l'enseignement de l'Apôtre : Évitez celui qui est hérétique, après l'avoir averti une première et une seconde fois, sachant que qui conque est en cet état est perverti et qu'il pèche comme un homme qui se condamne lui-même par son propre jugement. Et comme le pape Léon disait autrefois d'Eutychès : Puisqu'il voyait que le sens de sa téméraire ignorance déplaisait à des oreilles catholiques, il aurait dû renoncer à son opinion, et ne pas exaspérer les prélats de l'Église, jusqu'à mériter une condamnation que nul ne pourra révoquer, s'il s'obstine dans son sens coupable. Que s'il eût voulu revenir à la doctrine catholique, j'ai toujours été et je suis encore tout prêt, car les vénérables évêques l'ont ainsi ordonné, à le recevoir dans la communion de l'Église catholique, comme je prends soin de fournir à toutes ses nécessités corporelles. Si votre Sagesse catholique veut savoir les points qu'il prêche contre la foi orthodoxe, et qu'il semble avoir tirés de la vieille hérésie des Prédestinatiens, laquelle, née en Afrique, et de là passée en Gaule, à peu près dans le même temps que celle de Nestorius, fut étouffée sous le pontificat de Célestin, par son autorité et par l'active diligence de saint Prosper, je vais vous en exposer sommairement quelques-uns, au moins les plus importants. Il dit, avec les anciens Prédestinatiens, que, de même que Dieu prédestine aucuns à la vie éternelle, il en prédestine d'autres à la mort éternelle; que Dieu ne veut pas que tous les hommes soient sauvés, mais ceux-là seulement qui sont sauvés. Or, tous ceux qu'il veut sauver sont sauvés; et par conséquent s'il en est qui ne sont pas sauvés, c'est qu'il n'était pas dans sa volonté qu'ils le fussent. Car si tous ceux que Dieu veut être sauvés ne le sont pas, Dieu ne fait donc pas tout ce qu'il veut; et s'il veut ce qu'il ne peut pas, il n'est donc pas tout-puissant, au contraire il est impuissant. Mais celui-là est tout-puissant qui a fait tout ce qu'il a voulu, et l'Ecriture dit : Le Seigneur a fait tout ce qu'il a voulu dans le ciel, dans la terre, dans la mer et dans tous les abîmes et ailleurs Seigneur, toutes choses sont soumises à votre pouvoir, et nul ne peut résister à votre volonté si vous avez résolu de sauver Israël. Il dit encore, avec les anciens Prédestinatiens, que Notre-Seigneur et Sauveur Jésus-Christ n'a pas été crucifié et n'est pas mort pour la rédemption du monde entier, c'est-à-dire pour la rédemption et le salut de tous les hommes, mais seulement pour ceux qui sont sauvés. Il s'accorde, avec les anciens Prédestinatiens, sinon dans les termes au moins dans la même erreur, dans l'explication de cette parole de l'apôtre saint Pierre: Niant le Dieu qui les a rachetés. Il les a rachetés, dit-il, par le sacrement de baptême; mais ce n'est pas pour eux qu'il a été mis en croix, qu'il a souffert la mort, et qu'il a versé son sang. Or l'apôtre des Gentils, saint Paul, reconnaît ouvertement que la réception du baptême s'appelle rédemption, quand il dit: N'attristez pas l’Esprit saint de Dieu, dont vous avez été marqués comme d'un sceau pour le jour de la rédemption. Mais la rédemption propre et spéciale aux seuls élus, celle que leur miséricordieux Rédempteur n'a entendu accorder qu'à eux, c'est celle de la croix, laquelle a racheté, délivré et purgé du péché tous les élus à la fois, passés, présents et à naître, les vivants et les morts. Voilà le monde pour qui le Seigneur a souffert, comme il dit lui-même : Le pain que je donnerai, c'est ma chair, que je dois donner pour la vie du monde. Gottschalk dit encore ailleurs : A Dieu ne plaise que je veuille murmurer seulement une fois, ou qu'il m'entre un seul instant dans la pensée que l'ancien serpent puisse ravir, pour être à jamais perdu avec lui, aucun de ceux pour la rédemption desquels le Seigneur a répandu un sang si précieux à Dieu son père ainsi soit-il. Et ailleurs, parlant à Dieu, il s'écrie : N’est-il pas assez manifeste que nul ne périt qui a été racheté du sang de ta croix? Plus audacieux et plus pernicieux que les anciens Prédestinatiens, il dit ce qu'ils n'avaient point dit, que la divinité de la sainte Trinité est triple. Il est encore beaucoup d'autres opinions que lui et d'autres répandent dans nos contrées, et qui nous semblent contraires à la vraie foi. Quand votre Autorité en aura été avertie par d'autres que par la petitesse de notre personne, peut-être y prêtera-t-elle plus d'attention et s'empressera-t-elle de nous enseigner promptement ce qu'il faut croire. La nécessité s'en fera bientôt sentir. Car quoique leurs cœurs bouillonnent de la folie d'un sens corrompu, cependant, tant que dure le règne de notre roi orthodoxe, ils n'osent exprimer leurs coupables sentiments, et nous voyons vraiment s'accomplir ce qui est écrit : Il rassemble comme dans une outre les eaux de la mer. L'eau de la mer en effet a été rassemblée comme dans une outre, car, sous notre très fidèle roi Charles les hérétiques contiennent toutes leurs funestes opinions, les compriment au fond du cœur, et n'osent éclater. Ils déchirent aussi secrètement mon Exiguïté de leurs morsures envenimées; mais, avec l'aide de Dieu, je les supporterai facilement. Il me reste peu de temps à vivre désormais, et si Dieu venait à permettre qu'ils eussent le pouvoir de m'affliger un jour en ma personne, entre tous les fils de la véritable Église, ils serviraient alors, Dieu aidant, à exercer ma patience. S'ils ne se montrent nos ennemis que par les mauvaises doctrines ils exerceront du moins le peu de savoir que j'ai, et aussi ma charité, puisque le Seigneur nous fait un devoir d'aimer nos ennemis. Quant à Gottschalk, si votre Autorité désire que je le fasse sortir de prison, ou que je vous l'envoie pour que vous examiniez sa doctrine par vous même, ou enfin que je le remette entre les mains de quiconque il vous plaira nommer, comme vous savez mieux que qui que ce soit, que de même que tout le monde sans distinction ne peut pas être ordonné régulièrement, ainsi quiconque, soit moine, soit soumis à une vie régulière, a été remis en charge à quelqu'un, et détenu en certain lieu, ne peut être tiré de sa détention que du consentement de celui à qui il appartient; que votre Autorité m'écrive et je m'empresserai d'obéir à ses ordres. Seulement je désire être autorisé par vous, afin de ne pas faire croire que j'aie la présomption de ne tenir compte du jugement de tant d'évêques respectables car je suis loin de me réjouir de le voir tenu en prison, quoique son obstination ne mérite que trop cette peine, d'ailleurs légère; et ce qui m'afflige, c'est la perfidie en laquelle il s'obstine. Que si votre Autorité juge à propos de le remettre entre les mains de quelque autre elle avisera, je pense à ce que ce soit à quelqu'un bien sincèrement catholique, qui tienne à la gravité et la discipline ecclésiastique et possède la science des saintes Écritures. Car Gottschalk sait par cœur et peut vous débiter tout un jour, sans prendre haleine un seul instant, non seulement les Écritures, qu'il détourne violemment à son sens mais toutes les autorités catholiques, qu'il tronque et mutile. Et c'est par là surtout qu'il excitait non seulement l'admiration des idiots et des simples, mais qu'il séduisait même et entraînait à son opinion des personnes assez éclairées, mais imprudentes, qui avaient le zèle de Dieu non selon la science. Car il ne cherche pas seulement à briller comme le maître de ses maîtres mais il sait encore avec adresse enlacer et surprendre ceux qui confèrent avec lui, même dans une simple conversation; et quand il ne peut leur faire accepter ses doctrines comme vraies, il affirme obstinément par serment qu'en causant avec lui ils lui ont dit ce que peut-être ils n'ont pas dit, afin de paraître franc et sincère et de faire passer ceux qui le contredisent pour des menteurs et des fourbes prêchant contre leur propre doctrine. [3,15] CHAPITRE XV. Des livres composés par l'archevêque Hincmar. Hincmar a écrit aussi au pape Nicolas des lettres contenant sa profession de foi, et la défense qu'il préparait pour la foi catholique contre les erreurs de Gottschalk. On a de lui encore beaucoup d'autres ouvrages, entre autres un recueil des maximes des Pères orthodoxes, adressé aux fidèles de son église, et où il prouve encore, contre les blasphèmes de Gottschalk, que la divinité de la sainte Trinité ne peut être dite triple, puisqu'il y a parfaite unité en cette souveraine Trinité; un livre, dédié au roi Charles, sur le même sujet; un poème excellent, également dédié à Charles, où il traite de la prédestination et de la grâce de Dieu des sacrements du corps et du sang de Notre-Seigneur Jésus-Christ, de la manière de voir Dieu, de l'origine de l'âme, et de la foi en la très sainte Trinité : cet ouvrage porte le titre de Ferculum Salomonis. Il a en outre composé un grand ouvrage en plusieurs livres sur la prédestination et le libre arbitre en réponse à quelques évêques qui attaquaient sa doctrine, et surtout à Gottschalk, et Ratramne, moine de Corbie. Ce livre, adressé encore au roi Charles, est précédé de l’épître qui suit: " Au glorieux seigneur et roi Charles, Hincmar, de nom et non de mérite, évêque de Reims, serviteur du peuple de Dieu, avec mes seigneurs collègues et frères les vénérables évêques dévots intercesseurs pour votre salut et prospérité. Grâces soient rendues au Seigneur, qui a embrasé votre cœur de son amour, et enflammé votre zèle pour la connaissance de la vérité et la science de la foi orthodoxe qui vous a doué du don de sagesse et d'intelligence des lettres inspirées de Dieu; qui vous excite à donner à l'étude et à la méditation de ses livres sacrés tout le temps que vous laissent les affaires publiques, et chaque jour augmente l'ardeur de votre dévotion pour l'utilité de la sainte Église. Nous avons lu et médité les capitulaires synodaux qui vous ont été adressés par nos vénérables confrères de trois provinces, ainsi que vous lirez ci-dessous, et que Votre Majesté, suivant l'exemple des rois ses prédécesseurs, et par désir de connaître la vérité, nous avait donnés à lire et à méditer, vous conformant en cela à l'Écriture, qui dit : Interroge les prêtres sur ma loi, et à ce que nous lisons que c'est aussi une règle de foi. Quoique dans ces capitulaires, notre nom ne soit pas exprimé, cependant nous y sommes désignés clairement, repris comme non catholiques, et traités avec mépris sans égard pour la fraternité. Les capitulaires que j'ai extraits des Pères catholiques pour m'opposer à l'hérésie qui vous est connue, et que je vous ferai mieux connaître encore en ce livre, y sont rejetés et repoussés avec abomination comme inutiles, et même nuisibles. Et non seulement ils se sont gardés d'insérer dans leurs écrits ces divers capitulaires tels que je les ai extraits dans la crainte qu'ils ne fussent lus par ceux entre les mains desquels les leurs tomberaient, mais ils ont altéré le sens et jusqu'aux paroles de quelques-uns, afin de les rendre abominables; ils ont supprimé les autres ou n'en ont fait mention que de manière à faire croire que mon sentiment est contraire aux sentiments professés par les saints Pères aux conciles d'Afrique. Ils ne disent pas un mot du chapitre où je prouve que Dieu veut que tous les hommes soient sauvés, quoique tous ne le soient pas et cependant le Seigneur a dit: Je vous établis aujourd'hui sur les nations et sur les royaumes, pour arracher et pour détruire, pour perdre et pour dissiper, pour édifier et pour planter. Si donc ils avaient la conscience d'une droite et légitime interprétation, ils devaient mettre sous les yeux des lecteurs ce qu'ils voulaient attaquer, tel qu'il était écrit et dans toute son intégrité puis démontrer ce qu'il fallait rejeter et condamner; et après avoir ainsi détruit et fait ruine par la force des autorités, établir leur édifice raisonnablement et avec ordre et l'élever jusqu'aux cieux. Il est un autre capitulaire qui semblerait insinuer qu'il peut y avoir une sorte de jeu dans les sacrés mystères, et dont ils parlent de manière à faire croire que j'en suis l'auteur, tandis que je n'ai jamais rien dit sur ce sujet. Je vous dirai en temps et lieu pourquoi je n'en ai pas parlé, et dans les livres de qui je l'ai trouvé, depuis que j'ai écrit mes capitulaires. Ils parlent aussi de seize capitulaires qui sembleraient devoir m'être imputés, et dont je n'avais rien vu ni rien entendu dire avant que le vénérable Ebbon, évêque de Grenoble, vous les eût remis en votre palais de Vermerie de la part de votre frère Lothaire de bienheureuse mémoire. L'auteur n'y est point nommé, et malgré beaucoup de recherches, je n'ai pu parvenir à le découvrir ce qui m'a fait croire, ainsi que je l'ai lu souvent, qu'ils avaient été compilés par quelqu'un dans la vue de nuire et de jeter de l'odieux sur l'opinion d'un ennemi. Nous n'avons que trop d'exemples de pareilles fraudes, et pour n'en citer que quelques-uns entre mille, il fut autrefois répandu un recueil de capitulaires qu'on attribuait au vénérable Ibas, et que ce saint évêque renia en plein synode. Quelques envieux de saint Augustin, même pendant sa vie, tirèrent de ses écrits quelques propositions qu'il réfuta victorieusement et catholiquement, quand il en eut connaissance; après sa mort, d'autres détracteurs recueillirent, de ceux de ces écrits mêmes dont il s'agit maintenant, certains articles, dans la vue de déprécier et avilir, en jetant de l'odieux sur sa personne, sa doctrine si orthodoxe et si utile à l'Église, et de détourner les lecteurs dévots de la lecture de ses livres, de l'amour qu'ils lui portaient et de la croyance à son autorité. Sur la délégation du Saint-Siège de Rome, donnée par le pape Célestin, saint Prosper démontra, dans un style tout catholique et prudent, la fausseté de ces mensonges de l'envie, l'imprudence des accusations et la pureté orthodoxe du saint évêque si célèbre et si digne de l'être. Il se pourrait donc que ces capitulaires qui vous ont été apportés et transmis, au nom de nos confrères, par d'autres que par eux-mêmes, ne fussent pas leur ouvrage, mais qu'au contraire ce fût l'œuvre du démon, qui au milieu des autres maux qui se multiplient de nos jours en ce monde cherche à jeter la discorde entre les prêtres du Seigneur, parce qu'il craint surtout et nous envie la charité, quand il nous voit l'entretenir ici-bas entre les enfants de la terre, lui qui, ne voulant pas la garder dans les cieux parmi les anges, a été déchu de son rang. Comment en effet concevoir que nos frères s'emportassent à nous censurer avec tant de colère et un si profond mépris, eux qui ont sans cesse sous les yeux les préceptes évangéliques sur la douceur avec laquelle chacun doit reprendre son frère? Ne savent-ils pas qu'il est écrit : Avant que de vous être bien informé, ne blâmez personne, et quand vous l'aurez fait, reprenez-le avec équité. Quand saint Augustin trouvait dans les écrits des hérétiques et de ses détracteurs quelque chose de juste, il l'acceptait avec bienveillance, souvent il s'efforçait de les interpréter selon le bon sens, mais jamais on ne l'a vu détourner et altérer un passage pour le rendre coupable. Comment nos frères pourraient-ils agir ainsi ayant de nous avoir interrogés selon la règle évangélique, soit de vive voix, soit par écrit, afin de nous instruire, docile que nous sommes et disposé à apprendre? Si nous avions persisté dans notre sens corrompu, et négligé de rentrer dans le sentier de la vérité et de la foi, ne savent-ils pas qu'avant d'éclater, leur devoir est de nous admonester fraternellement et souvent, de nous remettre sous les yeux les autorités des divines Écritures et les écrits des saints Pères, et enfin de nous inviter avec mansuétude et douceur à nous réunir avec eux en assemblée sachant que les synodes ne sont établis que pour que les évêques qui y viennent s'instruisent ou instruisent les autres? D'ailleurs nous avons reçu de plusieurs d'entre eux des lettres pleines de bénignité et de fraternité, comme aussi nous leur en avons envoyé et jamais nous n'avons rien vu, ni entendu, ni compris ni senti qui pût faire présumer une pareille conduite de leur part. Mais si ce sont bien réellement eux qui sont les auteurs de ces capitulaires, ils n'ont écrit que pour montrer leur sagesse aux dépens de notre insipience; et ils ont plutôt cherché à acquérir de la gloire, qu'à s'appliquer à faire leur bien, en s'appropriant par la charité ce que je pouvais avoir dit de bon et de profitable; et s'ils ont trouvé en mes écrits quelque opinion digne de blâme ils ont préféré la publier que de me reprendre fraternellement. C'est ce qui m'étonne de la part de tant et si dignes hommes, vénérables archevêques et les plus distingués entre les évêques surtout de la part d'Ebbon, que l'on dit si religieux car, presque dès le berceau il a été élevé en religion et sous l'habit régulier au monastère de l'église de Reims, où repose le grand saint Rémi; et il a vécu en ce saint lieu jusqu'au temps où il fut consacré diacre par son oncle Ebbon, alors archevêque de Reims, et ordonné abbé par décret épiscopal pour maintenir la discipline régulière et gouverner les moines. Or nous pensons qu'élevé dans une si sainte humilité, il ne désire qu'une place d'humilité et s'y tient, comme il est écrit pour lui et pour tous : Si l'esprit de celui qui est en pouvoir monte sur toi, garde-toi de quitter ta place. Car l'esprit de celui qui est en pouvoir est un esprit d'orgueil, et notre véritable place c'est l'humilité que nous enseigne de garder, à son exemple, celui qui est vraiment le lieu fort et la tour de courage. Apprenez de moi, dit-il que je suis doux et humble de cœur. On nous a dit, et nous croyons certain, que cet homme religieux veut se tenir en son humilité comme dans un lieu sûr contre l'esprit de jactance et d'orgueil; c'est pourquoi nous ne pouvons penser que ces capitulaires, soient son ouvrage, surtout parce que, seul entre tous ceux de ses confrères dans le sacerdoce, le nom d'Ebbon est inscrit avec orgueil entre les archevêques, ou pour faire croire que c'est lui qui est le principal auteur, ou pour donner à penser qu'on l'a inscrit entre les archevêques, comme plus instruit et supérieur aux autres en science et en sagesse. Or c'est ce que nous ne voyons pas même saint Augustin se permettre, lui qui dans les conciles d'Afrique s'éleva si haut au dessus des autres par sa science ses travaux et sa vigilance. Non seulement il ne mit et ne souffrit pas qu'on mît son nom au dessus de ses coévêques par désir de se faire remarquer, mais au contraire, quoiqu'il eût à lui seul travaillé plus que tous ensemble, il signa toujours au dessous des autres, ainsi que pourront voir ceux qui voudront se donner la peine de lire ses lettres écrites au saint pape Innocent et autres pontifes du Siège apostolique. Nous ne voyons pas non plus qu'en aucun concile, aucun évêque en ait jamais agi ainsi, a moins toutefois que les lettres apostoliques n'aient, pour quelque cause importante, ordonné de désigner par son nom un des coévêques pour traiter l’affaire avec son archevêque, comme nous lisons dans les lettres de saint Grégoire au sujet de l'évêque d'Autun. Comment donc un homme aussi religieux et aussi prudent qu'Ebbon aurait-il pu se laisser aller à tant d'orgueil, et permettre que son nom fût ainsi inscrit seul, au mépris de ses coévêques oubliés et passés sous silence? Joignez à cela que nos frères et nos collègues dans le sacerdoce n'auraient pas dû fermer l'oreille aux conseils que nous donne le roi Salomon s'ils avaient appris en secret quelque chose de mauvais sur moi, soit en paroles, soit par écrit, il ne leur convenait pas de se hâter ainsi de le répandre dans le public, pour en faire un sujet de contention et de querelle, quelque sensible que leur eût été l'erreur de ma doctrine, dont, en tout cas, je n'ai pas conscience, car le Sage nous dit : Ne découvrez pas si tôt dans une querelle ce que vous avez vu de vos propres yeux de peur qu'après avoir ôté l'honneur à votre ami vous ne puissiez plus le réparer. Nous savons cependant qu'il en est plusieurs qui, dans leur zèle de savoir plus qu'il ne faut savoir, renoncent souvent à la paix de leur prochain, méprisant, comme ignorant et insensé, ce qui nous a fait donner cet avertissement par celui qui est la vérité même. Ayez du sel en vous et conservez la paix entre vous. Saint Paul aussi nous donne cet avis redoutable : Tâchez d'avoir la paix avec tout le monde et de vivre dans la sainteté, sans laquelle nul ne verra Dieu. C'est surtout à nous qu'il appartient d'observer la paix, de la chercher et maintenir en perfection, nous qui devons chaque jour sacrifier au Seigneur, et à qui le Dieu de vérité a particulièrement ordonné que si, au moment où nous portons notre offrande à l'autel, nous nous rappelons qu'un de nos frères a quelque chose contre nous, nous laissions aussitôt notre offrande devant l'autel pour aller nous réconcilier d'abord avec notre frère, et revenir ensuite présenter notre offrande, et voilà que notre guide et notre maître ne veut recevoir ni sacrifice ni holocauste, si nous sommes en discorde. Par là nous pouvons juger combien est grand le mal de la discorde, puisqu'à cause de lui seul le Seigneur n'admet pas ce qui peut nous délier de nos fautes. Pour nous, nous ne gardons rien contre nos frères s'ils ont pu écrire ainsi contre nous avant de nous avoir appelé en conférence mais il faut croire que, s'ils étaient réellement les auteurs de ces écrits, ils nous les auraient au moins adressés, à nous contre qui ils les auraient écrits. Comment donc pourrions-nous leur répondre, lorsque nous ne savons pas si ce sont eux qui ont écrit ou non? Quoi qu'il en soit, afin que votre Domination ne reste pas sans réponse de notre part, comme c'est de vos mains que nous avons reçu ces écrits, nous croyons devoir vous répondre de cœur, de bouche et par écrit, sans aucune crainte des censures de nos détracteurs. Nous vous envoyons premièrement ce qui a été écrit par nos frères dans le synode, quoique déjà auparavant beaucoup d'autres écrits aient été publiés. Mais comme ces écrits ont été composés pour me flétrir, et contre les capitulaires que j'ai donnés moi-même, j'ai pensé qu'il convenait de les placer en première ligne, parce qu'ils ont un plus grand nom, quoique sans avoir plus d'autorité puisque la plus grande partie manque de vérité; et de leur donner la plus grande importance, parce qu'ils sont dits émanés du synode. Nous joignons ensuite ceux que nous avons reçus de plusieurs personnes, et par des mains étrangères, sur divers points de la querelle ce qui nous a mis dans la nécessité d'extraire de nouveau ces quatre capitulaires des écrits des Pères catholiques, avec l'attention de rétablir au besoin quelques-uns des passages cités dans mes capitulaires, tirant chaque pensée de chaque ouvrage auquel elle appartenait, et la transcrivant fidèlement. Viendront après les capitulaires que nous avons extraits nous-même des pensées et des paroles des Pères, tels que nous les avons extraits; et si nous pouvons démontrer que notre sentiment exprimé en ces capitulaires concorde avec les Écritures divines et authentiques, avec j'autorité du Saint-Siège catholique et apostolique de Rome siège de la foi, et avec le sens des Pères orthodoxes qui ont gouverné cette sainte Église mère, et qui nous ont été donnés et imposés comme règle dans les canons par le Siège apostolique de Rome, nous nous efforcerons d'exposer nos preuves avec vérité, humilité et dévotion. Pour appuyer le sens de notre interprétation catholique, nous ne voulons recevoir ni citer l'opinion d'aucun autre, puisqu'il est constant que cela est vrai et catholique, que la mère de toutes les églises a cru devoir approuver. De même, parmi ceux qui ont été proclamés docteurs de l'Église, nous n'admettons et ne citons pour prouver la pureté de notre foi que ceux dont la mère Église catholique a déclaré les opinions probables. Si, depuis que le Saint-Siège a donné à tous les fidèles le canon des saintes Écritures et des docteurs catholiques, quelques-uns ont apparu qui occupant la chaire doctrinale, ont pensé autrement que ne pensaient et n'enseignaient ceux que la mère catholique a reçus, qu'elle embrasse et réchauffe dans son sein catholique, il n'y a pour nous ni devoir ni nécessité de nous autoriser de leur sentiment, de les citer ou admettre, puisque dans les anciens et par les anciens nous avons tout ce qu'il faut pour le salut. Si d'autres dogmatisent ou ont la présomption de dogmatiser contre le sens fixé par les anciens avec tant de sagesse et de maturité, nous croyons que tout ce qui diffère de cette antique et salutaire doctrine est contraire à la foi et au salut. Quant à ceux qui, depuis que le canon a été rédigé par saint Gélase, ont, par la grâce de Dieu, fleuri dans l'Église par leur sens et doctrine catholique, et par la sainteté de leur vie qui n'ont rien écrit ni enseigné de contraire à la fidèle doctrine catholique des Pères orthodoxes cités en ce canon, nous les embrassons dans un même respect, entre autres le vénérable Bède prêtre imbu de la foi par les disciples du saint pape Grégoire, et instruit avec grand soin par le saint archevêque Théodore, si habile dans les deux langues grecque et romaine et envoyé par la sainte Église de Rome après les disciples de saint Grégoire, pour prêcher et instruire les Anglais; entre autres encore, Paulin de vénérable mémoire patriarche d'Aquilée et le religieux et savant Alcuin, car le Siège apostolique de Rome n'a pas seulement accueilli avec bienveillance leur foi et leur doctrine, mais il l'a encore comblée de louanges, ainsi que nous lisons, dans les écrits du Saint-Siège lui-même, que nos églises la reçurent de cette mère de toutes les églises, au temps de l'empereur Charles, de sainte mémoire, quand un synode fut tenu pour convaincre l'infidélité de Félix, et ses actes envoyés à l'Église de Rome, comme la première des églises. Et qui lit leurs ouvrages apprend combien ils sont dignes d'être loués et acceptés. Enfin, si nous ne pouvons démontrer que nos capitulaires concordent avec les sentiments de tous ceux que nous venons de citer ; nous sommes prêts à ouvrir l'oreille aux leçons de plus savants et meilleurs catholiques, à soumettre notre sens à leur sens, et à nous ranger sans résistance à leur doctrine. Comme il nous a été remis, de la cassette de votre frère Lothaire, de bienheureuse mémoire, un livre sans nom d'auteur, où nos capitulaires sont notés à part, passage par passage, repris et condamnés par l'auteur quel qu'il soit, nous les confirmerons, quand il nous sera possible, par des autorités des Pères catholiques et en même temps nous nous efforcerons de réfuter ses jugements, autant du moins que le Seigneur nous le permettra. A propos du cinquième capitulaire de nos frères, où ils nous ont imprimé une note d'hérésie comme par insinuation, je rapporterai ce que j'ai trouvé dans les écrits de Gottschalk, depuis que j'ai publié les quatre capitulaires si souvent cités, et, avec l'aide de Dieu, je dirai ce que je pense. Enfin, je terminerai par ces dix-neuf capitulaires pour lesquels, sans aucune faute de notre part, nos confrères ont résolu de nous mettre, seulement pour cette cause, a la bouillie d'Écosse; et je développerai ce que je pense de ces capitulaires, d'après l'autorité des Pères catholiques". [3,16] CHAPITRE XVI. Des livres d'Hincmar dédiés au roi Charles. Hincmar a encore composé et dédié au même roi un autre beau livre contre Gottschalk et autres Prédestinatiens sur quoi il lui écrit en ces termes : "Au glorieux seigneur et roi Charles, Hincmar, de nom et non de mérite, évêque de Reims, serviteur du peuple de Dieu, avec mes seigneurs collègues et frères les vénérables évêques, vos dévots orateurs et intercesseurs pour votre salut et prospérité. Au mois de juin dernier, en l'indiction septième, l'an de l'incarnation de Notre-Seigneur huit cent cinquante-neuf, vous avez remis entre nos mains certains capitulaires qui, comme vous l'avez dit à notre Humilité, ont été présentés à votre Sublimité par Rémi, révérendissime archevêque de Lyon; et nous avez enjoint que nous eussions à vous répondre, en temps convenable, si, d'un même consentement et d'un même avis, nous nous accordions aux sentiments contenus en ces capitulaires; ou si, comme ils vous semblaient en quelques points différer de la foi pure et candide des Pères, notre sens, que vous croyez n'avoir jamais dévié du sentier catholique, y répugnait en quelque chose; vous conformant, en agissant ainsi, aux préceptes du Seigneur et à la coutume chrétienne des rois vos prédécesseurs; car il est ordonné par les lois divines, et établi par l'antique coutume des rois vos devanciers, que toutes les fois que dans la foi catholique ou dans la religion divine quelque nouveauté apparaît, le prince doit en référer à l'assemblée des évêques et que tout ce que par leur jugement les vicaires de Notre-Seigneur Jésus-Christ et prélats de la sainte Église ont déclaré conforme à l'autorité des saintes Écritures, à la doctrine des maîtres orthodoxes, à la foi canonique et aux décrets des pontifes romains; tout ce qu'ils ont décidé devoir être cru, suivi, pratiqué et prêché, soit partout cru de cœur pour justice, confessé de bouche pour salut, suivi pour vocation, pratiqué pour couronne, et prêché pour mérite et profit. Or, deux jours avant que ces capitulaires vous fussent présentés, ils ont été, en l'assemblée des évêques tenue dans la ville de Savonières, au territoire de Toul, récités, lus et déposés entre les mains du synode par Rémi, archevêque de Lyon. Et comme il le dit lui-même, comme il est aussi porté au titre même du livre, ils ont été composés et publiés par lui et ses évêques provinciaux pour l'instruction du peuple, en la même présente année, aux calendes cotées audit titre, et dans le faubourg de Langres. Le lendemain furent encore lus d'autres capitulaires dont nous parlerons ci-après. Plusieurs de nos frères en conçurent des scrupules; et, je dois le dire, quant à la lecture des premiers qui avaient été présentés au synode par l'archevêque Rémi, nous rappelâmes en notre mémoire la tradition des docteurs catholiques, et nos consciences furent fortement ébranlées. Quelques-uns mêmes des nôtres, poussés du zèle de la foi chrétienne, voulaient faire quelques remontrances au synode mais le vénérable archevêque Rémi calma bientôt nos alarmes, en nous représentant avec modestie et dignité que, si quelqu'un des nôtres se trouvait offensé dans ses sentiments en quelque point par les capitulaires que l'on venait de lire, chacun de nous eût soin d'apporter au prochain concile les livres des docteurs catholiques, afin de nous entendre tous ensemble, et d'arrêter d'un commun consentement ce que nous regarderions comme la véritable doctrine catholique et apostolique. Or, de la dévotion de Rémi et des évêques de son diocèse, dont nous connaissions d'ailleurs, ainsi que vous, la doctrine et les sentiments catholiques, même avant leur ordination, nous avons conclu, autant du moins que nous osons ajouter foi à la faiblesse de notre jugement, que les capitulaires ne venaient pas d'eux, pour ne pas dire que ce n'était pas même eux qui les présentaient. C'est pourquoi quelques-uns voulaient les effleurer d'une légère censure, en leur appliquant le reproche que saint Célestin adressait autrefois aux évêques de France. Que peut-on espérer, disait-il, quand les maîtres se taisent, et laissent parler ceux qui n'ont pas même été leurs disciples? Je crains bien qu'un tel silence ne soit connivence; je crains que ceux qui laissent ainsi parler ne parlent bien plus eux-mêmes. En de pareilles causes le silence n'est pas exempt de soupçon car la vérité se manifesterait si l'erreur déplaisait. Et en vérité nous sommes réellement coupables si par notre silence nous favorisons l'erreur. Mais plusieurs d'entre nous qui connaissons la loi, la doctrine et la prudence de Rémi et de ses coévêques, nous avons rappelé à ceux qui les connaissaient moins la sentence touchant la controverse du baptême, tirée des écrits de saint Cyprien, laquelle est si souvent citée avec éloge et répétée par saint Augustin en son deuxième livre du baptême. Comment, dit-il, une question, enveloppée des obscurités de tant d'altercations, aurait-elle pu arriver à une solution claire et à la décision d'un concile général, si d'abord elle n'eût été pendant longtemps et en tout pays agitée en tous sens dans les discussions et les conférences des évêques? Tel est l'avantage de la paix que, quand des questions obscures sont agitées pendant longtemps, et par leur obscurité engendrent des opinions différentes entre frères, jusqu'à ce qu'enfin on arrive à l'évidence de la vérité, elle maintient le lien d'unité, et empêche que la plaie de terreur ne demeure incurable dans la partie retranchée. Et la plupart du temps Dieu ne permet pas que la vérité se révèle aux plus savants, afin d'éprouver la patience et l'humilité de leur charité, qui est d'un bien plus grand fruit, ou bien afin de voir comment ils restent fidèles à l'unité, quand, dans des matières obscures, ils sont d'un avis différent, ou enfin comment ils reçoivent la vérité, quand ils en voient donner une déclaration contraire à leur sentiment. Ainsi nos vénérables, catholiques et doctes confrères, sachant que cette pernicieuse doctrine était renouvelée en beaucoup de pays, n'ont pas voulu imposer silence à l'erreur dans leurs provinces, quoique peut-être cela leur eût été facile, afin que la question parvenant ainsi au grand nombre, elle fut aussi décidée et éteinte par le grand nombre. Car, comme dit saint Célestin dans son épître à Nestorius : tous doivent connaître ce qui se fait, quand il s'agit de la cause de tous. Afin sans doute que, puisque sur la proposition d'un seul tous ont été appelés à décider, la décision de tous oblige aussi chacun en particulier. Vous pouvez facilement vous souvenir qu'il n'y a pas encore trois ans, pendant que nous étions dans un village de l'évêché de Rouen nommé Melpse occupé à nous opposer aux ravages des Normands, vous m'avez remis ces capitulaires portant en leur titre qu'ils avaient été rédigés au synode de Valence, l'an de l'incarnation de Notre-Seigneur huit cent cinquante-cinq, sous l'empereur Lothaire, et vous m'avez ordonné d'y répondre catholiquement d'après les maîtres de la foi orthodoxe, ainsi qu'à tous autres écrits qui parviendraient a votre connaissance. Et de fait, nous en avons reçu plusieurs; mais nous avons différé de les publier, parce que nous désirions maintenir l'unité d'esprit et les liens de la paix, jusqu'à ce que nous eussions eu avec ceux qui vous les avaient adressés une conférence amicale, et que nous eussions fait notre possible pour les détourner de l'erreur, et, Dieu aidant, les ramener a l'unité de la foi catholique. Mais nous n'avons pu les détourner de leur intention, partie à cause de nos occupations partie aussi parce que nos remontrances fraternelles n'ont pas été accueillies comme il convenait. Et comme dit l'Apôtre : Il y a des personnes dont les péchés sont connus avant le jugement et l'examen qu'on en pourrait faire ! En effet la discussion a tellement éclaté, que le différend est parvenu à votre connaissance; et que, dans votre zèle pour la foi et votre amour de l'union, avant de nous confier l'examen de ces questions, vous avez décrété le synode, et nous avez enjoint de recueillir, entre nous évêques, quatre capitulaires extraits des écrits des Pères catholiques et de les signer de notre main. Mais depuis plusieurs même qui avaient signé ces capitulaires et beaucoup d'autres ont porté si loin la témérité qu'il est devenu nécessaire, et pour l'exécution de vos ordres, et pour la soumission de notre obéissance, de ne pas tarder plus longtemps à répondre aux écrits et aux propositions de ceux dont nous parlons. Nous avons aussi, entre autres, répondu, selon la faible capacité de notre esprit, aux capitulaires que vous nous avez remis dernièrement toutefois sans nommer personne car nous ne pouvons croire qu'il fût permis a nos frères et collègues dans l'épiscopat d'écrire de telles choses contre nous, au mépris de la discipline ecclésiastique surtout quand ils ne pouvaient ignorer que les institutions canoniques et les lois promulguées par le Saint-Esprit leur prescrivaient si nous avions blessé la foi dans nos capitulaires, de nous citer et appeler à comparaître et ensuite, par un jugement synodal, condamner nos opinions et nous séparer de leur communion. Maintenant donc que nous savons à qui nous devons répondre sur les questions tant de fois nommées, réservant pour l'avenir la discussion des erreurs contre lesquelles votre Domination nous a ordonné d'informer, à raison de notre ministère nous nous bornerons à répondre à ces capitulaires, gardant autant qu'il sera en nous la paix avec tous, posant avec simplicité ce que nous croyons d'après l'autorité des saintes Écritures et le sentiment des Pères catholiques; afin que celui qui ne pourra ou ne voudra pas lire tout le différend, trouve ici une réponse abrégée, la seule que le temps nous permette car nous écrivons a la hâte et tumultuairement, dérobant à peine quelques heures aux nombreuses occupations qui nous accablent, et nous ôtent la liberté de nos pensées; et jetant ce petit livre en courant, seulement pour que votre chrétienne dévotion ne nous accuse pas de négligence ou de désobéissance. Comme dans les écrits de nos adversaires nous avons été l'objet de beaucoup d'attaques diverses nous sommes obligé d'opposer arguments à arguments et de multiplier les citations et les comparaisons des textes ce qui nous a entraîné à écrire trois livres d'un style diffus, au grand ennui du lecteur; nous le sentons nous-même, mais du moins nous ne lui offrirons jamais que le sens catholique. Nous croyons surtout satisfaire le lecteur bienveillant, en ce que nous rapportons toujours fidèlement l'opinion de chacun, et répondons, en suivant l'ordre que chacun a suivi, aux divers points qui s'écartent de la foi; et nous avons confiance que, quand il aura attentivement considéré notre travail, il nous excusera. Quant à l’auteur de ces capitulaires, à qui nous sommes forcé de répondre comme de nouveau, il sera bien contraint de se faire connaître quand il lui faudra venir à la lumière de la vérité. Car l'artisan des œuvres de ténèbres (et l'Apôtre comprend en ce nombre les hérésies) hait la lumière, et ne vient pas à la lumière, dans la crainte que ses œuvres ne soient révélées. Au contraire, celui qui fait de bonnes œuvres (et l'Apôtre comprend la foi entre les bonnes œuvres) vient à la lumière, afin que ses œuvres soient manifestées, parce qu'elles sont faites selon le Seigneur. Quel que soit donc l'auteur, il viendra à la lumière, et s'il consent du fond du cœur à la vérité, il pourra redevenir un enfant de lumière; mais s'il persiste à contredire à la vérité, il s'imposera lui-même le nom d'hérétique, par son obstination dans l'infidélité, et la témérité de sa résistance. Car ce n'est pas hérésie que d'avoir par ignorance un sentiment contraire à la foi ce qui fait l'hérétique, c'est l'obstination". [3,17] CHAPITRE XVII. Du synode des six provinces de France tenu à Troyes L'An de l'incarnation de Notre-Seigneur huit cent soixante-sept, un synode des provinces de Reims, Rouen, Tours, Sens, Bordeaux fut assemblé en la ville de Troyes le vingt cinquième jour d'octobre. Là, quelques évêques, pour plaire au roi, comme il arrive trop souvent, se déclarèrent en faveur de Vulfade, et ourdirent plusieurs menées contre Hincmar au préjudice de la vérité et de l’autorité des saints canons. Mais Hincmar opposa à leurs intrigues la raison et l'autorité et fit décréter, par la majorité de l'assemblée, que les évêques présents au synode rédigeraient d’un commun accord et enverraient au pape Nicolas, par Actard, vénérable évêque de Nantes, une épître contenant un compte exact de toutes les matières en délibération. La teneur de cette lettre fut tout à fait conforme à celle qu’Hincmar avait envoyée à Rome, le mois de juillet précédent, par ses clercs déguisés en pèlerins, afin d'éviter les embûches des adversaires. Quand Actard eut reçu, des mains du synode la lettre rédigée en commun, et scellée du sceau des archevêques présents il s’en retourna auprès du roi Charles, avec quelques évêques, comme celui-ci en avait donné l'ordre. Oubliant la fidélité d'Hincmar, et les travaux que pendant tant d'années il avait endurés pour l’honneur et la défense de la couronne, Charles exigea que la lettre du synode lui fût remise, brisa les sceaux des archevêques prit lecture des actes; et, comme il trouva qu'Hincmar n'avait pas été réfuté et condamné, ainsi qu'il l'aurait voulu, il fit dicter en son nom une autre lettre au pape Nicolas, en haine et contradiction d'Hincmar, la scella de son anneau, et l’envoya à Rome par le même Actard, avec l'épître du synode. Or les clercs d'Hincmar arrivés à Rome au mois d'août trouvèrent le pape Nicolas grandement vieilli et infirme, et tout entier à la querelle qu'il soutenait alors contre les empereurs grecs Michel et Basile, et contre les évêques d'Orient. C'est pourquoi ils furent obligés de demeurer jusqu'au mois d'octobre. Le pape Nicolas accueillit avec bienveillance ce que lui mandait Hincmar, et lui répondit qu'il était satisfait en toutes choses. Dans une autre lettre adressée en même temps à Hincmar et à tous les archevêques et évêques du royaume de Charles, il leur dénonçait les empereurs grecs et les évêques d'Orient comme calomniant l'Église romaine, et même toute l'Église latine, à cause que nous jeûnons le samedi, que nous disons que le Saint-Esprit procède du Père et du Fils, que nous interdisons le mariage aux prêtres, et leur défendons d'oindre de chrême le front des baptisés; disant en outre que nous faisons du chrême avec l'eau des rivières et nous reprochant de ne pas nous abstenir de chair huit semaines avant Pâques, et sept semaines, de l'usage du fromage et des œufs, ainsi qu'ils font eux-mêmes; prétendant qu’à l'exemple des Juifs, à la solennité de Pâques, nous bénissons et offrons un agneau sur l'autel avec le corps de Notre-Seigneur Jésus-Christ; enfin s'emportant contre nous parce que nos clercs rasent leur barbe, et disant que chez nous le diacre est ordonné évêque sans avoir auparavant reçu la prêtrise. Sur tous ces points le pape demandait l'avis des métropolitains et des évêques de leurs provinces; et à la fin de sa lettre, s'adressant à Hincmar, il lui disait : Hincmar, quand ta charité aura lu cette lettre, fais diligence pour qu'elle soit communiquée à tous les archevêques du royaume du glorieux roi Charles, notre fils, afin que chacun d'eux en son diocèse examine avec ses suffragants ces divers sujets, et qu'ils nous fassent part ensuite de ce qu'ils auront avisé. N'épargne ni sollicitations ni exhortations pour les encourager, de manière à ce que tu sois un actif et diligent exécuteur de tout ce que te prescrit notre présente lettre, et en même temps fidèle et prudent rapporteur de la vérité en ce que tu nous manderas. Hincmar reçut cette lettre au palais de Corbeny, ou il se trouvait alors avec Charles; et après en avoir donné lecture au roi et à plusieurs évêques présents, il la fit tenir aux autres archevêques, ainsi qu'il en avait reçu l'ordre. Le pape Nicolas mourut le treizième jour du mois de décembre suivant; Adrien lui succéda au pontificat, de l'élection des clercs et du consentement de l'empereur Louis; et quand Actard arriva à Rome avec les lettres dont nous venons de parler, il trouva le nouveau pontife déjà installé sur le Siège apostolique. [3,18] CHAPITRE XVIII. Du roi Charles. Hincmar écrivit encore et dédia au roi Charles un livre extrait des saintes Écritures et des Pères catholiques, lequel divisé en trois parties, savoir de la personne du roi et du ministère royal dans le gouvernement de l'État, de la discrétion qu'il faut garder en faisant miséricorde, de la punition de certaines personnes. L'ouvrage contenait trente-trois chapitres. Il lui adressa en outre une instruction très utile pour apprendre à fuir le vice et pratiquer la vertu lui envoyant en même temps l'épître de saint Grégoire à Reccared, roi des Visigoths. Il a encore composé pour le même roi un recueil d'un grand nombre d'autorités touchant les églises et chapelles, contre les établissements de Prudence, évêque de Troyes; un Traité des douze abus, pour l'instruction du roi dans lequel il rassemble les avis des Pères et les constitutions des rois ses prédécesseurs et rappelle à Charles la promesse qu'il avait faite avant son sacre aux primats et aux évêques. Enfin il a écrit à ce même roi une foule de lettres sur différents sujets, parce que ce prince consultait l'archevêque presqu'en toute occasion, et se conduisait la plupart du temps d'après ses conseils et sa prudence. Quand son fils Carloman lequel était clerc, se souleva contre lui, et que le roi lui-même marcha en personne à Vienne contre le comte Gérard, qui secondait la révolte, il écrivit à notre prélat, et lui manda de rassembler les évêques de son royaume, et les seigneurs laïques, ses fidèles, afin que les évêques usassent de leur ministère et autorité pour défendre à Carloman de faire dommage au royaume, et que les laïques se missent en devoir de lui résister et de l'en empêcher. En conséquence Hincmar écrivit aux comtes Enguerrand, Josselin et Adelelme, pour leur demander avis, et en même temps leur donner conseil sur ce qu'il y avait à faire en cette circonstance. Cependant il adressait au roi des lettres de supplication en faveur de Carloman, et faisait tout son possible pour ménager la paix entre le père et le fils quoiqu'il souffrît beaucoup de maux et de ravages en ses domaines de la part de Carloman et de ses complices. Enfin il alla, avec quelques autres fidèles du roi Charles, parlementer avec le prince Carloman lui donna des otages et en reçut de lui et il fut convenu entre eux qu'il y aurait paix dans tout le royaume, que les hommes de Carloman se comporteraient pacifiquement en tous lieux, et que lui Carloman demeurerait en paix, avec un petit nombre des siens, aux villages appartenants à saint Médard, jusqu'à ce que des envoyés du roi fussent venus; qu'ensuite il irait trouver son père avec les fidèles de Charles et les siens, ferait un traité avec lui, ou s'en reviendrait sain et sauf à son armée, sans rien conclure. Quand Hincmar eut reçu les envoyés du roi, il écrivit à Carloman pour qu'il eût à venir entendre ce que mandait son père. Il convoqua en même temps les fidèles du roi, pour aviser aux moyens de faire ce qu'il ordonnait pour le rétablissement de la paix, laquelle fut en effet conclue. Mais quelque temps après le roi fit excommunier son fils par tous les évêques du royaume, parce qu'il ne voulait point renoncer à ses déportements et ravages et en outre, l'ayant fait prendre, il lui fit crever les yeux. Non seulement le roi chargeait Hincmar de toutes les affaires ecclésiastiques, mais quand il fallait lever le peuple contre l'ennemi, c'était toujours à lui qu'il donnait cette mission et aussitôt celui-ci, sur l'ordre du roi convoquait les évêques et les comtes. Nous avons déjà raconté en ce livre une partie de la vision du ressuscité Bernold; mais il eut aussi une révélation sur le roi Charles, et voici ce qu'on raconte. Il se trouva en un lieu obscur et noir où perçait la lueur d'une lumière qui resplendissait vis-à-vis en un lieu voisin, tout brillant, très bellement fleuri et odoriférant. Là, il vit le roi Charles étendu dans la fange de sa putréfaction et rongé de vers qui avaient déjà consumé presque toutes ses chairs, et l'on ne voyait plus en son corps que les nerfs et les os. Ledit roi apercevant Bernold l'appela par son nom et lui dit : Pourquoi ne me secours-tu pas? Et en quoi puis-je vous secourir? répondit Bernold. Prends cette pierre qui est près de moi et mets-la sous ma tête ce que fit Bernold; après quoi Charles lui dit : Va trouver l'évêque Hincmar, et dis-lui que, pour n'avoir pas voulu suivre ses bons conseils et ceux de quelques autres fidèles, je souffre les maux que tu vois, en punition de mes fautes. Dis-lui bien que j'ai toujours en confiance en lui, et qu'il m'aide de son secours, afin que je sois délivré de mes peines, et qu'aussi, à tous ceux qui m'ont été fidèles, il demande de ma part leur aide et secours, car s'ils veulent s'y employer avec zèle, je serai bientôt délivré de cette peine. Alors Bernold lui demanda quel était ce lieu d'où resplendissait la lumière et apprit que c'était le repos des saints il en voulut donc approcher de plus près, lors il vit une telle clarté et sentit un parfum si doux et d'une telle suavité, qu'il n'y a langue humaine qui puisse l'exprimer. Il vit aussi une multitude d'hommes de toute condition vêtus de robes blanches, qui s'éjouissaient et aussi quelques bancs lumineux, où aucun de ceux pour qui ils étaient préparés n'était encore assis. Continuant sa route toujours en vision, il entra dans une église où il trouva l'évêque Hincmar, avec ses clercs tout habillés, prêt à célébrer la messe, et il lui dit ce que Charles lui avait recommandé. De là soudain retournant au lieu où il avait vu le roi si misérablement étendu, il trouva le lieu tout brillant, et le roi sain de corps, revêtu de ses habits royaux, lequel lui dit : Vois comme ton message m'a profité, et autres choses. Et cette vision fut écrite par Hincmar telle qu'elle lui avait été racontée; et en faisant faire le récit partout où il crut nécessaire, il en communiqua la connaissance à plusieurs, et tant par lui-même que par les autres fidèles du roi qui lui étaient soumis, travailla dévotement et fidèlement pour la délivrance et le repos de lame du roi Charles. En beaucoup de circonstances Hincmar rappelait le roi à son devoir, et lui donnait de sages avertissements. Ainsi il lui écrivit pour l'élection de l'évêque de Beauvais, après la mort d'Hildemann, pasteur de cette cité. En cette lettre il s’efforce de détourner le roi du crime de simonie, lui assurant qu'il aimerait mille fois mieux perdre cet évêché, selon le siècle, que d'avoir à y bénir un évêque contrairement aux institutions canoniques, ou plutôt à le maudire d'une malédiction éternelle. Une autre fois il réclama le domaine et le monastère de Flavigny, que le roi lui avait donné et confirmé par une ordonnance sa vie durant, pendant qu'il était à son service, avant d'être évêque. Un usurpateur avait détruit ce monastère ; Hincmar l'avait fait rebâtir et y avait rétabli la religion, autant qu'il avait été en lui; et, depuis, le roi voulait le lui reprendre injustement. Un rebelle fugitif avait enlevé une religieuse et l'avait épousée. Hincmar écrivit au roi et le supplia de le faire arrêter par son autorité royale et d'ordonner la séparation, parce que cet incestueux refusait d'obéir au jugement de son évêque. Il lui écrivit encore au sujet de l'évêque Rothade, que le roi avait cité devant lui, et auquel il avait ordonné d'envoyer un avocat, pour plaider contre un homme de Rothade, appartenant en même temps à un bénéfice royal, d'où venait le procès entre eux. Hincmar reprit le roi avec adresse et franchise en même temps, et s'efforça de le faire renoncer à cette intention, en interposant toutes les autorités sacrées. Il écrivit aussi au roi au sujet du message qu'il remplit auprès de l'empereur Lothaire et de Louis le Germanique, tous deux frères du roi Charles, afin de conclure un traité de paix entre les trois frères et sur le même sujet encore, une autre lettre dans laquelle il instruit Charles de la manière dont il doit se conduire envers ses frères, et traite de leur réception et de leur renvoi, dont il était alors question; item au sujet de l'empereur Lothaire comment il est traité à Rome, et quand il doit venir en ces contrées; enseignant au roi comment il doit se conduire devant Dieu et devant les hommes, et avertissant la reine d'exhorter le roi à une vie honnête et vraiment digne d'un roi ; item sur les dispositions militaires à prendre pour faire lever le siège de Beauvais; en cette lettre il lui expose de quelle manière il doit gouverner l'église qui lui est confiée à savoir, les affaires ecclésiastiques par les abbés des monastères et les archiprêtres, et l'administration des domaines et de sa maison, ainsi que celle des services qui lui sont dus, et la décision des plaintes soit en réclamation, soit en appel, par des laïques et très fidèles; item au sujet du voyage de Charles dans la France supérieure, comment il doit se gouverner en ce voyage, et quel ordre il doit établir en ce royaume; à l'occasion du synode que le roi ordonna de convoquer au diocèse de Reims; il montre pour quels motifs le roi doit le convoquer, et traite de quelques autres affaires importantes; au sujet de la mort de l'évêque Halduin ; item au sujet du comte Gérard, de Louis, roi de Germanie, frère de Charles; de Lothaire, roi d'Italie, neveu de Charles; item sur la construction d'un pont que le roi faisait construire à Pistes sur Seine, à frais communs avec lui Hincmar et quelques autres fidèles; item au sujet de son neveu Hincmar, évêque de Laon, contre lequel il a écrit plusieurs lettres, et qu'il poursuit sans cesse auprès du roi; item – au sujet de ses infirmités, et de la réception de quelques moines étrangers qu'il prie le roi de vouloir bien recueillir; sur les biens de saint Rémi, situés dans les provinces de Vienne et d'Aix; item sur l'ordination de quelques évêques et la dédicace de plusieurs églises; item à l'occasion du voyage du roi en Italie après la mort de son neveu l'empereur Louis, comment il doit se gouverner en ce voyage, et quel ordre il doit établir en ce royaume; item sur les questions élevées par un certain Mancion au sujet du village de Neuilly et de ses dépendances à l'occasion des lettres que le roi Louis, frère de Charles, lui avait écrites sur la vision dans laquelle son père lui était apparu il en envoie copie à Charles, avec copie aussi de la lettre qu'il avait écrite en réponse à Louis; item au sujet de la mort de l'évêque Walther, homme d'une grande distinction, et sur une image du Sauveur; item pour les affaires de ceux de Laon, et sur l'ordination d'un nouvel évêque en cette ville après l'expulsion d'Hincmar sur le même sujet; item sur la passion de saint Denis, écrite en langue grecque par Méthode de Constantinople, et traduite en latin par Anastase, bibliothécaire du Saint-Siège; sur la vie et les actes de saint Sanctin et ce qu'il y a trouvé sur la commémoration de saint Denis sur les domaines de saint Rémi dans les Vosges, et sur le régime auquel ils ont été soumis jusqu'à ces derniers temps. Enfin, il a écrit au roi Charles sur beaucoup d'autres sujets. [3,19] CHAPITRE XIX. Des lettres écrites par Hincmar au roi Louis, fils de Charles. Hincmar a aussi écrit beaucoup de lettres au roi Louis, fils de Charles, qu'il avait sacré par exemple, il lui écrivit sur le tribut à payer aux Normands pour les congédier, sur les mesures utiles à prendre pour l'administration de son royaume, et pour l'engager à suivre les règlements et l'exemple de l'empereur son père; item après la mort de l'empereur, sur l'ordre à établir au commencement de son règne, lui proposant les exemples de ses prédécesseurs, et l'instruisant, par ordre et chapitres, des principes d'une juste administration, du respect qu'il doit à la sainte Église, enfin de tout ce qui peut être utile à lui ou à son royaume; item sur les punitions à infliger à quelques rebelles audacieux, sur la modération à garder dans le châtiment, et autres sujets importants; item, pour l'exhorter à ne jamais rien entreprendre contre les institutions canoniques, à ne jamais rien ordonner de semblable à aucun évêque, enfin à ne jamais encourir les vengeances divines; item pour l'instruire des avertissements que, conformément à l'ordre du roi lui-même, il a donnés à Hugues, fils du roi Lothaire, sur ses méfaits, et de la sommation qu'il lui a faite de conduire les hommes d'armes au roi. Après la mort du roi Louis, il écrivit à ses fils Louis et Carloman, pour en obtenir des élections canoniques pour l'église de Tournai et de Noyon, après la mort de l’évêque Ragenelin ; item au sujet de l'élection même, quand elle fut faite, parce que les deux rois étaient blessés de ce qu'il l'avait présidée et dirigée en sa qualité d'archevêque. Dans une autre lettre sur le même sujet, il leur rappelle le consentement qu'il a donné à leur propre élection quand ils ont été élus au trône, et l'autorisation qu'il a reçue d'eux pour cette élection épiscopale; il leur fait sentir quel est le ministère royal, et quel est le ministère pontifical; quel doit être élu et ordonné évêque, qui ne doit pas l'être, et pourquoi enfin il les engage à se faire instruire des constitutions et autorités canoniques. Dans une troisième lettre sur le même sujet, il leur démontre, par des autorités sacrées, combien ils se rendraient coupables envers Dieu, s'ils retardaient plus longtemps cette ordination; combat les objections qui lui ont été faites par Josselin, sur le consentement du roi Louis leur père leur rappelle qu'il ne l'a point forcé de reprendre Ansgarde, son épouse répudiée, et ne l'a point empêché de retenir Adélaïde; enfin, leur cite les lettres que le roi lui a écrites pour l'intéresser à la fortune de ses fils, et leur reproche les lettres inconvenantes qu'ils lui ont adressées. Il a écrit aussi au roi Louis en particulier, qui lui avait demandé les conseils qui peuvent être utiles à un roi sur la manière de rendre la justice et de procéder en jugement, sur le bien et le mal que l'observation ou la négligence des règles qu'il trace peuvent causer au royaume, etc.; item au jeune roi Carloman et aux évêques, une admonition par chapitres sur les devoirs du ministère royal et l'ordre à établir dans le gouvernement ; item au même roi, une autre admonition, semblablement divisée en chapitres. [3,20] CHAPITRE XX. Des lettres et écrits adressés par Hincmar à Louis, frère de Charles. Hincmar a écrit aussi diverses lettres à Louis roi de Germanie, frère de notre roi Charles. Ainsi, sur la demande du roi lui-même, qui lui avait adressé quelques questions au sujet d'un certain Fulcric, Hincmar lui rend compte avec dignité des motifs pour lesquels il l'a excommunié, et l'absout à condition qu'il fera pénitence. Dans une autre lettre, il implore sa protection et son appui pour les biens de l'église de Reims situés en Thuringe. Une autre fois il lui écrit au sujet de l'invasion du royaume de son frère, et le dissuade, par les plus sages conseils, de cette entreprise, qui peut entraîner sa damnation. Sur le même sujet encore, en son nom et au nom de tous les évêques du royaume de France, il lui adresse une lettre pleine d'une modération toute épiscopale ; item encore, à l'occasion des préparatifs que Louis lui avait ordonné de faire pour son arrivée à Reims; il lui écrit de ne pas venir comme il en a le projet, ni surtout en de telles circonstances, lui montrant que ce dessein ne peut-être qu'inconvenant et en même temps funeste à son aîné; item pour lui exposer les soins qu'il se donne pour rétablir la paix entre son frère Charles et lui; lui rendant grâces de ce que les enfants de l'église de Reims sont bien traités en son royaume, et demandant qu'il leur soit permis de garder les propriétés qu'ils y possèdent ; item au sujet du métal qu'il en avait reçu pour faire une cloche ajoutant une admonition pour l'engager à garder la paix et la charité, et à suivre la volonté du Seigneur, sur les biens de l'église de Reims situés en Thuringe; item sur quelques reliques des saints de l'église de Reims, qu'il lui envoie comme il l'a demandé, et sur le livre de la vie et des vertus de saint Rémi; sur les biens de saint Rémi situés en Thuringe ; item sur la passion de plusieurs saints et sur les biens de ses hommes situés en Germanie, afin qu'ils ne souffrent aucun dommage. Conjointement avec ses confrères les archevêques Rémi, de Lyon Arduic, de Besançon Érard, de Tours Adon, de Vienne, et Égilon, de Sens, il écrivit au même roi Louis en faveur de Bertulfe, archevêque de Trêves, lui démontrant qu'il tient envers ce prélat une conduite répréhensible et dangereuse, en permettant que la métropole de Trèves soit envahie pillée et ravagée par un moine usurpateur ; il lui rappelle que, bien que le pouvoir royal soit la première dignité parmi les hommes, il n'en abaisse pas moins sa tête avec dévotion devant les évêques ministres des choses divines, vient chercher auprès d'eux les moyens de son salut, et reconnaît que, dans l'administration et la dispensation des sacrements divins, ce n'est pas à lui de commander, mais d'obéir dans l'ordre de la religion qu'ainsi, en pareille matière, loin de vouloir soumettre les évêques à sa volonté, il doit au contraire se soumettre à leur jugement: Car, dit-il, de même que les pontifes s'exposent à de grands dangers, s'ils gardent le silence sur ce qui est utile au culte du Seigneur ainsi le péril est grand pour la puissance royale, quand au lieu d'obéir elle refuse d'accomplir ce qui lui est commandé par les prêtres au nom et d'après la parole de Dieu. Car le Seigneur dit en son Évangile : Celui qui est de Dieu, entend les paroles de Dieu. Si quelque indévot et impie a cherché à vous faire croire qu'en ordonnant un pontife métropolitain en cette métropole nous avons agi en mépris de votre autorité ou contre la fidélité que nous vous devons, pensez bien plutôt que cette ordination, faite de notre unanime consentement, est selon les saints canons car il est écrit : De même que Dieu n'est enfermé en aucun lieu, ainsi la parole de Dieu n'est point enchaînée; et ailleurs, notre Rédempteur et Sauveur loue le centenier, qui lui dit : Dites seulement une parole, et mon serviteur sera guéri c'est-à-dire ce que vous direz ici s'accomplira là bas ; enfin tout indignes que nous sommes, le Seigneur parle aujourd'hui par notre bouche comme autrefois par celle de ses disciples, puisqu'il a dit : L'esprit de votre père parle en vous, qui remplit a tout l'univers. Gardez-vous donc de croire, nous vous en conjurons, à ceux qui vous donnent de mauvais conseils ; et soyez persuadé que ce n'est point en mépris de votre autorité et de la fidélité que nous vous devons, que nous avons ordonné un pontife en cette métropole; mais considérant, ce que vous savez aussi bien que nous, combien et depuis combien d'années cette église est désolée et abandonnée, et combien de maux contraires à la volonté de Dieu se sont multipliés et accrus non seulement dans la métropole, mais encore dans toute la province qui en dépend, parce que les évêques suffragants ne peuvent prendre aucune mesure sans leur primat, si ce n'est pour leur propre diocèse trouvant donc avantage et conformité aux règles canoniques, nous avons ordonné canoniquement un pontife; et même, sans nous, les évêques suffragants de la métropole auraient pu et dû le faire s'ils avaient été en nombre suffisant; mais pour que l'ordination soit régulière et ait vertu canonique, il faut être au moins trois. Et à ce propos il poursuit en citant les autorités des saints Pères sur lesquelles ils se sont fondés pour faire cette ordination après quoi il ajoute : Comme les évêques suffragants de la province n'étaient pas en nombre suffisant pour pouvoir ordonner canoniquement un métropolitain, comme d'ailleurs les églises de Reims et de Trèves sont, par autorité et coutume ancienne, regardées comme comprovinciales et sœurs, à telle condition que celui des deux évêques qui a été ordonné le premier est aussi le premier, et a la prééminence au synode, et que ces deux églises se doivent l'une à l'autre conseil et assistance, les évêques de la province de Trêves ont requis du primat de la province de Reims appui et soulagement pour leur ordination, conformément aux règles canoniques, et en particulier aux canons du concile de Sardique, lesquels disent expressément : Si, dans une province qui auparavant avait plusieurs évêques, il arrive qu'il n'en reste qu'un seul, et que les peuples s'assemblent, demandant des pasteurs, les évêques de la province voisine doivent s'adresser d'abord au seul évêque restant de la province, lui remontrer que les peuples demandent un guide, et qu'il est juste et convenable qu’ils aillent se joindre à lui, et ordonner ensemble un évêque. Si l'évêque restant, ainsi sollicité et appelé par lettres, se tait, dissimule et ne répond rien, alors il faut satisfaire aux peuples, et les évêques de la province voisine doivent venir et ordonner un évêque. D'où il suit que si dans la province de Trèves, il ne restait qu'un seul évêque, ou bien point, les évêques de la province de Reims devraient, sur la demande et instance du clergé et du peuple de l'église de Trèves, lui ordonner un évêque. C'est pourquoi nous tous, dont votre Gloire lit les noms inscrits en tête des présentes, avons, d'un commun accord et consentement, canoniquement ordonné pontife de cette église, Bertulfe, notre frère et collègue dans le sacerdoce, ce que pouvons justifier et justifierons, si besoin est, par l'autorité des saints canons et les actes de son ordination ; c'est pourquoi nous maintenons et soutenons son ordination et la disposition des biens et facultés de son église, comme il est porté aux canons; la soutiendrons et maintiendrons à toujours, comme notre propre autorité. Car s'il n'est pas évêque, nous ne le sommes pas non plus; et si quelqu'un trouve quelque chose à redire à son ordination, qu'il vienne et le dise; toutefois qu'il lui souvienne de sa communion, car de deux choses l'une ou il cessera d'être en communion avec l'ordre ecclésiastique et épiscopal, ou nous cesserons nous-mêmes d'être en communion avec le ministère épiscopal. C'est pourquoi, très chrétien et vénérable roi et de nous très chéri et très aimé, nous et nos confrères dans le sacerdoce vous adressons les paroles que le bienheureux Léon adressait autrefois à l'empereur Théodose plein de révérence pour votre Clémence et ajoutant au respect de tous nos devoirs un sincère et véritable amour, désirant qu'en toutes choses vous soyez agréable à Dieu, vers lequel nous et nos églises faisons sans cesse monter nos vœux pour vous, afin que notre silence ne nous soit pas reproché devant le tribunal de Dieu, nous vous supplions et conjurons devant la sainte et indivisible Trinité d'un seul Dieu, laquelle est offensée d'un tel état de choses, puisqu'elle est tout à la fois la protectrice et la source de votre puissance, aussi devant les saints anges de notre Seigneur Jésus-Christ, qu'il vous plaise ordonner que l'église de Trèves, et avec elle son pontife, soit et demeure aux mêmes état, dignité et privilège dont elle a joui sous vos prédécesseurs et que votre frère et votre neveu Lothaire, père et fils, lui ont canoniquement maintenus et conservés; afin qu'ainsi vous acquerriez mérite auprès de Dieu et du bienheureux saint Pierre, prince des apôtres, et nous rendiez nous-mêmes de plus en plus vos débiteurs en prières et autres services qui vous sont dus. Car, n'était que par respect a pour vous nous avons voulu différer, nous aurions déjà, ici-bas, lancé contre l'usurpateur la sentence que six cent trente évêques portèrent autrefois au grand concile de Chalcédoine, portent maintenant dans les cieux, et porteront au jour du jugement, contre lui, à sa damnation éternelle, s'il ne fait digne pénitence. Puis après avoir cité les diverses autorités des canons, il continue : Sache donc bien votre religieuse et très chère Domination, que tant que notre frère Bertulfe, par nous ordonné évêque en l'église de Trèves, vivra en ce corps mortel, autre que lui n'y sera ordonné évêque, à moins que, ce qu'à Dieu ne plaise, il n'allât lui-même à rencontre des saints canons, et ainsi ne méritât d'être déposé; et de même cet usurpateur et moine apostat, Walton, du monastère de l'église de Trèves, en vertu du jugement du Saint-Esprit déjà donné contre lui pour cette cause jamais ne pourra être évêque en cette église de Trèves, par lui si injustement usurpée et mortellement lésée et n'était, comme nous l'avons déjà dit, que par respect pour vous nous avons voulu différer, non seulement nous ordonnerions, conformément aux institutions canoniques, que jamais ici ni ailleurs il ne parviendra aux grades ecclésiastiques, mais encore, le chargeant du poids de l'anathème, nous le ferions jeter dans une prison, suivant l'ordonnance canonique; ce que, sans aucun doute, nous ferons et poursuivrons par tous les moyens possibles, s'il s'obstine dans sa révolte. Quant à vous, nous prions et supplions de toutes les forces de notre cœur le Seigneur, par qui règnent les rois, et duquel et par lequel le saint ordre épiscopal a pris commencement, qu'il lui plaise vous maintenir exempt et innocent d'aucun attentat contre les saints canons; conjurons et requérons sa bonté qu'il vous accorde de vouloir et faire en bonne volonté ce qu'il commande, afin qu'ainsi vous méritiez de recevoir les joies éternelles, qu'il promet à ceux qui l'aiment. Une autre fois, répondant aux lettres que le même roi lui avait écrites pour le prier de faire par lui-même, et par tous ceux qu'il pourrait y engager, des prières en faveur du roi son père, qui lui était apparu en vision, afin d'obtenir qu'il fût délivré de ses souffrances, Hincmar prend occasion de lui adresser une lettre pleine d'autorités et de citations saintes sur la manière de prier et les qualités de la prière. Enfin il lui a écrit encore au sujet des biens de saint Rémi, situés dans les Vosges, et sur une foule d'autres sujets. Il a aussi écrit au fils du roi Louis le Germanique, de même nom que lui, au sujet du village de Douzy, pour lui expliquer comment saint Cloud l'avait donné à saint Rémi, comment ensuite Charles, fils de Pépin le prit en redevance de l'archevêque Turpin, à condition que les chapelles de sa dépendance avec les nones et dîmes demeureraient à l'évêque de Reims, et que le roi donnerait douze livres d'argent chaque année pour les luminaires de l’église ; il prouva qu'en effet cette rente avait été payée par le roi Charles et tous ses successeurs, et que lui-même Hincmar l'avait perçue de son père Louis. Il lui a encore écrit au sujet du village de Neuilly, comment il fut donné à saint Rémi par Carloman et ce qui en est advenu depuis; item pour lui recommander de chercher et de suivre les conseils des saintes Écritures, de ne pas se fier à l'avis de conseillers inconsidérés et l'exhorter, dans quelques embarras que se trouve le royaume de France, à bien se garder de l'envahir ; item pour en obtenir sauvegarde pour la ville de Reims et les lieux saints, s'il venait en France; item pour lui rendre compte de la conduite tenue par les évêques envers Louis, fils de Charles quand ils le sacrèrent roi, et lui prouver qu'il avait été mal instruit; item au sujet des deux femmes de Louis, fils de Charles, sur les mesures prises cet égard, etc., etc. Il a aussi écrit à Pépin, roi d'Aquitaine, au sujet des biens de son église situés au pays d'Auvergne, de Limoges et de Poitiers, pour la protection desquels il venait d'obtenir des lettres du roi Charles au même Pépin, et dont il confia la défense à un homme illustre nommé Frigidolon; à Charles, fils de Louis le Germanique, pour le féliciter de la bienveillance qu'il témoigne aux jeunes fils de son cousin Louis, Carloman et Louis, le conjurant, pour l'honneur de l'Église de Dieu et la défense du royaume de France, de donner à ces royaux enfants des instituteurs sages et justes, qui leur enseignent à honorer les serviteurs de Dieu, à observer ses commandements, a se gouverner eux-mêmes, et tenir avec sagesse les rênes de l'État ; item au sujet de Sigebert, un de ses fidèles; item au roi Lothaire, fils de l'empereur Lothaire, au sujet du village de Douzy, que son père avait rendu à l'église de Reims, pour l'engager à ne pas risquer son salut en donnant comme le bruit courait qu'il le faisait, à quelques favoris les biens appartenant à cette église, et en se permettant d'affranchir les colons du village; que s'il avait commis quelque faute semblable, il eût à la reconnaître et la réparer ; item au sujet de quelques mauvais traitements exercés envers ce village, et de la rente qu'il retient au péril de son âme, lui intimant que saint Cloud a donné ce village à saint Rémi, et qu'il ait à se garder de rien faire qui pût mériter la condamnation de son âme; item pour en obtenir la permission à l'église de Cambrai d'élire un évêque ; item enfin, sur le salut de son âme et l'honneur de la dignité royale à ce propos, il lui rappelle comment l'empereur Lothaire son père s'est recommandé à ses prières. [3,21] CHAPITRE XXI. Des écrits d'Hincmar à divers archevêques ou évêques. IL a aussi adressé à divers évêques ou archevêques une foule d'écrits de tout genre, et d'une grande utilité à Hetti, archevêque de Trêves; il lui fait le récit des commencements de son épiscopat, et s'offre pour coadjuteur et pour disciple à sa Paternité dans l'administration des affaires ecclésiastiques ; item sur le même sujet, lui demandant de le guider de ses conseils, et de le regarder comme son fils; et lui faisant part du projet qu'il a de faire un voyage à Rome au sujet de Gondric, excommunié par Hetti et aussi de Fulcric, excommunié par lui-même, qui semblait avoir trouvé un refuge dans l'évêché de Trêves; – à l'archevêque Gondebauld, en faveur d'un prêtre, pour le prier de lui conserver la dignité ecclésiastique; – item sur les actes du synode, à Amole de Lyon, au sujet du procès qu'il avait eu avec le roi et les grands du royaume, et de l'état des Juifs dans le royaume ; – item sur le synode convoqué par les trois rois sur Ebbon son prédécesseur et sur quelques autres; dans cette lettre il déclare qu'il l'aime par dessus tous et lui est uni de cœur et d'affection comme à un père; – item au sujet de Lothaire, et de quelques autres affaires; il se nomme le fils de sa Dilection; – item au sujet de Gottschalk, il lui expose avec vérité la vie de cet hérétique, ses prédications, son arrestation et sa condamnation; – item à Raban, évêque de Mayence, pour lui mander l'arrivée et l'examen de Gottschalk, que cet évêque venait de chasser de son diocèse à cause des semences d'hérésie qu'il répandait, et de renvoyer à Hincmar avec quelques-uns de ses complices; — item sur le même sujet; il lui mande les mesures qu'il a prises contre cet hérétique lorsqu'il lui a été remis, dans quelle folle témérité il l'a trouvé, et lui demande ses conseils pour ce qui reste à faire sur la doctrine et l'hérésie du même; il lui rend compte de ce qu'il a fait contre lui depuis qu'il a été convaincu d'hérésie dans le synode et a refusé de se corriger il soumet à son examen ses sentiments contre la doctrine de cet hérétique, sa condamnation les ouvrages qu'il a publiés contre lui, et lui demande comment il faut entendre les sentences de divers Pères catholiques sur la foi à la sainte Trinité et sur la prédestination, dans cette lettre il affirme que Raban est le seul qui reste, en ces temps, de l'école du bienheureux Alcuin; — à l'archevêque Landran qui lui avait demandé conseil au sujet d'un monastère de filles que le roi lui commandait de confier à une personne incapable et indigne; il l'engage à remplir avec fermeté et sollicitude les devoirs de son ministère ; — à Teutgaud archevêque de Trèves, sur la prééminence que cet évêque prétendait devoir être déférée par lui au siège de Trèves; il lui insinue que jamais le siège de Reims n'a reconnu cette prééminence, etc., etc. ; — item une seconde et une troisième fois au sujet de l'excommunication de Fulcric au sujet des biens de l'église de Trêves situés en Aquitaine, dont lui Hincmar avait vivement sollicité la restitution auprès d'un grand d'Aquitaine nommé Arnold, qui les tenait en son pouvoir; il annonce qu'il a réussi, et qu'ils vont être rendus à l'église de Trêves; — au dévot et religieux archevêque Amaury; il compatit à ses tribulations, le console et l'encourage à la patience, et le félicite de sa sainteté; il lui assure qu'il lui est le plus cher de tous ceux qu'il aime, et lui envoie quelques ornements précieux, entre autres une chasuble pourpre, la seule qu'il eût et d'autres présents, avec cent écus d'or; — item au sujet des biens de l'église de Reims situés en Aquitaine, dont le roi vient de lui accorder la restitution et dont il confie l'administration à Amaury, avec pleine confiance ; — à l'archevêque Roland, au sujet des biens de saint Rémi situés en sa province, et en même temps au sujet d'un prêtre excommunié en synode, et d'un autre ordonné en sa place ; — à Rodolphe de Bourges sur les biens de l'église de Reims situés au pays de Limoges; — item au sujet de quelques excommuniés ; — à Gunther de Cologne, pour le prier d'intercéder auprès du roi Lothaire et d'en obtenir l'élection canonique d'un évêque de Cambrai, après la mort du vénérable Thierri ; — item une seconde et une troisième lettre sur le même sujet, où il affirme que tant qu'il vivra nul ne sera ordonné évêque en cette ville si ce n'est canoniquement, — à Luitbert de Mayence au sujet des biens de saint Rémi situés dans les Vosges; il lui raconte comment un certain Gibert a perdu la raison en punition d'avoir usurpé quelques-uns de ces biens et comment, après avoir été tourmenté sans relâche pendant un mois entier, il est mort enfin de douleur et en grand péril de perdition; — item plusieurs lettres sur la protection qu'il lui demande pour les biens dont nous venons de parler, la défense et le gouvernement des serfs qui les cultivent; — item sur l'entrevue qu'il a eue avec le pape Jean et sur le bien qu'il a dit de lui au pape, il l'exhorte à recevoir avec bienveillance et bon accueil les lettres et le messager de Jean et à faire tout son possible pour l'aller visiter, — item au sujet d'un prêtre prévaricateur. Le vénérable Hincmar a aussi écrit à Lothaire roi d'Italie, qui avait quitté son épouse légitime pour s'unir à une autre femme ; il l'admoneste et lui donne le conseil de la chasser de sa présence, lui signifiant qu'il a reçu à ce sujet des lettres et des ordres du pape Adrien et il fait tous ses efforts pour persuader au roi d'obéir aux ordres du souverain pontife; — item une autre lettre aux sujets d'hommes rebelles qui ne veulent pas rester en paix, et sur les mesures que le roi doit prendre contre eux il le félicite d'avoir usé contre quelques-uns de sa puissance royale. Il a composé une apologie contre ses détracteurs qui l'attaquaient et le calomniaient auprès du pape Jean, insinuant à sa Sainteté qu'il ne voulait pas se soumettre à l'autorité des décrets du Saint-Siège. Il répondit à ces accusations d'abord au synode de Troyes, ensuite dans l'apologie dont nous parlons prouvant à ses ennemis qu'il recevait et suivait comme on doit les suivre, les décrétales des pontifes romains, reçues et approuvées par les saints conciles. Il publia aussi un manifeste sur la déposition et le rétablissement d'Hincmar, évêque de Laon, avec un récit exact des faits, une réfutation d'une calomnie de quelques-uns de ses ennemis qui l'accusaient, auprès du même pape Jean, de dire que le pape n'avait ni plus d'autorité ni plus de dignité que lui ; — item sur l'ordination d'Hédenulfe à l'épiscopat de Laon, à la place d'Hincmar, et sur la confirmation donnée par le pape à cette ordination ; — item sur Carloman, et de quelques autres affaires, au sujet desquelles il s'excuse en racontant la vérité; il affirme qu'il n'a pas voulu répondre, quoiqu'il le pût, à certains calomniateurs, ni rendre outrage pour outrage, parce qu'il croit plus glorieux de leur échapper en gardant le silence que de les vaincre en leur répondant de peur qu'on ne dise qu'il ne cherche que sa propre gloire. Il a écrit plusieurs fois aussi au pape Adrien, qui lui-même rapporte qu'il a adressé plusieurs messages à Hincmar; et entre autres, par l'évêque Actard, une lettre pleine d'éloges, en laquelle il le nomme son légat en France, et le charge de le représenter dans la cause de Lothaire, et de faire en sorte que tous les arrêtés du pape Nicolas soient maintenus. Hincmar composa aussi sept capitulaires sur les privilèges des sièges, en réponse à ceux que le pape Jean avait adressés aux évêques de France. Le pape voulait à toute force établir Anségise, archevêque de Sens, primat et vicaire apostolique en France et en Germanie, et le vénérable Hincmar s'y opposa avec obstination et succès. Il a écrit encore à divers évêques sur divers sujets, à l'archevêque Rémi au sujet des biens de saint Rémi situés dans la province cisalpine, qu'il lui confie et le prie de prendre sous sa protection; — item pour l'ordination d'Isaac, évêque de Langres ; — item sur les constitutions et règlements synodaux contre les usurpateurs des biens de l'Église, et autres sujets; — item sur la cause du roi Lothaire, et les diverses affaires dont nous avons parlé plus haut; — item au même Rémi et aux autres évêques, pour les inviter, au nom et par l'ordre du pape Nicolas, de se réunir en concile à Soissons pour examiner la cause de Vulfade et de ses collègues ; — item à Adon archevêque de Vienne, pour lui demander une lettre de saint Avite à saint Rémi, qu'un moine nommé Rotfrid lui avait dit avoir lue et vue entre les mains d'Adon; il le prie, s'il peut trouver encore quelques objets ou reliques qui aient appartenu à saint Rémi de les lui envoyer, comme plus précieux et mille fois plus chers à ses yeux que l'or et la topaze ; — à Hérard, évêque de Tours pour l'engager à recevoir quelques apostats qui reviennent à la religion, et quelques autres pénitents ; — item sur quelques autres sujets, et toujours comme à un ami très cher : en effet, Hérard s'était lié à notre prélat d'une affection toute fraternelle, et s'était adressé à lui pour le prier de s'employer en toute circonstance auprès du roi en faveur de son église quelques instants avant de mourir, il dicta encore une lettre pour Hincmar, et la remit lui-même à la personne qui devait aller lui porter la nouvelle de sa mort pleins de la même confiance qu'avait eue en lui ce prélat, les envoyés de l'église de Tours vinrent, après la mort de leur archevêque présenter à Hincmar une requête du clergé et du peuple pour le prier d'être leur intercesseur auprès de la sublimité royale, afin d'en obtenir une élection canonique et le digne évêque s'empressa de remplir leur vœu ; il déclara même au roi qu'un certain prêtre, qui annonçait des prétentions, ne pouvait être admis ; que les évêques de toute la province, le clergé et le peuple voulaient pour évêque Actard, qui avait été baptisé, élevé et ordonné en leur église ; à la vérité Actard avait été nommé évêque d'une autre ville mais chassé de son siège par l'invasion des païens, il avait été honoré du pallium par le Saint-Siège apostolique, afin que, si un des sièges de sa métropole, ou la métropole elle-même, venait à vaquer, il y fut intronisé; il donne en outre conseil au roi sur ce qu'il doit ordonner au clergé et aux laïques en attendant; lui mande comment l'évêque a disposé des biens qu'il tenait à bénéfice du roi, et le prie de lui dire ce qu'il veut faire de ceux qu'il lui a laissés en mourant; il lui parle aussi de certains livres de saint Augustin qu'il l'avait prié de lui envoyer et des reproches des Grecs contre l'église latine, sur lesquels le pape Nicolas lui avait demandé son avis, etc., etc. ; — item à Bertulfe, archevêque de Trèves, pour lui donner des instructions sur le gouvernement et l'administration de sa province et de son diocèse, etc., etc. Sur la demande de ce prélat, il envoya Willebert évêque de Châlons à l'ordination d'Arnold, évêque de Toul, parce que Bertulfe étant malade, le nombre fixé par les sacrés canons pour l'ordination d'un évêque n'était pas complet; longtemps auparavant il avait déjà envoyé pour l'ordination de Bertulfe lui-même et sur la requête d'Advence et d'Arnulf, évêques de la province de Trêves, Hincmar, évêque de Laon, Eudes de Beauvais et Jean de Cambrai, avec des instructions sur la manière dont ils devaient procéder pour ne s'écarter en rien, par négligence ou présomption, des règles tracées par le Saint-Siège apostolique et les sacrés canons. — Il a écrit encore à Bertulfe au sujet de quelques chapelles dépendantes du village de Douzy qu'un habitant du diocèse de Trèves se permettait d'usurper par les intrigues et menées d'un prêtre; il réclame qu'il en soit fait justice; — item au sujet des lettres qu'il adressait à Louis le Germanique pour le prier de les faire lire au roi et à la reine, et de lui mander ensuite ce qu'ils en auront dit; pareillement de prendre lecture des lettres qu'il avait adressées à l'évêque Arnon et de recommander au roi à la reine et au peuple lui-même de songer à leur salut et de maintenir la paix de la sainte Église; — à Jean de Rouen il répond aux questions que cet évêque lui avait adressées au sujet d'un clerc promu au gouvernement d'une église, et qui ne pouvait être ordonné canoniquement par défaut d'âge; — à Rostan d'Arles, qui lui avait écrit au sujet des vexations de son église et d'une certaine femme puissante qui usurpait les biens de l'Eglise, il lui mande ce qu'il doit faire en cette occurrence; — à Adelolde de Tours, qui lui demandait la permission de faire bâtir et consacrer un oratoire dans un village du diocèse de Reims, nommé La Tour, dont le roi avait fait don à son église; il lui répond qu'il lui accorde sa demande, à condition que l'ancienne église du village et le prêtre qui la dessert n'en souffrent aucun détriment en leurs privilèges ; — à l'évêque de Léon, gardien de la bibliothèque de l'église de Rome, pour le prier de bien recevoir ses envoyés, et d'obtenir du pape Léon que ses demandes soient favorablement accueillies, et que le saint Père lui réponde sur ce qui fait l'objet de son message ; — à Grégoire, nomenclateur et chancelier de l'église de Rome, pour le prier de le compter au nombre de ses plus fidèles amis ; — item pour le prier de faire agréer ses demandes au saint Père apostolique; il lui envoie quelques petits présents ; — à Formose, depuis pape et religieux pontife du Saint-Siège de Rome, pour le féliciter de sa grande réputation de sainteté et de savoir; il lui demande de le recevoir en sa familiarité, et de prier pour lui, lui promettant d'en faire autant pour lui et lui envoyant quelques présents pour qu'il fasse mémoire de lui en ses prières; — item après une lettre de Formose, dans laquelle celui-ci lui promettait affection ; Hincmar lui répond qu'il a en lui la plus grande confiance et compte désormais sur lui ; — à Gauderic aussi évêque de l'église de Rome, pour qu'il le reçoive dans le sein de son affection, et daigne implorer pour lui le Seigneur et les saints apôtres; — à Jean, évêque de la même église; il lui écrit presque les mêmes choses, le prie de lui envoyer les canons du pape Martin, et l'évangile des Nazaréens pour le faire transcrire, et lui offre aussi quelques présents d'amitié; — à Vulfade, archevêque de Bourges pour lui envoyer la sentence de Paulin contre ceux qui tuent leurs femmes, laquelle ce prélat lui avait demandée; et quelques autres lettres sur différents sujets; — à Frotaire de Bordeaux qui lui avait adressé le vers suivant : "Remus equum nobis, mulum Burdegala uobis" il lui renvoya son vers ainsi changé: "Remus equum misit, mulum Burdegala nullum". il lui a écrit plusieurs autres lettres; par exemple, au sujet de l'élection d'une abbesse au monastère de Sainte-Radegonde, sur l'ordination de Fulcric, etc., etc. ; — à Wénilon de Rouen, sur les ouvriers et les travaux qu'il faisait faire à Pistes sur Seine; — item sur le procès des évêques Rothade et Odon ; — item à Drogon, évêque de Metz, frère de l'empereur Louis, pour lui demander son amitié ; — item pour lui rendre grâces de la sollicitude qu'il prend de l'église de Reims, priant en même temps un frère, ministre de cette église, de lui faire agréer ses services, afin que l'église pût profiter de son appui et de sa protection, etc., etc.; — à Rothade de Soissons, qui, soit délai seulement, ou négligence, différait de comparaître au synode ; il lui écrit au sujet de quelques habitants du diocèse de Soissons, qu'il faut absoudre ou forcer à la pénitence; — item pour l'ordination de quelques desservants des églises ; — item sur la réception et la mise en jugement de Gottschalk, que Raban avait envoyé au diocèse de Reims, et qui appartenait au diocèse de Soissons, comme moine de l'abbaye d'Orbay; — item pour la dédicace du monastère de Saint Médard et de la réforme à y établir ; — item au sujet de quelques moines fugitifs du monastère de Haut-Villiers ; — item au sujet de Godold, qui prétendait avoir été privé indûment de la communion : il a écrit jusqu'à trois lettres à ce sujet; — item au sujet de quelques prêtres qui l'avaient accusé en plein synode, de les avoir privés injustement des biens de l'Église; et comme ils traitaient avec irrévérence les mandements du synode, il les menace de les frapper des vengeances canoniques ; — item pour l'ordination d'Hincmar, après la mort de Pardule, évêque de Laon; — item au sujet d'Adelold prêtre que le synode lui avait ordonné de rétablir, et pour lequel il lui avait déjà écrit des lettres dont il ne tenait compte; — item au sujet d'un message du roi Louis, et d'une autorisation par lui demandée, contraire aux règles du sacerdoce; — item au sujet d'un clerc qu'il lui envoie pour l'ordonner et charger du ministère de l'église de La Tour; — item au sujet d'une paroisse pour laquelle il y avait conflit entre lui et Erpuin, évêque de Senlis; — item en son nom et au nom des évêques de la province de Reims, sur les innovations que les Grecs s'efforcent d'introduire au mépris des sacrés canons, et au sujet desquelles le pape Adrien avait adressé des lettres, tant à lui Hincmar qu'à tous les archevêques du royaume; enfin une foule d'autres écrits sur différents sujets ; — à Immon, évêque de Noyon touchant le synode convoqué à Paris par le roi et pour l'ordination d'Hermanfried après la mort d'Hildemann, évêque de Beauvais ; — item pour l'ordination de Pardule, après la mort de Siméon de Laon; — item pour l’engager à prêter conseil et secours à Thierri, évêque de Cambrai, contre un rebelle qui ne craignait point le Seigneur, et ne respectait point le ministère ecclésiastique ; — item en faveur d'un prêtre auquel il le prie de conférer les ordres canoniques; — item pour une femme qui se plaignait d'avoir été injustement excommuniée par lui, enfin, pour avoir avec lui une conférence épiscopale ; — à Erpuin de Senlis au sujet d'un homme excommunié par lui sans motif; il l'engage à venir le trouver afin qu'ils puissent examiner ensemble ce qu'il y a de plus juste et de plus convenable à faire; — item au sujet d'un prêtre injustement privé des biens de l'Église ; — item au sujet d'un clerc qui se plaignait de souffrir préjudice de sa part; touchant un mandement du pape Adrien relatif au prêtre ci-dessus dénommé; — item pour qu'il ait à exécuter ponctuellement les ordres du roi; — à Loup de Châlons, touchant la convocation d'un synode; — item au sujet d'un père qui, trompé par dol et fraude, avait tenu son propre enfant pour le catéchiser; — item touchant la décision du synode sur cette affaire : — Hincmar s'est plu aussi à rendre témoignage de la sainte vie de cet évêque dans la lettre qu'il adressa, après sa mort, au roi Charles, pour en obtenir une élection canonique pour l'église de Châlons; — à Prudence de Troyes; il se plaint de ce qu'il est privé de sa présence, lui exprimant le désir de le consulter sur l'état et la punition de Gottschalk; il lui rend compte des mesures prises et du jugement porté par le synode, qui condamne cet hérétique à la réclusion des efforts qu'il a faits pour le convertir, de ses mœurs et de son orgueil il lui demande si à la Cène du Seigneur, ou la Pâque, il doit lui permettre d'assister au saint office, ou de recevoir la communion, et ce qu'il lui semble de la sentence du prophète Ezéchiel, qui dit: Lorsque le juste se sera détourné de sa justice, il mourra dans les œuvres injustes qu'il a commises et lorsque l'impie se sera détourné de l'impiété où il avait vécu, il rendra ainsi la vie à son âme; il le consulte aussi sur la manière de célébrer la Cène du Seigneur; — item au sujet des églises du siège de Reims situées dans son diocèse, qu'il traitait autrement qu'il ne convient à l'équité épiscopale : il l'engage à s'entretenir avec lui de ces choses et de beaucoup d'autres qu'on lui impute; — item à s'instruire l'un et l'autre, et à se recommander mutuellement au Seigneur ; — il existe aussi de lui un livre sur le même sujet, adressé à cet évêque ; — à Pardule, évêque de Laon, au sujet de la mort d'Ebbon, son prédécesseur il lui rappelle que la bienveillance sacerdotale doit se montrer envers lui par des vœux pleins de charité; — item pour le féliciter de ne point avoir accordé à Luidon une réconciliation dont il est indigne, et de ne s'être laissé fléchir ni par les flatteries ni par les reproches d'hommes insensés; — item il l'encourage à se maintenir toujours dans la justice et la fermeté épiscopale par des témoignages tirés des saintes Écritures, à marcher toujours dans les voies l'autorité, et lui donne son avis sur les mesures à prendre contre Luidon; — item sur le même sujet; touchant la pénitence, l'humiliation et l'absolution de Fulcric; — item pour lui demander conseil sur l'absolution à accorder à un coupable; — item sur un jeûne ordonné par la reine; — item touchant la maladie et le repentir de Rothade de Soissons, et le conseil qu'il lui avait donné de fortifier en lui ces bonnes résolutions, et de l'engager adroitement a obéir; — item au sujet de l'or qu'il lui envoie pour offrir à la reine, afin qu'elle en fasse quelque ornement pour la sainte mère de Dieu ; — item au sujet de son opuscule Ferculum Salomonis, qu'il lui avait lu il lui demande ce qu'il en pense; — item, au sujet de l'église de Térouane, veuve de son pasteur, et pour laquelle il le prie de parler au roi afin d'en obtenir la permission d'une élection canonique; il le prie en même temps de lui envoyer les livres de saint Ambroise sur la foi ; — à Hermanfried de Beauvais, pour l'élection et la consécration canonique d'un pasteur de l'église d'Amiens, après la mort de l'évêque Ragenaire; — item pour l'engager à gouverner avec prudence le vaisseau de l'Église au milieu des guerres intestines dont il est battu sur cette mer orageuse du siècle; — à l'évêque Ebbon, élève de l'église de Reims, au sujet d'un moine fugitif auquel il donne asile et qu'il le somme de lui envoyer au plus vite; — item pour l'ordination d'Isaac à l'évêché de Langres, afin qu'il exhorte l'archevêque Rémi à la faire au plus tôt; — à Thierri de Cambrai, au sujet d'un certain Hecton vassal du roi Lothaire auquel ils avaient tous deux, d'un commun accord, infligé une pénitence, et qui prétendait avoir reçu l'absolution de Thierri et en même temps au sujet d'un prêtre que Thierri avait excommunié, et pour lequel le pape de Rome avait envoyé des lettres à Hincmar, qui les lui avait fait passer; pour l'absolution de cet Hecton dont nous venons de parler; — item au sujet de quelques biens de l'église de Reims, que l'évêque Thierri lui demandait de lui donner en précaire ; — item pour l'ordination de Honfroi à l’évêché de Térouane; — item pour l'ordination d'Ercamrad, après la mort de Loup, évêque de Châlons, sur l'arrivée de Louis le Germanique à Reims; il lui raconte pourquoi il y est venu, ce qu'il y a fait, ce qu'il y a ordonné ; — item contre Baudouin, qui avait enlevé la veuve Judith, fille du roi Charles, afin qu'il sache qu'il l'a frappé d'anathème, et qu'il le fasse partout publier en son diocèse; — item contre un certain personnage qui s'était laissé persuader par le père d'une jeune fille de la prendre en concubinage ; — à Folcuin de Térouane pour un prêtre ordonné par lui, qui se plaignait de souffrir préjudice de la part de l'évêque Immon ; il le prie en même temps de lui envoyer quelques reliques des saints qui reposent dans le diocèse de Térouane, parce que, dans la consécration de l'église de Notre-Dame, il fait construire un autel qu'il veut faire consacrer par Folcuin et enrichir et honorer des reliques des saints de son diocèse; — à l'évêque Rainier, au sujet d'un prêtre que Nothon, archevêque d'Arles, lui avait dénoncé par lettres comme ayant été déposé canoniquement et excommunié par un synode, lequel avait établi un autre prêtre a sa place; — à l'évêque Agius touchant les biens de l'église de Reims situés à Aquitaine; — à Abbon d'Auxerre, au sujet de l'évêque Heribold défunt, lequel était apparu à un frère, et avait demandé des aumônes, des prières et des messes; — à Enée de Paris, au sujet de Rothade de Soissons, dont quelques actes inconvenants venaient d'être dénoncés au roi, pour lui annoncer que le roi l'a nommé pour aller discuter cette affaire avec Immon de Noyon ; — à Amaury, évêque de l'église de dîmes, pour lui recommander le diacre Egilbert moine du monastère de Saint-Rémi, qu'il lui envoie pour l'ordonner et le former au saint ministère, comme il l'avait demandé. [3,22] CHAPITRE XXII. Des préceptes de conduite, et des reproches adressés à son neveu Hincmar. IL adressa à son neveu Hincmar, évêque de Laon dans les premiers temps de son élévation à l'épiscopat, plusieurs instructions et enseignements sur ses devoirs et sur la manière d'administrer l'église qui venait de lui être confiée. Il lui écrivit aussi pour l'avertir de ne pas laisser se former de trames et complots entre ceux qui lui étaient soumis; et s'il s'en formait, de chercher à les arrêter, d'abord par la modération et la raison, ou, si enfin cela devenait nécessaire, de l'en instruire, et de convoquer un synode. Mais ce neveu lui causa beaucoup de peines et de soucis; sans cesse il est occupe à lui écrire pour l'admonester et le réprimander sur la légèreté de ses mœurs et de ses actes; sans cesse il l'exhorte à rentrer en lui-même, et a prier Dieu de tout son cœur, pour qu'il daigne jeter sur lui un regard, et lui accorder de se reconnaître et de se corriger de sa perversité. Car le jeune prélat se croyait trop sage et trop habile, s'obstinait dans ses opinions, s'efforçait en toutes choses de faire fléchir les lois ecclésiastiques à ses volontés, et enfin croyait toujours les entendre mieux que les plus vieux évêques. Son zèle pour ce neveu alla si loin qu'il dit lui-même qu'il lui fit encourir la disgrâce de son roi alors très vieux et il poussa en effet la bonté jusqu'à souffrir que ce jeune téméraire lui résistât d'un front audacieux, la tête haute, les lèvres tremblantes, les paroles enflammées, et repoussât avec dédain ses douces prières en présence de plusieurs. Il le reprend de ce qu'il ne veut jamais se reconnaître le moindre tort, et est toujours prêt à se défendre; il lui reproche le luxe de ses habits, sa démarche, ses rires, ses jurements, ses paroles brusques, ses emportements, enfin tous ses défauts. Une autre fois, au sujet de quelques excès que son neveu se permettait dans le gouvernement de son église contre l'autorité des saintes Écritures, et à dessein de lui faire injure, il lui écrit pour l'engager à se corriger, et lui montre de quelle manière il devrait se comporter par les paroles de l'Apôtre à Timothée ; — item au sujet d'un sacrilège excommunié par lui, et auquel son neveu avait donné des biens de l'Église en vue d'un gain honteux; pour le prier en faveur d'un de ses clercs, nommé Hadulfe, qu'il avait excommunié; — item touchant une lettre du pape Adrien qu'il le charge de faire parvenir à quelques évêques; — item sur la disposition qu'il veut faire de quelques biens ecclésiastiques de son diocèse, il l'engage à attendre jusqu'au synode provincial; — item touchant l'excommunication de Carloman pour laquelle son neveu refuse de lui obéir : il le somme de se corriger enfin de son obstination, et de se soumettre à son autorité, ainsi qu'il l'a promis et signé de sa main au synode, en présence d'une foule de témoins; — item au sujet du diacre Berthaire, qu'il se permet de tenir injustement en prison, malgré son appel au jugement du synode métropolitain et provincial après lui avoir prouvé qu'il ne devait pas en agir ainsi, il lui enjoint, de l'autorité des saints canons et de la sienne, de mettre sur-le-champ en liberté le susdit diacre, ou tous autres clercs par lui détenus, et qui réclament un jugement régulier; de leur permettre de venir librement, et de se présenter lui-même avec eux au jugement des évêques et au sien ; — item pour le convoquer au synode où devait se discuter un mandement du pape Adrien. Enfin, il lui a écrit en une foule d'autres circonstances ; il existe surtout une dernière et longue lettre dans laquelle il lui rappelle et lui remet sous les yeux comment il l'a pris orphelin, avec quelle tendre affection il l'a élevé dans sa religion, instruit dans les lettres, et élevé de grade en grade à la dignité épiscopale. Maintenant, ajoute-t-il ensuite, tu me rends le mal pour le bien, tu m'as en haine sans motif, parce que je ne favorise pas tes mauvaises œuvres jusques à quand enfin aurai-je donc à souffrir tes outrages? Depuis le jour de ton ordination, soit par tes paroles et tes écrits, soit par ta conduite désordonnée et tes révoltes de tous les jours, tu m'as si cruellement déchiré et accablé, que je m'ennuie de la vie. Et malheureusement je suis tellement lié et comme enchaîné à ton insolence par les devoirs de ma place, que non seulement après la première et la seconde réprimande, selon l'Apôtre, mais même après mille avertissements répétés en particulier, soit de vive voix, soit par écrit, en présence de nos communs amis, du roi lui-même, des évêques, et d'une foule d'autres, il ne m'est pas possible de t'échapper; et quoique je souhaite du fond du cœur d'avoir les ailes de la colombe pour m'envoler et m'aller reposer loin de toi dans quelque solitude, je ne puis trouver un asile où ton orgueilleuse présence ou les dures paroles de tes envoyés, ou tes coupables écrits, tes inutiles complaintes ou plutôt tes tragédies ou enfin ce que j'entends dire de ta conduite indigne d'un évêque, ne me viennent sans cesse assiéger. J'avais cru un moment que tu commençais à te repentir; et voilà maintenant que le treizième jour de novembre, quatrième indiction tu viens de m'envoyer un long volume rempli de mensonges de sophismes et d'invectives contre toute vérité et toute autorité. J'admire en vérité que tu sois devenu si effronté que, comme le Seigneur disait autrefois en se plaignant des Juifs, tu ne sais plus rougir, et que le cœur ne te soulève pas d'écrire de pareilles choses; apparemment tu n'as rien d’utile à faire, ni aucun devoir à remplir si je voulais reprendre par ordre toutes tes actions, la lumière du jour te manquerait avant que tu eusses fini de lire, cependant il en est quelques unes que je ne puis ni ne dois passer sous silence. Et d'abord, à peine as-tu été fait évêque, et as-tu pris ton essor loin de l'asile paternel où tu avais été élevé, que tu as délaissé et moi et tous ceux qui t'ont élevé, tu as cherché et contracté des amitiés et des liaisons nouvelles dans le siècle, puis changeant chaque jour, délaissant les uns pour t'attacher à d'autres, tantôt parmi tes égaux, tantôt parmi tes inférieurs, tu en es venu enfin à ce point qu'au mépris des canons du saint concile d'Antioche, au mépris des antiques coutumes établies par nos pères, qui te défendaient de rien faire sans moi ou sans mon conseil, excepté en ce qui regardait particulièrement ton diocèse et les biens qui en dépendent, tu t'es fait donner une charge dans le palais du roi, sans mon consentement et sans celui de nos coévêques; et quand, d'après les saints canons, je t'en ai interdit les fonctions en présence du roi et de tous ceux qui étaient présents, tu l'as quittée pour quelque temps; mais bientôt, par la faveur de puissances étrangères, c'est-à-dire du siècle, au mépris du concile de Sardique, tu t'es fait de nouveau redonner cette charge avec une abbaye dans la troisième province, hors de la province de Reims, et encore sans mon consentement. Tu es allé à cette abbaye toutes les fois qu'il t'a plu, et tu y es resté tant que tu as voulu. sans ma permission, au mépris des décrets du pape Hilaire, qui disent : Il est un point que nous ne pouvons passer sous silence, et qui doit être observé avec la plus scrupuleuse exactitude, c'est qu'aucun évêque ne se permette d'aller dans une autre province sans avoir auparavant obtenu des lettres de son métropolitain, et la même règle doit être suivie dans chaque église par tous les clercs, quel que soit leur grade ou office. Zosime, avant lui, et après lui saint Grégoire, ont porté le même décret. En outre, je t'ai convoqué deux fois par lettres canoniques pour assister à l'ordination d'un évêque au diocèse de Cambrai, l'une des églises de notre province, depuis longtemps dépourvue de pasteur, et que le Siège apostolique avait ordonnée avec empressement ; sur ma demande tu n'es pas venu et tu ne m'as envoyé ni vicaire, ni lettres de consentement, comme le prescrivent les saints canons lorsque le pape Symmaque, se fondant sur les conciles, a écrit à Eonius : Si un évêque convoqué selon les règles canoniques par son métropolitain refuse d'obéir, qu'il sache qu'il doit être retranché de l'Eglise ; ce qu'à Dieu ne plaise qu'il t'arrive jamais ! Quand enfin j'ai pu avoir avec toi un entretien à ce sujet, tu ne m'as donné, ni à moi ni à nos coévêques, la moindre satisfaction ou seulement la plus légère excuse d'humilité. Bientôt, entraîné par ton instabilité et ton inconstance ordinaire, tu as osé t'élever et te révolter sans motif contre ton roi, et tu as porté si loin l'audace, qu'il t'a retiré ta charge du palais et ton abbaye, et que, poussé à bout, il se disposait à te frapper de quelque punition plus sévère. Soit par lettres, soit de vive voix, j'ai tant fait que je t'ai obtenu grâce près de lui mais, comme tout le monde le sait, tu t'es de nouveau révolté contre lui tu as méprisé ses ordres, quand il te sommait à comparaître devant lui; enfin tu l'as tellement provoqué à la colère, qu'il a été obligé, comme tous le savent en ces contrées de faire marcher ses fidèles contre toi comme a infidèle. Qu'as-tu fait alors? sans mon consentement, au mépris de nos saintes lois, tu as lancé l'excommunication la plus inouïe jusqu'alors, contre les peuples de mon diocèse, contre ceux de plusieurs autres archevêques et évêques, enfin contre le roi lui-même. Et ainsi tu as causé un grand scandale non seulement à l'Église, mais encore au roi et au royaume, quand la loi te défendait de porter la faux dans la moisson d'autrui, et ne te permettait que de prendre en passant quelques épis, de les écraser dans ta main et de les manger. Tu ne peux, dit saint Grégoire, porter la faux dans la moisson qui est confiée à un autre, tout ce que tu peux faire par bonne œuvre c'est de purger le grain du Seigneur de la paille de ses vices, et de le manger c'est-et-dire de convertir et ramener par conseil et persuasion dans le sein de l'Église. Après tant d'audace et d'insolence je suis pourtant encore parvenu, par mon intercession et avec l'appui de nos confrères, de te réconcilier avec le roi et avec les évêques dont tu avais excommunié les diocésains, non seulement j'ai obtenu d'eux qu'ils n'éclateraient point et ne te frapperaient point d'une condamnation synodale, mais encore je suis venu à bout, non sans peine, et avec le secours du roi à faire rester en paix ceux que tu avais excommuniés. Mais, ajoutant outrage à outrage, et mettant le comble à a l'offense comme il serait trop long de le rapporter, et comme d'ailleurs tout le monde le sait, tu as de nouveau tellement irrité le roi, que pour te châtier il t'a fait détenir quelque temps sans mon consentement, et sans que j'y eusse en rien donné les mains. Alors sans me consulter, sans le consentement de nos coévêques de la province de Reims, tu as, ainsi que le démontre une requête qui m'a été adressée par le clergé de l'église de Laon, tu as lancé un interdit général contre tous les prêtres et ministres de ton église et de ton diocèse, défendant, sous peine d'excommunication de célébrer le saint sacrifice de la messe en aucune église, de donner le baptême aux petits enfants, même en danger de mort, de recevoir personne au tribunal de la pénitence, de donner la communion et le viatique aux mourants, enfin de donner la sépulture et rendre les derniers devoirs à aucun mort, jusqu'à ce que tu fusses de retour en ton diocèse, ou qu'ils eussent reçu quelque mandement du Saint-Siège apostolique. Je l'avoue, à ce dernier trait je fus saisi d'horreur, et aussitôt, dans ma sollicitude métropolitaine, je t'adressai une lettre pour t'engager et t'exhorter à lever au plus tôt cette damnable excommunication, horrible lien d'impiété, si imprudemment lancée au péril de tant de chrétiens et à ton propre péril. Mais en même temps, craignant la perte de tant d'hommes, j'adressai sur-le-champ aux prêtres et ministres de l'église de Laon des décisions certaines et irréfragables émanées de la vérité évangélique, de l'autorité apostolique, des sacrés canons et du Saint-Siège, lesquelles ne peuvent être enfreintes ou violées par personne, et par lesquelles je leur prescrivais de ne se croire liés par une si périlleuse et irrégulière excommunication, et de pourvoir en toute sûreté aux besoins de l'Eglise. Comme tu refusas d'écouter mes conseils et d'obéir à mon admonition, je t'adressai de nouveau des lettres ainsi qu'au clergé du diocèse de Laon, et, malgré ces nouveaux efforts, je ne pus parvenir à te faire obéir. Enfin, cherchant un moyen de te soustraire à l'obéissance de ton métropolitain, tu t'avisas d'extraire un recueil de maximes des écrits des anciens Pères, publiés avant les canons du concile de Nicée et des autres sacrés conciles et rassemblant pêle-mêle des sentences contradictoires entre elles, et contraires à l'Évangile, à l'autorité apostolique et canonique, et aux décrets du Saint Siège, tu as signé et fait signer ce recueil par les prêtres de ton diocèse, à l'insu de ton métropolitain et des coévêques de la province de Reims, voulant ainsi faire croire que tu étais libre de toute obéissance envers ta métropole, et annulais tous les privilèges du siège métropolitain comme si je n'avais a pas le droit de lever une excommunication impie dans ton diocèse, sans ton consentement et sans une assemblée synodale, quand pour certaines causes évidentes et manifestes, lesquelles certainement ne sont douteuses ni obscures pour aucun de nous, et sur lesquelles nous avons des règles précises, et qu'aucun prétexte ne peut infirmer émanées des saints Pères et par eux promulguées, je n'ai besoin d'attendre ni assemblée synodale, ni réunion des évêques de ma province, ni consentement de qui que ce soit; et ne dois m'écarter en rien, par négligence ou présomption, des règles établies, selon les préceptes du pape Léon, ni même en inquiéter aucunement le Saint-Siège, comme nous l'enseignent en leurs décrets : Innocent, Zosime, Célestin, Léon, Hilaire, Gélase, Grégoire et autres pontifes du Saint Siège apostolique. Après avoir cité les autorités du pape Gélase, il ajoute : Après la publication de ce monstrueux libelle, si monstrueusement composé, et signé par toi et les tiens, je t'ai de nouveau admonesté et sommé par lettres, dont j'ai conservé copie, de corriger et réformer tout ce que tu avais fait en ton diocèse, contre la raison et l'autorité; mais tu n'as tenu compte de mon avertissement. Ensuite tu m'as fait remettre par le vénérable archevêque Wénilon, en présence de plusieurs évêques, un exemplaire de ton Recueil des maximes des papes antérieures au concile de Nicée, portant en titre des vers en l'honneur de notre seigneur et roi Charles. Je te répondis alors par une lettre dont j'ai aussi conservé copie, pour engager encore à te soumettre et prêter foi et obéissance aux sacrés canons, et aux décrets fondés sur les canons publiés par l'autorité du Saint-Siège. Ensuite, au village d'Attigny et au diocèse de Reims je te remis en présence des évêques un livre divisé en quarante-cinq chapitres, et contenant toutes les autorités ecclésiastiques contraires à ce que tu avais recueilli dans tes deux livres; avertissant de t'abstenir de pareilles discussions et de suivre la paix et la sainteté selon l'Apôtre. Loin de faire satisfaction à mes avertissements tu m’as au contraire présenté un nouvel écrit très prolixe, contraire à la vérité et l'autorité avec un compte rendu de ton synode, ainsi que ton précédent libelle, souscrit par toi et les tiens en votre synode, lequel je conserve encore. Quand enfin je vis que je ne pouvais rien obtenir de toi après tant et d'inutiles avertissements, je me décidai enfin à présenter requête dans un synode des évêques de dix provinces, pour demander leur a avis sur ce que je pouvais faire contre ta rébellion obstinée et je fis relire en leur présence les divers écrits, messages et admonestations que je t'avais adressés ainsi qu'à ton diocèse, contre ton excommunication impie. Alors te voyant convaincu, par l'autorité des évêques, d'avoir injustement et irrégulièrement lancé une excommunication damnable et inouïe; accusé par le roi notre seigneur d'avoir violé les serments d'obéissance que tu lui avais prêtés sur les saints évangiles, et criminellement envahi ses propriétés au mépris de toutes les lois divines et humaines convaincu aussi par un Normand de l'avoir expulsé des terres à lui concédées en bénéfice par le roi Charles, avec consentement et concession de ta part, chassant sans autorisation du roi, avec une troupe de soldats, et une foule de peuple, à coups d'épée et de bâton d'abord sa femme qui était seule et sans défense, ensuite lui-même, prenant et enlevant tout ce qu'il possédait, contre toutes les lois et règlements; enfin, accusé par tes hommes même de leur avoir, contre les lois divines et mondaines, ravi leurs bénéfices; en cette extrémité, pour échapper à la censure du synode, tu ne vis d'autre ressource que de présenter au roi et à moi une protestation de légitime et régulière obéissance, que j'ai entre les mains, et que tu ne peux nier, car je t'en ai remis une copie de ma propre main en plein synode, ainsi que je te le prouverai plus loin. Mais dès le lendemain, en homme double de cœur et inconstant dans toutes tes voies, tu me fis remettre par le vénérable Harduic, évêque de Besançon, pour la reconnaître et signer, une courte déclaration ainsi conçue : Moi Hincmar, archevêque de Reims, promets et garantis à toi Hincmar, évêque de Laon, que je te conserverai tes privilèges, comme je le dois à un coévêque, et conformément aux sacrés canons, et en toutes affaires ecclésiastiques dans lesquelles tu pourrais en avoir besoin; te prêterai l'aide et assistance de mon autorité archiépiscopale, comme il est dû encore en tout droit et justice, selon les règles canoniques. Une pareille démarche n'était certainement ni d'un esprit soumis, ni d'une tête saine. Car il est injuste et déraisonnable qu'un archevêque qui n'est point sorti des bornes que lui imposent les sacrés canons, aille, comme tu le demandais, donner satisfaction par une déclaration écrite et signée, à un évêque suffragant, ordonné par lui, et sorti des bornes du devoir. Car de même qu'il est écrit que l'inférieur est béni par le supérieur, ainsi l'inférieur est jugé, lié ou délié par le supérieur, comme Gélase le démontre en ses décrets, et non pas au contraire le supérieur par l'inférieur. On peut donc justement et en toute raison te répondre avec saint Jacques : Tu as demandé et tu n'as pas reçu, parce que tu as mal demandé. Dans cette déclaration en effet, que tu me voulais faire donner et signer, pour assurer ce que tu appelais ton privilège, selon les sacrés canons, tu demandais ce que tu voulais, mais tu n'as pas su ce que tu disais; car, comme dit saint Jérôme, privilèges particuliers ne font pas loi générale. Or, les sacrés canons n'ont donné d'une manière générale aux évêques provinciaux, à leurs églises et sièges, aucun privilège, c'est-à-dire aucune loi particulière, aucun droit privé, parce que ce que la généralité des évêques possède en commun ne peut être appelé un droit spécial et une loi de supériorité privée. Mais au contraire ils ont attribué des privilèges aux évêques métropolitains et aux sièges métropolitains. Hincmar cite à l'appui de son dire divers passages des sacrés canons et des décrets du pape Léon après quoi il ajoute : C'est pourquoi, quand tu m'envoyais une pareille déclaration à signer, tu aurais dû savoir ce que presque personne n'ignore en ces contrées, que la ville municipale de Laon, depuis son origine et sa fondation, attribuée par l'histoire au préteur Macrobe, n'a jamais été comptée entre les sièges provinciaux de la province de Reims, soit sous le paganisme, soit sous le christianisme ; et que c'est à saint Rémi, quinzième archevêque de Reims, qui le premier y a ordonné un évêque, et qui enrichissant cette municipalité des biens de l'église de Reims, et la dotant du comté qui compose tout son domaine, lui concéda ainsi une partie du diocèse de Reims; mais elle n'en resta pas moins municipalité, comme toutes les autres villes municipes du diocèse, qui sont encore de rang et de nom soumises à la cité de Reims. Ce n'était donc pas un privilège que tu devais demander, mais seulement le droit de municipe, puisque, comme le rapportent nos pères et les maîtres de l'Église, l'apôtre saint Paul ne se donne pas le titre de citoyen, mais d'habitant d'un municipe disant : Je suis juif, natif de Tarse en Cilicie, municipe assez connu. Et en effet l'apôtre était né à Giscal en Galilée; mais cette ville ayant été prise par les Romains, il émigra à Tarse avec ses parents, qui renvoyèrent en suite à Jérusalem étudier les lois sous Gamaliel, homme très docte, dont il suivit les leçons, ainsi qu'il le rapporte ailleurs. C'est pourquoi il ne prend pas le titre de citoyen, mais d'habitant du municipe, de la municipalité, c'est-à-dire du territoire de la ville où il avait été élevé. Et le mot de municipe, ou municipalité, vient du mot munia, c'est à-dire tribut ou charge, parce qu'en effet les villes ainsi nommées ne font que payer tribut, ou supporter des charges, tandis que toutes les affaires et dignités qui émanent du prince appartiennent aux cités. Et il ne faut pas s'étonner si saint Paul se dit de Tarse, et non pas de Giscal, puisque Notre-Seigneur lui-même, né à Bethléem, ne fut pas appelé le Bethléemite, mais bien le Nazaréen, de Nazareth, où il avait été élevé. De même donc toi, né au diocèse de Reims, et ordonné dans la municipalité de Laon, tu ne devais pas te prétendre évêque civil ou de cité, mais seulement évêque municipal, c'est-à-dire tributaire (et plût à Dieu que ce fût des dons spirituels); et si ce n'est que tu as été ordonné par plusieurs évêques, tu devais te croire pour ainsi dire évêque-vicaire, ou chorépiscope, comme disent les Grecs, et par conséquent tu ne devais pas demander de privilège, mais le droit de municipe; et tu ne te serais pas révolté contre le privilège de ta métropole, si tu avais été un Paul selon le cœur, c'est-à-dire modeste et humble. Mais il est à craindre que tu n'imites en cela ce fils de la perdition, qui s'élève au dessus de tout ce qui porte le nom de Dieu, ou est honoré comme Dieu. Car autant qu'il a été en toi, tu lui as livré ceux que tu as irrégulièrement et injustement excommuniés; ne cherchant pas, selon le conseil de l'Apôtre, à procurer le salut de leurs âmes, mais faisant au contraire tous tes efforts, autant que ta fureur et ton indignation l'ont pu, pour qu'ils fussent perdus au jour du Seigneur. Et tu ne t'es révolté contre moi que parce que, régulièrement et contre ton coupable vœu, j'ai rompu ce lien d'impiété, comme je l'ai déjà dit, et comme il faut le répéter toujours. A ce sujet il cite toutes les autorités sur les excommunications illicites et ensuite continue : Quant aux serments que tu as prêtés au roi je n'ai pas besoin d'en rien dire, car presque tout le monde sait ce que le Seigneur dit du parjure (si toutefois tu as pu t'en rendre coupable) dans la loi et les prophètes, dans l'Évangile et par la bouche des apôtres et des maîtres et docteurs de l'Église. Et comme, ainsi que nous le prescrivent les décrets du Siège apostolique, nous ne voulons pas exagérer ce qui a été fait, dans la crainte d'être obligé de juger ce qui est juste; comme d’ailleurs les accusations qui t'ont été intentées dans le synode n'ont pas été judiciairement prouvées et que la bonté du roi a tout arrêté, je me garde de porter sur ce point un jugement canonique, et je te renvoie à ta conscience. Quant à l'envahissement des biens du roi il est manifeste, puisqu'on n'a pu prouver que ces biens aient jamais fait légalement partie du domaine de l'église de Reims, ou qu'ils aient été possédés par cette église à titre de donation ou concession, aussi a-t-on légalement et justement informé contre ton homme Tédouin, auquel tu avais donné les biens envahis en bénéfice. Il a été aussi clairement prouvé que l'accusation du Normand contre toi était fondée, et il n'a pas été besoin de témoins, car tu as mis si peu de retenue en tout ce que tu as fait contre les lois et les canons, que tout le pays en a été instruit, et qu'il ne t'est possible de couvrir ou excuser tes actions d'aucun prétexte ou subterfuge. Car c'est un fait connu de beaucoup et tu l'avoues dans tes écrits adressés au roi et à moi que lorsque le roi restitua à l'église de Laon ces biens qui lui avaient été enlevés depuis longtemps, tu les lui donnas à lui-même en bénéfice à la prière de Rodolphe et de Conrad, sans mon consentement ni celui de nos coévêques, afin qu'il les donnât ensuite en bénéfice à ce Normand. Après quelques autres preuves, il ajoute : Ce que tu avais fait illégitimement, tu l'as rompu illégitimement, puisqu'on t'a vu, ainsi du moins tous le racontent, à la tête d'une troupe de soldats et d'une foule de peuple, armés d'épées et de bâtons, exciter un affreux tumulte contre le Normand, et l'expulser violemment, sans autorisation, sans un mot, sans un écrit du roi, des biens par toi concédés au roi, et qu'il tenait du roi lui-même; et après l'avoir expulsé, tu les as envahis, tu en as pris possession tu en as joui quand il y a des lois et des règles qui disent : C'est au roi qui porte le glaive à punir les malfaiteurs; c'est aux évêques et aux canons à juger les sacrilèges. Si le Normand avait envahi les biens de l'Église, il devait être puni par le glaive, c'est-à-dire par la justice royale; s'il s'était rendu coupable de sacrilège, il devait être frappé par un jugement épiscopal et canonique. Il y a des juges, il y a des lois, par le jugement et autorité desquels il pouvait être légalement et régulière ment puni, s'il avait commis quelque injustice contre toi ou contre l'Église. Hincmar cite encore quelques autorités principalement les décrets et ordonnances de saint Grégoire après quoi il poursuit : Enfin, quant aux plaintes et réclamations adressées au roi par tes propres hommes, qui t'accusaient de leur avoir injustement et sans raison enlevé les bénéfices qu'ils avaient possédés et desservis sous tes prédécesseurs, après avoir remis au roi et à moi, en plein synode, une protestation d'obéissance conforme aux sacrés canons et aux décrets des pontifes du Saint-Siège de Rome fondés sur les canons, tu m'as demandé de te choisir des juges entre les évêques, et conformément au concile d'Afrique; je t'en ai proposé trois que tu as acceptés, savoir, Actard, Ragenolin et Jean. D'après leur jugement et le jugement de quelques autres craignant le Seigneur, il a été arrêté, en présence de notre seigneur roi, comme tu l'avais demandé, que quelques-uns des plaignants recouvreraient les bénéfices qu'ils avaient injustement perdus. La cause des autres ne fut pas définitivement jugée pour je ne sais quels incidents survenus, et fut remise à une autre délibération mais à jour fixe et toi alors, avant la décision au mépris des saints canons, sans aucune nécessité ou raison, tu as pris la fuite, et as dédaigné d'attendre le jugement canonique que tu avais réclamé. Ensuite, après quelques citations des canons : Après t'être, ainsi que je viens de le dire, imprudemment et honteusement dérobé au jugement des évêques de ton choix, tu me fis remettre, le treizième jour de juillet, troisième indiction, par ton diacre Ermenold, un placet rédigé contre toute raison et signé de ta main, contraire en tout point à ta précédente confession, et ainsi conçu : Au très révérend Hincmar, archevêque de Reims, Hincmar par la grâce et miséricorde de Dieu, évêque de l'église de Laon, salut et légitime dévotion en Jésus-Christ. Vous savez que j'ai été cité deux fois à Rome par le pape universel de la sainte Église romaine, notre père et maître, Adrien; et vous-même, dans les cahiers que vous m'avez remis au palais d'Attigny, en présence des archevêques et évêques réunis, vous m'avez blâmé de ce que je tardais de me rendre devant le Saint Siège, en ayant deux fois reçu l'invitation (si toutefois, par la faute du copiste, au mot détracteur qui signifie hésiter, différer, n’a pas été substitué le mot détracteur, qui ne saurait être admis, car loin de refuser j'ai toujours eu a cœur d'obéir) c'est pourquoi, pour l'amour de Dieu tout-puissant et pour le respect que nous devons à saint Pierre comme déjà je vous l'ai demandé sans pouvoir l'obtenir au synode convoqué par vous au même palais d'Attigny, comme je vous l'ai demandé en vain depuis une année entière, et particulièrement au synode tenu cette année même au palais de Vermerie, je vous prie et vous supplie de nouveau qu'il vous plaise employer votre autorité archiépiscopale auprès de la clémence de notre seigneur et très glorieux roi Charles, afin qu'il me soit permis d’obéir aux ordres et instructions ecclésiastiques de notre seigneur et pape universel Adrien, ainsi qu'il convient que nous lui obéissions tous, comme à celui qui a jugement et autorité sur toute l'Église afin que je puisse enfin toucher le seuil des saints apôtres Pierre et Paul, comme j'en ai fait vœu et comme le très saint Père m'y a invité et appelé. Autrement sachez que désormais il ne me sera plus possible de vous rendre canoniquement l'obéissance qu'un évêque doit à un archevêque, parce que, comme l'enseigne le bienheureux pape Gélase, ceux-là ne savent ce qu'ils disent, qui opposent les canons aux décrets des évêques du Saint Siège de Rome et aller contre leurs décrets c'est s'élever contre les canons mêmes. Le même saint et vénérable pape Gélase nous a fait un devoir de recevoir avec respect toutes les lettres décrétales et ce n'est pas les recevoir avec respect que d'incliner la tête devant le volume, lorsqu'on n'y obéit pas, ou plutôt lorsqu'on les rejette en portant sur elles une main téméraire, ce qui ne peut se faire sans grand péril; et qui agit ainsi ne voit pas qu'il porte sa propre condamnation. Car, bon gré malgré, ou nous obéirons, ou nous serons jugés par ceux entre lesquels nous ne pouvons pas, qui que nous soyons, en réprouver un seul. Quant aux archevêques Rémi et Harduic ce que vous me demandez par le diacre Teutland ne porte aucun préjudice au privilège de l'Église de Rome mais ce que le Saint-Siège a voulu et entendu leur commettre à mon sujet, c'est à eux seuls qu'il l'a commis. Quant à vous, occupez-vous de ce qui vous regarde, et portez-vous bien en notre Seigneur Jésus-Christ. Souscrit, et, de mon propre mouvement signé par moi Hincmar, évêque de l'église de Laon. Je différai de répondre à ton placet, parce que je pensais que tu te reconnaîtrais et reviendrais de ton obstination; loin de là, tu n'as fait que continuer et aggraver tes fautes. Mais je passe, pour abréger. Ensuite tu écrivis au roi par ton clerc Berthaire pour t'excuser de ne pouvoir venir auprès de lui comme il te l'avait mandé parce que tu avais la fièvre, et ne pouvais t'exposer au soleil. Mais en même temps tu lui demandais la permission d'aller à Rome, selon le vœu que tu avais fait lorsque tu avais eu la fièvre une première fois, afin qu'accomplissant ton vœu, et touchant le seuil des saints apôtres, tu pusses obtenir guérison. Le roi notre seigneur, en présence des évêques qui se trouvaient sur les lieux, te fit répondre par ton clerc, qu'il était étonnant et peu croyable que tu ne pusses venir auprès de lui et que tu eusses bien la force d'aller à Rome ; il te dit de venir le trouver, et que, s'il jugeait qu'il y eût des motifs raisonnables à ton voyage, il ne te refuserait pas la permission. Mais tu ne voulus pas venir, et ce ne fut que vers le premier septembre, troisième indiction lorsque le roi revenait à Senlis de son entrevue avec son frère Louis, que tu te décidas enfin à venir à sa rencontre mais tu ne dis pas un mot ni à lui ni à moi, ni par messagers, ni par lettres, de la permission d'aller à Rome. Et quand les messagers apostoliques vinrent à Reims, pendant sept jours tu as à toutes les heures parlé avec le roi ou avec moi et tu ne nous en as rien dit encore. Quant à ce que tu dis qu'au synode de Vermerie, et en suite à celui d'Attigny, tu m'as demandé la permission d'aller à Rome, et que tu n'as pu l'obtenir, tous les évêques qui ont assisté à ces synodes savent que, toutes les fois qu'on t'adressait quelques reproches sur tes infractions à la discipline, et que tu craignais ou un jugement canonique, ou quelque punition de la part du roi, alors tu demandais la permission d'aller à Rome. Mais dès que tu voyais le roi et les évêques apaisés et assez bien disposés pour toi, tu ne disais plus mot de la permission, comme tu fais maintenant, jusqu'à ce que, selon ton habitude et comme je m'y attends toujours avec crainte, tu n'imagines quelque nouveauté qui t'attire des réprimandes alors tu ne manqueras pas de nous répéter ta chanson accoutumée sur la permission d'aller à Rome. Quand enfin tu es venu auprès du roi ta requête, ainsi qu'un grand nombre et pour ainsi dire tout le monde le sait en ces contrées, n'a fait qu'ajouter faute sur faute et offense sur offense. Car, après avoir demandé toi-même, selon les saints canons, des juges de ton choix, pour juger des plaintes de tes hommes et diocésains, je ne sais par quelles intrigues et adroites menées tu es parvenu à arracher une ordonnance royale par laquelle, non seulement ceux dont la cause avait été renvoyée à une nouvelle délibération, mais encore ceux qui avaient obtenu jugement et gain de cause des évêques choisis pour arbitres, et en présence du roi ainsi que je viens de le rapporter, ont été, à l'insu de ton métropolitain, et sans aucun jugement épiscopal et canonique envoyés devant des juges séculiers, savoir Helmigaire, percepteur des douanes et marchés du palais; Flothaire et Ursion, maires et intendants des domaines et propriétés royales. Violant ainsi ces canons, qui ne permettent l'appel d'un arrêt de juges ecclésiastiques qu'à des juges ecclésiastiques d'autorité supérieure, et non de supérieurs à inférieurs, ni d'ecclésiastiques à des séculiers, ni enfin d'un jugement rendu par des juges choisis du commun consentement des parties. Ces juges séculiers ont révisé et réformé certains points résolus et arrêtés, et statué sur d'autres qui étaient encore à juger, séduits par je ne sais quel système de nouvelle invention sur les serments non obligatoires et inconvenants, proposé et soutenu par toi, disent les intéressés au procès et comme en conviennent tes juges séculiers, devenus eux-mêmes tes accusateurs; en sorte que ceux en faveur desquels il avait été légalement et régulièrement jugé qu'ils rentreraient dans les bénéfices dont tu les avais injustement dépouillés, en seraient, grâces à ta nouvelle invention, de nouveau ; et que ceux qui avaient été autorisés à garder leurs bénéfices jusqu'à décision légale, parce qu'après avoir toi-même demandé le jugement par arbitres, tu t'es dérobé à ce jugement, en seraient aussi dépossédés, et qu'ainsi tu parviendrais à consommer la spoliation que tu avais commencée, foulant aux pieds toutes nos règles et saints statuts; car, de même qu'il n'est pas permis dans une accusation criminelle ou civile de renoncer au jugement ecclésiastique, et de plaider devant le juge civil tu ne peux non plus, méprisant et regardant comme non avenu un jugement ecclésiastique rendu, en appeler a des juges séculiers, ni même citer ou poursuivre une personne laïque devant ses juges naturels dès qu'elle consent à subir un jugement ecclésiastique, comme prescrit la loi de Valentinien, adoptée par l'Église. Puis après avoir cité les autorités il continue : Prends garde aussi, et fais réflexion quels ont pu être les motifs du roi pour céder à ta demande, et dans quel dessein t'avoir vu demander et recevoir des arbitres, conformément aux sacrés canons, il a pu, sans le consentement de ton métropolitain et sans aucun jugement ecclésiastique, t'accorder des juges séculiers pour réviser ce qui avait été jugé, et statuer sur ce qui restait encore à examiner. Pour moi je sais, à n'en pas douter, qu'il connaissait le jugement canonique et je m'étonne et m'afflige que tu n'aies pas voulu le voir, ou que tu ne l'aies pas pu, frappé du jugement de Dieu, et aveuglé par ton arrogance. Frotte donc tes yeux de collyre selon le conseil de Jean dans l'Apocalypse, afin de voir, et d'arracher des yeux de ton esprit, c'est-à-dire de ton intelligence, la taie d'arrogance qui les couvre ; réfléchis, et tremble que le roi ton seigneur, que tu as si souvent exaspéré et irrité connaissant les jugements et la parole de Dieu, n'ait consenti à tes désirs que dans l'intention d'attirer sur toi les sentences terribles portées contre ceux qui ont la tête dure et sont indomptables de cœur : Que celui qui fait l’injustice la fasse encore; que celui qui est souillé se souille encore. Je les ai abandonnés aux désirs de leur cœur, et ils marcheront dans des voies qu'ils ont inventées eux-mêmes. Ces choses ne sont-elles pas renfermées dans les secrets de ma connaissance, et ne les tiens-je pas scellées dans mes trésors? C'est moi-même qui me vengerai, et je leur rendrai en son temps ce qui leur est du. Le jour de leur perte s'approche et les moments s'en avancent. Puisque, sous le poids de si grandes et nombreuses transgressions, tu ne cesses de me provoquer pour que je réponde à ce placet dont j'ai parlé, et auquel j'ai toujours différé de répondre jusqu'ici ainsi qu'à toutes tes déclarations et protestations, quoique sans cesse harcelé, je vais le faire enfin afin que ceux qui liront l'histoire de tes professions et protestations, si toutefois il est quelqu'un qui les ignore, en connaissent et en apprécient l'exactitude, la prudence et l'utilité. Et d'abord, quant à ce placet signé de ta main, où, pour te justifier, tu rappelles que tu as été repris et admonesté par moi, et où tu montres que je suis répréhensible; voici ma réponse : Je me ris de ta critique et de ta censure lorsque faisant semblant de m'excuser, et t'en prenant au copiste tu cherches avec ta ruse ordinaire à me couvrir de ridicule en faisant croire que je n'entends pas le sens du mot "detrectem" dont je me suis servi dans un de mes écrits, ou que je ne sais pas corriger les fautes de mes copistes ou enfin que je néglige de les revoir. Sans doute, nouveau fils de Noé, tu as voulu faire briller ta science aux dépens de ton père non seulement dans l'explication de ce mot, mais dans un autre encore que j'ai trouvé répété avec ostentation dans tes diatribes mais en voulant montrer mon ignorance tu as pris soin de faire éclater ta folie aux yeux des scolastiques. Je n'aurais donc rien à dire pour moi car que me fait d'être jugé par toi, ou d'être repris sans affection ni égard par ta science? Mais pour que tu n'ailles pas, auprès de ceux qui comme toi sont à l'affût d'un peu de bruit te glorifier de m'avoir fermé la bouche et réduit au silence homme incomparable et qui seul de nos jours as pénétré dans les trésors de la sagesse et de la science ! quand j'aurai le temps, car aujourd'hui je veux abréger, je te montrerai ce que les auteurs des règles de l'art grammatical ce que les maîtres de l'orthographe et les interprètes de l'Écriture sainte pensent et disent à ce sujet. Puis, après quelques mots encore sur le même objet, il poursuit : Il est encore beaucoup d'autres autorités tirées des saints canons et des décrets du Siège apostolique, qu'il me serait trop long de rapporter ici, et que tu peux relire dans un opuscule de cinquante-cinq chapitres que je t'ai adressé pour ton avertissement, ta correction et ton instruction ainsi que les lettres que je t'ai écrites pour réprimer ta témérité contre la vérité évangélique, l'autorité apostolique et canonique, et les décrets du Saint-Siège, source de perdition pour toi et pour plusieurs, comme l'ont approuvé en synode une foule d'évêques, enfin toutes les lettres et autres écrits que je t'ai adressés, ou pour réprimer tes révoltes, ou pour avertir et instruire ta Dilection, et t'exhorter à agir selon la parole du Seigneur. Que demande de toi le Seigneur ton Dieu, si ce n'est que tu craignes le Seigneur ton Dieu, que tu fasses sa volonté, et que tu obéisses à ses commandements? Crois-moi mon frère, relis tous ces écrits avec sollicitude et intention de cœur et réfléchis à ce que tu m'as dit dans tes dernières lettres que désormais il n'était plus possible de m'obéir, comme le doit canoniquement tout évêque à son archevêque remets en même temps sous tes yeux ce que tu as déclaré et signé de ta propre main en présence des évêques de dix provinces savoir, que tu promettais et faisais profession d'obéir, autant que tu le saurais et pourrais, au privilège du métropolitain de la province de Reims conformément aux sacrés canons et aux décrets du Siège apostolique, promulgués d'après les sacrés canons. Dis-moi donc mon frère dis moi quand, où et en quoi je t'ai requis ou t'ai voulu forcer de m'obéir en quelque chose contre ces saintes règles? moi qui n'ai jamais recherché tes biens, mais ton bien selon le précepte de l'Apôtre, et, qui grâces à Dieu, suis prêt à te pardonner toutes mes injures, c'est-à-dire celles faites à ma personne, comme je fais chaque jour, en priant Dieu pour toi avec dévotion. Mais quant aux outrages à l'ordination divine que commet ton indiscipline et ton insolence, en ne voulant cas te soumettre aux privilèges métropolitains et qui retombent sur celui qui a institué les canons par son Saint-Esprit, que nous en croyons l'auteur et le promulgateur, je ne puis ni dois les supporter et je les poursuivrai tant que je pourrai; car de même que le soin et la primauté de toute l'Église catholique a été confiée au pontife du Saint-Siège de Rome, ainsi à chaque métropolitain et primat de province a été remis le soin de sa province, par les sacrés canons émanés de l'Esprit de Dieu, et consacrés par le respect du monde, etc., etc. Suivent encore diverses réflexions sur les professions et déclarations du même Hincmar de Laon, sur les réprimandes à lui adressées, et ainsi jusqu'à la fin de l'ouvrage. Il lui adressa aussi un autre ouvrage qui commence ainsi : Hincmar, évêque de Reims, à Hincmar, évêque de Laon. L'homme accablé de douleurs par ses ennemis dit : Ceux qui me rongent ne dorment pas. C'est comme s'il disait, ne me laissent aucun repos. Ainsi toi, mon frère, tu ne cesses de me percer des traits de ta langue, et de m'infecter du poison de tes écrits, en me provoquant à la colère. Mais celui qui a su préserver son serviteur des murmures peut aussi, tout fragile et pécheur que je suis, mais plein de confiance en lui, me préserver de la rancune et du ressentiment contre tes fausses accusations. A tant d'autres douleurs que tu m'as causées, tu viens ajouter une nouvelle blessure, en disant dans tes écrits pervers que je désobéis au pouvoir du Siège apostolique. Aucun homme sensé ne t'a jamais cru et ne te croira jamais car les écrits que j'ai adressés au Saint-Siège, et ceux que je t'ai adressés à toi-même dans tes révoltes, te convaincront de fausseté devant le siècle présent et devant l'avenir. Jamais en aucun lieu, en aucun temps, tu ne pourras prouver que tu dis la vérité, lorsque tu t'écries contre moi : Ceux qui devraient combattre jusqu'à la mort pour les privilèges du Siège apostolique, lesquels viennent de Jésus-Christ, sont ceux-là mêmes qui prêchent et enseignent que ce qu'il a décrété doit être rejeté. C'est bien plutôt toi qui es convaincu de révolte contre le Saint-Siège, toi qui, après avoir reçu un premier, un second, un troisième avertissement, conformément aux canons des sacrés conciles, approuvés par le premier et souverain Siège et toute l'Église catholique comme réellement émanés de l'Esprit de Dieu et consacrés par la vénération du monde, et aux décrets du Saint-Siège promulgués d'après ces sacrés canons, as refusé d'obéir aux privilèges de ton métropolitain, et de briser le lien d'impiété dont, au mépris de la vérité évangélique, de l'autorité des apôtres et des prophètes, au mépris des sacrés canons et des décrets du Saint-Siège tu as chargé ton église à ton grand péril et à celui de plusieurs, toi qui forcé de comparaître au synode devant les évêques de dix provinces nous a présenté une protestation d'obéissance pour l'avenir, signée de ta propre main et que je conserve, et n'as pas craint ensuite de la rétracter. Pour moi, au contraire, je reçois avec respect, et je dis et j'écris que tous doivent de même les recevoir avec respect les lettres décrétales du Siège apostolique données à diverses époques par les souverains pontifes pour consoler ou conseiller différents pères de notre église; j'observe et maintiens les canons des sacrés conciles et les décrets du Saint-Siège, promulgués d'après les sacrés canons, comme aussi je prêche qu'ils soient observés et maintenus; et quand tu dis que tu entends contredire les jugements du pape Nicolas, si c'est de moi que tu veux parler, tu dis un mensonge, car je ne me suis opposé à rien de ce qu'il a décidé au sujet de Rothade et de Vulfade; au contraire, je me suis empressé d'obéir. Quant à ce que tu dis de Rothade, que tu n'as pas consenti à sa déposition, ton propre seing te convaincra de mensonge, car je n'ai rien fait que tu n'aies fait avec moi, rien jugé que tu n'aies jugé, rien signé que tu n'aies signé, et j'ai entre mes mains toutes tes déclarations et approbations. Vers la fin de ce même ouvrage, on trouve ce qui suit : Quant aux autres reproches mensongers que tu me fais dans l'écrit que tu m'as remis à Attigny, je dédaigne d'y répondre mais sache pourtant que je n'ai pas oublié ce qui est écrit dans le prophète Isaïe, que le saint roi Ézéchias, pressé d'angoisses, déploya dans le Temple les lettres blasphématoires qu'il avait reçues, cria vers le Seigneur, et fut exaucé. J'étendrai mes mains vers le Seigneur avec les lettres blasphématoires et les écrits orgueilleux que j'ai reçus de toi et je le supplierai que quand il jugera et quand il voudra, comme il jugera et comme il voudra, il te convertisse à l'amour de la véritable paix, de la charité et de l'obéissance et me délivre des lèvres méchantes et des langues menteuses; et par les mérites et l'intercession de notre bienheureuse et glorieuse reine Marie, mère de Dieu, par les prières de saint Rémi dont tu braves et méprises le privilège, celui en qui je mets mon aide m'exaucera dans ma tribulation. Et comme saint Grégoire a dit à ceux dont tu as si gratuitement rempli le rôle contre moi : Écoutez, mes chiens, toi qui de mon fils es devenu mon frère ensuite mon coévêque et enfin as poussé l'orgueil de ton élévation jusqu'à te faire mon chien, reçois cette longue réponse, devenue nécessaire à ton pervers placet de révolte et d'obstination. Quand j'aurai le loisir je répondrai plus succinctement à tes autres libelles pernicieux et insensés, où m'accusant tantôt faussement et mensongèrement, tantôt contre toute justice et raison, tu feins l'humilité, et ne respires que l'orgueil; et puisque je lis que le Seigneur a dit : Je ne m'irriterai plus désormais, je n'aurai plus, j'espère, à prolonger l'altercation qui nous occupe, et j'y mets fin dans cet écrit. Tu me dis que les hommes disent de moi : Quel est donc cet oncle qui écrit de telles choses à son neveu? Les hommes aussi disent de toi : Quel est donc ce neveu qui tiré de son obscurité par son oncle, et élevé par lui au degré d'honneur où il est aujourd'hui, exige de telles choses de son oncle et le force, pour ne pas être estimé par les autres tel que son neveu le dépeint, pour empêcher que le nom du Seigneur ne soit blasphémé par lui, et que son ministère ne soit blâmé, à suivre malgré lui l'exemple de l'Apôtre écrivant contre les Corinthiens qui blasphémaient contre lui et s'efforçaient de l'avilir aux yeux des peuples? le saint docteur, en se faisant reconnaître tel qu'il était, frappa de mépris la vie et la langue de ses calomniateurs; il les eût accrédités s'il se fût tenu en silence; et s'il ne se fût pas montré, il aurait donné lieu à l'erreur. Les hommes aussi disent de toi : Quel est donc ce neveu qui pratique de telles menées contre son oncle qui l'a élevé et l'a fait évêque, qui lui fait autant de mal qu'il peut, voudrait en faire plus qu'il ne peut? ainsi que tu le verras manifestement au jour du grand jugement, si auparavant tu ne te reconnais, et n'effaces tes fautes par de dignes fruits de pénitence. Tu m'as bien fatigué, je le méritais, je ne te le reproche pas, mais je me console de mes fatigues avec ce que dit saint Grégoire : "L'Éthiopien entre noir au bain, et il en sort noir ; cependant le baigneur ne perd pas le loyer de son bain". Et je crains bien qu'il n'arrive à mon Alexandre ce que saint Paul disait du sien Alexandre : l'ouvrier en cuivre m'a fait beaucoup de maux, le Seigneur lui rendra selon ses œuvres. [3,23] CHAPITRE XXIII. Hincmar adressa aussi plusieurs lettres à Alfred, évêque de Germanie, au sujet des biens de saint Rémi situés en Thuringe et dont il lui avait confié l'administration; une entre autres, pour le prier de lui en faire passer les revenus à la première occasion favorable; il insiste sur l'injonction faite par saint Rémi pour qu'aucun des colons ne soit opprimé ni surchargé en son service ; une autre fois, pour l'avertir qu'il vient de donner ces biens en bénéfice à un de ses hommes, et le prier de lui accorder tous les secours dont il pourrait avoir besoin; — item à Advence, évêque de Metz sur une question de foi sur laquelle cet évêque lui avait demandé son avis; — item sur le voyage qu'Advence devait faire à Rome; — item sur son arrivée au synode convoqué par le roi, pour y traiter la question dont nous venons de parler; au sujet du fils d'une de ses nièces qu'il lui avait confié; — item en réponse à ce qu'Advence lui avait demandé au sujet d'Hincmar évêque de Laon; il y rappelle en peu de mots les bienfaits dont il a comblé son neveu, et l'ingratitude dont il est payé; — item en réponse à la lettre qu'il lui avait adressée pour lui demander conseil sur la conduite qu'il devait tenir, Charles venant envahir le royaume du roi Louis son seigneur Hincmar lui expose ce qu'il avait fait lui-même, quand Louis avait envahi le royaume de Charles, et lui conseille de l'imiter ; — item pour accélérer l'ordination de Bérard, évêque élu et nommé de l'église de Verdun; — item au sujet de l'excommunication de Carloman, qu'il lui transmet, avec des instructions sur la manière dont il doit se conduire au sujet des messagers qu'Advence avait envoyés à Rome pour y soutenir les intérêts de Bertulfe, archevêque de Trèves; il témoigne son étonnement qu'il ne lui ait pas fait part de la réponse qu'ils lui ont rapportée au sujet des lettres du roi Louis, qu'Advence lui avait fait parvenir, et pour d'autres que lui-même Hincmar lui adresse, pour qu'il les fasse passer ou les remette lui-même au roi Louis) ; — item en réponse aux lettres par lesquelles Advence lui annonçait le retour de ses envoyés de Rome et l'octroi du pallium accordé à Bertulfe par le Saint-Siège, et en même temps l'exhortait à maintenir la concorde entre leurs deux rois; Hincmar lui fait connaître tout ce qu'il a fait dans cette vue et ce qu'il se propose de faire encore il lui répond aussi, au sujet d'un mulet qu'il lui demande, qu'il n'a point de bête de cette sorte, qu'il n'en monte jamais; il lui parle aussi de diverses autres choses; en réponse à ce qu'Advence lui avait mandé, qu'il venait d'excommunier quelques malfaiteurs de l'église de Metz, vassaux des comtes Walther et Lambert il lui recommande d'user avec discrétion de l'excommunication, et de ne s'écarter jamais de la réserve apostolique et de la patience épiscopale ; — item sur l'ordre à suivre dans la consécration d'un métropolitain et d'un évêque diocésain. A Ercamrad, évêque de Châlons, pour lui faire des reproches sur quelques rapports peu favorables qu'il a reçus sur son compte il l'avertit et l'instruit de quelle manière il doit se conduire, et l'engage à suivre avec fidélité les préceptes apostoliques; — item en faveur des habitants d'un village qu'il avait injustement privés de toutes les consolations du ministère sacré, à cause d'un homicide dont ils n'étaient pas les auteurs ; il lui prouve qu'en agissant ainsi, il n'a gardé ni les lois de la charité, ni la modération d'une sage prudence; — item pour obtenir l'absolution d'un excommunié en faveur duquel Gunther, évêque de Cologne, lui avait déjà écrit une lettre de supplication qu'il n'avait pas voulu recevoir: il lui remontre quelle doit être la conduite d'un évêque envers les pécheurs rebelles, mais quelle aussi envers les pécheurs repentants. A Hilmerade, évêque d'Amiens, au sujet d'un moine qui avait tue un prêtre et un moine au monastère de Saint-Riquier, et pour lequel le pape Nicolas avait adressé à Hincmar des lettres prescrivant la pénitence à laquelle il devait être soumis ; — item au sujet des lettres que le pape Adrien lui avait écrites sur un certain prêtre; il l'engage à obéir aux ordres apostoliques ; — item en faveur d'un prêtre qui réclamait sa protection, parce qu'Hilmerade lui avait enlevé son église et ses revenus, pour avoir, en arrachant les armes des mains à un homme ivre qui voulait le percer, terrassé cet homme, et ensuite pris la fuite; il lui reproche d'avoir agi contre l'autorité des saints canons, et lui prescrit ce qu'il a à faire pour ne s'écarter en rien des règles canoniques; — item pour lui reprocher de se reposer dans les langueurs d'une funeste négligence et d'écouter de mauvais conseils quand par son âge et ses infirmités, il semble toucher au terme de sa vie : il lui montre, d'après les préceptes des saintes Écritures, de quelles infractions il s'est rendu coupable; — item au sujet d'un certain prêtre, il lui ordonne, au nom de l'autorité métropolitaine, de ne faire aucun préjudice à ce prêtre, et de se présenter devant lui, à jour fixe et précis, au synode qu'il vient de convoquer; — item sur le même sujet, pour lui intimer que s'il ne comparaît pas au synode, selon l'ordonnance du pape, lui Hincmar sera obligé de faire exécuter les mesures que le synode aura cru devoir prendre contre lui. A Isaac de Langres, au sujet d'un homme d'armes du roi que cet évêque avait excommunié ; il lui conseille de le traiter avec plus de douceur, à cause de la nécessité des circonstances et des incursions des païens ; il lui expose de quelle manière il se conduit dans de pareilles excommunications, et comment il ne laisse durer l'anathème que tant que le coupable persévère dans son péché ; — item au sujet de ses neveux qui avaient été élevés à Reims, auprès de lui Hincmar, et sur divers autres objets. A l'évêque Hungaire, au sujet de l'excommunication de Baudouin, qui avait enlevé la veuve Judith, fille du roi, en avait fait sa femme, et avait été pour cette cause excommunié par les évêques du royaume; il l'engage à faire défense au Normand Roric, nouvellement converti à la foi chrétienne, de donner asile à Baudouin et de lui prêter secours et en même temps à exiger de ce chef une pénitence convenable, en expiation des ravages qu'une troupe de cent Normands, avait, disait-on, exercés en France par son conseil, depuis sa conversion à la foi de Jésus-Christ. A Fulcric, évêque de Troyes, élève de l'église de Reims, pour le remercier de l'envoi qu'il lui avait fait de quelques lettres de saint Augustin, et en même temps au sujet du livre de Didyme, que Fulcric lui demandait ; — item touchant les églises du monastère d'Orbay, il l'engage à ne jamais se permettre la moindre action perverse contre sa mère l'église de Reims, et son patron saint Rémi. A Eudes de Beauvais, qu'il appelle souvent son fils chéri, beaucoup de lettres pleines de confiance et d'affection. Une entre autres au sujet d'une lettre que le pape Adrien lui avait adressée sur l'appel formé à Rome par un prêtre du diocèse d'Amiens ; il prie Eudes de se charger de faire son possible auprès de l'évêque Hilmerade pour l'engager à obéir aux ordres du pape, et à traiter avec prudence et circonspection les écrits que ce prêtre avait rapportés de Rome ; — item au sujet des discordes existant entre certains hommes du roi, afin qu'il les somme de rester en paix, et leur déclare que, s'ils n'obéissent à ses conseils, ils seront excommuniés par lui Hincmar ; — item au sujet d'un synode que le roi avait convoqué en temps inopportun, il lui demande son avis sur ce qu'il doit faire; il le prie aussi de lui transmettre la réponse que le roi a faite relativement à ses hommes et vassaux qu'il avait menacés de son excommunication ; il traite encore en cette lettre de plusieurs autres objets importants de différents écrits, des questions élevées par les Grecs, des Homélies de saint Pierre, etc. au sujet des réponses qu'Eudes avait faites aux objections et reproches des Grecs, et qu'il lui avait envoyées, il rend grâces à Dieu de ce qu'ils sont tous deux animés du même esprit, et lui exprime le désir d'avoir un entretien avec lui pour lui dire ce qu'il a pensé sur ce sujet il le prie de l'excuser auprès du roi de ce que, retenu par diverses infirmités, il n'a pu se rendre auprès de lui comme il l'aurait désiré pour remplir son service, il revient encore sur les vassaux en discorde, pour qu'il les somme de nouveau de rentrer en paix il le félicite d'avoir, en homme qui aime Dieu et son frère, exécuté avec un zèle et une dignité toute épiscopale ce qu'il lui avait recommandé dans ses lettres à ce sujet; il l'engage à avertir le roi, et ensuite à user de toute la plénitude de son ministère, il lui demande aussi de lui faire réponse sur diverses affaires qu'il a avec le roi; il lui expose aussi, en le priant d'en faire part secrètement à l'évêque Jean, diverses raisons pour lesquelles le synode convoqué par le roi ne doit pas être tenu et pourquoi il ne doit pas être convoqué à cette époque, enfin il ajoute quelques mots sur certains écrits qu'il lui renvoie, et d'autres qu'il le prie de lui renvoyer ; — item au sujet de l'ordination de Willebert, auquel le roi avait donné l'évêché de Châlons ; il l'avertit de prendre garde à ne s'écarter en rien des règles prescrites dans l'ordination de cet évêque, et l'instruit qu'après la mort de leur évêque ceux de Châlons ont, contre toute règle, pourvu eux-mêmes à leurs nécessités ; qu'ils ont envoyé leurs lettres au roi pour l'élection de Willebert, mais qu'ils ont négligé d'envoyer leur arrêté à leur archevêque, comme ils devaient le faire, afin qu'il fit toutes les dispositions canoniques exigées en pareille circonstance ; il lui fait voir de quelle manière ils auraient dû se conduire pour être en tous points fidèles à la règle; mais puisqu'ils n'en ont pas agi ainsi, il lui expose ce qu'il croit plus prudent et plus convenable de faire désormais, lui recommandant de bien faire attention à ce que toutes les règles soient observées dans l'élection, et se fiant du reste à sa sagesse pour la conduire comme il jugera convenable ; — item au sujet d'une partie du diocèse d'Eudes, qui était disputée entre lui et Rothade, évêque de Soissons, et en même temps au sujet d'un prêtre qui avait apporté de Rome une lettre du souverain pontife il le prie d'avertir le roi, et d'employer toute l'influence qu'il a sur son esprit pour le détourner de rien faire contre le Seigneur dans l'Église de Dieu et dans l'ordre épiscopal, affirmant que ce n'est pas tant à cause de son neveu Hincmar qu'il dit cela que dans l'intérêt du roi, son seigneur, pour lui éviter de commettre quelque péché qui causerait sa mort éternelle; — item pour la correction d'une lettre qu'il lui avait écrite et qui avait été altérée et remplie de fautes par un copiste ignorant, et sur les accusations portées contre lui par son neveu Hincmar, cause de ses chagrins; — item au sujet des lettres qu'il adresse au roi touchant ce même Hincmar; il prie Eudes de les présenter lui-même, de lui dire de quelle manière elles ont été reçues, et si le roi les approuve; enfin il lui demande réponse sur une foule d'autres choses qu'il désire savoir ; — item touchant le procès de l'évêque Erpuin qui ne pouvait se rendre au synode devant lequel il était cité; il charge Eudes de décider entre cet évêque et ses accusateurs, et, s'il ne peut terminer entièrement l'affaire, de renvoyer Erpuin et ses accusateurs au prochain synode qui doit se tenir à Pistes avec injonction de ne pas manquer de comparaître; — item touchant une lettre qu'Eudes lui avait écrite et dans laquelle il lui annonçait la révolte de certains moines contre la sainte discipline, et aussi touchant les privilèges du monastère de Corbie; — item sur son voyage auprès du roi ; — item pour rendre grâces au Seigneur, et le féliciter lui-même de la douceur avec laquelle ses lettres donnent satisfaction de quelques torts qu'il lui avait reprochés ; — item pour l'élection d'un évêque à Soissons, après la mort de Rothade; — item pour une assemblée synodale sur la réponse à faire à l'épître du pape Adrien ; — item au sujet des lettres du roi portant ordonnance de convocation des évêques du royaume par l'archevêque et seigneur Hincmar, afin qu'ils eussent à pourvoir aux moyens de punir et réprimer la révolte de Carloman contre son père ; — item pour l'ordination d'Anségise, moine du diocèse de Reims, à l'évêché de Sens; — item au sujet de l'Histoire de la naissance de la sainte Vierge Marie, et de l'homélie de saint Jérôme sur cette bienheureuse mère de Dieu lesquelles un moine de l'abbaye de Corbie prétendait ne devoir pas être reçues : Hincmar oppose en réponse que cette Histoire de la naissance de la Vierge nous a été donnée comme bonne à lire, mais non comme autorité; quant à l'homélie de saint Jérôme ; il soutient qu'elle a été dûment et catholiquement composée par lui, ainsi que le démontrent le style, la sagesse du sens et la droiture de l'intelligence, et comme aussi en fait foi le témoignage certain de ceux qui l'ont apportée des contrées de l'Orient en nos pays, il ajoute aussi, au sujet du livre d'Eudes sur les reproches que nous font les Grecs, qu'il y a noté quelques passages qui sont à revoir et à corriger, et il les lui rapporte; — item pour l'ordination d'Hédenulfe au siège de Laon, depuis longtemps vacant, conformément aux ordres du pape Jean ; — item touchant la lune pascale et le livre composé sur ce sujet par l'abbé Adalard ; — item sur le même sujet il rend grâces au Seigneur de la sollicitude avec laquelle Eudes a recherché l'observation mystique de la solennité de Pâques etc.; — item au sujet de son voyage au concile indiqué par le pape Jean, pour l'inviter à y venir lui-même ; — item touchant la révision du jugement rendu par Eudes et Hédemilfe sur le monastère d'Aurigny, et sur le gouvernement de l’abbesse Ricoare laquelle avait usurpé ce monastère contre toutes les lois; il le prie de conseiller au roi de ne rien faire qui puisse le mêler et impliquer dans les péchés d'autrui; — item de son prochain voyage pour comparaître non plus devant les rois de la terre, mais au tribunal du Roi éternel, devant lequel ses continuelles maladies ne tarderont pas, dit-il, à le conduire pour l'ordination d'Hétilon, que le peuple de Noyon s'était choisi pour évêque enfin sur mille autres objets. A Hildegaire évêque de Meaux au sujet de quelques-uns de ses diocésains qui avaient commis un meurtre dans le diocèse de Reims ; il l'engage à employer tous les secours et moyens possibles pour les sauver, l'assurant qu'il l'aidera lui-même de tout son pouvoir pour leur obtenir paix et conciliation ; — item un traité sur le jugement par l'épreuve de l'eau froide. A Jean de Cambrai qui, partant pour Rome, lui demandait des lettres de recommandation pour le pape Adrien; il lui répond que, s'il ne veut aller à Rome que pour rendre obéissance à César, et de manière que l'obéissance à César ne soit pas contraire à l'obéissance due à Dieu, il est tout prêt à lui donner des lettres; mais que s'il y va seulement pour la cause du roi Lothaire, et le procès qui s'agite depuis si longtemps entre lui et sa femme, il se gardera bien de lui en donner, parce qu'il ne le pourrait sans se rendre coupable et blesser ses devoirs surtout lorsque, tout récemment encore, le pape Adrien lui a fait remettre des lettres de son Autorité par Actard, évêque de Nantes, en lesquelles il lui mande qu'il est dans l'intention de soutenir le combat où le Saint-Siège à été engagé par ses prédécesseurs Benoît et Nicolas, et lui enjoint de ne pas consentir à ce qu'aucune atteinte soit portée à ce qui a été fait en cette affaire et lui intimant comment Waldrade a été excommuniée; il ajoute qu'il ne peut lui donner des lettres de congé de ses coévêques surtout pour un voyage dont il ne connaît pas les motifs ; — item à l'occasion de la mort du roi Lothaire; il l'engage à se rendre sans délai auprès du roi Charles ; — item au sujet d'un certain prêtre du diocèse de Cambrai qui s'était châtré lui-même, après en avoir plusieurs fois reçu l'ordre dans des visions, et ignorant les peines portées par les saints canons contre une pareille action il lui conseille de rechercher avec soin de quelle manière les choses se sont passées; et en attendant, de souffrir par indulgence ce prêtre dans son rang et grade, jusqu'à ce qu'en synode provincial, il ait été décidé ce qu'on doit penser d'un acte qui n'est contraire ni aux préceptes de l'Évangile, ni aux décrets des saints Pères; — item pour le remercier des nombreux services qu'il lui a rendus, et pour le prier de rechercher un sermon de saint Augustin sur la chute d'un moine et d'une veuve; de le lui envoyer pour qu'il le fasse copier, ou de le faire copier lui-même, et de le lui apporter au prochain synode il le prie aussi de lui apporter au même synode l'exposition de Bède sur les Proverbes de Salomon il lui annonce que le pape de Rome a adressé au roi Charles et aux évêques du royaume divers mandements sur lesquels il est nécessaire de délibérer en synode, et qui ont fait que le roi a écrit à son tour aux métropolitains, pour qu'ils eussent à convoquer leurs coévêques à ce synode; — item pour une partie des dîmes que cet évêque avait, disait-on, enlevée à une ancienne chapelle royale, et transférée à une nouvelle qu'il venait de faire bâtir; il l'engage, si réellement il en a agi ainsi, à remettre tout sur l'ancien pied, parce que ce changement est contraire aux règles ; — item en faveur d'un prêtre qui en avait appelé au siège de Reims, et accusait son évêque de lui avoir porté préjudice, en le privant de ses biens, et lui interdisant le ministère sacerdotal, sans qu'il eût fait aucun aveu, ou qu'il eût été régulièrement condamné; seulement pour s'être trouvé en un tumulte où des meurtres avaient été commis, et où il avait été forcé de prendre les armes pour sa propre défense, où enfin il avait blessé un homme, lequel toutefois n'avait pas succombé à sa blessure. Hincmar montre, d'après l'autorité des saintes Écritures, quelle discrétion doit être gardée en une cause de ce genre, et quels chapitres des sacrés canons doivent être appliqués. Il a écrit encore à cet évêque sur d'autres objets. A Ragenolin de Noyon, pour un prêtre qui lui avait apporté des lettres du pape Adrien, par lesquelles ce pontife lui enjoignait que si Ragenolin différait de réformer ce qu'il avait fait d'injuste contre ce prêtre, après une première et une seconde admonition, il eut à l'amener à satisfaction en le frappant de l'autorité canonique c'est pourquoi Hincmar lui mande d'obéir aux ordres du pape, et lui déclare que tels mandements ne viennent du Saint-Siège contre lui et quelques autres que parce que dans le jugement de ceux qui leur sont soumis, ils ne suivent point le sentier de prudence qui leur est tracé par les canons, et négligent de recourir à l'autorité métropolitaine en lui soumettant la question et obéissant à ses décisions; — item pour l'engager à visiter l'église de Térouane après la mort de l'évêque Honfroi, selon l'ordre du roi; — item au sujet d'un certain Rothade, ami de Ragenolin, qui se plaignait d'avoir perdu par sa fraude un dépôt qu'il avait confié à sa foi il le conseille sur ce qu'il doit faire pour éviter que l'affaire soit portée devant le synode. A Willebert de Châlons, qui l'avait consulté sur les mesures qu'il devait prendre contre le comte Gangulfe pour le punir de certains délits dont il niait les uns et avouait les autres; Hincmar lui conseille d'agir avec douceur, selon les préceptes de l'Apôtre, d'accomplir la loi de Jésus-Christ, c'est-à-dire la charité; d'essayer par tous les moyens possibles de ramener le comte à satisfaction et à dilection de son évêque, en faisant éclater envers lui toute sa bénignité ajoutant qu'il est convenable qu'au commencement de son pontificat il se recommande par sa dévotion et sa charité; — item pour un prêtre prévaricateur, afin que, suivant le conseil de saint Grégoire, il procède à son absolution, selon la sentence des prophètes sur la confession du pécheur repentant, et des apôtres sur le jugement et le pardon quant au comte dont nous avons parlé plus haut, et qui lui annonce maintenant être tout-à-fait repentant de ses fautes ; il l'engage à le recevoir avec bonté, imitant l'exemple du père de l'Evangile qui reçoit avec joie l'enfant prodigue, et à traiter le vicomte, chargé de procurer la paix entre le comte et lui, avec d'autant plus de bienveillance qu'il le reconnaîtra pour un fils de Dieu, selon la vérité de l'Évangile; — item touchant deux salières d'or que le roi envoyait à Saint-Étienne, et touchant une croix d'or enrichie de reliques de saints, dont la reine faisait don à l'autel du même saint; — item pour lui donner l'ordre d'informer, conformément aux volontés du roi, sur le différend élevé entre les évêques Eudes et Rothade; — item pour l'ordination d'Arnold, évêque de Toul, pour qu'il aille au devant d'Advence et de Bérard, en route pour le même objet, et que tous trois, ils célèbrent l'ordination au pays de Metz, suivant l'ordre du roi pour l'engager à se joindre à Eudes, pour décider le roi à convoquer un synode provincial ; — item en réponse à la question qu'il lui faisait pour savoir si, en cas de nécessité, on pouvait faire d'un moine un archidiacre; — item pour un de ses hommes excommunié par lui, et qu'il le prie d'absoudre au plus tôt, parce qu'il l'avait trop légèrement lié d'anathème; — item sur l'invitation au synode du pape Jean, envoyée par l'empereur Charles et transmise par Willebert il l'engage à la faire parvenir à ses voisins les évêques Bérard et Arnold, etc., etc. A Hildebald de Soissons au sujet d'une église contestée entre lui et Eudes, évêque de Beauvais, et que le roi voulait faire détruire; — item pour l'ordination de quelques ministres au monastère d'Orbay, et touchant certains frères qui étaient sortis du monastère contre toutes les règles, et y avaient été ensuite reçus de nouveau ; — item au sujet de quelques prêtres du monastère de Saint-Crépin, touchant lesquels le pape Jean avait écrit à Hincmar, et qui avaient été condamnés à ne jamais sortir du cloître: il le prie de tempérer paternellement cette sévère punition; — item pour l'ordination d'Hadebert à l'épiscopat de l'église de Senlis; — item touchant des lettres du pape Jean, apportées par un prêtre en accusation, et qu'il prétend être en opposition manifeste avec les sacrés canons et les décrets des saints Pères : il lui donne de salutaires conseils sur la manière dont il doit se conduire pour l'engager à venir avec lui trouver le pape Jean, qui était venu à Troyes pour régler certaines affaires pour le couronnement des deux jeunes rois fils de Lothaire : les évêques, les abbés et les comtes qui étaient auprès des jeunes princes avaient mandé à Hincmar de leur envoyer ses lettres et un messager en conséquence, il écrit à Hildebald de se rendre auprès d'eux, et d'accompagner de ses vœux et de ses prières tout ce qu'ils feraient avec l'aide et l'inspiration de Dieu; — item pour l'engager à se réunir à lui avec les évêques Walther, Gislebert et Angelin, pour exécuter le jugement du pape Jean sur Hédenulfe et Hincmar, évêques de Laon, conformément aux sacrés canons. Il adressa aussi à Hildebald, dans une grande maladie, une lettre de consolation et d'encouragement, dans laquelle, selon la demande qu'il lui avait faite dans une lettre de confession, il lui donne l'absolution et le réconcilie au Seigneur, quoiqu’absent. Il y a encore plusieurs autres lettres à ce même évêque. A Atulfe de Troyes, au sujet de reliques de saints que celui-ci lui avait annoncé avoir retrouvées, guidé par les miracles qu'elles avaient opérés. Hincmar lui donne ses conseils sur la manière dont il doit les disposer et établir, et en même temps sur la construction d'une église de Saint-Pierre qu'il faisait rebâtir, il lui parle aussi d'une maladie qu'il vient d'essuyer, de son rétablissement, etc., etc. touchant deux villages qui refusaient de payer la dîme aux prêtres; — item sur la manière dont il doit exécuter les ordres du pape Jean sur Hincmar de Laon, que le pontife lui envoie. A Walon, évêque de Metz, qui l'avait prié de lui envoyer quelques paroles de consolation et d'assurance, en réponse aux lettres qu'il lui avait adressées pour lui demander de le guider dans sa vie pastorale, de s'unir à lui dans un parfait et fraternel accord, et enfin de le soutenir dans sa soudaine élévation; — item pour un prêtre à qui Hincmar avait confié quelques biens de l'église de Reims situés dans les Vosges, qui les avait mal administrés, et en avait par sa faute laissé tomber une partie au pouvoir de l'église de Metz; — item pour lui donner conseil, comme il l'en avait prié, sur certains biens qui étaient en contestation entre l'église de Metz et celle de Trèves touchant le pallium qu'il avait obtenu du Siège de Rome, et le refus que l'archevêque faisait de recevoir les lettres du pape; — item pour l'ordination d'un évêque de Verdun, qu'il avait appris avoir été promu contre les règles après la mort de Bérard. Dans cette lettre, remplie de saintes et salutaires instructions, il lui remontre, d'après l'autorité des saintes Écritures, pour quels motifs et comment un évêque doit être ordonné ou non, etc. etc. A Hédenulfe, qu'il avait ordonné évêque de Laon après son neveu Hincmar, au sujet de certains diacres qu'il lui envoie pour les élever au sacerdoce ; — item touchant un jeune orphelin que cet évêque adoptait pour son héritier, etc., etc. A l'évêque Arnold, touchant quelques criminels qui avaient commis un meurtre dans le diocèse de Reims, et ne pouvaient obtenir leur réconciliation, mais cherchaient à faire pénitence, ce qui leur était impossible en son diocèse ; il lui prescrit comment il doit en agir avec eux; — item pour lui donner les conseils qu'il avait demandés sur la conduite à tenir à l'arrivée en France de Louis-le Germanique il lui fait part de la réponse qu'il a cru lui-même devoir faire à ce roi, qui lui mandait de venir le trouver. A l'évêque Francon, au sujet des lettres monitoires que par l'ordre du roi il envoyait à Hugues, neveu de l'empereur Lothaire il prie Francon d'envoyer avec son messager un messager qui puisse le conduire et le ramener sain et sauf; en faveur d'Evrard, qu'il nomme son ami et son fils, et pour lequel il le prie d'intercéder auprès de Louis-le-Germanique et de la reine, etc., etc. A Bernon de Chalons pour lui recommander les messagers de l'église de Noyon, qui après la mort de leur évêque Ragenolin étaient venus auprès de lui il le prie de les présenter aux deux rois, de lire aux jeunes princes et de leur faire comprendre les lettres qu'il leur adresse; en un mot, d'user de toute la puissance de son ministère pour faire réussir les demandes des envoyés de Noyon, soit auprès des rois eux-mêmes, soit auprès des seigneurs de la cour; — item pour l'élection d'un pasteur à l'église de Noyon et de Tournai il lui annonce qu'il a transmis à l'évêque Adalberne toutes les règles à suivre dans cette visite, c'est-à-dire dans l'élection, et l'engage à voir les rois et l'abbé Hugues pour obtenir que les lettres d'autorisation soient octroyées le plus tôt possible, parce que cette église ne pourrait, sans souffrir de grands dommages, rester veuve de son pasteur; — item sur le même sujet, et quelques autres. A Adalberne, pour l'engager à visiter l'église de Tournai ; il le prie d'y donner tous ses soins, de faire relire fréquemment au clergé et au peuple les formes à suivre dans l'élection, dans la crainte qu'ils ne manquent par ignorance à quelques-unes des formalités ; — item pour l'élection du pasteur de la même église ; il le prie d'empêcher que beaucoup qui s'empressent n'entrent par la porte selon la parole de saint Jean et sans crainte ni retenue aucune, de voleurs deviennent brigands; il l'engage, puisqu'il doit aller a la cour, à s'entretenir avec lui quand il y sera, afin qu'ils puissent prendre ensemble des mesures pour la suite de cette affaire ; — item à l'occasion des plaintes et de l'appel formés par un prêtre de son diocèse : il lui remontre comment les évêques doivent administrer et gouverner les églises des paroisses rurales et l'engage à relire souvent l'homélie de saint Grégoire sur ces paroles de l'Évangile : Jésus en désigna soixante douze autres, la règle pastorale du même saint ainsi que les sacrés canons, afin d'exécuter avec courage ce qu'ils prescrivent, et d'éviter avec prudence ce qu'ils commandent d'éviter. A Hétilon de Noyon, pour l'engager à demeurer fidèle aux jeunes rois et à leur prêter toute assistance par prières et secours; il lui annonce qu'il est dans la plus grande tribulation, assiégé par les barbares; et qu'après avoir tout pillé et ravagé, ils demandent une si forte rançon pour le salut de la ville, qu'il lui est impossible de la fournir; — item pour lui mander que, retenu par les infirmités, il ne pourra se rendre à l'invitation que lui a faite Louis, roi de Germanie, de venir auprès de lui; il supplie cet évêque de prier sans cesse, soit par lui-même, soit par tous ceux qui lui sont soumis, pour la paix et la défense de l'Eglise, et s'il peut faire quelque chose d'utile contre les païens, de s'unir, en cette vue, de tous ses moyens, avec les grands du royaume il lui exprime sa douleur sur la ruine des monastères dont on lui avait annoncé l'incendie, et ses inquiétudes sur ceux qui n'ont pas encore été incendiés. A l'évêque Sigemond, sur la réconciliation de quelques pénitents; — item sur diverses instructions relatives au ministère sacré, qu'il a, dit-il, adressées à l'évêque Hildegaire, pour l’engager à protéger et traiter avec bienveillance les peuples qui lui sont soumis, lui rappelant que de médecin corporel il est devenu, par la grâce de Dieu, médecin spirituel; — item en réponse à la question qu'il lui avait faite pour savoir quel degré de science il exigeait des prêtres de son diocèse. Aux évêques rassemblés en synode à Soissons, sur l'ordre du roi Louis-le-Germanique; il leur envoie un de ses prêtres comme légat, s'excuse de ne pouvoir assister en personne à cause de ses infirmités, et déclare que tout ce qu'avec la grâce de Dieu, ils auront justement et raisonnablement résolu selon les institutions canoniques et les droits du ministère épiscopal, il l'adopte, et y donne plein consentement; mais qu'il refuse son assentiment à tout ce qui pourrait être contraire aux sacrés canons, et s'écarter de la vraie foi et du sentier de la justice et de l'équité, et qu'il défend à son vicaire d'y jamais consentir, même lorsqu'on emploierait la violence. Aux évêques de l'église de Sens pour l'élection d'Anségise, moine du diocèse de Reims à l'évêché de Sens ; il donne son consentement à son ordination. Aux évêques et aux grands de tout le royaume, pour les exhorter à garder une fidélité inviolable au roi Charles quand ce prince alla à Rome. Aux évêques abbés comtes et autres fidèles de Dieu, réunis dans une assemblée à laquelle il ne peut se rendre pour cause d'infirmité, il rend grâces au Seigneur de ce que quelques grands du royaume, qui avaient montré quelque dissentiment avec les évêques, s'y sont maintenant réunis par la grâce de Dieu, et vivent avec eux dans une concorde parfaite; il leur annonce qu'il leur envoie un des ministres de son église; pour prendre part à leurs travaux; qu'il se félicite de leur zèle et de leurs bonnes dispositions; et leur demande avec instance que, selon la sagesse qui leur a été inspirée de Dieu, obéissant aux préceptes divins, insensibles à tout intérêt privé, à toute passion illégitime, à toute discussion nuisible, ils cherchent et s'empressent d'exécuter tout ce qui peut contribuer au salut, à la paix et à l'utilité générale; citant à l'appui de nombreuses autorités de la robe de Jésus-Christ, c'est-à-dire de l'Église de Dieu; il les engage à s'armer de toute leur vertu, et à s'animer du zèle de la justice, pour soulager de son fardeau l'Église leur mère, briser la verge de ses persécuteurs, et rompre les liens qui chargent le cou de ses enfants si quelques-uns sont opprimés, qu'ils leur tendent une main de protection; si quelques autres se sont laissés corrompre par la passion ou la faveur, qu'ils s'efforcent de les ramener au sein du troupeau du Seigneur, et à l'union en Jésus-Christ; qu'ils suivent les conseils de saint Grégoire et des autres saints Pères: lui-même, dit-il, soutiendra de ses vœux et de son obéissance, autant que le Seigneur lui en fera la grâce, tout ce qu'ils auront décrété pour procurer la paix du peuple de Dieu et le maintien de la justice; il ajoute aussi quelques citations d'autorités sur les règles canoniques à suivre pour la promotion et l'élection d'un évêque. [3,24] CHAPITRE XXIV. Des écrits adressés par Hincmar à divers abbés. Hincmar a adressé encore à différentes personnes tant clercs que laïques, différents écrits pour l'utilité de chacune d'elles, ne flattant jamais personne, et donnant toujours les conseils les plus utiles selon les circonstances. Ainsi il écrit à son abbé Louis, pour redemander le corps de saint Déodat, qu'un certain Gison, poussé du désir de s'emparer des biens du saint, avait fait furtivement transporter du diocèse de Reims au diocèse de Paris, sans avoir auparavant obtenu le consentement de l'évêque en l'évêché duquel le corps du saint reposait ; il proteste en ses lettres qu'il ne ménagera personne, ni lui-même, ni son propre sang, au préjudice des droits divins: son abbé s'étant indigné de ce langage, il n'en persista pas moins à l'admonester, et à l'exhorter de satisfaire aux règles canoniques; — item pour un de ses neveux qu'il lui avait confié, et touchant les biens donnés par le roi aux moines de Saint-Denis, par les mains d'Hincmar ; — item à l'abbé Hilduin, touchant une lettre du roi Charles, qu'il le prie de faire parvenir à l'empereur Lothaire avec le messager qui en est porteur. Dans ces lettres il semble donner conseil à l'empereur sur son salut, et lui suggérer de réformer ce qu'il lui signale comme devant être réformé il parle aussi de la rente à retirer du village de Douzy. Conjointement avec le synode des évêques rassemblés à Kiersi (ou Quiersi), il écrit à Hilduin, grand-aumônier du roi Charles, pour l'église de Langres, dont Vulfade, élève de l'église de Reims, s'était emparé au mépris des décrets canoniques. Le synode avait conseille au roi d'en nommer un autre pour gouverner cette église, et le roi avait ordonné aux évêques de choisir un pontife capable de la servir et faire prospérer. Tous les vœux s'étaient réunis sur Isaac, disciple d'Hilduin, et les évêques demandaient à celui-ci son consentement et son intercession auprès du roi en faveur de l'élu. A l'abbé Brunuard, pour les biens de saint Rémi et les colons de l'église de Reims établis en Thuringe. A l'abbé Adalard, sur l'amitié qui les unit, et ce qui fait le véritable ami. A l'abbé Grunold, pour Sigebert, un de ses fidèles, afin qu'il prenne sous son administration et sous sa protection les biens que Sigebert possède dans le royaume de Louis, et en même temps pour l'engager à conseiller au roi Louis de ne pas se laisser séduire à de mauvais conseils, et de ne plus désormais se livrer à des entreprises pareilles à celle qu'il avait formée contre son frère Charles, et dont il lui restait un déshonneur qu'il aurait évite, s'il avait voulu écouter ses conseils. A Trasulfe, abbé de Corbie, et aux frères de son couvent, en faveur d'un frère qui était sorti sans permission du monastère, que le roi avait reçu en grâce et faveur, et qu'Hincmar avait sommé de retourner sur-le-champ à son couvent: mais le roi avait intercédé pour lui, priant l'archevêque d'ordonner qu'il fût reçu et traité pacifiquement, jusqu'à ce que son genre de vie eût été régie par le roi et Hincmar en temps et lieu, — item aux mêmes, pour leur rendre grâces de la bienveillance qu'ils lui portent, et leur témoigner qu'il a la plus grande confiance en leurs prières, et combien il leur est dévoué ; il leur adresse en même temps des conseils de salut, exhortant tous ceux qui ont reçu le soin de gouverner un des vaisseaux du Seigneur, à le diriger avec une active sollicitude au milieu des orages et des tempêtes qui s'élèvent, et des persécutions dont les menacent les païens; et en quelque lieu qu'il faille se réfugier, à ne jamais se désister de leur bonne volonté et ferme propos, etc., etc. A Hilduin pour qu'il s'efforce d'obtenir du roi une élection canonique pour l'église de Térouane, tandis que lui-même de son côté s'y emploierait de son mieux. A l'abbé Adalgaire, pour le remercier, lui et les frères de son monastère, des prières qu'ils ont bien voulu offrir pour lui au Seigneur, et en même temps sur la bénédiction des dons de cet abbé, il fait aussi mention des biens de l'église de Reims situés en Thuringe, qu'il avait confiés à un certain Amaury, lequel en avait abusé, et avait ainsi encouru le jugement de Dieu : Adalgaire demandait à tenir ses biens en redevance; Hincmar refuse, parce qu'il ne peut rien faire sans le consentement de son clergé, mais il le prie de s'en charger en attendant, de lui en envoyer le plan et le rôle, et lui promet de lui écrire ce qui aura été décidé, après en avoir mûrement délibéré avec tous ses collègues dans le ministère ecclésiastique sur le même sujet, après avoir reçu d'Adalgaire le plan et le rôle qu'il avait demandés, il annonce qu'il a écrit au roi Louis, selon sa demande, pour lui notifier que ces biens sont confiés aux soins d'Adalgaire, et le prier de lui accorder aide et protection, pour qu'il puisse les administrer en paix: il écrit en même temps à un certain Poppon pour qu'il ait à s'abstenir désormais de toute incursion ou ravage sur ces biens; et il demande aux serfs et colons y résidant de se montrer en toutes choses obéissants a l'abbé. A Anastase, vénérable abbé et bibliothécaire de la sainte église de Rome, pour lui rendre grâces des très saintes bénédictions qu'il lui a envoyées par l'évêque Actard : il lui envoie aussi ses bénédictions et quelques présents, avec quelques ouvrages de sa composition ; — item pour le remercier des bienfaits qu'il lui doit, et pour le prier de faire agréer ses demandes au souverain pontife et d'avoir en mémoire la bénédiction qu'il lui envoie. — A Grégoire, nomenclateur et chancelier de l'église de Rome il lui dit qu'Anastase lui a fait part en ses lettres des témoignages de bienveillance et de bonté qu'il a bien voulu lui donner en diverses circonstances, et lui a mandé avec franchise et sincérité qu'il peut mettre en lui toute sa confiance en retour, il le prie de daigner le compter au nombre de ses plus fidèles amis. A l'abbé Gunther, au sujet d'un moine irréligieux auquel il avait permis de quitter le monastère contre toute révérence et de son propre caprice : il le réprimande fortement et lui prouve, d'après les règles et autorités canoniques, qu'il n'aurait pas dû le laisser ainsi partir ; il lui ordonne de le faire rechercher par un messager du roi, arrêter, ramener au monastère, et jeter dans une étroite prison; enjoignant de plus que l'on fasse un rapport exact de ses fautes, et que ce rapport lui soit adressé avec des lettres de l'évêque diocésain, afin que, selon les règles canoniques, il en décide avec le conseil de ses coévêques. A Josselin, au sujet de son neveu Bernard, que l'on disait prêt à se révolter contre le roi : il l'engage à faire tout son possible pour le détourner de cette intention, et surtout à ne s'écarter lui-même en rien de la droite voie, pour aucune affection charnelle; enfin, il lui conseille de donner les mêmes avertissements à son frère Godefroi, afin que pleins du souvenir de leurs aïeux, tous deux ne dégénèrent point de l'antique et sincère fidélité; — item pour lui demander pourquoi il ne lui envoie pas ou un envoyé ou des lettres comme il faisait ordinairement, et l'exhortant à reprendre cet usage et à lui écrire fréquemment pour leur consolation et leur dilection mutuelle ; — item pour se plaindre que, de son fils de prédilection, il soit devenu son ennemi : il le nomme encore son cher fils, et lui assure qu'il supporte non seulement avec patience, mais avec résignation et bonne volonté, les injures dont il l'accable ; il le prie de se souvenir que c'est l'église de Reims qui l'a régénéré en Jésus-Christ qui l'a élevé et instruit dans la religion et lui a donné la tonsure ecclésiastique, qui l'a racheté de la captivité des païens, élevé de grade en grade jusqu'au diaconat, et enfin constitué abbé d'un grand nombre de monastères qu'elle lui a fait concéder par les rois : il lui rappelle comment il a récompensé tant de bienfaits quand il a été élevé en puissance; comment il a excité et encouragé la sédition qui désolait l'église de Reims et le royaume de France; de combien de fautes semblables il s'est rendu coupable, et à quelles peines il s'expose il le conjure de reconnaître ses fautes d'écouter la voix du Seigneur qui l'appelle à lui d'avoir pitié de son âme et de mériter enfin son salut ; — item pour rendre grâces à Dieu de son amendement; il prie le Seigneur de confirmer ce qu'il a opéré en lui et de lui accorder de vouloir et d'accomplir tout ce qui lui sera agréable en bonne volonté etc. etc. A l'abbé Grunthaire, touchant les biens de Notre-Dame et de Saint-Rémi situés au pays d'Auvergne, lesquels il avait interdits au comte Bernard; il mande à l'abbé de dresser un plan de ces propriétés, et de le lui apporter. A Adalgaire, évêque nommé, touchant les biens de l'église de Reims situés en Aquitaine. Bernard, comte de Toulouse, s'en était emparé voyant qu'il ne pourrait les obtenir à prix d'argent, il les ruina par le pillage et les exactions, jusqu'à ce qu'enfin Dieu exerça sur lui sa vengeance. Hincmar les avait confiés à l'évêque Agilmar, dans le même temps où, par l'ordre du roi, il avait adressé à cet évêque un livre sur les incestueux et sur les usurpateurs des biens de l'Église. Il mande en même temps à Adalgaire les instructions qu'il avait données à Agilmar, et le prie de s'entendre avec lui pour les mesures à prendre, il lui désigne quelques-uns des territoires où sont situés ces biens tels que ceux de Clermont, Limoges et Poitiers; il dit qu'il en existe en d'autres pays qu'il ne se rappelle pas, et le prie d'en faire la recherche, et d'en dresser le rôle pour le lui envoyer. A Lambert, qu'il appelle son enfant de prédilection et le fils de ses entrailles : il lui donne des conseils sur la manière dont il doit se conduire envers ceux au milieu desquels il vit, et qui paraissent vouloir l'élire à l’évêché de Metz. Il l'engage surtout a se garder en toutes choses de l'hérésie de simonie, à lire avec zèle la règle de saint Grégoire, à la graver dans son cœur, et à se guider intérieurement et extérieurement, selon cette règle, dans le chemin qui conduit à l'épiscopat, et de l'épiscopat à la vie éternelle; il lui annonce qu'il a écrit en sa faveur à ses amis, tant évêques que comtes du royaume de Lothaire et qu'il s'est donné garant qu'il ne déviera pas de ses conseils et salutaires exhortations; il le prie de ne pas le faire mentir auprès de ses amis. A l'abbé Hugues, pour l'élection d'un évêque de Noyon après la mort de Ragenolin, il le prie d'exhorter les rois Louis et Carloman à suivre dans cette affaire la volonté de Dieu et la coutume de leurs prédécesseurs ; il lui annonce la mort de son neveu Hincmar, évêque de Laon, et l'engage à prier et faire prier pour le salut de son âme tous ses inférieurs et amis; — item pour l'engager à donner aux deux rois des gouverneurs sages et prudents, parce qu'ils ont un conseiller trop jeune il lui mande ce qu'ils lui ont écrit relativement à la garde et à la surveillance du diocèse de Tournai, ce qu'il a fait d'après leurs instructions, ce qu'ils lui ont mandé en réponse, et ce qu'il leur a lui-même répondu pour vaincre leur refus de donner leur consentement à l'élection canonique de l'église de Noyon; il l'assure qu'il n'a rien fait que ce qu'il a toujours fait depuis trente-cinq ans en pareille circonstance; il lui rapporte ce qui lui a été mandé ensuite par le clerc Warin, soit de la part des rois, soit de la part de Hugues lui-même, et enfin les lettres que les rois lui ont adressées; il cite les autorités des sacrés canons sur l'élection canonique, et montre que les évêques ne doivent pas être pris dans le palais ni à la cour, mais bien dans le sein de l'église même qui a besoin de pasteurs; que dans l'ordination d'un évêque, ce n'est pas la recommandation du roi ou des seigneurs du palais qui doit faire loi, mais l'élection du clergé et du peuple, le jugement du métropolitain, ensuite le consentement des princes de la terre et que c'est ainsi seulement que l'imposition des mains peut avoir lieu; il proteste qu'il n'a aucune vue ni dessein particulier sur personne, mais qu'il veut que, quel que soit celui qui sera appelé, il ne soit élevé à ce saint office que selon les règles et institutions canoniques, et qu'il sache et fasse ce qu'exige de lui le ministère spirituel, etc., etc. ; — item en lui envoyant une copie de la lettre qu'il avait écrite au roi Charles, fils de Louis le Germanique, en faveur des rois Louis et Carloman encore enfants, il l'engage à obtenir, s'il est possible, que Charles, qui n'a pas de fils, adopte un des jeunes rois pour fils, et le fasse élever par les soins d'un bon et habile instituteur, afin d'en faire son héritier pour tout ou partie de son royaume; il prie Hugues d'obtenir secrètement de Charles qu'il se charge de la tutelle et des intérêts des jeunes rois et du royaume, et prenne sur lui les soins du ministère royal, l'engageant à appuyer de son zèle et de sa prudence les lettres qu'il adresse lui-même à Charles, si elles lui semblent utiles et raisonnables; mais que, s'il trouve quelque chose à reprendre, il y fasse tous les changements, corrections ou additions que sa sagesse lui suggérera ; — item au sujet des lettres de Louis roi de Germanie, et des conseils à lui donner; premièrement, il annonce qu'il donne l'ordre aux évêques du diocèse de Reims d'aller au devant de ce roi jusqu'à Attigny; secondement, il le prie de lui envoyer ses conseils sur la manière dont il doit administrer le royaume, sur les réponses à faire aux envoyés du roi, enfin sur ce qu'il devra faire si Louis vient lui-même, et lui demande de le sacrer roi etc., etc. Il a écrit encore à cet abbé sur une foule d'autres sujets. [3,25] CHAPITRE XXV. Des écrits adressés à divers prêtres et monastères. Il a écrit aussi à Gaussuin prêtre, et aux autres frères servant Dieu et saint Denis, pour une maison dont une partie lui avait été concédée autrefois par eux, et dont il avait acheté le reste, laquelle un des moines avait usurpée; il s'étonne que les frères n'aient pas empêché qu'il lui fût fait un pareil dommage, à lui qui autant qu'il s'en souvient, ne leur a jamais nui mais au contraire leur a toujours été utile tant qu'il a demeuré avec eux, et leur a obtenu ou fait restituer de nombreux et précieux avantages. Et s'il leur parle ainsi ce n'est pas qu'il attache aucun prix à la possession de cette maison : Sans votre affection leur dit-il, je l'estime moins que la plus chétive masure. A Wiligise et autres moines du même monastère sur ce qu'il avait entendu dire qu'ils tiraient de l'argent d'un prêtre en échange de la dîme ; il leur dit qu'il rougit de honte à l'idée que d'autres hommes peuvent apprendre de pareilles choses; il leur remontre à quels dangers ils s'exposent, en leur citant l'autorité des saintes Écritures et des règles canoniques. A Dieu ne plaise, mes frères, que d'autres ecclésiastiques ou hommes de religion apprennent que les moines de Saint-Denis vendent la dîme, afin d'acheter l'enfer du prix qu'ils en retirent! puissent surtout les laïques ne jamais apprendre que vous vous rendez coupables d'une faute que personne n'oserait commettre dans mon diocèse pas même l'homme chargé d'un péché public : Si quelqu'un d'un autre monastère que du nôtre osait se permettre de le tenter, à plus forte raison de le faire, je lui interdirais toute communion avec mon diocèse, etc. ; — item aux mêmes moines, touchant la vision de miséricorde divine par laquelle il a été averti, dit-il, que ses jours ont passé comme l'ombre, et qu'il a séché comme l'herbe il leur envoie, en retour de leur obéissance et de leurs bons services, une bien faible bénédiction, deux cents sous il les prie de faire perpétuellement mémoire de lui dans leurs prières à leur commun patron, le bienheureux saint Denis, leur demandant aussi la même faveur pour Haimon, un de ses fidèles, presque à l'extrémité, qu'il nomme son fils chéri. A Fulcramne, chargé du gouvernement de l'abbaye de Corbie et aux autres frères du monastère pour l'élection d'un abbé autorisée par le roi, touchant les lettres royales sur cette élection enfin pour leur annoncer son arrivée. Il répond aux questions qu'ils lui avaient adressées et leur enseigne comment ils doivent procéder en cette élection selon la doctrine de saint Benoît : suivre toujours la règle pour guide, et ne s'en écarter jamais, comme devant un jour rendre compte de toutes leurs actions devant le tribunal de notre Seigneur Jésus-Christ. A Magénard, chargé du gouvernement du monastère de Saint-Riquier, et aux autres frères touchant les lettres que le pape a adressées au roi Charles et à lui-même, au sujet d'un certain homme qui a tué un moine et un prêtre, et dans lesquelles le pontife prescrit la pénitence infligée au coupable et mande au roi et à Hincmar d'assurer l'obéissance à ses ordres. Aux moines du couvent de Saint-Médard, en faveur du moine Hainoard, qui avait demandé pardon au roi de ses fautes; il leur mande, d'après l'ordre du roi, ou de le recevoir pour habiter et vivre au milieu d'eux selon la règle, ou de lui donner des lettres de congé, comme il le demande, et de le laisser partir, avec paix et absolution, pour quelque autre monastère. A Sigebod, prêtre et préposé au monastère des religieuses de l'église de Laon, qui lui avait demandé son avis sur la manière de procéder dans l'information qu'il était chargé de faire au monastère de femmes d'Aurigny, sur l'abbesse et le directeur du couvent. Hincmar lui avait répondu qu'en de pareilles matières il ne devait répondre que par écrit, et non de vive voix. En conséquence, il lui écrit ces lettres, où il lui met sous les yeux ce qui est prescrit par les lois que suit l'Église catholique et par toutes les règles ecclésiastiques, il lui enjoint de lui envoyer le privilège du monastère et de lui faire connaître par des personnes dignes de foi, les accusations portées contre l'abbesse et le directeur, afin que, selon les règles canoniques il en puisse consulter avec ses coévêques et le visiteur de l'église de Laon, alors veuve de pasteur et, avec eux et la grâce de Dieu décider ce qui est juste. A quelques doyens du diocèse de Soissons, au sujet d'un prêtre qui, ayant souffert préjudice, ne pouvait obtenir justice ni jugement de son évêque Rothade. Hincmar avait averti l'évêque que s'il ne pouvait, pour cause d'infirmité, venir en personne au synode, il eût à envoyer des messagers, ses collègues dans le ministère et service de son église, afin que l'affaire pût être jugée canoniquement. Dans ces lettres, il enjoint aux doyens, de son autorité métropolitaine, de donner aux prêtres de leurs doyennés l'ordre de se rendre à l'assemblée qu'il leur désigne, et d'y venir eux-mêmes avec eux s'ils n'obéissent pas, qu'ils sachent qu'ils encourront la censure synodale au prochain synode. A un prêtre nommé Sigebert, au sujet de son évêque Heidilon. Sigebert se plaignait à Hincmar de ce qu'il courait sur cet évêque des bruits indignes même d'un laïque, et lui reprochait d'avoir ordonné un tel homme évêque ; Hincmar lui répond que c'est sur sa foi et son témoignage à lui-même, qu'il a cru à la vertu d'Heidilon, qu'il ne connaissait pas; il lui mande de venir auprès de lui, afin de lui dire, de sa propre bouche, ce qu'il a entendu dire de son évêque, afin que, si les reproches sont fondés, ils avisent ensemble aux moyens de le corriger ou d'en faire voir a tous le mensonge si ce ne sont que de faux bruits. [3,26] CHAPITRE XXVI. Des lettres d'Hincmar à quelques grands personnages. Hincmar a écrit aussi à plusieurs grands personnages, entre autres à Éverard, très illustre et très noble homme, l'un des seigneurs de l'empereur Lothaire, pour lui demander la grâce de sa familiarité, qu'il lui avait offerte lui-même de pure bienveillance; il le félicite du bien qu'il entend dire de lui par des personnes dignes de foi, et surtout par l’évêque Amole, qu'il appelle son très affectionné et bien-aimé père, et il lui envoie, comme porteur de ses lettres, un de ses plus fidèles amis; — item pour le féliciter de sa dévotion sincère envers Dieu, et de son zèle pour le culte des saintes autorités, pour l'union et le parfait accord des grands, pour la paix de l'Église et les hommages dus à la religion; il l'exhorte, comme la charité lui en fait un devoir, à continuer de mieux en mieux comme il a commencé, parce que, dit-il, la nature humaine, comme Job nous l'atteste, ne persévère jamais dans le même état, et parce que, dans ce siècle, tout homme constitué en puissance nage contre le courant du fleuve; que s'il nage avec vigueur, il remontera que si au contraire les mains lui manquent, il sera emporté. Qu'Éverard s'attache donc avant tout a plaire à Dieu; qu'ensuite il pourvoie à la paix de l'Église; qu'il ne se borne pas à inspirer de bonnes pensées aux grands mais tache de les leur inculquer; qu'il s'efforce d'assurer aux ecclésiastiques et aux lieux saints les privilèges qui leur sont dus, et de procurer la paix et l'union parmi le peuple chrétien; qu'il se réjouisse avec ceux qui font bien, et résiste a ceux qui font mal qu'enfin il se garde lui-même avec vigilance, en vivant sobrement, justement et pieusement; et autres exhortations pieuses et salutaires. Il ajoute ensuite quelques mots sur certaines nécessités de ses monastères, et sur quelques autres abus à réformer dans son diocèse par l'autorité de l'empereur, et pour lesquels il a adressé des lettres à Lothaire ; le reste roule sur le salut de son âme et sur la conservation de la prudence et sagesse spirituelle. A un certain Fulcric, l'un des grands de l'empereur Lothaire, qui avait illégitimement répudié sa femme légitime et en avait pris une autre ; il le cite au synode et lui expose le mode et les rigueurs de l'excommunication déjà lancée contre lui, et qui sera confirmée dans le synode comprovincial lorsqu'après avoir paru se repentir de son péché, Fulcric est rentré dans ses voies et revenu à son vomissement, Hincmar lui notifie sa sentence d'excommunication, et l'adresse à tous les fidèles de Jésus-Christ qui ont pu être scandalisés de ses fautes, et surtout aux évêques dans le diocèse desquels il peut séjourner ou habiter. A Vulfing, un des ministres de l'empereur Lothaire : il lui rappelle qu'il lui a demandé autrefois sa familiarité et qu'il en a reçu promesse d'affection; il le prie de dire à l'empereur de recevoir avec amitié la lettre que son frère Charles lui adresse, et de la lire en secret; et d'obtenir qu'il ordonne qu'on lui envoie le revenu du village de Douzy de l'année dernière et de la présente année, avec lequel il se propose de faire, en mémoire de lui, quelques ornements pour le sépulcre de saint Rémi qu'il s'occupe à orner, et dont il va transférer le corps dans une chapelle nouvellement bâtie. A Nantaire, son fidèle ami, pour le charger de l'administration des biens de Saint-Rémi situés au pays de Worms : il lui dit que plusieurs lui ont demandé de leur prêter des colons pour différents travaux, et d'autres, de permettre que leurs chasseurs séjournassent quelque temps sur ces terres ; mais qu'il s'y est refusé et s'y refusera toujours, parce que ses prédécesseurs, n'ont pas osé accorder cette permission et que saint Rémi l'a défendu avec grandes menaces et malédictions, etc. etc. Au comte Immon, au sujet des biens de son église situés dans le royaume d'Aquitaine, pour le prier de prêter assistance à celui qui est chargé de les administrer. Au très illustre comte Gérard, en faveur d'Isaac élu évêque de Langres, pour qu'il s'emploie à le faire ordonner, parce que Wulfade, qui s'était emparé de ce siège ne pouvait canoniquement y être ordonné ; — item en réponse à ce que lui avait mandé le comte, à savoir que Charles, roi de France, voulait envahir le royaume de Charles, roi de la Gaule cisalpine, son seigneur. Hincmar le rassure et lui affirme qu'il n'en est rien. —Gérard aussi se plaignait d'avoir entendu dire qu'Hincmar avait formé appel au roi touchant les biens de Saint-Rémi situés en Provence; celui-ci lui affirme qu'il n'en a rien fait, et que toutes les fois qu'il a eu quelque affaire au sujet de ces biens, il ne s'est adressé à aucun autre qu'à Gérard lui-même ou à ses fidèles. Le comte écrivait que le bruit courait que Charles voulait envahir les monastères que lui Gérard avait voués et donnés au bienheureux apôtre saint Pierre que si les biens qu'il possédait en France lui étaient enlevés par le roi, il se verrait forcé, contre sa volonté, à s'emparer de tous les biens de France situés en son pays. L'archevêque lui répond que jamais de son consentement personne n'envahira les biens de l'Église à son péril, affirmant qu'il ne craint rien tant sinon que le Seigneur ne le juge digne de cette affliction, et que l'église qui lui est confiée ne subisse cette souffrance du temps de son sacerdoce mais que si quelqu'un ose se porter à cet excès d'audace, il s'en afflige plus pour lui que pour lui-même; et pour le prouver il fait voir, d'après les autorités divines, à quels périls s'expose un usurpateur. Quant au conseil que lui donnait le comte d'user des droits de son ministère pour détourner le roi de pareils excès, Hincmar répond que, n'ayant rien pénétré de semblable dans ses dispositions, et ne pouvant se permettre de reprendre son seigneur sur de vains bruits, il s'est abstenu de toute remontrance; mais que maintenant qu'il y a des motifs et une personne digne de foi à alléguer, il s'efforcera d'avertir sa Domination, avec la dévotion et la fidélité dont son devoir lui fait une loi ; — item touchant les biens de Saint-Rémi, dont nous venons de parler. Gérard témoignait sa douleur à l'archevêque de ce qu'ils étaient ravagés par plusieurs, et de ce que quelques-uns des auteurs de ces ravages disaient qu'ils étaient autorisés par le roi Charles et le seigneur Hincmar à s'en emparer. Hincmar lui certifie que depuis qu'il lui a confié ces biens, il ne les a jamais remis en la garde d'aucun autre si ce n'est seulement qu'il a enjoint à un certain Hildoard son élève, de prêter secours et assistance au principal village en ce dont il pourrait avoir besoin, mais toujours sous la protection et sauvegarde du comte Gérard; il ajoute ensuite ses instructions sur les mesures à prendre contre les usurpateurs; il répète qu'il n'oserait jamais donner ces biens en bénéfice à aucun de ses hommes ni à l'homme d'un autre, parce que saint Rémi l'a défendu dans son testament avec des menaces terribles. — Que le comte, qui, par amour de la sainte mère de Dieu et de saint Rémi, a bien voulu prendre ces biens sous sa protection, continue donc à procurer leur sûreté avec le même courage et en récompense, dans l'église de Reims, dans plus de dix monastères de chanoines, de moines de religieuses, plus de cinq cents intercesseurs prieront pour son salut présent et à venir, en chantant des psaumes et des cantiques spirituels, ou offrant le saint sacrifice, etc., etc. ; — item sur le même sujet, presque les mêmes choses; — item en lui envoyant, pour administrer ces biens, toujours sous sa protection et avec son secours, un moine et prêtre du monastère de Saint-Rémi nommé Rotfried. A l'illustre comte Rodolphe, sur la maladie de sa femme, et sur le bruit qui lui était parvenu que le comte jetait des semences de discorde entre le roi et quelques-uns de ses sujets : Hincmar lui dit que les mêmes imputations lui sont faites à lui-même, qui se croyait pourtant à l'abri de pareils soupçons qu'on lui mande sur ceux qui sont avec le roi des choses qui ne conviennent pas qu'en conséquence il ne peut ni lui écrire, ni lui rien mander par messager, jusqu'à ce qu'ils aient eu une entrevue, et qu'ils aient avisé ensemble aux intérêts et à l'honneur de leur commun seigneur qu'il se rende le plus tôt possible auprès du roi ; que tant qu'il vivra auprès de lui il fasse tous ses efforts pour se garder, devant Dieu, pur de cœur et d'œuvre, et qu'il sache tenir sa langue, même devant ceux qu'il croit ses amis ; il lui parle aussi de la convocation des fidèles du roi, de la direction de son esprit, des divisions qui déchirent le royaume, du meurtre des Bretons Hérispoé, Salomon et Almarque, et du voyage de la reine auprès du roi, que le comte lui-même lui avait annoncé; enfin il lui exprime ses craintes sur le roi; — item sur la nouvelle que le comte lui donnait lui-même dans ses lettres d'un différend survenu entre le roi et lui ce dont il est vivement affligé : il le prie de faire son possible auprès du roi pour l'affaire dont il lui parle dans ses lettres; et s'il lui répond, de lui mander tout ce qu'il aura découvert. Il raconte ensuite ce qui lui est arrivé au sujet de ses hommes qu'il a menés avec lui sur la Loire. Enfin il le console et le réconforte dans le Seigneur, l'engageant à ne pas se laisser émouvoir légèrement par des choses qui n'émeuvent que ceux qui ne savent pas craindre Dieu, et à conserver son nom pur et intact jusqu'à la fin, comme il a commencé; il connaît assez, dit-il, le cœur du roi pour assurer que, quoique ému de passion contre lui, aussitôt qu'ils auront eu une entrevue ensemble et qu'il lui aura manifesté tout son dévouement, le roi le traitera comme il convient et comme il le mérite. Il le conjure d'effacer en lui, selon l'Apôtre, tout ressentiment avec toute malice et forme le vœu qu'il ait d'autant plus d'affection pour le roi que le roi est son neveu et qu'il soit d'autant plus soumis et humble envers lui, qu'il est son seigneur, etc., etc. A un certain Welfe, homme noble, pour lui rendre grâces de lui avoir conservé son amitié, et de n'avoir pas voulu recevoir sans son consentement un de ses hommes qui s'était enfui sans motif et sans permission, ce qu'aucun des siens n'avait encore jusqu'ici osé faire; il lui raconte avec quelle bonté il a élevé et nourri cet homme, de combien de bienfaits il l'a comblé, et avec quelle irrévérence il s'est conduit dans une mission de son seigneur pour le roi; il le prie de ne pas le recevoir avant qu'il n'ait eu un entretien avec lui et qu'il ne sache s'il a réellement de justes sujets de plainte contre lui, ajoutant que s'il lui a parlé ainsi sur cet homme, ce n'est pas qu'il lui garde quelque haine, mais pour empêcher un ami de pécher contre Dieu et d'offenser son ami en recevant ce fugitif contre la justice, surtout lorsque sans blesser l'amitié, il pourra le conserver avec sa permission. A Foulques, comte du palais du roi, au sujet d'un prêtre du diocèse de Soissons, qui renonçant à ses juges ecclésiastiques, en appelait au jugement civil contre son accusateur, qui de son côté promettait qu'il prouverait ce qu'il avançait. Hincmar mande au comte de ne pas se mêler de cette cause avant qu'il n'ait lui-même examiné si cela peut se faire sans blesser les règles, parce que le jugement des causes des prêtres ou de l'Église appartient aux évêques et aux synodes, et non pas au Mallum ou aux juges civils, etc. etc. A l'illustre comte Maïon, pour le remercier de la bienveillance et de la sollicitude qu'il témoigne à Thierri, évêque de Cambrai, et à son église : il le prie, si de leurs jours ce digne serviteur de Dieu venait à être rappelé de ce monde auprès du maître commun, de faire son possible auprès de l'empereur Lothaire pour en obtenir au clergé et au peuple de Cambrai, la permission de faire une élection. Quant au maintien de la paix entre les rois, dont le comte l'avait entretenu dans ses lettres, il lui répond qu'il l'a toujours désirée, qu'il n'a négligé ni soins ni avertissements pour qu'elle subsistât inviolable entre eux et qu'il ne cessera d'y travailler autant qu'il le pourra avec l'aide de Dieu. A Roric, Normand converti à la foi de Jésus-Christ, il l'engage à persévérer et avancer dans la volonté de Dieu et dans l'observation de ses commandements comme il entend dire par beaucoup qu'il en a l'intention et qu'il le fait et à ne se laisser persuader par personne de donner conseils ou assistance aux païens contre les chrétiens, parce qu'il ne lui servirait de rien d’avoir reçu le baptême de chrétienté, si par lui-même ou par d'autres, il pratiquait contre les chrétiens des menées perverses et funestes ; il ajoute beaucoup d'autres choses, insistant toujours sur le péril ou l'exposeraient de telles machinations ; il lui enjoint de ne pas recevoir Baudouin, que l'esprit de Dieu, auteur des saints canons, a anathématisé par l'organe de l'autorité épiscopale, pour avoir enlevé la fille du roi, et en avoir ensuite fait sa femme et de ne pas permettre que Baudouin trouve auprès de lui ni refuge ni consolation, dans la crainte que lui et les siens ne soient enveloppés dans son péché et dans son excommunication, et damnés; qu'au contraire il se montre toujours tel que les prières des saints lui puissent profiter. A Luitard, homme de grande naissance, touchant les périls auxquels il lui est revenu qu'il expose son âme particulièrement au sujet d'un prêtre qu'il avait expulsé de son église contre les lois, pour en mettre un autre à sa place, il l'avertit, avec une bonté et une autorité toute épiscopale, de s'abstenir de pareilles infractions, lui déclarant que, s'il n'obéit, lui-même fera contre lui ce que les lois de l'Église lui commandent et le dénoncera comme excommunié, dans tous les royaumes et à tous les évêques, jusqu'au pape de Rome il lui apprend que le prêtre étranger qu'il a mis à la place du prêtre légitime est excommunié de tout le diocèse de Reims ; — item dans une autre lettre il l’appelle son fils bien-aimé, et dit qu'il lui donne ce titre afin qu'il se conduise de manière à mériter toujours de rester dans son affection. Mais bientôt, apprenant qu'il ne se conduit pas comme il le devrait envers l'église de Reims, qui l'a comblé de bienfaits, et qu'il porte l'ingratitude jusqu'à inquiéter sans cesse et ne pas laisser vivre en paix les colons et serviteurs de cette église il lui ordonne, au nom de Dieu de la sainte Vierge, et de saint Rémi, de son autorité épiscopale, et du ban du roi, dont il est le messager et le ministre de ne causer aucun trouble ou dommage, ni lui ni ses hommes aux hommes de l'église de Reims, soit par ruse secrète, ou seulement par consentement. Que s'il a quelques justes réclamations à faire contre l'église de Reims, il s'adresse à la loi; sinon qu'il s'attirera toutes les peines qu'il mérite, soit de l'autorité épiscopale, soit de l'autorité royale, dont lui Hincmar a mission. Il excommunie aussi un des diacres de Luitard, qui tourmentait les serviteurs de saint Rémi, etc. etc. Au comte Théodulphe, au sujet d'un attentat aux droits du ministère ecclésiastique. Il s'était permis, à la mort d'un prêtre, de prendre ce que ce prêtre avait ordonné de distribuer en aumônes pour le bien de son âme; et en outre il avait usurpé les biens que le prêtre laissait à son église. Hincmar lui démontre, avec la plus grande évidence, qu'il a commis un sacrilège; que les églises sont soumises à l'autorité et à l'administration des évêques par les sacrés canons et par les capitulaires impériaux. C'est pourquoi il lui enjoint, conformément aux institutions canoniques et aux ordonnances royales, de rendre sur-le-champ à cette église tout ce qu'il lui a pris, de restituer aux divers prêtres les legs qui leur avaient été faits, ensuite de venir auprès de lui pour recevoir guérison et santé de l’âme, lui donnant sept jours après la réception de ses lettres, et lui ordonnant de comparaître le huitième, afin de se justifier si ce qu'on lui impute est faux, ou de donner satisfaction convenable si l'accusation est vraie. Que si Théodulphe refuse d'obéir, lui Hincmar transmettra au roi copie des présentes lettres, afin que le prince remplisse son ministère et qu'ensuite lui-même usera de toute son autorité. Et comme il avait entendu dire que le comte se disposait à vendre à un prix déterminé l'église dont il est question, il ajoute :Sache donc bien que si quelque clerc te donne même un seul denier, ou pour cette église, ou pour toute autre de mon diocèse, soit par lui-même, soit par quelque personne par lui envoyée, il n'y sera pas ordonné par moi. Que si tu veux avoir un prêtre en cette église, présente moi tel clerc que tu voudras, pourvu qu'il soit propre au saint ministère; je l'examinerai, lui donnerai l'église, et l'ordonnerai aussitôt qu'il m'aura prouvé qu'il n'a donné aucun argent pour l'obtenir. Si tu ne veux pas faire comme je te dis, je prendrai des mesures pour que le peuple ait ministre et offices en attendant que j'ordonne définitivement. Et si, contre toutes les lois divines et humaines, tu y apportes quelque empêchement, le prêtre ordonné provisoirement demeurera, et toi, et tous ceux qui seront d'accord avec toi, vous serez séparés de toute la chrétienté jusqu’à satisfaction. Je ne t'écris ainsi, et ne te donne ces avertissements, mon cher fils, que parce que je désire te voir heureux et honoré, et pouvoir entre tous les fils de l'Église, te traiter comme mon fils. Et si tu me forces, comme dit le Seigneur dans l'Évangile, à ne voir en toi qu'un païen et un publicain, c'est à toi et non à moi que tu devras l'imputer. Après que j'avais dicté cette lettre, il m'a été dit que tu as chassé de l'hôpital de cette église les pauvres qui y avaient été placés par mon ministre, que tu y as envoyé un nommé Bovaire, et que tu as reçu un âne pour prix de cette admission. S'il en est ainsi, non seulement tu as agi criminellement, parce que contre toutes les lois, homme laïque tu as usurpé le ministère ecclésiastique et vendu l'aumône, c'est, a à-dire la miséricorde des pauvres, et par conséquent, comme le traître Judas, Dieu lui-même, qui est la miséricorde des pauvres; mais encore tu t'es couvert de honte, en poussant l'avarice jusqu'à recevoir un âne pour prix de l'aumône dont doivent vivre de pauvres mendiants, toi comte et conseiller honoré du roi. Tous ceux qui le sauront pourront juger quelles doivent être, en d'autres causes, ta justice et ta droiture, ton amour et ta crainte de Dieu, et ton respect pour ton ministère, quand tu ne rougis pas de tirer un gain honteux d'une telle et si profonde misère. A Anselme, homme d'illustre naissance, au sujet d'un prêtre qu'il avait accusé auprès de lui, mais contre lequel il n'avait pas comparu en personne au jugement. Il lui annonce qu'il a purgé canoniquement ce prêtre de l'accusation en présence des envoyés d'Anselme lui-même, et d'un grand nombre, tant clercs que laïques, et que, s'il ne lui envoie pas plusieurs prêtres pour le lui attester par serment, c'est qu'il ne le doit pas. Il l'exhorte à rejeter de son cœur tout sentiment de rancune qu'il pourrait avoir contre ce prêtre, lui remontrant combien c'est un grand mal de garder de la haine au fond du cœur. Il lui défend, au nom de Dieu et de ses saints, de causer aucun préjudice et de susciter quelque machination à ce prêtre, sinon il sera obligé d'user envers lui de la puissance de son ministère. A Bernard, comte de Toulouse, son parent, touchant les biens de l'église de Reims situés dans le royaume d'Aquitaine, que Bernard demandait qu'on lui concédât sauf redevance; Hincmar répond qu'il ne peut lui accorder sa demande, parce qu'il n'ose à cause du testament de saint Rémi, qui l'a absolument défendu à un autre Bernard, comte de Riom, pour qu'il ait un entretien avec Bernard de Toulouse, et l'engage à ne pas donner les biens de l'église de Reims en bénéfice à ses hommes, comme il apprend qu'il le fait; il lui annonce aussi que c'est lui qui sera chargé de l'information, si le roi ordonne l'enquête ; — item à Bernard de Toulouse sur le même sujet; il l'adjurera au nom du Dieu tout-puissant, de notre Seigneur Jésus-Christ, de sa sainte Mère et de saint Rémi, de ne se permettre acte d'usurpation sur ses propriétés, de ne causer aucun dommage ou empêchement aux serfs qui les cultivent, ni de molester aucunement Bernard comte d'Auvergne, qu'il a chargé de les défendre; que s'il refuse d’obéir, il l'exilera du seuil de l'Église et le séparera de la communion des fidèles, de concert avec tous les évêques d'Aquitaine et des autres royaumes ; — item pour l'admonester encore sur le même sujet; il l'engage à se concilier l'amitié et la protection de la sainte Vierge Marie et de Saint-Rémi, en respectant leurs biens; lui montre à quel péril on s'expose en retenant injustement les biens de l'Église, et l'exhorte à faire tout son possible pour ne pas mériter l'animadversion de l'Église en ce monde et sa perdition éternelle en l'autre; ; — item parce que Bernard continuait de causer préjudice et grand dommage à l'église de Reims, il lui rappelle qu'il a déjà été condamné par les sacrés canons, par le jugement des saints, par lui et par les autres évêques dont il usurpe les biens; il lui annonce qu'une ambassade est déjà partie, qu'une autre va partir avec autorisation de l'empereur pour porter plainte au pape de sa conduite, et en obtenir qu'un synode soit convoqué de son autorité, et que lui et tous autres usurpateurs des biens de l'Église soient frappés de la sentence de condamnation; il l'avertit donc auparavant, selon la loi évangélique et de son autorité épiscopale, et lui défend, par la croix et le sang de notre Seigneur Jésus-Christ, de s'attribuer aucune autorité sur les biens de l'église de Reims, ni de consentir à ce qu'aucun s'en attribue, si ce n'est pour les défendre contre les usurpateurs. Aux comtes Engelramne, Josselin et Adalelme, pour leur envoyer copie des lettres du roi qui lui ordonnent de convoquer les évêques et les laïques ses fidèles, afin de résister au diacre Carloman, fils du roi, qui s'était révolté contre son père dans ses lettres jointes à l'ordonnance du roi examinant ce qu'ils doivent faire ; il leur déclare que Carloman n'est pas de sa province, puisqu'il a été ordonné par Hildegaire, évêque de Meaux, et que, selon les canons, il n'a aucune autorité sur lui; qu'il n'a pas non plus le pouvoir de convoquer les évêques d'une autre province; que ce n'est pas d'ailleurs le moment de rassembler les suffragants de son siège, puisque c'est le temps de la nativité du Sauveur; enfin, quand même les évêques se rassembleraient et interdiraient leur diocèse à Carloman, il n'en croirait pas moins devoir persister dans sa résolution, si aucun pouvoir n'y apporte opposition: il les exhorte à peser mûrement ce qu'ils doivent faire d'après cette ordonnance afin de ne pas empirer le mal; il leur indique de quelle manière ils doivent se réunir, et comment convoquer les autres; enfin il conseille à Carloman de ne pas provoquer contre lui la colère de Dieu, de son père, des évêques du royaume et du peuple, de peur que lui et ceux qui seront avec lui ne se perdent corps et âme il exprime le désir que lui-même et les comtes envoient auprès du roi pour le rendre le plus favorable qu'ils pourront a son fils; que s'ils ne sont pas de cet avis, ils lui récrivent, etc., etc. ; — item aux mêmes sur le même sujet il estime que ce qu'il y a de plus prudent, c'est de ne pas mettre le peuple en mouvement avant de s'être concertés ensemble, et d'avoir mûrement considéré si l'on ne peut rien obtenir de Carloman, persuadé qu'il se rendra peut-être à leurs conseils et aux siens, etc., etc. A Carloman, Josselin et Conrad, pour leur transmettre le message du roi qui lui ordonne, à lui Hincmar, de venir avec ses autres fidèles pour prendre ses ordres et en faire part à Carloman : il leur désigne le lieu, le jour, l'heure où ils doivent se trouver ; il invite Carloman à envoyer Josselin et Conrad; ou, s'il l'aime mieux, à venir lui-même pour entendre avec tous le message du roi, et examiner ensemble ce qu'il y aurait de mieux à faire pour son salut et son honneur. Au comte Hardouin, encore sur les affaires de Carloman, il lui raconte où en sont maintenant les choses; que de part et d'autre des otages ont été donnés qu'ils ont eu un entretien avec Carloman, et qu'ils lui ont conseillé de vivre en paix dans le royaume, et de venir avec eux au devant de son père mais que le roi étant arrivé plus tôt qu'on ne l'attendait, il ne sait plus ce que fera Carloman; cependant il l'engage à se tenir prêt à exécuter les ordres du roi ; — item au sujet de quelques malfaiteurs dépendants d'un certain Wipert, qui commettaient des rapines, des meurtres, des incendies et autres crimes il l'exhorte à prendre avec son frère Hadebold toutes les mesures nécessaires pour réprimer par les lois et faire cesser ces désordres, s'ils ne veulent encourir la disgrâce du roi, qui les a établis ses messagers et commissaires en ce royaume; lui-même y mettrait tout son zèle s'il n'était pas empêché par ses infirmités : il lui ordonne de se procurer un entretien avec Ganulfe, un des fidèles du roi, qui passe pour donner asile à ces malfaiteurs, de lui remontrer à quel danger il s'expose en les recevant, et de le sommer de s'en abstenir désormais ; — item sur ce qu'il avait dit à Hardouin dans ses lettres qu'on l'accusait auprès du roi, mais ne s'était pas expliqué expressément sur l'accusation il lui mande de lui envoyer un messager fidèle et habile, qui lui fasse connaître exactement la vérité, afin qu'ensuite il lui donne les conseils qu'il croira les meilleurs, et le puisse aider de tous ses moyens en cette affaire. A un certain Maingand, son ami, au sujet des biens de saint Rémi situés dans les Vosges, dont quelques-uns voulaient retrancher et s'attribuer une manse avec ses dépendances. Déjà des envoyés du roi Louis avaient fait une enquête, et avaient reconnu que l'église de Reims possédait légitimement cette métairie, et qu'aucune autre puissance que l'église de Reims ne possédait un pouce de terrain dans l'enceinte des limites des biens que saint Rémi avait achetés en ce pays ; en conséquence il le prie de faire rendre à l'amiable la propriété contestée au domaine de l'église de Reims ; sinon, d'empêcher qu'elle ne soit rendue ou adjugée à aucun autre, jusqu'à ce que l'archevêque Luitbert et lui-même soient arrivés, et aient fait légalement plaider la cause par un avocat de l'église, etc., etc. ; — item sur le même sujet, pour le prier de prendre le plus grand soin de ces biens, etc., etc. A Erluin, aussi son ami touchant les mêmes biens et la manse en question ; — item pour le remercier de la protection qu'il accorde aux propriétés et aux colons de l'église de Reims; il le prie de continuer comme il a commencé, et de prêter son assistance aux monastères des serviteurs de Dieu, pour qu'ils puissent obtenir la paix qui leur est assignée sur ces biens; et aussi de donner ses soins pour faire rentrer au domaine de son église quelques manses qu'on en détachait injustement ; il lui envoie des présents en or et en argent, et lui promet ses services, tant spirituels que temporels; — item pour lui faire part des bruits qui lui parviennent au sujet de ces biens; il le prie de suggérer au roi Louis la pensée de restituer à l'église de Reims les biens qui lui ont été enlevés, de s'en faire donner la charge, et de se faire nommer commissaire du roi pour informer et faire justice ; il lui envoie en présent quelques vases d'argent; — item sur ce qu'il lui est revenu qu'un certain Lantfried se vante d'avoir obtenu ces biens de l'empereur Charles, pour les tenir en bénéfice avec le consentement de lui Hincmar; il proteste que tout cela n'est que mensonge, et que tous les rois qui sont sous le ciel n'obtiendraient pas de lui de consentir à ce que ces biens fussent tenus par quelqu'un, à cause des liens d'excommunication dont saint Rémi charge en son testament quiconque l'oserait. A Odalric, comte illustre et son ami, pour lui recommander ses hommes, dont Louis le Germanique, roi et seigneur d'Odalric, maltraitait les biens commettant envers eux toutes sortes d'injustices, il le prie d'engager son roi à craindre le jugement du Roi des rois, et à réparer le mal qu'il a fait; et comme le roi affectait de croire que lui Hincmar conseillait à son roi de saisir les biens que les fidèles de Louis possédaient en France, et de dire que c'était pour cela qu'il s'emparait des biens de ses fidèles en Germanie, Hincmar objecte que le roi n'aurait pas dû croire pareille chose d'un évêque catholique, son fidèle, avant de connaître la vérité; qu'au contraire il a combattu l'avis de ceux des conseillers qui donnaient ce conseil à son seigneur ; il rappelle comment Carloman, frère de Charlemagne, a donné ce village de Neuilly, à saint Rémi, et comment, depuis ce temps jusqu'à ce jour, il a été régi et administre; enfin, il lui remontre qu'il ne s'agit de rien moins que du péril de son honneur et de son âme, s'il pouvait consentir à laisser dépouiller l'église qui lui est confiée et s'il cachait au roi son seigneur les périls qu'il encourt, lui qui pour le monde entier ne voudrait pas perdre son rang et son âme, etc. etc. ; — item pour le remercier d'avoir eu égard à sa demande, et d'avoir rendu service à ses fidèles il l'assure qu'il lui garde toute son affection, et l'engage à continuer et à ne jamais se désister de sa bonne conduite. A Bertrand, comte du Tardenois, son parent, pour l'engager à prêter serment de fidélité au roi, qui se trouvait alors dans son canton au sujet du lieu où reposait le corps de sainte Patricie, et qui manquait de prêtre, il l'engage à désigner le plus promptement possible, aux ministres ecclésiastiques, un clerc apte au saint ministère, qui puisse être ordonné qu'il tienne pour certain qu'il ne laissera pas ce lieu sans pasteur après l'ordination qui doit se faire prochainement, parce qu'il ne peut abandonner le peuple à un pasteur mercenaire et étranger; s'il ne lui présente pas le plus digne qu'il aura pu trouver, il ordonnera le meilleur qui lui tombera sous la main; — item pour Haimon, un de ses fidèles, que le comte faisait citer devant lui par un ban, tandis que, par l'ordre du roi, il avait été donné à l'archevêque. A l'illustre comte Boson, sur l'élection d'un évêque à Senlis; il lui remontre qu'il n'est pas de son ministère de désigner qui que ce soit particulièrement, etc. etc. A Boson, personnage illustre, pour le remercier de la fidélité avec laquelle il tient la promesse qu'il lui avait faite de protéger les biens de l'église de Reims. Il l'engage à se conduire toujours de telle manière. que ses prières et celles de son église lui puissent profiter et ne lui dissimule pas qu'on lui a dit qu'il se permettait des actions coupables et périlleuses en donnant à ses hommes les biens de diverses églises, ce qui lui fait craindre que les prières que les fidèles adressent pour lui au Seigneur ne soient couvertes et étouffées par les clameurs des saints qui règnent avec Dieu dans les cieux, etc. etc. Au comte Coiran au sujet d'un de ses hommes accusé d'avoir commis quelques crimes graves; le prélat n'osant pas l'absoudre sans examen et sans discussion, le prie, au nom de l'affection qu'il lui porte, de donner l'ordre à cet homme de venir devant lui pour se disculper ; que s'il refuse, il le frappera beaucoup plus sévèrement, soit en sa qualité d'évêque soit en sa qualité de commissaire du roi. A Isambert, personnage illustre et son ami pour lui recommander son neveu Hincmar, qu'il appelle malheureux sans doute à cause des peines sévères que lui ont attirées ses fautes; il le prie de le secourir en tous ses besoins. Au comte Rainold, au sujet des biens de l'église de Reims, dont celui-ci lui avait annoncé le recouvrement et la reprise sur les usurpateurs qui les désolaient. A l'illustre comte Theuderic en lui envoyant le rôle des hommes qu'il arme pour une expédition et pour le service du roi ; — item à l'occasion de quelques présents en argent qu'il envoie au roi, obligé de séjourner pour le service de Dieu, dans un pays désolé par les païens ; — item sur la sollicitude que, du vivant du roi Louis, mort depuis peu, Theuderic avait témoignée aux fils de ce roi il le prie de ne pas trouver mauvais qu'il l'avertisse, par amitié qu'il doit être une sentinelle vigilante auprès de ces jeunes princes il lui montre qu'il n'y a pas seulement une grande présomption, mais un grand péril à ce qu'un homme administre à lui seul tout le royaume, sans l'avis ou le consentement d'un grand nombre; — item sur quelques affaires qu'il lui avait mandées, il lui fait connaître de quelle manière les choses avaient été réglées autrefois entre les rois Louis, Lothaire et Carloman, et de quelle manière il conviendrait de les régler aujourd'hui; il cite et ajoute quelques capitulaires rédigés et arrêtés en commun par les trois rois, Louis, Charles et Lothaire; — item pour lui recommander un évêque plein de vertu et de religion; il le prie de lui accorder un entretien afin que par son intervention il puisse parvenir à être présenté au roi et obtenir ce qu'il demandera avec justice et raison. Il lui a écrit encore sur beaucoup d'autres sujets. A Hugues, fils du roi Lothaire; il lui rappelle qu'il a eu pour ami son père et son aïeul, l'empereur Lothaire et que, désirant son salut, il croit devoir lui faire connaître par affection les périls auxquels il s'expose par sa conduite. On dit que de nombreux brigands ont formé avec lui une association coupable, et que sous la conduite ou par les conseils du prince, ils exercent d'innombrables et horribles ravages et une foule d'autres crimes qui tous retomberaient sur sa tête. Il lui remontre combien il est à craindre que de si grands crimes ne lui attirent les peines éternelles et il lui déclare que sa conduite a été dénoncée au synode qui vient de se tenir en Neustrie. Il lui reproche aussi de méditer une invasion dans le royaume de France et lui mande qu'il a été chargé par le synode de Neustrie de l'avertir et de le sommer, selon ce que les lois prescrivent, de se repentir d'une si insigne violence, de se séparer des malfaiteurs, et de renoncer à troubler et envahir le royaume; que s'il refuse de se rendre à ses avertissements et aux ordres du synode, il convoquera les évêques de son diocèse et des diocèses voisins, et en assemblée synodale le frappera d'excommunication, lui et tous ses complices et fauteurs qu'ensuite tous ces évêques réunis notifieront la sentence d'excommunication au pape de Rome et à tous les évêques et princes des royaumes voisins. C'est pourquoi il l'avertit, avec toute la tendresse d'un père pour son fils, de réfléchir à quel péril il s'est exposé, lui proposant plusieurs sentences des saintes Écritures, afin qu'il puisse reconnaître son danger, l'exhortant et le conjurant de ne pas croire les flatteurs, de se garder de tenter l'invasion du royaume, et de se rappeler quel profit est revenu à ses oncles d'avoir entrepris l'invasion de la France contre la loi de Dieu, et que, pour des travaux aussi entrepris contre la volonté du Seigneur son père a perdu le trône et la vie. Il lui cite les peines que les lois portent contre les usurpateurs. Il ajoute que le roi lui a dit et même montré qu'il était dans l'intention de combler Lothaire d'honneurs et de dignités s'il n'était pas coupable: qu'il se garde donc d'écouter les conseils des hommes dépravés, et évite les médians qui fleurissent pour un temps, mais bientôt sécheront comme l'herbe; que plutôt il écoute la sainte Écriture, qui dit avec tant de vérité. Attendez le Seigneur, et gardez sa voie, etc. Enfin il termine en le priant de lui répondre avec franchise et vérité. A Engilgaire personnage illustre la lettre suivante : Hincmar, évêque, à Engilgaire, salut. Il nous est revenu que, contre toute raison et justice, tu as forcé Rathramne, un de tes hommes, à prêter un faux serment quoiqu'il te doive service et obéissance, cependant, pour son salut, comme toi pour le tien, il est commis à nos soins. C'est pourquoi je te mande que je m'étonne que tu n'aies pas compris qu'il y avait pour toi un bien plus grand péril à précipiter un homme dans le parjure par persuasion ou par terreur, qu'à te parjurer seul. Car où il n'y aurait que parjure tu ajoutes l'homicide, puisqu'en forçant un autre à se parjurer, tu te perds toi et lui. C'est pourquoi, si les choses sont comme elles nous ont été rapportées, nous t'ordonnons de t'abstenir de l'église et de l'autel, jusqu'à ce que tu sois venu près de nous, que tu nous aies donné une excuse suffisante pour une telle imprudence, ou que tu te sois soumis à une pénitence convenable. A Leudowin son ami, plusieurs lettres touchant les biens et les serfs de l'église de Reims situés en Provence; — item à Letuard et Hilduard, et plusieurs autres du même pays, tant pour les biens de son église que pour le salut de leurs âmes. Au comte Achade, au sujet des rapines qu'on lui dénonce comme exercées par ses hommes dans son comté et touchant un village d'où il se préparait à enlever les blés appartenant à l'église de Reims. Il lui notifie que, s'il se permet d'enlever la moindre chose, il l'excommuniera lui et les siens, et les séparera de toute la chrétienté; et qu'en vertu de son autorité de messager et commissaire du roi, il lui fera subir les peines portées contre tout comte qui commet des injustices dans son comté. Au comte Amalbert, sur l'injustice qu'il a commise en rendant un jugement par lequel il exige que les biens d'un mort lui soient remis par le légataire, qui, selon les volontés du défunt, les a distribués en aumônes à son intention. Il frémit à la pensée que, chrétien et destiné à mourir, il n'ait pas craint de commettre une pareille injustice, ni redouté le jugement de Dieu. Il lui montre par l'autorité des saintes Écritures, et lui remet sous les yeux toute l'énormité du crime qu'il a commis. Il mériterait d'être regardé comme un mercenaire et non comme un pasteur, s'il pouvait voir l'injustice et la taire; il est commissaire de l'empereur, et a des instructions qui le chargent de défendre les étrangers et les pauvres. En conséquence il ordonne, au nom du Dieu tout-puissant, du ban de l'empereur et de son autorité épiscopale, tant au comte qu'à tous collecteurs des impôts ou juges qui ont pris part à ce jugement, de ne porter aucune condamnation contre cet homme pour cet objet, de ne l'inquiéter ni lui causer aucun embarras, jusqu'à ce que lui Hincmar, soit par lui-même, soit par des envoyés chargés de ses pouvoirs, ait exactement instruit la cause, et ait rendu une décision juste et raisonnable, selon les lois ecclésiastiques et humaines déclarant que quiconque osera le faire, au mépris des commandements de Dieu, d'abord il le fera punir selon les capitulaires légaux; qu'ensuite, selon les lois ecclésiastiques, il le fera retrancher de la communion des chrétiens jusqu'à satisfaction. Il affirme, en outre, que tous ceux qu'il aura cités devant lui afin de pouvoir informer la cause avec exactitude, et la juger légalement et régulièrement, et qui refuseront de venir après trois avertissements, il leur interdira tout commerce avec les chrétiens jusqu'à satisfaction, à moins qu'ils n'allèguent une excuse légitime. Il finit en les épouvantant des fléaux et des peines que subissent tant de gens, en leur remontrant que s'il leur parle si durement d'après la parole de Dieu, c'est pour leur faire comprendre quelle offense ils commettent en cette affaire contre les commandements de Dieu et en violation des saintes Écritures, et en les conjurant de ne pas ajouter à la mesure de leurs péchés le poids des péchés d'autrui. A Sigebert, touchant l'injustice et le préjudice qu'il avait causé à un prêtre pour une certaine église; il lui mande de réparer sur-le-champ sa faute, et de se garder à l'avenir de pareilles légèretés et présomptions sinon il exercera contre lui toute la sévérité de son ministère, et notifiera à tous les autres évêques d'en faire autant. [3,27] CHAPITRE XXVII. Des lettres qu'il a écrites à quelques reines. Écrivant à l'impératrice Hermengarde, il la félicite de la ferveur de sa dévotion, et l'assure qu'il ne l'oublie jamais dans ses prières, et ne manque jamais de faire en son nom quelque offrande au Seigneur; — item en réponse aux lettres qu'elle lui avait écrites et dans lesquelles elle lui mandait que quelques personnes lui avaient dit que c'était par ses ordres que beaucoup de dommages étaient causés aux biens du monastère d'Avenay, dont la princesse Berthe, sa fille, était abbesse : Hincmar lui proteste que c'est le diable, le père du mensonge, qui ment ainsi par la bouche de ses accusateurs. Cependant il ne nie pas que ses hommes n'aient pu commettre quelque injustice contre les biens du monastère mais il soutient que c'est à son insu, sans son consentement, et contre sa volonté. Quant à une manse qu'elle prétendait aussi avoir été enlevée injustement au même monastère, il affirme autant qu'il peut s'en rapporter au témoignage de sa conscience, qu'il n'a de sa vie enlevé une manse à qui que ce soit; qu'il a seulement demandé et obtenu du roi qu'il envoyât des commissaires qui, faisant des recherches exactes et pesant tout dans une juste balance, pussent adjuger cette manse à qui il appartiendrait, de l'église de Reims ou du monastère d'Avenay; lui, dit-il, qui a tout quitté pour Jésus-Christ, il n'a aucun désir ni besoin d'enlever à personne ce qui lui appartient; cependant il ne peut par négligence abandonner et laisser prendre sans raison et sans loi ce qui lui a été confié. — Il ajoute beaucoup de choses sur le monastère, qui, dit-il, a besoin du secours de l'impératrice et de celui de sa fille; il la prie d'envoyer quelque messager habile et fidèle avec un autre de la part de sa fille, qui viennent avec lui corriger ce qui est à corriger, et voir qu'il n'apporte en cette discussion d'autre intention et d'autre volonté que d'éviter qu'elles ou lui ne courent quelque danger pour leur âme, ce qu'il plaise à Dieu d'empêcher; il la conjure de se tenir toujours en garde, et de ne pas croire facilement au bruit des langues, surtout quand il s'agit des prêtres du Seigneur, parce que c'est le diable qui, ne pouvant obscurcir son jugement sur aucun autre point, cherche du moins à la faire errer, en lui inspirant une fausse opinion sur le compte de prêtres. — Enfin, quant à ce qu'elle ajoutait qu'elle avait parlé en sa faveur à l'empereur Lothaire, il lui soutient qu'elle a au contraire agi contre lui comme il ne convenait pas de le faire à une grande reine et à une épouse vraiment dévote au Seigneur. Hincmar lui répond : Je sais qu'on a dit beaucoup de mal de moi, mais si l'empereur veut, il pourra facilement connaître que tout cela n'est que mensonge cependant je n'ose l'en blâmer, parce qu'il est mon seigneur, et je me garde de dire de sa personne ce que je lis dans l'Écriture : Celui qui écoute volontiers des paroles de mensonge aura aussi des ministres impies; c'est-à-dire qui lui diront volontairement des choses impies sur les pieux. Celui qui lui a dit de ma part ce que vous me mandez ne lui a pas dit la vérité, et a interprété en mal ce que j'avais dit en bien; s'il voulait connaître la vérité et si quelque envoyé me venait de sa part pour l'apprendre de moi comme il en est venu qui m'ont calomnié, moi, prêtre du Seigneur, je satisferais volontiers à ses désirs; mais quant à lui envoyer quelqu'un, comme me le conseille votre bénigne Domination, qui aille lui affirmer que je ne veux rien faire de contraire à la fidélité que je lui dois, vous savez quels mensonges ont cours en ce siècle, quelle doit être la sincérité d'un prêtre, et quelle fidélité je veux conserver à mon seigneur, comme d'ailleurs de méchants interprètes pourraient interprêter le bien à mal je ne puis le faire encore. Cependant si mon seigneur Lothaire veut me croire il peut s'assurer en toute vérité que je ne suis infidèle ni à lui ni à personne au monde; s'il veut croire, qu'il croie; sinon, quand tous deux, lui entre les rois, moi entre les évêques, nous comparaîtrons devant le Roi des rois et l'Évêque des évêques, il connaîtra pleinement la vérité sans le témoignage de personne, etc., etc. A Berthe, abbesse du monastère d'Avenay, pour se plaindre des vexations que les frères et les serfs du monastère de Haut-Villiers et de quelques autres villages de l'église de Reims souffrent de la part de ses hommes, depuis qu'elle est venue en ce royaume; il la prie de faire diligence et de mettre tout son zèle pour que l'église de Reims ne souffre pas de si grands et inouïs dommages de son voisinage, elle qui au contraire devrait faire la joie et la consolation de cette église par sa bonne vie et sage conduite. Que, si elle faisait ainsi, elle se rendrait agréable au Seigneur, à la sainte Vierge, à saint Rémi, et s'assurerait les services et la bonne volonté épiscopale. Mais que si elle négligeait de corriger ses sujets coupables, il serait obligé de porter ses plaintes aux oreilles du roi et qu'enfin si les excès continuaient, il se verrait contraint d'exercer toute la sévérité du ministère ecclésiastique contre elle et contre les siens. A la reine Hermentrude, sur les mesures à prendre pour l'élection d'un pasteur en l'église de Beauvais ; il la prie de s'employer auprès du roi pour qu'il ne se laisse fléchir par personne à prendre quelque disposition illégitime au sujet de cette église, jusqu'à ce que lui-même, en venant remplir son service auprès du roi, lui fasse connaître ce qui est nécessaire à faire; et qu'ainsi il puisse tout disposer selon la volonté de Dieu et l'utilité de l'église de Beauvais. A Rotrude, vierge consacrée au Seigneur, et aux autres sœurs du monastère de Sainte-Croix et de Sainte Radegonde, pour l'élection d'une abbesse, pour laquelle le roi avait ordonné à l'archevêque Frotaire, à Érard et à Angenold de se rendre au monastère, afin de la présider et diriger selon les règles et formes prescrites par les saints canons. Hincmar leur enjoint que si toutes les congrégations, d'une voix unanime, ou au moins la majorité, donnent leur suffrage à Rotrude, elle soit ordonnée et constituée abbesse; que, si au contraire toute la congrégation s'accorde à la rejeter et à en choisir une autre, celle qui aura été choisie soit reconnue comme abbesse, et, jusqu'à ce qu'on en ait fait rapport au roi remplisse tous les devoirs et fonctions de cette dignité; qu'Odila retourne à son monastère enfin que tous les principaux clercs et vassaux reviennent à la reine, sous la protection de laquelle, après celle de Dieu et de ses saints, ils doivent naturellement se placer. — Ainsi donc, dit-il, aimez vos sœurs avant tout, et soit dans vos entretiens particuliers, soit dans vos assemblées publiques, repoussez et rejetez loin de vos cœurs toutes ces haines, foyers de scandales, qui jusqu'à présent ont jeté la division entre vous; qu'aucune de vous ne demande à Dieu ni au monde vengeance d'une de ses sœurs pour quelque discours, action ou mépris que ce soit car, comme le Seigneur le déclare, sans la concorde rien de ce que vous lui offrirez ne lui sera agréable soit que vous priiez, soit que vous offriez le saint sacrifice, soit que vous vous affligiez et mortifiiez, vous ne trouverez point grâce devant lui sans la concorde de la charité; parce que, comme dit l'Apôtre : Quand je livrerais mon corps pour le brûler, si je n'ai pas la charité, je ne suis rien. Vous savez que la règle que vous avez fait profession de suivre ordonne, à cause des épines de scandale qui peuvent croître dans un monastère, que chaque jour, a l'office du matin et du soir, la prieure récite l'Oraison dominicale de manière à ce que toutes l'entendent, afin que, craignant l'engagement que nous prenons avec le Seigneur en lui disant : Remettez-nous nos offenses comme nous les remet tous à ceux qui nous ont offensés, nous chassions de notre cœur toute rancune. Ainsi faites que vos discordes ne fassent pas périr l'élection en votre monastère; réunissez-vous, selon la volonté de Dieu, en une dévote et régulière unanimité; et, pour votre salut présent et éternel, avec la paix de la charité qui est la mère de toutes les vertus, avec l'humilité, qui en est la sauvegarde, avec la vraie et parfaite obéissance, qui est l'échelle par laquelle on monte au ciel, accordez-vous entre vous pour une élection salutaire; réduisez-vous, astreignez-vous et tenez-vous à l'observation des règles car, vous le savez aussi bien que moi, vous ne pouvez vous sauver autrement. De même que vous gardez vos âmes de tout mouvement désordonné, gardez vos langues de tout discours capable de provoquer la colère et de vous nuire, selon le conseil de l'Apôtre : Que toute clameur et indignation disparaisse d'entre vous avec toute malice et qu'aucun mauvais discours ne sorte de votre bouche; que comme il arrive trop souvent aux hommes d'abord contristés, et ensuite transportés de joie quand ils ont obtenu ce qu'ils désirent, aucune de vous ne se permette sur personne des discours inconvenants ne perdez pas devant Dieu le mérite de la patience par des discours inutiles, et ne donnez pas lieu à ceux qui pourraient vouloir provoquer quelqu'une d'entre vous à d'injustes et inconvenants propos sur le compte d'autrui de vous trouver en défaut qu'enfin ni le diable ni aucun homme malintentionné ne puisse vous condamner avec raison en la moindre chose; au contraire conduisez-vous toujours de manière qu'ornées de toutes les vertus à l'intérieur et à l'extérieur, vous puissiez faire parvenir aux oreilles du Seigneur des prières toujours agréables et sûres d'être exaucées, non seulement pour vous-mêmes pour votre seigneur et maîtresse, pour vos amis, mais encore pour vos ennemis. A l'abbesse Teutberge, pour le règlement du monastère d'Avenay, qu'il avait auparavant arrêté avec la reine Hermentrude, tant pour le nombre des clercs et nonnes, que pour tout ce qui regardait les biens de ce monastère, montant à onze cent cinquante manses; il lui mande que le monastère peut comporter vingt clercs et quarante nonnes ; qu'il les a pourvus de tout ce qui est nécessaire à leur entretien et au saint ministère, outre les luminaires et autres nécessités d'un monastère ; il lui remontre que c'est Nivard archevêque de Reims, qui a fait construire le monastère de Haut-Villiers aux frais de l'église de Reims, et que c'est son frère qui, de son propre bien et avec les donations de quelques autres hommes de bien, a fait bâtir celui d'Avenay, et qu'il l'a ensuite légué à l'église de Reims, ainsi qu'en font foi des chartes authentiques mais que depuis longtemps ce monastère, comme d'autres biens de cette église, a été possédé par des étrangers en vertu de donations royales, etc., etc. A la reine Richilde, pour lui reprocher que, pendant le temps que le siège de Laon était vacant et confié à sa protection spéciale, elle a permis que le directeur du monastère d'Aurigny mésusât des aumônes léguées par la reine Hermentrude, et qu'ensuite elle a forcé pour lui complaire, contre les lois canoniques, le prêtre Winifried à chasser de ce monastère une abbesse légitime et régulièrement élue ; il lui remontre, d'après les saintes autorités, à quel péril elle s'expose, et lui rappelle qu'il lui envoya dans le temps quelqu'un pour la détourner d'attirer un si grand danger sur sa tête; mais que, loin de reconnaître sa faute, elle y avait ajouté une faute plus grande, en élevant, au mépris de toutes les règles, au gouvernement de ce monastère une néophyte toute novice encore en religion, pour quelques biens qu'elle en avait reçus. Il ajoute que lors qu'Hédenulfe fut ordonné évêque de Laon, il l'avertit de conseiller au roi Charles d'annuler un acte si coupable, et de se sauver, lui et la reine, d'un si grand danger; que voyant que ses avertissements ne produisaient aucun effet, il s'était ensuite adressé au roi lui-même; mais que celui-ci, dans la crainte de contrister la reine, avait négligé de corriger ce qu'il savait pourtant être mal. Il lui remet aussi en mémoire comment le même roi Charles, à la demande de la reine Hermentrude et par le conseil de Pardule, évêque de Laon, lui avait ordonné de rédiger une charte de privilège et concession des biens que possédait alors Hermentrude, en faveur du monastère d'Aurigny, avec prière de la faire approuver par les autres évêques pour ensuite, lui roi, la confirmer; qu'il avait obéi à l'ordre du roi, mais n'avait pas. rédigé le privilège dans les termes qu'il demandait, et s'était servi absolument des termes employés par saint Grégoire, dans la charte d'institution d'un monastère fondé par une reine, répétant les mêmes menaces que ce grand saint lançait contre quiconque attenterait aux droits de ce monastère; et il ajoute que, tant qu'elle persévérera dans son péché et son usurpation, toutes les fois qu'elle recevra le corps et le sang de notre Seigneur Jésus-Christ, elle recevra son jugement et sa condamnation, il la conjure de ne pas se laisser séduire à son orgueil, ou à des suggestions étrangères, mais de songer au salut de l'âme du roi, à sa propre rédemption, et de s'empresser de corriger tout ce qu'elle a fait de mal il lui remontre aussi quel crime elle a commis s'il est vrai, comme il lui est revenu, qu'elle ait supprimé la charte susdite et l'ordonnance royale qui la confirme qu'elle doit se hâter de tout réparer, si elle ne veut encourir la damnation que si comme on le lui affirme encore, elle a reçu des terres et des serfs de la jeune novice, pour lui confier le gouvernement du monastère, elle s'est rendue coupable de simonie; que quiconque tombe en cette hérésie, ne peut, tant qu'il y persévère être aux yeux du Seigneur membre du corps de l'Église catholique; il l'invite à lire les capitulaires de la règle de Saint-Benoît, sur l'ordination d'un abbé ou d'une abbesse ; elle y verra quelle faute grave elle a commise contre le Saint-Esprit, sous l'inspiration duquel cette règle a été promulguée; enfin il lui démontre, par les saintes autorités et institutions canoniques, à quelles peines elle-même et celle qui a acheté le titre d'abbesse se sont exposées. Il la supplie de recevoir avec bienveillance et bonté ce qu'il lui écrit, avec gémissement pour remplir les devoirs de son ministère, et, de reconnaître qu'il n'a en vue que le salut du roi, le sien et la fidélité qu'il leur doit. A Leutgarde, épouse de Louis le Germanique, pour lui recommander les messagers qu'il envoie au roi Louis, afin que par son intervention ils puissent obtenir d'être présentés au roi, et aussi afin qu'elle intercède auprès du roi et le dispose à envoyer à Reims des commissaires habiles et fermes qui puissent préserver la ville et les monastères qui en dépendent, des attaques et incursions de l'armée germanique qui envahit le royaume. A Hermengarde, épouse de l'illustre Boson, pour recommander à sa protection les biens des églises de Dieu; sachant qu'elle a été suffisamment instruite dans les saintes lettres par un certain Anastase, il exprime le souhait que celui qui lui a donné de savoir lui donne aussi de vouloir; de pouvoir et de faire le bien il l'engage à exhorter son mari à craindre Dieu, et à garder ses commandements. Il a appris que Boson se permet d'enlever aux églises leurs biens et de les distribuer à ses hommes; il la prie de lui montrer par les saintes Écritures quel jugement terrible Dieu porte contre ceux qui ne respectent pas les biens de l'Eglise, etc., etc. A Berthe, épouse du comte Gérard, pour les biens de son église situés en Provence, dont il avait confié la défense et l'administration au comte : il la prie de vouloir bien être une active et zélée protectrice des intérêts de l'église de Reims auprès du comte son époux. A Hermensinde, femme puissante et de grand nom, au sujet d'un diacre qu'elle avait fait arrêter et réduire en servitude, il lui expose comment ce diacre avait d'abord été légitimement affranchi, comment après son affranchissement il l'a ordonné aussi légitimement; il lui remontre que, quand même ce diacre aurait été son serf, et n'aurait pas ensuite acquis la liberté, par cela seul qu'il en a si longtemps joui depuis son ordination sans aucune réclamation de sa part, il ne pourrait plus, d'après les lois canoniques, être réduit en servitude; à plus forte raison quand il est né colon ecclésiastique, n'a été le serf de personne, a été légalement affranchi, canoniquement ordonné, et ainsi est devenu l'homme de son église et de celui qui l'a ordonné, il l'engage donc à ne pas pousser plus loin une prétention injuste, ajoutant que, si elle y persévère, il sera obligé de la réprimer par les voies légales et canoniques il ne lui parle ainsi, dit-il, et ne lui donne ces avertissements, que parce qu'il lui porte amitié. [3,28] CHAPITRE XXVIII. Des conseils de salut qu'il a donnés à plusieurs de ses inférieurs. Il a aussi souvent écrit à plusieurs de ses inférieurs comme un père à ses enfants, pour leur donner d'utiles instructions ou sages conseils sur leurs affaires tant spirituelles que temporelles; ainsi, entre autres : A Richald, chorévêque, et à Rodoald, archiprêtre, pour les convoquer au synode qui doit se tenir au palais royal de Kiersi, il leur mande de faire connaître dans toute retendue du diocèse de Reims à tous ceux qui se croient lésés, de venir porter leurs plaintes au synode, et d'avertir et sommer avec autorité quelques-uns de ne pas manquer de comparaître il leur ordonne aussi de citer à ce même synode, au nom de Dieu, du roi, et au sien, Milon et sa fille, dont Fulcric avait abusé, et tous les prêtres qui avaient consenti a cette union illégitime et sur les paroisses desquels les coupables résidaient. A Ansold, Gérold et Hadric, pour leur ordonner de faire rechercher un frère nommé Raganfried, un de ses desservants de le tenir sous bonne garde, mais libre et sans aucune punition de peur qu'il ne se sauve, et ensuite de le lui faire conduire. Il mande à Raganfried lui-même, de l'autorité de Dieu et de la sienne, de rester aux lieux où il se trouve, et de se soumettre à l'enquête qu'il a ordonnée enfin, celui-ci s'étant échappé, et séjournant dans des diocèses étrangers, Hincmar lui écrit de nouveau pour le rappeler et le sommer d'autorité de revenir dans sa métropole, et de se représenter à son Humilité ou, s'il a quelques plaintes à faire contre son jugement, de les porter devant le synode. A Gislold, supérieur de chanoines, touchant les biens qui lui avaient été confiés et qu'il s'était permis d'usurper; dans cette situation, il avait quitté le diocèse d'Hincmar contre toutes les règles l’évêque le somme de rentrer, et de venir se justifier des griefs qui lui sont reprochés. A Théodacre, aussi supérieur de chanoines, en faveur du même Gislold pour lequel la reine Hermentrude intercédait, et demandait qu'il le fit rentrer dans la part d'administration qui lui appartenait légitimement, et lui fît rendre tout ce qui pouvait lui être dû dans l'évêché, l'évêque en donne l'ordre à Théodacre et comme Gislold lui avait dit être chargé d'un message de la reine pour les chanoines, il les invite à le recevoir, s'il vient, avec les égards et le respect dus à un envoyé de la reine. Au doyen Gérard, au sujet d'un nommé Radulfe, excommunié, lequel était venu le prier de lui infliger une pénitence. Il ordonne à Radulfe de venir à Reims pour recevoir cette pénitence, avec la religieuse avec laquelle il avait eu commerce; et en même temps il enjoint au prêtre Gérard de recommander aux autres prêtres d'avoir pour les deux coupables la plus grande sollicitude, et que si l'un ou l'autre venait à être surpris par une maladie dont il n'aurait pas espérance d'échapper, de lui donner l'absolution, s'il promet de se repentir du fond du cœur, et proteste devant témoins qu'il est dans l'intention de faire pénitence de son péché et d'obéir aux ordres de son évêque. A Sigloard archiprêtre à Ansold, et à quelques autres, pour les charger d'une enquête contre un certain prêtre du diocèse ; il leur trace la marche à suivre dans cette information ; que si, comme on le lui a dit, ce prêtre a été, contre les lois, dépouillé de quelques-uns de ses biens et droits, ils lui soient restitués avant qu'il soit forcé de répondre à ses accusateurs afin que l'évêque, en enlevant à un accusé la garantie des lois, ne s'en prive pas lui-même; que si c'est le comte qui l'a fait dépouiller de ses biens, ils lui fassent sommation de l'y rétablir; et il leur prescrit de quelle manière ils doivent agir; si le comte refuse, que ceux même qui ont pris les biens fassent réparation légale, et qu'ensuite lui-même, en sa qualité d'évêque, réglera leur pénitence selon leur repentir; que si le comte ne veut pas non plus faire droit à cette seconde demande, ils l'en instruisent, afin qu'il en fasse son rapport au roi ; quand tous ces préliminaires auront été remplis, qu'ils entreprennent le jugement; mais qu'ils prennent bien garde à ce que par ignorance les accusateurs n'aillent, par l'impulsion de quelqu'un, intenter quelque faux grief qui serait leur damnation ; qu'ils prennent enfin toutes les précautions commandées en pareil cas pour empêcher qu'un prêtre ne soit condamné injustement; qu'ils adjurent ensuite les accusateurs et leurs témoins, par leur baptême et par toutes autres adjurations usitées, de ne proférer aucun mensonge contre ce prêtre, par haine ou par envie, ni par la crainte ou les suggestions de qui que ce soit, et aussi de ne rien taire de la vérité par faveur, amour ou espoir de récompense; qu'ils notifient aux accusateurs et témoins quelles personnes les sacrés canons défendent d'admettre en accusation ou en témoignage contre un prêtre; comment ensuite ils doivent discuter et examiner la qualité des accusateurs et des témoins; que toutes les dépositions faites sur chaque grief par les accusateurs ou témoins soient écrites et relues ensuite en présence de tous, afin qu'il soit bien constant que telle est leur déclaration; qu'il soit aussi dressé un rôle de tous ceux qui auront assisté au jugement, tant prêtres que laïques, selon qu'il sera jugé nécessaire que les accusateurs s'engagent en personne, et les témoins par serment, à se représenter à la prochaine audience que les canons accordent toujours à un prêtre pour répondre et lui défendre que cette prochaine audience soit fixée a trente jours, afin qu'il puisse se préparer à se purger canoniquement de l'accusation, ou convenir de sa vérité ; que s'il ne comparaît, qu'il sache qu'il encourt la sentence et condamnation canonique; qu'ils publient un ban au nom de Dieu et de l'autorité des saints canons, au nom du roi et de leur archevêque, par lequel défenses soient faites à tous de tendre aucune embûche, ou de faire aucune violence à ce prêtre, ni aux accusateurs ou témoins jusqu'à ce que la cause ait été légalement jugée; Hincmar prescrit en outre quel traitement infliger à ceux qui, variant dans leur déposition auraient d'abord, quand le prêtre a été mis en accusation, prêté serment et confirmé leur serment au jugement, et ensuite viendraient déclarer qu'ils se sont parjurés; enfin, il règle aussi ce qu'ils doivent faire de la terre appartenant à l'Église, et qui était contestée entre le comte et le prêtre; il mande que le comte ait à obéir à ce qu'il prescrit; sinon, qu'il en appelle devant le roi et les fidèles, tant évêques que laïques; que si tout le monde obéissant, c'est le prêtre qui refuse d'obéir, on en appelle canoniquement au synode provincial. Item, à Sigloard et à Ansold, au sujet de la même enquête il leur reproche avec sévérité d'y avoir procédé avec négligence etc. ; — item au sujet d'un prêtre qui après son ordination avait oublié par paresse et négligence tout ce qu'il avait appris auparavant pour pouvoir remplir son ministère; il ordonne de le tenir pendant quelque temps en une sévère réclusion, afin que du moins ainsi quelque regret touche son cœur et le purifie de son péché, etc. ; — item pour un jeûne de trois jours que le roi avait ordonné, de concert avec les évêques et tous ses fidèles, pour la paix de la sainte Église de Dieu; il prescrit de quelle manière il doit être pratiqué ; — item au sujet d'un prêtre du monastère d'Avenay, accusé d'être l'auteur du vol d'un trésor de son église depuis longtemps perdu. Item, à Sigloard et à Rodold, au sujet d'un prêtre qu'il avait autorisé sur le témoignage et d'après le conseil de Sigloard, à se démettre par une déclaration publique, du gouvernement du peuple qui lui avait été confié, et à demander qu'un autre fût ordonné à sa place; mais ce prêtre lui avait caché qu'il avait passé une espèce de contrat avec un de ses élèves pour se faire ordonner à sa place, sans le consentement de son seigneur, et qu'il avait par dol et fraude reçu des présents en retour, contre la défense épiscopale ; Hincmar prescrit toutes les mesures à prendre contre lui; — item à Sigloard, au sujet d'un prêtre de l'église de Saint-Julien qui avait dérobé une lampe consacrée à saint Rémi ; il reproche à Sigloard d'avoir eu connaissance de ce vol et de le lui avoir caché, lui que son évêque a établi son vicaire devant le Seigneur, et a chargé de ses pouvoirs; il aurait dû tenir le coupable dans la plus étroite prison, et non lui donner la liberté sous caution; il lui ordonne de faire maintenant ce qu'il aurait du faire plus tôt; il ordonne en même temps que le vidame fasse réparer la prison, et qu'on y mette des gardes s'il est nécessaire; — item à Rodold, pour lui reprocher d'avoir imprudemment délié ce que son évêque avait canoniquement lié, et d'avoir permis à d'autres prêtres de dire la messe dans une chapelle dépendante de la basilique de la cour de l'église; il lui prescrit ensuite la conduite à tenir. A un moine nommé Anselme, pour lui ordonner de dresser un inventaire de tout ce qui a été fait ou donné au monastère de Haut-Villiers avant et depuis son ordination à l'épiscopat, du nombre des frères et serfs employés au service de Dieu, des donations qui ont été faites de son temps, à quels usages et par quelles personnes; enfin de tout décrire avec tant d'exactitude et de vérité, que les commissaires du roi n'y puissent rien trouver de faux; — à Ratramne, supérieur du monastère d'Orbay, pour le même objet; — item au même au sujet d'un bien tenu en précaire par le chanoine Amaury, et qu'après la mort de ce chanoine, Ratramne avait fait piller c'est pourquoi il l'excommunie et le condamne au pain et à l'eau, lui et ses complices, jusqu'à ce qu'ils aient restitué ce qu'ils ont enlevé injustement. A un certain Althaire, prêtre ou doyen, au sujet d'un prêtre de l'église de Windisch, que Leutard, seigneur du lieu, avait, au mépris de la loi et de toute autorité expulsé de son église et remplacé ensuite dans le gouvernement de cette église par un prêtre d'un autre évêché; il excommunie le prêtre intrus, et lui défend de dire la messe dans tout le diocèse de Reims et d'y recevoir la communion ecclésiastique, si ce n'est seulement le saint viatique, pour cause de grave maladie, encore à condition qu'aussitôt rétabli, il quittera cette paroisse ; il enjoint à Althaire d'ordonner au nom de Dieu, aux paroissiens de cette église, de n'entendre la messe d'aucun prêtre, si ce n'est de celui qui a été, injustement expulsé, jusqu'à ce que la cause ait été jugée, excepté toutefois le cas où ce prêtre ne pourrait officier pour cause de maladie, etc. etc. A Altman, moine et prêtre, qu'il avait envoyé en obédience, sur ce qu'il vient de trouver sur son compte dans les lettres qui lui ont été remises par un des hommes de l'archevêque Harduic, on impute à Altman d'aspirer aux bénéfices et aux affaires du siècle, ce qui ne convient ni à sa profession, ni à son salut; il lui ordonne de rentrer au plus vite dans son monastère et d'y vaquer à la lecture et la prière, en pleurant les fautes de sa jeunesse etc. etc. A un prêtre nommé Lantard qui avait quitté le diocèse de Reims par attachement à l'évêque Ebbon il le prie, si, comme on le lui a dit, il a quelques écrits sur la vie et les actes de saint Rémi, autres que ceux que l'on lit depuis longtemps dans l'église de Reims, de les lui apporter au plus tôt, ou de les lui envoyer sous cachet, lui offrant en retour de lui rendre tous les services dont il pourrait avoir besoin; que s'il veut rentrer, il le recevra avec plaisir et bonté et que dès qu'il sera de retour, il lui accordera une prébende canonique et son ancien grade parmi ses confrères qu'enfin, selon qu'il lui sera avantageux, et qu'il lui sera possible à lui-même, il mettra tous ses soins à lui procurer tous les agréments qui pourront lui faire trouver du plaisir à rester près de lui; il lui explique ce qui semblait lui inspirer des craintes, sa sévérité envers tous ceux qui avaient été ordonnés par Ebbon depuis sa déposition; pourquoi il a été obligé de les destituer de leurs grades, et comment ensuite il a tempéré sa sentence. A Rodoard, supérieur, et aux autres frères, chanoines de l'église de Reims, pour les engager à recevoir Adalhard et Walther, neveux d'Isaac, évêque de Langres, qui avaient quitté irrégulièrement leur congrégation ; il leur prescrit la manière dont ils doivent les recevoir, les traiter et se conduire envers eux; il adresse en même temps aux deux frères des lettres monitoires au sujet de leur retour ; — item tant aux chanoines qu'aux moines de la même église, pour la réception du diacre Adalgaud ; il leur annonce que ce diacre se repent, et a reconnu que par sa négligence il avait mérité sa colère ; il l’a reçu, dit-il, dans le sein de son affection et de sa paternité; il les prie de le recevoir avec bonté et amitié comme un frère et un fils, et de lui rendre tous les services que commande la charité; le roi Louis lui avait adressé à lui-même une lettre de prières en faveur d’Adalgaud. A Rotfried, supérieur, sur la correction à infliger au moine Gottschalk, qui lui a été dénoncé comme désobéissant, d'un caractère dur et hautain, et entier dans ses volontés : il cite quelques passages des saintes Ecritures dont il ordonne de lui faire lecture pour l'engager à se corriger. A Gunther et à Adelhard, archiprêtres, une instruction sur leur ministère divisée en treize chapitres ; — item à Gontramne, supérieur, au sujet des réclamations élevées par les serfs et colons de son monastère, qui se plaignent qu'il les prive de quelques petits terrains qui leur avaient été donnés, et de leur solde ; il lui ordonne de tout remettre dans l'ordre et selon la justice; — item au moine Gottschalk, qui était tombé en hérésie sur le sens de quelques passages des Pères qu'il ne comprenait pas bien ou exposait infidèlement, surtout de Prosper; Hincmar les lui explique par des sentences et pensées tirées de saint Augustin, et en lui proposant comme garants de son interprétation les principaux docteurs de la foi; il l'avertit de suivre en tous points leur doctrine, et lui prouve, par des témoignages irrécusables, que Dieu prévoit le bien et le mal, mais qu'il ne fait que prévoir le mal, tandis qu'il prévoit et prédestine le bien, d'où il suit qu'il peut y avoir prescience sans prédestination, mais non prédestination sans prescience; que Dieu prévoit et prédestine les bons au royaume des cieux, qu'il ne fait que prévoir les méchants, mais sans les prédestiner et sans les pousser à leur perte par sa prescience; mais Gottschalk refusa toujours obstinément de souscrire à cette décision ; — item aux moines du monastère de Haut-Villiers, au sujet du même Gottschalk, pour leur recommander de le traiter corporellement et spirituellement avec douceur et humanité, s'il se reconnaît coupable avant que son âme sorte de son corps; et il leur cite les autorités ecclésiastiques et les sentences des Pères orthodoxes sur les excommuniés de ce genre. A Amalgise et à Ragbert, ses fidèles, touchant les biens de son église situés en Aquitaine, au sujet desquels il avait écrit à Régimond, pour le prier de prêter assistance à ses deux envoyés dans les revendications qu'ils auraient à former: il leur ordonne de réclamer et recouvrer tous ces biens dans leur intégrité, et de les garder ensuite sous leur protection. A Pierre, son fidèle, touchant les biens de l'église de Reims situés en Provence ; il lui envoie quelques frères, pour traiter avec ses conseils des conditions de fidélité et du profit à retirer de ces biens, ainsi que pour régler ces biens eux-mêmes, leur produit et les rentes; et, comme il avait appris que certaines choses avaient été faites sans le conseil de Pierre, et en s'appuyant de son autorité, il s'excuse d'avoir rien ordonné ni voulu de semblable, et lui mande, article par article, comment il entend qu'on dispose de ces biens, quelles personnes doivent venir le trouver, et de quels villages. A Evrard fils ou gendre de sa sœur Hildegonde, une instruction sur la manière dont il doit se conduire envers Louis le Germanique, afin que ce roi ne lui enlève pas l'alleu qu'il avait en Allemagne, pour le punir d'avoir secoué le joug de sa souveraineté. Il écrit aussi sur le même sujet à sa sœur, pour l'engager à donner des conseils à son fils, et à le maintenir dans les bornes de la prudence. Enfin l'archevêque Hincmar écrivait souvent à des gens de basse condition chargés de l'administration des domaines, pour leur tracer les devoirs de leur ministère et toujours dans ses lettres il leur prescrit, avec prudence et discernement, de quelle manière ils doivent administrer les biens qui leur sont confiés; — item généralement il n'a cessé d'instruire, tant par paroles que par écrit, tous ceux qui lui étaient confiés; tantôt leur enseignant la manière de vivre avec justice, chasteté et piété, tantôt leur enjoignant d'observer avec révérence et dévotion les jeûnes établis, d'invoquer la clémence du Seigneur pour ceux qui venaient à mourir, évêques ou autres tantôt recommandant les jeûnes et les prières pour obtenir que des personnes agréables à Dieu fussent élues aux sièges vacants; dans différons synodes il a rédigé plusieurs capitulaires très utiles pour l'instruction de son diocèse. Il a écrit une foule de lettres de consolation à différentes églises de son diocèse, surtout quand elles avaient le malheur de perdre leurs pasteurs; et toutes sont des instructions pleines de sagesse sur la manière dont les peuples doivent avant tout requérir le secours de Dieu, ensuite demander aux princes de la terre leur autorisation pour une élection libre; jamais il ne manquait de travailler, soit par lui-même, soit par lettres et par envoyés, pour faire obtenir aux églises leur demande quand elles l'avaient obtenue, il leur enseignait avec soin comment exercer leur droit, comment se tenir en garde contre les fraudes de la perversité, leur rappelant les formes à suivre dans l'élection, sans jamais avoir personne en vue ni diriger en rien leurs suffrages, et n'ayan d'autre attention sinon que l'élu le fût, autant que possible, à l'unanimité, ou au moins par la majorité, des plus vertueux et des plus sages. [3,29] CHAPITRE XXIX. Du livre composé par Hincmar sur la manière dont on doit vénérer les images de Notre-Seigneur ou des saints, etc., etc. A la requête des coévêques ses frères, Hincmar composa un livre sur la manière dont on doit vénérer les images de notre Sauveur ou de ses saints, avec un épilogue écrit en vers. Il existe aussi de lui une réponse à cette question : Pourquoi les apostats baptisés, et qui ont reçu l'imposition des mains de l'évêque, hors l'ordre du diaconat et de la prêtrise, reçoivent-ils l'imposition des mains pour faire pénitence? un traité adressé à un archevêque sur les principaux sacrements nécessaires au salut des hommes ; une instruction rédigée à la demande d'un évêque, sur l'ordination des évêques, leur translation d'un siège à un autre; particulièrement au sujet d'Actard, évêque de Nantes, qui, expulsé de son siège par un certain duc de Bretagne, et chargé pendant quelque temps de l'administration du siège de Térouane, alors vacant, avait été ensuite, à la demande du clergé et du peuple de la province de Tours, ordonné et installé évêque en cette métropole par les évêques rassemblés ; une lettre adressée à un frère, au sujet d'un homme qui avait eu une concubine, et ensuite avait épousé sa sœur. Il a écrit aussi une apologie pour lui-même, adressée à tous ceux qui voudraient la lire contre ceux qui l'avaient calomnié auprès du pape Jean, quand il vint tenir le concile de Troyes, et le reçut avec bonté. Hincmar répondit dès lors victorieusement dans le concile, mais il ne négligea cependant pas de se défendre ensuite par écrit ; il proteste qu'il admet et observe avec respect les lettres décrétales des pontifes de Rome, quoique ses ennemis l'accusent calomnieusement de ne pas les regarder comme faisant autorité, il y traite du concile de Nicée de la déposition et du rétablissement d'Hincmar, évêque de Laon, se justifie de la calomnie qui lui imputait d'avoir dit que le pape n'avait ni plus de dignité ni plus d'autorité que lui enfin des reproches qu'on lui faisait au sujet de Carloman, et de beaucoup d'autres griefs dont il se montre tout à fait innocent. Il existe d'ailleurs de lui tant d'écrits sur tant de sujets, que nous ne croyons pas pouvoir suffire à les énumérer et citer. [3,30] CHAPITRE XXX. De la mort d'Hincmar. CEPENDANT les iniquités contre lesquelles Hincmar avait toujours lutté, comme un mur inexpugnable, croissant et se multipliant de jour en jour, la nation des Normands se répandit par tout le royaume des Francs. Comme alors la ville de Reims n'avait point de murailles, l'archevêque prit ce qu'il y avait de plus précieux en ses trésors, c'est-à-dire le corps du bienheureux saint Rémi, et se réfugia dans les bois de l'autre côté de la Marne où il garda pendant quelque temps le sacré corps en la ville d'Épernay. Après quelque séjour en ce lieu il y mourut et son corps fut rapporté au monastère de Saint-Rémi, et déposé dans un tombeau qu'il avait fait préparer lui-même derrière le sépulcre du saint, et sur lequel fut gravée l'épitaphe suivante dictée par lui-même : "Lecteur, je t'en conjure du fond de mon tombeau, moi, Hincmar, évêque par un honneur peu mérité, souviens-toi de mon nom. Saint Denis, me tirant de son propre troupeau, me donna jadis pour pasteur et sur leur demande aux habitants de Reims. Moi humble qui ai gouverné selon ma sagesse ce noble peuple de Reims, je suis ici dévoré par les vers. Invoque pour moi le repos de mon âme et la résurrection de la chair, les abondantes joies du ciel. Christ clément, aie pitié de ton fidèle serviteur! Sainte Marie, sois propice à ton adorateur! Doux saint Rémi que la dévotion avec laquelle je t'ai chéri et servi du cœur, de la bouche et de la main, tourne à mon salut. J'ai supplié qu'on déposât ici mes membres et suis mort comme je l'avais souhaité". L'an de l'incarnation du Seigneur 882, la trente-septième année, le septième mois et le quatrième jour de l'épiscopat d'Hincmar.