[4,0] MÉMOIRES DE DENYS D'HALICARNASSE SUR LES ANCIENS ORATEURS. ISÉE. [4,1] I. Isée fut le maître de Démosthène, et doit à ce titre la plus grande partie de sa célébrité. Il était originaire d'Athènes, suivant quelques historiens, et de Chalcis, suivant d'autres. Il florissait vers l'époque de la guerre du Péloponnése, comme le prouvent ses discours, et vécut jusqu'au règne de Philippe. Je ne peux rien dire de certain sur le temps de sa naissance et de sa mort, ni sur sa vie : j'ignore s'il fut revêtu de quelque charge, ou s'il prit part aux affaires publiques ; l'histoire ne dit rien à cet égard. Hermippus, qui a composé un traité sur les disciples d'Isocrate, et qui est d'une grande exactitude pour tout ce qui concerne les autres orateurs, se borne à dire, en parlant d'Isée, qu'il reçut des leçons d'Isocrate, qu'il fut le maître de Démosthène et l'ami des philosophes les plus distingués. [4,2] II. Je dois donc me borner à parler du genre qu'il a cultivé, du caractère de son talent et de son éloquence. Il ne s'est exercé que dans l'éloquence du barreau : c'est à ce genre qu'il donna tous ses soins. Il prit surtout Lysias pour modèle; et si l'on ne connaît à fond la manière de ces deux orateurs, si on n'a longtemps étudié leurs compositions, il ne sera pas facile, en lisant plusieurs de leurs discours, d'en reconnaître le véritable auteur : on sera trompé par la ressemblance qui se trouve dans les titres, comme je l'ai dit dans un autre traité. Cependant elle n'est pas tellement parfaite qu'il ne s'y rencontre quelquefois des traits frappants qui établissent une assez grande différence, tant pour le style que pour le fond des choses. Je vais le prouver; et puisque c'est surtout par l'élocution qu'Isée se rapproche de Lysias, je montrerai d'abord en quoi il lui ressemble, et en quoi il en diffère à cet égard. [4,3] III. Leur diction est également pure, correcte, claire, propre, pittoresque, précise, persuasive et adaptée au sujet : elle est vive, arrondie et convenable aux débats judiciaires. Pour ces qualités, on ne sait à qui donner la palme. Voyons sous quel rapport ils diffèrent. Lysias est plus naïf et peint mieux les caractères : il est plus naturel dans l'arrangement des mots et plus simple dans les figures ; il a aussi plus de douceur et de grâce. Dans Isée, l'art et le travail se montrent davantage : l'arrangement des mots est peut-être trop recherché; mais il a plus de variété dans les formes, et s'il le cède à Lysias pour la grâce, il lui est supérieur pour la force: son style est la véritable source où Démosthène a puisé sa véhémence. Tels sont les traits qui caractérisent la diction de ces deux orateurs. Quant aux choses, voici ce qui les distingue. Chez Lysias, on trouve peu d'art pour la distribution des choses, l'enchaînement des preuves et la manière de les devélopper : c'est une suite de sa simplicité. Dans Isée, ces divers points sont traités avec beaucoup d'adresse : il sait employer avec habileté les insinuations, les preuves préparatoires, les divisions; il met chaque chose à la place convenable; il donne aux preuves le développement nécessaire, et, par le mélange des figures propres à la discussion et aux mouvements pathétiques, il répand de la variété dans ses discours ; il attaque finement l'adversaire et s'empare de l'esprit des juges; en un mot, il s'efforce d'entourer de tous les secours imaginables la cause dont il s'occupe. [4,4] IV. Pour rendre cette différence plus évidente, je me servirai d'une comparaison tirée des objets sensibles. Supposez, d'un côté, d'anciennes peintures où les couleurs, jetées sans art, ne produisent aucune variété : le style en est exact, et elles ne manquent pas de grâce. De l'autre côté, figurez-vous des peintures plus modernes : elles sont d'un style moins correct, mais plus travaillées ; la disposition des jours et des ombres leur donne de la variété, et l'heureux mélange de mille couleurs prête à tout une vive expression. Les premières, par leur simplicité et leur grâce, sont l'image du style de Lysias ; celles où l'art et le travail se montrent à découvert représentent la manière d'Isée. Il eut, parmi ses contemporains, la réputation de recourir à la ruse et de chercher à séduire par des moyens insidieux : on lui en faisait même un reproche, comme l'atteste l'orateur Pythéas dans son accusation contre Démosthène. Il dit que toute la méchanceté du coeur humain semble habiter dans Démosthène ; et il fonde cette assertion sur ce que, formé à l'école d'Isée, il s'était nourri de tous les artifices de cet orateur. Ils méritent l'un et l'autre un pareil reproche. Dans Isée et Démosthène, l'art rend suspectes les causes fondées sur la justice et la vérité; tandis que la justice et la vérité semblent guider Isocrate et Lysias, lors même qu'ils ne peuvent s'appuyer sur elles; parce que l'art ne se montre jamais dans leurs compositions, et que tout y respire la franchise et la simplicité. [4,5] V. Tels sont les traits auxquels on peut reconnaître aisément les discours de Lysias et d'Isée. Pour apprécier la justesse de ces observations, il suffit de les comparer. Je commencerai par l'examen du style. Isée nous a laissé un discours pour Eumathès, étranger domicilié à Athènes, où il exerçait la profession de banquier. Cet Eumathès avait été affranchi; mais comme l'héritier de son ancien maître le réclamait, un citoyen d'Athènes prit la parole pour défendre sa liberté. Voici l'exorde du discours : « Juges, plus d'une fois j'ai déjà rendu service à Eumathès, et je devais le faire. Aujourd'hui même, soutenu par vous, je ferai tous mes efforts pour le sauver. Prêtez-moi quelques instants votre attention, et n'allez pas vous imaginer que j'ai embrassé cette cause par un zèle inconsidéré, sans aucun motif légitime. A l'époque où je commandais une trirème, pendant l'archontat de Céphisodore, ma famille reçut la nouvelle que j'avais péri dans un combat naval. Eumathès, à qui j'avais confié un dépôt, manda mes parents et mes amis, leur déclara que je lui avais remis des fonds, et les rendit intacts, comme la probité et la justice lui en faisaient un devoir. Lorsque je rentrai dans mes foyers, plein de reconnaissance pour une si noble conduite, je me liai plus étroitement avec lui, et quand il établit une banque, je lui avançai des fonds. Dans la suite, au moment où Denys l'emmenait comme esclave, je lui fis rendre la liberté, parce que je savais qu'Epigène l'avait affranchi devant un tribunal. Mais je n'entrerai pas dans d'autres détails à ce sujet.» [4,6] VI. Nous trouvons aussi dans Lysias un discours en faveur d'un étranger, et dans lequel il le défend contre une accusation, au sujet d'un héritage. Callimaque l'a intitulé : Discours pour Phérénicus, sur l'héritage d'Androclide. Cette cause fut plaidée plusieurs années avant l'autre. L'avocat de l'étranger commence par exposer les motifs , comme le fait, dans Isée, l'Athénien qui défend la liberté de l'affranchi. Il commence en ces termes : « Juges, je crois devoir vous entretenir d'abord de l'amitié qui m'unit à Phérénicus, afin que vous ne soyez pas étonnés qu'un orateur qui n'a jamais parlé pour personne vienne aujourd'hui le défendre. Juges, j'ai trouvé l'hospitalité chez Céphisodote, son père. A l'époque où je fus exilé à Thèbes, je me retirai auprès de lui, et tout autre Athénien put, comme moi, y trouver un asile. Je suis revenu dans ma patrie, tout comblé de ses bienfaits. Lorsqu'un malheur semblable vint frapper des Thébains et que l'exil les conduisit à Athènes, persuadé que je devais acquitter la dette de la reconnaissance, je les traitai avec tant d'amitié, que ceux qui venaient dans ma maison n'auraient pu se douter, s'ils ne l'avaient su d'avance, à qui elle appartenait. Juges, Phérénicus n'ignore pas qu'il est une foule d'orateurs plus éloquents que moi, et bien plus versés dans de pareilles causes; mais il sait qu'il ne pouvait trouver personne plus fidèle à l'amitié. Ainsi , lorsqu'il me presse et me conjure de lui prêter un appui légitime, il serait honteux pour moi de le voir dépouiller des biens qu'il reçut d'Androclide, sans le défendre de tous mes moyens. » [4,7] VIl. Quelle différence y a-t-il entre ces deux exordes ? La voici : celui de Lysias plaît surtout par le naturel et la simplicité : {UERBA GRAECA}. Le passage qui suit est plus simple encore ; c'est le langage le plus ordinaire : {UERBA GRAECA}. Dans Isée, le travail est caché sous une apparente simplicité; on reconnaît que c'est un orateur qui parle : {UERBA GRAECA}. Ce style est plus élevé et moins simple que celui de Lysias. Cette différence est plus sensible, lorsqu'il dit : {UERBA GRAECA}. Dans ces mots : {UERBA GRAECA}, il y a plus d'art que de naturel. Lysias expose les motifs sans la moindre affectation : {UERBA GRAECA}. Il ajoute avec grâce et par de courtes incises : {UERBA GRAECA}. On trouve plus de recherche dans Isée; c'est presque la manière de Démosthène : {UERBA GRAECA} Je n'oserais dire que ces passages : {UERBA GRAECA}, sont écrits avec simplicité. L'art ne se ferait point sentir si l'orateur avait dit : {UERBA GRAECA}. [4,8] VIII. Dans le reste de l'exorde, Lysias se montre plus simple, Isée plus rhéteur. Celui-ci, dans un autre plaidoyer pour un tuteur accusé par ses neveux, emploie cet exorde. «Je ne voudrais point que même un étranger fit assez d'impudence pour recourir à de semblables moyens et chercher à envahir le bien d'autrui par une si basse accusation; mais je souhaiterais surtout que le fils de mon frère, possesseur de biens assez considérables pour remplir les charges publiques, en eût pris soin depuis que je les ai remis entre ses mains, sans convoiter les miens. En conservant sa fortune, il aurait paru plus sage; et en l'augmentant , il eût pu être plus utile à ses concitoyens. Après avoir vendu son patrimoine ou l'avoir épuisé par les plus viles débauches (et je voudrais bien qu'il n'en fût point ainsi), il compte sur ses amis et sur les artifices de son éloquence, pour s'emparer de mes biens. Je regarde comme un malheur d'avoir un tel homme pour parent; mais je dois me défendre, suivant mes moyens, contre ses attaques et contre les imputations qu'il va chercher hors de cette cause. » Lysias, dans un discours composé pour un citoyen accusé par les frères de sa femme d'avoir mal géré leur tutelle, s'exprime ainsi dans son exorde : « Juges, c'est peu que les tuteurs soient occupés de mille soins ; souvent , après avoir conservé la fortune de leurs amis , ils sont en butte aux calomnies de leurs pupilles : ce malheur m'arrive aujourd'hui. Chargé d'administrer les biens d'Hippocrate , j'ai toujours pris la droiture pour règle de ma gestion. Je remis tous ces biens aux enfants d'Hippocrate dès qu'ils furent parvenus à l'âge d'homme; et cependant ils élèvent aujourd'hui contre moi une accusation injuste et calomnieuse. » [4,9] IX. Il ne faudra pas, je pense, de longs raisons pour montrer que cet exorde est simple et plein de grâce : ici, point de recherche : c'est le langage de la nature. Dans ce passage : {UERBA GRAECA}, on ne trouve pas le ton d'un orateur, mais celui de tout homme attaqué injustement. Dans Isée, l'art du rhéteur et la prétention frappent les yeux les moins exercés. On le voit par Ces mots : {UERBA GRAECA}. Dans Lysias, tout est écrit avec grâce et simplicité; par exemple : {UERBA GRAECA}, tandis qu'Isée prend un ton plus pompeux et tout-à-fait éloigné du langage ordinaire : {UERBA GRAECA}. Je vais citer encore un exemple, pour mettre dans tout son jour la différence qui existe entre ces deux orateurs. [4,10] X. Ils mettent en scène, l'un et l'autre, un simple citoyen sans expérience, jeune encore, et forcé de parler dans un tribunal, quoiqu'il en fût également éloigné et par son genre de vie, et par son naturel. Lysias, dans le plaidoyer contre Archebias, s'exprime ainsi : « Juges, à l'instant même où Archebias dirigea cette accusation contre moi, je me hâtai de lui représenter que j'étais jeune, sans expérience, et qu'il n'était pas nécessaire de paraître devant un tribunal. Mais, lui dis je, ne croyez pas, je vous en conjure, que j'invoque mon âge comme une excuse qui s'offre heureusement pour ma défense : réunissez vos amis et les miens, et faites-leur connaltre l'origine de mes dettes. Si votre demande leur paraît fondée, vous n'aurez pas besoin de procès : je m'empresserai de vous satisfaire, et vous pourrez vous retirer avec ce qui vous appartient. Vous devez ne rien cacher, mais tout dire, puisque je suis trop jeune encore pour agir d'après mes propres lumières : par ce moyen, instruits de ce que nous ignorons, nous pourrons réfléchir sur ce que vous direz vous-même, et voir si vous convoitez injustement mes biens, ou si vous réclamez justement les vôtres. Malgré ces instances il ne voulut jamais s'aboucher avec moi, ni rendre raison de ce qu'il demandait, ni recourir aux arbitres, en vertu des lois que vous avez établies. » Le discours d'Isée est le plaidoyer qu'il composa pour un particulier d'Athènes qui réclamait des citoyens de sa tribu une terre qu'il avait engagée, et dont ils s'étaient emparés. Voici l'exorde : « J'aurais désiré, ô juges ! de ne jamais éprouver d'injustice de la part de mes concitoyens, ou, du moins, d'avoir pour adversaire des hommes dont l'inimitié me fût indifférente. Mais aujourd'hui je me trouve dans la situation la plus fâcheuse : ceux qui commettent une injustice envers moi sont des citoyens de ma tribu; et si je ne peux me laisser dépouiller sans me plaindre, qu'il est pénible de se voir en butte à la haine des hommes mêmes avec lesquels on doit entretenir des relations tous les jours ! D'ailleurs, il est bien difficile de tenir tête à de nombreux adversaires : par cela seul qu'ils sont en grand nombre, on se persuade qu'ils soutiennent les intérêts de la vérité. Mais la bonté de ma cause m'inspire une telle confiance que, malgré ma position critique, je n'ai pas hésité à vous demander justice. Je vous prie de m'excuser, si, jeune encore, j'ose faire entendre ma voix devant des juges : les hommes dont j'ai à me plaindre m'ont réduit à une nécessité tout-à-fait opposée à mon caractère. Je vais tâcher de vous faire connaître, le plus succinctement possible, l'objet de cette discussion, en remontant à son origine. » [4,11] XI. Qui pourrait ne pas reconnaître, dans le jeune homme que Lysias fait parler, le langage d'un accusé simple et sans expérience? C'est un parfait modèle de naturel; on ne trouve pas dans sa bouche un mot qui s'en écarte. Dans Isée, au contraire, l'art et le travail de l'orateur se montrent à découvert. Dans le premier, le style, les pensées, tout est l'image de la nature; dans le second, tout sent l'apprèt. L'un débute ainsi : {UERBA GRAECA}. Il ajoute un trait qui peint ses moeurs: {UERBA GRAECA}. Quoi de plus naturel que le passage où il dit qu'il voulait prendre pour arbitres leurs amis communs ? {UERBA GRAECA}. Après plusieurs pensées propres à donner une bonne opinion de lui, il finit par ces mots : {UERBA GRAECA}. Isée place à la fin de l'exorde cette pensée : {UERBA GRAECA}, et il débute par une autre bien éloignée de la simplicité du langage ordinaire : {UERBA GRAECA}. Il réfute ensuite les raisons qui pouvaient nuire à sa cause: {UERBA GRAECA}. Chez lui l'arrangement des mots, ne manque point d'adresse et n'a rien de vulgaire : {UERBA GRAECA}. Cette pensée : {UERBA GRAECA}, est présentée avec plus d'art que de naturel. Il en est de même de ce passage : {UERBA GRAECA}. Suivant le langage ordinaire, on n'aurait pas dit : {UERBA GRAECA}, ni : {UERBA GRAECA}. [4,12] XII. D'après ces exemples, on doit voir la différence qui se trouve entre ces deux orateurs : elle deviendra plus sensible encore par les observations que je vais ajouter, et surtout par l'examen de deux discours qui tirent leur principal mérite du raisonnement et du pathétique. Dans les compositions de ce genre, Lysias est trop simple pour l'arrangement des mots et le choix des figures : Isée a plus de variété : plusieurs passages en fournissent la preuve, celui-ci, entre autres : « Au nom des dieux, sur quelle autorité devons-nous établir notre conviction? n'est-ce point sur les dépositions des témoins ? - Oui, sans doute. - Comment nous assurer de la sincérité des témoins? n'est-ce point pas les tortures? - Cela est certain. - Quand devons-nous rejeter une accusation? n'est-ce point lorsque la partie adverse refuse d'en venir aux preuves? - Assurément. - Tels sont les moyens que j'invoque en ma faveur. Je demande que tout soit prouvé par la question tandis que mon adversaire n'entasse que calomnies sur calomnies, et agit comme s'il voulait vous tromper. Si ses vues étaient légitimes, s'il ne cherchait point à surprendre votre religion, loin de recourir à de tels procédés, il devait me faire rendre mes comptes en présence de témoins, en discuter les diverses parties, et me dire: Examinons les contributions. Quelles sont-elles, et combien avez-vous payé pour cet objet? - Telles et telles sommes. - En vertu de quels décrets ? - D'après tels et tels décrets. - Ces sommes, qui les a reçues ? - Ceux mêmes qui figurent comme témoins. - En outre, il fallait examiner les décrets, la totalité des contributions, les sommes payées, et en quelles mains on les avait versées. Si les comptes étaient exacts, il fallait les approuver; ou, dans le cas contraire, fournir, par le moyen des témoins, la preuve des erreurs qu'ils peuvent renfermer. » [4,13] XIII. Ce style est décousu et entre-coupé par de fréquentes interrogations : il n'a rien de la manière de Lysias; mais Démosthène, qui emprunte à Isée plusieurs tours, en fait souvent usage. Par exemple : {UERBA GRAECA}. « Ainsi, vous proposez de faire servir à la solde des troupes les fonds des distributions, me dira-t-on peut-être ? - Oui, et je veux que désormais il y ait une même règle pour tous; je veux que tous ceux qui ont part aux libéralités publiques s'empressent de rendre à la patrie ce qu'elle a droit d'en attendre. - Par ce moyen, est - on en paix ? Votre condition sera d'autant meilleure, que vous serez affranchis des honteuses nécessités où réduit l'indigence. Survient-il des guerres, comme dans les conjonctures présentes ? Chacun de vous prendra, comme il le doit, les armes pour la patrie, et recevra son salaire des fonds mêmes qu'on lui donne aujourd'hui à titre de libéralité. Avez-vous dépassé l'âge du service militaire ? Ces mêmes fonds qui, distribués sans discernement, ne servent à rien, produiront de grands avantages quand ils seront la récompense du citoyen qui veille avec zèle sur les affaires publiques, et les administre avec sagesse. Enfin, je n'ajoute, je ne supprime presque rien : je ne veux que bannir les abus, ramener l'ordre, et établir une commune règle pour recevoir les libéralités, porter les armes, rendre la justice; en un mot, pour que chacun fasse, suivant son âge, ce que les circonstances demandent. » Dans le passage qui suit, le style est contourné et trop hardi. L'extrême concision, les tours entortillés et étranges font qu'il ne peut être entendu aisément ni par tout le monde. {UERBA GRAECA}. « O le plus insensé des hommes! Sans fournir de témoins qui attestent que nos adversaires ont payé les sommes que nous réclamons, il fait semblant de croire que vous devez vous en rapporter à ceux qui prétendent avoir payé leurs dettes, plutôt qu'à nous, qui soutenons que nous n'avons rien reçu. Mais, aux yeux des hommes qui n'ignorent pas que le père de l'accusé, pendant qu'il remplissait des charges publiques, nous frustra de ce qu'il nous devait, il est évident qu'aujourd'hui, dans le triste état où l'accusé et sa famille se trouvent réduits, nous n'avons pu rien exiger.» Des formules semblables se trouvent fréquemment chez Démosthène : {UERBA GRAECA}. « Et pensez-vous que si des peuples qui, loin de faire aucun mal à Philippe, ne cherchèrent jamais qu'à se mettre à l'abri de ses attaques, ont été tout-à-coup les victimes de sa perfidie, et non pas d'une violence dès longtemps annoncée, ce tyran ne vous déclaré la guerre qu'après vous en avoir avertis? » En voici un autre exemple : {UERBA GRAECA}. « Pour remplir les fonctions publiques, j'ai dépenseé tout mon patrimoine, à l'exception de ce que j'avais donné en gage ; de sorte que, si je voulais contracter encore des dettes, je ne trouverais personne qui me prêtât de nouveau , car je ne puis même payer les intérêts ; et lorsque ces biens doivent être ma propriété, mes adversaires, en élevant une pareille contestation et en prétendant que tout leur appartient, me privent de la seule ressource qui me restait pour réparer le délabrement de ma fortune. » A quoi bon multiplier les citations, lorsqu'il est facile de citer, dans Isée, une foule de passages qui prouvent que, pour l'arrangement des mots et les figures, il diffère de Lysias et se rapproche de la véhémence de Démosthène ? [4,14] XIV. J'ai dit que, par rapport aux choses, la disposition est plus sage dans Isée, soit pour l'ensemble du discours, soit pour chaque partie; qu'il ne néglige aucune ressource de l'art, aussi-bien que Démosthène, qui marcha sur ses traces : je vais en fournir la preuve, mais en peu de mots, comme il convient, en m'adressant à ceux qui ont lu les discours de cet orateur. Je ne peux donner des exemples à l'appui de tout ce que j'avance. Quelquefois, sans récit préparatoire, Isée met la narration à la place la plus convenable, lui donne peu d'étendue, et n'y renferme aucune preuve : par exemple, dans son discours contre Médon, dans un autre contre Agnothéon, dans le plaidoyer pour un citoyen, au sujet d'un fonds de terre retenu par des hommes de sa tribu, et dans un grand nombre d'autres. Quelquefois il divise la narration en plusieurs parties, donne à chacune les preuves nécessaires : il l'étend même au-delà de ses limites ordinaires lorsque la cause l'exige. On le voit dans le discours contre Hermon, au sujet d'un cautionnement; dans la contestation avec Euclides sur le rachat d'un champ, et dans l'appel d'Euphilète contre les habitants d'Erchie. Comme, dans ces discours, la narration est fort longue, Isée ne la traite pas de suite toute entière : il la coupe en plusieurs parties, et fournit à l'appui de chacune les témoins et les preuves. Il craignait sans doute qu'une trop grande multiplicité d'objets ne rendit le fil du discours difficile à suivre, et que des preuves accumulées ne nuisissent à la clarté, si elles étaient réunies sur un seul point. Après la narration composée sur ce plan, il ne cherche point à fortifier par de longs raisonnemens les preuves qu'il a déjà données, comme les orateurs de nos jours : il s'attache à réfuter les raisons de l'adversaire. [4,15] XV. Quelquefois, avant la narration, il place les faits qui la préparent, et touche d'avance aux choses qu'il doit dire, afin de les rendre plus croyables et plus utiles à sa cause. On le voit dans l'accusation contre Aristogiton et Archippus : elle roule sur un héritage. Le frère du mort somme l'accusé, qui s'est emparé de la succession, de la déposer entre les mains des juges : celui-ci donne pour moyen déclinatoire qu'il l'a recueillie en vertu d'un testament. La discussion renferme deux points : le premier, s'il existe ou non un testament; le second, en quelles mains doit se trouver une succession lorsque la validité du testament est contestée. Il s'appuie d'abord sur les lois, et prouve qu'on ne doit pas s'emparer d'une succession en litige avant que le jugement n'ait été rendu. Il arrive de cette manière à la narration, et démontre que le mort n'a pas fait de testament. Dans cette narration, les faits ne sont pas exposés avec simplicité, succinctement et sans moyens préparatoires : comme elle aurait été fort longue, l'orateur la divise en plusieurs parties, et à l'appui de chaque partie, il cite des témoins, lit les propositions interlocutoires et les traités; il emploie la preuve sans réplique, la preuve simple et la preuve conjecturale. Je pourrais en citer plusieurs autres où tout est habilement disposé pour le succès de la cause; où il fait usage des récits tirés de loin, de l'avant-narration, des divisions, du changement de lieux, de la transposition des faits, des chefs principaux et des circonstances; où il n'expose point les choses comme elles ont dû naturellement se passer, ni comme l'aurait fait un orateur ordinaire; et dans lesquelles enfin son style, loin de manquer d'art, en réunit toutes les finesses. Mais je n'ai pas le temps d'examiner en détail toutes les narrations d'Isée, ni de montrer comme je le voudrais avec quel artifice elles sont conçues. D'ailleurs, pour porter la conviction dans les esprits éclairés, il n'est pas nécessaire de rassembler une foule d'exemples : une exposition rapide suffit. [4,16] XVI. Je dirai en peu de mots ce que je pense de la manière d'Isée dans cette partie et en quoi il me paraît différer de Lysias. En lisant les narrations de celui-ci, on ne remarque jamais la trace de l'art et du travail : tout y paraitrait l'ouvrage de la nature et de la vérité, si l'on ignorait que l'imitation parfaite de la nature est le plus bel ouvrage de l'art. Les narrations d'Isée font une toute autre impression : on n'y trouve rien de naturel, rien qui soit exempt de travail, lors même qu'il expose les choses comme elles sont véritablement: chez lui, tout décèle l'apprêt et tend à tromper ou à surprendre. Lysias parait digne de foi, même quand ce qu'il dit n'est pas vrai; tandis qu'Isée est à peine à l'abri du soupçon lorsqu'il ne trahit point la vérité. Dans la confirmation, la principale différence entre ces deux orateurs consiste en ce qu'Isée, à la place de l'enthymème, emploie l'épichérême ; qu'au lieu de présenter ses preuves en peu de mots, il les développe; que, loin d'étre simple, il est recherché; enfin, en ce qu'il sait mieux amplifier, agrandir les objets, et remue les passions avec plus de force. Par là, on voit encore qu'il a frayé la route à Démosthène, et ne s'est pas attaché à la simplicité de Lysias : on peut s'en convaincre par la plupart de ses discours, ou plutôt par tous ceux qu'il a composés. S'il faut de nouveaux exemples, pour qu'on ne s'imagine pas que j'avance des choses qu'il serait difficile de prouver, je vais citer le discours pour Euphilète, dans lequel ce citoyen, banni injustement de sa tribu, cite en justice les habitans d'Erchie. Une loi d'Athènes portait : «Que le recensement des citoyens se fasse par tribus, et que celui qui aura été banni de sa tribu par ses concitoyens ne jouisse plus des droits civils : ceux qui seront injustement bannis pourront faire appel de cette sentence, et citer en justice les habitants de leur tribu : s'ils sont exclus une seconde fois, que leur personne et leurs biens soient vendus au profit du trésor public. » En vertu de cette loi, Euphilète appela en justice les habitants d'Erchie, et les accusa de l'avoir injustement chassé de sa tribu. L'orateur expose d'abord les faits avec exactitude, et s'appuie sur la preuve testimoniale. Les preuves qu'il donne à l'appui des dépositions des témoins sont, à mon avis, d'une grande force. On peut se convaincre, par cet exemple, si j'ai bien jugé : [4,17] XVII. « Vous nous avez entendus, ô juges ! nous et tous nos parents, attester qu'Euphilète est notre frère. Examinez d'abord pour quel motif mon père voudrait vous tromper et reconnaître Euphilète pour son fils, s'il ne l'était pas. Vous serez convaincus que tous ceux qui prennent ce parti agissent ainsi, ou parce qu'ils n'ont point d'enfants, ou parce qu'ils sont réduits par la misère à adopter des étrangers, afin de retirer quelque avantage de ceux à qui ils ont procuré le titre de citoyen d'Athènes. Notre père ne se trouve point dans cette alternative. Il a deux fils légitimes : ainsi l'on ne dira pas qu'il a adopté Euphilète parce qu'il manquait d'enfants. Il n'a pu chercher non plus à se procurer par là quelque aisance. Il n'en avait pas besoin, car des témoins vous ont déclaré qu'il a nourri Euphilète depuis son enfance ; qu'il l'a élevé, introduit dans sa tribu ; et pour tout cela , il n'a pas dû supporter de modiques dépenses. Non, juges, il n'est pas probable que notre père ait commis une injustice dont il ne devait retirer aucun avantage; et personne ne peut me supposer assez fou pour appuyer de mon témoignage un mensonge qui aurait pour résultat de faire partager les biens de mon père entre un plus grand nombre d'héritiers. Je ne pourrais soutenir un jour qu'Euphilète n'est pas mon frère ; et vous feriez tous entendre un cri d'indignation contre moi si, après avoir attesté devant ce tribunal qu'Euphilète est mon frère, je venais plus tard le nier. Ainsi, juges, tout prouve que nous avons dit la vérité, non seulement nous, mais encore nos parents. Songez d'abord que les époux de nos soeurs n'auraient jamais preté un faux serment en faveur d'Euphilète. Sa mère aurait été leur belle-mère, et vous savez que presque toujours la désunion règne entre une belle-mère et les enfants du premier lit. Si elle avait eu ce fils d'un autre époux, et non de mon père, jamais, juges, nos soeurs n'auraient permis à leurs maris de déposer en sa faveur; jamais elles ne les y auraient engagés. Enfin, notre oncle maternel, qui n'est uni par aucun lien à Euphilète, n'aurait pas voulu favoriser sa mère par un faux témoignage, qui devait nous causer de grands dommages, en adoptant pour frère un étranger. Juges, qui de vous pourrait accuser de faux témoignage Démarate, Hégémon, Nicostrate, à qui l'on n'a jamais reproché une action condamnable : ils sont nos proches parents, ils nous connaissent, et cependant ils ont tous attesté qu'Euphilète est notre frère. Je demanderais volontiers au plus distingué de nos adversaires s'il peut démontrer qu'il est citoyen d'Athènes par des preuves différentes de celles que nous faisons valoir en faveur d'Euphilète. Tout ce qu'il pourrait dire, c'est que son père et sa mère sont Athéniens, en le prouvant par les dépositions de témoins. Ensuite, juges, si leur sincérité vous paraissait douteuse, il invoquerait le témoignage de ses parents. Nos adversaires, s'ils étaient dans la même position qu'Euphilète, vous conjureraient de vous en rapporter à leurs parents plutôt qu'à leurs accusateurs, et lorsque nous fournissons toutes ces preuves, ils prétendent que vous devez ajouter foi à leurs paroles, plutôt qu'au père d'Euphilète, qu'à moi-même, qu'à mon frère, qu'à toute la tribu et à toute notre famille. Sans courir aucun danger, ils obéissent à l'impulsion de la haine : nous, au contraire, nous nous exposons tous à une accusation de faux témoignage. Outre les dépositions des témoins, la mère d'Euphilète, que nos adversaires reconnaissent pour citoyenne, était prête à jurer devant un arbitre, dans l'Epidelphinium, qu'Euphilète a reçu la vie et d'elle-même et de mon père. Qui peut mériter plus de confiance à cet égard ? De plus, notre père, qui, après sa femme, doit mieux que personne connaître son fils, voulait alors, comme aujourd'hui, affirmer avec serment qu'Euphilète est né de lui et de son épouse légitime. Enfin, à l'époque où naquit Euphilète, j'avais treize ans, comme je l'ai déjà dit, et je suis prêt à jurer qu'Euphilète est mon frère, que nous avons le même père. Vous devez, juges, regarder nos serments comme plus dignes de foi que les paroles de nos adversaires. Nous sommes prêts à soutenir ces faits par des serments, parce que nous les connaissons avec certitude; eux, au contraire, ont appris des ennemis d'Euphilète, ou imaginé eux -mêmes, tout ce qu'ils avancent. Juges, nous invoquons devant vous et devant les arbitres les dépositions de nos parents, qui méritent toute votre confiance : eux, au contraire, lorsqu'Euphilète intenta un premier procès aux citoyens de sa tribu, et au Démarque, qui est mort depuis cette époque, quoique la cause fût, depuis deux ans, pendante devant des arbitres, ils ne purent faire attester par un seul témoin qu'Euphilète n'a pas le même père que moi. Ce fut aux yeux des arbitres une preuve de leur imposture, et ils les condamnèrent. Lisez la déposition qui renferme ce premier jugement. » - DÉPOSITION. - « Vous avez entendu la sentence qui condamne nos adversaires. Juges, ils auraient dit qu'on ne doit pas regarder Euphilète comme le fils d'Hégésippe, s'i avait été condamné par les arbitres : de même, à mon avis, la décision des arbitres doit vous paraître une preuve de la vérité de nos discours. Par une injustice atroce, on a effacé des registres publics le nom d'un citoyen d'Athènes qui s'y trouvait légalement inscrit. Ainsi Euphilète est notre frère et votre concitoyen; il est donc victime d'une ligue ennemie qui s'est formée contre lui : je crois du moins, ô juges ! vous l'avoir suffisamment démontré. » [4,18] XVIII. Tel est le caractère d'Isée; tels sont les traits par lesquels il diffère de Lysias. Rien n'empêche de rappeler ici les plus saillants en peu de mots. Lysias vise au naturel, Isée à l'art; l'un cherche la grâce; l'autre la force. Si l'on néglige ces observations, comme peu importantes, on ne pourra plus connaître à fond ces deux orateurs : les traits de ressemblance qu'ils présentent troubleront le jugement, au point qu'on ne saura plus distinguer le caractère propre à chacun d'eux. Telle est l'opinion que je m'es suis formée. [4,19] XIX. Je vais dire pourquoi je ne m'occupe point de quelques autres orateurs, afin qu'on n'attribue pas mon silence à l'ignorance, si je laisse de côté des écrivains remarquables et qui jouissent d'une assez grande célébrité; ou qu'on ne suppose point que, par aversion pour le travail, j'ai trouvé plus commode de ne pas en parler. Des auteurs que tout le monde connaît ne me sont point inconnus ; et je ne craindrais pas d'en rendre compte si ce travail devait être de quelque utilité. Mais convaincu que, pour le tour poétique, la noblesse et la pompe, il n'est rien de plus parfait qu'Isocrate, j'ai passé à dessein sous silence les écrivains qui, suivant moi, lui sont inférieurs à cet égard. Par exemple, Gorgias de Léontium sort d'une juste mesure, et partout il se montre puéril; Alcidamas, son disciple, a un style lourd et trivial ; Théodore de Bysance est suranné, il manque d'art, et sa manière convient peu aux débats du barreau; Anaximène de Lampsaque fait de pénibles efforts pour arriver à la perfection dans tous les genres de composition; il a écrit des ouvrages historiques, des traités sur Homère et sur la rhétorique, et quelques essais dans le genre délibératif et dans le genre judiciaire; mais dans aucune de ces compositions il n'est à l'abri du reproche : il manque toujours de force et de naturel. Comme Isocrate les a éclipsés sous tous les rapports, je n'ai pas cru devoir m'occuper d'eux, ni des écrivains contemporains de cet orateur, et qui ont cherché à imiter son style, tels que Théodecte, Théopompe, Naucrate, Ephore, Philiscus, Céphisodore et une foule d'autres : ils ne méritent pas d'être mis en parallèle avec Isocrate. [4,20] XX. Persuadé qu'il est le plus parfait de tous ceux qui ont cultivé le méme genre, je n'ai pas dû parler des autres, et perdre le temps à un travail inutile. Parmi les écrivains qui se sont exercés dans des compositions sérieuses ou dans l'éloquence du barreau, tels que Antiphon de Rhamnonte, Thrasymaque de Chalcédoine, Polycrate d'Athènes, Critias, le chef des Trente, Zoïle, qui nous a laissé un traité sur Homère, et plusieurs autres, il n'en est pas de plus pur ni de plus gracieux que Lysias. Antiphon ne se distingue que par un ton austère et antique : il n'est fait ni pour la tribune ni pour le barreau. Polycrate est maigre dans les sujets sérieux, froid et insipide dans les panégyriques, sans grâce dans les sujets qui en demandent le plus. Thrasymaque est pur, élégant, riche et vif dans l'invention et le style ; mais toutes ses compositions appartiennent au genre didactique et au genre démonstratif : il n'a laissé aucune harangue judiciaire ou politique. On peut en dire autant de Critias et de Zoïle : seulement, leur style a un caractère qui les distingue l'un de l'autre. Lysias me paraît au-dessus de ces écrivains et de tous ceux qui leur ressemblent : je le regarde comme le modèle et la règle du genre d'éloquence qu'il a cultivé. Si l'on veut savoir pourquoi j'ai composé un traité plus particulier sur Isée, qui a imité Lysias, c'est parce qu'il est comme la source de cette véhémence qui caractérise Démosthène et qui, aux yeux des meilleurs juges, est la plus grande beauté de l'éloquence. Tels sont les motifs qui m'ont déterminé à me borner aux écrivains dont j'ai parlé. Si j'avais voulu m'occuper de tous, je serais tombé dans de futiles dissertations ; et sans utilité, ou du moins pour une utilité bien mince, ce traité aurait franchi les limites convenables. Cette explication suffira sans doute. Je vais commencer une nouvelle dissertation qui aura pour objet Démosthène, Hypéride et Eschine, orateurs parfaits, et dont les discours sont le véritable modèle de cette vigueur qui convient à l'éloquence du barreau.