[13,0] LETTRES FAMILIERES - LIVRE XIII. [13,1] A C. MEMMIUS. Athènes, juin. Je ne saurais dire si j'aurais eu plus de plaisir que de peine à vous rencontrer à Athènes. Votre injuste disgrâce m'eût pénétré de douleur, votre sagesse m'eût rempli de joie; décidément j'aurais voulu vous rencontrer. Loin de vous, je ne suis pas moins sensible à vos maux, et, certes, c'eût été une grande satisfaction pour moi de vous voir. Aussi suis-je décidé à aller vous chercher aussitôt que j'y verrai jour, sans trop de difficulté. En attendant, je vous écris encore au sujet de la petite affaire dont je vous ai déjà entretenu, et qui peut, j'espère, se terminer par correspondance. — Avant tout, je vous le demande en grâce, ne faites rien par déférence et à contre-cœur. Qu'il soit bien évident pour vous que ce que vous accordez à mes intérêts ne porte aucun préjudice aux vôtres ; que tout de votre part soit de bonne volonté, de propre mouvement. Vous connaissez Patron l'épicurien; je puis dire qu'entre lui et moi tout est commun, tout, excepté les principes philosophiques sur lesquels nous sommes en guerre à mort. A Rome, il était des plus assidus près de moi, à l'époque où il commença à vous faire la cour à vous et à vos amis. Depuis, quand il n'eut plus qu'à vouloir pour obtenir fortune et faveur de toute espèce, c'est encore moi qu'il proclamait le premier de ses protecteurs et de ses amis. Plus anciennement (j'étais fort jeune encore et n'avais pas encore fait la connaissance de Philon), Patron me fut présenté et recommandé par Phèdre que j'aimais déjà comme philosophe, et que j'aimai doublement ensuite comme le plus honnête, le plus aimable et le plus obligeant des hommes. Ce Patron m'avait écrit à Rome; il me priait de faire sa paix avec vous, et de vous demander en son nom la concession de je ne sais quelle partie de l'habitation d'Épicure. Je n'ai pas voulu d'abord vous en écrire pour ne pas aller jeter une recommandation au travers des projets de construction que je vous savais alors. Mais j'arrive à Athènes et voilà que mon même Patron me renouvelle sa même prière. Je ne puis lui tenir aujourd'hui rigueur, tous vos amis m'assurant que vous avez renoncé à bâtir. S'il en est ainsi, et si désormais vous n'avez plus d'intérêt dans la question, j'ai une grâce ù vous demander pour le cas où la malveillance de quelques personnes, je connais à fond ces gens-là, vous aurait indisposé contre Patron : c'est de n'écouter que la bonté de votre cœur; je vous le demande au nom de tout ce qu'il y a chez vous de bienveillance naturelle pour les autres et, même, de considération particulière pour moi. Que si vous voulez savoir ce que je pense au fond du projet de Patron, je vous dirai que je ne comprends ni comment il peut là-dessus se monter la tête, ni quel motif sérieux vous pourriez avoir à le contrarier. Seulement on lui passerait plus aisément qu'à vous de mettre de l'importance à une bagatelle. Vous n'ignorez pas au surplus, je le sais, comment il voit et entend lui-même son affaire. Il dit qu'il ne s'agit rien moins que de l'honneur, du devoir, du respect dû au droit des testateurs, puis rien moins que d'un vœu sacré d'Épicure, de la recommandation suprême de Phèdre, enfin de l'habitation, du séjour et du souvenir d'un grand homme. Il faudrait vous moquer de la doctrine de Patron, de la philosophie qu'il pratique, de tout l'homme en un mot, pour blâmer l'ardeur qui le transporte. Mais, par Hercule, puisque nous ne sommes pas absolument ses ennemis ou les ennemis de ceux qui font leurs délices des mêmes principes, je ne sais pas si nous ne devons pas avoir compassion de sa peine, surtout en considérant que s'il se trompe, c'est l'esprit chez lui et non le cœur qui est en défaut. — Mais au fait, il faut bien tout vous dire : j'aime Pomponius Atticus comme un second frère ; il n'est personne qui me soit plus cher au monde, personne dont l'amitié me soit plus douce. Atticus n'appartient pas à cette secte ; il a trop étudié et son esprit est trop éclairé pour cela ; mais il aime beaucoup Patron, il aimait beaucoup Phèdre; il n'y a pas d'homme qui s'échauffe moins, qui soit moins indiscret. Eh bien ! il est à cet égard pressant comme je ne l'ai jamais vu ; il ne met pas en doute qu'au premier mot de moi vous ne donniez les mains à tout, eussiez-vous, comme il le suppose, l'intention de bâtir. Or, s'il venait à savoir que vous avez renoncé à ce dessein et s'il apprenait du même coup que vous vous êtes refusé à ma prière, il ne croirait point à votre désobligeance et se récrierait contre mon peu de zèle. Je vous prie donc de mander chez vous qu'on peut passer outre à ce décret des aréopagites qu'ils appellent g-hypomnehmatismon. — Encore une fois, j'aime mieux que vous ne fassiez rien que de rien faire à contre-cœur. Tenez seulement pour certain que je ne recevrai point sans la plus vive gratitude cette marque de déférence et de bonté. Adieu ! [13,2] A MEMMIUS. Laodicée, mai. C. Avianus Evander demeure dans votre enceinte consacrée. Je le vois souvent et je suis très lie avec M. Émilius, son patron. Je ne voudrais pas vous causer la moindre gêne. Mais je désirerais bien que vous pussiez lui donner quelques facilités pour son logement. Il a beaucoup de travaux à livrer et il se trouvera singulièrement pris de court, s'il est obligé de déménager pour les kalendes de juillet. Je craindrais d'insister, mais je ne doute pas que vous ne fassiez pour moi dans cette occasion, si vos intérêts n'en souffrent pas du tout, ou pas trop, ce que moi-même je ferais pour vous en pareil cas avec grand plaisir. Vous m'obligerez singulièrement. [13,3] A MEMMIUS. Laodicée, mai. Vous m'avez promis un bon accueil pour A. Fufius, et je viens vous le rappeler. Il est de mes intimes, plein de zèle et de dévouement pour moi, d'une extrême instruction, d'une égale politesse, en un mot vraiment digne de l'amitié que je vous demande pour lui. Vous me rendrez un sensible service. C'est d'ailleurs un homme dont vos bontés gagneront le cœur, et qui va s'attacher à vous pour jamais. Adieu. [13,4] A Q. VALÉRIUS ORCA, propréteur. Rome, octobre. Je me trouve en relation étroite avec les habitants de Volterre. Ils m'ont des obligations, ils en ont de la reconnaissance. J'ai éprouvé leur sympathie aux temps prospères, comme aux jours d'épreuves. A part cette considération, je croirais encore devoir à l'amitié que je vous porte, aux sentiments que vous avez pour moi, d'appeler sur eux votre protection. Ils y ont droit en quelque sorte, et par l'heureux privilège que leur a départi la bonté des Dieux de se tenir, sous Sylla, en dehors de toute violence ; et par l'extrême intérêt que leur a témoigné le peuple romain, quand je les défendais pendant mon consulat. Les tribuns avaient proposé une loi criante, au sujet de leurs terres. Je réussis à persuader au peuple qu'il ne devait pas traiter rigoureusement des citoyens que la fortune même avait épargnés. Sous son premier consulat, César, dans sa loi agraire, maintint mes actes. Une exception fut prononcée à perpétuité en faveur du territoire de la ville de Volterre. Je me persuade que César, qui cherche à se faire de nouveaux amis, ne peut pas vouloir perdre le fruit de ces anciens bienfaits. La prudence vous commande donc de marcher dans la voie de l'homme dont vous avez honorablement adopté le parti et servi la fortune, ou d'en référer à sa décision. J'ajoute que vous ne pouvez hésiter à rendre à une ville municipale si importante, si honnête, si fidèle en amitié, un service qui va vous l'attacher à jamais. Jusqu'ici je vous montre, je vous indique ce qu'il me paraît juste que vous fassiez. Mais j'irai plus loin ; le donneur d'avis se fera auprès de vous solliciteur et suppliant. Sauvez, je vous en conjure, sauvez les Volterrans de toute atteinte, dans leurs intérêts et dans leurs personnes. Je vous en aurai une reconnaissance infinie. Habitations, domaines, argent, biens de toute espèce, préservés par la bonté des Dieux, respectés par les plus grands citoyens, avec l'approbation du peuple et du sénat ; je mets tout sous la sauvegarde de votre droiture, de votre justice et de votre bonté. Si je disposais des mêmes ressources qu'autrefois et qu'il me fût donné de défendre aujourd'hui les habitants de Volterre, comme je savais alors défendre les miens, il n'est démarche ni lutte qui me coûtassent pour leur être utile. Mais comme j'ai la confiance d'avoir encore aujourd'hui, auprès de vous, le même crédit que j'avais jadis auprès de tous, je vous demande au nom de l'amitié qui nous lie, des sentiments de bienveillance qui nous animent l'un pour l'autre, je vous demande de mériter si bien des habitants de Volterre, qu'ils regardent comme une faveur divine d'avoir pour juge de leurs intérêts le seul homme sur l'esprit duquel leur éternel défenseur ait encore quelque pouvoir. [13,5] A VALÉRIUS ORCA, PROPRETEUR. Rome, octobre. Nous sommes amis et j'aime qu'on le sache, mais sans préjudice bien entendu de ce que vous devez de dévouement et de zèle à l'importante mission dont vous investit la confiance de César. Chacun me sollicite, dans l'opinion qu'on a de vos bonnes dispositions pour moi. Je résiste pour que vos obligations officielles n'en souffrent point. Mais entre G. Curtius et moi, l'amitié date de notre première jeunesse. J'ai eu à gémir de l'oppression qu'il a subie, comme tant d'autres, à l'époque désastreuse de Sylla ; et lorsque ceux qui avaient partagé son sort et perdu leurs biens, obtinrent du vœu public leur rentrée sur le sol de la patrie, je contribuai pour ma part à son rétablissement. Il possède dans le territoire de Volterre un bien où il a comme réuni les débris de son naufrage. César vient de l'élever au sénat. Si sa propriété lui était enlevée, il pourrait à peine soutenir son rang. Il serait bien dur de se voir d'un côté grandir en dignité et de l'autre devenir tout court d'argent ; et ne serait-ce pas la plus choquante contradiction si l'ordre de César pour le partage des terres avait pour effet de chasser de son bien un homme que la bienveillance de César vient d'appeler au sénat? Mais je ne veux pas trop insister sur la question d'équité. J'aime mieux m'adresser à votre bienveillance qu'à votre justice. Je me borne donc à vous prier avec instance de considérer l'affaire de C. Curtius comme ma propre affaire. Ce que vous feriez pour moi, faites-le pour lui; ce qu'il obtiendra me sera tout à fait personnel. C'est avec les plus vives instances que je vous adresse ma prière. [13,6] A Q. VALÉRIUS ORCA, PROCONSUL. Rome. (1ere partie). Vous vous rappelez sans doute une prière que je vous fis, P. Cuspius présent, en vous accompagnant à votre départ de Rome, et que plus tard j'eus occasion de vous renouveler ; c'était de traiter, comme mes propres amis, ceux de ses amis que je vous recommanderais : toujours fidèle à vos habitudes de déférence et de bonté, vous me le promîtes le plus généreusement et le plus gracieusement du monde. — Cuspius, qui n'aime pas à demi, s'intéresse à plusieurs habitants de votre province, pour lesquels il a pris une vive affection lors de ses deux voyages en Afrique, quand il y avait la conduite des intérêts les plus importants de sa compagnie. Je ne manque jamais de le seconder dans le bien qu'il leur veut, toutes les fois que l'occasion se présente. Je vous rappelle donc, d'abord d'une manière générale, mes bonnes dispositions pour ses amis ; plus tard, je marquerai mes lettres du signe dont nous sommes convenus, et vous indiquerai de cette manière qui en est l'objet. — J'arrive maintenant à la demande que j'ai à vous adresser en faveur de L. Julius, que Cuspius me prie de vous recommander de la manière la plus pressante. C'est tout au plus si, en usant du langage qu'on emploie pour ce qu'on désire le plus, je satisferai à son empressement : il veut du nouveau, et prétend que je suis passé maître en ce genre. Je lui ai donc promis de tirer du plus profond de mon art une recommandation tout à fait extraordinaire. Mais comme je ne trouve rien, tirez-moi d'embarras, eu faisant croire à Julius que vous avez reçu de moi une pièce d'éloquence admirable. Il le croira, s'il voit non seulement dans vos actes, mais dans vos paroles, sur votre visage, des inspirations de bienveillance et le désir de le servir. Vous n'imaginez pas de quelle conséquence est tout cela dans une province. Je suis d'ailleurs convaincu que mon protégé mérite vos bontés. Cuspius me l'assure, et le tact de Cuspius est sans pareil, pour connaître les hommes et choisir ses amis. — Je verrai bientôt ce que ma lettre aura produit, et je n'aurai, j'en suis sûr, que des grâces à vous rendre. De mon côté, je saisirai avec empressement et bonheur les occasions de vous être agréable ou utile en toute chose : Portez vous bien. A Q. V. ORCA, PROCONSUL. Rome. (2e partie). P. Cornélius, qui vous remettra ce billet, m'est recommandé par P. Cuspius. Vous savez parfaitement quel prix j'attache à ses recommandations. Faites donc en sorte, je vous en conjure, que Cuspius ait à me remercier du témoignage que je vous adresse ici, et qu'il m'en remercie le plus tôt, le plus vivement et le plus souvent possible. Portez-vous bien. [13,7] A CLUVIUS. Rome, octobre. Dans la visite que vous me fîtes lors de votre départ pour les Gaules, visite où j'ai reconnu ce que vous avez d'amitié et de considération pour moi, je vous parlai du champ péager que la ville municipale d'Atella possède dans cette province; et vous avez pu remarquer avec quel intérêt. Depuis, lorsqu'il s'est agi de cette affaire, capitale pour les habitants qu'elle concerne, et qui sont à la fois les plus honnêtes gens du monde et les plus dévoués à ma personne, j'ai cru devoir intervenir plus positivement encore, et je vous ai adressé pour eux une lettre fort détaillée. Ce n'est pas que je me fasse illusion sur la difficulté des circonstances et la nature de vos pouvoirs. Je sais très-bien que César vous a donné mandat pour agir et non pour juger ; aussi je ne vous demande rien que ce que vous pouvez et que ce que je suppose que vous voudrez bien faire pour l'amour de moi. D'abord mettez-vous bien dans l'esprit, et c'est un fait, que la ville d'Atella n'a que ce péage pour tout revenu; que ses charges actuelles sont énormes, que sa position est des plus embarrassées. C'est, dira-t-on, un sort que bien d'autres villes partagent avec elle. Croyez cependant que celle-ci a eu à souffrir des désastres tout particuliers. Si je ne vous les cite point, c'est que l'intérêt que m'inspirent les malheurs de mes amis pourrait, contre mon intention, avoir l'air d'une attaque envers quelques personnes; et je ne le veux point. J'ai bon espoir de faire comprendre à César la position d'Atella; sans quoi, la démarche que je fais en ce moment près de vous serait tout à fait déplacée. Mais je le répète, c'est ma confiance, ma conviction que César prendra en considération les titres de cette ville, les droits de l'équité et l'affection de ses habitants pour lui; je n'hésite donc pas à vous prier de réserver la question tout entière à César lui-même. Je vous le demanderais quand même il n'y aurait pas d'antécédents ; mais je vous le demande avec plus de confiance depuis que je sais qu'une semblable faveur a été accordée par vous aux habitants de Reggio. Ils avaient, il est vrai, pour eux leurs relations particulières avec vous. Mais vos sentiments pour moi me sont garants que vous ne refuserez pas à mes amis ce que vous accordez aux vôtres. Songez surtout que je ne vous fais qu'une demande, et que, parmi les villes avec lesquelles j'ai des liaisons, il en est plusieurs qui sont fort en peine pour la même cause. Persuadez-vous bien aussi que je n'agis pas sans motifs, et qu'il n'y a dans ma requête aucun désir de me donner de l'importance. Je vous affirme, et vous m'en croirez sur parole, que j'ai des obligations essentielles à la ville d'Atella, et qu'il n'y a pas une époque de ma vie, au temps de mes honneurs comme au temps de mes épreuves, où elle ne m'ait donné de bien rares témoignages de dévouement. Ainsi donc, au nom de l'amitié qui nous lie, au nom de cette extrême bienveillance que vous m'avez constamment témoignée, je vous demande avec de nouvelles instances, avec une nouvelle force, de considérer qu'il s'agit de la fortune entière d'une ville, de peser ce qu'exigent de moi mes rapports avec elle, le devoir, la reconnaissance, et de céder à ma prière. Dans ce cas, voici ce qui arrivera : Si César confirme nos espérances, c'est à vous seul que nous nous en croirons redevables. S'il en est autrement, nous vous rendrons cette justice, que vous aurez fait pour nous tout ce qui vous était possible. Je vous promets, pour mon compte, une vive gratitude, et vous vous attacherez à jamais d'excellents citoyens, qui sont en même temps les plus honorables des hommes, les plus disposés à la reconnaissance et les plus dignes de votre affection. [13,8] A M. RUTILIUS. Rome, octobre. Fort de mes sentiments et de votre bienveillance, je n'hésite pas à recourir à vous dans l'occasion. Vous savez comme tout le monde combien P. Sextius a de titres à mon attachement ; mais il n'y a que moi qui sache à quel point je l'aime. On lui a dit que vous aviez de l'affection pour moi, et il me prie de vous recommander d'une manière toute particulière l'affaire de C. Albinus sénateur; il a épousé sa fille et il en a eu un fils L. Sextius, qui est le plus excellent jeune homme du monde. J'entre dans ce détail pour vous faire entendre les rapports d'intérêts qui existent de moi à Sextius et de lui à Albinus. Voici l'affaire. C. Albinus a reçu en payement de M. Labérius des terres que celui-ci avait achetées de César et qui provenaient des biens de Plotius. Si je vous disais qu'il n'est pas de l'intérêt de la république de comprendre ces terres dans les partages, j'aurais l'air de donner une leçon au lieu de solliciter une grâce. Cependant, au moment où César confirme les ventes et les assignations de Sylla pour donner une garantie aux siennes, n'est-ce pas ôter à cette garantie toute autorité, que de souffrir le partage des biens que César lui-même a vendus? Vous verrez dans votre prudence ce que vous avez à faire. Mais jamais je ne vous demanderai rien qui m'intéresse davantage, rien qui soit plus juste et dont j'aie le succès plus à cœur. Je vous conjure de ménager Albinus et de ne pas toucher aux biens de Labérius. Vous me causerez une grande satisfaction de cœur, je dirai même d'amour-propre, si, grâce à moi, dans cette occasion, P. Sextius à qui je dois tant, peut rendre ce qu'il doit lui-même à l'homme du monde qui lui touche de plus près. Entrez donc dans mes vues, je vous en supplie. Vous ne pouvez me rendre un plus grand service; c'est vous dire assez quelle sera ma reconnaissance. [13,9] A CRASSIPÈS. Cilicie. Je vous ai recommandé de vive voix et du mieux que j'ai pu la compagnie bithynienne, et, soit déférence de votre part, soit inclination naturelle, vous m'avez paru disposé à tout faire pour lui être utile. Les intéressés se persuadent qu'une lettre de moi où je consignerais de nouveau mes sentiments pour eux avancerait beaucoup leurs affaires, et je m'empresse de me rendre à leur désir. Vous savez que j'ai toujours été porté de cœur pour l'ordre des publicains; que je dois d'ailleurs de la gratitude aux services sans nombre que l'ordre équestre m'a rendus; que j'aime tout particulièrement la compagnie bithynienne, et qu'enfin cette compagnie, qui appartient à un ordre puissant et qui se compose d'hommes distingués, joue un grand rôle dans l'État. Elle est formée en effet de membres pris dans les diverses sociétés, et le hasard fait qu'ils sont presque tous mes amis, notamment l'homme qui en ce moment a le plus fort intérêt dans l'entreprise et y joue le rôle principal, P. Rupilius, fils de Publius, de la tribu Ménénia. Les choses étant ainsi, je vous recommande de la manière la plus instante Cn. Pupius, l'un des agents de la compagnie. Veuillez le seconder, le servir, et faire, en tant qu'il dépendra de vous, tout ce qu'il faut pour que ses opérations, vous le pouvez sans peine, répondent aux vues de ses mandataires. Je sais quelle est l'influence d'un questeur ; vous pouvez défendre bien utilement et même faire prospérer les intérêts de la compagnie ; et c'est ce que je vous supplie de faire. Vous me rendrez personnellement fort heureux, et vous apprendrez en même temps, je vous le garantis par expérience, que les intéressés de la compagnie bithynienne gardent le souvenir du bien qu'on leur fait, et savent en témoigner leur reconnaissance. [13,10] A BRUTUS. Rome. En voyant votre questeur M. Varron partir pour vous rejoindre, je ne pensais pas qu'il eût besoin de recommandation. Il me semblait suffisamment recommandé près de vous par la tradition de nos ancêtres, qui a voulu que le lien de la questure fût le plus fort de tous les liens après ceux qui attachent les enfants à leurs pères; mais il s'est imaginé qu'une lettre de moi écrite d'une certaine façon ferait grande impression sur vous, et il m'a demandé avec instance de me piquer d'honneur. Il a bien fallu céder, puisqu'un ami y attachait tant de prix. Jugez vous-même si j'ai quelque chose à lui refuser : à peine entré au forum, M. Térentius Varron a recherché mon amitié. Bientôt, il est devenu homme, et j'eus deux raisons de plus pour l'aimer : d'abord son goût pour les études, qui font encore aujourd'hui le plus grand charme de ma vie, et où il a fait preuve, comme vous le savez, de grandes dispositions et de quelque savoir-faire; puis les intérêts qu'il prit de bonne heure dans les fermes publiques, et que j'aimerais bien mieux qu'il n'eût pas, car il y a fait de grandes pertes ; mais enfin cette communauté d'intérêt avec un ordre pour qui j'ai toujours fait profession de tant d'égards, contribua puissamment à resserrer nos liens. Plus tard, ayant donné sur l'un et l'autre siège une haute idée de son caractère et de son mérite, il entra dans les candidatures, et ne se proposa jamais que l'honneur, comme le plus digne fruit de ses travaux. A Brindes, dans ces derniers temps, je l'ai chargé de lettres et d'ordres pour César; mission délicate qu'il ne pouvait accepter que par attachement pour moi, et qu'il a remplie jusqu'au bout avec une rare fidélité. Je voulais entrer dans quelques détails à part sur ses sentiments et son caractère; mais je m'aperçois qu'en vous disant pourquoi je l'aimais tant, je vous ai dit assez déjà quels étaient ses sentiments. Je puis du moins à part vous assurer et vous garantir que vous trouverez en Varron charme et profit. Vous verrez en lui de la modération, de la sagesse, un sévère désintéressement, et, avec cela, une ardeur infatigable pour le travail et la plus remarquable capacité. Je ne devrais pas ainsi vous mettre sur la voie des découvertes que vous ne pouvez manquer de faire, à mesure que vous le connaîtrez. Mais dans toute nouvelle relation, la manière dont on débute et les recommandations qui nous eu ouvrent la porte ne sont pas choses indifférentes. C'est dans ce but que je vous écris; l'intimité de la questure doit naturellement produire son effet, mais ce que j'ajoute n'y nuira pas. Si vous m'aimez autant que Varron se l'imagine et que je le sens au fond de mon coeur, ne le trompez pas, je vous en conjure, dans ce qu'il espère et en ce que j'attends moi-même de cette recommandation. [13,11] A BRUTUS. Rome. J'ai remarqué en maintes occasions l'intérêt que vous mettiez à connaître une foule de détails qui me concernent. Je suis donc sur que vous savez à quel municipe j'appartiens, et l'attachement que je porte à mes concitoyens, les Arpinates. Leurs revenus, qui font leur bien-être et qui composent toutes leurs ressources, consistent dans des impôts en Gaule. Ils y trouvent de quoi pourvoir a la dépense des sacrifices, ainsi qu'à l'entretien des temples et des autres édifices publics. Il est devenu indispensable de procéder à une vérification générale, de faire rentrer un arriéré dû par les colons ; de se bien rendre compte de l'état des choses, et de réorganiser l'administration. Nous envoyons à cet effet sur les lieux en qualité de délégués trois chevaliers romains, Q. Fulidius, fils de Quintus, M. Faucius, fils de Marcus, et Q. Mamercus, fils de Quintus. Je recommande très-chaudement l'affaire à votre amitié, et je vous demande d'y mettre assez d'intérêt pour que nos délégués n'éprouvent aucune entrave, et puissent remplir leur mission vite et bien. Je recommande en outre à tous vos égards et à toutes vos bontés les trois honorables citoyens que je viens de nommer. Ce sont des gens de bien, dont vous vous ferez des amis ; c'est une ville municipale naturellement disposée à la reconnaissance, que vous vous attacherez pour toujours; c'est moi enfin qui vous saurai d'autant plus de gré de vos bons offices, qu'indépendamment de mes devoirs habituels de patronage envers mes concitoyens, je suis cette année plus que jamais obligé par position à n'y pas manquer. En effet, lorsqu'on a récemment constitué la municipalité d'Arpinum, j'ai voulu que mon fils fût édile avec le fils de mon frère et M. Césius, l'un de mes bons amis. Chez nous il n'y a d'autre magistrature municipale que l'édilité. Or, pour peu que, grâce à vous, à votre intérêt, à vos bons soins, les affaires de notre ville se terminent heureusement, c'est à eux trois et à vous tout le premier qu'en reviendra l'honneur. Ne nous refusez pas cette satisfaction. Je vous le demande avec instance. [13,12] A BRUTUS. Rome. J'ai donné en commun aux députés d'Arpinium une lette où je vous les recommande de mon mieux : Je veux par celle-ci vous recommander particulièrement Q. Fufidius, que j'aime beaucoup et que j'ai mille raisons d'aimer. Ce n'est point une restriction que je mets à ma précédente lettre, c'est une seconde recommandation que j'ajoute a la première. Fufidius est oncle de M. Cesius, l'un de mes plus intimes et de mes meilleurs amis. Il était avec moi en Cilicie, comme tribun des soldats. Il s'y est si bien conduit que je me crois son obligé, au lieu de le considérer comme le mien. De plus, et voici ce qui vous touchera davantage, Q. Fufidius n'est point étranger aux lettres. Ouvrez-lui donc vos bras, je vous en conjure, et donnez-lui l'occasion de faire preuve d'habileté dans une mission qu'il a acceptée contre son gré et par déférence pour moi. Comme toutes les natures excellentes, il met de l'amour-propre à justifier ma confiance et à mériter au retour mes éloges, ainsi que ceux de toute sa ville. Il y réussira, pour peu que ce mot éveille pour lui votre intérêt. [13,13] A BRUTUS. Rome. L. Castronius Petus, de la ville municipale de Lucques, et le premier sans contredit de tous ses habitants, est un homme honorable, grave, obligeant, excellent enfin dans toute l'acception du mot; de plus, si cela peut y faire quelque chose, il n'est pas moins riche de biens que de vertus. C'est un de mes bons amis, et je puis dire qu'il n'y a personne dans notre ordre qu'il affectionne et honore plus que moi. Je vous le recommande comme un des miens, digne de devenir un des vôtres. Obligez-le, vous n'aurez qu'à vous en applaudir, et je vous en saurai un gré infini. Adieu. [13,14] A BRUTUS. Rome. Je suis fort lié avec L. Titius Strabon, chevalier romain, homme honorable autant que distingué. Entre moi et lui, c'est une amitié à toute épreuve. Il lui est dû de l'argent dans votre province par P. Cornélius Volcatius, qui rend la justice à Rome, a prononcé le renvoi devant la juridiction des Gaules. Je vous demande avec plus d'intérêt que s'il s'agissait de moi-même, parce qu'il est plus beau de se préoccuper de l'argent de ses amis que du sien propre ; je vous demande, dis-je, de ne pas laisser traîner cette affaire. Faites-vous en rendre compte, occupez-vous-en vous-même, et veuillez enfin, autant que la justice et l'équité le permettent, vous y employer de manière que l'affranchi de Strabon envoyé tout exprès sur les lieux, puisse en finir aux meilleures conditions possibles, et réussisse surtout à faire compter les écus. Je vous en saurai un gré infini, et vous verrez en même temps combien L. Titius est digne de votre amitié. Vous êtes toujours aimable et bon pour moi ; soyez de même encore aujourd'hui, je vous en conjure. [13,15] A CESAR. Asture, avril. Je vous recommande tout particulièrement Précilius, dont le père est votre ami, mon inlime à moi-même, et le meilleur des hommes. Le jeune Précilius a su m'inspirer une très vive affection par sa modestie, la bonté de son âme, et l'attachement singulier qu'il a pour moi. Puis, son père a toujours été de mes meilleurs amis; je le sais pour l'avoir vu à l'œuvre : c'était un de ceux qui ne cessaient de me plaisanter, et de me dire des injures, de ce que je n'allais pas vous rejoindre, moi que vous y invitiez en termes si magnifiques. « Mais je restai inaccessible a la persuasion. » J'entendais nos hauts personnages s'écrier : » Courage! courage! si tu veux mériter un regard de la postérité. » Un nuage épais troublait ma vue. Aujourd'hui encore ne cherchent-ils pas à m'exciter, à faire revivre en moi l'amour éteint de la gloire? Ils s'écrient que «je ne périrai pas lâchement et sans honneur, que je laisserai après moi le souvenir de quelque exploit qui retentira dans la postérité. » Paroles perdues, vous le voyez. Laissons là Homère et ses grands mots. Vive Euripide et la vérité ! « Pauvre sage qui ne sait pas être sage « pour lui-même! «Voila le vers par excellence, suivant le vieux Précilius, qui ajoute que « savoir porter ses regards en avant et en arrière n'empêche pas de se tenir toujours dans la ligne de l'honneur et de s'élever au-dessus des autres. » — Mais je reviens a mon dire : cédez aux nobles penchants de votre cœur, et accordez vos bontés au jeune Précilius. Vous êtes déjà, je le suppose, très bien disposé pour cette famille. Que ma recommandation mette un poids de plus dans la balance; je vous en saurai un gré infini. Voila une lettre d'un nouveau genre. C'est que ma recommandation, veuillez le croire, n'est pas une recommandation vulgaire. [13,16] A CÉSAR. Asture, avril. Il n'y a personne dans notre jeune noblesse qui m'ait été aussi cher que P. Crassus ; dès son entrée dans la vie, il m'avait donné de lui des espérances qui se sont changées en estime, quand l'effet est venu justifier mes prévisions. J'avais de son vivant distingué son affranchi Apollonius. Il était si dévoué à son maître, il le secondait si bien dans ses nobles travaux ! Aussi Crassus l'aimait tendrement. Depuis sa mort, Apollonius s'est acquis de nouveaux droits à ma confiance et à mon amitié par les égards et le respect dont il s'est fait un devoir envers tous ceux que Crassus affectionnait, ou à qui Crassus était cher. C'est guidé par ce sentiment qu'il est venu me joindre en Cilicie, où il m'a été très utile. Vous-même, dans la guerre d'Alexandrie, vous avez eu lieu, si je ne me trompe, d'être satisfait de son zèle et de son dévouement. Il se flatte que vous avez conservé bonne opinion de lui, et dans cette confiance le voilà parti pour vous rejoindre en Espagne. L'idée est de lui ; mais je l'approuve, je ne lui ai pas proposé ma recommandation, non que je la croie sans valeur auprès de vous; mais il vous a suivi à la guerre, il est à vous par le nom seul de Crassus, et il aurait des recommandations par milliers, s'il en voulait. Je lui ai promis seulement mon témoignage, auquel il tient beaucoup, et dont je sais par expérience que vous ne faites pas fi. C'est un homme instruit qui a toujours eu le goût de l'étude, et cela depuis sa jeunesse, qu'il a passée presque toujours chez moi, avec le stoïcien Diodote, l'homme le plus savant que je connaisse. il est aujourd'hui dans l'enthousiasme de vos actions, et se propose d'en composer l'histoire en grec. Je l'en crois très-capable; il a de l'esprit, il sait écrire, et s'exerce depuis longtemps dans le genre historique. Enfin sa passion est de payer dignement sa dette à votre gloire immortelle. Voilà ce que j'ai à vous dire de lui. Votre tact exquis le jugera. Quoi que j'en aie dit tout-à-l'heure, je vous le recommande, et j'aurai une gratitude extrême de ce que vous ferez pour lui. [13,17] A SERVIUS SULPICIUS. Rome. J'aime M'. Curius, négociant à Patras; je l'aime par mille raisons toutes meilleures les unes que les autres : d'abord il y a des siècles que je le connais, depuis mon entrée au forum; puis il m'a cent fois ouvert sa maison de Patras; il me l'a offerte encore en dernier lieu à l'occasion de cette malheureuse guerre, et j'en aurais pu au besoin disposer comme de ma propre demeure ; enfin ce qui m'attache surtout à Curius, ce qui me rend son amitié sacrée, c’est qu’Atticus n'a point d'ami plus tendre, plus dévoué que lui. J'arrive trop tard, si déjà vous connaissez Curius, parce qu'il se sera suffisamment recommandé par son caractère aimable et ses manières affectueuses. Si vos bontés ont en effet devancé mon voeu, que ce mot ajoute pourtant encore, je vous en conjure, à vos bonnes dispositions. Mais si sa réserve l'avait tenu trop à l'écart, si vous ne le connaissiez qu'imparfaitement encore, si vous ignoriez enfin en quoi il a besoin de vous, souffrez que j'invoque de toutes mes forces, et comme je le dois, votre bienveillance en sa faveur. Je m'intéresse à Curius par une affection toute désintéressée. Je me bornerai donc à vous dire, à vous répéter, à vous assurer sur ma parole et ma tète, que vous aimerez M'. Curius, quand vous connaîtrez son caractère, sa bonté, sa droiture. Oui, vous l'aimerez, et vous ne vous étonnerez plus si je vous le recommande avec instance. Laissez-moi espérer que ma lettre fera sur votre esprit toute l'impression que j'en attends. [13,18] — A SERVIUS. Rome. Oui, je prétends qu'Atticus, dont j'ai vu pourtant les transports de joie, n'a pas été plus sensible que moi à votre charmante, aimable et bonne lettre ; ou s'il en a été touché tout autant, je soutiens qu'il n'a pu du moins sentir aussi profondément et cette attention délicate qui n'a rien d'ailleurs dont je m'étonne de votre part, mais qui va le chercher, lui qui n'a rien écrit, rien demandé, et ces obligeantes offres de service qui vont le surprendre au moment ou il s'y attend le moins. Je ne vous dirai point : Ajoutez encore à ces bonnes dispositions pour l'amour de moi : y ajouter est impossible; vos promesses le comblent. Je ne vous dirai pas non plus : Agréez ma gratitude ; c'est pour Atticus et de vous-même que vous avez agi. Il faut pourtant que je vous exprime combien votre procédé me pénètre; car si rien au monde ne peut m'être plus agréable que vos sentiments flatteurs pour un homme que j'aime passionnément, comment ne serais-je pas envers vous pénétré de reconnaissance ! Dussé-je donc blesser votre délicatesse, votre indulgente amitié me le pardonnera, je reviendrai sur mes paroles, et je vous dirai ce qui me semblait tout à l'heure inutile de vous dire. Oui, d'abord ajoutez à vos bonnes dispositions pour Atticus tout ce que vous inspirera votre affection pour moi, puis agréez l'expression ouverte et profondément sentie de la gratitude dont je craignais il y a un instant de vous parler ; enfin croyez que les services que vous rendrez à Atticus pour les affaires d'Épire et les autres m'obligeront non moins étroitement que lui-même. [13,19] A SERVIUS. Rome. Il y a des siècles que Lyson de Patras est mon hôte, et j'ai toujours pensé que ce titre imposait des devoirs. Si d'autres sont aussi mes hôtes, il n'en est aucun avec qui je sois plus lié. Ses bons offices, nos relations journalières ont si bien serré nos noeuds, qu'il est vraiment impossible d'être plus intimement unis. Pendant l'année qu'il a passée à Rome, il a vécu, pour ainsi dire, avec moi : nous comptions alors sur l'effet de mes lettres et de mes recommandations près de vous pour la défense de ses intérêts et de sa fortune en son absence, et nous avions raison d'y compter. Cependant, comme tout dépendait d'une seule volonté, et comme Lyson avait embrassé notre cause et suivi nos armes, nous ne laissions pas que d'être, malgré tout, dans une appréhension continuelle. Aujourd'hui l'éclat de son rang, mes démarches, l'intervention de tous ceux qui ont comme moi logé chez lui, ont eu leur plein effet auprès de César. Vous le verrez par la lettre que César lui-même vous adresse. — Il semblerait que je n'ai plus à m'occuper de Lyson ; mais je n'en veux pas moins vous parler encore de l'intérêt que je lui porte. Je vous demande même avec instance de lui accorder accueil et confiance. Tant qu'il y a eu incertitude sur son sort, je mettais une sorte de timidité dans mes prières, de peur de quelque coup de foudre que vous n'auriez pu parer. Maintenant qu'il est rétabli dans sa position, je fais hardiment appel à votre bienveillance. Ma recommandation ne porte pas sur tel ou tel des siens en particulier; elle comprend sa famille entière, notamment son jeune fils, que, pendant son malheureux exil, mon client C. Meramius Gémellus a adopté, conformément aux lois de Patras, après s'être fait d'abord naturaliser lui-même citoyen de cette ville. Je place sous votre protection ses droits sur l'héritage de Gémellus. — Veuillez, en un mot, donner votre amitié à Lyson, au meilleur, au plus reconnaissant des hommes. C'est l'important. Une fois liés, vous en penserez ce que j'en pense, et vous le servirez à votre tour, comme je le fais, auprès de vos amis. Oui, je vous demande expressément votre amitié pour Lyson. N'allez pas, par un peu de froideur, lui donner à penser, non pas que vous êtes changé pour moi, mais que je ne vous ai parlé de lui qu'avec un faible intérêt, d'autant qu'il m'a trop souvent entendu lui-même parler de vous et qu'il a trop vu de vos lettres pour ne pas savoir à quoi s'en tenir sur vos bontés pour moi ! [13,20] A SERVIUS, Rome. J'aime beaucoup le médecin Asclapon de Patras ; sa société me plaît, et j'ai pu juger son mérite dans les soins qu'il a donnés à ma famille. Science, vertu, bonté, il a tout pour lui. Je vous le recommande : qu'il sache, je vous prie, en quels termes je m'exprime sur son compte, et qu'il voie que ma recommandation lui a été très utile. Je vous en saurai un gré infini. [13,21] A SERV. SULPICIUS. Rome. M. Émilius Avianus étant fort jeune encore, me témoignait déjà des égards; depuis il m'a toujours été fidèle. C'est un esprit droit, un caractère aimable, et le plus serviable des hommes. Si je le savais à Sicyone, ou plutôt si je ne le savais pas à Chypre, ou je l'ai laissé et ou l'on m'assure qu'il est encore, je n'aurais que quelques mots à vous dire : son caractère et son mérite vous le rendraient bientôt aussi cher qu'à moi et à tous ceux qui le connaissent. Le croyant donc absent, je viens vous recommander sa famille, qui est à Sicyone, ainsi que tout ce qui lui appartient, notamment C. Avianus Hammonius, son affranchi, qui mérite une mention particulière. Je lui dois des éloges non seulement pour son zèle et son dévouement singulier envers son patron, mais parce qu'il m'a rendu à moi-même de grands services. Dans mes plus mauvais temps, je l'ai trouvé aussi empressé, aussi chaud que s'il m'eût été redevable de la liberté. Veuillez donc lui faire bon accueil, prendre intérêt aux affaires de son patron, bien traiter son agent que je vous recommande, lui accorder quelques égards à lui-même, et le regarder comme un des vôtres. Vous serez bientôt frappé de sa délicatesse, de son obligeance, et des qualités aimables dont il est doué. Adieu. [13,22] A SERVIUS. Rome. J'aime beaucoup T. Manlius, négociant a Thespie ; il a toujours été plein d'égards, d'attentions et de respect pour moi. De plus, il n'est pas étranger aux lettres. Enfin Varron Muréna lui veut du bien : il vous en a écrit, et il compte sur l'effet de sa recommandation. Il se persuade toutefois qu'un mot de moi ajoutera encore à votre intérêt. Je vous recommande donc Manlius, parce que je ne sais résister ni au voeu d'un ami que j'aime, ni à un désir de Varron. Soyez pour Manlius ce que vous êtes pour ceux a qui vous vous intéressez le plus. Servez-le, honorez-le, en tant que la justice et le rang le permettent ; je vous en saurai un gré extrême. C'est le coeur le plus reconnaissant, le caractère le plus aimable ; et je me porte garant que vous trouverez chez lui la gratitude dont les hommes droits ont coutume de payer vos bontés. [13,23] A SERVIUS. Rome. Je suis extrêmement lié avec L. Cossinius, qui est votre ami et de votre tribu. Nous nous connaissions de vieille date, lui et moi; mais Atticus nous aime plus intimement encore. Aussi n'y a-t-il personne de sa maison qui ne m'aime. Celui de tous qui me témoigne le plus d'attachement est L. Cossinius Anchialus, affranchi de Cossinius, fort estimé de son patron et des amis de son patron, au nombre desquels je me range. Je viens vous le recommander : fût-il mon propre affranchi, eût-il été pour moi ce qu'il est pour son maître, je ne vous le recommanderais pas plus chaudement. Ouvrez-lui donc le coeur et les bras, si vous voulez m'être agréable; et rendez-lui tous les bons offices dont il pourrait avoir besoin, sans vous imposer trop de gêne. Je vous en saurai un gré infini, et vous y trouverez vous-même votre compte ; car vous verrez bientôt tout ce qu'il y a en Cossinius d'honnêteté, de douceur et de modestie. [13,24] A SERVIUS. Rome. Lorsque je vous ai recommandé Lyson, mon hôte et mon ami, je ne pensais qu'au plaisir de lui donner un témoignage mérité de mes sentiments. Je ne savais pas vos préventions contre lui. Il vient de me les apprendre, et je m'applaudis vivement de vous avoir dès lors écrit dans les termes où je l'ai fait. Il me mande que ma lettre lui a été d'un grand secours, attendu qu'on vous l'avait dénoncé comme parlant habituellement fort mal de vous à Rome. Vous avez été, ajoute-t-il, assez aimable et assez bon pour n'en plus vouloir rien croire, dès que vous avez vu ce que j'en pensais. J'acquitte d'abord la dette de mon cœur, en vous remerciant d'avoir accordé a mon témoignage le pouvoir de détruire une impression fâcheuse, puis, je vous prie de vous persuader (et je ne le dis pas plus de Lyson que des autres) qu'il n'y a ici qu'un langage sur votre compte, celui de l'éloge, qui est unanime. Je voyais Lyson presque tous les jours; nous vivions ensemble, parce qu'il prenait plaisir à m'entendre, comme moi à l'écouter. Or, il ne tarissait pas sur vos louanges. Je sais que vous le traitez de manière à rendre toute nouvelle recommandation superflue : mais, quoique vous le combliez, me dit-il, je ne vous en demande pas moins avec de nouvelles instances toutes vos bontés pour lui. Je vous ferais ici une seconde fois son portrait, mais vous devez maintenant le connaître. [13,25] A SERVIUS. Rome. Hégésaratus, de Larisse, que j'ai comblé de faveurs pendant mon consulat, n'en a pas perdu le souvenir, et il n'a cessé depuis de me témoigner combien sa mémoire est fidèle. Je vous le recommande à toutes sortes de titres : il est mon hôte et mon ami, il a le cœur bien placé; c'est un honnête homme, le premier de sa ville : vous voyez que personne ne mérite plus que lui que vous l'aimiez. Veuillez, je vous prie, lui montrer par votre accueil que ma recommandation est de quelque poids près de vous. Je vous eu saurai un gré infini. [13,26] A SERVIUS. Rome. L. Mescinius a été mon questeur, et c'est la l'origine de notre liaison. Fidèle aux traditions de nos ancêtres, j'ai toujours attaché de l'importance au lien de la questure, et avec d'autant plus de raison que Mescinius est la droiture et l'amabilité mêmes. Je n'ai avec personne des relations aussi habituelles et aussi douces; il sait que vous avez de la bonté pour lui et il y compte pour tout ce qui est honnêtement possible; mais il s'imagine qu'une lettre de moi fera quelque effet sur vous. Il a vu, et je lui ai dit cent fois, tout ce que je trouvais de charme et tout ce qu'il y avait de force dans l'amitié qui nous lie. Vous comprenez donc que je ne puis vous recommander froidement un homme avec qui je suis si intimement lié. Il a des affaires en Achaïe comme héritier de M. Mindius, son frère, négociant à Élis. Faites que, fort de vos droits et de votre puissance, qu'aidé même de vos lumières et de vos conseils, il les débrouille et les termine. Nous avons donné pour instructions à ceux qui en sont chargés, de soumettre à votre arbitrage les chicanes qu'on pourrait leur faire, et, autant que possible, de prendre en tout vos directions. Faites-le pour moi, je vous en conjure. De plus, s'il se trouvait des gens difficiles qui voulussent plaider; l'affaire regardant un sénateur, renvoyez-les à Rome. Si vous le pouvez sans inconvénient, vous me ferez un extrême plaisir. Pour lever vos scrupules, nous nous sommes munis, non pas d'un ordre, on ne donne pas d'ordre à un homme comme vous, mais d'une lettre très officieuse du consul M. Lépidus. Faut-il vous dire qu'un bienfait ne peut être placé chez personne miens que chez Mescinius? vous le savez de reste, el c'est moi d'ailleurs qui veux être votre obligé : son affaire me touche autant que si mes propres intérêts y étaient engagés. Pourtant, je le confesse, tout en me préoccupant beaucoup de son succès, je souhaite bien aussi un peu que ma recommandation y paraisse pour quelque chose. [13,27] A SERVIUS. Rome. Il m'arrive trop souvent de me répéter quand j'ai des remerciements à vous faire, et vous êtes si bon pour mes recommandations, que cette faute se reproduira, je le prévois, bien des fois encore. Néanmoins, je veux faire effort sur moi-même, et m'appliquer aujourd'hui votre axiome favori de procédure : même fond, autre forme. C. Avianus Hammonius m'adresse des actions de grâce sans fin en son nom et au nom de son patron Émilius Avianus, pour les bons offices el les égards distingués dont il a été l'objet de votre part. J'en suis charmé, d'abord par intérêt pour ceux que, dans la chaleur de mon zèle, j'avais cru devoir vous recommander, pour Émilius surtout, l'un de mes amis les plus intimes, à qui j'ai rendu de grands services, et qui est peut-être celui de mes obligés dont la mémoire est restée la plus fidèle; j'en suis charmé enfin, parce que j'y trouve la preuve de vos sentiments pour moi, et parce que je vous vois faire pour mes amis plus que je ne ferais moi-même si j'étais présent; car je verrais moins vite à les obliger que vous à m'être agréable. Redoutez pas du moins de ma reconnaissance. Ne doutez pas non plus de celle de mes deux amis, je m'en porte garant. Vous serez bien aimable si vous pouvez faire que leurs affaires se terminent pendant que vous êtes en Achaïe. Je vis dans une grande intimité avec votre charmant Servius, et je jouis avec délices de tout ce que je trouve chez lui d'esprit et de goût, d'honneur et de sagesse. [13,28] A SERVIUS. Rome. (1ère partie) J'ai du plaisir a recourir à vous pour mes amis, mais j'en ai plus encore à vous remercier de vos bontés, qui ne leur font jamais faute. On ne saurait croire ce que je reçois de remercîments même de la part des moins recommandés. J'en suis touché au fond du cœur ; je suis touché surtout de ce que me mande L. Mescinius. Il me dit que, sur ma lettre, vous avez comblé ses agents de bonnes paroles, et que vous avez été dans la réalité bien au delà de vos promesses. Rien, je vous le répète, ne pouvait me toucher davantage. Je suis d'autant plus heureux que je prévois combien Mescinius va vous plaire; il est si bon et si honnête, si obligeant et si aimable ! puis il a tant de goût pour ces études qui firent autrefois le bonheur de ma vie et qui sont aujourd'hui toute ma vie! Mais que vous dirai-je? ajoutez encore à vos bontés pour lui. Cela sera bien. Je vous demande nommément deux choses : 1° s'il faut une garantie pour le cas de nouvelles exigences au même titre, c'est de vouloir bien donner la mienne; 2° c'est de vous ingérer et de trouver quelque biais pour faire venir à Rome Oppia, qui a été la femme de Mindius. Elle a détourné presque toute la succession, et mon opinion est qu'une fois à Rome, on s'arrangerait. Mettez à cela tous vos soins, je. vous en conjure. D'ailleurs, je veux vous le dire à satiété, si vous tenez à bien placer vos bienfaits, vous ne pouvez trouver qui en soit plus digne que Mescinius, et qui ait un cœur plus reconnaissant ni un esprit plus distingué. Vous l'obligez pour me plaire, mais je veux que son amabilité y soit aussi pour quelque chose. A SERVIUS. Rome. (2ième partie) Les Lacédémoniens ne peuvent pas douter qu'ils ne soient d'avance tout recommandes à votre justice et à votre bonté : ne sont-ils pas Lacédémoniens et fils de leurs glorieux pères? et n'êtes-vous pas l'homme qui, à ma connaissance, sait le mieux distinguer les droits et le mérite des peuples divers? Aussi quand Philippe de Lacédémone est venu me prier de vous écrire pour sa ville, à qui j'ai tant d'obligations que je n'ai pas oubliées je lui ai répondu qu'auprès de vous Sparte n'avait pas besoin de recommandation. Je suis donc persuadé d'abord qu'il n'y a pas une seule ville de l'Achaïe qui ne soit fort heureuse de vous avoir pour chef au milieu des bouleversements où nous vivons; puis, connaissant comme vous les connaissez, et aussi bien que nos propres annales, les magnifiques annales de la Grèce, je juge que vous devez surtout être l'ami de Lacédémone. Je ne vous demande en conséquence qu'une chose, c'est qu'en faisant pour les Lacédémoniens tout ce que votre conscience, la justice, et l'élévation de vos sentiments vous inspirent, vous soyez assez bon pour leur témoigner, s'il est possible, que vous savez le bonheur que j'en éprouve, et que vous n'y êtes pas insensible. Il est de mon devoir de me montrer sans cesse préoccupé de ce qui les touche. Entrez dans cette vue, je vous en prie avec instance. [13,29] A L PLANCUS. Rome. De tous les amis que vous a laissés votre père, vous n'en avez pas, je pense, qui vous tienne de plus près que moi, non seulement par ces rapports d'apparat qu'on prend pour des liens d'affection, mais encore par les habitudes plus fortes dune longue amitié. Entre votre père et moi, ces habitudes, vous ne l'ignorez point, furent toujours les plus charmantes et les plus intimes du monde. De là vint mon attachement pour vous; mes liens avec votre père s'en resserrèrent, surtout quand je vous vis, dans l’âge où l'on commence à comprendre la mesure de ce qui est dû à chacun, me témoigner, de préférence à tout autre, des égards, du respect et de l'affection. Il s'y joignait un autre lien, qui n'a pas peu de force, outre la solidité qui lui est propre : c'est celui d'études communes, de ces études surtout et de ces travaux de l'esprit qui unissent bien vite par l'amitié ceux qui s'y livrent avec le même goût. Où donc en voulez-vous venir, me direz-vous, en allant remonter si loin? Non, ce n'est pas sans motif ni sans intérêt que je rappelle tous ces souvenirs. — Je suis lié intimement avec C. Atéius Capiton. Les phases diverses de ma vie si mêlée vous sont connues. Dans mes jours brillants comme dans mes disgrâces, C. Capiton était là avec son dévouement, son activité, son crédit, sa popularité, sa bourse même. Proscrit ou honoré, je l'ai toujours trouvé fidèle. Il est parent de T. Antistius, a qui la questure en Macédoine était échue par le sort, et qui se trouvait encore en exercice, faute de successeur, lorsque Pompée entra avec son armée dans la province. T. Antistius n’était pas libre; s'il l'eût été, il n'aurait rien eu de plus à coeur que de rejoindre Capiton, qu'il aimait comme un père, surtout connaissant l'estime qu'il professait et avait toujours professée pour César. Dans sa position forcée, il n'a pris à ce qui s'est fait que la part qu'il n'a pu se dispenser d'y prendre. Lorsqu'on frappa monnaie à Apollonie, presida-t-il à l'opération? c'est ce que je ne saurais dire. Je ne puis nier qu'il n'ait été là; mais deux ou trois mois, pas davantage. Depuis il n'a plus paru au camp, et ne s'est mêlé de rien. Vous pouvez me croire; j'étais témoin. Il voyait le chagrin que cette guerre me causait, et ne me cachait rien. Il alla se réfugier au fond de la Macédoine, aussi loin que possible des armées, afin de n'avoir dans tout cela ni initiative à prendre, ni action quelconque à exercer. Après la bataille, il se retira près d'un ami intime, A. Plautius, en Bithynie. César l'y rencontra, et ne lui fit entendre aucune parole amère et dure. Il lui prescrivit seulement de se rendre à Rome. Mais Antistius tomba malade, d'une maladie dont il ne s'est point relevé, se lit transporter souffrant à Corcyre, et c'est la qu'il est mort. D'après son testament fait à Rome, sous le consulat de Paullus et de Marcellus, Capiton est son héritier pour moitié et un tiers. On confisquerait le sixième restant, que pas un de ceux qui y ont droit ne se plaindrait. C'est une affaire de trois cent mille sesterces. Mais ceci regarde César. — Ce que je vous demande, moi, mon cher Plancus, au nom de votre père et de notre propre amitié, en invoquant la conformité de nos goûts, les rapports constants de nos positions et de notre vie tout entière, ce que je vous demande avec plus d'instance, avec plus de sollicitude que je ne puis le dire, c'est de vous charger des intérêts de Capiton, de les considérer comme les miens, et de ne rien négliger pour arriver à ce que, sur ma recommandation, par votre entremise et grâce à la bonté de César, C. Capiton recueille le legs de son parent. Dans le haut degré de faveur et de puissance où vous êtes, tout ce que je pouvais prétendre de vous, vous l'aurez fait en une fois, si j'obtiens de vous ce service. — II y a une circonstance qui vous servira, j'espère, et que César peut apprécier mieux que personne : c'est que Capiton l'a toujours vénéré et chéri. Lui-même eu rendra témoignage. Je connais la fidélité de sa mémoire. Je n'insiste donc pas. Mais vous, insistez pour Capiton, selon que vous verrez César conserver pour lui des sentiments plus ou moins vifs. — Je vais aussi vous parler de moi : vous jugerez si je puis peser dans la balance. Vous n'ignorez point à quel parti et à quelle cause je suis attaché, quels sont les hommes et les ordres qui ont aidé a mon élévation et qui m'ont toujours appuyé : si dans cette guerre il y a eu de ma part quelques actes qui ne furent pas entièrement en harmonie avec les vues de César, croyez-moi, il faut s'en prendre a des conseils étrangers, à un entraînement auquel j'ai cédé, et César, je le sais, ne s'y méprend pas; mais, dans les rangs où j'étais, j'ai montré peut-être plus de mesure et de modération que personne. Eh bien ! c'est surtout à l’influence de Capiton que je le dois. Si tous mes amis lui avaient ressemblé, la république aurait pu y gagner quelque chose. Moi, du moins je m'en serais mieux trouvé. — Obtenez ce que je vous demande, mon cher Plancus, et montrez ainsi que vos sentiments pour moi sont toujours les mêmes. Vous vous attacherez intimement par ce service l'un des hommes les plus reconnaissants, les plus serviables et les meilleurs que je connaisse, C. Atéius Capiton. [13,30] A ACILIUS, PROCONSUL. Rome. Je vous écris en faveur de L. Manlius, dont le nom d'origine est Sosis : il était Catanien; il est aujourd'hui citoyen romain, comme tous les habitans de Naples, et de plus décurion de cette ville. Il avait acquis les droits de cité à Naples, avant que Rome eût donné ceux de citoyen romain aux alliés et aux habitants du Latium. Son frère vient de mourir à Catane. Je ne pense pas le moins du monde qu'on lui conteste l'héritage dont il est déjà en possession. Mais il a aussi en Sicile quelques vieilles affaires de son chef. Je vous recommande non seulement celle de l'héritage, mais encore tous les intérêts de Manlius, et surtout sa personne : c'est un homme excellent, que je vois beaucoup, et qui a ce goût de l'étude et des lettres qui fait mes délices. Qu'il aille ou non en Sicile, pensez, je vous en conjure, qu'il est de mes plus intimes et de mes meilleurs amis, et montrez-lui que ma recommandation ne vous est pas indifférente. [13,31] A ACILIUS. Rome. Je suis fort lié avec C. Flavius, honorable chevalier romain, haut placé dans son ordre. Il était intime de mon gendre C. Pison. Lui et son frère L. Flavius sont pleins d'égards et de dévouement pour moi. Si vous voulez me faire le plus grand de tous les plaisirs, vous aurez pour lui tous les bons procédés et tous les égards compatibles avec les exigences de votre haute position. Je vous garantis (et ce n'est pas un détour que je prends, je dis ce qui est dans mon cœur et ce qui est la vérité même),je vous garantis que vous serez charmé de connaître un homme aussi obligeant et aussi bon, un homme investi de tant de considération, et, qui jouit de beaucoup d'influence dans son ordre. Adieu. [13,32] A ACILIUS. Rome. J'ai pour hôtes et pour amis dans l'opulente et noble ville d'Halèse, M. Clodius Archagathus et C. Clodius Philon. Mais je crains, en insistant d'une manière particulière sur tant de recommandations, qu'on ne me suppose un parti pris d'avoir pour tous mes recommandés la même mesure. Au surplus, qu'on en pense ce qu'on voudra, tant que vous ne cesserez pas de me combler comme vous le faites, moi et mes amis. Il est certain que je suis lié avec mes recommandés d'aujourd'hui, et avec leur famille, de très-vieille date; que j'en ai reçu de très bons offices, et qu'ils sont prêts à m'en rendre encore. Je ne puis donc me dispenser de vous demander avec les plus vives instances, et pour toute chose, vos bontés pour eux : n'y mettez d'autre mesure que celle des convenances et du rang. Je vous en saurai un gré infini. [13,33] A ACILIUS. Rome. Je suis intimement lié avec Cn. Otacilius Nason, plus intimement qu'avec aucun de son ordre. C'est tout simple : je trouve un charme infini dans son esprit et son amabilité, et je le vois tous les jours. Inutile après cela de chercher des phrases pour vous recommander l'homme dont je viens de faire le portrait. Il a les affaires dans votre province; les agents qui en sont chargés sont ses affranchis, Hilarus, Antigone, Démostrate. Je vous recommande ses affaires et ses agents, comme s'il s'agissait de mes propres agents et de mes propres affaires. Attachez, je vous prie, quelque importance à cette recommandation. Vous m'obligerez beaucoup. [13,34] A ACILIUS. Rome. Il existe entre moi et Lyson de Lilybée, fils de Lyson, des relations d'hôte à hôte qui remontent à nos ancêtres. II me montre beaucoup d'attachement, et je le sais digne d'un père et d'un aïeul dont la famille est très-noble, le vous recommande ses intérêts et ceux de sa famille; faites, je vous en conjure, qu'il trouve à la fois dans ma recommandation honneur et profit. [13,35] A ACILIUS. Rome. C. Avianus Philoxène est mon hôte de bien vieille date, et, de plus, il est mon ami. César, à ma demande, l'a compris parmi les habitants de Come la Nouvelle, à qui il accordait les droits de citoyens romains. Il a pris le nom d'Avianus, parce qu'il n'est personne à qui il doive plus qu'à Avianus, avec qui, vous le savez, je crois, je suis moi-même fort lié. J'entre dans ces détails pour que vous voyiez qu'il ne s'agit pas ici d'une recommandation ordinaire. Je vous demande pour lui vos bons offices en toute chose, sans indiscrétion toutefois; puis, quelque amitié; enfin, de ne pas lui laisser ignorer ce qu'il devra à vos bontés pour moi. Je tiens beaucoup à ce dernier point. [13,36] A ACILIUS. Rome. Il y a des siècles que Démétrius Mégas est mon hôte; je suis lié avec lui plus intimement qu'avec aucun autre Sicilien. Dolabella, à ma prière et sur mon intervention, lui avait fait obtenir de César le droit de cité romaine. Aussi a-t-il pris le nom de P. Cornélius : mais César s'étant aperçu que quelques misérables trafiquaient de ses faveurs, a fait arracher le tableau où se trouvaient inscrits les noms des nouveaux admis aux droits de citoyen romain : ce ne fut pas toutefois sans assurer à Dolabella, j'étais témoin, que Mégas n'avait rien à craindre, et qu'il maintenait pour lui la décision. Je porte ce détail à votre connaissance pour que vous ne doutiez pas que Mégas est citoyen romain. Je vous le recommande avec plus d'intérêt que personne au monde. Je serais heureux des égards que vous voudriez bien lui témoigner, surtout si vous avez la bonté de lui laisser voir que c'est à moi qu'il en est redevable. [13,37] A ACILIUS. Rome. Je vous recommande très vivement Hippias fils de Philoxène, de Calacte, mon hôte et mon ami. On me mande qu'au mépris des lois du pays, on s'est publiquement emparé de ses biens pour une créance qui lui est étrangère. Si cela est, ma recommandation est inutile; votre justice lui viendra toute seule en aide. Mais quoi qu'il en soit des faits, je vous demande de défendre les droits d'Hippias, et de lui rendre tous les bons offices qui peu vent dépendre de vous, sans blesser l'équité ni la justice. Je vous en saurai un gré infini. [13,38] A ACILIUS. Rome. L. Bruttius est un très jeune chevalier romain doué de tous les dons, que j'aime beaucoup, qui est plein de respect et d'affection pour moi, et dont le père était mon ami, il y a bien longtemps, dès l'époque de ma questure en Sicile. Quoique Bruttius soit actuellement à Rome avec moi, je ne laisse pas de vous recommander sa maison, ses biens, ses agents en Sicile, avec un intérêt tout particulier. J'ai garanti à Bruttius que ma recommandation ne serait pas inutile à ses intérêts. Soyez assez bon pour justifier son attente; vous m'obligerez beaucoup. [13,39] A ACILIUS. Rome La famille Titurnia était une de mes vieilles connaissances. Elle n'a plus qu'un seul rejeton vivant, M. Titurnius Rufus, et je me fais un devoir de l'intérêt que je lui porte, ainsi que des bons offices que je puis lui rendre. Il est en votre pouvoir de lui montrer qu'on est suffisamment riche quand on m'a pour protecteur. Je vous le recommande donc avec instance. Faites que ma recommandation lui devienne un utile appui dans toutes ses affaires, et qu'il ne l'ignore point. Vous me rendrez vraiment heureux. [13,40] A Q. ANCHARIUS, FILS DE QUINTUS, PROCONSUL. Rome. Je suis lié avec L. et C. Aurélius, fils de Lucius, ainsi qu'avec leur père, le meilleur des hommes. Je vous les recommande, comme des jeunes gens pleins de mérite et d'instruction, pour qui j'ai beaucoup d'amitié, et qui sont dignes de la vôtre. Si jamais ma recommandation fut de quelque poids auprès de vous (je sais qu'en plusieurs circonstances elle en a eu beaucoup) ayez-y particulièrement égard, je vous prie, en cette occasion. Traitez-les tous deux avec honneur et bonté. La reconnaissance vous attachera leurs cœurs généreux, et moi, je vous en saurai un gré infini. [13,41] A CULLÉOLUS. Rome. Vous saurez qu'en obligeant L. Luccéius, vous n'avez pas prêté à un ingrat; qu'il est fort touché de vos bontés, et que Pompée, chaque fois qu'il vient me voir, et il vient souvent, me parle aussi en termes tout particuliers de sa gratitude. J'ajoute, parce que je sais le plaisir que cela vous fait, que vos attentions pour Luccéius sont en même temps un vrai bonheur pour moi. Si vous n'avez eu d'abord en vue que le plaisir de m'être agréable, il faut maintenant persévérer pour l'honneur du début. Quoique je n'aie là-dessus aucun doute, je ne vous en demande pas moins avec instance de continuer comme vous avez commencé et de couronner votre œuvre. Luccéius et Pompée en seront reconnaissants au dernier point, et vous vous mettrez dans une excellente position vis-à-vis de l'un comme de l'autre. C'est moi qui vous le dis et qui en serai au besoin garant. Je vous ai donné, il y a peu de jours, des détails sur les affaires publiques et j'y ai joint mes réflexions. J'ai remis ma lettre à vos esclaves. [13,42] A L. CULLÉOLUS, PROCONSUL. Rome. Mon ami L. Luccéius, qui est très sensible à ce qu'on fait pour lui, est venu chez moi me témoigner dans les termes les plus forts sa gratitude des assurances explicites et obligeantes que ses fondés de pouvoirs ont reçues de vous, dit-il, sur tous les points. Si quelques paroles excitent ainsi sa reconnaissance, que ne fera pas la réalité, lorsque vous aurez fait, comme je l'espère, ce que vous avez promis? Les Bullions (habitants d'un canton de l'Illyrie) ont manifesté l'intention positive de prendre Pompée pour arbitre entre eux et Luccéius. C'est bien; mais nous n'en avons pas moins le plus grand besoin de votre intérêt, de votre appui, de votre autorité que je sollicite. Ce qui me charme au delà de toute expression, c'est que nulle recommandation ne vaut la mienne auprès de vous ; que Luccéius le voit par ce que vous lui écrivez ; et que les gens d'affaires le savent. Faites, je vous en conjure, que les faits le prouvent mieux encore. [13,43] A QUINTIUS GALLUS. J'aurai bientôt, je le sais, des occasions de voir (ce dont en vérité je ne doute guère) si vous avez réellement de l'attachement pour moi; et je vous offre dès aujourd'hui un moyen facile de me le prouver. L. Oppius, fils de Marcus, fait le commerce à Philomélium. Il est de mes amis; je vous le recommande particulièrement, et je mets d'autant plus d'intérêt à cette recommandation qu'outre l'affection que j'ai pour lui, il est chargé des affaires de L. Egnatius Aufus, le seul des chevaliers romains avec lequel je sois intimement lié, que je vois tous les jours, et qui m'a rendu nombre d'importants services. Je veux donc a la fois que vous aimiez Oppius qui est près de vous, et que vous veilliez aux intérêts d'Egnatius qui est absent, le tout comme s'il s'agissait de moi-même. Je voudrais que, pour aider votre mémoire, vous me fissiez un mot de lettre qui pût vous être représenté quand vous serez dans la province, et qui fut conçu de manière à vous rappeler avec précision ce que je vous recommande. Je vous en prie instamment. [13,44] A QUINTIUS GALLUS. J'ai vu par vos lettres et par celles de L. Oppius, mon intime ami, que vous n'aviez pas oublié ma recommandation. Je n'en suis pas surpris, connaissant votre extrême bienveillance et votre amitié. Cependant je veux une seconde fois encore vous parler de L. Oppius, en ce moment auprès de vous, et vous recommander les intérêts de L. Egnatius absent. Entre Oppius et moi l'intimité est si étroite, que je n'aurais pas plus de sollicitude pour ce qui me serait personnel. Aussi ne pouvez-vous me faire un plus grand plaisir que de lui témoigner que vous avez en effet pour moi tout autant d'amitié que je vous en crois. Bien, je vous le répète, ne peut me toucher davantage : ne me refusez pas, je vous le demande en grâce. [13,45] A APULÉIUS. Egnatius est le seul chevalier romain avec lequel je sois intimement lié. Il a envoyé Anchialus, l'un de ses esclaves, en Asie, pour y suivre des affaires qui le concernent. Je vous recommande l'homme et les affaires aussi instamment que s'il s'agissait de mes propres intérêts. Remarquez, je vous prie, qu'entre Egnatius et moi, ce sont des rapports de tous les jours, de la nature la plus intime, et un échange continuel de services. Faites qu'il s'aperçoive que je vous ai écrit d'une manière toute particulière. Il sait d'avance vos bonnes dispositions; mais prouvez-les-lui, je vous en conjure. Adieu. [13,46] A APULÉIUS. L. Nostius Zoïlus est mon cohéritier : cette double qualité vous dira pourquoi je lui porte intérêt; et vous comprendrez qu'il n'y a qu'un honnête homme que son patron puisse enrichir ainsi. Je vous le recommande comme s'il était de ma maison. Vous me ferez grand plaisir en le traitant de manière à lui faire voir que ma recommandation lui a été très-utile. [13,47] A SILIUS. A quoi bon vous recommander qui vous est si cher ? Pour que vous sachiez que je l'aime aussi, non pas d'un intérêt ordinaire, mais de la plus tendre affection. C'est pour cela que je vous écris. De tous les services que vous m'avez rendus (et vous m'en avez rendus beaucoup et de fort importants), rien ne me touchera plus que si vous avez pour Egnatius des procédés qui lui prouvent combien je l'aime et combien vous m'aimez. Je vous demande avec instance ce nouveau témoignage de votre amitié. Nous avons été cruellement frappés dans notre existence. Tout est peut-être pour le mieux. Voila la consolation qui court les rues, et qu'il faut nous appliquer. Nous causerons de tout cela à la première rencontre. En attendant, continuez de m'aimer tendrement, et de penser que je vous aime de même. [13,48] A SEXTILIUS RUFUS, QUESTEUR. Je vous recommande tous les Cypriens en général, et les Paphiens en particulier; je vous saurai un gré infini de ce que vous ferez pour eux. J'insiste d'autant plus qu'il me paraît importer à votre honneur, dont je suis jaloux, que le premier questeur romain dans l'ile laisse sa trace et marque la voie à ses successeurs. Ce vous sera chose facile, je m'en flatte, si vous suivez les directions et les lois de votre intime ami Lentulus, et les institutions diverses que j'ai moi-même établies. Ou je me trompe, ou vous vous feriez par là un honneur infini. [13,49] A CURIUS, PROCONSUL. Rome. Q. Pompéius, fils de Sextus, m'est attaché de vieille date et à bien des titres. Il s'est habitué à compter sur mon influence, quand sa fortune, son crédit ou son autorité se trouvent en cause. Aujourd'hui que c'est vous qui commandez dans la province, je me trouve plus que jamais engagé à lui prouver ce que ma recommandation a de puissance, pour le mettre mieux que qui que ce soit dans vos bonnes grâces. Si c'est pour vous un devoir d'amitié de traiter mes amis à l'égal des vôtres, je vous demande avec instance d'accorder votre bienveillance à Pompéius, et de lui faire voir que, pour le profit et l'honneur, il n'y a rien au monde qui vaille une recommandation de moi. [13,50] A ACILIUS, PROCONSUL. Rome. Vous avez eu les meilleurs procédés pour moi pendant mon séjour à Brindes, et je m'en autorise pour vous demander en ami et comme de plein droit un service qui me touche de très-près. M'. Curius, qui fait le commerce à Patras, est mon intime autant qu'on peut l'être. Il m'a obligé mille et mille fois; je l'ai obligé à mon tour. Enfin nous nous aimons l'un et l'autre le plus tendrement du monde, c'est tout dire. Cela étant, si mon amitié a quelque prix pour vous; si à tout ce que vous m'avez prodigué de soins et d'égards à Brindes, vous voulez ajouter un témoignage qui me touche plus encore, s'il est possible; si vous voulez bien vous rappeler de plus que je suis cher à tous vos amis; accordez-moi de tenir M. Curius clos et couvert, comme on dit : c'est-à-dire faites que, grâce à votre protection, il n'éprouve tort, dommage, ni vexation d'aucune sorte. Je vous réponds, et j'ai tous vos amis pour garants, que vous n'aurez ni à vous plaindre de ma gratitude, ni à vous repentir de votre déférence. Portez-vous bien. [13,51] A CÉSIUS. Je vous recommande d'une manière spéciale P. Messiénus, chevalier romain, distingué sous tous les rapports et mon ami particulier. Je vous demande, au nom de notre amitié et de celle qui me liait â votre père, de l'accueillir à bras ouverts et de prendre son honneur et ses intérêts sous votre protection. Vous le trouverez homme de bien, et digne ami; et vous me rendrez heureux, en l'obligeant. [13,52] A Q. REX. A. Licinius Aristote de Malte a été très anciennement mon hôte. Une étroite liaison existe entre lui et moi. Cela suffit, je n'en doute pas, pour exciter votre intérêt. Je connais par expérience l'accueil que vous faites à mes recommandations. Grâce à mes soins, il n'a plus rien à craindre du côté du César. Il avait été fort mêlé à nos affaires, et il est même, resté plus longtemps que moi dans le parti. Je sais que vous l'en estimerez davantage. Faites donc, mon cher Rex, faites qu'il apprenne tout ce qu'on gagne près de vous avec une lettre de moi. [13,53] A THERMUS, PROPRÉTEUR. Cilicie. Depuis longtemps déjà, je suis lié avec L. Genucilius Curvus, excellent homme et, de sa nature, fort sensible aux bienfaits. Je vous le recommande, et je vous prie de le prendre sous votre protection toute spéciale. Il faut d'abord favoriser ses intérêts de fortune; autant toutefois que le devoir et l'honneur vous Ie permettent. Mais, nulle difficulté sur ce point; car il ne vous demandera jamais rien de contraire à ses principes et aux vôtres. Je vous recommande en particulier les affaires qu'il a dans l'Hellespont. Il s'agit, en premier lieu, du maintien d'un droit que la ville de Parium lui a concédé sur son territoire, et dont il a toujours joui sans la moindre contestation. Il demande, en second lieu, la facilité de s'adresser à la justice locale pour les difficultés qu'il pourrait avoir avec les habitants. Mais à quoi bon ce détail, quand je vous le recommande en tout et pour tout? Un mot seulement et je finis : Tout ce que vous aurez d'attention et d'égards pour Curvus, autant de pris par moi pour mon propre compte ; je regarderai comme service personnel ce que vous aurez fait pour lui. [13,54] A THERMIUS, PROPRETEUR. Laodicée, mars. Vous avez mis bien de la grâce dans tout ce que vous avez fait à ma recommandation, surtout dans l'accueil charmant qu'a reçu de vous M. Marcilius, fils de mon interprète et de mon ami. Il est venu à Laodicée et m'a témoigné dans les termes les plus vifs sa reconnaissance pour vous et pour moi, à cause de vous. Mais j'ai une nouvelle grâce à vous demander : vous voyez que vous n'avez pas affaire à des ingrats. Vous n'en devez être que plus disposé à faire pour eux tout ce qui sera d'accord avec la justice. Eh bien, empêchez, je vous prie, que la belle-mère de ce jeune homme ne soit mise en accusation. Je vous ai toujours parlé avec beaucoup d'intérêt de Marcilius. Je vous le recommande avec bien plus d'intérêt encore aujourd'hui, à raison des excellents services de son père, qui, dans un long exercice des fonctions d'appariteur, a fait preuve d'une exactitude, d'un désintéressement et d'une modération, je ne dirai pas bien rares, mais presque sans exemple. [13,55] A THERMUS, PROPRÉTEUR. Cilicie, décembre. Vous m'avez paru on ne peut mieux disposé pour M. Annéius mon lieutenant, lorsque je vous parlai de son affaire à Éphèse. Mais je lui porte trop d'attachement pour rien négliger de ce qui lui est utile, et je crois trop à votre affection pour ne pas être sûr qu'une lettre de moi ajoutera beaucoup aux bonnes dispositions où vous êtes déjà. Il y a longtemps que j'aime M. Annéius. On a pu voir le cas que je fais de lui quand j'ai été le chercher pour en faire mon lieutenant, moi qui en ai refusé tant d'autres. Il a fait la guerre avec moi, et partout il a montré un courage, une prudence, une droiture, un dévouement qui le placent au plus haut degré dans ma reconnaissance et mon estime. Vous savez qu'il est en procès avec les Sardiens. Je vous ai expliqué cette affaire à Éphèse. Mais ses communications de vive voix vous la feront bien plus vite et bien mieux comprendre. En vérité, je ne sais comment tourner ce qui me reste à dire. Votre réputation d'intégrité est si bien établie, et jette un tel éclat ! Et qu'avons-nous à vous demander, que de juger selon vos principes? Mais un préteur peut tant de choses ! un préteur surtout en qui se réunissent intégrité, capacité et douceur de caractère ; ce que tout le monde proclame de vous. Tenez, je vous le demande, au nom de notre amitié si constante, de cette réciprocité de bons offices qui a toujours existé entre nous ; faites qu'Annéius voie clairement par tous vos rapports officiels ou intimes non seulement que vous lui voulez du bien (il le sait, et me l'a dit cent fois) mais que vous lui voulez plus de bien encore depuis que vous avez lu ma lettre. Vous ne sauriez rien faire ni dans votre gouvernement, ni dans toute province, qui pût m'être plus agréable. Vous n'ignorez pas d'ailleurs, je pense, qu'il n'y a pas d'homme plus reconnaissant ni meilleur qu'Annéius ; et que vous ne pouvez trouver mieux où placer votre intérêt et rendre service. [13,56] A THERMUS, PROPRÉTEUR. Cilicie. Cluvius de Pouzzol est un de mes amis les plus assidus et les plus familiers. Il a des intérêts dans votre province ; et il est persuadé que, s'il ne profite de votre présence et de ma recommandation pour tout terminer, c'est autant de perdu pour lui. Cette responsabilité que m'impose le plus serviable des hommes, j'ose me prévaloir de votre obligeance à mon égard, pour m'en décharger sur vous; pourvu toutefois que cela ne vous gêne en rien. Les gens de Mylase et d'Alabande doivent de l'argent à Cluvius. Euthydème m'avait dit, lors de mon passage à Éphèse, qu'il veillerait à ce qu'on envoyât à Rome des Ecdices mylasiens (questeurs grecs). On n'en a rien fait. On annonce seulement le départ de simples députés. Ce sont des Ecdices qu'il faudrait. On ne peut rien terminer sans eux. C'est pourquoi je vous demande d'ordonner aux gens de Mylase et d'Alabande d'en faire partir sur-le-champ. Outre cela, Philoclès d'Alabande a engagé ses biens en garantie à Cluvius. Le terme est échu. Veillez, je vous prie, à ce que le débiteur vide les biens hypothéqués, et les remette aux fondés de pouvoirs de Cluvius, ou bien à ce qu'il les dégage, en remboursant la dette. Les Heracléotes et les Bargylètes sont également ses débiteurs; faites qu'ils le payent en argent ou en nature. Il lui est encore dû par les Cauniens. Mais ceux-ci prétendent avoir consigné l'argent. Rendez-moi le service de vérifier le fait; et si on reconnaît que le dépôt n'a point été effectué, en vertu d'édit ou de décret, obligez-les à verser dans la caisse que vous avez établie, les intérêts qui seraient dus à Cluvius. Je m'inquiète d'autant plus de tout cela qu'il s'agit des intérêts de notre ami, Cn. Pompée, et qu'il s'en tourmente beaucoup plus que Cluvius lui-même que je tiens vraiment à obliger. C'est donc avec les plus vives instances que je vous recommande ces divers objets. [13,57] A THERMUS, PROPRÉTEUR. Laodicée, mars. La guerre prend de jour en jour plus de gravité en Syrie : toutes mes lettres et tous mes courriers me l'annoncent. Je viens donc faire un nouvel et plus pressant appel à votre amitié, et je vous conjure de me renvoyer, sans tarder une minute, M. Annéius, mon lieutenant. Son activité, ses conseils, son expérience militaire deviennent, je le sens, indispensables et pour la république et pour moi. S'il ne se fût agi d'une affaire aussi importante, rien au monde ne l'eût décidé à me quitter; et, pour rien au monde, je ne l'aurais laissé partir. Mon intention est de me mettre en route pour la Cilicie vers les kalendes de mai, il faut absolument qu'à cette époque Annéius soit revenu. — Je vous ai déjà parlé et écrit bien des fois pour vous recommanderses intérêts. Je vous en conjure, prenez à cœur son affaire avec les habitants de Sardes, et faites qu'elle se termine à son avantage et à son honneur. Je sais vos bonnes dispositions, vous me les avez témoignées suffisamment, lorsque j'eus occasion de vous voir à Éphèse. Je vous saurai un gré infini, si vous voulez bien régler vous-même toute cette affaire par un bon édit, et ne pas le faire attendre; je vous le demande instamment. [13,58] A C. TITIUS RUFUS, PRÉTEUR URBAIN. Cilicie, février. L. Custidius et moi nous sommes de la même tribu, de la même ville, et de plus amis, il a un procès. Ce procès est porté devant vous. Je vous recommande Custidius, en tant que votre devoir et mon propre caractère le permettent. Seulement, qu'il ait facile accès auprès de vous; qu'il obtienne de bonne grâce tout ce qu'il demandera de juste; et puissé-je reconnaître à votre obligeance que, si loin que nous soyons l'un de l'autre, mon amitié est un titre auprès de vous. [13,59] A C. CURTIUS PÉDUCÉUS, Laodicée, février. J'aime tendrement M. Fabius. Nous avons des rapports intimes, et c'est une liaison qui date de loin. Je ne vous demande pas quelle sera votre décision dans le procès qui l'intéresse. Vous suivrez là-dessus votre édit et vos principes, comme l'exigent l'honneur et le devoir. Mais je vous demande de lui donner ses entrées libres chez vous, et de lui accorder tout ce qui sera conforme à l'équité, afin qu'il voie qu'entre nous, malgré l'éloignement, l'amitié n'a rien perdu de ses droits. Je vous le demande avec instance. [13,60] A C. MUNATIUS, FILS DE CAIUS. Rome, décembre. L. Livinéius Tryphon est l'affranchi de L. Régulus, l'un de mes intimes amis, qui, étant malheureux, a droit de me trouver plus empressé que jamais, et qui certes ne me trouvera pas plus de bonne volonté, parce que c'est impossible. Cet affranchi d'ailleurs, je l'aime aussi lui-même. J'ai reçu de lui les plus grandes marques de zèle dans les moments d'adversité où l'on peut juger de la fidélité et de l'attachement des hommes. Je vous le recommande donc comme on recommande, quand on n'est pas ingrat, ceux à qui l'on doit beaucoup. Il a affronté mille périls pour me sauver; il s'est souvent embarqué au plus fort de l'hiver. Témoignez-lui que votre amitié pour moi lui tient compte des obligations que je lui ai. Je vous en saurai un gré infini. [13,61] A P. SILIUS, PROPRÉTEUR. Cilicie. Vous savez, je crois, combien j'étais lié avec T. Pinnius. Son testament l'a bien fait voir, puisqu'il m'institueà la fois tuteur de son fils, et héritier en second. Ce fils est un jeune homme plein d'application, de savoir et de modestie. Les habitants de Nicée lui doivent la somme considérable de huit cent mille sesterces, et on m'assure qu'ils ne demandent qu'à se libérer. Mes cotuteurs connaissent votre attachement pour moi, et le jeune homme est persuadé qu'il n'est rien que vous ne fassiez à ce titre. Vous m'obligerez donc beaucoup d'intervenir autant que le permettront votre caractère et vos devoirs pour accélérer le recouvrement de cette créance sur les Nicéens. [13,62] A P. SILIUS, PROPRÉTEUR. Cilicie. Que vous avez été aimable dans l'affaire d'Attilius! J'arrivais bien tard ; et pourtant vous avez sauvé cet honorable chevalier romain. Au fond, je vous ai toujours regardé comme mon débiteur, vu les rapports d'intimité où je suis avec Lamia. C'est pourquoi je commence par vous remercier de m'avoir tiré de cette inquiétude. Puis je viens effrontément vous solliciter de plus belle. Patience ! je vous le revaudrai. Jamais intérêts n'auront été par moi servis et défendus avec plus de zèle. Si vous m'aimez, traitez mon frère Quintus comme moi-même : ce bienfait couronnera l'autre. [13,63] A SILIUS, PROPRÉTEUR. Laodicée, mars. Je n'aurais pas cru que les mots pussent me manquer jamais, et pourtant je ne trouve pas d'expressions pour vous recommander C. Laenius. Je vais donc être court, en tâchant toutefois de rendre claire ma pensée. Vous ne sauriez croire à quel point nous affectionnons M. Laenius moi et mon bien-aimé frère. Je ne me suis séparé de lui qu'avec une peine infinie. Il nous a rendu de tels services, il est si plein d'honnêteté, de modestie ! je trouvais tant de charme dans son commerce, tant de profit dans les conseils de sa fidèle amitié ! — Mais voilà que les expressions qui me faisaient faute tout à l'heure me viennent en foule maintenant. Vous parler ainsi de Laenius, c'est vous dire avec quel intérêt je vous le recommande : je vous conjure d'expédier les affaires qui l'appellent dans votre province et de lui indiquer les voies les plus directes et les meilleures. C'est le plus heureux et le plus aimable caractère du monde ; vous en jugerez vous-même. Renvoyez-le-nous bien vite, débarrassé de tout souci, de tout tracas, de toute affaire. Mon frère et moi nous vous en saurons un gré infini. [13,64] A P. SILIUS, PROPRÉTEUR. Cilicie. Vous n'imaginez pas quels remercîments mon ami Néron m'a faits pour vous ; c'est à n'y pas croire. Il n'y a distinctions, à l'entendre, qu'il n'ait reçues de vous. Vous en recueillez le fruit. C'est bien le cœur le plus reconnaissant que ce jeune homme. Mais, par Hercule, vous m'avez obligé moi-même en l'obligeant. Car dans toute notre jeune noblesse, il n'est personne dont je fasse plus de cas. Aussi vous saurai-je un gré infini de déférer encore à diverses recommandations qu'il veut que je vous adresse. Il s'agit d'abord de suspendre jusqu'à son arrivée l'affaire de Pausanias d'Alabande. II tient beaucoup à ce délai, et je vous prie instamment de déférer à son désir. Puis veuillez prendre sous votre protection particulière les Nyséens avec lesquels Néron a des liaisons étroites, et dont il est le défenseur et l'ami. Que cette ville reconnaisse, à vos bons soins, ce que vaut le patronage de Néron. Je vous ai souvent parlé pour Strabon Servilius. Je vous le recommande encore plus fortement aujourd'hui qu'il a Néron pour protecteur. Tout ce que je vous demande est de terminer son affaire, et de ne pas l'exposer, avec son bon droit, à se voir rançonné par quelqu'un qui ne vous ressemblerait pas. Vous me ferez le plus grand plaisir, et ce ne sera, je crois, que suivre les inspirations de votre cœur. En un mot (cette lettre n'a pas d'autre but) soyez toujours pour Néron ce que vous avez été jusqu'aujourd'hui. Votre province, en cela bien différente de la mienne, est un théâtre où notre jeune noblesse, quand elle a des talents et des vertus, peut les exercer et les mettre on relief. Avec l'appui qu'il trouvera, qu'il a déjà trouvé en vous, il saura conserver et s'attacher par des liens personnels l'immense clientèle que lui ont léguée ses ancêtres. Et vous, en continuant de lui prêter votre concours dans cette vue, vous aurez bien placé vos bienfaits, et vous m'aurez rendu, moi, bien reconnaissant. [13,65] A P. SILIUS, PROPRÉTEUR. Cilicie. Je suis étroitement lié avec Térentius Hispon vice-administrateur des fermes publiques. C'est entre nous réciprocité, émulation de services. Il y va de son honneur de conclure des traités avec toutes les villes. J'ai voulu, je me le rappelle, faire une tentative pour lui à Éphèse, et j'ai échoué devant la résistance opiniâtre des Éphésiens. Mais tout le monde est persuadé, et c'est mon opinion aussi, que l'équité de votre administration, la douceur et le charme de vos manières exercent sur les Grecs un ascendant absolu; que, pour tout obtenir d'eux, vous n'avez qu'un signe a faire. Employez donc cette influence, je vous en conjure, pour que, dans cette affaire, Hispon et moi nous en venions tous deux à notre honneur. Vous saurez que je m'intéresse à ses associés, non-seulement par ce que la compagnie entière est sous ma protection, mais encore par suite de liaisons contractées avec la plupart de ses membres. Faites cela, et mon cher Hispon me sera redevable d'un grand succès ; les obligations de la compagnie envers moi en seront plus étroites ; et vous-même, vous trouverez le prix de votre obligeance dans le dévouement du plus reconnaissant des hommes et dans la gratitude d'un corps si bien composé. Enfin vous m'aurez rendu à moi le plus grand des services. Il n'y a pas, sachez-le bien, dans toute votre province et aussi loin (Que votre pouvoir s'exerce, il n'y a pa de concession à me faire qui puisse me toucher plus. [13,66] A SERVILIUS, PROPRETEUR. Rome. Je ne devrais pas vous recommander A. Cécina. Il vous appartient en propre, comme client de votre famille, et je sais combien vous êtes fidèle à vos amis et bon pour les malheureux. Mais j'étais lié avec son père, et mon cœur s'émeut comme il se doit au souvenir de cet homme respectable; il s'émeut en songeant à la triste fortune du fils avec qui j'ai toujours été en rapports intimes de goûts et de sentiments. De vous-même, sans provocation de personne, vous feriez tout pour un homme tombé de si haut et si malheureux. Eh bien ! que mes instances ajoutent quelque chose à vos bonnes dispositions ; mettez pour moi un peu plus de chaleur encore à lui venir en aide: voilà ce que je vous demande de toutes mes forces, avec une sollicitude et une préoccupation que je ne saurais dire. Si vous aviez été à Rome, nous serions parvenus, du moins je me le persuade, à obtenir la grâce d'A. Cécina. Connaissant la clémence de votre collègue, je suis loin de désespérer encore. Il a pensé que, dans sa position actuelle, il n'y avait pas pour lui d'abri meilleur que votre justice, et de port plus sûr que votre province. Je vous conjure de lui venir en aide. Il a à en finir là-bas avec les restes d'une vieille affaire. Accordez-lui pour cette affaire, comme en tout, votre protection et votre appui. Vous ne pouvez rien faire qui me touche davantage. [13,67] A SERVILIUS, Rome. Dans toute ma province de Cilicie, y compris les trois districts d'Asie qu'on y a incorporés, il n'est personne avec qui je sois plus lié qu'avec le fils d'Artémon de Laodicée, Andron, que j'ai eu pour hôte dans cette ville, et chez qui je me suis trouve au mieux pour ma manière de vivre et mes habitudes. Depuis mon départ de Laodicée, j'ai eu la preuve de la droiture de son cœur et de la fidélité de ses sentiments. Aussi me suis-je tout à fait attaché à lui et l'ai-je revu à Rome avec un vrai plaisir. Vous avez été vous-même dans la province et vous y avez fait beaucoup de bien. Vous savez s'il y a beaucoup de vos obligés qui en conservent maintenant le souvenir. Je ne vous dis ceci que pour justifier l'intérêt que je porte à Andron et vous persuader que son hospitalité est également digne de vous. Vous me feriez vraiment plaisir de lui témoigner la considération que vous avez pour moi, en le prenant sous votre protection, et en lui rendant tous les bons offices qu'en honneur et en conscience vous pouvez lui rendre. Je vous en saurai un gré infini, je vous le répète, et je vous le demande avec instance. [13,68] A P. SERVILIUS ISAURICUS, PROCONSUL. Rome, septembre. Je vous sais un gré infini de me donner des détails sur votre traversée. Je vois que votre cœur est fidèle, et j'en suis touché. Cependant, si vous me disiez çà et là quelques mots de la république, c'est-à-dire de l'état de votre province, des actes de votre gouvernement, je vous en saurais plus de gré encore. Ce n'est pas qu'on ne me parle souvent de ce que vous faites de beau, mais j'aurais été charmé d'en apprendre quelque chose de vous-même. Je ne vous écrirai pas toujours ce que je pense sur les affaires publiques, il y a trop de danger; mais je vous tiendrai au courant des faits. Je commence pourtant à espérer que notre collègue César ne veut pas et qu'il ne voudra pas détruire toute espèce de gouvernement régulier. Il nous importerait beaucoup que vous fussiez ici présent à ses conseils. Mais s'il vous semble plus utile, je veux dire plus glorieux, de commander à l'Asie, et de raffermir les liens relâchés de cette portion de l'empire, je ne dois pas former d'autres vœux pour votre intérêt et votre honneur. Je veille avec zèle et dévouement à tout ce qui peut vous intéresser. J'environne surtout d'égards et de respects votre illustre père. Je le dois à notre vieille amitié, à sa bonté pour moi, à la vôtre et à son noble caractère. [13,69] A SERVILIUS. Rome. C. Curtius Mithrès est, vous le savez, cet affranchi de Postumus, avec qui je suis intimement lié. Il ne me témoigne pas moins d'égards et de respect qu'à son propre patron. J'ai logé chez lui toutes les fois que je suis allé à Éphèse, et j'y étais comme chez moi. En mille occasions, j'ai éprouvé son dévouement et sa fidélité. Aussi, lorsque quelque affaire en Asie, moi ou les miens, c'est toujours à lui que je m'adresse, et je dispose de lui, de sa maison et de sa bourse, comme de mon propre bien. Si j'entre dans ces détails, c'est qu'il ne s'agit pas ici d'une recommandation banale ou superficielle, et que je vous parle d'un de mes intimes et du meilleur de mes amis. Servez-le d'abord, je vous prie, dans un procès qu'il a pour un domaine avec un certain Colophonien, et rendez-lui de plus tous les offices que vous pourrez lui rendre pour l'amour de moi, sans toutefois blesser la justice et sans trop vous déranger. Mais je connais sa discrétion. Il n'abusera point, et pour peu que sur ce que je vous dis, sur ce que vous jugerez vous-même de ses sentiments, vous lui témoignez de l'intérêt et de l'estime, ce sera un homme comblé. Recevez-le donc cordialement, je vous en conjure et accordez-lui votre amitié. Moi, je ne cesse de veiller ici avec zèle et passion à tout ce qui peut vous plaire comme à tout ce qui peut vous intéresser. [13,70] A SERVILIUS. Rome. Comme ce n'est pas un mystère que vos sentiments pour moi, il arrive que tout le monde me demande des recommandations pour vous, je tombe quelquefois dans la banalité; mais au milieu des circonstances où nous vivons, je me réserve plus habituellement pour mes amis. Par exemple, je suis lié au dernier point avec T. Ampius Balbus; il a pour affranchi, T. Ampius Ménandre, homme honnête et modeste, très estimé de lui et de moi. C'est lui que je vous recommande et tout particulièrement aujourd'hui. Vous m'obligerez fort, si vous pouvez, sans trop de dérangement, lui rendre de bons offices. Je vous en prie avec instance. [13,71] A SERVILIUS. Rome. Comment ne pas vous importuner souvent? Notre liaison et vos bontés pour moi sont connues de tout le monde ; mais quoique je veuille du bien à chacun de ceux pour qui je vous écris, je ne porte pas le même intérêt à tous. Durant mes malheurs, T. Agusius ne me quitta ni sur terre ni sur mer. Il fut le compagnon fidèle de mes épreuves et de mes dangers. En ce moment encore il serait près de moi, si je ne lui avais permis de partir. Je vous le recommande comme un des miens et l'un des plus dévoués; qu'il voie à vos bons procédés tout ce qu'il y a d'avantages et de profit à ma recommandation. Je vous en saurai un gré infini. [13,72] A SERVILIUS. Rome. Je vous ai parlé de mon amie Cérellia, de ses affaires, de ses créances, de ses possessions d'Asie; je vous en ai parlé à vous-même, dans vos jardins, avec tout ce que j'ai de chaleur d'âme; vous, fidèle à vos habitudes, fidèle à votre constante bonté, vous m'avez tout promis. Vous ne l'avez point oublié, j'espère ; vous n'oubliez jamais rien. Mais vous avez un gouvernement si étendu, et vous êtes si surchargé d'affaires, que les agents de Cérellia me persuadent de revenir à la charge Je vous rappelle donc que j'ai votre parole de l'obliger en tout ce qui se peut honorablement, absolument en tout. Il existe un décret rendu par le sénat contre les héritiers de C. Vennonius. Je crois, mais vous seul en êtes juge, je crois que vous pouvez en tirer un parti immense dans l'intérêt de Cérellia. Vous l'interpréterez avec votre sagesse ordinaire, vous qui avez toujours tant de respect pour les décisions de l'ordre. Enfin, en toute chose montrez-vous serviable et bon pour Cérellia : je vous en aurai la plus vive reconnaissance. [13,73] A Q. PHILIPPUS, PROCONSUL Rome, décembre. Je vous félicite, vous voilà de retour de votre province, au sein de votre famille, bien portant, laissant après vous une réputation intacte et les affaires de votre gouvernement dans le meilleur ordre. Si vous étiez venu à Rome, je vous aurais vu, je vous aurais remercié des bontés que vous avez eues pour un absent, Egnatius, mon ami intime, et pour L. Oppius, qui était avec vous.—Antipater Derbetès a sur moi les droits d'un hôte et ceux d'un ami. Je sais que vous avez beaucoup à vous plaindre de lui, et je m'en afflige. Je ne saurais juger de vos griefs, mais je sais que vous n'êtes pas homme à agir légèrement. Je demande seulement à votre vieille amitié d'user à ma considération d'indulgence envers les fils de Derbetès. Leur sort est entre vos mains. Si votre honneur n'est pas engagé, je vous les recommande avec instance ; si non, je retire ma prière, votre réputation m'étant mille fois plus obère que l'intérêt que je leur porte. Je me persuade cependant (il se peut que je me trompe), que vous seriez approuvé plutôt que blâmé d'user d'indulgence. Serait-ce vous donner trop de peine, que de vous prier de m'écrire ce qu'il y a à espérer et ce que vous pouvez faire ? Je ne doute pas que ma recommandation ne vous dispose favorablement. [13,74] A. Q. PHILIPPUS, PROCONSUL. Rome. Vous avez trop d'égards pour moi, et vous êtes trop mon ami pour oublier mes recommandations. Cependant j'insiste, et vous recommande encore et L. Oppius, mon ami, qui est près de vous, et les intérêts de L. Egnatius, mon très-grand ami, qui est absent. Je suis si lié, si intimement lié avec Egnatius, que je ne mettrais pas plus d'intérêt à mes propres affaires qu'aux siennes. Faites lui voir que vous m'aimez autant que je me le persuade : je vous en saurai un gré infini. Oui, il n'est rien dont je puisse vous savoir plus de gré. Je vous demande avec instance de me faire ce plaisir. [13,75] A T. TITIUS, Lieutenant. Rome. Quoique je ne doute point de l'effet de mes premières recommandations auprès de vous, je cède aux instances de C. Avianus Flaccus, l'un de mes plus intimes amis, a qui je désire, et véritablement à qui je dois ne rien refuser. Je vous ai de vive voix exprimé tout l'intérêt que je lui porte, et vous m'avez répondu de la manière la plus obligeante. Depuis, je vous ai écrit; mais il croit important que je le rappelle souvent à votre souvenir. Vous m'excuserez donc si dans cette occasion ma déférence pour lui me donne l'air de douter de vos bonnes dispositions. C'est toujours la même demande que j'ai à vous faire : accordez à Avianus des facilités de lieu et de temps pour le transport des blés : je lui avais fait obtenir trois ans lorsque Pompée était à la tête des subsistances. Je serais charmé qu'Avianus, qui sait mon attachement pour lui, pût aussi reconnaître dans vos procédés quel est votre attachement pour moi. Je vous en aurais une grande reconnaissance. [13,76] AUX QUATUORVIRS ET AUX DÉCURIONS. J'ai tant de raisons pour aimer Q. Hippius, qu'il ne peut exister de liaison plus intime que la nôtre. Cela vous explique pourquoi je m'écarte de la loi que je m'étais faite de ne pas vous importuner. Et vous savez si j'y étais resté fidèle, alors même que j'avais la certitude de tout obtenir de vous; mais aujourd'hui, je vous prie avec instance d'avoir, à ma recommandation, tous les égards possibles pour Q. Valgius Hippianus, et de lui assurer notamment la jouissance libre et sans charge du bien qu'il a acheté de vous dans le canton de Frégelles. C'est un service que je considérerai comme personnel, et j'y mets le plus haut prix. [13,77] A P. SULPICIUS; peut-être A VATINUS. Rome, août. Il m'arrive aujourd'hui bien rarement d'aller au sénat. Mais en lisant votre lettre, j'ai senti que c'était un devoir pour ma vieille amitié, après un si long échange de bons procédés entre nous, de ne pas manquer dans une occasion où il s'agit d'un honneur à vous décerner. Je me suis donc rendu au sénat, et c'est avec grand plaisir que j'ai voté en votre faveur une supplication. En toute circonstance, l'intérêt de votre fortune, de votre réputation, de votre dignité, me trouvera là pour le soutenir. Je vous invite même à écrire à vos amis, que tels sont mes sentiments à votre égard, afin qu'ils sachent bien que, si mon assistance vous devenait utile, c'est un droit pour eux d'y recourir. — Je vous recommande avec une vive instance M. Bolanus, homme d'honneur et de courage, distingué sous tous les rapports et mon vieil ami. Faites qu'il reconnaisse à vos procédés l'utilité de ma recommandation. Ce sera m'obliger essentiellement. Vous verrez qu'il n'y a pas de plus excellent homme, ni de cœur plus reconnaissant. Je me rends garant du plaisir que vous tirerez d'une liaison avec lui. — J'ai un autre service à solliciter de votre attachement et de votre complaisance si souvent éprouvée. Dyonisius, mon esclave, était chargé du soin de ma bibliothèque, laquelle est de fort grand prix ; il a commencé par me dérober un grand nombre de livres, puis il a eu peur de ne pas porter loin l'impunité, et il a pris la fuite. Il est dans votre province. M. Bolanus, mon ami, et beaucoup d'autres l'ont vu à Narone. Il s'est dit affranchi par moi, et ils l'ont cru. Si vous pouviez le faire remettre en mon pouvoir, je ne saurais vous dire quelle serait ma gratitude. La chose a peu d'importance, mais je suis piqué au vif. Bolanus vous dira quelles sont les mesures à prendre. Oui, si par vos soins je puis remettre la main sur ce misérable, ma reconnaissance vous est acquise à jamais. [13,78] A ALLIÈNUS, proconsul. Rome. Démocrite de Sicyone n'est pas seulement mon hôte, il est de plus mon ami, et c'est un titre dont je suis peu prodigue, surtout pour les Grecs ; mais aussi c'est un homme d'une haute probité, d'une rare vertu, rempli d'attentions et d'égards pour ses hôtes; et de tous je suis celui qu'il respecte, qu'il honore et qu’il aime le plus. Je vous le donne pour ce qu'il y a de mieux dans sa ville, et je dirai presque dans toute l'Achaïe. Je ne veux que lui ouvrir l'accès. Je vous connais : une fois que vous aurez causé avec lui, votre coeur sera ému, et vous l'attirerez chez vous. Ayez donc confiance en ma parole, et soyez en aide a mon protégé. Si, comme je n'en fais aucun doute, vous le trouvez digne d'une place dans votre coeur et a votre foyer, je vous demande de le choyer, de le chérir, et de l'aimer comme un des vôtres. Je vous en saurai un gré infini. Adieu. [13,79] A ALIENUS, PROCONSUL. Rome. Vous connaissez, je crois, mes sentiments pour C. Avianus Flaccus, et je sais vos bons procédés pour lui. Cet excellent homme me les a dits dans l'effusion de son coeur. Les fils d'Avianus sont dignes de leur père. Je les connais, je les aime, et je viens vous les recommander avec le plus vif intérêt. C. Avianus est en Sicile, Marcus avec moi. Honorez, je vous prie, de tous vos égards celui qui est près de vous, et prenez à cœur les intérêts des deux frères. Vous ne pouvez rien faire dans votre province dont je vous sache plus de gré. Je vous le demande avec instances. Adieu.