[3,0] LIVRE III. [3,1] LETTRE I. A ALARIC, ROI DES VISIGOTHS, LE ROI THEODORIC. Dissuade Alaric le Wisigoth d’une guerre avec les Francs. Extraits. Traduction partielle : Claude de Vic, Joseph Vaissète, Alexandre Louis Charles André Du Mège - Histoire générale de Languedoc, 1840. Bien qu’une nombreuse et puissante famille augmente encore votre confiance en votre courage, bien que vous vous souveniez d’Attila pliant sous l’effort des Visigoths, cependant le courage des peuples s’amollit dans la paix, vous ne devez pas tellement compter sur le nombre de vos troupes et sur celui des victoires qu’elles ont déjà remportées que vous n’ayez à craindre le sort des armes toujours incertain et douteux, d’ailleurs vos soldats n’ont pas été exercés depuis longtemps vous devez vous donner de garde de vous abandonner au ressentiment. On ne défend jamais mieux ses droits que par la modération et il est toujours temps d’avoir recours aux armes lorsqu’on ne peut obtenir justice par d’autres voies ; attendez donc que j’aie envoyé mes ambassadeurs au roi des Français et que j’aie tenté d’accommoder vos différends par l’entremise des amis communs. Je serais très fâché de voir qu’entre deux rois qui me sont également alliés, l’un s’agrandit au préjudice de l’autre. Au reste dans tous vos démêlés Clovis n’a ni répandu le sang des Visigoths ni envahi leurs provinces comme vos différends ne proviennent que de quelques paroles dont vous vous plaignez on peut aisément vous concilier par l’entremise des princes que je proposerai pour arbitres et en particulier par celle de Gondebaud, roi des Bourguignons, que mes ambassadeurs ont ordre d’aller trouver après avoir été instruits de vos propres dispositions et vous avoir fait savoir les ordres dont je les ai chargé… Votre ennemi sera aussi le mien… [3,2] LETTRE II. A GONDEBAUD, ROI DES BURGONDES, LE ROI THEODORIC. Dissuade Gondebaud d’une guerre. Traduction : L. M. Du Roure, Histoire de Théodoric le Grand, roi d'Italie..., t. I, 1846. C'est une triste chose que de rester spectateur des querelles de deux princes qui nous sont également chers, et des maux qui en peuvent sortir pour l'un d'eux. Le monde nous reprochera toujours d'avoir laissé opprimer un parent. Vous avez tous, par moi, des gages d'une parfaite amitié. Je ne vous sépare point dans ma pensée. C'est donc contre moi que vous péchez, quand vous vous faites du tort entre vous. C'est à nous qu'il appartient de modérer par la raison la fougue des jeunes princes et de leur montrer qu'ils nous blessent quand ils s'abandonnent audacieusement à de mauvais desseins. Qu’ils apprennent, tout bouillants qu'ils sont des ardeurs de la jeunesse, à respecter l'âge! Qu'ils sachent que nous détestons leurs discordes, et que nous ne souffrirons pas qu'ils s'entre-détruisent! Il convient de leur adresser des paroles sévères pour les retenir. C'est pourquoi j'envoie à votre fraternité des ambassadeurs qui, après avoir rempli leur mission auprès d'Alaric, passeront chez le roi des Francs, afin de couper court à ces querelles au nom de la raison et de la ligue de nos alliés contre les contendants. Il serait insensé de souffrir entre deux si grands rois des débats qui retomberaient sur nous-même. Que votre fraternité se joigne donc à moi pour rétablir la concorde entre nos parents. Personne ne croirait que nous n'eussions pas désiré les voir se déchirer, si nous ne prenions les armes pour empêcher un fatal conflit. Je charge les porteurs de cette lettre de vous développer mes sentiments, afin que vous disposiez avec votre prudence accoutumée qui, Dieu aidant, atteint toujours son but, tout ce qu'il est à propos de faire. [3,3] LETTRE III. AU ROI DES HERULES, AU ROI DES VARNES ET AU ROI DES THURINGIENS, LE ROI THEODORIC. Tentative pour former une coalition teutonique au nom d'Alaric. Traduction : M. C. G., Clovis et son époque, 1852. Le Ciel hait les superbes et tout le monde a intérêt de s'unir pour réprimer leur orgueil. En effet, celui qui veut opprimer un peuple, j'ose dire si commode qu'il n'y a point de nation qui ne souhaitât de l'avoir pour son voisin, donne à penser qu'il ne lui manque qu'une occasion pour feu user de même avec tous les autres peuples. Un prince qui méprise l'équité se croit tout permis dès qu'il a réussi dans une entreprise injuste, et il doit devenir l'objet de l'aversion de tout le monde. Soulevez-vous donc contre des projets iniques, vous que votre valeur destine à être le frein de l'ambition démesurée. Commencez par joindre des ambassadeurs à ceux que le roi Gondebaud et moi nous envoyons à Clovis, pour le détourner d'attaquer les Visigoths et pour l'obliger à respecter l'équité et le droit des gens. S'il ose refuser de prendre pour arbitres tant de rois si puissants, qu'il soit en butte à tout le monde. En effet, qu'y a-t-il de plus digne d'un souverain, qui a des principes de justice gravés dans le cœur, que l'offre faite par d'aussi bons garants que vous et moi, de lui faire obtenir une satisfaction raisonnable sur tous ses griefs? A dire sincèrement ce que je pense, un souverain qui ne veut point reconnaître l'autorité des lois du droit des gens, roule dans sa tête le projet d'ébranler les fondements de tous les autres États. Arrêtons un pareil torrent dès le commencement de sa source, afin d'épargner aux pays exposés à ses ravages les efforts qu'il leur faudrait faire pour s'en garantir; enfin, souvenez-vous des marques d'amitié qu'Euric, le père d'Alaric, vous a données en tant d'occasions, des présents magnifiques qu'il vous a envoyés, et des démarches utiles qu'il a faites si souvent pour empêcher les incursions que vos voisins allaient faire dans les contrées que vous occupez. Voici le temps de témoigner au fils la reconnaissance des bons offices du père, reconnaissance que vous vous faites un mérite de conserver. Si le superbe édifice qu'Euric a construit vient une fois à être renversé, la puissance qui se sera accrue de ses débris ne manquera point de vous faire la guerre. Voilà les motifs qui nous ont engagé à vous écrire cette lettre, laquelle vous sera rendue par nos ambassadeurs, qui ont commission de vous dire encore de vive voix plusieurs choses auxquelles vous ajouterez foi en vertu de leur créance. Entrez donc dans les mesures que nous avons prises pour assurer le repos de la société des nations, et prenez part à ce qui se passe chez vos voisins, afin de n'avoir point la guerre chez vous. [3,4] LETTRE IV. A CLOVIS, ROI DES FRANCS, LE ROI THEODORIC. Tentative pour faire renoncer Clovis à une guerre avec Alaric. Traduction : Paul Deltuf, Théodoric, roi des ostrogoths et d'Italie: épisode de l'histoire du Bas-Empire, p. 266, 1869. La Providence a voulu que les alliances royales prissent de la consistance pour adoucir l’esprit des rois et assurer le repos des peuples. Un état de choses quelconque n’est sacré que lorsqu’il n’est pas permis de le troubler par la violence. A quels otages se fier si ce n’est aux liens de la parenté ? Les rois en se rapprochant par des alliances doivent grouper les nations dans la paix et la concorde. Nous nous étonnons donc que vous soyez arrivé par des motifs aussi futiles à un tel point d’irritation que de vouloir vous exposer à un cruel complot avec le roi Alaric notre fils en sorte que ceux qui vous craignent et ils sont nombreux en soient arrivés à se réjouir. Vous commandez l’un et l’autre à des nations florissantes, vous êtes jeunes tous les deux. N’ébranlez pas à la légère vos deux trônes en vous lançant l’un contre l’autre. Que votre courage ne devienne pas inopinément une calamité pour la patrie ; n’oubliez pas que les rois s’exposent à de durs reproches lorsqu’ils ruinent les peuples sans que la guerre soit devenue une nécessité. Je vous dirai librement je vous dirai affectueusement ce que j’en pense : c’est pure impatience des sens que d’en venir aux armes à peine les négociations ouvertes. Prenez vos parents pour juges du différend. Rien ne leur sera plus doux que de trouver le moyen terme qui terminera tout. Que penseriez-vous de nous si nous ne nous intéressions pas grandement à l’apaisement du conflit. Qu’il cesse que ni l’un ni l’autre ne succombe. Jetez le fer que vous avez saisi pour l’opprobre de mon nom, j’interviens du droit d’un père et d’un ami. Si l’un de vous deux et nous ne pouvons croire qu’il en soit ainsi méprisait de tels avis c’est qu’il nous prendrait et nous mêmes et nos amis pour des ennemis : c’est pourquoi nous adressons à Votre Excellence ces deux ambassadeurs qui ont déjà exprimé nos intentions au roi Alaric votre frère et notre fils que la malignité d’autrui ne suscite pas le scandale entre vous. Laissez au contraire la médiation de vos amis rétablir la paix. Écoutez nos ambassadeurs chargés de vous représenter qu’il ne convient pas que des peuples qui sous le gouvernement de vos pères ont joui d’une longue paix soient bouleversés écrasés par cette commotion subite. Vous devez en croire un homme à qui rien ne sourit tant que votre prospérité, celui qui veut ruiner les autres ne commence pas par leur donner de bons avis. [3,5] LETTRE V. A L’ILLUSTRE PATRICE IMPORTUNUS, LE ROI THEODORIC. Promotion d’Importunus au Patriciat. Extraits. Traduction partielle : Denis de Sainte-Marthe, La vie de Cassiodore, chancelier et premier ministre de Théodoric le Grand, 1695. Si vous n'étiez recommandable que par votre seule noblesse, ou par votre seul mérite, nous garderions quelques interstices, entre les dignités dont nous voudrions vous honorer, de peur qu'en vous comblant ainsi de toutes à la fois, les plus grandes mêmes ne perdissent leur prix. Mais comme toutes les choses qui peuvent faire estimer un homme, se rencontrent, pour ainsi dire, entassées en votre personne et que vous rassemblez en vous seul tout ce qui peut en rendre plusieurs recommandables, il est juste que nous ne gardions aucune mesure à vous donner des marques de notre libéralité Royale. Il ne faut pas observer l'ordre commun pour vous agrandir. S'élever peu à peu et par degrés, c'est l'effet d'une médiocre vertu. On attend de la vôtre qu'elle arrive tout d'un coup au comble de la perfection et de l'honneur qui en est inséparable. Les plus éminentes dignités sont héréditaires dans votre famille. Pour ne pas remonter jusqu'aux siècles éloignés, vous brillez de la splendeur de votre père et de votre oncle, qui ont été l'ornement non seulement de leur famille mais aussi de tout le Sénat. Ils ont fait admirer en leur personne, dans ces derniers temps, les mœurs et la vertu des premiers siècles. ... Et par-là ils sont arrivés au souverain degré de la félicité humaine, qui consiste à se voir élevé à une grande autorité, sans être exposé à l'envie, et à réunir en sa faveur les vœux de tout le peuple qui est si inconstant… Ayant ainsi pour vous le mérite de vos illustres parents et le vôtre propre, recevez les marques de la dignité de Patrice. Après avoir exercé le Consulat, qu'on voie, pour ainsi dire, dans l'adolescence, votre tête ornée des marques d'un honneur qui n'est réservé qu'aux vieillards, parce que vous vous êtes élevé au dessus de votre âge. Après ce que vous avez déjà fait, ce serait pour vous une espèce de faute de vous contenter d'une perfection médiocre. Que n'attendons-nous pas de la maturité de vôtre âge, après vous avoir vu faire dans l’enfance tant d’actions dignes d’être publiées partout ... [3,6] LETTRE VI. AU SÉNAT DE LA VILLE DE ROME, LE ROI THEODORIC Eloge d’Importunus. Traduction française faite sur une traduction anglaise : S. J. Barnish, Cassiodorus, Variae et/ou Thomas Hodgkin (1831-1913), The letters of Cassiodorus. 1. Pères conscrits, la tâche qui consiste à élever aux honneurs de nouveaux hommes est un plaisir pour nous. Il est plaisant d’insérer les germes d’hommes étrangers au sein de la liberté, afin que l’antichambre du sénat soit parée du feuillage des diverses vertus. En effet, une telle multitude orne l’assemblée, et l’assistance honorable donne un heureux aspect à l’Etat. Mais nous trouvons encore plus gratifiant de renvoyer à une charge ceux qui sont nés de l’actuelle gloire du sénat, car, dans votre cas, mes jugements sont aisés; conférant des mérites par la vie elle-même, vous transmettez les vertus qu’on peut supposer par avance. Votre origine elle-même est déjà glorieuse; l’éloge naîtra de la noblesse; pour vous, vie et honneur ne font qu’un. En effet, le très grand honneur du sénat vous incombe par la naissance, alors que d’autres peineront à l’atteindre à maturité. 2. Bien que ce soit notre opinion sincère vous concernant en général, le résultat étant que la gratitude sénatoriale unit l’esprit de votre ordre, c’est surtout le sang des Decius qui éblouit Notre Sérénité. Pendant tant d’années consécutives, il a resplendi de l'éclat de la vertu; et, bien que la gloire soit chose rare, il ne s’est produit aucun changement dans un arbre généalogique familial si long. Cette noble lignée a produit de grands hommes lors de son existence; chez eux pas de médiocres; toute leur progéniture est distinguée et, réalisation ardue, à la fois nombreuse et choisie. Voyez comment une quadruple gloire jaillit d’une seule graine, un honneur pour les citoyens, une gloire pour leur famille, un ajout au sénat. Ils brillent tous par leurs mérites, mais il est encore possible d’en louer un en propre. 3. Voyez comment ce jeune homme nous sied par son élégance physique, mais encore plus par la beauté de son esprit. Ses regards rappellent la gloire de son sang; sur son visage s’exprime la nature de son âme; et par la sérénité de son corps, il dissipe les nuages de son esprit. En même temps il a décoré ces dons naturels des marques de l’éducation, et une fois aiguisés par la pierre d’affûtage des arts magistraux, cela lui permettra de briller encore plus dans le sanctuaire de l’intellect. Il appris à connaître ses ancêtres Decius par les livres, noble famille vivant dans la distinction de leurs morts glorieuses. 4. Assurément, il a eu de la chance au cours de ses études: il lui a été donné d’apprendre la poésie du passé par ses parents et d’instruire son jeune coeur des louanges de ses ancêtres. Il est plaisant de rappeler comment, lors d’un grand spectacle, tous les regards de son école convergeaient vers lui : en écoutant son parent, tous regardèrent rapidement vers son héritier, espérant le voir rivaliser un jour avec ses ancêtres, ce qu’ils avaient entendu dire. 5. Car, de même qu’une postérité indigne rejette les louanges de ses prédécesseurs, une postérité distinguée doit confirmer les éloges de ses ancêtres. Nous croyons tout ce que nous avons lu au sujet des Decius, car une veine contemporaine de vertu nous a enseigné la gloire des anciens, et la flamme du génie est ranimée dans l’atelier d’une l’école de rhétorique. Il fut certes formé par ces exemples, mais il fut élevé, avec de bien meilleurs résultats, par la discipline familiale. 6. En effet, en perdant la sécurité de son époux, sa glorieuse mère reprit la charge sur ses épaules; ni la lourde charge du patrimoine, ni un si grand nombre de fils ne purent la décourager. Ils les nourrit, augmenta leur patrimoine, façonna leur tempérament; et pour chaque jeune homme issu de la famille, elle fournit un consulaire au sénat. Mon jugement, qui s’occupe de morale, s’est alors intéressé à ces réalisations ; il recherche même la bonne partie des vertus domestiques, afin d’attribuer des honneurs publics à ceux élevés en privé. 7. En conclusion, pères conscrits, nous conférons à l’Illustre et au Magnifique Importunus, le rang élevé du patriciat, afin que, même si votre assemblée est constituée par la chance de votre naissance, elle puisse ainsi être ornée des faisceaux de l’honneur. Favorisez votre parent, joignez vos votes; c’est votre parenté que nous honorons. Vous aurez assurément de bonnes raisons de vous féliciter si, par amour de votre parent, vous rendez notre jugement public; et une dette acquittée par amour naturel sera réputée comme créditée à nos instructions. [3,7] LETTRE VII. AU VENERABLE JANUARIUS, EVEQUE DE SALONA, LE ROI THEODORIC. Traduction française faite sur une traduction anglaise : S. J. Barnish, Cassiodorus, Variae et/ou Thomas Hodgkin (1831-1913), The letters of Cassiodorus. En vérité, nous exigeons que chacun honore la justice et s’y conforme, tout particulièrement ceux qui, élevés aux honneurs du service de Dieu, éloignés des considérations matérielles de l’avarice, approchent de la grâce divine. Et donc, j’ai été assailli par l’allégation affligeante d’un certain Jean, auquel Votre Sainteté aurait acheté soixante jarres d’huile pour remplir les luminaires {de votre église}; il en réclame le juste prix. Certes, une promesse est bonne, mais lorsque rien ne vient la contrarier. Car, bien que la justice doive se maintenir dans toutes les affaires, c’est encore plus indispensable dans celles exposées aux regards divins; nous ne pouvons supposer que Dieu ignore l’origine des offrandes frauduleuses acceptées. Voilà pourquoi, si vous estimez que la plainte du pétionnaire est réelle, pensez à la justice que vous prêchez à partir des saintes lois et faites lui payer sans tarder cette dette. Ainsi, personne ne décriera le fait que vous lui avez causé une dépense, alors que vous auriez dû lui apporter votre aide. Pensez au fait que si vous ne commettez jamais d’excès sur de grandes choses, vous pourriez pécher maintenant sur de petites (que cela disparaisse). [3,8] LETTRE VIII. AU SENATEUR VENANTIUS, CORRECTEUR DE LUCANIE ET DU BRUTTIUM. Traduction française faite sur une traduction anglaise : S. J. Barnish, Cassiodorus, Variae et/ou Thomas Hodgkin (1831-1913), The letters of Cassiodorus. La justice nous conseille à l’évidence de réclamer à chacun ce qu’il doit, et d’exiger les impôts publics sans délai, de peur qu’une négligence aggrave la charge du débiteur. En effet, si l’indulgence doit trouver sa voie dans les rappels officiels, il est indispensable de contraindre tous ceux qui n’en tiennent pas compte. Dans une certaine mesure, la bonté devient la mère de la rigueur, quand on néglige d’avertir pour être ensuite forcé d'exiger. C’est donc une tâche utile que d’envoyer des avertissements, car alors l’occasion de l’erreur disparaît comme le lieu du forfait. De fait, Nous venons d’apprendre par le rapport de l’illustre Comte des Largesses Sacrées, que, depuis quelque temps déjà, le prélèvement des impôts bini et terni vous a été demandé, en accord avec la tradition ancienne. Nous vous informons donc par cette déclaration que vous devez respectez le temps imparti selon les règles d’instructions de collecte. Autrement, le trésor public risque de souffrir quelques pertes, et vous serez alors tenu de fournir un bien de votre patrimoine, puisque vous n’avez jamais daigné répondre à cette injonction correctement, ni tenu l’obligation de votre promesse. [3,9] LETTRE IX. AUX POSSESSEURS ET CURIAUX D’OSTUNI, LE ROI THEODORIC. Récupération de colonnes et de pierres. Traduction française faite sur une traduction anglaise : S. J. Barnish, Cassiodorus, Variae et/ou Thomas Hodgkin (1831-1913), The letters of Cassiodorus. Il est vrai que notre propos est de construire du neuf, mais plus encore de conserver l'ancien, parce que la création n’apporte pas une moindre gloire que celle que nous pouvons acquérir par la sauvegarde. C’est pourquoi nous désirons ériger du moderne sans amoindrir ce qui existait auparavant. En effet, notre justice ne saurait tolérer que quelque chose de défavorable survienne pour autre chose. Et donc dans votre municipalité, nous avons pris connaissance que des colonnes et des pierres se trouvent par terre à l'abandon, démolies par l’hostilité de leur vétusté. Et comme il ne peut servir de rien à personne de conserver les choses à bas d’une manière inconvenante, celles-ci doivent à nouveau s’élever pour la décoration, avant de montrer la douleur à la mémoire des siècles précédents. Voilà pourquoi nous décidons par le présent commandement que, si ce qui nous a été rapporté est de bonne foi, et si rien ne peut satisfaire à une quelconque décoration publique, vous livrerez les plaquettes et les colonnes susdites à la cité de Ravenne par tous moyens de transport ; on rendra pour la seconde fois à ces matériaux effondrés leur aspect effacé avec un art parfait ; et que ces œuvres inconnues et délaissées puissent retrouver la qualité de leur ancien éclat. [3,10] LETTRE X. A L’ILLUSTRE FESTUS, PATRICE, LE ROI THEODORIC. Il demande que les marbres du palais Pincius soient envoyés à Ravenne par des conducteurs de bêtes de somme. Traduction française faite sur une traduction anglaise : S. J. Barnish, Cassiodorus, Variae et/ou Thomas Hodgkin (1831-1913), The letters of Cassiodorus. Le devoir de Votre Prudence est de se conformer aux ordonnances royales concernant les constructions en cours de développement, parce qu’un citoyen nobilissime doit penser au progrès de sa patrie, surtout quand nos efforts nous poussent à des décisions auxquelles il est évident que la majorité pourra obéir sans frais. Et c’est pourquoi, nous rappelons par la présente à Ta Magnitude, puisque c’est un fait établi, que les marbres déposés dans le palais Pincius, dès que tu en auras donné l’ordre, seront transportés à la ville de Ravenne par conducteurs de bêtes de somme. En vérité Nous avons ordonné dès à présent un transport par eau, afin qu’un retard ne découle pas de nos ordres et que les travailleurs ne souffrent aucun désagrément. [3,11] {sans traduction} [3,12] {sans traduction} [3,13] LETTRE XIII. A L’ILLUSTRE SENATEUR SUNHIVAD, LE ROI THEODORIC. Extrait : L.M. Du Roure, Histoire de Théodoric le Grand, roi d'Italie, Volume 1, 1846, Page 349. L’expérience que nous avons acquise de votre fidélité par vos longs services nous fait adhérer avec confiance au vœu des Samnites qui vous demandent pour correcteur. Qui peut mieux rendre la justice maintenir la discipline et les mœurs terminer les différends que celui qui a su se modérer lui-même. Ayez soin dans toutes les affaires entre les Goths et les Romains de tenir la balance égale et de décider finalement par la seule considération des lois. Nous ne permettons pas un droit séparé pour deux races que nous voulons défendre dans un seul esprit… [3,14] {sans traduction} [3,15] {sans traduction} [3,16] LETTRE XVI. A L’ILLUSTRE SENATEUR GEMELLUS, LE ROI THEODORIC. Extrait : Paul Deltuf, Théodoric, roi des ostrogoths et d'Italie: épisode de l'histoire du Bas-Empire, 1869 … Ton habileté et tes talents nous sont connus ; tu les as déployés dans diverses fonctions et c’est pourquoi nous t’envoyons dans les Gaules que nous avons subjuguées, à l’aide de Dieu, avec le titre de vicaire des préfectures. Songe au cas que nous faisons de toi, puisque nous t’envoyons gouverner ces peuples que nous avons conquis. Le prince n’a rien qui lui soit plus cher que sa gloire, et il doit entourer d’une sollicitude particulière les peuples dont il a triomphé, et qui ont par cela même augmenté sa gloire. Exécute donc fidèlement nos ordres, si tu tiens à bien mériter de notre jugement. Fuis la turbulence et l’avarice ; que cette province fatiguée ait en toi un juge digne du prince romain qui le lui envoie. Du sein de ses désastres, la Gaule n’aspire qu’à être gouvernée par d’honnêtes gens. Fais qu’elle bénisse sa défaite. Qu’elle ne souffre plus rien de ce qu’elle a souffert tandis qu’elle était en quête de Rome. Qu’elle sèche ses larmes, que les nuages s’écartent de son front. Le temps est venu pour elle de se réjouir, puisqu’elle est au comble de ses vœux. [3,17] LETTRE XVII. A TOUS LES GAULOIS DES PROVINCES, LE ROI THEODORIC. Traduction : Jean-Pierre Papon, Histoire générale de Provence, t. II, 1778, p. 50. Il faut vous soumettre sans répugnance au gouvernement romain sous lequel vous rentrez, après avoir été longtemps sous une domination étrangère. Puisque la Providence a brisé le joug que vous portiez, reprenez vos anciennes mœurs, dépouillez vous de celles que vous avez contractées sous les barbares devenus sujets d’un prince équitable ; il faut vivre selon d’autres maximes. Pour nous, touchés de vos malheurs et cherchant à y remédier avec cette bonté dont nous avons déjà donné tant de preuves, nous vous envoyons pour gouverner votre province, en qualité de vicaire de la préfecture des Gaules, Gemellus dont la fidélité et la capacité nous sont suffisamment connues. Nous nous flattons qu’il se conduira dans son gouvernement d’une manière irréprochable ; sa probité nous le fait espérer. Il sait d’ailleurs qu’on n’est jamais plus assuré de nous déplaire que quand on s’écarte de son devoir. Vous obéirez donc à tous les ordres qu’il vous donnera de notre part ; il ne vous ordonnera rien que d’utile pour le bien public ; revenez peu à peu aux principes de l’équité ; ne vous faites aucune peine de changer de mœurs quand le devoir l’exige. Qu’il est beau de ne craindre que les lois, de ne s’appuyer que sur elles. Des lois dépendent tous les agréments de la vie ; elles protègent les faibles et répriment l’orgueil des grands. Aimez donc ce qui fait votre bonheur et votre sûreté ; montrez vous dignes de vos ancêtres ; donnez un libre essor à ces vertus que les malheurs des temps vous ont forcé de retenir comme captives. La douceur et la probité font la véritable noblesse ; les lumières de la raison, le vrai mérite ; la justice, la véritable grandeur. [3,18] LETTRE XVIII. AU SENATEUR GEMELLUS, LE ROI THEODORIC. Restitution des biens de Magnus qui revient sur le sol natal. Traduction française faite sur une traduction anglaise : S. J. Barnish, Cassiodorus, Variae et/ou Thomas Hodgkin (1831-1913), The letters of Cassiodorus. Les faveurs sont méritées par ceux jugés dignes de Notre Clémence; et ce afin que l’on puisse prouver la droiture de leur jugement par leurs acquis personnels. Mais, s’il faut que de tels hommes bénéficient de la faveur publique, que ressentent-ils de mieux que d’être en possession de leur bien, faveur simple et banale pour la justice? Et donc le respectable Magnus, rejetant toute alliance avec l’ennemi, se rappelant sa condition, est revenu dans l’empire romain, sa patrie. On dit qu’en son absence sa fortune a pu souffrir des pertes. Nous décrétons donc par le présent ordre que, tout qui a pu lui appartenir lui soit restitué, tant en terres que dans les municipes urbaines, ou esclaves, et s’il peut prouver qu’il les a aujourd’hui perdus, il devra les recouvrer sans retard. De par Notre Autorité, il retrouvera tous ses droits de propriété; il ne devra supporter aucune contestation quant aux biens qu’il a longtemps possédé, puisque notre but est de lui faire retrouver sa puissance. [3,19] LETTRE XIX. LE ROI THEODORIC A DANIEL. Mongez, Magasin Encyclopédique, 1810, t. I, p. 99. Il est juste que nous nous occupions des véritables intérêts des personnes qui sont attachées au service de notre palais, parce que les travaux publics doivent être profitables. Il est juste aussi que nous invitions à ce service en accordant des dédommagements modérés; quoique les travaux gratuits nous soient légitimement dus. D'après ces considérations, et la satisfaction que nous fait éprouver l'adresse avec laquelle vous tirez des carrières et vous travaillez les marbres, nous vous autorisons par cette lettre, à régler seul mais avec prudence la distribution des cercueils dans la ville de Ravenne. Par le moyen de ces tombeaux, les morts sont ensevelis sans être enfouis dans la terre, ce qui apporte de la consolation à ceux qui les pleurent, parce que les âmes abandonnent seulement les régions terrestres, tandis que les corps, s'ils n’étaient déposés dans les sarcophages laisseraient point de traces de leur existence. De là vient qu'alors que le deuil est profitable à quelques personnes, par cela même ceux qui sont dans l’affliction trouvent, en achetant les tombeaux, un adoucissement à leur peine. Mais vous userez de ce bienfait avec modération; de sorte que la cupidité ne rende pas cette dépense onéreuse. Autrement il arriverait que ceux qui pleurent des personnes aimées auraient encore à pleurer la perte de leurs biens; et que liés par un devoir affligeant, ils se trouveraient dans la fâcheuse alternative, ou de dissiper leur patrimoine pour honorer les morts, ou de précipiter avec répugnance des dépouilles chéries dans les fosses communes. Que les prétentions des vendeurs soient donc modérées, puisque la pitié intercède en faveur des acheteurs; car on doit exiger moins de celui, à qui la tendresse impose des devoirs plus pénibles. [3,20] LETTRE XX. AU SAJON GRIMODA, THEODORIC ROI. Traduction (en grande partie) : Auguste François Louis Scipion de Grimoard-Beauvoir du Roure, Histoire de Théodoric le Grand…, t. I, 1846. Entre les soins glorieux qui, Dieu aidant, remplissent perpétuellement notre pensée, celui qui touche le plus notre cœur est de venir en aide au faible, d’ériger contre la puissance des superbes l’obstacle de notre piété, d’interdire toute entreprise d’un orgueil que nous foulons à nos pieds. La pernicieuse audace de quelques envieux qui vient d’opprimer Castorius d’une façon lamentable, nous fournit aujourd’hui l’occasion de montrer que notre religieux appui l’emporte sur la fourbe des méchants. C’est pourquoi nous vous ordonnons dans le cas où le magnifique préfet du prétoire Faustus aurait laissé grever ou usurper la propriété de Castorius, de la lui faire rendre en y joignant un champ de valeur égale, vous présent ; c’est ainsi je pense à ceux qui sont affligés par des pertes cruelles et que le leur accorde le remède de mon dévouement. S’il se trouve parmi les usurpateurs quelqu’un qui ne puisse satisfaire à cette obligation de l’amener enchaîné à notre comitat pour qu’il y satisfasse au moins par une juste peine. Par là que l’iniquité s’arrête et voie qu’en opprimant Castorius c’est moins lui que nous qu’elle opprime. Si plus tard Castorius, et nous ne l’oublierons pas, souffrait quelque dommage, le coupable {Faustus} paiera cinquante livres d’or ; et puisse l’agonie être pire que la torture, en voyant sans blessure l’homme qu’il se proposait de voir affligé. Cet exemple, en corrigeant les puissances, apprendra qu’un préfet du prétoire ne tient pas de nous sa haute mission pour dépouiller, mais pour protéger les malheureux. Appréciez ainsi le sentiment de justice qui me réjouit, car c’est aussi mon souhait de pondérer le pouvoir de mes magistrats pour pouvoir l’augmenter avec une bonne conscience. [3,21] LETTRE XXI. A L’ILLUSTRE FAUSTUS, LE ROI THEODORIC. Permission est accordée à l'illustre Faustus de s'absenter quatre mois de Rome, pour régler des affaires personnelles en province. Traduction française faite sur une traduction anglaise : S. J. Barnish, Cassiodorus, Variae et/ou Thomas Hodgkin (1831-1913), The letters of Cassiodorus. La coutume humaine est que le changement possède un grand pouvoir ; et bien que la magnificence soit notre privilège, le dégoût se manifeste quand nous sommes rassasiés. Pour cette raison, constamment installé comme toi, dans les murs sacrés de Rome, tu demandes à ce qu’on t’accorde une autorisation d’absence, pour votre usage personnel. Ce n’est pas parce qu’une si noble résidence irrite, mais afin que le nouveau retour apparaisse plus agréable. En conséquence, Notre Piété accorde à Ton illustre Grandeur l’autorisation de repartir quatre mois dans ta province, à condition que tu te hâtes de revenir à ton domicile après son expiration. Ainsi, le séjour de Rome, le plus glorieux endroit sur terre, que Nous voulons peupler de vastes foules, sa population n’aura pas tendance à se raréfier. Nous pensons que cette décision vous convient également, car un sénateur de Rome se désespère quand il est retenu ailleurs. Car où trouver ce plaisir de famille ? Où voir tant d’édifices publics d’une telle beauté ? C’est une sorte de péché pour ceux qui ont leur résidence principale à Rome de s’en éloigner trop longtemps. [3,22] LETTRE XXII. A L’ILLUSTRE ARTEMIDORE, LE ROI THEODORIC. Traduction : Paul Deltuf, Théodoric, roi des ostrogoths et d'Italie: épisode de l'histoire du Bas-Empire, 1869, p 316. Il convient que de nobles personnages fassent toujours l’ornement de notre cour tant pour répondre à leurs vœux que pour la splendeur de notre maison. C’est pourquoi nous avons appelé par la présente ta Grandeur à l’honneur de jouir de notre vue qui t’est très agréable nous n’en avons jamais douté. Il y a longtemps que nous nous connaissons et tu pourras goûter ainsi la douceur de notre présence. Tout homme à qui le prince est propice se hâte d’aller à lui car nos paroles tombent comme des présents divins sur celui que nous en honorons. C’est que nous ne tardons pas à satisfaire celui que nous désirons voir. Nous croyons que tu seras heureux de venir toi que nous avons toujours soutenu. [3,23] LETTRE XXIII. AU COMTE COLOSSEUS, HOMME ILLUSTRE, LE ROI THEODORIC. Traduction partielle : Louis-Gabriel Du Buat-Nançay, Histoire ancienne des peuples de l'Europe, Volume 9, 1772, Page 436. C'est un plaisir d'attribuer un pouvoir à des gens qui ont fait leurs preuves, car ce choix retombe avec plaisir sur eux, tandis que les biens des gens sont en de bonnes mains quand ils sont gérés par des personnes de confiance. Car, tout comme nous choisissons un homme qui convient, nous prenons également grand soin que le convenable soit remarquable. Partez, partez sous d'heureux auspices pour vous rendre dans la Pannonie Sirmienne, qui fut autrefois la demeure des Goths ; descendez par les armes la province qui vous est confiée ; gouvernez-la par les lois, afin qu'elle puisse revoir avec joie ses anciens défenseurs, elle qui se souvient d'avoir obéi, pour son bonheur, à nos ancêtres (ou à nos parents) : le seul moyen que vous ayez de nous plaire dans l'exercice de votre emploi est de nous imiter. Soyez équitable, protégez courageusement l'innocence au milieu des coutumes perverses des nations. Faites connaître l'équité et la justice des Goths qui ont toujours tenu un juste milieu entre les Romains et les Barbares, en alliant la police de ceux-là avec le courage de ceux-ci. Abolissez les coutumes abominables qui y font enracinées ; que les différends soient débattus par des plaidoyers et non par les armes ; que ce ne soit point un affront de perdre son procès ; que celui qui a pris le bien d'autrui et qui le restitue ne perde point encore la vie ; que les démêlés qui s'élèvent entre les citoyens ne soient pas plus funestes que les guerres étrangères ; qu'ils se couvrent de leurs boucliers contre les ennemis de l'état et non contre leurs parents ; et afin que la pauvreté ne soit pour aucun d'eux un motif de courir à la mort; restituez, pour ceux qui ne sont pas en état de le faire, le dommage qu'ils ont causé. On perd avec gloire ce que l'on sacrifie au bien de l'humanité. Vous pouvez compter sur notre faveur la plus distinguée, si vous par venez à établir dans cette province les principes de la vie civile, et vous serez vraiment digne du choix que nous avons fait de vous, si vous n'épargnez rien pour sauver la vie à ceux qu'une coutume barbare dévouait à la mort. Faites donc passer nos mœurs dans ces cœurs féroces, jusqu'à ce que des âmes sanguinaires s'accoutument à vouloir vivre. [3,24] LETTRE XXIV. A TOUS LES BARBARES ET ROMAINS DEMEURANT DANS LA PANNONIE, LE ROI THEODORIC. Traduction : Louis-Gabriel Du Buat-Nançay, Histoire ancienne des peuples de l'Europe, Volume 9, 1772, Page 436. Nous ne faisons que ce que nous prescrit notre sollicitude royale, lorsqu'attentifs à tout ce qui intéresse ceux qui nous sont soumis, nous nous occupons de ce qui peut contribuer à leur bonheur, et que le soin qu'ils nous voient prendre de leur félicité augmente leur attachement à notre personne. C'est dans cette vue que nous avons choisi l'illustre Colosséus, pour lui confier le soin de vous gouverner et de vous défendre. Les preuves qu'il a données jusqu'ici de sa vertu, nous persuadent que ce sera pour lui une occasion de la mettre encore dans un plus grand jour, et nous vous demandons pour le temps de son gouvernement la même patience et la même docilité que vous avez fait paraître par le passé, afin que ce qu'il réglera pour le plus grand bien de l'état, puisse avoir une pleine et entière exécution. La persévérance est le creuset de la fidélité, et celui-là seul prouve qu'il a l'âme droite, et que son obéissance est sincère, qui ne s'en désiste jamais. Nous croyons encore devoir vous avertir que c'est contre l'ennemi, et non contre vous-mêmes qu'il vous faut montrer votre courage. Ne vous jetez point dans les derniers dangers pour des choses de peu d'importance. Confiez-vous à la justice qui fait le bonheur de l'univers. Pourquoi avoir recours aux combats singuliers, tandis que vous n'avez point un juge vénal et corrompu. Déposez le fer, puisque vous n'avez point d'ennemis. C'est à grand tort que vous levez le bras contre vos parents pour lesquels il est glorieux de mourir. Que sert à l'homme l'usage de la parole, s'il plaide sa cause à main armée ? Où cherchera-t-on la paix, si on ne la trouve pas dans le sein de sa patrie, au milieu de ses concitoyens. Imitez plutôt notre nation des Goths qui combat courageusement contre les ennemis du dehors, et qui au-dedans ne connaît que la modération et l'obéissance aux lois. Nous voulons que vous viviez comme ont vécu nos parents pour parvenir au comble de gloire où vous les voyez. [3,25] {sans traduction} [3,26] {sans traduction} [3,27] LETTRE XXVII. LE ROI THÉODORIC AU SÉNATEUR JEAN, CONSULAIRE DE CAMPANIE Promesse d’une protection contre le Préfet du Prétoire. Traduction française faite sur une traduction anglaise : S. J. Barnish, Cassiodorus, Variae et/ou Thomas Hodgkin (1831-1913), The letters of Cassiodorus. 1. La clémence royale a pour principe l’élimination des haines injustifiées et de freiner l'arrogance des forces armées par respect des ordres. Les infractions d'un supérieur sont en effet un souci pour les humbles, car on fait son éloge s’il porte sa vindicte sur des hommes de rang inférieur. Par conséquent, longtemps persécuté par de nombreux tracas, tu as bien fait de fuir la solution de notre pitié, de peur qu’une rancune particulière te dépasse sous prétexte de la discipline publique, arguant que le Préfet le plus éminent te terrorise. 2. Mais nous, qui désirons que les fonctions servent la justice, nous te mettons sous notre protection contre les attaques indues. Ainsi, la majesté royale servant de rempart, la colère des âmes frénétiques sera secouée sur ses bases, et l’insolence contrôlée et inoffensive recevra là son propre châtiment. Un Juge n’est digne de son nom qu’autant qu’il observe les Lois de la Justice d’où il le tire et l’orgueil n’est pas propre pour lui conserver un titre qui n’est fondé que sur l’équité. 3. Il reste, maintenant, que tu dois remplir la fonction de consulaire assumée, et te consacrer avec courage et loyauté aux services publics que tes prédécesseurs ont rendu avec dignité. Plus tu bénéficieras de ma protection, plus tu devras t’habituer à être dirigé en te maîtrisant. Car, si tu te réjouis de savoir que le Préfet du Prétoire a été empêché de te nuire, toi qui est son subordonné, qu’imagines-tu qu’on puisse te reprocher si tu fais mal ? [3,28] LETTRE XXVIII. A L’ILLUSTRE PATRICE CASSIODORE, LE ROI THEODORIC. Extrait. Traduction : Denis de Sainte-Marthe, La vie de Cassiodore: chancelier et premier ministre de Théodoric-le-Grand, 1695. Nous prenons toujours un extrême plaisir à voir ceux qui ont trouvé moyen d’entrer dans notre estime par leurs glorieuses actions. Le soin qu’ils ont de s’étudier à la vertu nous répond de l’amour et du zèle qu’ils ont pour nous. C’est pourquoi nous invitons par cette lettre votre Grandeur de venir à notre Cour afin qu’elle reçoive un nouvel ornement de votre présence et que vous receviez aussi un nouveau degré de gloire des regards favorables de votre Prince. Vous méritez qu’on vous recherche avec empressement, après que vous avez mis notre règne dans une si haute réputation et que vous lui avez procuré tant d’éloges et tant de gloire. Vous avez orné la Cour par l’intégrité de votre conscience. Vous avez procuré aux peuples un profond repos. Vous avez acquis d’autant plus d’estime dans le monde qu’on sait que vous vous n'êtes jamais vendu peu importe le prix qu’on vous ait offert pour acheter votre faveur. Hâtez-vous donc de venir, ... [3,29] LETTRE XXIX. A L’ILLUSTRE ARGOLICUS, PREFET DE LA VILLE, LE ROI THEODORIC. Traduction française faite sur une traduction anglaise : S. J. Barnish, Cassiodorus, Variae et/ou Thomas Hodgkin (1831-1913), The letters of Cassiodorus. Qui peut ignorer que notre vœu est de donner satisfaction au pétitionnaire, et que cette grande bienveillance qui augmente est l’apanage des bons princes ? En effet, les dons royaux sont tels aux grains épars, qui croissent dans les moissons et dépérissent ensemble trop serrés. Nous voulons donc répartir ces faveurs rassemblées à nombre de gens afin que nos bienfaits puissent se répandre. Voilà pourquoi, sensible à la supplique des représentants de l’Illustre et Magnifique patrice Paulinus, nous concédons au susnommé les entrepôts détériorés par le temps passé ainsi que toutes leurs extensions auxquels (l’antiquité a collé le nom de X et Y), s’il est prouvé aujourd’hui qu’ils ne sont pas du tout nécessaires au bien public, et qu’aucune marchandise de quelque autre nature n’y est stockée pour le fisc, afin qu’en bâtissant et en transmettant à ses héritiers de plein droit, il dispose de ce qui est utile à ses intérêts futurs. Quiconque aura préféré se charger de restaurer ce qui est démoli, rend, de fait, un grand service à l’Etat, surtout dans cette ville, où tous les bâtiments sont dignes de resplendir, pour que n’apparaisse pas un champ de pierres dégradant parmi tous ces palais décorés. Bien sûr, dans d’autres cités, on maintient des édifices moins éclatants ; mais en vérité, dans celle-ci, on ne peut souffrir une quelconque médiocrité, quand la voix du monde la porte aux nues comme la première. [3,30] LETTRE XXX. A L’ILLUSTRE ARGOLICUS, PREFET DE LA VILLE, LE ROI THEODORIC. Extrait. Traduction : Paul Deltuf, Théodoric, roi des ostrogoths et d'Italie: épisode de l'histoire du Bas-Empire, 1869 Nous sommes continuellement préoccupé du soin de la ville de Rome. Rien n'est plus digne de notre attention que de faire réparer ceux de ses monuments que le temps a endommagés. C'est pourquoi nous avons dirigé vers Ton Illustre Sublimité Jean, homme remarquable, chargé d'inspecter ces magnifiques égouts de la ville de Rome, qui frappent l'étranger d'une admiration voisine de la stupeur, et tels qu'aucune ville au monde n'en possède de semblables. Tu vois là des fleuves couler à pleins flots comme enfermés dans une montagne, et sur lesquels des barques construites exprès naviguent avec précaution pour éviter un naufrage qui ne serait pas moins terrible qu'un naufrage en mer. Oui, Rome est une ville unique au monde. Quelle ville oserait lutter contre les splendeurs visibles d'une cité qui cache de semblables merveilles dans les profondeurs du sol où elle s'élève ... [3,31] {sans traduction} [3,32] LETTRE XXXII. AU SENATEUR GEMELLUS, LE ROI THEODORIC. Traduction : L. G. du Buat, Histoire ancienne des peuples de l’Europe, t. IX. Il est assez prouvé qu'il n'y a point de services perdus pour nos fidèles sujets, et que ceux qu'ils nous rendent dans le temps de l'adversité sont suivis d'une récompense assurée lorsque l'orage est passé. C'est de quoi nous donnons une nouvelle preuve en remettant aux citoyens d'Arles tous les tributs fiscaux qu'ils nous devraient pour la 4e indiction, et cela en récompense de la fidélité avec laquelle ils nous sont restés attachés, et qui leur a fait supporter avec courage toutes les incommodités d'un siège glorieux. Notre intention est de reconnaître par-là leurs services passés, et de les encourager à nous en rendre de semblables à l'avenir si le cas s'en présente : qu'ils jouissent de l'abondance maintenant qu'ils font en liberté, puisque dans un temps de détresse ils ont mieux aimé souffrir la disette que de nous abandonner : que la joie succède chez eux à la tristesse, puisque leur fidélité a résisté à cette épreuve. Il ne convient pas que ceux, qui à peine ont pu échapper au dernier des malheurs, soient aussitôt occupés du soin fâcheux de payer les impôts. Nous ne les demandons qu'aux citoyens tranquilles, et non à des citoyens assiégés. Que peut-on en effet demander au maître d'un champ quand on sait qu'il ne l'a pas cultivé ? Les citoyens d'Arles nous ont payé le plus précieux des tributs, celui de leur fidélité. Il serait injuste que nous exigeassions de viles espèces de ceux qui nous ont offert des cœurs si généreux. [3,33] LETTRE XXXIII. A L’ILLUSTRE ARGOLICUS, PREFET DE LA VILLE, LE ROI THEODORIC. Nous sommes ravis de voir nos vœux accroître le lustre de l'ordre sacré des sénateurs. Il nous est agréable de voir apparaître de tels hommes, parce qu'une charge si digne est décernée à ceux qui se distinguent par la louange. Cependant, parce que le sénat s’ouvre aux personnes qui sont familières aux sciences de l'antiquité, il ne peut lui être déclaré étranger, lui un élève des arts libéraux. Voilà donc pourquoi ton Illustre Magnificence fera paraître le clarissime Armentarius et son fils Superbe qui, selon une tradition vénérable, doivent être soumis au jugement du sénat. Voilà en effet le fameux Armentarius dont on a parlé auparavant, qui, tant par la droiture de ses ancêtres que par son propre talent, réclame par son mérite la dignité qu’il espère liée à ses instances ; il est selon nous digne d'être élu sénateur. Quoi de plus remarquable, en effet, que de couvrir également de l’honneur sénatorial la profession d’avocat ? Afin que dans cette foule de savants, il ose exprimer une opinion libre et sans être retenu par la crainte de l’ignorance, quand la facilité d’élocution pousse à l'éloquence? Enfin la science des lettres est glorieuse, d’abord parce qu’elle corrige les mœurs des hommes, ensuite parce qu’elle égale en les remplaçant les grâces de la parole. Admirable, ainsi, au bénéfice de l'un et de l'autre, elle pare de la dignité non seulement ceux qui gardent le silence, mais aussi les orateurs. On conduira ensuite dans le sanctuaire de la liberté ceux qui sont loués pour leurs mérites et appréciés par notre jugement. Bien entendu, ils désirent devenir membres du Sénat, dont l'art est de rendre la colère bienveillante, le méfiant apaisé, l'austère doux, l'adverse favorable. Qui, par conséquent, ne pourrait imposer aux Pères (conscrits) celui qui a pu plier l'âme d'un juge ? [3,34] {sans traduction} [3,35] LETTRE XXXV. LE ROI THEODORIC A ROMULUS. Traduction française faite sur une traduction anglaise : S. J. Barnish, Cassiodorus, Variae et/ou Thomas Hodgkin (1831-1913), The letters of Cassiodorus. Il faut respecter notre ferme libéralité avec constance car la promesse du prince se veut inébranlable, et ne pas être sapée par le zèle des envieux. Nous savons rester ferme sur nos préceptes. Voilà pourquoi, par le présent commandement, nous avons décidé que, quelle que soit la quittance que le patrice Liberius, selon notre ordonnance, t’a accordée à toi et à ta mère, elle devra subsister dans son essence ; et tu ne crains de quiconque une réclamation déraisonnable, toi qui possèdes la fermeté de notre bienveillance. [3,36] LETTRE XXXVI. A L’ILLUSTRE COMTE ARIGERNE, LE ROI THEODORIC. Traduction : F. Martroye, L'Occident à l'époque byzantine: Goths et Vandales, 1904. Notre Piété n'entend point refuser audience aux plaignants, principalement parce qu'en toutes circonstances, notre coutume est de décider conformément aux lois ; afin que celui qui a sujet de se plaindre, obtienne réparation et que celui qui a été lésé, ne supporte aucun préjudice. Aujourd’hui, Firminus dit avoir un procès contre le magnifique patrice Venantius, et ce dernier semble avoir fréquemment dédaigné de répondre à ses demandes. Comme le pouvoir est toujours suspect dans les procès, le désir de nuire étant supposé puisqu’on en a la possibilité, Nous te recommandons, avec une déférence attentive, d’informer le personnage susmentionné {Venantius} qu’il promette d’envoyer à ma cour un mandataire pour le représenter devant les juges, qui seront commis par une ordonnance royale pour connaître de cette affaire. Cependant, le demandeur recevra le châtiment de son audace, s'il se trouve qu'il a attaqué à tort un personnage magnifique. [3,37] LETTRE XXXVII. A L’EVEQUE PIERRE, LE ROI THEODORIC. Traduction partielle : F. Martroye, L'Occident à l'époque byzantine: Goths et Vandales, 1904. Votre Béatitude ayant le devoir de s'interposer pour apaiser les contestations des autres, il faut, à plus forte raison, vous confier le soin de régler vous-même les demandes qui vous concernent. Que Votre Sainteté sache donc que Germain prétend qu'il est fils légitime de feu Thomas et que vous détenez une partie des biens de son père, lesquels biens lui sont dévolus en vertu des lois. Concernant cette requête, si elle s’avère être étayée par la vérité, et que la réalité même prouve la paternité de droit, vous rappellerez les plaignants, une fois l’affaire examinée attentivement, sans l’analyser trop longuement, en acquittant des indemnités : puisqu’il est bon que les causes qui vous concernent doivent d'abord vous être remises (vous si souvent nommé juge pour régler les litiges des autres), nous faisons appel à vous pour en savoir davantage sur cette revendication, et pour rendre la justice. Que si cette affaire n'est pas terminée suivant l'équité, de votre propre mouvement, sachez que la demande de Germain sera introduite à notre audience. Vous enseignez qu'il ne faut pas négliger les demandes que nous adressent les pauvres et que la justice peut accompagner. [3,38] LETTRE XXXVIII. LE ROI THEODORIC A WANDIL. Il ne souhaite aucune violence de la part de l’armée établie en Avignon. Traduction française faite sur une traduction anglaise : S. J. Barnish, Cassiodorus, Variae et/ou Thomas Hodgkin (1831-1913), The letters of Cassiodorus. Notre Piété désire que partout on agisse légalement, avec ordre et modération, cependant nous voulons tout particulièrement une conduite exemplaire dans les provinces des Gaules, où aucune récente dévastation ne devra amener d’injustice et où les principes mêmes devront consacrer notre renommée. Car la sécurité confortée des sujets enracine longtemps et largement une bonne opinion du prince ; et là où l’armée est envoyée, on ne doit pas penser qu’elle opprimera, mais bien au contraire qu’elle défendra. Voilà pourquoi par la présente autorité, nous nous en remettons à toi, afin qu’en Avignon où tu résides, aucune violence ne se produise. Que notre armée se comporte correctement avec les Romains ; qu’ils ressentent que nos troupes ont été envoyées pour les défendre ; et ne pâtissent pas de nos gens qui les ont libérés du joug de l'oppression des barbares. [3,39] LETTRE XXXIX. A L’ILLUSTRE CONSUL FELIX, LE ROI THEODORIC. Traduction française faite sur une traduction anglaise : S. J. Barnish, Cassiodorus, Variae et/ou Thomas Hodgkin (1831-1913), The letters of Cassiodorus. La raison de l’esprit de justice pousse à observer l’ancienne coutume envers ceux qui servent le divertissement public, surtout quand il provient du consul, dont on sait bien que sa libéralité doit être louée : la dignité ne doit pas sembler promettre une chose, alors que le sénateur veuille en accomplir une autre. Ainsi, quand la générosité est prévue, il n'est pas juste que l'économie survienne, car l’ombre de l’avarice ombrage la réputation publique d'un consul. Par conséquent, Ton Illustre Magnitude doit savoir que j'ai été abordé par les auriges de Milan ; on les aurait privés, à votre époque, de ce que la coutume antique leur avait accordé, alors qu’en temps présent, la munificence devrait faire loi. Par conséquent, si aucun mensonge n’entache leurs revendications, Votre Sublimité doit rester conforme à l’ancienne coutume, qui, par privilège spécial, comme si c’était des dettes, sollicite instamment ce qui doit être donné. Il ne faut pas refuser ce que vous savez avoir été accordé dans le passé. [3,40] LETTRE XL. A TOUS LES PROVINCIAUX QUI HABITENT DANS LES GAULES, THEODORIC ROI. Traduction : L. G. du Buat, Histoire ancienne des peuples de l’Europe, t. IX. Quoique nous soyons occupé d'une foule de soins différents, et que nous donnions toujours la même attention à toutes les différentes parties de notre royaume, nous n'avons pourtant pas tardé à tourner nos regards sur vous, pour veiller à vos intérêts. Notre conscience nous reprocherait, comme un mal que nous ferions, le moindre délai que nous apporterions à faire ce qui est utile, et nous ne croyons point que ce qui est retardé par des lenteurs fâcheuses puisse jamais être agréable, outre qu'en différant le remède, on laisse prendre au mal des accroissements qui le rendent plus opiniâtre. Puis donc que la férocité de nos ennemis vous a fait essuyer des ravages ruineux, ayant égard à la nature des maux que vous avez soufferts, nous vous remettons tous les tributs que vous deviez nous payer pour la 4e indiction (nous ne nous faisons point un plaisir d'exiger ce que le contribuable affligé n'est pas en état de payer), bien entendu néanmoins que les cantons qui n'ont point souffert contribueront à la subsistance de notre armée. Des citoyens zélés ne doivent point abandonner entièrement ceux qui travaillent pour eux, ni laisser dans la disette les braves défenseurs qui veillent à leur sûreté. [3,41] LETTRE XLI. AU SENATEUR GEMELLUS, LE ROI THEODORIC. Traduction française faite sur une traduction anglaise : S. J. Barnish, Cassiodorus, Variae et/ou Thomas Hodgkin (1831-1913), The letters of Cassiodorus. Ce qui sera organisé de façon équitable rendra un règlement supportable parce qu’il est sûr qu’une charge divisée entre tous n’accable pas un seul sujet. En effet, une part minime en revient à chacun, alors que la totalité étoufferait tout le monde. Par conséquent c’est un fait établi que le blé envoyé d’Italie par Notre Providence, à cause des frais militaires et afin que la province épuisée ne soit pas grevée par ce mode de fourniture, doive être transporté depuis les greniers marseillais aux camps installés sur la Durance. Voilà pourquoi nous ordonnons que le transport effectif de la susdite marchandise soit effectué en commun, puisqu’on peut aller plus vite lorsque tous mettent la main à la pâte. [3,42] {sans traduction} [3,43] LETTRE XLIII. AU SPATHAIRE UNIGIS, LE ROI THEODORIC. Traduction : Auguste François Louis Scipion de Grimoard-Beauvoir Du Roure (1783 - 1858), Analectabiblion, t. II. Nous aimons à ranger sous le droit romain les peuples qu'il nous plaît d'affranchir par les armes, et notre sollicitude pour les choses morales n'est pas moindre que pour les choses de guerre. Que servirait-il, en effet, de chasser les barbares, si ce n'était pour faire régner les lois ? C'est pourquoi, dès que nos troupes seront établies dans les Gaules, veillez à faire respecter la propriété. Que même les esclaves fugitifs soient rendus à leurs maîtres légitimes! Car aucun droit n'est à mépriser quand la justice commande. Il ne convient pas à un vrai défenseur de la liberté de favoriser la servitude en révolte. Si les autres rois ne voient dans les combats que villes à prendre, proies à saisir, ruines à faire; pour nous, Dieu aidant, vaincre, c'est faire en sorte que les vaincus regrettent de l'avoir été si tard. [3,44] LETTRE XLIV. LE ROI THEODORIC A TOUS LES POSSESSEURS D'ARLES. Traduction partielle : Jean-François Noble de Lalauzière, Abrégé chronologique de l'histoire d'Arles, 1837. Comme le principal objet d'un Souverain, avant toute chose, doit être celui de remédier aux maux que les hommes souffrent, ceux d'entre vous qui se sont trouvés dans la misère, ont été le premier objet de nos soins. Nous croyons donc aujourd'hui pouvoir partager notre attention sur d'autres objets. Dans le temps même que nous faisons sentir les effets de notre libéralité à nos concitoyens qui sont dans le besoin, nous vous envoyons les fonds nécessaires pour la réparation des murailles et des vieilles tours de votre Ville. Nous avons aussi fait préparer des vivres pour aider à vos dépenses ; ils doivent vous parvenir dès que la saison de navigation sera favorable. Courage ! Pensez à Nos promesses et gardez espoir de l’approvisionnement à venir et ayez confiance dans la bienveillance de Dieu ; car nos paroles contiennent autant que les entrepôts. [3,45] LETTRE XLV. A L’ILLUSTRE COMTE ARIGERNE, LE ROI THEODORIC. Traduction partielle : François Du Chesne, Histoire des papes et souverains chefs de l'église, p. 189, 1645. Notre justice ne doit pas permettre que de fausses accusations découlent de faveurs accordées et, qu’une fois dissipé le nuage de mensonges, nous ayons à révéler quoi que ce soit de caché par une interprétation vicieuse. Les défenseurs donc de la sainte Eglise Romaine se sont plaints, qu'autrefois Simplicius d'heureuse mémoire avait acheté d'Euphrase Acolyte, par contrats solennellement faits et passés une maison assise en la très sacrée Ville : laquelle ils remontrent et assurent que l’Eglise Romaine a paisiblement possédée par une longue suite d'années et transféré depuis le domaine d’icelle à des usages étrangers. Mais que pour le présent il y a certain Peuple de la superstition Samarienne, endurci en ses méchancetés lequel par des efforts iniques, allègue très faussement qu'il y a autrefois eu dedans une Synagogue, attendu que pour l’usage humain les édifices paraissent tout autrement bâtis que ne peut être la susdite construction. C’est pourquoi Ta Magnitude, avec l’impartialité éprouvée de sa conscience morale, éclaircira le litige par une enquête minutieuse. Et si tu juges la plainte justifiée, tu l’amèneras à sa conclusion avec équité. Car nous savons que si la calomnie est à retirer des actes humains, comment faire pour corriger un outrage touchant à la Divinité ? [3,46] LETTRE XLVI. LE ROI THEORORIC A ADEODAT. Théodoric commue la peine prononcée suivant les lois par le correcteur de la Lucanie et des Brutii contre un certain Adéodat qui avait enlevé une fille adulte en un exil de six mois et punit ses complices d’une amende de trois livres d’or. Traduction française faite sur une traduction anglaise : S. J. Barnish, Cassiodorus, Variae et/ou Thomas Hodgkin (1831-1913), The letters of Cassiodorus. 1. Les crimes de nos sujets sont pour le prince une occasion de manifester sa gloire, car on ne trouverait nulle part la pitié, si des méfaits n’étaient pas commis. Quelle serait en effet l’utilité d’un décret salutaire si tout n’était que bonnes mœurs ? Une sécheresse rare exige la venue d’une pluie abondante. C’est seulement quand on est malade que l'état du corps a besoin de retrouver la santé des mains des guérisseurs. Donc, quand nous succombons par notre faiblesse, il faut appliquer des remèdes. C’est pourquoi, dans les cas délicats, une atténuation de la peine à supporter est louable, en tenant dûment compte de la justice, car je ne permet ni à la vengeance de dépasser le péché, ni au crime de triompher, impuni des lois. 2. Maintenant, dans ta supplique, tu affirmes que tu as été opprimé par la haine du respectable Venantius, gouverneur de la Lucanie et du Bruttium. Affecté par un long séjour en prison, tu as été forcé d'avouer le viol de la jeune fille Valériane, parce que tu préférais tabler sur une mort rapide plutôt que supporter des tortures cruelles. Car, dans les souffrances extrêmes, ce que désire l'homme qui gémit, c'est périr plutôt que vivre, puisque l’horrible sensation de la douleur exclut le vœu d’une douce vie. Tu ajoutes également ce que la justice interdit totalement, que tu as été privé de défense par des avocats légaux fréquemment demandés, bien que tes adversaires, distingués par leurs talents, aient été en mesure de t’emberlificoter par les subtilités de la loi en dépit de ton innocence. 3. Tandis que cette supplique influençait notre sentiment de pitié de façon significative, peu à peu incliné à approuver ta pétition de clémence, un rapport est arrivé, envoyé par le gouverneur du Bruttium. En style rhétorique, il écarte cette affirmation personnelle, en niant qu’on doive accorder créance à un accusé tragédien contre la justesse du tribunal public. 4. Par conséquent, notre clémence commue la rigueur de ta peine en décrétant que, à partir du jour où cette décision sera publiée, tu seras exilé pour six mois, de façon que personne, après ma décision, ne puisse te taxer d'infamie d’une quelconque façon, car il est juste que le prince efface les taches qui apparaissent sur une réputation endommagée. Et quand ce temps sera écoulé, tu pourras retrouver ton pays natal et tous tes biens, et disposer de tous tes droits légaux originaux ; nous décrétons, en effet, que nous te maintiendrons en exil temporaire, où tu ne devras pas te lamenter de cette marque de disgrâce. En même temps, nous décrétons une amende de trois livres d'or, contre quiconque tentera de violer notre présente décision, soit en y résistant, ou en l'interprétant d’une autre façon. 5. Mais, comme nous ne voulons pas que ce décret touche les innocents, par l'autorité présente, nous gracions de la peur du châtiment tout homme qui peut avoir été impliqué inconsciemment, ou du fait de sa propre ignorance, à tout moment ou endroit, dans la même affaire. Car celui qui n'a pas la conscience criminelle est semblable à un homme pourvu d’alibi. [3,47] LETTRE XLVII. A FAUSTUS, PREFET DU PRETOIRE, LE ROI THEODORIC Le roi Théodoric d'Italie condamne à l'exil perpétuel, dans les îles de Vulcain, un homicide qui s'était réfugié dans l'église, pour en même temps respecter l'église et ne pas laisser le crime tout à fait impuni. Traduit de l’italien du site web http://www.studitardoantichi.org/einfo2/file/RAIOLA2.pdf Un châtiment modéré entre dans une attitude miséricordieuse et, sous une influence bénéfique, celui qui punit commue la peine méritée après avoir considéré les raisons d'équité. Le curiale Jovinus, que le correcteur de la Lucanie et du Bruttium nous signale tâché par une effusion de sang, suite à une altercation coléreuse avec un collègue qui à son tour a réagi, a dépassé le concours du procès-verbal jusqu'à l'infâme homicide de son collègue ; puis, conscient de son crime, il s’est réfugié à l’intérieur d'une église, pensant ainsi pouvoir échapper à la réparation exigée par la loi. Nous le condamnons à l'exil perpétuel sur les îles de Vulcain, parce que d'une part il est clair que nous respectons le saint lieu ; d’autre part pour que le criminel n'échappe pas entièrement à son châtiment, lui qui n’a pas pu épargner un innocent. Il lui manquera le foyer paternel, lui qui vivra exposé à un feu pernicieux, là où les entrailles de la terre ne manquent pas (de feu), bien qu'il ait été consommé pendant tant de siècles passés. Cette flamme terrestre, en effet, est alimentée grâce à un élément, s’il ne se consume pas, elle risque de s'éteindre : elle brûle, par contre, continuellement une masse de feu constante, parmi les vagues du magma au centre de la montagne, et il ne vient pas moins ce qui, aussi, on est amené à croire possible que tout pourrait fondre, parce que la puissance insondable de la nature, en effet, place dans les roches aussi bien le matériel combustible que le feu vorace ne puisse consommer. Comment, en effet, est-ce que les roches pourraient continuer à exister intactes, si elles brûlaient continuellement sans matériaux? La puissance divine, donc, fait de sorte qu’à partir de forces opposées il se produise un miracle éternel, donc manifestement le matériau détruit est renouvelé par forces internes, un miracle voulu éternel. À vrai dire, bien que d’autres montagnes soient bouillonnantes d'énergies saturées de vapeurs, aucune n'a été jugé digne d'un tel nom; on doit considérer qu'elle en était digne, par contre, parce cette île-là a été nommé île de Vulcain. Qu’il soit donc envoyé, et vive dans l'endroit désigné, digne de la mort: il perdra la face du monde dont nous jouissons, lui qui cruellement dans un tel monde, par la mort, l’a cachée à un autre homme, alors que lui a survécu ; il expérimentera ce que son geste mortel a infligé. Il suivra la coutume de la salamandre qui passe la plus grande partie de sa vie entre les flammes ardentes; contractée par le froid naturel, qui est tempérée par la combustion de la flamme. Il s'agit d'un animal maigre et petit, affilié aux vers (lombrics) et revêtu d'une couleur jaune. Elle mène une existence liée à la terre, un genre de vie qui porte toutes les créatures vivantes. Certains se souviennent de l'époque ancienne où dans cette île, il y a de nombreuses années, entra dans une éruption terrible, qui altéra le mouvement des flots, à l’époque où Annibal se suicidait par le poison, à la cour du roi Prusias de Bithynie, pour ne pas finir, lui, un aussi grand combattant, en victime exposée à la risée et à la raillerie des Romains. De là, plus stupéfiant encore, le fait qu’une montagne brûle d’une aussi grande concentration de matière qui reste cachée sous les flots de la mer et y vive encore inépuisablement son ardeur alors qu’une si grande masse d'eau qui la submerge. [3,48] LETTRE XLVIII. A TOUS LES GOTHS ET ROMAINS HABITANT AUX ENVIRONS DU CHÂTEAU DE VERRUE, LE ROI THEODORIC. Traduction : L. G. Du Buat, Histoire Ancienne des peuples de l’Europe, t. IX. Les ordres qu'une sage précaution dicte aux souverains doivent faire la joie des peuples, quand nous offrons nous-mêmes ce que vous auriez dû nous demander. En effet quoi de plus agréable que les précautions que l'on prend pour assurer le bonheur des hommes? Qu'elles soient nécessaires ou non, on ne peut jamais les regarder comme superflues. A ces causes, nous avons enjoint par la présente ordonnance à notre Saïon Leodifrid de faire ses diligences pour que vous nous bâtissiez un palais dans le château de Verrue. Ce château a pris son nom de sa position ; en effet une montagne ronde, et qui n'est qu'un rocher, s'élève au milieu d'une campagne rase, comme une tour bâtie de main d'homme. Sa circonférence est moindre à sa racine qu'à son sommet, et on pourrait comparer sa forme à celle d'un champignon. C'est un rempart qu'on peut défendre sans combattre et qui peut être assiégé sans danger : l'assaillant serait sans espérance, et l'assailli sans crainte. L'Adige, qui n'est pas le dernier des fleuves, coule au pied, et l'embellit, en même temps qu'il en augmente la force. Ce château est presqu'unique dans le monde, surtout par position: à l'entrée de la province ; avantage d'autant plus grand, qu'il se trouve opposé à des nations féroces. Comment ne se ferait-on pas un plaisir d'habiter une forteresse si merveilleuse, un endroit si sûr que les étrangers vont admirer ? Et quoique, par la grâce de Dieu, nous espérions que la province sera en sûreté sous notre règne, il est pourtant de la prudence de se précautionner contre les malheurs qu'on ne pense pas devoir arriver. C'est dans le sein du repos qu'il faut se fortifier: lorsque le besoin est arrivé, on cherche trop tard un asile qu'on n'a pas eu soin de se préparer. Les animaux ne nous donnent-ils pas l'exemple de cette prévoyance, et n'y a-t-il donc rien dans le monde qui puisse apporter du changement dans les affaires humaines ? La prévoyance, qui est une vertu, ne porte ce nom que parce qu'elle s'occupe de l'avenir. [3,49] LETTRE XLIX. AUX HONORABLES POSSESSEURS, DEFENSEURS ET CURIALES DE LA CITE DE CATANE, LE ROI THEODORIC. Restauration des murs en prenant les pierres des ruines du vieil amphithéâtre. Le dévouement capable de devancer un ordre bienfaisant est pour nous souhaitable et bienvenu et il est juste que nous récompensions ce que nous avons reçu, quand on nous demande quelque chose que nous pourrions commander. Le bonheur du roi consiste en effet en ce que ses subordonnés aiment l’utile, puisque la peine de réfléchir nous est retirée quand nos sujets s'organisent utilement. C'est pourquoi, après avoir pris connaissance de la teneur de votre rapport, nous ordonnons que vous ayez licence absolue dans l'entreprise dont, par sens civique, vous vous êtes chargés en reconstruisant vos remparts. Ne redoutez rien d’une entreprise dont vous devez bientôt attendre la rémunération prochaine par notre reconnaissance. Votre défense est en même temps notre force et tout ce qui vous protège sert la défense de notre gloire. Aussi, ces pierres de l’amphithéâtre que vous dites tombées sous l’effet du temps, qui ne servent plus à l’ornement de la ville mais offrent le spectacle de ruines déshonorantes, nous vous permettons d’en faire usage pour qu’on élève un mur avec ces pierres qui, si elles jonchent le sol ne sont plus d’aucune utilité. Apportez-nous donc fidèlement tout ce qui peut servir à la défense ou à la décoration de la ville et sachez que nous vous serons reconnaissant de tout ce que vous ferez de votre ville. [3,50] LETTRE L. A TOUS LES PROVINCIAUX DE NORIQUE, LE ROI THEODORIC. Echange de boeufs avec des Alamans. Traduction française faite sur une traduction anglaise : S. J. Barnish, Cassiodorus, Variae et/ou Thomas Hodgkin (1831-1913), The letters of Cassiodorus. Un ordre doit être pris avec reconnaissance, quand il aide le donneur et le récepteur, et qu’il réjouit autant que possible au moment du besoin. Car qui pourrait tenir pour fardeau un échange dont on tire le plus grand avantage? Voilà pourquoi, nous ordonnons par le présent rescrit, que les boeufs des Alamans, plus précieux en raison de leur taille, mais harassés à cause d’un voyage trop long, soient échangés avec les vôtres, de plus petite stature certes, mais adaptés aux travaux, afin que d’une part la marche des Alamans soit facilitée par un bétail en meilleure santé et d'autre part que vos terres soient traitées par des bêtes de labour plus puissantes. Ainsi, vous recevrez cette race vigoureuse, un gain considérable et que l’on ne voit que rarement par ici, grâce à un marché où vous constaterez avoir fait les deux profits désirés. [3,51] LETTRE LI. AU PRÉFET DU PRÉTOIRE FAUSTUS, LE ROI THÉODORIC. Jeux du Cirque. Traductions : Dezobry, Rome au siècle d’Auguste, p. 322, 1846 ; Joseph-Alexandre Martigny, Dictionnaire des antiquités chrétiennes, p. 387, 1865 ; Martroye, L’Occident à l’époque byzantine, Goths et Vandales. 1. Pour autant que les histrions ont de la constance et des souhaits honorables, lorsqu'une volonté estimable se manifeste en eux, elle a d'autant plus de valeur. L'homme aime en effet découvrir quelque chose de prix là où il ne pensait pas trouver à louer. Ainsi, notre circonspection a récemment fait largesse d'annones correctes à l'aurige Thomas récemment venu de la partie orientale de l'Empire, le temps de mettre à l'épreuve son habileté et son état d'esprit. Mais puisque, nous le savons, il a obtenu le premier rang dans ce concours et que, renonçant à sa patrie, il a volontairement choisi de s'attacher au siège de notre pouvoir, nous avons jugé bon de le conforter par une largesse mensuelle. 2. Lui en effet, dont le nom a volé sur toutes les lèvres, a été fréquemment vainqueur, porté par la faveur plus que par ses chars. Il s'est chargé du parti du peuple qui ne cessait de perdre et il s'est appliqué à rendre de nouveau joyeux ceux qu'il avait lui-même attristés, tantôt en surpassant les conducteurs de char par son habileté, tantôt en les distançant par la vitesse de ses chevaux. La fréquence de ses palmes incitait à le dire jeteur de sort, dans les milieux où l'on considère le fait d'en venir à de tels forfaits comme une grande gloire. En effet, quand la victoire ne peut être attribuée à la valeur des chevaux, on la ramène nécessairement à un détournement magique. 3. Le spectacle chasse les moeurs les plus sérieuses, il invite aux comportements les plus frivoles, il élimine l'honnêteté, il est une source qui s'alimente à tous les désordres ; ce que les temps anciens ont tenu pour sacré, la postérité avide de controverses le transforme en objet de scandale. C’est Oenemaus qui est considéré comme le premier organisateur d'un spectacle, en Élide, principauté d'Asie ; par la suite Romulus, à l'occasion du rapt des Sabines, avant même la fondation de la ville (de Rome), l'offrit en pleine campagne à l'Italie. 4. Mais le maître du monde, soucieux d'exalter sa force et de faire admirer sa puissance, fit ériger pour les Romains un bâtiment remarquable dans la plaine de Murcia, dont la masse imposante pût être enfermée de manière solide entre les collines, en un lieu qui put renfermer les témoignages des grandes choses. Deux groupes de six portes chacun ont été établis pour les douze signes (du zodiaque). Donnant sur une étendue de terrain plane, ces portes séparées par de petits Hermès s'ouvrent subitement, après que l'on eût fait tomber les cordes et elles nous montrent que, comme on le pensait, tout est fait à dessein là où se reconnaît l'image d'une tête a l'ouvrage. 5. Le nombre duodécimal des carcères, rappelle les douze signes du zodiaque ; les aurigaires, habillés de quatre couleurs différentes, représentent les quatre saisons de l'année : le bleu est l'hiver nébuleux; le vert, le printemps; le jaune, l'été, et le blanc, l'automne avec les frimas. Ils partent des douze carcères, comme l'année passe par les douze signes; et les vingt-quatre courses qu'ils accomplissent, sont les vingt-quatre heures du jour et de la nuit. 6. Les biges attelés d'un cheval blanc et noir, rappellent la course variée de la lune, qui s'accomplit tantôt de jour, tantôt de nuit; les quadriges sont une imitation de la course de Phébus; les chevaux de main, sur lesquels les ministres du cirque vont annoncer les courses, figurent Lucifer qui annonce le jour. C'est ainsi que ces divers spectacles présentent l'image des mystères et des travaux de la nature 7. Non loin des portes, une ligne blanche, comme tracée au cordeau, est dotée d'une plate-forme à l'autre : les quadriges une fois avancés, c'est là que la compétition commence, par peur que, dans leurs efforts pour s'éliminer rapidement, ils ne donnent au public l'impression de lui retirer le plaisir de les regarder. Toute compétition accomplit sept tours de borne, à la ressemblance de la semaine qui revient à son point de départ. Quant aux bornes elles-mêmes, elles ont, en parallèle aux décans du zodiaque, trois pointes que contournent, comme le soleil, les quadriges rapides. 8. Elles figurent les limites de l’Orient et de l’Occident. L'Euripe est à l'image de la mer transparente ; des dauphins marins y reversent l'eau puisée. De plus, de grands obélisques s'élèvent vers les profondeurs du ciel : le plus haut a été consacré au Soleil, le plus petit à la Lune. Les rites sacrés des Anciens y sont symbolisés par des signes chaldéens équivalant à des lettres. L'arête centrale représente le destin des prisonniers infortunés : les généraux romains, foulant le dos de leurs ennemis, y recueillaient les satisfactions que leur valaient leurs travaux. 9. Quant à la serviette qu’on jette dans l’arène pour donner le signal des courses, voici d’où en vient l’usage; Néron prolongeant un jour son repas outre mesure, le peuple s’impatienta du retard apporté à son plaisir favori. Alors Néron, qui de sa maison dorée entendait les murmures de la multitude, aurait jeté sa serviette par la fenêtre pour donner le signal de l’ouverture du spectacle. Il en résulte que le fait de montrer une serviette est considéré comme la promesse assurée de jeux du cirque imminents. 10. Le cirque tire son nom de « circuit », les jeux du cirque, de « circuits autour des épées », parce que, dans la primitive antiquité qui n'avait pas encore transporté les spectacles dans des constructions équipées, ces derniers avaient lieu dans la verdure, entre épées et rivières. Ce n'est pas par hasard que cette compétition se développe, selon son règlement, en vingt-quatre courses, mais assurément pour que les heures du jour et de la nuit soient contenues par ce chiffre. Il ne faut pas non plus considérer comme insignifiant le fait d'indiquer les circuits autour des bornes par des retraits d'œuf : cet acte, en effet, gros en lui-même de multiples superstitions, annonce, comme l'œuf, qu'il va donner naissance à quelque chose. Cela permet de comprendre que des mœurs volages et fort inconstantes, qu’ils ont associées aux mères des oiseaux soient nées de là. 11. Il serait long de parcourir par la parole le reste du cirque romain, étant donné que toute chose s'y rapporte, on le voit, à une explication particulière. On est stupéfait de voir la fureur qui agite les esprits quand il s'agit des jeux du cirque. Qu'un cocher de la faction des verts l'emporte, et le peuple en gémit; qu'un cocher de la faction des rouges soit vainqueur, et voilà la plus grande partie de la ville en deuil. Ceux qui gagnent, sont pleins d'insolence, ceux qui perdent, sont profondément humiliés; ces luttes pour une cause si futile agitent la multitude, comme s'il s'agissait du salut de la patrie en danger. 12. Et l’on a raison de croire que tout est consacré à une superstition collective quand on constate que l’honnêteté des mœurs est ainsi délaissée. Voilà ce que nous entretenons nous-même, sous la pression impérieuse des gens qui souhaitent de tels rassemblements et se délectent à rejeter les pensées sérieuses. 13. En effet, peu nombreux sont ceux que captive la raison et rares ceux que charme un projet estimable. La foule tend plutôt vers ce qu'on a manifestement trouvé comme distraction aux soucis. Tout ce que la foule juge pour plaisant, elle juge, c’est un fait, devoir l’appliquer aussi au bonheur du règne. Prodiguons par conséquent les largesses, ne donnons pas uniquement selon notre appréciation. Il est utile de déraisonner parfois, afin de pouvoir contrôler les joies que désire le peuple. [3,52] LETTRE LII. LE ROI THEODORIC A L’ILLUSTRE CONSULARIS Utilisation d’un arpenteur-géomètre pour Leontius et Paschasius, qui n'ont pas hésité à en venir aux mains pour régler une querelle de bornage. Traduction partielle : L’Université catholique, volume 2, 1899. 1. Nous sommes désolés d'apprendre qu'un différend (qui est sur le point d'être réglé par les armes au lieu de par la loi) a surgi entre les Respectables Léonce et Paschase à la limite de leurs propriétés. S’ils sont si montés l’un contre l'autre, ici en Italie, où il y a des flanc de montagnes et des rives de fleuves et des arcaturae {tourelles carrées de l'arpenteur-géomètre} pour marquer des limites, 2. qu’auraient-ils fait dans les régions de l’Egypte, là où les vastes eaux annuelles périodiques du Nil lavent tous les points de repère, et laissent un dépôt de boue partout? Ils n’en viendraient sûrement pas aux armes, même si le procès capotait par manque de compensation. Car ce sujet est traité avec soin par figures géométriques et le métier de l’arpenteur, tout comme chaque mot est défini par des lettres. 3. La Géométrie a été découverte par les Chaldéens, la plus méticuleuse et intelligente race d’hommes, qui s'aperçurent que ses principes étaient à l'origine de l'astronomie, de la musique, de la mécanique, de l'architecture, de la médecine, de la logique, et de toute science qui traite de généralités, si bien que, sans elle, aucune de ces sciences ne peut atteindre la certitude. 4. Plus tard, cette science a été accueillie avec empressement par les Egyptiens, identiques par leurs esprits bouillonnants, qui en perçurent l'avantage qu'il y aurait à les récupérer dans les limites des propriétés oblitérées par le déluge souhaité du Nil. C’est ainsi la science qui clarifia ce qui auparavant faisait l’objet de procès et créait la confusion. 5. C'est pourquoi, que Votre Grandeur envoie un arpenteur-géomètre expérimenté, son nom provient de cet art, pour régler ce différend en bornant les deux domaines de façon visible. Il fera savoir tout ce qu’un raisonnement clair a séparé. Car, si, par un raisonnement sûr, cette merveilleuse discipline peut réaliser la séparation d’une terre non close, comment ne ferait-elle pas savoir ce qui doit déjà appartenir à ses propres limites? 6. Au temps d'Auguste, le monde romain fut divisé en domaines et décrit par le cens, afin de déterminer d'une manière certaine, pour chacun, l'étendue de la propriété en raison de laquelle il devait payer sa part de tribut. 7. Les résultats de cette prescription écrite ont été rédigés par l’auteur Hyrummetricus, afin qu’un étudiant puisse apprendre de ses écrits ce qu’il doit complètement démontrer à l’œil nu. Les professeurs de cette science {de l'arpentage} ressentent ce que l’on pense d’eux. Car ces sciences qui font l’objet des plus grandes attentions ne reçoivent pas les honneurs qui leur sont dus. L’arithmétique, la géométrie théorique, l'astronomie et la musique ; arithmétique exposée devant des auditoires vides ; géométrie pour apathiques, astronomie et musique pour la culture mais parfois pour vider les bancs. 8. Mais l'arpenteur-géomètre est comme un juge; les champs déserts; devenu son forum, bondé de spectateurs enthousiastes. On dirait un fou quand on le voit marcher le long des chemins les plus détournés. Mais en vérité, il est à la recherche des traces de preuves, perdues dans les bois bruts et les fourrés Il ne marche pas comme d'autres hommes. Son chemin est le livre qu’il lit; il montre ce qu'il dit, il prouve ce qu'il a appris; par ses pas, il divise les droits des demandeurs hostiles ; les arpenteurs de terres font comme un grand fleuve, qui ôte à l’un et donne à l’autre. 9. C'est pourquoi, agissant sur nos instructions, choisissez un arpenteur-géomètre, dont l'autorité soit suffisante pour qu’après avoir réglé ce différend, les justiciables rougissent de poursuivre ce litige. Ainsi, les droits des propriétaires, pour qui il est primordial de cultiver leurs terres, ne seront pas imprécis. [3,53] LETTRE LIII. A L’ILLUSTRE APRONIEN, COMTE DES AFFAIRES PRIVEES, LE ROI THEODORIC. Arrivée à Rome d’un aquilège. Traductions (partielles) : Denis de Sainte-Marthe, La vie de Cassiodore, p. 54, 1695 ; l’abbé Jean Paramelle, L’art de découvrir les sources, 1859. Nous avons appris par le rapport de votre Grandeur, qu'il est arrivé à Rome un homme qui a le secret de trouver des eaux, et d'en faire venir dans les lieux les plus arides, afin qu'on puisse ensuite les habiter ; et qu'il est passé en Afrique, où cet art a toujours été cultivé avec grand soin, à cause de la sécheresse ordinaire du terroir. Cette nouvelle nous a été fort agréable, et nous aurions bien de la joie de voir durant notre règne, des expériences de cet art, dont nous lisons les préceptes dans les livres des anciens. On conjecture avec fondement que là où les herbes ont une verdeur et les arbres une hauteur remarquables, l'eau n'est pas éloignée. On considère comme indices favorables les terres qui conservent l'humidité près de leur surface et qui entretiennent une vigueur extraordinaire dans certains végétaux, tels que les joncs, les roseaux, les arbrisseaux aquatiques, les saules, les peupliers et même tous les arbres qui acquièrent une hauteur plus qu'ordinaire. Si à l'arrivée de la nuit on met sur terre de la laine sèche, sur laquelle on pose un chaudron renversé que l'on couvre de terre, le lendemain matin, s'il y a de l'eau proche, on trouvera la laine humide. Lorsque le matin, après le lever du soleil, les fontainiers voient des nuées de petites mouches qui volent contre terre, toujours en certain endroit, ils en concluent qu'il y a certainement de l'eau dessous. Ils disent aussi que partout où l'on voit sortir de terre une très légère colonne de fumée, il y a une source cachée, qui est d'autant plus profonde que la colonne est plus élevée ; et, ce qui est encore plus surprenant, c'est que, d'après ce signe et quelques autres, ils prédisent la profondeur de la source que l'on cherche ; ils prédisent aussi le goût des eaux cachées ; en sorte que l'on s'abstient de chercher, par des travaux coûteux, celles qui sont mauvaises, et qu'on se garde bien de négliger celles qui sont bonnes. Cet art a été cultivé chez les Latins comme chez les Grecs et un citoyen nommé Marcellus avait composé un ouvrage sur les sources et les eaux souterraines. Ils prétendent que les eaux qui sortent de terre à l'aspect du levant et du midi sont douces, transparentes, légères et salubres; que celles qui sortent de terre à l'aspect du septentrion et du couchant sont trop froides, et que, par leur trop grande pesanteur, elles causent des incommodités. Si vous voyez que cet homme ait autant d'expérience qu'on le dit, ayez soin de sa subsistance, et l'assurez qu'on lui paiera bien son secret, s'il veut le confier à quelqu'un. Car enfin quoique Rome ait autant d'eaux et de fontaines qu'on en puisse souhaiter, il n'en est pas de même de quelques faubourgs, où l'on a besoin de la science de cet homme, puisque le bon sens veut que nous conservions ce qui nous est utile par quelque endroit. Il faudrait encore joindre à cet homme quelqu'un qui sût la mécanique, pour élever les eaux que celui-là aurait trouvées. Que l'on traite donc ce chercheur d'eaux avec la même distinction que l'on a pour les personnes qui possèdent les arts utiles au public, afin qu'on ne puisse jamais dire que, durant notre règne, on ait négligé quoi que ce soit de tout ce que Rome a pu souhaiter pour sa commodité et pour son embellissement.