[1,6,0] LETTRE VI. AU PRÉFET DE LA VILLE DE ROME, LE ROI THÉODORIC. Extrait [1,6,1] Mosaïques commandées pour Ravenne. [1,6,2] Il convient au prince de ne rien négliger de ce qui peut augmenter la splendeur de la république ; il est vraiment digne de lui d'orner son royaume de palais et d'édifices. Gardons-nous bien de nous montrer sur ce point inférieur aux anciens, dont le bonheur des temps nous fait les égaux. C'est pourquoi nous avons entrepris des travaux considérables dans la basilique d'Hercule à Ravenne conformément au bref ci-joint; envoie-nous donc de Rome d'habiles ouvriers, qui sachent bien joindre les morceaux et représenter les divers objets de la nature en entremêlant habilement les veines du marbre. La nature, que l'art sache la vaincre; que la surface multicolore des mosaïques peigne agréablement aux yeux des figures variées ---. [1,7,0] LETTRE VII. AU CLARISSIME FÉLIX, LE ROI THÉODORIC. [1,7,1] L'héritage de Plutianus. [1,7,2] D'après ce que Venantius, tuteur de Plutianus, a déclaré en Notre Présence, nous avons appris que tu es impliqué dans une action tortueuse visant à saisir des biens que tu aurais voulu t’approprier. Il aurait été sans aucun doute nécessaire d’apporter un peu d'aide à ton parent. Comment, alors, doit-on considérer les parents, car selon l’opinion des étrangers cela constitue un crime ? Et donc par la présente nous ordonnons que, quoi que ce soit que tu saches avoir acquis de Neoterius, soit restitué sans retard aux biens de l'ancien propriétaire. Nous ne serons pas contraints, donc, de te punir d’un tel délit, par les lois de ce genre, nous qui avons agi jusqu'à présent avec clémence. Nous ne pouvons tolérer, en effet, que l'enfant perde ce que nous avons donné par estime pour ses parents. Il est vraiment très grave que les dons généreux d'un prince soient frauduleusement extorqués. En vérité, on dit encore que tu as fait un partage, sans aucun respect pour la justice, afin d'obtenir la part de ta femme, si tant est qu’on puisse appeler de toute façon partage ce qu’on sait être l’opération d'une seule personne ; ainsi hâtes-toi de venir à notre comitat, afin que nous établissions entre vous ce qui convient pour la justice. Il est en effet inique qu’entre héritiers, auxquels doit revenir une part égale d’une succession, certains en profitent en abondance, alors que d'autres se plaignent des difficultés créées par la pauvreté. [1,8,0] LETTRE VIII. A AMABLE, MAGISTRAT, LE ROI THEODORIC. Extrait [1,8,1] Prodigalité de Néothérius. [1,8,2] Nous avons grandement à cœur, de protéger tout le monde, et ceux-là surtout qui sont incapables de se protéger eux-mêmes. Nous ne tiendrons en équilibre la balance de la justice que si nous prêtons aide aux faibles et si nous savons imprimer la crainte aux insolents oppresseurs des petits enfants. Or, Vénantius, tuteur de Plutianus, est venu nous dire en pleurant que Néotérius, oublieux de l'amour fraternel, a dilapidé, dans une fureur sacrilège, les biens du petit. Nous en avons été profondément ému ; nous ne voulons pas que nos largesses, qui doivent subsister comme un monument de notre piété, soient usurpées par des prévaricateurs ---. Que ton zèle, confirmé par nos ordres, si le coupable n'a pas de défense raisonnable à présenter, obtienne donc sans délai dudit Néotérius la restitution à laquelle Plutianus a droit. Si le détenteur actuel des biens vendus soulève des objections, qu'il accomplisse au préalable les formalités légales, et qu'il se hâte de se présenter à notre tribunal, à cette fin qu'ayant pris connaissance de ses allégations nous jugions en équité selon notre coutume. [1,9,0] LETTRE IX. AU VENERABLE EUSTORGE, EVÊQUE DE MILAN, LE ROI THEODORIC. [1,9,1] Disculpation d’un évêque faussement accusé de trahison. [1,9,2] La condition des sujets est protégée, quand on vit sous un règne juste ; aucune rumeur douteuse ne doit circuler sans que je doive y faire face pour les modifier. Si vraiment, par un moyen, nous réunissons des faits dignes de foi, qui ne devront jamais être dissimulés, il faut en rechercher avec soin les preuves. Voilà pourquoi, nous déclarons par la présente disposition à Votre Béatitude, qui sera très heureuse de l’apprendre que l’évêque de la cité d’Augustana, a été faussement accusé sur dénonciation d’avoir voulu trahir la patrie; nous l’avons rétabli dans sa précédente dignité tout ce qu’il avait et son rang épiscopal lui ont été restitués. En effet, il ne faut pas juger légèrement de ceux qui sont élevés à une si haute dignité, car si on doit croire à ce qui est avancé, même un homme calme sera excusé de ses digressions. Les crimes les plus manifestes, par conséquent, font difficilement bon ménage avec la bonne foi. Quoi que la haine puisse énoncer, on ne peut le considérer comme vérité. En effet, nous voulons que les délateurs soient frappés d’une peine légitime ; mais puisqu’ils sont eux-mêmes clercs, nous renvoyons à Votre Sainteté le pouvoir de rendre justice, pour imposer une règle dans de telles mœurs, et nous vous renouvelons le soin de conserver la tradition ecclésiastique. [1,10,0] LETTRE X. A L’ILLUSTRE BOECE, LE ROI THEODORIC. [1,10,0] Considérations sur l’arithmétique, les poids et mesures, la monnaie, les fraudes. [1,10,2] 1. Bien que tout le peuple doive bénéficier d’une justice commune qui obtient ainsi le respect de son nom en répandant une mesure égale parmi les puissants et les humbles, pourtant ceux qui restent au service du palais la recherchent cependant avec une ferme espérance. En effet, la faveur du prince sera accordée gratuitement parmi les oisifs; et aussi la coutume fera donner comme une sorte de dette au serviteur complaisant. 2. Les gardes du corps à cheval et à pied, qui surveillent sans interruption notre cour, m’ont adressé cette plainte en s’associant dans une pétition (ce qui est le résultat habituel de griefs sérieux) : ils reçoivent de la piètre monnaie pour leurs émoluments habituels de la part de un tel, trésorier du Préfet, et ils supportent de lourdes retenues en nombre des pièces. Par conséquent, que Votre Prudence, expérimentée par l’étude des doctrines, chasse cette fausseté criminelle de la compagnie de la vérité, afin que personne ne soit tenté d’en diminuer cette intégrité. 3. En effet, parmi les vicissitudes du monde, cette chose appelée arithmétique est établie par un raisonnement sûr que nous comprenons de même que les corps célestes. C’est un modèle intelligible, un beau système, une étude simple, une science sans variations, qui relie à la fois les cieux et préserve la terre. Car y a-t-il quelque chose qui n’ait pas une mesure ou qui transcende un poids? Elle inclut tout, règle tout, et toutes les choses sont belles parce qu’elles seront reconnues selon leur mesure. 4. C’est un plaisir d’observer comment la valeur dix, comme les cieux, se retourne sur elle-même, et de pouvoir constater qu’il ne lui manque jamais rien. Ce même calcul augmente dans de nouvelles conditions, s’ajoutant constamment à elle-même par répétition, de telle sorte que, bien que la valeur dix ne soit pas dépassée, elle a la faculté de faire de grands nombres à partir des petits. Ce processus est maintes fois itéré: en pliant et en tendant les doigts de la main, il est infiniment étendu; et, chaque fois que le calcul revient à son point de départ, il est indubitablement augmenté de tant. Les sables de la mer, les gouttes de la pluie, les étoiles lumineuses sont définies en quantité dénombrable. De fait, toute créature est numérotée pour l’auteur de son être {Dieu}, et rien de ce qui peut exister ne peut être séparé de cette condition. 5. Et comme c’est un plaisir pour moi de m’entretenir avec des gens cultivés sur les plus mystérieux sujets de cette discipline, bien que les pièces elles-mêmes semblent sans valeur en raison de leur très grande utilisation, il est remarquable que la raison ait conduit les anciens à établir ensemble une politique de l’argent. En effet, ils établirent que 6.000 deniers formaient un solidus, de façon à ce que la forme ronde du métal brillant correspondit numériquement, comme un soleil doré, à l’âge du monde. Mais au nombre six, que la docte antiquité a non sans raison déclaré nombre parfait, on donna le nom d’once, le premier degré de la mesure, et en le multipliant par douze par analogie avec les mois, on l’amena à une livre afin de le faire correspondre à l’année. 6. O sage invention ! O clairvoyance de nos aînés ! Ce fut très ingénieux de concevoir des mesures pour l’usage humain et en même temps de symboliser tant de secrets de la nature. Que donc on appelle à juste titre, la livre, celle qui contient en soi la considération de tant de choses. La violation, alors, de tels mystères, le désir de confondre les certitudes, est sans aucun doute un massacre fou et cruel de la vérité elle-même. Le commerce des biens doit se poursuivre ; les négociateurs acheter bon marché et vendre cher, car tout devient confus quand la fraude et l’intégrité se mêlent. 7. Le salaire des travailleurs ne doit pas être amputé, mais le paiement doit être effectué intégralement à celui requis pour un service honnête. Payez vos solidi et gardez quelque chose en réserve si vous êtes assez fort; offrez une livre et diminuez-la si vous le pouvez. Dans tous ces cas, comme les noms eux-mêmes apparaissent, vous payez en totalité ou vous ne donnez pas ce que vous dites que vous donnez. Vous ne pouvez en aucun cas utiliser les noms des unités entières et alors faire des déductions frauduleuses. N'est-ce pas là une violation des secrets de la nature, une tentative de masquer les plus grandes certitudes, clairement une blessure cruelle et honteuse faite à la vérité elle-même? Et donc pourvoyez-y, que le trésorier prenne des habitudes justes afin que ce que je destine à ceux qui le méritent leur arrive inchangé.