« Ecoutez, très cher fils, le précepte du Père. Inclinez l'oreille du coeur à la doctrine du Maître qui tient la place de celui qui est Maître. Seigneur, recevez volontiers et tâchez d'accomplir efficacement les admonitions de votre mère la sainte Eglise. C'est à vous que s'adresse notre discours, c'est à vous que s'exprime notre amour paternel, c'est à vous qu'une tendre mère ouvre son coeur. « Dieu nous a établi sur les rois et les royaumes pour arracher, détruire, perdre, dissiper, édifier et planter en son nom et par sa doctrine. Ne vous laissez donc pas persuader que vous n'ayez point de supérieur, et que vous ne soyez point soumis au chef de la hiérarchie ecclésiastique : qui pense ainsi est un insensé, et qui le soutient est un infidèle séparé du troupeau du bon Pasteur. « Or l'affection que nous vous portons ne nous permet pas de dissimuler que vous opprimez vos sujets ecclésiastiques et séculiers, les seigneurs, les nobles, les communautés et le peuple; de quoi nous vous avons souvent averti, sans que vous en ayez profité. « Sans venir plus au détail, quoiqu'il soit certain que le Pape a la souveraine disposition des bénéfices, soit qu'ils vaquent en cour de Rome ou au dehors, et que vous ne pouvez avoir aucun droit de les conférer sans l'autorité du Saint-Siège, toutefois vous empêchez l'exécution de ces collations quand elles précèdent les vôtres, et vous prétendez être juge de votre propre cause. « En général, vous ne reconnaissez d'autres juges que vos officiers pour vos intérêts, soit en demandant, soit en défendant. « Vous traînez à votre tribunal les prélats et les autres ecclésiastiques de votre royaume, tant réguliers que séculiers, tant pour les actions personnelles que pour les réelles, même touchant les biens qu'ils ne tiennent pas de vous en fief; vous exigez d'eux des décimes et d'autres levées, quoique les laïques n'aient aucun pouvoir sur le clergé. « Vous ne permettez pas aux prélats d'employer le glaive spirituel contre ceux qui les offensent, ni d'exercer leur juridiction sur les monastères dont vous prétendez avoir la garde. « Enfin vous traitez si mal la noble Eglise de Lyon et l'avez réduite à une telle pauvreté, qu'il est difficile qu'elle se relève ; et toutefois elle n'est point de votre royaume : nous sommes parfaitement instruit de ses droits, en ayant été chanoine. « Vous ne gardez point de modération dans la perception des revenus des églises cathédrales vacantes, ce que, avec abus, vous appelez régale. « Vous consommez des fruits, et tournez en pillage ce qui a été introduit pour les conserver. « Nous ne parlons point maintenant du changement de la monnaie et des autres griefs dont nous recevons des plaintes de tous côtés ; mais, pour ne pas nous rendre coupable devant Dieu qui nous demandera compte de votre âme, voulant pourvoir à votre salut et à la réputation d'un royaume qui nous est si cher, après avoir délibéré avec nos frères les cardinaux, nous avons, par d'autres lettres, appelé devant nous les archevêques, les évêques pairs ou élus les supérieurs d'ordres, les chapitres des cathédrales de votre royaume, les docteurs en théologie et en droit, et quelques autres ecclésiastiques, leur ordonnant de se présenter devant nous le premier jour de novembre prochain pour les consulter sur tout ce que dessus , comme personnes qui, loin de vous être suspectes, sont affectionnées au bien de votre royaume dont nous traiterons avec eux. « Vous pouvez, si vous croyez y avoir intérêt, vous y trouver en même temps par vous-même ou par des envoyés fidèles et bien instruits de vos intentions ; autrement nous procéderons ni plus ni moins comme Dieu nous inspirera. » ... « O notre cher fils, mettez donc pour les trois temps votre vie en assurance, reliant les choses présentes, vous rappelant les choses passées et prévoyant les choses futures, afin que, préparé de cette manière, vous méritiez la grâce en ce monde et dans l'autre la gloire du salut et la récompense éternelle.»