[0] CÉSAR-AUGUSTE. S'il exista jamais un mortel qui eût une âme grande et active, mais sans turbulence, et où régnât l'ordre, le calme et la sérénité, ce fut César-Auguste, comme le prouvent assez les grandes choses qu'il fit durant son adolescence même ; car les hommes d'un génie inquiet font beaucoup de fautes durant leur première jeunesse ; mais ensuite, dans l'âge moyen, ils font leurs preuves, au lieu que les hommes d'un naturel plus paisible et plus modeste peuvent se distinguer dans la première fleur de leur jeunesse ; et comme toutes les grandes qualités de l'âme ainsi que tous les avantages extérieurs du corps peuvent être comprises sous ces trois chefs, santé, beauté et force, si Auguste le céda de beaucoup à son grand-oncle pour la vigueur de l'âme, il eut beaucoup d'avantages sur lui, par rapport à la santé et à la beauté. Car, quoique le premier fût d'un caractère inquiet et turbulent, comme tous ceux qui sont sujets à des attaques d'épilepsie, il sut sans doute aller à ses fins avec beaucoup d'art et de méthode : cependant il ne sut pas régler ces fins mêmes et modérer ses désirs. Mais son ambition fut sans mesure, il ne sut pas s'arrêter, et il prit un essor trop élevé, peu content de ce qu'il avait acquis, aspirant avec trop d'ardeur à ce qui excédait les bornes de l'humanité et oubliant trop qu'il était mortel. Au lieu que le dernier, plus sobre, plus modéré, et sentant mieux que ses désirs devaient avoir un terme, ainsi que sa vie, sut borner et régler ses vues avec plus d'ordre et de sagesse ; car il voulut d'abord prendre possession de la souveraine puissance, puis en paraître digne, ensuite jouir de sa haute fortune comme il convenait à sa condition d'être mortel; enfin, laisser aux siècles futurs un long souvenir de son règne, par des institutions durables, et consacrer son nom par des monuments immortels. En conséquence de ce plan si sage, il voua sa première jeunesse à l'acquisition du pouvoir souverain, son âge viril à l'estime publique, son automne à la jouissance, et sa vieillesse à l'immortalité.