[31] Nous avons encore de hautes tours; les plus élevées ayant au moins un demi-mille de hauteur. Quelques-unes aussi ont été bâties à dessein sur de hautes montagnes; en sorte que si l'on ajoute la hauteur de la montagne à celle de la tour, le sommet de celle-ci se trouve élevé au moins de trois milles au dessus du rez-de-chaussée. La partie la plus élevée de ces tours est ce que nous appelons la région supérieure; car cette partie de la région de l'air, qui se trouve située entre le sommet et le pied, nous l'appelions la région moyenne. Ces tours, autant que le comportent leurs différentes situations et élévations, servent pour l'insolation, le refroidissement, ou la conservation de certains corps, et pour l'inspection de différents météores, tels que vents, pluies, neiges, grêles, etc. ainsi que pour l'observation de certains météores ignées. Sur quelques-unes de ces tours vivent aussi des ermites, que nous visitons de temps en temps, et auxquels nous prescrivons ce qu'ils doivent principalement observer. [32] Nous avons de plus de grands lacs et des étangs, les uns d'eau salée, les autres d'eau douce, et par le moyen desquels nous nous procurons des poissons et des oiseaux aquatiques, de toute espèce. Au fond de quelques-uns, nous déposons certains corps naturels qui restent ainsi plongés pendant plusieurs années ; l'expérience nous ayant appris qu'on n'obtient pas les mêmes effets en tenant des corps au fond de l'eau, qu'en les tenant enfouis dans la terre même, ou plongés dans l'air souterrain; à quoi il faut ajouter d'autres lacs ou étangs, dont l'eau devient douce en se filtrant; et d'autres encore dont l'eau, naturellement douce, devient salée, par le moyen de l'art. Sur certains rochers, dont les uns environnés d'eau, et les autres sur le rivage, nous faisons les opérations qui exigent le concours de l'air et des vapeurs de la mer. Nous avons encore des courants et des chutes d'eau avec leurs coursiers, qui nous servent à produire plusieurs espèces de mouvements violents, ainsi que des machines mises en mouvement par le vent, ou destinées à renforcer son action, et qui nous servent aussi à produire des mouvements de différente espèce. [33] Nous avons aussi des puits ou des fontaines artificielles qui imitent les sources ou les bains d'eaux minérales naturelles; les eaux des nôtres étant aussi chargées de différentes substances minérales; telles que soufre, vitriol, fer, acier, cuivre, plomb, nitre, etc. ainsi que d'autres puits ou réservoirs plus petits, qui nous servent pour différents genres d'infusions; leurs eaux se chargeant plus promptement et plus complètement des différentes substances et de leurs qualités respectives, qu'elles ne le feraient dans les petits vaisseaux qu'on emploie ordinairement pour ces infusions. C'est par ce moyen que nous nous procurons une liqueur appelée parmi nous, eau de paradis, qui, après les différentes préparations qu'elle a subies, devient extrêmement salutaire, et peut contribuer, soit à la conservation de la santé, soit à la prolongation de la vie. [34] Dans certains édifices très spacieux et très élevés, nous imitons les diffërentes espèces de météores, tels que la neige, la grêle, la pluie, soit celles où il ne tombe que de l'eau, soit celles où il tombe d'autres substances, et le tonnerre, les éclairs, etc. ainsi que la génération de certains animaux dans l'air; tels que grenouilles, crapauds, mouches, sauterelles, etc. [35] Nous avons aussi des salles, hospices, infirmeries, appelées parmi nous chambres de santé, dont nous savons modifier l'air à volonté, en lui donnant toutes les qualités que nous jugeons concevables, soit pour guérir différentes espèces de maladies, soit pour entretenir simplement la santé. [36] Nous avons des bains aussi beaux que spacieux, dont l'eau est chargée de diffférentes substances, soit pour la cure des maladies, soit pour amollir toute l'habitude du corps humain, lorsqu'il est trop desséché, et d'autres, pour donner du ton et de la force aux nerfs, aux viscères, en un mot, à toute la substance du corps, soit solide, soit fluide. [37] Nous avons de plus des jardins et des vergers aussi spacieux que diversifiés par leurs productions; diversité qui a moins pour objet la beauté du spectacle et l'agrément de la promenade, que d'observer les différentes qualités que le sol peut avoir ou acquérir, et qui le rendent propre pour produire différentes espèces d'arbres ou de plantes. Nous en avons d'autres, plantés d'arbres et d'arbrisseaux, (y compris des vignes) dont les fruits ou les baies nous servent à composer différents genres de boissons. C'est là que nous tentons toutes les espèces possibles de greffes en fentes, en écusson, par approche, etc. expériences qui ont souvent des résultats aussi utiles que curieux. Nous possédons aussi des moyens pour rendre les fleurs et les fruits de ces plantes, de ces arbres, ou de ces arbrisseaux, plus précoces, ou plus tardifs; mais surtout pour accélérer la germination, l'accroissement, la floraison et la fructification des végétaux. Nous avons des procédés pour obtenir des fruits plus gros ou d'un goût plus agréable, ou, en général, d'une saveur, d'une odeur, d'une couleur, ou d'une figure différente de celles qu'ils ont ordinairement. Il en est que nous modifions de manière à leur donner des propriétés médicales. Nous avons encore des méthodes pour produire différentes espèces de plantes, sans être obligé de les semer, et par la seule combinaison de terres de différentes espèces. Nous en avons aussi pour produire des plantes nouvelles, et tout-à-fait différentes des espèces connues. Enfin, nous parvenons a transformer les arbres ou les plantes d'une espèce, en végétaux d'une autre espèce. [38] Nous avons aussi des parcs et des clos où nous faisons nourrir des animaux terrestres et des oiseaux de toute espèce. Or, si nous les nourrissons, ce n'est pas à titre de rareté, et simplement pour satisfaire une vaine curiosité; mais afin de ne pas manquer de sujets pour l'anatomie comparée. Car nous ne hasardons aucune opération sur le corps humain, sans en avoir fait et réitéré fréquemment l'essai sur ceux des animaux; expériences qui nous présentent quelquefois des résultats fort extraordinaires; par exemple, nous voyons des animaux qui continuent de vivre, quoique même après la destruction ou l'amputation de telle de leurs parties que vous regardez comme essentielle à la vie; et d'autres que nous rappelons à la vie, quoiqu'ils soient dans un état où vous les jugeriez tout-à-fait morts, etc. Nous faisons aussi sur les animaux, l'essai de différentes espèces de poisons, comme nous faisons sur eux l'essai des opérations chirurgicales, ou des remèdes propres à la médecine. Nous parvenons quelquefois, par le moyen de l'art, à leur donner une taille plus grande, et surtout plus haute que celle qu'ils ont ordinairement, et quelquefois aussi arrêtant l'accroissement des animaux, nous les réduisons à une taille extrêmement petite, et nous en faisons des espèces de nains. Nous rendons les uns plus féconds qu'ils ne le sont naturellement, et les autres moins féconds, ou même tout-a-fait stériles. Nous savons produire les variétés les plus singulières dans leur couleur, leur figure, leur tempérament, leur folie, leur activité, etc. en faisant accoupler des individus d'espèces différentes, et croisant ces espèces en mille manières. Nous en produisons de nouvelles dont les individus ne sont pas inféconds, comme on croit parmi vous qu'ils doivent l'être. Nous faisons naître de la seule putréfaction, des serpents, des vers, des mouches et des poissons d'une infinité d'espèces différentes, et parmi les individus ainsi engendrés, quelques-uns sont des animaux parfaits, ayant un sexe très distinct et la faculté de se multiplier par voie d'accouplement. Or, tous ces résultats, ce n'est point par hasard que nous les obtenons, mais nous savons d'avance quel sera le produit de nos opérations, nous pouvons dire avec certitude, qu'en combinant ensemble telles espèces de matière et par tel procédé, nous produirons telle espèce d'animal. [39] Nous avons aussi des pièces d'eau particulières où nous faisons sur les poissons des épreuves semblables à ces expériences sur les animaux terrestres et sur les oiseaux. [40] Nous avons encore des lieux consacrés à la génération de ces sortes de vers ou de mouches qui sont d'une utilité spéciale, et connue, tels que vos vers à soie ou vos abeilles.