[2,0] LIVRE II - CHAPITRE PREMIER. [2,1] 1 (498a) Entre les parties dont les animaux sont formés, les unes leur sont communes à tous, ainsi qu'on vient de le voir un peu plus haut ; d'autres appartiennent exclusivement à certaines espèces. Elles se ressemblent, ou elles diffèrent, sous les rapports que nous avons signalés déjà tant de fois. C'est que les animaux dont le genre est autre, ont presque tous aussi la plupart de leurs parties spécifiquement différentes. Tantôt la différence de ces parties ne disparaît que dans une mesure proportionnelle; tantôt elle porte sur le genre même. Parfois aussi, les parties sont identiques en genre; mais elles sont tout autres par leur forme. Beaucoup de parties fonctionnent chez certains animaux, et manquent chez certains autres. 2 C'est ainsi que les quadrupèdes vivipares ont une tête et un cou, avec toutes les parties dont la tête se compose; mais chaque partie a des formes différentes chez chacun d'eux. Le lion, par exemple, n'a qu'un seul os dans le cou, sans vertèbres. Si on l'ouvre, on peut voir que toutes ses parties intérieures sont pareilles à celles du chien. 3 Les quadrupèdes vivipares ont, au lieu de bras, des pattes de devant ; et tous les quadrupèdes qui ont des fentes dans ces parties, les ont surtout analogues à nos mains; et dans bien des cas, ils s'en servent comme de mains véritables. Les parties gauches sont dans ces animaux moins dégagées que chez l'homme. 4 Il faut toutefois excepter l'éléphant, qui a les doigts de pieds beaucoup moins séparés, et dont les jambes de devant sont beaucoup plus longues que celles de derrière. Il a d'ailleurs cinq doigts ; et à ses jambes de derrière, il a de petites chevilles. Sa trompe est faite de telle sorte, et elle a une telle dimension, qu'il peut s'en servir comme nous le faisons de nos mains. Il boit et il mange à l'aide de cette trompe, en portant les aliments à sa bouche ; il peut aussi avec elle élever les objets jusqu'à son cornac, placé en haut; il s'en sert pour arracher des arbres; et quand il marche dans l'eau, c'est par elle qu'il respire. Sa trompe se courbe par le bout; mais elle n'a pas d'articulations, parce qu'elle est cartilagineuse. 5 De tous les animaux, l'homme est le seul qui puisse se servir également des deux mains. Tous les animaux ont une partie qui correspond à la poitrine chez l'homme ; mais cette partie n'est pas semblable, en ce que, dans l'homme, la poitrine est large, et que chez eux elle est étroite. Aucun animal non plus n'a de mamelles sur le devant de la poitrine; l'homme seul a cette conformation. L'éléphant a (498b) bien aussi deux mamelles ; mais il ne les a pas sur la poitrine ; il les a à côté. 6 Les flexions des membres, soit de devant, soit de derrière, sont dans les animaux tout à la fois opposées entre elles et opposées à ce qu'elles sont dans l'homme. Il n'y a que l'éléphant qui fasse exception ; car lui seul excepté, les quadrupèdes vivipares fléchissent en avant les membres de devant, et en arrière ceux de derrière, de manière que les creux arrondis de la flexion soient tournés les uns vers les autres. Il n'en est pas ainsi chez l'éléphant, comme on l'a prétendu quelquefois ; il s'assoit, et il plie les jambes ; mais comme le poids de son corps ne lui permet pas de s'infléchir sur les deux à la fois, il se couche, ou sur la gauche, ou sur la droite ; et il dort dans cette posture. Il fléchit d'ailleurs les jambes de derrière de la même façon que l'homme. 7 Dans les quadrupèdes ovipares, tels que le crocodile, le lézard et dans tous les autres animaux de cette espèce, les deux jambes, celles de devant aussi bien que celles de derrière, s'infléchissent en avant, en inclinant légèrement de côté. Il en est de même chez tous les animaux qui ont plus de quatre pieds; seulement, les jambes intermédiaires entre les extrêmes ont toujours des directions moyennes ; et la flexion se fait plutôt un peu de côté. 8 L'homme a les deux articulations des membres faites sur le même plan ; mais elles sont en sens contraires; il plie les bras en arrière, et la partie intérieure biaise un peu de côté, tandis que les jambes fléchissent en avant. 9 Il n'y a pas un seul animal qui fléchisse en arrière à la fois les membres de devant et les membres postérieurs. Dans tous sans exception, la flexion de l'épaule se fait en sens contraire de celle des coudes et des parties de devant, de même que la flexion de la cuisse sur la hanche est opposée à celle du genou; en telle sorte que, si l'homme a une flexion contraire à celle des autres animaux, ceux qui ont aussi ces membres les fléchissent en sens contraire de l'homme. 10 Les flexions dans (499a) l'oiseau se rapprochent de ce qu'elles sont dans les quadrupèdes ; car avec ses deux pieds, l'oiseau fléchit les pattes en arrière ; et à la place des bras et des jambes, il a des ailes, dont la flexion se fait en avant. 11 Le phoque est une sorte de quadrupède tronqué. Il a des pieds qui tiennent directement à l'omoplate, et ces pieds sont tout comme des mains, de même que les pieds de l'ours ressemblent aussi à des mains. Les pieds du phoque ont cinq doigts, et chaque doigt a trois flexions et un ongle assez petit. Les pieds de derrière sont également à cinq doigts ; leurs flexions et leurs ongles sont pareils à ceux de devant ; mais quant à la forme, ils se rapprochent beaucoup de la queue des poissons. 12 Les quadrupèdes et les animaux qui ont plus de quatre pieds se meuvent toujours en diamètre ; et c'est ainsi qu'ils maintiennent leur équilibre. C'est par les parties droites que la marche commence. Le lion et les deux espèces de chameau de Bactriane et d'Arabie avancent membre à membre ; par avancer membre à membre, j'entends que le membre droit ne va pas au-delà du gauche, mais le suit toujours. [2,2] CHAPITRE II. 1 Toutes les parties qui chez l'homme sont par devant se trouvent chez les quadrupèdes en bas, et sous le corps; et les parties qui chez l'homme sont par derrière se trouvent en haut chez les quadrupèdes. Pour la plupart, ils ont une queue; et le phoque lui-même en a une toute petite, qui ressemble à celle du cerf. Pour les animaux de l'espèce du singe, nous en parlerons plus loin en détail. 2 Il n'y a pas, pour ainsi dire, de quadrupèdes vivipares qui ne soient velus; mais ils ne le sont pas à la manière de l'homme, qui n'a de poils qu'en petit nombre et très courts, si ce n'est à la tête, qui est chez lui plus poilue que chez aucun autre animal. 3 Tous ceux des autres animaux qui ont des poils ont les parties supérieures du corps plus velues; et les parties de dessous sont, ou tout à fait nues, ou moins garnies. Chez l'homme, c'est tout le contraire. 4 L'homme a également des cils aux deux paupières ; il a des poils aux aisselles et au pubis. Les autres animaux n'ont pas de poils à ces deux dernières parties, non plus que des cils à la paupière d'en bas, si ce n'est que, chez quelques-uns, il y a quelques poils très-rares au-dessous de cette paupière. 5 Les quadrupèdes pourvus de poils ont tantôt le corps tout entier velu, comme le porc, l'ours, le chien ; tantôt c'est le col qui l'est davantage dans tout son contour, quand ils ont une crinière, comme le lion. D'autres sont plus velus seulement sur le haut du col, à partir de la tête jusqu'en bas des épaules, comme tous ceux qui ont un toupet, par exemple le cheval et le mulet, et le bonase, parmi les animaux sauvages qui ont des cornes. 6 L'animal qu'on appelle le cheval-cerf a une crinière sur le haut des épaules, ainsi que la bête fauve nommée le Pardion. Du reste, la crinière de l'un et de l'autre est fort légère, depuis la tête jusqu'à la naissance des épaules; une particularité du cheval-cerf, c'est la barbiche qu'il porte (499b) à la gorge. Tous deux portent des cornes, et ils ont le pied fendu en deux. Dans l'espèce du cheval-cerf, la femelle manque de cornes. La grosseur de cet animal se rapproche beaucoup de celle du cerf. On le trouve dans l'Arachosie, où se trouvent également des bœufs sauvages. 7 La différence du bœuf sauvage au bœuf domestique est à peu près celle du sanglier au porc. Le bœuf sauvage est noir; il parait très fort ; et son museau est recourbé. Ses cornes sont plus renversées. Les cornes des chevaux-cerfs ressemblent assez à celles de la gazelle. 8 L'éléphant est entre tous les quadrupèdes celui qui est le moins velu. La queue dans les animaux est d'ailleurs velue ou dénudée, selon que le corps est l'un des deux, du moins chez ceux dont la queue est assez forte ; car il y en a qui l'ont d'une petitesse excessive. 9 Une conformation qui appartient exclusivement au chameau entre tous les quadrupèdes, c'est ce qu'on appelle la bosse, qu'il a sur le dos. Les chameaux de Bactriane diffèrent de ceux d'Arabie, en ce que les premiers ont deux bosses, tandis que les autres n'en ont qu'une. D'ailleurs, les chameaux ont en bas une autre bosse toute pareille à celle du haut, et ils y appuient tout le corps, quand ils fléchissent les genoux. 10 La chamelle a quatre mamelles, comme la vache. La queue du chameau ressemble à celle de l'âne ; et sa verge est dirigée en arrière. Il n'a qu'un seul genou à chaque jambe; et il n'a pas plusieurs flexions, comme on le prétend quelquefois; mais on dirait qu'il en a plusieurs, à cause du développement du ventre. Il a un osselet pareil à celui du bœuf; mais cet osselet est grêle et petit comparativement à la grandeur de la bête. 11 Le chameau a le pied fourchu, et il n'a pas une double rangée de dents. Le pied est fourchu comme il suit; à partir de derrière, il est peu fendu jusqu'à la seconde flexion des doigts ; mais en avant, il est fendu en quatre, à son bout, à peu près jusqu'à la première flexion des doigts. Il y a même entre les fentes une sorte de membrane pareille à celle des oies. Le dessous du pied est charnu comme dans les ours; et aussi, quand les chameaux qu'on emploie à la guerre viennent à avoir les pieds malades, on leur met des chaussures de cuir. 12 Tous les quadrupèdes ont des pattes osseuses, pleines de muscles et dépourvues de chair. En général, c'est la conformation de tous les animaux (500a) qui ont des pieds; l'homme seul fait exception. Les quadrupèdes n'ont pas de fesses ; et c'est aussi ce qu'on peut observer encore plus nettement chez les oiseaux. Chez l'homme, c'est tout le contraire. Ses fesses, ses cuisses, ses jambes sont, dans son corps entier, ce qu'il y a de plus charnu; et ses mollets, par exemple, sont, dans ses jambes, des parties bien en chair. 13 Les quadrupèdes, qui ont du sang et qui sont vivipares, ont tantôt les extrémités à plusieurs divisions, comme les mains et les pieds dans l'homme. Quelques-uns, en effet, ont plusieurs doigts, comme le lion, le chien, la panthère. D'autres n'ont que deux divisions ; et au lieu d'ongles, ont des pinces, comme le mouton, la chèvre, le cerf et l'hippopotame. Il en est d'autres qui n'ont pas de divisions, comme les solipèdes, parmi lesquels on peut citer le cheval et le mulet. Le porc a les deux conformations; car il y a aussi dans l'Illyrie, dans la Péonie et ailleurs, des porcs qui sont solipèdes. Les animaux à deux pinces, ou sabots, ont deux divisions en arrière. Dans les solipèdes, cette partie est continue. 14 On peut encore remarquer que certains animaux ont des cornes, et que les autres n'en ont pas. La plupart de ceux qui sont pourvus de cornes ont naturellement deux pinces, comme le bœuf, le cerf et la chèvre ; nous n'avons jamais vu de solipède qui eût deux cornes. Il y en a très peu qui aient à la fois une seule corne et un seul sabot, comme l'âne indien. L'oryx n'a qu'une corne, et il a une double pince. L'âne-indien est le seul parmi les solipèdes à avoir un osselet. Le porc, comme on vient de le dire, présente les deux conformations ; et c'est là sans doute ce qui fait que son osselet n'est pas régulier. 15 Les animaux à pied fourchu ont la plupart un osselet. On n'a pas encore vu d'animal digité qui eût un osselet de ce genre ; l'homme même n'en a pas. Le lynx a quelque chose qui donne l'idée d'un demi-osselet; et dans le lion, l'osselet, du moins tel qu'on le représente, se perd dans une sorte de labyrinthe. 16 Tous les animaux qui ont un osselet, l'ont dans les membres de derrière. L'osselet est placé tout droit dans l'articulation, la partie supérieure en dehors, et la partie inférieure en dedans. Les parties de l'os sont tournées en dedans, les unes vers les autres; celles qu'on appelle de Chios, sont tournées en dehors, et les antennes, tournées en haut. Dans tout animal qui a un osselet, l'osselet est posé de la façon qu'on vient de décrire. 17 Il y a des animaux qui ont tout à la fois le pied fourchu, une crinière, et deux cornes, qui sont recourbées (500b) l'une vers l'autre. C'est le cas du bonase, qui se trouve en Péonie et en Médique. 18 Tous les animaux qui portent des cornes sont des quadrupèdes, si ce n'est quelques animaux auxquels on attribue des cornes, par métaphore et par manière de parler, comme ces serpents des environs de Thèbes que citent les Égyptiens, et qui n'ont qu'un renflement à peine suffisant pour qu'on puisse le noter.19 Parmi les animaux qui ont des cornes, le cerf est le seul qui les a solides et pleines dans toute leur étendue; chez les autres animaux, les cornes sont creuses jusqu'à une certaine hauteur; et l'extrémité seule est pleine et solide. Le creux semble plutôt provenir de la peau ; et la partie solide, qui s'arrange autour du creux, semble provenir de l'os; telles sont les cornes des bœufs. 20 Le cerf est le seul animal qui perde son bois chaque année, à partir de deux ans, et qui le reproduise. Les autres animaux conservent toujours leurs cornes, dont ils ne sont privés que par quelque violent accident. [2,3] CHAPITRE III. 1 Il y a encore bien des différences qui séparent le reste des animaux, soit entre eux, soit de l'homme, en ce qui touche les mamelles et les organes destinés à la fonction de l'accouplement. Certains animaux ont des mamelles posées en avant sur la poitrine, ou près de la poitrine. Ils ont alors deux mamelles et deux mamelons, comme on le voit dans l'homme et dans l'éléphant, ainsi qu'on l'a dit plus haut. 2 Ce dernier animal a les deux mamelles presque sous les aisselles; la femelle les a extrêmement petites; et l'exiguïté de ces mamelles, très peu proportionnées au volume de son corps, fait qu'on ne les voit pas du tout quand c'est de côté qu'on les regarde. Les mâles ont des mamelles, comme les femelles en ont; et chez eux, elles ne sont pas moins petites. L'ours en a quatre. 3 Il y a des animaux qui, ayant deux mamelles, les ont entre les cuisses, et qui ont deux mamelons ou tétins, comme la brebis. D'autres animaux ont quatre tétins, comme la vache. D'autres encore n'ont les mamelles, ni sur la poitrine, ni sur les cuisses, mais sur le ventre, comme la chienne et la truie, qui ont un grand nombre de mamelles, lesquelles ne sont pas toutes égales. 4 Bien des animaux ont plus de quatre mamelles; mais la panthère n'en a que quatre, qui sont placées sur le ventre. La lionne n'en a que deux, posées sur le ventre aussi. La chamelle a deux mamelles et quatre mamelons, ainsi que les a la vache. Dans les solipèdes, les mâles n'ont pas de mamelles, si ce n'est quelques individus qui ressemblent à leur mère. C'est ce qui arrive quelquefois chez les chevaux. 5 Les organes honteux sont, chez les mâles, tantôt extérieurs, comme dans l'homme, le cheval, et une foule d'autres; tantôt intérieurs, comme dans (501a) le dauphin. Ceux qui ont ces organes au dehors, tantôt les ont dirigés en avant, comme les animaux qu'on vient de nommer; et parmi eux, les uns ont ces organes, le membre et les testicules, dégagés ainsi qu'ils le sont chez l'homme; les autres ont les testicules et la verge attachés au ventre. Tantôt ces organes sont plus détachés, tantôt ils le sont moins ; car ils ne sont pas également détachés dans le sanglier et dans le cheval. 6 La verge de l'éléphant ressemble à celle du cheval; mais elle est petite, et n'est pas en proportion avec le volume de son corps. Ses testicules ne sont pas apparents extérieurement; mais ils sont à l'intérieur près des reins ; et c'est là ce qui fait que son accouplement est si rapide. La femelle de l'éléphant a le vagin placé comme le sont les mamelles dans la brebis ; quand elle désire l'accouplement, elle relève son vagin en haut et le tourne vers le dehors, afin que l'accouplement soit plus facile pour le mâle. Dans l'état ordinaire, ce vagin ne s'ouvre qu'assez peu. 7 Telle est donc la disposition des organes de la génération chez la plupart des animaux. Il y a des animaux qui urinent par derrière, comme le lynx, le lion, le chameau et le lièvre, les mâles offrant d'ailleurs pas mal de variétés entre eux, ainsi qu'on l'a dit. Mais toutes les femelles urinent en arrière ; et la femelle de l'éléphant, tout en ayant l'organe sous les cuisses, urine absolument comme les autres. 8 Les organes de la génération présentent de nombreuses variétés. Tantôt la verge est cartilagineuse et charnue, comme chez l'homme. La partie charnue ne se gonfle pas; mais le cartilage se développe. Parfois l'organe est nerveux comme dans le chameau et le cerf; parfois il est osseux, comme dans le renard, le loup, le putois et la belette, qui a aussi un os dans la verge. 9 Outre ces observations, il faut ajouter que l'homme parvenu à tout son développement a les parties supérieures du corps plus petites que celles du bas. Nous entendons par le haut tout ce qui, à partir de la tête, s'étend jusqu'à cette partie où a lieu la sortie des excrétions ; par le bas, nous entendons le reste du corps, à partir de là. Dans les animaux pourvus de pieds, les membres postérieurs sont le bas relativement à la dimension générale du corps; dans ceux qui n'ont pas de pieds, le bas c'est la queue et ce qui y correspond. 10 C'est là du reste la conformation des animaux arrivés à toute leur croissance ; mais pendant qu'ils grandissent, (501b) c'est tout différent. Ainsi, l'homme a, dans son enfance, le haut du corps plus grand que le bas; mais c'est le contraire quand il a atteint toute sa taille. Voilà comment il est le seul animal qui n'ait pas la même manière de marcher dans son premier âge et à sa maturité. Dans son enfance, il rampe d'abord en se traînant à quatre pattes. 11 Dans d'autres animaux, le développement se fait proportionnellement, comme dans le chien. D'autres, au contraire, ont d'abord les parties supérieures plus petites, et celles d'en bas plus fortes. Avec la croissance, ce sont parfois les parties d'en haut qui deviennent plus grandes, comme chez les animaux qui ont une queue en panache ; mais ensuite aucun ne grandit dans la partie comprise depuis le sabot jusqu'à la hanche. 12 Les dents n'offrent pas moins de différences dans les animaux, soit par rapport les uns aux autres, soit avec l'homme. Tous les quadrupèdes, qui ont du sang et qui sont vivipares, ont des dents. Mais une première différence, e'est que, si les uns ont le même nombre de dents aux deux mâchoires, les autres n'en ont pas le même nombre. Ainsi, tous les animaux à cornes n'ont pas aux deux mâchoires un nombre égal de dents ; car ils n'ont pas de dents de devant à la mâchoire supérieure. Il y a aussi des animaux sans cornes qui n'ont pas les mâchoires pareilles ; tel est le chameau. Il y en a qui ont les dents saillantes, comme le sanglier; d'autres ne les ont pas en saillie. 13 Certains animaux ont des dents carnassières, comme le lion, la panthère, le chien; d'autres ont des dents qui n'alternent pas, comme le cheval et le bœuf. Les animaux à dents carnassières sont ceux dont les dents aiguës sont alternées.14 Il n'est pas d'animal qui ait tout à la fois des dents saillantes et des cornes ; et aucun de ceux qui ont des dents carnassières n'a aucun de ces deux organes, ni cornes, ni dents en saillie. Dans la plupart des animaux, ce sont les dents de devant qui sont aiguës ; celles du dedans sont larges. Le phoque a toutes ses dents carnassières, sans doute à cause de sa ressemblance avec les poissons, qui presque tous ont les dents en scie et carnassières. 15 Aucune de ces deux espèces n'a une double rangée de dents. Cependant, à en croire Ctésias, il y en aurait une; car il prétend que, dans les Indes, il y a un animal sauvage, nommé Martichore, pourvu de trois rangées de dents aux deux mâchoires. IL est à peu près de la grosseur du lion ; il est aussi velu, et ses pieds sont semblables. Il a un visage et des oreilles dans le genre de l'homme; ses yeux sont bleus, et sa couleur est d'un rouge de cinabre ; sa queue est comme celle du scorpion de terre; elle a un aiguillon, et il lance, assure-t-on, des pointes comme des flèches. Il a une sorte de voix qui tient de la flûte et de la trompette. Sa course est rapide au moins autant que celle des cerfs ; il est féroce, et il dévore les hommes. 16 (502a) L'homme perd ses dents comme les perdent aussi d'autres animaux, par exemple, le cheval, le mulet, l'âne. L'homme perd ses dents de devant; mais il n'y a pas un seul animal qui perde ses molaires. Le porc ne perd jamais aucune de ses dents. Pour les chiens, la question fait doute. Les uns croient que le chien ne perd jamais une seule de ses premières dents ; d'autres assurent qu'il ne perd que les canines. Nous avons observé qu'il les perd absolument comme nous ; seulement, on ne s'en aperçoit pas, parce qu'il ne les perd point avant que d'autres toutes pareilles ne soient poussées à leur place. 17 Il est bien probable que c'est ce qui se passe aussi dans les bêtes sauvages ; et l'on dit d'elles également qu'elles ne perdent que leurs canines. C'est aux dents qu'on peut reconnaître si les chiens sont jeunes ou âgés. Chez les jeunes, les dents sont blanches et pointues; chez les vieux chiens, elles sont noires et émoussées. Dans le cheval, c'est tout le contraire de ce qu'on voit dans le reste des animaux ; en vieillissant tous les animaux ont les dents plus noires ; le cheval seul les a plus blanches. 18 Les dents qu'on appelle canines séparent les incisives des molaires, et elles ont une forme qui tient des unes et des autres ; elles sont larges par le bas, et elles sont pointues par le haut. 19 Les mâles ont plus de dents que les femelles, aussi bien chez l'homme que dans les moutons, les chèvres et les porcs. On n'a pas pu encore faire de ces observations sur les autres animaux. Ceux qui ont un plus grand nombre de dents sont en général aussi d'une existence plus longue, de même que ceux qui ont moins de dents et des dents plus écartées vivent moins longtemps. 20 Les molaires qu'on appelle crantères ne poussent dans l'homme que les dernières, d'ordinaire vers vingt ans, pour les hommes et pour les femmes également. On a déjà vu quelques femmes à qui des molaires ont poussé à l'âge de quatre-vingts ans; mais cette pousse était très douloureuse. On l'a vue aussi chez des hommes ; mais ce phénomène ne se produit que quand, dans sa jeunesse, on n'a point eu de crantères. 21 L'éléphant a quatre dents de chaque côté ; elles lui servent à broyer sa nourriture, qu'il réduit en une sorte de farine. Outre ces quatre dents, il a encore les deux grandes qu'on connaît. Le mâle a ces deux dents fortes et relevées ; dans la femelle, elles sont petites, et tournées (502b) en sens contraire de celles du mâle, puisqu'elles regardent en bas. C'est dès le moment même de la naissance que l'éléphant a des dents ; mais tout d'abord, les grandes ne sont pas apparentes. Sa langue est très petite, et renfoncée de telle sorte qu'on a quelque peine à la voir. [2,4] CHAPITRE IV. 1 La bouche des animaux présente aussi bien des différences de grandeur. Chez les uns, elle est très fendue, comme celle du lion, du chien et de tous les animaux à dents en scie ; d'autres ont la bouche petite, comme l'homme; d'autres enfin ont une bouche moyenne, comme l'espèce porcine. 2 Le cheval de rivière, l'Hippopotame d'Egypte, a une crinière comme le cheval; il a le pied fendu, comme le bœuf ; son mufle est recourbé ; il a aussi un osselet, comme les animaux à pied fendu, et des dents saillantes, qui paraissent à peine. Il a la queue du porc et la voix du cheval. Sa grandeur se rapproche de celle de l'âne, et son cuir est tellement épais qu'on peut en faire des dards. Ses organes intérieurs ressemblent à ceux du cheval et de l'âne. [2,5] CHAPITRE V. 1 Certains animaux ont une nature qui tient tout à la fois de celle de l'homme et de celle des quadrupèdes; ce sont les singes, les cèbes et les baboins, ou cynocéphales. Le cèbe n'est qu'un singe pourvu d'une queue. Les baboins ont la même forme que les singes, si ce n'est qu'ils sont plus grands et plus forts; et que leur face ressemble davantage à celle du chien. Leur caractère est plus sauvage ; et leurs dents, qui sont plus rapprochées des dents de chien, sont aussi plus fortes. 2 Les singes sont velus dans les parties supérieures, parce qu'ils sont des quadrupèdes ; et les parties de dessous le sont également, parce qu'ils ressemblent à l'homme. Ainsi qu'on l'a dit un peu plus haut, les choses sont chez l'homme tout le contraire en ceci de ce qu'elles sont dans les animaux. Seulement, le poil des singes est très fourni ; et ils sont très velus des deux côtés, dessus et dessous. 3 Leur face a beaucoup d'analogie avec le visage humain; leur nez, leurs oreilles, leurs dents, se rapprochent beaucoup de celles de l'homme, tant pour les dents de devant que pour les molaires. Tandis que le reste des quadrupèdes n'ont pas de cils aux deux paupières, le singe en a; mais ces cils sont fort rares, surtout ceux d'en bas, et excessivement courts. Les autres quadrupèdes n'en ont pas du tout. 4 Le singe a comme l'homme deux mamelons pour de petites mamelles. Ainsi que l'homme, il a des bras; seulement, ils sont velus; (503a) il les fléchit, ainsi que les jambes, tout à fait à la façon de l'homme, c'est-à-dire que les concavités formées par les membres fléchis sont en sens opposé. 5 De plus, il a des mains, des doigts et des ongles pareils à ceux de l'homme, si ce n'est que, dans le singe, toutes les parties ont quelque chose de bien plus bestial. Les pieds du singe sont très particuliers; ce sont comme de larges mains. 6 Les doigts du pied sont comme ceux des mains; mais le moyen doigt est très long. Le dessous du pied ressemble à celui de la main, si ce n'est que, dans sa largeur, le dessous de leur main vers son extrémité est une plante de pied. A son bout, cette partie est plus dure, et elle imite assez mal et très imparfaitement un talon. 7 Le singe se sert de ses pieds de deux façons, et comme mains et comme pieds ; et il les fléchit comme des mains. Il a le bras et la cuisse très courts par rapport à l'avant-bras et à la jambe. Il n'a pas de nombril apparent au dehors; mais la partie qui correspond à l'ombilic a quelque chose de dur. 8 Comme les quadrupèdes, il a les parties supérieures du corps beaucoup plus grandes que les parties d'en bas, dans le rapport à peu près de cinq à trois. A cette première cause, il faut ajouter que ses pieds ressemblent à des mains, et qu'il sont comme un composé de main et de pied : de pied, parce qu'ils ont l'extrémité d'un talon; de main, par toutes les autres parties, parce que les doigts ont ce qu'on peut appeler une paume. De tout cela, il résulte que le singe se tient bien plus souvent à quatre pattes que tout droit. 9 En tant que quadrupède, il n'a point de fesses; en tant que bipède, il n'a point de queue, si ce n'est une queue très petite, qui n'est qu'un semblant de queue. La femelle a le vagin pareil à celui de la femme, et la verge du mâle se rapproche plus de la verge du chien que de celle de l'homme. Les singes appelés Cèbes ont une queue, ainsi qu'on l'a dit plus haut. Quant aux parties intérieures, les singes et tous les animaux du même genre les ont distribuées comme elles le sont chez l'homme. 10 Voilà donc la disposition des organes extérieurs chez les vivipares. [2,6] CHAPITRE VI. 1 Les quadrupèdes qui sont ovipares et qui ont du sang, et l'on sait qu'il n'y a pas d'animal de terre ovipare et ayant du sang, qui ne soit ou quadrupède ou privé de pieds, les quadrupèdes ovipares, dis-je, ont une tête, un cou, un dos, le dessus du corps et le dessous, enfin des membres de devant et de derrière, et une partie répondant à la poitrine, absolument comme les quadrupèdes vivipares. En général, ils ont une queue plus grande; d'autres l'ont plus petite. Tous les animaux de cet ordre ont plusieurs doigts, et le pied fendu. 2 Tous aussi ont les organes des sens et une langue, (503b) à l'exception du crocodile d'Egypte. Le crocodile est organisé comme certains poissons; car en général les poissons ont une langue qui ressemble à une arête, et qui n'est pas détachée. Quelques-uns ont cette place tout à fait lisse et sans aucune articulation apparente, à moins qu'on n'ouvre fortement la bouche de la bête. 3 Aucun animal de ce genre n'a d'oreilles; ils n'ont tous que le conduit auditif. Ils n'ont ni mamelles, ni organe génital, ni testicules extérieurs ei visibles : ils les ont intérieurement. De plus, ils ont tous des dents carnassières et des écailles, sans avoir jamais de poils. 4 Les crocodiles de rivière ont des yeux de cochon, des dents très grosses, des défenses, des ongles très forts, et la peau impénétrable et écailleuse. Ils voient mal dans l'eau : mais hors de l'eau, ils ont une vue des plus perçantes. Aussi les crocodiles vivent-ils le plus souvent sur terre pendant le jour; mais la nuit, ils séjournent dans l'eau, qui est alors plus chaude que le plein air. [2,7] CHAPITRE VII. 1 Le chaméléon a, dans tout son corps, la forme d'un lézard ; mais les côtes descendent en bas, pour se rejoindre au-dessous du ventre, comme dans les poissons. Son dos se relève aussi tout à fait comme le leur. Sa face ressemble beaucoup à celle du singe-cochon. Il a une queue fort longue, qui finit en pointe, et qui ordinairement est enroulée, comme on le ferait d'une lanière. 2 Il est plus haut que les lézards par sa distance du sol; et il fléchit ses pattes comme le font les lézards. Chacune de ses pattes est divisée en deux parties, qui sont posées l'une par rapport à l'autre, comme le pouce, qui chez nous est opposé au reste de la main ; chacune de ces parties se subdivise à son tour, sans aller bien loin, en plusieurs doigts. 3 Aux pieds de devant, la partie tournée vers l'animal a trois divisions ; la partie extérieure en a deux. Aux pieds de derrière, c'est la partie tournée vers l'animal qui en a deux, et la partie tournée vers le dehors qui en a trois. Sur ces doigts, il a de petits ongles pareils à ceux des oiseaux pourvus de serres. Tout son corps est rugueux, comme celui du crocodile. 4 Le chaméléon a les yeux placés dans un renfoncement, très grands, ronds et entourés d'une peau pareille à celle du reste du corps. Au milieu de ces yeux, il y a un petit espace réservé pour la vision ; et c'est par là que l'animal peut voir, parce qu'il ne recouvre jamais cette partie de l'œil avec sa peau. Il peut faire rouler (504a) ses yeux comme en cercle ; et pouvant porter la vue dans tous les sens, c'est ainsi qu'il voit tout ce qu'il veut voir. 5 Les changements de couleur du chaméléon se produisent quand l'animal se gonfle. Il a parfois la couleur d'un noir assez rapproché du crocodile; parfois il a la couleur jaune d'un lézard, mêlée à du noir, comme dans la panthère. Ce changement singulier a lieu sur tout le corps; et les yeux, aussi bien que la queue, changent comme tout le reste. 6 Ses mouvements sont lents, comme ceux des tortues. Quand il meurt, il devient jaune; et cette couleur persiste après sa mort. L'estomac, ou œsophage, et la trachée-artère sont disposés comme dans les lézards. Il n'a de chair nulle part, si ce n'est près de la tête et des mâchoires, où il en a quelque peu, ainsi qu'au bout de l'appendice de sa queue. 7 II n'a de sang que vers le cœur, autour des yeux, dans la partie supérieure au cœur, et dans les petites veines qui sortent de ces parties ; et encore, elles n'en ont que très peu. Son cerveau est placé un peu plus haut que les yeux, auxquels il tient. Quand on enlève la peau extérieure des yeux, il y a un petit corps qui y est enveloppé, et qui y brille comme une sorte d'anneau d'airain bien poli. 8 Sur la presque totalité de son corps, s'étendent des membranes, nombreuses, fortes, et dépassant de beaucoup la force de celles qui recouvrent le reste du corps. Il respire encore d'un souffle vigoureux, longtemps après qu'on l'a coupé dans toutes ses parties ; il conserve alors un petit mouvement vers le cœur, et il contracte vivement les parties des flancs, tout en contractant aussi les autres parties du corps. 9 II n'a point de rate perceptible. Il hiverne dans des trous comme les lézards. [2,8] CHAPITRE VIII. 1 Les oiseaux ont quelques-unes de leurs parties semblables à celles des animaux dont on vient de parler. Tous, en effet, ils ont une tête, un cou, un dos, et des parties supérieures du corps, ainsi qu'une partie correspondant à la poitrine. Ils ont deux jambes, qui se rapprochent de celles de l'homme plus que dans aucun genre d'animaux. Seulement, l'oiseau les fléchit en arrière, comme les quadrupèdes, dont on a plus haut décrit les flexions. 2 Au lieu de mains et de pieds de devant, qu'il n'a pas, l'oiseau a des ailes, organisation qui lui est propre entre tous les animaux. Sa hanche pareille (504b) à une cuisse est longue, et elle s'avance jusque sous le milieu du ventre. Aussi, quand on la sépare, on dirait que c'est une cuisse, et que la véritable cuisse, placée entre la hanche et la patte, semble être quelque autre membre du corps. Parmi tous les oiseaux, ce sont ceux qui ont des serres dont les cuisses sont les plus grandes ; et la poitrine de ces oiseaux est plus forte que celle de tous les autres. 3 Tous les oiseaux ont plusieurs ongles, et l'on peut même dire que tous en quelque façon ont plusieurs divisions aux pattes. Chez la plupart, les doigts sont séparés. Ceux qui nagent ont des pieds palmés ; et leurs doigts, articulés et séparés nettement. Tous ceux d'entre eux qui volent haut sont pourvus de quatre doigts, dont en général trois sont en avant, et un est en arrière, à la place du talon. C'est un petit nombre d'oiseaux qui ont deux doigts en avant et deux en arrière, comme celui qu'on appelle Torcol. 4 Cet oiseau est un peu plus grand que le pinson ; son plumage est de plusieurs couleurs. Si ses doigts sont particuliers, sa langue ne l'est pas moins; elle ressemble à celle des serpents; il peut l'allonger hors du bec de quatre doigts; et il la fait rentrer ensuite dans le bec. Autre singularité : il tourne son cou en arrière, sans que le reste de son corps bouge en quoi que ce soit, comme le font les serpents. Il a de très grands ongles, qui ressemblent à ceux des geais ; sa voix est aigre et sifflante. 5 Les oiseaux ont bien une bouche ; mais chez eux, elle est toute particulière. Ils n'ont, en effet, ni lèvres, ni dents ; ils ont un bec. Ils n'ont pas non plus d'oreilles, ni de nez; mais ils ont les conduits de ces deux sens, de l'odorat dans le bec, et de l'ouïe dans la tête. 6 Comme tous les autres animaux, ils ont deux yeux, mais dépourvus de cils. Les oiseaux qui sont lourdement construits ferment l'œil par la paupière d'en bas ; mais tous peuvent aussi couvrir l'œil, en faisant avancer une peau, à partir de la caroncule. Les oiseaux de nuit, dans le genre de la chouette, ferment aussi l'œil par la paupière d'en haut. C'est là également ce que font les animaux à peau rugueuse, comme les sauriens, et les animaux qui sont de ce même genre. Tous ferment l'œil par la paupière d'en bas ; mais ils ne clignent pas tous à la manière des oiseaux. 7 Les oiseaux n'ont ni écailles, ni poils ; ils ont des plumes, et toutes leurs plumes ont un tuyau. Ils n'ont pas précisément de queue, mais un croupion, qui est petit dans les oiseaux qui ont de hautes pattes et des pieds palmés, et qui est grand chez ceux qui sont organisés d'une façon contraire. Ces derniers, quand ils volent, ont les pattes repliées sous le ventre; ceux qui ont le croupion petit volent avec les pattes allongées. 8 Tous les oiseaux ont une langue ; mais cette langue varie beaucoup. Les uns (505a) l'ont très longue; les autres, très courte. Après l'homme, ce sont quelques oiseaux en petit nombre qui prononcent le mieux le son des lettres; et parmi eux encore, ce sont surtout ceux dont la langue est large. Aucun animal ovipare n'a d'épiglotte recouvrant la trachée-artère ; mais ils contractent et ils dilatent le canal de telle façon qu'aucun corps de quelque poids ne puisse descendre dans le poumon. 9 Certaines espèces d'oiseaux ont aussi un ergot ; mais il n'en est pas une seule qui ait à la fois des ergots et des serres. Les oiseaux pourvus de serres sont les oiseaux à grand vol; les oiseaux à ergots sont ceux dont le vol est pesant. Certains oiseaux ont une crête, qui est formée par les plumes, qui se redressent. Le coq est le seul qui ait une crête toute spéciale ; car cette crête n'est ni tout à fait de la chair, ni très éloignée d'en être. [2,9] CHAPITRE IX. 1 Parmi les animaux qui vivent dans l'eau, les poissons forment un genre à part, qui est nettement déterminé et qui comprend de nombreuses espèces. Les poissons ont une tête; ils ont un dessus du corps et un dessous; c'est dans ce dernier lieu que sont placés l'estomac et les intestins. Par derrière, ils ont une queue, qui est le prolongement du corps et qui n'en est pas séparée. Cette queue d'ailleurs n'est pas pareille dans tous les poissons. 2 Le poisson n'a jamais de cou ; il n'a pas de membre proprement dit. Il n'a pas de testicules, ni en dedans, ni en dehors, non plus que de mamelles. Ce dernier organe d'ailleurs manque absolument dans tout animal qui n'est pas vivipare ; et même parmi les vivipares, tous n'ont pas de mamelles ; mais ceux-là seuls en ont qui produisent en eux-mêmes un petit, lequel est immédiatement vivant en eux, et qui ne produisent pas d'abord un œuf. 3 Ainsi le dauphin, qui est vivipare, a deux mamelles, non pas placées en haut, mais situées près des articulations. Ses mamelons ne sont pas apparents, comme dans les quadrupèdes; mais ce sont des espèces d'orifices, un de chaque côté sur les flancs ; c'est de ces orifices que sort le lait, tété par les petits, qui suivent leur mère. Le fait a été constaté par quelques personnes qui l'ont parfaitement vu. 4 Si les poissons, ainsi qu'on vient de le dire, n'ont ni mamelles, ni organe génital apparent, ils ont la particularité des branchies, par où ils rejettent l'eau qu'ils ont prise dans leur bouche, et aussi la particularité des nageoires. La plupart des poissons ont quatre nageoires ; ceux qui sont très allongés, comme l'anguille, n'en ont que deux près des branchies. C'est encore l'organisation des mulets de l'étang de Siphées, et également du poisson qu'on appelle le Taenia. 5 Quelques poissons allongés, comme la murène, n'ont pas de nageoires, non plus que de branchies, articulées comme dans les autres poissons. Parmi ceux qui sont pourvus de branchies, les uns ont des branchies (505b) recouvertes d'opercules; mais les sélaciens n'en ont jamais. Ceux qui ont des opercules ont les branchies placées sur le côté. Entre les sélaciens, ceux qui sont larges ont les branchies en bas, dans le dessous du corps, comme la torpille et le Batos ; les sélaciens qui sont très longs portent les branchies sur le côté, comme tous ceux qui sont du genre des chiens de mer. La grenouille marine les a sur le côté ; mais les branchies sont recouvertes non d'un opercule de genre épineux, comme dans les poissons qui ne sont pas des sélaciens, mais par un opercule analogue à la peau. 6 Dans les poissons qui ont des branchies, les uns les ont simples ; chez les autres, elles sont doubles. La dernière, qui touche le corps, est toujours simple. Les uns ont peu de branchies; les autres en ont beaucoup; mais tous en ont un nombre égal de chaque côté. Le poisson qui en a le nombre moindre en a toujours une de chaque côté ; et celle-là est double, comme dans le sanglier d'eau. 7 D'autres poissons ont deux ouïes de chaque côté, l'une simple et l'autre double, comme le congre et le scare. D'autres en ont jusqu'à quatre de chaque côté, qui sont simples, comme l'ellops ou esturgeon, le synagris, la murène et l'anguille. D'autres en ont quatre sur deux rangs, si ce n'est la dernière, comme la grive d'eau, la perche, le glanis et la carpe. Tout le genre des chiens de mer a des ouïes doubles, cinq de chaque côté. L'espadon en a huit, qui sont doubles. 8 Voilà ce qu'on peut dire pour le nombre des branchies dans les poissons. 9 La différence des branchies n'est pas la seule que les poissons présentent relativement aux autres animaux. Ainsi, ils n'ont pas de poils comme les vivipares terrestres ; ils n'ont pas d'écailles dans le genre de quelques quadrupèdes ovipares; ils ne sont pas non plus couverts de plumes comme les oiseaux. Mais pour la plupart, ils sont couverts de lames écailleuses; quelques-uns ont une peau rugueuse; enfin, c'est le plus petit nombre qui ont la peau lisse. Parmi les sélaciens, les uns sont rugueux; d'autres sont lisses, tels que les congres, les anguilles et les thons. 10 Tous les poissons, sauf le scare, ont les dents en scie. Tous aussi ont des dents pointues. Quelques-uns même en ont plusieurs rangs; ils en ont jusque sur la langue. Leur langue est dure et dans le genre des arêtes ; elle est tellement attachée qu'on pourrait croire quelquefois qu'ils n'en ont pas. La bouche est très fendue dans quelques-uns, comme elle l'est dans certains vivipares quadrupèdes. 11 Pour les divers sens, ils n'ont rien d'apparent, ni l'organe lui-même, ni les conduits, pas plus pour l'ouie que pour l'odorat. Mais tous ils ont des yeux, sans paupières, quoique ces yeux ne soient pas durs. 12 (506a) Le genre entier des poissons a du sang; les uns sont ovipares; les autres, vivipares. Tous les poissons à écailles sont ovipares; mais tous les sélaciens, à l'exception de la grenouille de mer, sont vivipares. [2,10] CHAPITRE X. 1 La dernière espèce des animaux qui ont du sang est celle des serpents; ils sont de terre et d'eau. La plupart vivent sur terre; c'est le plus petit nombre qui vivent dans l'eau et dans les eaux potables. Il y a aussi des serpents de mer, qui ressemblent aux serpents de terre, pour toutes les autres parties, si ce n'est la tête, qu'ils ont plutôt pareille à celle du congre. Il y a de nombreuses espèces de serpents marins; et leurs couleurs sont très variées; mais on ne les trouve pas dans les eaux profondes. Les serpents sont dépourvus de pieds, ainsi que les poissons. 2 Il y a aussi des scolopendres de mer, dont la forme et à peu près celle des scolopendres terrestres; seulement, elles sont un peu plus petites. Elles se trouvent dans les rochers. Leur couleur est plus rouge que celle des scolopendres de terre ; elles ont en outre plus de pattes, et ces pattes sont plus grêles. Non plus que les serpents de mer, elles ne se trouvent pas dans les eaux profondes. 3 Un petit poisson qui vit dans les rochers a reçu de quelques personnes le nom de Échénéïs, ou Rémora; on s'en sert parfois pour des conjurations, dans les procès, ou pour des philtres. Il n'est pas mangeable. On a prétendu parfois que ce poisson a des pieds; mais il n'en a pas; il semble seulement en avoir, parce que ses nageoires ressemblent à des pieds. 4 On a donc traité jusqu'à présent des parties extérieures des animaux qui ont du sang, du nombre de ces parties et de leur nature ; et l'on a exposé les différences que les animaux présentent entre eux à cet égard. [2,11] CHAPITRE XI. 1 Nous exposerons ce que sont les parties intérieures, en commençant par les animaux qui ont du sang; car ce qui distingue les grandes espèces d'animaux de toutes les autres, c'est que les uns ont du sang, et que les autres n'en ont pas. Les espèces qui en ont sont l'homme, les vivipares parmi les quadrupèdes, et aussi les quadrupèdes ovipares, l'oiseau, le poisson, les cétacés, et tels autres animaux qui n'ont pas de nom commun, attendu qu'ils ne forment pas un genre, mais seulement une espèce, qui ne s'applique qu'aux individus, tels que le serpent et le crocodile. 2 Ceci posé, il faut dire que tous les quadrupèdes vivipares ont un œsophage et une trachée-artère, qui sont placés chez eux comme ils le sont dans l'homme. La même disposition se voit dans les quadrupèdes ovipares et dans les oiseaux ; (506b) la seule différence consiste dans les formes de ces parties. 3 Tous les animaux qui, en recevant l'air, aspirent et expirent, ont un poumon, une trachée-artère et un œsophage. L'œsophage et la trachée ont la même position dans ces animaux; mais ces organes ne sont pas les mêmes dans tous. Ceux qui ont un poumon ne l'ont pas tous pareil, ni dans une position semblable. 4 Tout animal qui a du sang a aussi un cœur, et un diaphragme, qu'on appelle Phrénique. On ne distingue pas le cœur aussi bien dans les petits animaux, parce qu'il est mince et petit. Dans les bœufs, l'organisation du cœur a quelque chose de particulier; certaines races, si ce n'est toutes, ont un os dans le cœur; et le cœur des chevaux offre parfois cette singularité. 5 Parmi les animaux qui ont du sang, tous n'ont pas de poumon ; et c'est ainsi que le poisson n'en a pas, non plus que tous les autres animaux qui ont aussi des branchies. Tous ceux qui ont du sang ont un foie, de même qu'en général ces animaux ont une rate. Mais dans la plupart de ceux qui ne sont pas vivipares et qui sont ovipares, la rate est si petite qu'on ne peut presque pas l'apercevoir, non plus que dans la plupart des oiseaux, tels que le pigeon, le milan, l'épervier et la chouette. L'aegocéphale n'en a pas même du tout. 6 Il en est de même dans les quadrupèdes ovipares, qui ont tous une rate excessivement petite, comme la tortue, l'Émys ou tortue d'eau douce, le crapaud, le lézard, le crocodile et la grenouille. 7 Certains animaux ont du fiel dans une poche jointe au foie ; d'autres n'en ont pas. Parmi les vivipares en même temps quadrupèdes, le cerf n'en a pas, non plus que le daim, ni le cheval, le mulet, l'âne, le phoque et quelques espèces de porcs. Les biches qui ont reçu le nom d'Achaïnes ont, dit-on, du fiel sous la queue. Pourtant la matière dont on entend parler a bien, si l'on veut, la couleur du fiel; mais elle n'est pas aussi liquide; et sa portion extérieure ressemble assez à la rate. 8 Tous les cerfs ont dans la tête des vers vivants. Ces vers se produisent dans la cavité qui est au-dessous de la langue en bas, et encore près de la vertèbre, où se rattache la tête. Leur grosseur est celle des plus forts asticots ; ils sont pressés les uns contre les autres, et se tiennent entre eux, au nombre à peu près d'une vingtaine. 9 Ainsi qu'on vient de le dire, les cerfs n'ont pas de fiel; mais leurs intestins ont une telle amertume que même les chiens n'en veulent pas manger, si ce n'est (507a) quand le cerf est très gras. 10 Le foie de l'éléphant n'a pas non plus de fiel; mais si on le coupe, dans l'endroit précis où est attaché le fiel dans les animaux qui en ont, il en découle un liquide qui ressemble au fiel, et qui est plus ou moins abondant. 11 Parmi les animaux qui avalent l'eau de la mer et qui ont un poumon, le dauphin n'a pas de fiel ; mais les oiseaux et les poissons en ont tous, ainsi que les quadrupèdes ovipares; seulement ils en ont, comme on peut croire, en plus ou moins grande quantité. Quelques poissons ont cette vésicule dans le foie, comme les squales ou chiens de mer, le glanis, la rhina, la raie lisse, la torpille, et parmi les poissons allongés, l'anguille, l'aiguille et la zygène. Le callionyme, ou ouranoscope, a aussi cette vésicule jointe au foie ; et chez lui, elle est plus forte que chez aucun autre poisson, proportionnellement à sa grandeur. 12 Certains poissons l'ont jointe à leurs intestins, où elle est suspendue par des canaux excessivement ténus, partant du foie. Le bonilon (amia) l'a étendue le long de l'intestin et de pareille longueur; quelquefois même, elle se redouble. Chez tous les autres poissons, la vésicule du fiel est tout près de l'intestin, un peu plus près, dans les uns, un peu plus loin dans les autres, comme la grenouille, l'ellops, la synagris, la murène et l'espadon. 13 Souvent la même espèce a les deux conformations, comme il arrive dans les congres, dont quelques-uns ont la vésicule du fiel attachée au foie, ou suspendue au bas et au-dessous du foie. Cette variété se produit aussi dans les oiseaux ; ceux-ci ont la vésicule près de l'estomac ; ceux-là, près des intestins, comme le pigeon, le corbeau, la caille, l'hirondelle, le moineau. Dans d'autres, comme l'œgocéphale, elle est en même temps près du foie et près de l'estomac. Dans d'autres encore, elle est en même temps près du foie et des intestins, comme dans l'épervier et le milan. [2,12] CHAPITRE XII. 1 Tous les quadrupèdes vivipares ont des reins et une vessie. Quant aux ovipares, il n'en est pas un qui ait ces organes, oiseau ou poisson. La tortue de mer est la seule, parmi les quadrupèdes ovipares, à les avoir dans la proportion des autres parties de son corps. Les reins de la tortue de mer ressemblent à ceux du bœuf; et le rein du bœuf est comme un rein unique, composé de plusieurs petits reins. Le bonase a aussi tous les organes intérieurs pareils à ceux du bœuf. 2 Dans tous les animaux chez qui ces organes existent, la position en est toute pareille. Ils ont tous également le cœur placé à peu près au milieu, si ce n'est l'homme, (507b) qui a le cœur plus à gauche, ainsi qu'on l'a dit plus haut. 3 Chez tous aussi, la pointe du cœur est dirigée vers le devant, excepté chez les poissons, où elle ne se montre pas ainsi ; car pour eux elle n'a pas sa pointe tournée vers la poitrine, mais vers la tête et la bouche. Le sommet du cœur des poissons est attaché au point où se réunissent les unes aux autres les branchies de droite et de gauche. Il y a en outre d'autres canaux qui se rendent du cœur à chacune des branchies, plus grands pour les plus grands poissons, plus petits pour les plus petits ; mais sur le sommet du cœur, il y a un canal très épais et tout blanc dans les grands poissons. 4 Il est peu de poissons qui aient un œsophage, comme le congre et l'anguille, qui l'ont d'ailleurs peu développé. 5 Le foie, dans les animaux qui ont un foie sans aucune division, est à droite complètement ; chez ceux où cet organe est partagé dès son commencement, c'est sa plus grosse partie qui est à droite. Dans quelques animaux, en effet, chaque partie est suspendue séparément, sans que le commencement se rejoigne. Tels sont, parmi les poissons, les squales ou les chiens de mer ; telle est aussi une espèce de lièvres, qu'on trouve en d'autres endroits, et notamment dans les marécages de Bolbé, dans le pays qu'on appelle la Sycine. On pourrait croire qu'ils ont deux foies, parce que les canaux des deux parties ne se rejoignent qu'assez loin, comme pour le poumon dans les oiseaux. 6 Pour tous les animaux, la rate, dans ses conditions naturelles, est toujours à gauche. Les reins sont placés de la même manière dans tous les animaux qui en ont. Cependant quelques quadrupèdes, qu'on a ouverts, avaient la rate à droite, d'après l'observation qu'on en a faite ; et le foie était à gauche. Mais on ne peut trouver là-dedans que des monstruosités. 7 La trachée-artère dans tous les animaux se dirige vers le poumon ; plus loin, nous dirons comment. L'œsophage va dans l'estomac au travers du diaphragme, dans tous les animaux pourvus d'un œsophage. La plus grande partie des poissons, ainsi qu'on l'a vu, n'en ont pas; et leur estomac se rattache immédiatement à leur bouche. Aussi, quand les gros poissons en poursuivent de plus petits, il arrive souvent que l'estomac leur tombe dans la bouche. 8 Tous les animaux dont on a parlé jusqu'à présent ont un estomac, qui est posé de même dans tous; il est placé immédiatement au-dessous du diaphragme. Vient ensuite l'intestin, qui se termine par la partie d'où sort le résidu des aliments, et qu'on appelle l'anus. 9 Seulement les estomacs ne sont pas tous semblables. D'abord, tous les quadrupèdes vivipares qui, (508a) dépourvus de dents à l'une des deux mâchoires, portent des cornes, ont quatre organes (canaux) de ce genre, et ce sont aussi les animaux dont on dit qu'ils ruminent. Leur œsophage, qui part de la bouche, où il commence, descend en bas, à la proximité du poumon, et ensuite descend du diaphragme dans le grand estomac. 10 Dans l'intérieur, cet estomac est d'une surface inégale et ridée. A cet estomac est suspendu, tout près du débouché de l'œsophage, ce qu'on appelle le réseau, à cause de son apparence. À regarder les parties extérieures du réseau, il ressemble à l'estomac; mais le dedans fait l'effet de mailles entremêlées. Le réseau est beaucoup plus petit que l'estomac. A la suite de ce second estomac, vient le hérisson, qui à l'intérieur est inégal et comme feuilleté ; il est à peu près de la grandeur du réseau. Après cet estomac, vient celui qu'on appelle la caillette, plus grand que le hérisson et d'une forme plus allongée. Dans son intérieur, il a des feuillets nombreux, grands et lisses. A partir de là, ce n'est plus que l'intestin ordinaire. 11 Ainsi donc, les animaux à cornes qui n'ont pas de dents aux deux mâchoires, ont l'estomac comme on vient de le décrire. D'ailleurs, ils diffèrent entre eux sous le rapport des formes et des dimensions de ces organes, et selon que l'œsophage s'introduit dans l'estomac par le milieu ou par le côté. 12 Les animaux qui ont le même nombre de dents aux deux mâchoires, n'ont qu'un estomac, comme l'homme, le porc, le chien, l'ours, le lion, le loup et le lynx (Thôs), dont tous les organes intérieurs sont ceux du loup. Chez tous, l'estomac est unique, et l'intestin vient après lui. Seulement, les uns ont un estomac plus grand, le porc et l'ours par exemple ; et celui du porc présente quelques feuillets lisses et unis. D'autres animaux ont l'estomac plus petit et pas beaucoup plus large que l'intestin, comme dans le chien, le lion et l'homme. 13 Dans les autres animaux, les formes des estomacs se rapprochent ou s'éloignent de ceux qu'on vient de dire, tantôt pareils à celui du porc, tantôt pareils à celui du chien, que les animaux soient d'ailleurs plus grands ou plus petits. La différence entre eux ne tient qu'à la dimension, la forme, l'épaisseur, la ténuité de l'estomac, et à la manière dont l'œsophage y est inséré et posé. 14 La conformation des intestins est aussi différente chez tous les animaux dont il vient d'être question, chez ceux qui n'ont pas les dents égales dans les deux mâchoires, comme chez ceux qui les ont; et ces différences se marquent par les dimensions, les épaisseurs et les circonvolutions. Les intestins sont toujours plus grands chez les animaux qui n'ont pas égalité de dents pour les deux mâchoires; car ces animaux eux-mêmes sont tous les plus grands ; les petits animaux sont rares dans ces espèces ; et pas une seule de celles qui ont des cornes n'est absolument petite. 15 Il en est quelques-uns qui ont des appendices aux intestins. Il n'y a que ceux qui ont aux deux mâchoires des dents en nombre égal qui aient l'intestin tout droit. Dans l'éléphant, l'intestin a des renflements, qui pourraient faire croire à quatre estomacs. Les aliments y arrivent; mais il n'y a pas de cavité particulière. Ses viscères se rapprochent de ceux du porc ; (508b) mais son foie est quatre fois plus gros que celui du bœuf; et sa rate est plus petite, proportion gardée, qu'elle ne devrait l'être. 16 La conformation de l'estomac et des intestins est la même chez les quadrupèdes ovipares, tels que la tortue de terre et la tortue de mer, le lézard, les deux crocodiles, et en général chez tous les animaux de ce genre. Ils n'ont qu'un simple et unique estomac, semblable pour les uns à celui du porc, semblable pour les autres à celui du chien. 17 Le genre serpent ressemble aux lézards, dans l'espèce des animaux qui ont des pieds et qui sont ovipares, et ils auraient à peu près la même configuration, si l'on donnait aux lézards plus de longueur de corps, et qu'on leur retranchât les pieds. Le serpent a aussi des écailles; et le dessus et le dessous du corps sont comme dans les lézards. Les serpents n'ont pas de testicules ; mais comme le poisson, ils ont deux conduits qui se réunissent en un seul. La matrice de la femelle est longue et a deux parties. 18 Les autres organes internes du serpent sont les mêmes que ceux du lézard, si ce n'est que tous les viscères sont étroits et longs, parce que le corps lui-même est étroit et long, à tel point qu'on les confond à cause de la ressemblance des formes. 19 Dans le serpent, la trachée-artère est fort longue; et l'œsophage l'est encore plus. La trachée commence tout près de la bouche, de telle manière que la langue semble être sous la trachée. Ce qui fait que la trachée semble plus haute que la langue, c'est que la langue se replie sur elle-même, et qu'elle ne reste pas en place comme chez les autres animaux. Leur langue est mince, longue et noire, et elle peut sortir beaucoup en avant. Une particularité de la langue des serpents et des lézards, c'est d'être bifurquée à la pointe ; elle l'est beaucoup plus chez les serpents. Les pointes de leur langue sont aussi fines que des cheveux, disposition qu'on retrouve dans le phoque, qui a aussi une langue fendue. 20 Le serpent a un estomac qui ressemble à un intestin plus large, et qui est pareil à celui du chien. A la suite, vient l'intestin, qui est long, mince et unique jusqu'au bout. 21 Près du pharynx, est placé le cœur, long et dans le genre d'un rein. Aussi pourrait-on croire quelquefois que la pointe n'en est pas tournée vers la poitrine. Ensuite, vient le poumon, qui est simple, sillonné d'un conduit fibreux, très long, et très-séparé du cœur. Le foie est long et simple; la rate est petite et ronde comme dans le lézard. Le fiel est placé comme (509a) dans les poissons; les serpents d'eau l'ont sur le foie; les autres l'ont d'ordinaire le long des intestins. 22 Tous les serpents ont les dents carnassières. Leurs côtes sont aussi nombreuses que les jours du mois, puisqu'ils en ont trente. Quelques personnes assurent que les serpents présentent le même phénomène que les petits de l'hirondelle, c'est-à-dire, que, si l'on crève les yeux aux serpents, leurs yeux repoussent. Leur queue, ainsi que celle des lézards, repousse aussi quand on la leur a coupée. 23 Chez les poissons, l'organisation des intestins et de l'estomac est la même que chez les serpents. Eux aussi n'ont qu'un estomac unique et simple, qui ne diffère que par la forme. Il y en a quelques-uns qui l'ont d'une forme tout à fait différente, comme celui qu'on appelle le Scare, et qui paraît être le seul de tous les poissons qui rumine. L'intestin est simple dans toute sa longueur, et il a un repli qui se réduit ensuite à une complète unité. 24 Une particularité qui se retrouve dans les poissons et la plupart des oiseaux, ce sont des excroissances aux intestins. Chez les oiseaux, ces appendices sont en bas et peu nombreux; chez les poissons, ils sont en haut près de l'estomac, où parfois ils sont très multipliés, comme dans le goujon, le chien de mer, la perche, le scorpios, le citharus, le sur-mulet et le spare. Le muge en a plusieurs sur un des côtés de l'estomac; et de l'autre côté, il n'en a qu'un seul. Quelques poissons en ont, mais en très petit nombre, comme l'hépatus et le glaucus; la dorade, également. Les poissons de même espèce diffèrent parfois de l'un à l'autre; et dans l'espèce Dorade, l'une en a davantage, l'autre en a moins. 25 Quelques genres de poissons n'ont pas du tout de ces appendices, comme la plupart des sélaciens. D'autres poissons ont très peu de ces appendices, tandis que d'autres en ont beaucoup. Mais, dans tous les poissons sans exception, ces appendices sont auprès de l'estomac. 26 Les oiseaux ont entre eux, et avec les autres espèces d'animaux, de grandes différences dans leurs organes intérieurs. Il en est qui ont un jabot avant l'estomac, comme le coq, le ramier, le pigeon, la perdrix. Le jabot est une grande poche de peau, où la nourriture est d'abord reçue, et où elle ne se digère pas. Dans la partie qui tient à l'œsophage même, le jabot est plus étroit; ensuite, il devient plus large ; el là où il descend près de l'estomac, il se rétrécit de nouveau. 27 Presque tous les oiseaux ont l'estomac charnu et compact ; à l'intérieur, la peau est forte, et peut se détacher de la partie charnue; mais d'autres oiseaux n'ont pas de jabot; et à la place, ils ont un œsophage vaste et large, soit dans tout son trajet, soit dans la partie qui avoisine l'estomac, comme (509b) le geai, le corbeau, la corneille. Dans la caille, la largeur de l'œsophage est en bas; l'œgocéphale et la chouette l'ont un peu plus large, en bas aussi. Le canard, l'oie, le goéland, la catarrhacte et l'outarde ont ce développement et cette largeur de l'œsophage dans toute son étendue, de même que beaucoup d'autres oiseaux. 28 Quelques oiseaux ont une portion de l'estomac lui-même qui ressemble à un jabot, comme la cresserelle. D'autres n'ont, ni d'oesophage, ni de jabot un peu large ; mais c'est leur estomac qui se prolonge ; tels sont les petits oiseaux, comme l'hirondelle et le moineau. Il en est d'autres encore qui n'ont, ni le jabot large, ni l'œsophage large; mais chez eux, ces organes sont très longs, par exemple dans les oiseaux à long cou, comme le flamant. Presque tous ces oiseaux ont aussi les excréments plus liquides que les autres. 29 Comparativement aux autres oiseaux, la caille a ceci de particulier qu'elle a un jabot, et qu'elle a en même temps, avant l'estomac, l'œsophage vaste et large; proportion gardée, son jabot est très éloigné de l'œsophage, qui précède l'estomac 30 La plupart des oiseaux ont l'intestin étroit et simple, quand on le développe. Ainsi qu'on l'a dit déjà, les oiseaux ont des appendices, en petit nombre, et non point en haut, comme les poissons, mais en bas vers l'extrémité de l'intestin. Ils en ont si ce n'est tous, au moins pour la plupart, comme le coq, la perdrix, le canard, le hibou, corbeau de nuit, le localos, l'ascalaphe, l'oie, le cygne, l'outarde, la chouette. Quelques petits oiseaux ont de ces appendices, qui sont alors chez eux très petits, comme dans le moineau.