[9,889] Observations relatives aux différentes espèces d'influences que la lune peut avoir sur les corps terrestres. Quand nous exposerons les observations et les expériences relatives aux corps célestes considérés généralement, il sera temps de montrer quels sont, outre les effets manifestes de la chaleur et de la lumière, les secrètes influences et les actions plus cachées qu'ils peuvent exercer sur les corps terrestres. Mais, pour le moment, nous nous contenterons de donner quelques principes, à la lumière desquels on pourra faire des observations plus méthodiques, et obtenir des résultats plus certains relativement aux influences et à l'action particulières de la lune, qui, de tous ces grands corps, est, pour ainsi dire, notre plus proche voisin. Les influences de la lune les mieux constatées par l'observation ou l'expérience, sont de quatre espèces. Elle a la faculté d'attirer la chaleur de notre globe, et de la déterminer au dehors ; de provoquer la putréfaction ; d'augmenter l'humidité; d'exciter des mouvements dans les esprits. [9,890] Quant à l'attraction qu'elle exerce sur la chaleur, il faut, comme nous l'avons déjà prescrit, prendre une certaine quantité d'eau chaude ; en exposer une moitié aux rayons lunaires, et l'autre, à l'air libre seulement, en garantissant celle-ci de l'action de ces rayons par l'interposition de quelque corps qui fasse ombre et analogue à un parasol; enfin, s'assurer par l'observation si celle qui demeure exposée aux rayons lunaires se refroidit en effet plus promptement, comme on le prétend. Cependant, comme ce corps interposé ne serait pas d'un grand effet, il faudrait, pour obtenir un résultat phis sensible, exposer à l'air libre deux quantités égales d'eau chaude ; l'une, quand la lune paraît sur l'horizon; et l'autre, quand elle n'y paraît pas; mettre cette eau chaude tantôt dans une bouteille de verre, tantôt dans une cuvette ; enfin, tenter aussi cette expérience sur du fraisi (résidu de charbon de terre) sur un fer rouge, etc. [9,891] Pour vérifier les faits relatifs à la putréfaction, exposez à l'air libre, pendant deux temps égaux, deux morceaux égaux aussi, soit de viande, soit de poisson; l'un, quand la lune est sur l'horizon ; l'autre, quand elle n'y est pas; puis voyez si le premier se corrompt plus vite. Faites la mêm épreuve sur un chapon, ou sur toute autre pièce de volaille, afin de savoir si, étant exposée aux rayons lunaires, elle se mortifie et devient plus tendre en moins de temps. Soumettez à la même épreuve des mouches mortes ou des vers morts, après avoir versé dessus un peu d'eau : ou encore une pomme, une orange, etc. après l'avoir piquée; ou, enfin, un morceau de fromage de Hollande, sur lequel vous aurez auparavant versé un peu de vin; enfui, voyez si ces fruits ou ces insectes se corrompent plus vite; et si les mites s'engendrent plus promptement dans ce fromage. [9,892] Quant à l'augmentation de l'humidité, on croit communément que les graines germent plus promptement, et que les cheveux, les ongles, les haies et les plantes herbacées poussent plus vite, lorsqu'on a l'attention de ne semer ou planter les unes, et de ne couper les autres que dans le temps où la lune est croissante. On trouve aussi, dit-on, vers le temps de la pleine lune, plus de cervelle dans la tête des lapins, des volailles, des veaux, etc. plus de moëlle dans les os; enfin, plus de pulpe (de chair) dans les huîtres, les pétoncles, les moules, etc. Ce dernier point serait le plus facile à vérifier; il suffirait pour cela de garder ces coquillages dans des espèces de puits. [9,893] Prenez des semences de plantes à racines bulbeuses ou charnues (par exemple, de la graine d'oignon, etc.), mettez-les en terre; les unes, immédiatement après la nouvelle lune ; les autres, immédiatement après la pleine lune ; bien entendu que toutes ces semences seront de même qualité et mises clans la même terre; mais, pour s'assurer davantage de cette égalité, il faudrait mettre cette terre dans des pots, et tenir ces pots dans un lieu qui ne fût exposé ni à la pluie, ni à l'action du soleil; autrement les variations et les différences de ce genre pourraient jeter quelque incertitude dans les résultats de ces expériences; enfin, observer avec précision au bout de combien de temps germent, et et à quelle hauteur s'élèvent, dans un même temps, les unes et les autres; en un mot, en quoi diffèrent toutes ces plantes semées dans ces deux temps différents. [9,894] Il est assez probable que, dans l'homme, le cerveau est plus humide et augmente de volume vers le temps de la pleine lune. Ainsi, des fumigations avec le bois d'aloës, le romarin, l'encens, etc. seraient alors utiles aux sujets qui ont habituellement le cerveau humide et aux grands buveurs. Il est également probable que, dans le corps humain, la quantité des humeurs croît et décroît à peu prés comme la lune et dans les mêmes temps. Ainsi, il ne serait pas inutile de se purger deux ou trois jours avant la pleine lune; car, durant le décours de cet astre, on aurait moins à craindre une nouvelle plénitude. [9,895] Il est bon d'observer, par rapport à ces mouvements, excités dans les esprits par l'action de la lune, que l'accroissement plus rapide des haies, des plantes herbacées, des cheveux, etc. durant l'accroissement de la lumière de cet astre, ne doit pas moins être attribué à cette espèce de révolution qu'il occasionne alors dans ces esprits, qu'à l'augmentation de l'humidité ; c'est ce dont on voit un exemple frappant dans l'affection des lunatiques. [9,896] La lune a sans doute des influences d'une autre espèce, et celles dont nous venons de parler, ont aussi d'autres effets; mais ces différents points n'ont pas encore été suffisamment vérifiés par l'observation. Il se pourrait, par exemple, qu'un vent de nord ou de nord-est, venant à souffler vers le temps de la pleine lune, le concours de ces deux causes donnât au froid plus d'intensité; et, par la même raison, qu'un vent de sud ou de sud-ouest qui soufflerait vers le même temps, produisit dans l'air une disposition, une sorte d'habitude d'où résulteraient des chaleurs et des pluies de plus longue durée. Mais cette conjecture aurait besoin d'être vérifiée par l'observation. [9,897] Il se peut aussi que les enfants ou les animaux qui naissent vers le temps de la pleine lune, prennent plus d'accroissement et de force que ceux qui naissent durant le décours ; et peut-être en est-il de même de ceux qui ont été conçus vers la première époque. Ainsi, l'attention de ne faire couvrir les vaches et les brebis que vers le temps de la pleine lune, pourrait n'être pas tout-à-fait inutile dans l'économie rustique. Par la même raison, il serait peut-être à propos de ne faire couver que les oeufs pondus a la même époque; tous effets sur lesquels on doit suspendre son jugement jusqu'à ce qu'ils aient été constatés par l'expérience. Il y aurait enfin d'autres observations à faire, pour savoir si les orages et les tremblements de terre ne sont pas plus fréquents vers l'époque de la pleine lune, que dans tout autre temps.