[33,0] L'EXORCISME, OU LE SPECTRE. THOMAS, ANSELME. [33,1] {THOMAS} Qu'y a-t-il de bon, que vous riez tout seul aussi joyeusement que si vous aviez trouvé un trésor? {ANSELME} Vos soupçons ne s'écartent pas trop de la vérité. {THOMAS} Ne ferez-vous point part à un ami de cette bonne aubaine? {ANSELME} Si fait, il y a longtemps que je souhaitais de rencontrer quelqu'un dans le sein duquel je pusse épancher ma joie. {THOMAS} Eh bien, faites-la-moi donc partager. {ANSELME} On vient de me conter une histoire des plus divertissantes, que vous jureriez être une comédie si le lieu, les personnages et toute la pièce ne m'étaient aussi connus que je vous connais. {THOMAS} Je brûle de l'entendre. {ANSELME} Connaissez-vous Polus, gendre de Faune? {THOMAS} Parfaitement. {ANSELME} C'est lui qui est tout à la fois l'auteur et l'acteur de cette pièce. {THOMAS} Je le crois aisément, car il est homme à jouer sans masque toute espèce de comédie. ' {ANSELME} C'est vrai. Vous connaissez sans doute également la maison de compagne qu'il possède tout près de Londres? {THOMAS} Si je la connais! nous y avons bu ensemble plus d'une fois. {ANSELME} Vous connaissez donc une allée entourée d'arbres plantés à des intervalles égaux? {THOMAS} A gauche de la maison, environ à deux portées de mousquet. {ANSELME} Précisément. Un des côtés de cette allée est bordé d'un ravin couvert de ronces et de broussailles; un petit pont conduit à une plaine nue. {THOMAS} Je me le rappelle. {ANSELME} Depuis longtemps le bruit courait parmi les paysans de l'endroit qu'auprès de ce petit pont apparaissait un revenant, qui poussait de temps en temps des cris lamentables. On pensait que c'était l'âme de quelqu'un qui souffrait d'affreux tourments. {THOMAS} Qui avait fait courir ce bruit? {ANSELME} Qui, sinon Polus? Il en avait fait le prologue de sa pièce. {THOMAS} Quelle idée a-t-il eue d'inventer cela? {ANSELME} Je ne sais pas; c'est dans son caractère; il aime à se jouer par de semblables bourdes de la folie du public. Je vals vous citer un trait du même genre qu'il a fait dernièrement. Nous nous dirigions à cheval, en assez grand nombre, vers Richmond; il y avait parmi nous des gens que vous auriez dits sensés. Le ciel était d'une sérénité parfaite, et pas le moindre nuage ne l'obscurcissait. Tout à coup Polus, levant les yeux au ciel, fit le signe de la croix sur son front et sur ses épaules; puis, d'un air épouvanté, se dit à lui-même : "Grand Dieu ! que vois-je?" Ceux qui étaient à cheval à côté de lui lui demandant ce qu'il voyait, il fit de nouveau un grand signe de croix en s'écriant : "Que Dieu très clément détourne ce prodige!" Comme on le pressait dans l'impatience de savoir, il fixa les yeux vers le ciel, et, montrant du doigt un point de l'espace : "Ne voyez-vous pas, dit-il, cet énorme dragon, armé de cornes de feu et dont la queue est retournée en cercle?" Comme on affirmait ne rien voir, il commanda à tout le monde de lever les yeux et indiqua l'endroit à plusieurs reprises. A la fin, quelqu'un, dans la crainte de passer pour avoir la berlue, déclara qu'il voyait aussi. Un autre, puis un second l'imitèrent, car on eût rougi de ne point voir ce qui était aussi visible. Bref, au bout de trois jours, le bruit courait dans toute l'Angleterre qu'un tel prodige était apparu. On ne saurait croire combien la voix publique exagéra cette fable. Il ne manqua pas de gens qui interprétèrent sérieusement la signification de ce prodige. L'auteur de cette invention se divertit beaucoup de leur folie. {THOMAS} Je reconnais l'homme. Mais passez au revenant. {ANSELME} Sur ces entrefaites, Polus reçut fort à propos la visite d'un prêtre nommé Faune, du genre de ceux qui, non contents de se faire appeler en latin "réguliers", y joignent encore une dénomination grecque. Il était curé d'un villege voisin, et se croyait d'une intelligonco peu commune, surtout en matière sacrée. {THOMAS} Je comprends; voilà l'acteur de le pièce. {ANSELME} Pendant le dîner la conversation tomba sur le bruit du revenant. Polus, voyant que Faune connaissait non seulement ce bruit, mais encore y ajoutait foi, se mit à le conjurer, en homme savant et pieux qu'il était, de soulager une pauvre âme qui endurait d'aussi horribles souffrances. "Si vous en doutez", lui dit-il, "vérifiez le fait, promenez-vous à dix heures vers ce petit pont, et vous entendrez de tristes gémissements. Faites-vous accompagner par qui vous voudrez; vous entendrez ainsi avec plus de sûreté et de certitude". {THOMAS} Que se passa-t-il ensuite? {ANSELME} Le dîner fini, Polus, selon son habitude, s'en alla pêcher ou chasser. Faune, se promenant pendant que les ténèbres empéchaient de distinguer nettement les objets, finit par entendre des gémissements lamentables. C'était Polus qui les poussait avec un art inouï : caché dans les broussailles, il se servait pour cela d'un pot de terre qui, donnant à sa voix un son caverneux, la faisait retentir d'une façon lugubre. {THOMAS} Cette comédie, à ce que je vois, surpasse le Fantômeme de Ménandre. {ANSELME} Vous le diriez encore si vous l'aviez entendu d'un bout à l'autre. Faune rentra chez lui, désireux de raconter ce qu'il avait entendu. Polus, ayant pris un chemin plus court, l'avait devancé. Là, Faune raconte à Polus ce qui s'était passé, et même y ajoute encore pour rendre le chose plus merveilleuse. {THOMAS} Pendant ce temps Polus pouvait-il s'empêcher de rire? {ANSELME} Lui? il tient son visage dans sa main. Vous auriez dit qu'il s'agissait d'une chose sérieuse. Enfin Faune, sur les vives instances de Polus, se chargea de l'exorcisme, et passa toute la nuit sans dormir en songeant aux moyens de s'y prendre sùrement, car il avait une peur terrible pour lui. Il accumula donc d'abord les exorcismes les plus puissants, et il en ajouta de nouveaux à l'aide des entrailles de la bienheureuse Marie et des ossements de la bienheureuse Werenfrid. Il choisit ensuite un emplacement dans la plaine voisine des broussailles d'où partait la voix, il y traça un cercle assez vaste, chargé de beaucoup de croix et de différentes marques. Tout cela se fit dans les formes prescrites. Il fit apporter un grand vase plein d'eau bénite. Il se mit au cou ce qu'on appelle une étole, d'où pendait le commencement de l'Évangile selon saint Jean. Il avait dans une boîte une de ces figures de cire que le pontife romain bénit tous les ans et qu'on nomme vulgairement "Agnus Dei". On se munissait autrefois de ces armes contre les attaques des démons, avant que le froc de saint François ne leur eût inspiré la terreur. Il prit toutes ces précautions de peur que, s'il y avait un esprit malin, il ne se jetât sur l'exorciste. Il n'osa pourtant pas s'aventurer seul dans ce cercle, et voulut qu'on lui adjoignit un autre prêtre. Alors Palus, craignant qu'on en faisant venir un plus fin, le secret de la farce ne fût éventé, manda un curé du voisinage, qu'il mit nu courant de tout. Il le fallait pour la conduite de la pièce, et c'était un homme à qui cet amusement ne déplaisait pas. Le lendemain, tout ayant été préparé selon les rites, vers dix heures, Faune entra avec le curé dans le cercle. Polus, qui avait pris les devants, pousse des gémissements lamentables du fond des broussailles. Faune commence l'exorcisme. Pendant ce temps, Polus se glisse secrètement dans les ténèbres vers sa maison de campagne, qui est tout près. Il en ramène un autre personnage de la pièce, car elle demandait plusieurs acteurs. {THOMAS} Que font-ils? {ANSELME} Ils montent des chevaux noirs et portent sur eux des lanternes sourdes. Arrivés non loin du cercle, ils démasquent leurs lanternes pour effrayer Faune et le chasser du cercle. {THOMAS} Que ce Polus s'est donné de peine pour tromper! {ANSELME} C'est dans sa nature. Mais peu s'en fallut que cette équipée ne leur devint fatale. {THOMAS} Comment cela? {ANSELME} Les chevaux, épouvantés par l'éclat soudain des lumières, faillirent rouler à terrè avec leurs cavaliers. Tel est le premier acte da la pièce. Lorsqu'on se revit, Polus, comme s'il ignorait tout, demanda ce qui s'était passé. Alors Faune lui raconta qu'il avait vu sur des chevaux noirs deux démons horribles, qui avaient des yeux de feu et qui vomissaient des flammes par les narines; qu'ils avaient essayé d'entrer dans le cercle, mais qu'ils avaient été chassés et confondus par la puissance de l'exorcisme. Enhardi par ce succès, Faune rentra le lendemain dans le cercle avec un grand appareil. Lorsqu'il eut longtemps défié le revenant à force de conjurations, Polus et son collègue se montrèrent de nouveau de loin sur des chevaux noirs avec des cris affreux, faisant mine de fondre sur le cercle. {THOMAS} Ils n'avaient point de feu? {ANSELME} Non, car cela ne leur avait pas réussi. Mais voici une autre invention. Ils avaient pris une longue corde qui traînaitt légèrement à terre, et, tout en se sauvant de côté et d'autre comme repoussés par les exorcismes de Faune, ils firent rouler par terre les deux pretres avec le vase plein d'eau bénite qu'ils tenaient en mains. {THOMAS} Le curé souffrit-il qu'on le payât ainsi de son rôle? {ANSELME} Oui, il aima mieux subir ce désagrément que d'abandonner la partie. Ceci fait, quand on se revit, Faune raconta à Polus quel grand danger il avait couru, et comme par ses paroles il avait vaillamment mis en déroute les deux démons. II en avait conçu la ferme assurance que nul démon, si dangereux et si impudent qu'il fût, ne pourrait forcer le cercle. {THOMAS} Ce Faune m'a tout l'air d'un niais. {ANSELME} Vous n'avez encore rien vu. La comédie en était là quand survint à propos le gendre de Polus; car il a marié sa fille à un jeune homme qui, vous le savez, est d'un caractère extrèmement gai. {THOMAS} Oui, il n'est pas non plus ennemi de ces sortes de plaisanteries. {ANSELME} Ennemi? il quitterait tout au monde soit pour assister à un tel spectacle, soit pour y remplir un rôle. Son beau-père le met au courant de tout et le charge de jouer le personnage de l'âme. Il choisit son costume avec joie; il s'enveloppe d'un linceul, comme nous faisons pour les morts, et tient dans une écuelle de terre un charbon ardent qui paraissait tout en feu à travers le linceul. A la tombée de la nuit, on se rendit à l'endroit où se jouait la comédie. Des gémissements effroyables se font entendre. Faune apprête tous ses exorcismes. Enfin l'âme apparut de loin au milieu des broussailles, montrant de temps en temps le feu et soupirant d'une façon lamentable. Au moment où Faune la sommait de dire qui elle était, Polus, déguisé en démon, s'élança soudain hors des broussailles, et avec une feinte colère : "Tu n'as aucun droit sur cette âme", s'écria-t-il, "elle est à moi". En même temps il courut jusque vers le bord du cercle, en feignent de se jeter sur l'exorciste, puis, comme chassé par les paroles de l'exorcisme et par la vertu de l'eau bénite dont il fut inondé, il rétrograda. Le démon maître ayant disparu, la conversation' s'établit entre Faune et l'âme. Après plusieurs interpellations, elle répondit qu'elle était l'âme d'un chrétien. Interrogée comment elle se nommait, elle répondit : "Faune". — "Faune !" répliqua l'autre, "c'est aussi mon nom". Cette communauté de nom fit que Faune eut encore plus à coeur de délivrer Faune. Comme Faune faisait beaucoup de questions, l'âme, dans la crainte qu'une conversation prolongée n'éventàt la mèche, se retira, disant qu'elle ne pouvait pas causer davantage, qu'elle n'avait pas le temps, qu'elle était forcée de partir pour se livrer nu démon ; elle promit cependant de revenir le lendemain à l'heure où elle le pourrait. On se rencontre de nouveau dans la maison de Polus, qui était le chorège de la pièce. L'exorciste y raconte ce qui s'était passé, en ajoutant quelques mensonges qu'il prenait toutefois pour des vérités, tant il s'intéressait à son entreprise. Il était déjà convaincu d'une chose, c'est que c'était une âme chrétienne qui, sous un démon cruel, endurait d'affreux tourments. Tous ses efforts tendirent à la délivrer. Mais dans l'exorcisme suivant il survint un incident très-drôle. {THOMAS} Quel incident, je vous prie? {ANSELME} Quand Faune évoqua l'âme, Polus, qui faisait le démon, se précipita en avant, feignant de pénétrer dans le cercle; et comme Faune luttait contre lui à force d'exorcismes et en l'inondant d'eau bénite, le démon finit par s'écrier qu'il se moquait de tout cela. "Tu as eu commerce avec une fille", ajouta-t-il, "tu m'appartiens". Polus disait cela pour plaisanter, et le hasard voulut qu'il dit dit vrai, car l'exorciste, frappé de cette parole, se retira tout de suite au milieu du cercle, et marmotta je ne sais quoi à l'oreille du curé. Polus, voyant cela, s'éloigna pour ne pas entendre ce qu'il était défendu d'écouter. {THOMAS} En vérité, Polus était un démon dévot et discret. {ANSELME} C'est vrai. On aurait pu critiquer son rôle s'il eùt oublié les convenances. Toutefois il entendit la voix du curé infligeant une pénitence. {THOMAS} Laquelle? {ANSELME} De réciter trois fois l'oraison dominicale. Il en conclut que Faune avait eu affaire trois fois dans la même nuit. {THOMAS} Voilà un régulier qui n'observe guère la règle! {ANSELME} Ce sont des hommes, et la faute était humaine. {THOMAS} Continuez. Que se passa-t-il ensuite? {ANSELME} Faune, rassuré, revient vers le bord du cercle et défie résolument le démon. Celui-ci reculait timidement. "Tu m'as trompé", disait-il; "si j'avais été sage, je ne t'aurais pas averti". Bien des gens s'imaginent que ce que l'on confesse au prêtre s'efface entièrement de la mémoire du démon et qu'il ne peut plus le reprocher. {THOMAS} Ce que vous dites là est très drôle. {ANSELME} Mais, pour achever enfin la pièce, le conversation continua ainsi pendant quelques jours avec l'àme. En voici le résumé. L'exorciste lui ayant demandé s'il n'y avait pas un moyen de la délivrer de ses souffrances, elle répondit que cela se pourrait, si l'argent mal acquis qu'elle avait laissé était restitué. "Mais", dit Faune, "dans le cas où cet argent serait appliqué par des gens de bien à des oeuvres pies?" L'âme répondit qu'elle en serait soulagée. Alors l'exorciste, joyeux, s'empressa de demander quelle était l'importance de la somme. Elle dit qu'elle était énorme, ce qui favorisait son plan. Elle indiqua un endroit, mais très éloigné, où ce trésor était enfoui. Elle prescrivit l'usage qu'elle voulait qu'on en fit. {THOMAS} Quel usage? {ANSELME} Trois individus iraient en pèlerinage : le premier, pour visiter le temple de saint Pierre; le second, pour saluer saint Jacques de Compostelle; le troisième, pour baiser le peigne de Jésus, qui est à Trèves. Ensuite on réciterait dans plusieurs monastères une grande quantité de psaumes et de messes. Quant au restant, l'exorciste en disposerait à sa guise. Dès lors Faune ne songea plus qu'au trésor, il le dévorait des yeux. {THOMAS} C'est une maladie générale, mais on prétend que les prêtres en sont particulièrement atteints. {ANSELME} Pour ne rien omettre de ce qui concernait l'affaire de l'argent, l'exorciste, d'après les conseils de Polus, questionna l'âme sur les arts curieux, sur l'alchimie et sur la magie. L'âme lui fit quelques réponses pour le moment, en lui promettant d'en dire davantage sitôt que par ses soins elle serait délivrée du démon maître. Ce sera là, si vous voulez, le troisième acte de la pièce. Dans le quatrième, Faune se mit à publier partout ce prodige sérieusement; il ne chantait que cela dans les conversations, à table; il promettait aux monastères des présents magnifiques; il ne parlait que de grands desseins. Il se rendit à l'endroit désigné, reconnut les indications, mais n'osa pas déterrer le trésor, parce que l'âme lui avait inspiré des scruputes en lui déclarant qu'il y aurait grand danger à y toucher avant que les messes n'eussent été dites. Déjà beaucoup de gens sensés se doutaient d'une mystification. Mais comme Faune ne faisait que publier partout sa folie, ses amis, et notamment son abbé, l'avertirent secrètement qu'ayant passé jusqu'alors pour un homme sensé, il ne devait pas donner au public l'exemple du contraire. Toutes les observations du monde ne purent lui faire croire que la chose n'était pas sérieuse. Cette idée s'empara tellement de son imagination qu'il ne rêvait, qu'il ne parlait que de spectres et de mauvais génies. La disposition de son esprit se reflétait sur sa figure, si pâle, si exténuée, si abattue, qu'on eût dit un fantôme et non un homme. Bref, il allait tomber dans une vraie démence si on ne lui eût apporté un prompt remède. {THOMAS} Ce sera sans doute le dernier acte de la pièce. {ANSELME} Je vais vous le raconter. Polus et son gendre imaginèrent la ruse que voici. Ils forgèrent une épître écrite en lettres bizarres, non sur du papier ordinaire, mais sur celui que les orfèvres emploient pour étendre leurs feuilles d'or, et qui, comme vous savez, est teint en rouge. Cette épître était ainsi conçue : "Faune, depuis longtemps captif, maintenant libre, souhaite à son excellent libérateur, Faune, le salut éternel. Mon cher Faune, ne vous tourmentez plus pour cette affaire. Dieu a tenu compte de vos pieuses intentions, et, grâce à elles, il m'a délivré de mes souffrances; maintenant je vis heureux parmi les anges. Il vous est réservé une place à côté de saint Augustin, qui est tout près du choer des apôtres. Quand vous viendrez vers nous, je vous remercierai de vive voix. En attendant, tachez de vivre agréablement. Daté du ciel de l'Empyrée, les ides de septembre de l'an 1498, sous le sceau de mon anneau". Cette lettre fut posée secretement sur l'autel où Faune devait célébrer la messe. La messe dite, un compère lui fit remarquer le lettre comme s'il venait de la découvrir par hasard. En ce moment il la promène partout et la montre comme une chose sacrée; il croit fermement que c'est un ange qui l'a apportée du ciel. {THOMAS} Ce n'est point là guérir un homme de la folie, c'est changer son genre de folie. {ANSELME} C'est vrai; seulement il jouit maintenant d'une folie plus agréable. {THOMAS} Auparavant je n'attachais pas grande importance à ce que dit le public au sujet des revenants, mais désormais j'en ferai encore moins de cas; car j'imagine que des gens crédules, de la trempe de Faune, ont donné pour vrais bien des bruits qui reposaient sur des lettres forgées avec le même artifice. {ANSELME} Pour moi, je crois que la plupart de ces bruits n'ont pas d'autre fondement.