[2,0] II. De l'Italie, et, dans l'Italie, du serpent boa, des loups, des lynx, de la pierre dire lyngurium, du corail, de la syrtis, de la véientane, des cigales muettes, des oiseaux de Diomède. [2,1] Nous avons assez parlé de l'homme. Maintenant, pour revenir à notre sujet, nous allons nous occuper des lieux, et particulièrement de l'Italie, dont nous avons déjà parlé avec éloge à propos de Rome. L'Italie a été décrite avec tant de soin, et principalement par M. Caton, que l'on ne peut rien dire qui ait échappé aux recherches des anciens auteurs. Cet excellent pays préte beaucoup à la louange : les écrivains les plus distingués célèbrent la salubrité des lieux, la douceur du climat, la fertilité du sol, l'heureuse exposition des coteaux, la fraîcheur des bois, l'air pur des vallons, les riches produits de la vigne et des oliviers, la beauté des toisons, et ces fleuves nombreux, ces vastes lacs, ces lieux consacrés à la culture de la violette et qui la voient fleurir deux fois l'année, et au milieu de tout cela, le Vésuve qui exhale des vapeurs et des flammes, les sources tièdes de Baïes, des colonies populeuses, la gracieuse régularité des villes nouvelles, l'imposante beauté des anciennes, qui furent fondées d'abord par les Aborigènes, les Aurunces, les Pélasges, les Arcadiens, les Siciliens, puis par des étrangers venus de toutes les parties de la Grèce, et en dernier lieu par les Romains; ajoutons à cela des côtes couvertes de ports et ouvrant leur sein au commerce des divers peuples du monde. [2,2] Toutefois, pour ne pas omettre entièrement l'Italie, il ne me paraît pas hors de propos de m'arrêter d'avantage sur ce qui est peu connu, et de parcourir rapidement un terrain déjà exploré. Qui ne sait, en effet, que l'on doit attribuer soit le nom, soit la fondation du Janiculum à Janus, du Latium et de la Saturnie à Saturne, d'Ardée à Danaé, de Poliéon aux compagnons d'Hercule ; de Pompéies, ville de Campanie, à Hercule lui-même, parce que, vainqueur, il avait amené d'Espagne en grande pompe des troupeaux de boeufs ? En Ligurie, il y a des champs appelés Pierreux, parce que, pendant un combat livré par Hercule, il plut, dit-on, des pierres. L'Ionie doit son nom à la fille de Naulochus, Ione, qui exerçait ses dangereuses séductions sur les grandes routes, et qu'Hercule tua, dit-on. Marsyas, roi des Lydiens, fonda la ville d'Archippe, qui, par suite d'un éboulement, fut engloutie dans le lac Fucin. Jason bâtit le temple de Junon Argiva. L'origine de Pise remonte aux Pélopides ; celle des Dauniens, à Cléolas, fils de Minos; celle des Iapygiens, à Iapyx, fils de Dédale, et celle des Tyrrhéniens, à Tyrrhène, roi de Lydie. Cora fut fondée par les Dardaniens, Agylle par les Pélasges, qui les premiers introduisirent les lettres dans le Latium; Phalisque par l'Argien Halesus, Phalérie par l'Argien Phalerius; Fescennie également par les Argiens. Le port Parthenius fut construit par les Phocéens ; Tibur, d'après Caton, par Catille, chef arcadien de la flotte d'Évandre, et, d'après Sextius, par les Argiens. En effet, Catille, fils d'Amphiaraüs, après la mort surnaturelle de son père au siège de Thèbes, partit, sur l'ordre d'Aeclée son aïeul, et, venu en Italie avec toute sa récolte de l'année pour la consécration du printemps, y donna naissance à trois enfants, Tiburte, Cora, Catille, qui, après avoir chassé d'une ville de Sicile les anciens Sicaniens, appelèrent cette ville Tibur, du nom de Tiburte leur frère aîné. Ulysse bâtit un temple à Minerve dans le Bruttium. L'île de Ligée fut ainsi appelée du nom d'une sirène dont le corps y avait été jeté par les flots. Le tombeau de la sirène Parthénope donna son nom à la ville qu'Auguste préféra depuis appeler Naples. Préneste, d'après Zénodote, fut fondée par Préneste, petit-fils d'Ulysse et fils de Latinus ; ou, d'après les livres mêmes de Préneste, par Céculus, que les soeurs des Dactyles recueillirent, dit-on, près de feux que le hasard leur fit rencontrer. On sait que Philoctète fonda Pétilie, Diomède Arpi et Bénévent, Anténor Padoue ; que Métaponte fut bâtie par les Pyliens, Scyllacée par les Athéniens, Sybaris par les Trézéniens, Sagaris par le fils d'Ajax le Locrien, Salente par les Lyctiens, Ancône par les Siciliens, Gabies par deux frères, Galate et Bius, Siciliens ; Tarente par les Héraclides, l'île de Tensa par les Ioniens, Paestum par les Doriens, Crotone par l'Achéen Myscellus, Regium par les Chalcidiens, Caulon et Terine par les Crotoniates, Locres par ceux de Naryce, Hérète par les Grecs en l'honneur d'Hera (tel est le nom que les Grecs donnent à Junon), Aricie par Archiloque de Sicile, à qui, selon Hemina, elle doit son nom. C'est là qu'Oreste, averti par un oracle, consacra, avant son retour à Argos, une statue de Diane Scythique, qu'il avait rapportée de la Chersonèse Taurique. Les habitants de Zanclé fondèrent Métaure ; les Locriens, Métaponte, que l'on nomme aujourd'hui Vibo. [2,3] Bocchus prétend que les Ombres sont une race ancienne de Gaulois ; Marc Antoine rapporte que ce peuple, ayant échappé à la calamité de pluies continuelles, reçut des Grecs le nom d'Ombriens. Licinianus fait remonter au Grec Messape l'origine de la Messapie, qui depuis fut appelée Calabre, après avoir été primitivement nommée Peucétie par Peucète, frère d'Oenotrus. Tous les auteurs s'accordent sur ce point, que le cap Palinure doit son nom au timonier d'Épée, le cap Misène à son trompette, l'île de Leucosie à l'une de ses parentes, Caïète à sa nourrice, et qu'enfin Lavinie, son épouse, donna son nom à la ville de Lavinium, qui, d'après Cosconius, fut bâtie quatre ans après la ruine de Troie. N'oublions pas, non plus, que le second été après la prise d'Ilion, Énée, d'après le récit d'Hemina, ayant abordé aux rivages d'Italie avec six cents compagnons au plus, campa près de Laurente, où il dédia à Vénus Frutis une statue qu'il avait apportée de Sicile, reçut de Diomède le Palladium, et bientôt après, partagea, pendant trois ans, le pouvoir royal avec Latinus, qui lui avait donné cinq cents arpents. Après la mort de Latinus, Énée fut revêtu pendant deux ans de l'autorité souveraine; il disparut la septième année {après la prise de Troie} près du fleuve Numicus, et reçut le nom de divinité Indigète. Albe la Longue fut ensuite fondée par Ascagne, ainsi que Fidène et Antium; Nole par les Tyriens, Cumes par les Eubéens. A Cumes est le sanctuaire de la Sibylle, mais de celle dont on interrogea les oracles à Rome vers la cinquantième olympiade, et dont le livre fut consulté par nos pontifes jusqu'au temps de Cornelius Sylla. Ce livre fut alors consumé dans l'incendie du Capitole : la Sibylle elle-même avait déjà brûlé deux autres livres, parce que Tarquin le Superbe lui en offrait un prix moindre que celui qu'elle demandait. On voit encore son tombeau en Sicile. Bocchus pense que les prédictions de la Sibylle de Delphes sont antérieures à la guerre de Troie, et il prouve que plusieurs de ses vers furent insérés par Homère dans son poème. Hérophile d'Erythrée vint quelques années après, et sa science semblable à celle d'une Sibylle lui valut ce nom ; entre autres prédictions mémorables, elle annonça, longtemps avant l'événement, que les Lesbiens perdraient l'empire de la mer. La Sibylle de Cumes ne vint donc que la troisième, comme le prouve la suite même des temps. Ainsi l'Italie, où l'ancien Latium s'étendait autrefois de l'embouchure du Tibre au fleuve Liris, aujourd'hui considérée dans son ensemble, commence au sommet des Alpes, se prolonge des hauteurs de Regium aux rivages du Bruttium, où la mer est sa limite au sud ; puis insensiblement elle s'élève sur la croupe de l'Apennin, entre la mer de Toscane et la mer Adriatique, c'est-à-dire entre les mers Supérieure et Inférieure, et, comme une feuille de chêne, elle est plus haute que large. Plus loin elle se partage en deux branches, dont l'une regarde la mer Ionienne, l'autre celle de Sicile. Entre ces deux branches proéminentes, ce n'est pas sur un seul point, mais au milieu de langues de terre qui s'étendent de côté et d'autre, qu'elle reçoit l'eau d'une mer bordée de promontoires. Remarquons sommairement que là se trouvent la citadelle de Tarente, Scyllacée et la ville de Scylla, la rivière de Cratéïs, mère de Scylla, selon les fables antiques, les montagnes de Regium, les vallées de Paestum, les rochers des Sirènes, les plaines délicieuses de la Campanie, les champs Phlégréens, la demeure de l'île de Terracine, autrefois entourée d'une mer immense, et, grâce au temps, unie aujourd'hui au continent, subissant par là une fortune tout opposée à celle de Regium, que la mer a violemment séparée de la Sicile ; Formies enfin, ville habitée par les Lestrigons. Beaucoup d'autres détails ont été donnés par des hommes d'un talent éprouvé ; nous avons jugé plus sûr de nous taire que de rester au-dessous de ce que l'on a dit. L'Italie, dans sa longueur, s'étend de Prétoria Augusta à Regium, et l'on compte en passant par Rome et Capoue mille vingt milles. La largeur, dans son étendue la plus grande, est de quatre cent dix milles ; dans sa moindre étendue, de cent trente-six. Nulle part l'Italie n'est plus rétrécie que vers le port nommé Camp d'Annibal. Quarante milles font là toute sa largeur. Le nombril de l'Italie, comme dit Varron, est dans le territoire de Réate. L'Italie a d'ailleurs deux mille neuf cent quatre-vingt milles de tour. Dans cette enceinte, le premier golfe de l'Europe commence à l'opposite de Locres, et finit au détroit de Gadès ; le second, qui commence au cap Lacinium, aboutit aux monts Acrocérauniens. Ajoutons que l'Italie est encore célèbre par le Pô, qui descend des flancs du Vésule, montagne la plus élevée de la chaîne des Alpes ; sa source, située aux limites de la Ligurie, mérite d'être vue. Au pied de la montagne d'où il tombe, il s'abîme sous terre, pour reparaître dans le territoire de Vibo. Nul fleuve n'est plus fameux ; les Grecs l'appellent Éridan. Il s'enfle, au lever de la Canicule, par la fonte des neiges et des glaces; ainsi grossi, il roule trente fleuves dans la mer Adriatique. [2,4] Parmi les choses dignes d'être signalées et que tout le monde cite, il y a, dans le pays des Falisques, un très-petit nombre de familles que l'on nomme les Hirpiens. Dans le sacrifice qu'ils offrent à Apollon, près du mont Soracte, les Hirpiens, au milieu de gesticulations religieuses, marchent, sans se brûler, sur des bûchers embrasés : la flamme les épargne, en honneur de ce sacrifice. La bienveillance du sénat a manifesté son respect pour ces cérémonies, en exemptant à perpétuité les Hirpiens de toutes charges publiques. On ne doit pas s'étonner que les Marses n'aient rien à craindre des serpents : ils tirent leur origine du fils de Circé, et ils savent que leur aïeul leur a transmis le pouvoir de conjurer les poisons ; aussi les méprisent-ils. Célius dit qu'Eéta eut trois filles, Angitie, Médée et Circé; que Circé habitait les monts Circéiens, et que ses maléfices produisaient des formes d'animaux divers; qu'Angitie habitait les environs du lac Fucin, et que là, combattant les maladies par un art salutaire, elle rendait la vie à l'homme, et fut pour cela mise au rang des déesses ; que Médée, à qui Jason fit rendre les derniers devoirs à Buthrote, commanda aux Marses, ainsi que son fils. Mais quoique l'Italie trouve chez elle les moyens de combattre la morsure des serpents, elle n'est pas toutefois exempte de leurs atteintes. Des serpents forcèrent à fuir les habitants d'Amuncle, ville bâtie par les Grecs sous le nom d'Amycles. On y trouve communément une vipère dont la blessure est mortelle : elle est plus petite que celle que l'on remarque dans les autres parties du monde, et, comme on y fait peu d'attention, elle n'en est que plus dangereuse. [2,5] Il y a beaucoup de chélydres en Calabre; on y trouve aussi le boa, serpent qui devient, dit-on, d'une grosseur extraordinaire. Ce sont les troupeaux de boeufs qu'il recherche d'abord, et, s'il y rencontre une vache qui ait beaucoup de lait, il s'attache à son pis, et en continuant ainsi de la têter pendant longtemps, il prend un développement tel que rien ne saurait résister à sa taille monstrueuse ; il porte alors, en détruisant tous les animaux, le ravage et la désolation dans les pays qu'il parcourt. Sous le règne de Claude, on trouva, au Vatican, dans l'estomac d'un boa tué, un enfant tout entier. [2,6] Il y a des loups en Italie, et ce qui les distingue des autres animaux de cette espèce, c'est que l'homme, s'ils l'ont vu les premiers, perd la voix, et que, prévenu par leur regard funeste, il ne peut, quoiqu'il en ait le désir, pousser un cri. C'est à dessein que j'omets bien des choses sur les loups mais, ce qui est fort remarquable, c'est que cet animal porte à la queue un très-petit poil qui a la vertu d'inspirer de l'amour, poil qu'il perd volontairement quand il craint d'être pris, et qui d'ailleurs n'a de vertu qu'autant qu'on l'arrache à l'animal vivant. L'accouplement des loups ne dure pas plus de douze jours dans toute l'année. Pressés par la faim, ils se nourrissent de terre. Pour ceux que l'on nomme cerviers, quand, après avoir jeûné longtemps. ils viennent à manger des viandes qu'ils se sont difficilement procurées, ils les oublient, si par hasard ils tournent la tête ; et, sans se soucier de la nourriture présente, ils vont chercher ailleurs de quoi satisfaire leur appétit. A cette espèce d'animaux appartiennent les lynx, dont l'urine se durcit en pierre précieuse, au dire de ceux qui ont le mieux étudié les pierres. Ce qui prouve que les lynx connaissent cette propriété de leur urine, c'est qu'ils la recouvrent aussitôt de terre, autant qu'ils le peuvent, dans l'intention, sans doute, dit Théophraste, de nous empêcher d'en faire usage. Cette pierre a la couleur du succin ; comme lui elle attire les objets placés à une petite distance, elle calme les douleurs des reins, guérit la jaunisse ; les Grecs l'appellent lyngurium. Les cigales sont muettes dans le territoire de Regium et là seulement : ce qui doit étonner, car leurs voisines de la campagne de Locres se font entendre plus que toutes les autres. Granius en donne la raison : comme elles troublaient en ces lieux le sommeil d'Hercule, le dieu leur ordonna de se taire, et depuis ce temps elles gardent le silence. [2,7] La mer de Ligurie produit des arbrisseaux, dont la tige est molle tant qu'ils restent sous l'eau, et qui présentent au tact comme une chair épaisse ; dès qu'ils sortent de l'eau, dégagés du fond pierreux où ils ont pris naissance, leurs baies deviennent des pierres. Ce n'est pas seulement leur nature qui change, c'est aussi leur couleur : car aussitôt elles deviennent d'un rouge éclatant. Les branches de ces arbrisseaux, d'après nos observations, sont le plus souvent d'un demi-pied de longueur, rarement d'un pied. On en tire divers objets que l'on porte sur soi ; car, selon Zoroastre, cet arbrisseau a beaucoup de vertu : aussi tout ce qui en vient est-il regardé comme spécifique; quelques-uns le nomment corail ; Métrodore l'appelle gorgia. Cet auteur assure qu'iI résiste aux typhons et aux foudres. [2,8] On extrait dans une partie de la Lucanie une pierre d'un aspect si agréable, que les étoiles que l'on y remarque ont peu d'éclat, mais reflètent au demi-jour une couleur de safran. Comme c'est près des Syrtes que l'on a découvert cette pierre, on l'appelle syrtite. Il y a aussi la véientane, ainsi appelée du lieu où elle se trouve. Elle est noire ; mais pour le plaisir de la variété elle est bordée de lignes blanches. [2,9] Une île, en regard de l'Apulie, remarquable par le tombeau et le temple de Diomède, nourrit seule les oiseaux de Diomède : ce n'est qu'en ce pays que l'on rencontre des oiseaux de cette espèce ; et cela seul serait à remarquer, s'ils n'offraient d'ailleurs d'autres particularités qu'il ne faut pas négliger. Ils ont à peu près la forme des foulques, le plumage blanc, les yeux couleur de feu ; ils ont des dents ; ils volent en troupe, et avec ordre : ils sont dirigés par deux chefs, dont l'un précède et l'autre ferme la marche, le premier pour conduire au but, l'autre pour hâter la lenteur du vol. Voilà l'ordre suivi dans leurs excursions. Quand vient le temps de faire leurs nids, ils creusent avec le bec des trous; puis, en superposant de petites branches, ils font une espèce de claie dont ils recouvrent la cavité qu'ils ont pratiquée, et, pour que rien ne manque à cette construction, si le vent venait à enlever quelques morceaux de bois, ils étendent sur cette claie la terre tirée des trous qu'ils ont faits. Ils ont à leurs nids deux ouvertures, et ce n'est pas un pur effet du hasard, c'est pour que leur sortie ou leur entrée ait lieu par des points donnés du ciel. L'ouverture par laquelle ils sortent pour chercher leur nourriture est vers l'orient; celle par laquelle ils rentrent est à l'occident. Si donc la lumière hâte le départ, elle éclaire aussi le retour. Pour se débarrasser le ventre, ils volent contre le vent, et leurs déjections sont ainsi emportées au loin. Ils savent reconnaître les étrangers qui abordent dans l'île : ils s'approchent davantage des Grecs, et, autant qu'on peut en juger, pour donner un plus grand témoignage d'affection à un compatriote ; si ce sont des hommes d'une autre nation, ils fondent sur eux et les attaquent. Chaque jour ils consacrent de cette manière le temple de Diomède : ils chargent d'eau leurs plumes, et quand elles sont fort trempées, ils se rassemblent, secouent cette sorte de rosée, purifient ainsi le lieu saint, font ensuite entendre un battement d'ailes, et se retirent, comme après l'accomplissement d'une cérémonie. Aussi croit-on que ce sont les compagnons de Diomède changés en oiseaux. Ce qui est certain, c'est qu'avant l'arrivée du héros étolien, ils ne portaient pas le nom d'oiseaux de Diomède, et que depuis on les appelle ainsi. [2,10] L'Italie du côté des Liburnes, nation asiatique, s'étend jusqu'à la Dalmatie, bornée elle-même par l'Illyrie, et où habitent les Dardaniens, qui, descendus des Troyens, ont contracté des moeurs barbares. Du côté des Liguriens ils s'étendent jusqu'à la province Narbonaise, où les Phocéens, qu'éloigna autrefois l'arrivée des Perses, ont fondé la ville de Marseille vers la quarante-cinquième olympiade. C. Marius, pendant la guerre contre les Cimbres, fit creuser des canaux pour donner accès à la mer, et rendre moins dangereux pour la navigation le cours impétueux du Rhône, fleuve qui, se précipitant des Alpes, roule d'abord ses eaux dans l'Helvétie, entraînant dans sa course d'autres fleuves, et devient, grâce à ses accroissements, plus orageux que la mer dans laquelle il se jette ; à cette différence près, que ce sont les vents qui agitent la mer, et que le Rhône est agité, même par un temps calme. Aussi le compte-t-on parmi les trois plus grands fleures de l'Europe. C'est là que se trouvait le lieu appelé Aquae Sextiliae, où le consul tint autrefois ses quartiers d'hiver, et qui depuis devint une ville. La vive chaleur des eaux de ce lieu s'est affaiblie par le temps, et n'est plus digne de son ancienne renommée. Si nous nous reportons à la Grèce, le rivage de Tarente attire nos regards. C'est là que du promontoire nommé Acra lapygia se trouve le plus court trajet pour l'Achaïe.